1 Cet article est précédemment paru dans le no 149-150 (2009) de la revue Les Études sociales intitulé « Le Play et le monde catholique ». Nous remercions Matthieu Brejon de Lavergnée, éditeur de ce numéro thématique, ainsi qu’Antoine Savoye, directeur de la publication, de nous avoir autorisés à reprendre ce texte.
2 Rapports du jury international publiés sous la direction de Michel Chevalier, t. 1, Paris, 1868, p. 362.
3 Lefranc P., « Alfred Mame », Les Contemporains, 27 octobre 1895. Cet article s’inspire largement du père Étienne Cornut, « Alfred Mame », Études religieuses, historiques et littéraires, janvier-mars 1894. Selon Cornut, Alfred Mame aurait rêvé d’une immense usine près de Tours, une ville entière où seraient rassemblés tous les métiers du livre… tout en redoutant l’anonymat d’une trop grande cité industrielle.
4 « Constamment préoccupé de l’extension que peut prendre son établissement dans l’avenir, M. Alfred Mame fait l’acquisition d’un grand nombre d’immeubles contigus au lieu » (La maison Mame, 1833-1883, Tours, Mame, 1883). Cette notice historique est publiée à l’occasion du double cinquantenaire de M. Alfred Mame, chef de maison le 1er janvier 1833 et marié le 8 janvier de la même année.
5 La Maison Mame. Le passé, le présent, l’œuvre, Tours, Mame, s. d. (1878).
6 ADIL, 3 E 2/1126.
7 A. Quantin, ancien imprimeur, dans Alfred Mame 1811-1893 (ADIL, 91 J 6).
8 « Le 10 juillet 1865, il m’avait annoncé comme un événement, l’adhésion de M. Alfred Mame […] le plus désintéressé et le plus puissant des concours qui pût satisfaire ses vœux, en assurant la propagation de ses livres » (Ribbe C. de, Le Play d’après sa correspondance, p. 140-141).
9 Ibid.
10 Les directeurs, contremaîtres, chefs d’ateliers sont quant à eux logés dans la rue de la Guerche qui borde l’imprimerie, dans des « logements confortables en façade », La Maison Mame, 1833-1883, op. cit. Après un premier achat en 1846 pour l’imprimerie, cinq acquisitions ont lieu en 1875, 1876 et 1877, c’est-à-dire postérieurement à la cité ouvrière.
11 Article signé E. Viollet-le-Duc sur les maisons à bon marché en Angleterre, dans la Gazette des architectes et du bâtiment, 1872, p. 141 sqq.
12 « Visite à l’Exposition universelle de 1867 », dans les Nouvelles Annales de la construction, t. 13, juin 1867, p. 82, autre revue conservée aux archives municipales de Tours et qui dut servir de référence aux services de la ville. Octave Chauveau, architecte-voyer de Tours pendant des années, et beau-frère d’Alfred Mame, construit pour ce dernier rue de la Guerche. Dans les Nouvelles Annales de la construction de 1868, un vieux marque-page de Chauveau (p. 69) marque un article sur les maisons économiques de Berlin. Nombre de projets ou d’articles traduits viennent d’Allemagne.
13 AM Tours 1 O, autorisation de voirie, f° 91 et 136 v°.
14 AM Tours, M. Belle, PV de la séance du 2 mars 1870 ; AMT, 1 D 67, 22e reg., 288.
15 Ibid.
16 Il n’apparaît dans l’Annuaire du département qu’en 1866-1867 et fonde successivement : la société Louis Racine, Tours en 1866 pour la construction d’un « cirque théâtral » à Angers (6 U 247/56) ; la société Racine, Voisin et Cie, le Nouveau Théâtre Renaissance, exploitant de salle de spectacle, à Tours en 1883 (4 U 22/144) qui devient Société anonyme du Théâtre de Tours, comme gérant d’immeubles, à Tours en 1885-1931 (4 U 24/102). Hôtel de ville, projet non retenu de Racine (AMT, 1 M). Dans un rapport de police du 21 janvier 1888, le commissaire note que ce sont toujours « les habitués » qui assistent à « la messe de Louis XVI », et notamment Mame frères et Racine, architecte (1 M 203). En 1893, il préside la société des architectes de Touraine (AM Tours, 42.10, fonds Gaulthier).
