Chapitre VI. La guerre de course sous Louis XV
p. 151-172
Texte intégral
La guerre de Succession d’Autriche (1744-1748)
1La guerre éclate après une période de paix longue de trente années, propice à l’essor du commerce colonial et de la pêche. Pendant ces trois décennies, Granville connaît une très forte croissance, qui la place en tête des armements terre-neuviers devant Saint-Malo et en situation nettement plus favorable pour engager des armements en guerre :
« Ce fut dans la guerre maritime de 1744 que le commerce de la ville, par des corsaires de vingt-quatre, trente-six et quarante canons, déploya plus de forces positives contre l’ennemi. Sa pêche armée des années précédentes lui en avait grandement donné les moyens. À beaucoup d’égards, il se trouvait en mesure et en état d’agir dès l’ouverture des hostilités. Aussi la course fut-elle glorieuse et brillante1. »
2Cependant en 1744, les Granvillais nourrissent quelques inquiétudes. La rancœur s’est d’abord emparée d’eux, lorsque le traité d’Utrecht de 1713 les a obligés à réduire et à déplacer leurs zones de pêche sédentaire à Terre-Neuve2. Puis la colère s’est jointe au ressentiment. Le Comte de Torigni (100 tx) n’a-t-il pas été attaqué par les Anglais, en 1742 ? Son capitaine, Nicolas Louvel, y a trouvé la mort. Le Président de Pontcarré (200 tx, armé de 24 canons) n’a-t-il pas aussi été attaqué ? Son second, Fleury Ganne, y a été tué en août 1742 et son capitaine, Gabriel Billard, en février 1743, lors d’une seconde agression. Toutes ces attaques, alors que la guerre n’est officiellement déclarée que le 15 mars 1744, exaspèrent les terre-neuviers granvillais et malouins au plus haut point. Le comble est atteint, durant l’automne 1744, lorsque les Anglais capturent 29 des 69 morutiers que les armateurs granvillais avaient envoyés à Terre-Neuve avant la déclaration de guerre et qui s’en revenaient après celle-ci. Granville avait pourtant demandé pour eux, dès le 4 avril 1744, la protection de quelques frégates royales3. En vain ! La perte en navires et en hommes semble énorme : le port perd ainsi le tiers environ de sa flotte et les cargaisons de morues, tandis que 782 hommes d’équipage sont emmenés dans les prisons anglaises. Parmi eux figurent des capitaines et des hommes qui auraient pu se distinguer comme corsaires.
3Le port normand réagit vigoureusement. Pendant que les armateurs s’organisent pour armer en course4, certains morutiers, armés en guerre et marchandise, attaquent déjà et capturent les navires anglais qu’ils rencontrent. Le Saint-Joseph, commandé par Mathieu Delarue, et la Louise, commandée par Pierre de la Houssaye, s’y emploient activement :
« tous deux armés en guerre et marchandises, en vertu de nos commissions, et destinés pour aller faire la pêche de la morue sur le banc de Terre-Neuve, desquels rapports il résulte que le 28 mai ils eurent connaissance d’un navire anglais ; qu’ayant viré de bord, ils s’en rendirent maitres après lui avoir tiré un coup de canon, qu’ils reconnurent que ce bâtiment était de la portée d’environ 120 tonneaux et qu’il n’avait aucune chose que son lest et des vivres pour 10 hommes5 ».
4Ils n’en restent pas là. Le 6 juin 1744, ils recommencent tous les deux en capturant le François et Élisabeth6. L’exemple est-il convaincant aux yeux d’autres navires français se trouvant aux alentours ? Peut-être, puisque le 16 et le 29 octobre, ils réussissent deux autres captures en compagnie de trois autres navires armés en guerre et marchandise. L’un, le Jean François, commandé par Nicolas Fougeray, est de Granville ; il se trouvait déjà à proximité des deux preneurs, le 6 juin. Les deux autres sont de Saint-Malo : le Saint-Luc, commandé par le sieur Desaurain, et la Valeur, commandée par le sieur Galiot. Les navires anglais pris s’appellent l’Alexandre et Anne7 et la Constance de Sallé8. Ils ne sont pas les seuls à attaquer. Tandis que le Juste s’empare du Succès et le Pierre de Grâce de la Luzitania en mai9, le Tourneur, commandé par Thomas Hamel, sieur de Grandpré, s’empare du Petit Mark, de la Penelope et du Prince d’Orange en se rendant à l’île Royale10, puis de la Suzanne et de la Madera en juin11. Le Charles Marie, le Marquis des Baux et le Jacques Geneviève agissent de même. De retour au port, cette envie d’en découdre avec les Anglais se manifeste fermement. Les trois capitaines granvillais, Mathieu de la Rue, Pierre de la Houssaye et Nicolas Fougeray prendront par la suite le commandement de navires importants, armés désormais uniquement en guerre. En attendant, les armateurs transforment d’abord des morutiers en corsaires, comme le Comte de Thorigny devenu le Charles Grenot, monté de 18 canons, ou la Françoise du Lac. Puis les plus audacieux d’entre eux décident la construction de navires spécialement conçus pour la course.
5L’un d’entre eux, Eustache Le Pestour, sieur de la Garande, tente une autre démarche, en se souvenant certainement de l’expérience de Beaubriand-Lévesque : il espère obtenir du secrétariat d’État à la marine l’autorisation d’armer en course deux frégates du Roi. Il la reçoit dans une lettre datée du 1er décembre 1744 :
« Comme il n’y a dans les ports aucunes frégates qui ne soient [pas déjà] armées, l’on ne peut vous en donner que de celles qui sont encore à la mer que l’on doit désarmer à leur retour, et comme d’ailleurs il paraît que vous comptez faire partir à la fin du mois prochain les deux frégates dont il est question, il ne sera pas possible de vous en procurer d’autres que la Parfaite de 46 canons et la Panthère de 20 qui doivent désarmer à Brest dans le courant de ce mois-ci12. »
6Liberté lui est cependant laissée, s’il va à Brest pour passer le traité de cet armement, de préférer la frégate l’Argonaute à la Parfaite, si elle lui semble en meilleur état. À vrai dire, le Granvillais projette d’armer ces deux frégates pour convoyer les trois bâtiments qu’il veut envoyer à l’île Royale (l’Heureux de 20 canons, la Pénélope de 30 et le Tourneur de 28), mais aussi pour pouvoir ensuite pratiquer efficacement une guerre de course sur les côtes de Terre-Neuve avec ces cinq bâtiments. L’idée plaît au secrétaire d’État, le comte de Maurepas : elle
« m’a paru fort avantageuse, et je me déterminerai avec plaisir à vous procurer des vaisseaux du Roi, au cinquième des prises et aux autres conditions des traités qui ont été faites pour les frégates qui ont été accordées pour la course. Mais toutes les frégates du Roi étant employées actuellement à l’exception de la Parfaite et de l’Argonaute, chacune de 46 canons, qui sont à Brest, il ne sera pas possible de vous en donner d’autres13 ».