17 AM Tours, 1 O, autorisation de voirie du 29 mai 1873.
18 Une autorisation d’enduire sur une longueur de 35 mètres le mur de clôture des maisons sises rue de la Bourde est encore demandée le 14 juillet 1876, AM Tours, 1 O, autorisation de voirie.
19 Avec la création en 1906 de la Société immobilière Mame, la Cité Mame rejoindra les autres immeubles (AM Tours, 4 U 22/149).
20 M. Belle, PV de la séance du 2 mars 1870 (AM Tours, 1 D 67, 22e reg., 288).
21 1870, plan-minute de la « rue Alfred Mame » signé Louis Guérin (AM Tours, 1 O, voies publiques, rue Jules Charpentier).
22 Très républicain, Jules Charpentier habita pendant près de vingt ans la rue Saint-Éloi ; il meurt le 27 avril 1892.
23 M. Belle, PV de la séance du 2 mars 1870 (AM Tours, 1 D 67, 22e reg., 288).
24 La Maison Mame. Le passé, le présent, l’œuvre, op. cit.
25 Ibid.
26 Une description détaillée en est donnée en 1906 (ADIL, 4 U 22/149) : Section E, parcelles no 979-986, 1013-1015 soit 30 ares, 23 centiares :
- un vaste corps de bâtiment ayant sa façade principale au levant sur la rue principale de la cité et aboutissant au midi sur la rue Jules-Charpentier et au nord sur la rue de la Bourde ; divisé en 25 habitations portant les no 1 à 25 ayant toutes un petit jardin au couchant entouré de murs (le numérotage part de la rue Jules-Charpentier) ;
- un second corps de bâtiment, comprenant 6 habitations (no 26 à 31), le numérotage va du couchant au levant ;
- un troisième corps de bâtiment : 14 habitations (no 32 à 45) ;
- un quatrième corps de bâtiment : 7 habitations (no 46 à 52) ;
- un cinquième corps de bâtiment partant de la rue Jules-Charpentier, 10 habitations (no 54 à 63). 62 habitations sont louées et portent 63 numéros car le no 53 n’est pas bâti.
27 Rapport de la commission d’économie sociale d’Indre-et-Loire pour l’exposition de 1889, Tours, Deslis, 1888, p. 23.
28 La Maison Mame, 1797-1932, Tours, Mame, 1932.
29 La maison ouvrière est d’une valeur de 2 000 F, la maison d’employé de 5 000 F. Voir Rapport… pour l’exposition de 1889, op. cit., p. 25.
30 Ibid.
31 La Maison Mame 1796-1893, Les Noces de diamant de M. et de Mme Alfred Mame – Notice sur le travail et les institutions patronales, Tours, Mame, 1893, p. 5.
32 Une autre cité de la maison Mame, beaucoup moins connue, a également été bâtie, cette fois-ci dans une vraie campagne. Une petite ville, au sud du département, est tracée au bord de la Creuse pour le logement des ouvriers de la papeterie. La cité de La Haye-Descartes, bien moins originale, est une cité-rue très classique. Elle présente cependant un double intérêt : tout d’abord, c’est une cité complète, avec hiérarchie de maisons, école, église sur l’ancien moulin, puits artésien, lavoirs, bains chauds… Une grande et précise description en est donnée en 1888 dans le Rapport… pour l’exposition de 1889, op. cit. : 110 maisons ouvrières et 10 maisons d’employés ont déjà été construites, le long de la rue Mame (1880) et de ce qui deviendra la rue de Ravignan en 1890. Pauline Mame, petite-fille d’Alfred, a épousé le baron Gustave de Ravignan et tous deux habitent Balesmes. Deuxième intérêt, c’est une cité « modernisée » dès 1922.