7Il le prévient aussi qu’il devra peut-être radouber ces deux frégates pour les remettre en état, auquel cas, il devra faire l’avance des frais dont il pourra ensuite être remboursé sur le cinquième des prises revenant au roi. Au cas où ce délai déterminerait l’armateur granvillais à annuler l’armement de ces frégates, il lui propose même d’utiliser le vaisseau de 50 canons, le Ruby, se trouvant à Rochefort, lequel est en état d’être immédiatement armé. Dans les deux cas, il lui laisse le soin de choisir les capitaines. Au bout du compte, Eugène Le Pestour, sieur de la Garande, préfère les deux frégates au vaisseau ; elles se joignent à ses morutiers. Selon sa volonté, l’ensemble sera armé à Brest. La suite du projet paraît difficile à suivre. Toujours est-il que l’Argonaute, commandé par le Granvillais Pierre Tilly Le Pelley14, et la Parfaite, commandée par un certain Duvivier, appareillent le 16 juillet 1745 avec les vaisseaux du Roi, le Mars et le Saint-Michel. L’ensemble part en formant une escadre, placée sous le commandement général d’Antoine Alexis Perrier de Salvert, à destination de l’île Royale pour secourir Louisbourg, assiégée par les Anglais15. Le Tourneur, armé en guerre et marchandise à Granville, le 22 mai, sous la conduite de Clair François Hamel, les rejoint16. Ils arrivent trop tard : Louisbourg a déjà capitulé, le 26 juin. Conformément à ce qui avait été prévu, ils restent quelque temps pour pratiquer la guerre de course. Ils s’emparent de quelques navires, comme l’Hercule (250 tx), armé de 16 canons et 16 pierriers, qui s’en revenait de Saint-Christophe avec un chargement de sucre, de coton, de cacao et de tafia17.
8Le premier corsaire stricto sensu à sortir du port s’appelle la Françoise du Lac, une goélette de 30 tx. Sa courte campagne se révèle décevante, puisqu’elle ne réussit aucune prise et qu’elle est rapidement capturée, malgré la vaillance de son équipage dont fait partie un lieutenant de dix-huit ans, Georges-René Pléville Le Pelley. C’est au cours de cette expédition que ce jeune Granvillais a la jambe droite emportée par un boulet ramé qui « coupe » aussi un autre officier en deux. Cette mésaventure, si impressionnante, n’avait rien d’insolite. La lecture des archives nous enseigne que cela survenait assez souvent lorsque les navires échangeaient de nombreux coups de canons. La Souctière-Lévesque et Dry de la Turbotière eurent, eux aussi, une jambe emportée dans les guerres précédentes.
9Pléville Le Pelley écrit dans ses mémoires qu’il était déjà blessé au bras gauche par une mitraille et à la jambe gauche par une balle de fusil lorsque le boulet emporta sa jambe droite.
« Après le quart d’heure de pillage, le calme permit au chirurgien de penser à m’opérer. Faute de tourniquet, il me plaça un ruban de fil autour de la cuisse et le tordit avec la spatule qu’il me donna à tenir et prit le couteau courbe. La scie fut employée. Cet homme ne connaissait pas de périoste. L’opération fut cruelle : point d’aiguilles pour les sutures aux vaisseaux ; un Anglais lui en donna une. Enfin, après trois heures, l’opération fut finie. On me descendit et l’on me coucha sur des volets de canons. La fièvre s’empara de moi. Je fus altéré. J’en faisais le signe aux Anglais qui me donnaient alternativement pour tisane, punch, flip, en sorte que je fus presque toujours ivre pendant onze jours que nous fûmes à nous rendre en Angleterre, pendant lesquels je roulais avec mon matelas de tribord à bâbord dans les forts roulis18. »
10Notons qu’à vingt ans et à trente-trois ans, la jambe de bois, qu’on lui avait confectionnée, fut de nouveau emportée par des boulets de canon, ce qui montre la chance dont il bénéficia.
11Un autre officier valeureux vit une histoire encore plus terrible, Mathieu Delarue, capitaine du Thamas Koulikan de 100 tx en 1747. Au cours d’un violent combat livré contre un vaisseau anglais plus puissant, il a le visage broyé par un boulet qui lui arrache la mâchoire et lui crève les yeux, tandis que son second, Jacques Mulot (son beau-frère), perd ses deux bras. Aveugle et muet, nourri à l’aide d’un entonnoir, Mathieu Delarue vivra encore vingt ans grâce à une demi-solde, prélevée sur la caisse des Invalides, qu’il reçoit en récompense19. On l’appelle dès lors « Face d’Argent », en raison du masque de ce métal qu’il porte désormais pour cacher sa cruelle difformité.
12L’activité corsaire de ce conflit ne saurait toutefois se résumer à ces histoires douloureuses. Les actions d’éclat furent telles, qu’elles portèrent Bourde de la Rogerie – qui dressait l’inventaire des archives des amirautés de Bretagne – à écrire :
« Les corsaires les plus audacieux et les plus heureux furent ceux de Granville : ce port qui pendant les guerres précédentes avait envoyé très peu de navires croiser le long des côtes bretonnes parvint au milieu du XVIIIe siècle à une grande prospérité : les armateurs Augrain, Boisnard, Teurterie des Cerisiers, Lucas des Aulnays, Quinette de la Hogue et Couraye du Parc furent en mesure d’équiper des corsaires beaucoup plus forts et mieux armés que ceux de la plupart des autres ports20. »
13Le plus dynamique d’entre ces hommes est incontestablement Léonor Couraye, sieur du Parc, un armateur de 25 ans, qui prend les affaires de sa mère en main pour armer successivement trois navires en course, les Grenot21. Malgré leurs naufrages, ses trois navires accomplissent quatre campagnes victorieuses se soldant toujours par des gains conséquents. Il constitue une sorte de modèle pour d’autres Granvillais qui n’hésitent pas à suivre son exemple, avec toutefois plus ou moins de bonheur. Son aventure corsaire, il la commence avec le Charles Grenot, une frégate morutière de 100 tx reconvertie dans la course, équipée de 18 canons et de 116 hommes, placée sous le commandement de Jacques Clément, sieur Desnos. Il appareille, le 16 juillet 1744. Quelques jours plus tard, naviguant le long des côtes sud de l’Angleterre, le Charles Grenot capture la Marie (environ 120 tx) de Portsmouth, qui revient d’Antigua, chargé de 210 barriques de sucre brun, 60 de tafia, 12 balles de coton et du bois de gaïac à destination de Londres. La frégate réussit à conduire sa prise à Granville malgré l’attaque de deux corsaires anglais, puis de deux autres jersiais qui se tenaient en embuscade à Chausey. La vente de la Marie, trois mois plus tard rapporte un produit net de 62 274 livres, 7 sols et 5 deniers. Le Charles Grenot reprend rapidement la mer, pour se remettre en chasse, d’abord en compagnie du corsaire malouin, le Malo. Ensemble, ils capturent la Providence de Bristol, chargée de victuailles et de quincaillerie, menée à Saint-Malo. Plus tard, il s’empare seul de l’Experiment de Newcastle (100 tx, 129 hommes d’équipage) portant du charbon de bois vers Bristol22. Lors de sa conduite à Saint-Malo, un des six matelots français mis à son bord, est emporté par la mer lors d’une tempête. Puis, après un combat dans lequel un Anglais est tué, il prend la Sainte-Marie de Londres (150 tx) – qui revient de Jamaïque chargée de tabac, de sucre, de rhum, de tafia, de café, de coton, de gingembre et autres denrées – qu’il conduit à Morlaix23. Le revenu net de la prise atteint 130 400 livres, 15 sols et 7 deniers. Cette première campagne, qui dure de juillet à décembre 1744, s’avère largement bénéficiaire : si elle a coûté 41 737 livres à son armateur, la vente des quatre prises produit en tout 198 254 livres 17 sols 11 deniers, soit près de cinq fois la mise24. La deuxième campagne, commencée le 11 février 1745, offre presque autant de satisfactions. Le corsaire ne réussit qu’une seule prise, mais elle est d’importance. Il s’agit de la Dame Élisabeth, un vaisseau anglais de 160 tx qui revient de Jamaïque chargé d’indigo, de quinquina, de « dents d’éléphants », de rhum, de vin et de 1 310 onces de poudre d’or25. Avant d’être pris par le Charles Grenot, la Dame Élisabeth jette à l’eau un de ses huit petits canons auquel sont attachés des paquets pour le gouvernement britannique ainsi que plus de 7 000 lettres pour ses ministres26. Ce courrier devant rester absolument secret, l’instruction de s’en débarrasser irrémédiablement lui avait certainement été donnée, au cas où il se verrait capturé. Cette belle prise est rapidement conduite à Morlaix par le Charles Grenot lui-même afin d’éviter une éventuelle reprise par les Anglais. Quelques jours après avoir repris la mer, surpris par la tempête, il fait naufrage à l’île de Batz, le 19 mars 1745. Malgré cette fin tragique, cette deuxième course est encore bénéficiaire, puisque ayant coûté 43 167 livres, 17 sols et 9 sols, elle produit 150 535 livres 2 sols et 3 deniers, grâce à cette prise unique, soit trois fois et demie la mise27.
14Nullement découragé, fort de ses gains et de son expérience désormais reconnue, Léonor Couraye du Parc n’a aucun mal à convaincre les sociétaires d’armer un second corsaire, neuf cette fois : le Grand Grenot, une frégate de 300 tx, conçue et bâtie pour la course en 1745. Les formes auraient été dessinées par M. de la Cité-Roce, un voilier réputé de Saint-Malo, qui avait conçu le corsaire malouin les Deux Couronnes28. La construction est rapide puisque, décidée à la suite du naufrage du Charles Grenot (le 19 mars), le lancement du Grand Grenot a lieu le premier dimanche d’octobre 1745, soit sept mois plus tard seulement ! La taille supérieure du bâtiment par rapport au premier expliquerait le nom de Grand Grenot. Manquant de canons, le corsaire reste longtemps dans le havre de Granville29. Couraye du Parc a beau multiplier les démarches pendant plusieurs mois, il n’en trouve pas de calibre convenable. Finalement, il lui faut en acheter 22 à Angoulême – important bassin de forges – qu’il fait amener à Rochefort, puis de là jusqu’à Nantes par bateau, puis à Saint-Malo par voiture. Au total, 40 canons sont disposés à bord. Il appareille de Granville, le 25 février 1746, pour aller chercher son artillerie à Saint-Malo, qu’il quitte le 3 mars 1746. En mer, le Grand Grenot se révèle excellent « marcheur », commandé par Michel Clément, beau-frère de l’armateur. Il s’enfuit aisément devant les vaisseaux de guerre anglais de 70 canons qui le prennent en chasse et les prises se multiplient. La réputation du corsaire grandit alors de jour en jour, au point de faire naître des légendes30. Lorsqu’il revient à Granville le 17 juin 1746, le bilan est très largement positif. La course a coûté 193 374 livres 7 sols 11 deniers, mais elle a rapporté 823 566 livres 15 sols, soit plus de quatre fois la mise31. Il ressort de Granville, le 5 juillet 1746, alors qu’on envisage de reprendre une course. Il est surpris par un calme inattendu, dès sa sortie, après avoir doublé la jetée. Encalminé, poussé par le courant, il vient se jeter sur les Moulières, des rochers situés à l’entrée du port, d’où l’on ne peut le dégager. Une tempête le brise alors, le 16 juillet.
15Léonor Couraye du Parc ne peut rester sur ce malheur, surtout après trois campagnes largement bénéficiaires. Le sens des affaires l’incite à renouveler pareille entreprise. Reprenant les plans du Grand Grenot, il fait construire, en 1747, une nouvelle frégate de 390 tx, plus grande encore que la précédente ; il l’appelle l’Aimable Grenot et l’arme des 40 canons récupérés sur l’épave du Grand Grenot. Le corsaire, commandé par Pierre La Houssaye, sort du port de Granville, le dimanche 19 mars 1747, soit huit mois seulement après le malencontreux naufrage de son précédent bâtiment. Ce même jour, naviguant à la pointe de Pontusval (Nord-Finistère), l’Aimable Grenot rencontre cinq vaisseaux de guerre anglais qui le poursuivent jusqu’en vue de Guernesey. Aussi bon marcheur que son prédécesseur, il réussit à leur échapper en jetant à la mer quatre canons du gaillard d’avant, une ancre et deux mâts de rechange, ce qui lui permet de distancer son poursuivant après cinq heures de chasse32. Par la suite, il multiplie également les prises. Puissant et rapide, il n’hésite pas à braver le danger, en attaquant des convois et des corsaires. Le 6 avril 1747,
« sur les 11 heures du matin, par la latitude de 50 degrés, et par la longitude de 10 degrés, il fit rencontre de deux navires anglais auxquels il donna chasse et livra combat aussitôt à celui des deux qui paraissait le plus fort, lequel combat dura environ une heure. Après que ledit grand navire anglais, qui se nomme Blandfort, corsaire de Bristol, eut donné trois bordées de bâbord au navire du comparant, il prit le parti de prendre la fuite, n’ayant essuyé qu’une seule bordée de tribord du navire français. D’abord le comparant accosta l’autre navire qui était avec ledit corsaire anglais et sauta à son bord sans aucune résistance avec douze hommes de son équipage. Les gens du navire pris déclarèrent au comparant qu’ils étaient de Saint-Jean-de-Luz, que leur navire se nommait le Comte de Noailles, corsaire dudit Saint-Jean-de-Luz, et qu’ils avaient été pris par le corsaire qui venait de fuir, le 29e dudit mois de mars. Après que le comparant eut fait amariner cette reprise33, le commandement lui fut donné par le capitaine de l’Aimable Grenot, pour la conduire au premier Port de France34 ».