33 Dans l’opuscule La Maison Mame, op. cit. [1893], p. 15, un certain nombre d’ouvriers du bâtiment (maçons, plombiers, serruriers…) et le jardinier Martin signent les remerciements à Alfred Mame.
34 La convention est verbale, sous-seing privé ou par contrat, selon la qualité des locataires (ADIL, 4 U 22/149).
35 La maison Mame, op. cit., 1893, p. 23 sqq. En revanche, dans la cité de La Haye-Descartes, pour les seuls employés semble-t-il, les maisons sont cédées gratuitement « en procédant par ordre d’ancienneté ». L’absence de loyer est considérée comme une prime à l’ancienneté (rapport de 1888).
36 Maison A. Mame et fils (1796-1900) – Notice sur les institutions patronales, Tours, 1900, p. 5.
37 Luce-Milho, « Les retraites ouvrières », extrait du Messager d’Indre et Loire du 11 novembre 1902, Tours, E. Soudée, 1902, 11 p.
38 Grâce à une institution dénommée la « Dotation Mame » qui attribue également des secours en cas d’appel sous les drapeaux et pour les frais d’inhumation. Curieusement, les hommes sont exclus des soins gratuits.
39 La maison Mame, op. cit., 1878.
40 Lefranc P., « Alfred Mame », art. cit., p. 12.
41 Rapport de la commission départementale… pour l’Exposition universelle (ADIL, 8 M 86).
42 ADIL, 1 M 113.
43 Les chiffres donnés en 1893 ne comptabilisent malheureusement pas les enfants séparément : 250 hommes et enfants sont employés à l’imprimerie, 520 hommes, femmes et enfants travaillent dans les trois ateliers de reliure, 50 sont employés pour la vente et l’expédition, soit 820 employés, dans La Maison Mame, op. cit., 1893 (contre près de 1 000 ouvriers dix ans auparavant selon La Maison Mame…, op. cit., 1883). Les chiffres donnés en 1900 sont les suivants : imprimerie, « 140 hommes, 50 enfants et plus de 20 jeunes filles » ; pour la reliure, « 240 hommes et 250 femmes et enfants » ; vente et expédition, 50 employés ; soit un total de 750 personnes. Les chiffres diminuent (effet de la mécanisation ?) mais le personnel des ateliers de reliure est en augmentation.
44 L’institution pour les « jeunes filles malheureuses » est fondée en 1831 et soutenue par l’Œuvre de la Providence. Les sœurs reçoivent aussi des demandes de secours comme celle d’une veuve avec « un garçon de 18 ans, infirme de la main gauche, qui travaille chez M. Mame et gagne 2 F 25 par jour » (AM Tours, 2 Q, Œuvre des jeunes économes).
45 ADIL, 3 E 1025.
46 Lefranc P., « Alfred Mame », art. cit., p. 12.
47 ADIL, 3 E 1026. Cette somme de 100 000 francs avait été offerte par Alfred Mame « pour la libération du territoire » lors de l’occupation de la ville de Tours par les Prussiens. La somme non utilisée, « donation irrévocable » pour reprendre les mots de Mame, est alors donnée à la ville.
48 ADIL, 3 E 1026 et arrêté préfectoral du 12 avril 1883.
49 Mame-1898, Lille, Imprimerie de l’orphelinat Don Bosco, 1898, p. 76.
50 ADIL, B 299, 300-311, 4 U 22/149.
51 AM Tours, 2 Q, Pains d’apprentissage. En 1919, le legs ne permet plus d’aider que cinq ou six personnes qui reçoivent 4 kg de pain par semaine.
52 AM Tours, 2 Q, Pains d’apprentissage. En 1852, une Société de Saint-Vincent « patronne des apprentis » et la Société de Saint-Joseph qui a à peine un an d’existence place des ouvriers (AD 37, 9 M 13).