16Non loin de là, navigue un gros corsaire malouin, les Deux Couronnes (450 tx). Le rapport de son capitaine, Jacques Blondel, livre des informations complémentaires sur cette action :
« Il aperçut à 6 heures du matin trois navires sous le vent à lui, vers lesquels il fit voile ; à mesure qu’il s’en approchait, il les reconnaissait de mieux en mieux pour être des frégates, et qu’il y en avait presque d’égale grandeur à la frégate du comparant. Ce dernier continua de leur donner chasse sans les connaître ; il rangea le plus grand des dits trois navires, lequel lui répondit être le Grand Grenot35 de Granville, qu’il venait de prendre un corsaire bayonnais, et que le troisième qui prenait la fuite, était un corsaire de Bristol. Le comparant fit voile aussitôt vers lui, et l’ayant joint sur les 4 heures du soir, il le fît amariner après une demi-heure de combat dans l’ouest des Sorlingues, environ 12 lieues ; ce corsaire de Bristol se nomme le Blandford de 28 pièces de canons. En l’amarinant, le comparant perdit sa chaloupe sur le devant de la prise, avec trente Anglais ou environ et deux François, sans qu’il ait pu leur donner le moindre secours pour se sauver eu égard au mauvais temps36. »
17Ces quatre corsaires se montrent particulièrement agressifs. Le Comte de Noailles de 140 tx, avait été armé en course à Ciboure, près de Saint-Jean-de-Luz, sous le commandement de Michel de Molères. Sa campagne avait bien commencé, puisqu’il avait réalisé six prises37, mais, le 29 mars, il avait rencontré le Blandford38, qui l’avait capturé après un combat de deux heures et demie au cours duquel vingt-deux hommes avaient été tués et autant d’autres blessés39. Le corsaire anglais avait ensuite subi les assauts successifs de l’Aimable Grenot et des Deux Couronnes, déplorant à son tour la perte d’une trentaine d’hommes. Léonor Couraye du Parc achètera alors le Comte de Noailles, espérant trouver en lui un bâtiment digne de son ambition40. Il l’armera en course, en novembre 1747, sous le commandement de René Perrée Grandpièce41, mais il en sera déçu, puisque celui-ci ne réussira qu’une seule prise, avant d’être une nouvelle fois capturé par les Anglais, le 9 février 174842.
18Entre-temps, l’Aimable Grenot poursuit brillamment sa première campagne. Le 11 avril 1747, se trouvant près des Sorlingues, il aperçoit un convoi d’une cinquantaine de navires, escorté de deux vaisseaux de guerre. Il s’en approche par la ruse :
« Il vira de bord après les avoir considérés afin de courir après un navire qui était écarté du gros de la flotte d’environ deux lieues et que, l’ayant joint environ à neuf heures du soir, il le fit amariner et se saisit en même temps des signaux de ce dit navire ; qu’ayant fait observer pendant la nuit la route de la flotte et le jour étant venu, il aurait aperçu douze à quinze navires de la dite flotte, auxquels il fit les mêmes signaux qu’avait le navire ci-dessus, de façon que sous midi il en amarina quatre, qu’ensuite il donna chasse à vingt ou vingt-deux autres navires qui se trouvaient sous le vent à lui d’environ une lieue et demie, et qu’il aurait donné au dit déclarant le commandement d’une de ces quatre prises avec onze hommes de son équipage43… »
19Cette action fit encore grand bruit et accrut assurément la renommée des Grenot. Toutes ces prises n’arrivèrent cependant pas en France ; certaines furent reprises. À la fin de cette première campagne, Léonor Couraye du Parc pouvait encore être satisfait du bilan : l’armement avait coûté 107 957 livres, 8 sols, mais il lui revenait un bénéfice de 368 842 livres et 14 sols, soit un gain trois fois et demie supérieur à la mise44.
20L’Aimable Grenot fait naufrage, le 22 juillet 1747, dans le port de Granville. Lors de son carénage, il s’écrase sous son propre poids. Cette opération impressionnante est toujours délicate, car il s’agit d’incliner la masse imposante du navire sur son flanc et de le maintenir longtemps dans une certaine instabilité, susceptible de lui être fatale. Ce jour-là, l’accident redouté arrive. Il est heureusement remis en état pour une deuxième campagne. L’Aimable Grenot, qui était armé de 40 canons, semble n’en présenter désormais que 28. Apparemment, cet accident amène son armateur à « rebâtir » le navire. Sans doute a-t-il choisi de ne garder qu’une seule batterie de canons pour consolider la coque et alléger l’ensemble.
21La deuxième campagne s’avère aussi satisfaisante. Placé sous le commandement de Joseph François Hugon, sieur du Prey, il attaque seul, le 9 avril 1747, au sud de l’Irlande, trois vaisseaux hollandais de commerce qui naviguent de conserve : la Louise-Marguerite (400 tx, 20 canons de 6 livres de balle, 50 hommes d’équipage parmi lesquels plusieurs esclaves noirs), la Liberté (250 tx, 12 canons de 4 livres de balle, 24 hommes d’équipage) et la Vieille Maison, (tonnage non précisé avec 12 canons). Le capitaine Hugon leur commande de mettre en panne, mais il essuie un refus de la part de ses adversaires qui lui donnent, pour toute réponse, « une fanfare de trompette ». L’Aimable Grenot riposte à coups de fusils. Les Hollandais répondent en tirant une bordée. Des combats extrêmement violents s’enchainent aussitôt, puisque les adversaires sont très proches les uns des autres, presque vergue à vergue. Au bout de deux heures, le Granvillais prend l’avantage en coupant les manœuvres courantes et dormantes de ses adversaires, en mitraillant les voiles, en brisant des mâts et en blessant des hommes d’équipage. Il force ainsi deux vaisseaux à amener leurs pavillons, tandis que le troisième (la Vieille Maison) réussit à prendre la fuite. Le Grenot veut le poursuivre mais la crainte de perdre les deux premiers l’oblige à l’abandonner en lui lâchant une dernière bordée. Ayant amariné les deux vaisseaux capturés, le capitaine hollandais Lindebergh, blessé à l’épaule d’un coup de fusil, lui déclare que son navire, la Louise-Marguerite, appartient à la Compagnie des Indes hollandaises, qu’il vient du Surinam où il était allé porter 625 esclaves depuis la côte de Juda, en Afrique, et qu’il revient à Amsterdam en transportant du sucre du cacao, du café, des marchandises de valeur et des paquets de poudre d’or. La pesée, effectuée plus tard à terre par les autorités compétentes, évalue cet or à 106 marcs 5 onces 3 gros, soit un peu plus de 26 kg45. La cargaison de la Liberté, venant également du Surinam, consiste en sucre, cacao et café46. Cet intéressant rapport nous montre précisément comment un corsaire seul ose attaquer plusieurs vaisseaux de commerce, pourtant mieux armés que lui (28 canons contre 44). Il nous montre aussi la façon que ces vaisseaux, transportant de riches marchandises, ont de se protéger mutuellement en naviguant de conserve, et combien ils sont décidés à se défendre en cas d’agression. Par ailleurs, il relate de façon vivante et savoureuse comment, se rendant maître d’un de ces navires marchands, il trouve à son bord ce que tout bon corsaire rêve de trouver et qu’il ne trouve en réalité que très rarement : de l’or. Cette campagne avait coûté 120 083 livres, 19 sols et 7 deniers à son armateur ; elle lui rapporte 301 835 livres 8 sols et 4 deniers, soit deux fois et demi la mise47.
22Ce sont donc des navires particulièrement puissants qui sortent du port de Granville : le Grand Grenot de 300 tx avec 40 canons qui réussit onze prises en une seule campagne ; l’Aimable Grenot de 390 tx avec 40 canons qui réalise dix-sept prises en deux campagnes ; le Vigilant de 350 tx avec 30 canons ; la Revanche de 200 tx avec 34 canons ; le Coureur de 250 tx avec 24 canons ; le Conquérant de 160 tx avec 22 canons. Tous les corsaires ne sont pas aussi imposants. Certains d’entre eux jaugent beaucoup plus petit, comme le Passe-partout avec ses 3 misérables tonneaux bien insignifiants face aux 390 de l’Aimable Grenot. Entre ces deux tailles extrêmes, le Conquérant, d’une jauge moyenne de 160 tx, mène une brillante carrière, puisqu’il réussit à mener quatre campagnes, très certainement bénéficiaires, sans être lui-même capturé. Les exploits de ces navires de gros et moyen tonnage semblent difficiles à décrire ici, tant ils paraissent nombreux.
23En dépit de leurs multiples succès, ces bâtiments rencontrent des destins différents : certains finissent capturés, tandis que d’autres font naufrage, en affrontant la tempête, comme le Charles Grenot, ou en fuyant entre les rochers, comme la Nymphe. Ce dernier est une petite frégate de 85 tx. Armée en course le 3 juillet 1747 par François Boisnard, dit le jeune, avec 10 canons de quatre livres de balle, 16 pierriers, 60 fusils et 24 sabres pour un équipage de 100 personnes, elle sort du port sous le commandement de Nicolas Fougeray, revenu des prisons d’Angleterre48. En août, elle s’empare de trois navires, mais ceux-ci sont vite repris par les Anglais. Elle doit vite relâcher, car son capitaine est malade. Le 1er octobre, il est débarqué et remplacé par Julien Deshayes, tout juste revenu des prisons anglaises49. Reparti en mer, le corsaire rançonne un petit bâtiment anglais, s’empare de deux autres navires avant de relâcher une nouvelle fois, à Saint-Malo. Sorti du port, la veille au soir, il navigue le 16 novembre par le travers des Sept Iles50, lorsqu’il aperçoit trois vaisseaux de guerre anglais au large. Il faut les éviter ! Après avoir consulté l’équipage, le capitaine décide de faire confiance à Nicolas Le Cerclé, un pilote côtier granvillais qui assure connaître suffisamment bien la côte pour pouvoir mener sans risque la frégate à travers les rochers. L’on choisit donc de longer la côte, en laissant l’archipel sur son tribord, pour mettre les écueils entre les vaisseaux de guerre et le corsaire. Vers 19 heures, tandis que Julien Deshayes prend son repas, on lui annonce un navire en vue, sous le vent. Le capitaine s’inquiète de la situation auprès du pilote. « Reconnaissez-vous les rochers ? Prenez garde au danger avant de nous trop engager et si vous n’êtes pas sûr de nous en retirer, il vaut mieux aller mouiller sous Sainte-barbe51 ; ou même mouillons plutôt ici ; la mer est belle et il ne vente pas52. » Le pilote le rassure, car il connaît parfaitement l’endroit, et lui conseille de finir tranquillement son souper. Malheureusement, c’est marée descendante, et vers vingt heures, comme il descend l’escalier qui mène à sa chambre, le malheureux capitaine sent son navire toucher et monter soudainement sur un rocher53.
« À l’instant l’alarme est à bord. Tout le monde crie, Miséricorde. La plupart de l’équipage perd la tête et ne pense qu’au moment si proche d’une fin cruelle et d’une mort tragique. Un petit nombre seulement entend encore la voix du capitaine et exécute, mais comme des frénétiques, les ordres qu’il donne. La chaloupe est mise à la mer pour aller à terre chercher du secours, il n’y avait qu’un seul aviron. 30 ou 40 hommes s’y jetèrent à corps perdu, mais voyant que la chaloupe s’enfonçait sous eux, il n’y resta que 18 hommes, le surplus se rembarqua sur le navire. Aussitôt pour alléger le navire, on jette 6 canons et 8 pierriers à la mer, on coupe les cordages, on abat les mâts. Les uns travaillent à les relier avec les vergues pour en faire deux radeaux, les autres illuminent le navire pour le faire remarquer, pendant qu’on fait tirer de distance en distance une trentaine de coups de canons (seul reste de leur poudre) pour appeler du secours. Vers les 11 heures, le navire manquant d’eau, vint tout à coup à s’abattre sur tribord. Tout le monde se jette sur les radeaux ; le sieur Jacques Butaut second capitaine avec 11 hommes sur un, et le sieur Deshayes, lui 39e, sur l’autre et tous les animaux du bord, moutons, cochons et volaille à leur suite54. »
24C’est la panique. Le pilote reste à bord, à l’endroit le plus élevé du navire, mais voyant que l’eau le gagne, il saute à son tour dans l’eau et vient à la nage s’accrocher au bout d’une des vergues du radeau où se trouve le capitaine Deshayes, occupé à le délivrer des cordages qui le retiennent encore au navire. Les deux radeaux dérivent alors au gré des vents et des flots, puis se perdent de vue. Sur celui du capitaine, la situation devient désespérée :
« Chacun travaille à se tenir à l’objet qui le soutient ; il le saisit. Il l’embrasse et tantôt dessus et tant dessous, il reçoit à tout moment des abordages par les mouvements et le roulis des pièces dont étaient composés ces radeaux. Ils étaient tous dans l’eau debout jusques aux aisselles et sont restés dans cet état, roulant, plongeant et gelant de froid jusqu’à 5 heures et demie du matin, l’un criant miséricorde, l’autre demandant pardon à Dieu, un autre disant : Je n’en puis plus, je me meurs. Les forces lui manquent. Il quitte prise et disparaît sans qu’on puisse le sauver. Le sieur Blanche, neveu du capitaine, et huit autres de son radeau périrent de même, depuis une heure du matin jusqu’à 5. Sur les 5 heures et demie, arrivèrent deux bateaux de Primel, dépêchés par les 18 hommes du corsaire qui y avaient atterri ; ils sauvèrent le sieur Deshayes avec les 31 hommes qui lui étaient restés. À l’égard du radeau du second capitaine, on ne le vit point et il y a toute apparence que lui et ses 11 hommes ont péri. Ces deux bateaux menèrent donc le sieur Deshayes et son monde à la pointe de Primel où ils débarquèrent et d’où ils sont venus en cette ville, sans n’avoir pu rien sauver avec eux55. »
25L’on comprend donc que dix-huit hommes de la Nymphe ont réussi à gagner terre, autrement que sur les deux radeaux. Comment ? Le rapport ne donne aucune précision. Sur les 71 hommes qui composaient l’équipage au moment du naufrage, 21 d’entre eux y ont trouvé la mort.