53 AM Tours, 1 D 68 (23e reg., 148), rapport de M. Anglada. La ville fait cession des droits de voirie et de terrain. Il n’est pas toujours très clair de discerner ce qui est spécifique aux œuvres de Mame. Dans ce même registre, il est fait mention de la Fondation Mame, peut-être à l’origine de la « Dotation Mame ». En 1878, la société de boulangerie coopérative rassemble 458 membres (AD 37, 1 M 123).
54 Souscription pour Tours : Alfred Mame comme Ernest Mame 200 F, Gouin 100 F, l’archevêque 500 F comme le comte Thibaudeau, le préfet 300 F. Puis Alfred Mame versera une somme de 10 200 F.
55 AM Tours, 2 Q, associations de bienfaisance. En 1872, elle se trouve toujours rue de la Guerche (AD 37, 1 M 19).
56 ADIL, 1 M 113. Le P. Cornut mentionne également une boucherie coopérative.
57 ADIL, 1 M 123.
58 ADIL, 8 M 88. La première société, dite Société de secours mutuels de la maison Mame date du 3 mars 1839 (1 M 19).
59 ADIL, 1 M 19. Les cercles catholiques d’ouvriers fondés en 1873 à Tours (4 M 308), où le fils d’Alfred Mame devait jouer un rôle important, prendront le relais. « Respectueux de la liberté de conscience de tout le personnel, MM. Mame ont néanmoins voulu montrer leur attachement à la religion catholique en favorisant le groupement d’ouvriers et d’enfants désireux de pratiquer en commun leurs devoirs religieux. Les membres de l’Association catholique du Livre trouvent, dans des bâtiments voisins de l’usine, un cercle et une bibliothèque. Le personnel dirigeant cette association est élu par les adhérents et choisi parmi eux » (Maison A. Mame et fils, 1796-1900…, op. cit., p. 10). Voir dans le fonds Gauthier (AM Tours, 42.10) des menus de banquet de l’Association catholique du livre (10 mai 1896 et 23 mai 1897).
60 ADIL, 8 M 88 : 178 inscrits en 1899. Les statuts seront modifiés à plusieurs reprises (1904, 1909, 1912), notamment en 1904. L’âge de la retraite peut être abaissé à 59 ans, assurances invalidité et incapacité de travail sont également mises en place (ADIL, 4 X 9).
61 ADIL, 4 X 9, avec un joli cachet. Une autre société, Société de secours mutuels des relieurs, papetiers et cartonniers réunis de la ville de Tours, n’ayant jamais réussi à réunir suffisamment de monde, se dissout le 20 janvier 1878 (AD 37, 1 M 123).
62 ADIL, 4 X 6.
63 Luce-Milho, « Les retraites ouvrières », art. cit.
64 « Je n’oublie pas le personnel et les œuvres auxquelles je porte intérêt – pas plus que mes ouvriers qui ont toujours été l’objet de ma sollicitude – j’espère bien pouvoir réaliser de mon vivant les dispositions que j’ai arrêtées à leur égard, et si la mort ne m’en laissait pas le temps, mon fils Paul qui connaît bien mes intentions, saura y pourvoir », testament du 5 février 1892 (ADIL, 3 E 2/1123).
65 ADIL, 8 M 88, Rapport… pour l’exposition de 1889, op. cit., p. 5 sqq.
66 Mais aussi La Haye-Descartes : « Des cités et écoles semblables ont été créées sur les mêmes bases dans les papeteries de La Haye-Descartes, qui appartiennent à MM. Mame et emploient un personnel considérable, et il ne semble pas exagéré de dire que le nombre des hommes, femmes et enfants qui profitent des bienfaits de ces œuvres de toutes sortes, dans ces deux établissements, pourrait être fixé à 5 000 personnes » (La Maison Mame, op. cit., 1893).
67 Pour une mise en perspective, voir Frey J.-P., Le Rôle social du patronat. Du paternalisme à l’urbanisme, Paris, L’Harmattan, 1995.