26La paix revenue, c’est au tour des meilleurs bâtiments de subir le même sort, ceux-là mêmes qui avaient réussi à surmonter brillamment les aléas de la guerre : l’Aimable Grenot (390 tx) sombre en 1749, à la sortie du port de Saint-Malo, alors qu’il se rend à Cadix ; le Coureur (250 tx) coule en 1750, après avoir rompu ses amarres dans le port de Saint-Malo, lors d’une nuit de tempête ; la même année, le Vigilant (350 tx) s’abîme dans un coup de vent à Terre-Neuve. Disparaît ainsi la presque totalité des grands corsaires, pourtant jeunes, qui avaient suscité la fierté des Granvillais.
27Lorsque le traité d’Aix-la-Chapelle est signé en octobre 1748, bien des problèmes demeurent entre l’Angleterre et la France. À l’image des deux gouvernements, les relations restent mauvaises entre les pêcheurs granvillais et leurs homologues anglais. Chacun appréhende une nouvelle guerre. Elle reprend, en effet, sept ans plus tard. La trêve n’aura été que de courte durée.
La guerre de Sept Ans (1756-1763)
28Ce conflit représente peut-être celui qui suscite le plus de frustration pour Granville qui présentait pourtant, a priori, des avantages suffisants pour s’engager pleinement dans la guerre de course. Remis des troubles de la guerre, le port retrouve très vite son niveau d’avant-guerre dans la pêche terre-neuvière, dépassant encore Saint-Malo en nombre d’armements. L’émotion et l’indignation montent cependant brusquement, dès 1755, avec la rafle de Boscawen, ce terrible et vaste coup de filet opéré avec l’objectif de saigner à blanc le potentiel humain de la force navale française, avant même la déclaration de guerre. Consciente que la force de la Marine royale française vient en grande partie de la qualité de ses équipages, l’Angleterre décide de la priver de ses meilleurs matelots, puisqu’ils devront composer ensuite les équipages de la Marine royale française. Comme Terre-Neuve constitue une grande école de formation maritime, ils ont l’idée d’opérer une rafle sur les terre-neuviers. À eux deux, les amiraux Boscawen et Hawke s’emparent de 300 bâtiments français, et de 6 000 matelots et officiers qu’ils emmènent prisonniers sur les terribles pontons au sud de l’Angleterre pour plusieurs années56. Le refus de restituer ces navires et ces matelots à la France, formulé le 10 janvier 1756 par l’Angleterre, signifie le début de la guerre de Sept Ans. Granville perd ainsi 34 navires, d’une valeur de 773 000 livres selon les estimations des assurances, et 1 093 matelots, soit plus du dixième de l’ensemble des bâtiments français capturés et un sixième des matelots français emmenés de cette façon dans les prisons anglaises57.
29Ces trente-quatre navires représentent un bon tiers du parc naval granvillais. En effet, cette année-là, 92 morutiers étaient partis du port pour Terre-Neuve. De même, le nombre d’hommes emmenés prisonniers est impressionnant. En 1741, le nombre d’inscrits maritimes dans le quartier granvillais s’élevait à 2 556 hommes58. Il n’existe aucun dénombrement pour les années 1750. Cependant, si l’on considère l’essor du port, malgré les pertes subies pendant la guerre de Succession d’Autriche, on peut raisonnablement l’estimer dans une fourchette allant de 3 000 à 3 500 hommes. Ces 1 093 matelots représentent donc, là aussi, le tiers environ du potentiel humain du quartier. Cette perte handicape lourdement le port normand, à la veille d’une guerre inévitable, et ravive les rancœurs contre l’Angleterre. Les 34 navires capturés constituent des pertes sèches pour les armateurs qui éprouvent, par conséquent, des difficultés à réunir les capitaux suffisants pour construire de nouveaux bâtiments et les armer en course. Les gros corsaires du conflit précédent, qui auraient pu reprendre du service s’ils n’avaient pas naufragé, manquent terriblement. Comment constituer les équipages quand les meilleurs matelots sont retenus prisonniers ? Lorsque la guerre devient officielle, le port doit désormais composer avec cette nouvelle situation.
30Pourtant quelques armateurs tentent l’aventure. Lucas des Aulnays entreprend la construction d’une frégate de 300 tx, le Machault, qui réussit trente-quatre prises en trois campagnes avant d’être lui-même capturé. Eustache l’imite et fait bâtir le Mesnil, de 300 tx, mais celui-ci n’accomplit qu’une seule campagne. Les frères Perrée ont plus de chance ; leur Comte de Marigny (180 tx) parvient à en effectuer deux. Le plus ambitieux d’entre eux, Quinette de la Hogue, n’hésite pas à faire construire le Granville, de 530 tx. Cet homme passe aussi, indiscutablement, pour le plus malheureux, puisque son navire, armé en 1757 de 36 canons avec un équipage de 316 hommes commandés par son fils Nicolas, « saute en l’air » dès sa première sortie. Au cours d’un combat qu’il soutient contre une frégate anglaise, la Britannia, le feu prend accidentellement dans la soute aux poudres et fait exploser son vaisseau. Seuls quatre matelots survivent et sont sauvés par le navire anglais59. L’armateur perd simultanément son fils, son navire et sa fortune.
31L’année 1761 marque la fin prématurée des armements en course à Granville. Devant l’accumulation des difficultés, les armateurs préfèrent attendre patiemment le retour de la paix. Ils ne sont pas les seuls à connaître ce découragement. Dans les autres ports de la Manche, la situation paraît aussi difficile. Seul, Saint-Malo fonctionne encore, mais au ralenti. Un faisceau de raisons peut expliquer la réduction du nombre d’armements60. C’est principalement le blocus infligé par l’Angleterre à la France, qui contraint de nombreux ports à interrompre leur trafic maritime en Manche ou à le réduire à la pêche au poisson frais et au petit cabotage, en naviguant le long des côtes pour d’évidentes raisons de sécurité. Granville ne conserve plus de liaison qu’avec Saint-Malo ou la Bretagne. Aller plus loin en mer devient très risqué. En outre, la constitution de convois anglais, placés sous la protection de puissants navires de guerre qui permettent aux navires de commerce de continuer leurs liaisons avec les colonies, rend les captures plus difficiles et plus rares. Avec cela, le gouvernement décide à plusieurs reprises l’embargo général dans les ports français pour tenter de briser ce blocus qui enserre la France tel un étau. À cet effet, il lève de nombreux matelots, en vue de composer les équipages de la flotte de guerre royale. Ces ponctions répétées perturbent fortement les ports (surtout les embargos des 16 août 1757, 22 février 1758, 1er mai 1761 et 11 avril 1762) et désorganisent les armements corsaires. Dès 1756, au cours d’une visite des ports qu’il effectue sur les côtes de Normandie depuis Le Havre jusqu’à Saint-Malo, l’écrivain principal aux classes de Granville, M. Letourneur, en déplore les conséquences sur les navires restés à quai :
« Il est à remarquer que les bâtiments ci-dessus [liste des 93 navires marchands du quartier de Granville] ainsi que ceux de tous les ports inscrits ci-devant, si le cas échoit du besoin, ne peuvent être armés au plus tôt que dans deux grands mois, attendu le peu d’entretien que j’ai vu que l’on leur donnait ; et en outre les calfats, charpentiers et matelots, dont on a fait de si considérables levées pour Brest, mettent tous les ports ou havres dans la disette de l’espèce de ces hommes, ce qui fait, comme je l’ai déjà dit, qu’il faudrait plus de temps prescrit pour les mettre en état de sortir61. »
32La pénurie croissante en canons, qui se fait ressentir dans les ports français depuis le début de la guerre de Succession d’Autriche, complique encore tout projet. Bon nombre d’armateurs refusent d’envisager une campagne corsaire si leurs navires se révèlent insuffisamment ou mal armés en artillerie. Enfin, l’armateur qui avait été le plus entreprenant lors de la précédente guerre, Léonor Couraye du Parc, vient de décéder en 1754, peu avant la déclaration de guerre. Son esprit d’entreprise, qui avait indiscutablement servi de modèle dans le passé, fait maintenant défaut pour stimuler les esprits aventureux. Au vu de toutes ces difficultés, la faiblesse de l’activité granvillaise se justifie pleinement.
33Le 9 juin 1764, soit un an après le retour de la paix, la municipalité dressait un bilan catastrophique de l’évolution du port pendant la guerre dans un courrier adressé au contrôleur général des finances, Clément Charles François de L’Averdy :
« Nous craindrions de vous devenir ennuyeux en recommençant le détail des pertes que cette ville infortunée a souffert depuis dix ans ; il nous suffira de vous remontrer très humblement, Monsieur, que les deux tiers de son commerce lui a été enlevé par hostilités ; et le peu de réussite des armements en course, qu’il est dû considérablement à nos marins de cette ville qui ont servi le roi en 1756 et 1757 ; que deux incendies considérables en 1755 et 1763 ont mis le comble à nos malheurs et qu’enfin pour adoucir les horreurs des prisons d’Angleterre où les quatre cinquième des marins ont vieilli pendant sept années consécutives, cette ville est restée épuisée et dans la dernière désolation ; nous sommes encore fort éloignés de respirer aisément62. »
34Même si la municipalité noircit délibérément le tableau de sa misère afin d’obtenir des aides, comme il est courant de le faire à cette époque, cette démarche ne peut se fonder que sur des vérités : les souffrances de Granville avaient été réelles, au point de gêner sérieusement les entreprises des armateurs. Provisoirement seulement cependant, comme le prouve le retour rapide du port au premier plan de l’industrie terre-neuvière, avant même la fin de la décennie.
35Le bilan de la guerre de course sous Louis XV paraît donc contrasté : un bel élan prometteur, qui s’interrompt prématurément. À la différence des conflits précédents, le nombre de corsaires armés dans le port de Granville pendant la guerre de Succession d’Autriche se vérifie aisément. Il est fondé sur la lecture des rôles d’armement de 1744 à 1748, encore conservés dans leur intégralité au Service historique de la Marine de Cherbourg. Vingt et un navires armés pour courir sus aux ennemis de l’État effectuent ainsi vingt-huit campagnes, auxquels il faut ajouter les huit (peut-être neuf) navires armés en guerre et marchandise qui accomplissent des captures au cours de dix ou onze campagnes.
36Les vingt-huit campagnes en course stricto sensu et les dix ou onze campagnes semi-corsaires accomplies au cours de cette guerre – qui dure bien moins longtemps que les précédentes (4 ans contre 9 et 11 ans) – montrent de façon évidente le net regain d’intérêt de l’activité corsaire à Granville. Elles témoignent d’une activité intense dans un port en pleine mutation. Assurément, la ville bénéficie désormais des moyens financiers qui lui faisaient défaut auparavant, grâce à son essor indiscutable dans la pêche morutière. Ces 28 campagnes d’armement en course stricto sensu placent alors Granville en 6e position des ports français métropolitains, devançant des villes plus importantes comme Le Havre, Nantes et Bordeaux qui privilégie clairement le grand commerce, plus lucratif que la guerre de course.
Années | Noms des bâtiments corsaires officiellement armés pour la course | Nombre d’armements | Noms des bâtiments armés en guerre et marchandise, ayant effectué une ou plusieurs prise (s) | Nombre d’armements |
1744 | Françoise du Lac (30 tx) | 2 | Tourneur (180 tx) | 8 |
1745 | Charles Grenot (100 tx) | 5 | Jacques-Geneviève (200 tx) | 2 |
1746 | Grand Grenot (300 tx) | 4 | Comte de Carbonnel (200 tx) ? | 1 ? |
1747 | Aimable Grenot (390 tx) | 13 | ||
1748 | Zélande (45 tx) | 4 | ||
Total | 21 bâtiments différents officiellement armés pour la course | 28 | 8 ou 9 bâtiments réalisent au moins une prise. | 10 ou 11 |
Ports | Nombre de corsaires | Nombre de campagnes |
Dunkerque | 80 | 130 |
Bayonne | 45 ou plus | 103 |
Saint-Malo | 55 | 88 |
Boulogne | 57 | 60 ou plus |
Calais | 40 | 53 |
Granville | 21 | 28 |
Le Havre | 18 | 18 ou plus |
Saint-Jean-de-Luz | 5 ou plus | 16 |
Dieppe | 13 | 13 ou plus |
Morlaix | 12 | 12 ou plus |
Nantes | 12 | 12 ou plus |
Bordeaux | 6 ? | 6 |
Honfleur | 3 ? | 3 |
37L’écart avec Dunkerque et Bayonne se réduit considérablement : seulement trois à quatre fois moins, alors qu’il était de quinze fois inférieur pendant la guerre de la Ligue d’Augsbourg.
38À l’issue de la guerre de Sept Ans, les résultats paraissent moins convaincants. De fait, le nombre d’armements corsaires accuse une importante diminution. Cette réduction est d’autant plus forte que les armements en guerre et marchandise ont définitivement cessé de s’attaquer aux navires ennemis pour les capturer.
Années | Noms des bâtiments corsaires | Nombre d’armements |
1756 | Très Vénérable (15 tx) – Hardy (60 tx) | 4 |
1757 | Granville (530 tx) – Mesnil (300 tx) | 5 |
1758 | Marquis de Marigny (180 tx) – Machault (300 tx) | 2 |
1759 | Marquis de Marigny (180 tx) | 1 |
1760 | Chevalier d ´ Artezé (35 tx)a | 1 |
1761 | Benjamin ?b un petit bâtimentc | 2 |
1762 | 0 | |
1763 | 0 | |
Total | 12 bâtiments différents armés pour la course | 15 |
39Le rapprochement avec les autres ports français confirme cette baisse numérique. Granville descend à la neuvième place.
40Le tableau page suivante montre à la fois un déclin des ports de la Manche, à l’exception de Dunkerque, mais aussi la montée de ceux du sud de la France atlantique. L’éloignement de la Manche, où les Anglais appliquaient un blocus efficace, favorise nettement les Basques. Bayonne devient dès lors le port au plus grand nombre d’armements en course63. Quant à Dunkerque, selon Patrick Villiers, c’est encore la géographie qui la privilégie. Les convois anglais allant à Londres bien protégés par les vaisseaux de guerre longeaient la côte anglaise, ce qui désavantageait Saint-Malo, Granville et Le Havre, alors que le passage dans le Pas-de-Calais privilégiait les corsaires de Dunkerque et de Calais64. À vrai dire, c’est la conjugaison du privilège de l’exemption de levée des gens de mer et de cet avantage géographique qui facilitait grandement l’activité corsaire du port nordique et sa relative régularité au gré des conflits. À Granville, la rentabilité ne fut donc pas probante. Mayeux-Doual écrivit à ce sujet : « La course pendant la guerre de 1756 fut mêlée de succès et de revers. On fit beaucoup de prises, évaluées près de 3 millions ; mais les Anglais en ressaisirent plus de la moitié avec la plupart des bâtiments de la course65. »
Ports | Nombre de corsaires | Nombre d’armements |
Bayonne | ? | 220 |
Dunkerque | 77 | 145 |
Saint-Malo | 82 | 97 |
Marseille | ? | 92 |
Saint-Jean de Luz | ? | 56 |
Bordeaux | 44 | 54 |
Boulogne | 24 | 32 |
Dieppe | 19 | 21 |
Granville | 12 | 15 |
Nantes | 9 | 9 ou plus |
Honfleur | 0 | 0 |
41Ainsi, sous Louis XV, la course granvillaise offre de grandes ressemblances avec celle du temps de Louis XIV : des actions éclatantes lors d’un premier conflit, suivies de fortes déceptions dans un deuxième. Les navires sont plus imposants et les capitaux plus substantiels que sous le règne précédent, mais, en raison de pénuries diverses, Granville n’arrive encore pas à se préparer efficacement à une seconde guerre, après une trêve de courte durée. Certes, elle bénéficie d’excuses car les difficultés, particulièrement importantes dès 1755, s’accumulent d’une façon extraordinaire. Il n’empêche que, par rapport à Saint-Malo qu’elle a rejointe et dépassée dans les armements terre-neuviers, elle semble finalement assez peu entreprenante.
Notes de bas de page
1 Mayeux-Doual L.-J.-B., Mémoires historiques…, op. cit., p. 170-171.
2 Le traité d’Utrecht qui mettait fin à la guerre de la Succession d’Espagne reconnut la souveraineté des Anglais sur l’île de Terre-Neuve : les Français, forcés d’abandonner Plaisance, cessèrent de pêcher sur la côte sud. Ils eurent toutefois l’autorisation de pêcher en été sur le French Shore, c’est-à-dire au large de la côte de Terre-Neuve entre le cap Bonavista et la pointe Riche (le petit nord). La France dut céder l’Acadie continentale (la Nouvelle-Écosse). Elle gardait cependant l’île Royale (île du Cap Breton) où elle créa une nouvelle colonie et bâtit la grande forteresse de Louisbourg, d’où elle put poursuivre une pêche prospère.
3 AN, Marine, B3 428, f° 310.
4 Le conflit anglo-français commença officiellement le 15 mars 1744.
5 AN, Marine, G5 258, f° 60.
6 AN, Marine, G5 258, f° 58.
7 Ibid., f° 49.
8 Ibid., f° 56.
9 AN, Amirauté de France, G5 257, f° 227 et G5 258, f° 52.
10 AN, Amirauté de France, G5 257, f° 235, 267 et 285.
11 AN, Amirauté de France, G5 258, f° 27 et 31.
12 AN, Marine, B2 323, f° 535.
13 Ibid., f° 548.
14 Il s’agit de l’oncle de Georges-René Pléville Le Pelley.
15 Vergé-Franceschi M., Les officiers généraux de la Marine royale…, op. cit., t. 1, p. 268. Perrier de Salvert était aussi appelé Périer le cadet. Il devint chef d’escadre des armées navales du roi en 1757.
16 SHDM, Cherbourg, 12P4 24, no 27.
17 AD29 à Brest, B 4174, f° 49.
18 Pléville Le Pelley G-R., Mémoires d’un marin granvillais…, op. cit., p. 36-37.
19 SHDM, Cherbourg, 12P3 43, f° 9, no 36.
20 Bourde de La Rogerie H., Inventaire sommaire des Archives…, op. cit., t. 3, introduction, p. cvi.
21 Aumont M., « Léonor Couraye du Parc, armateur du corsaire l’Aimable Grenot », Journée d’études sur la Guerre de course, colloque du 3 déc. 2004, Saint-Malo, ADCC, 2005, p. 71-83.
22 AD35, 9 B 522, f° 17.
23 AD29 à Brest, B4174, f° 2.
24 AN, Marine, C7 75, dossier Couraye du Parc, f° 7. Léonor Couraye du Parc est le seul armateur corsaire granvillais pour lequel les comptes de campagnes soient globalement connus. Concernant les autres armateurs, les pièces comptables et les liquidations de prises sont très rares.
25 AD29 à Brest, B4174, f° 42.
26 Ibid.
27 AN, Marine, C7 75, dossier Couraye du Parc, f° 7.
28 Fougeray du Coudray R., « Les 3 Grenot », RPG, 1905, p. 203-216.
29 Ibid.
30 Dans un couvent, à Torigny, on disait que le Grand Grenot avait rencontré et capturé 19 navires anglais à lui tout seul. À Rouen, une nouvelle du même genre circulait : on disait qu’il avait, après un terrible combat, enlevé un vaisseau de guerre anglais et les 18 marchands qu’il convoyait… Ces rumeurs auraient été en partie reprises par la Gazette de France (Fougeray du Coudray R., « Les 3 Grenot », op. cit., p. 208-209).
31 AN, Marine, C7 75, dossier Couraye du Parc, f° 7.
32 Fougeray du Coudray R., « Les 3 Grenot », op. cit., p. 215.
33 On appelle reprise ou recousse un navire, d’abord capturé par l’ennemi, puis repris par les Français.
34 AD29 à Brest, B4193, f° 29.
35 En réalité, le capitaine Blondel parle de l’Aimable Grenot.
36 AD29 à Brest, B4193, f° 30.
37 Lassus A., Corsaires et capitaines de navires du pays basque natifs de Ciboure, Ekaïna, Bayonne, 1987, p. 352.
38 Il existe une chanson anglaise sur un corsaire appelé le Bland Ford de Bristol. S’agit-il de lui ?
39 AD29 à Brest, B4193, f° 82.
40 L’article VIII du titre IX au troisième livre de l’ordonnance de la Marine de 1681 définit précisément la législation concernant les reprises (ou recousses) : « Si aucun navire de nos sujets est repris sur nos ennemis après qu’il aura demeuré entre leurs mains pendant vingt-quatre heures, la prise en sera bonne ; et si elle est faite avant les vingt-quatre heures, il sera restitué au propriétaire avec tout ce qui était dedans, à la réserve du tiers qui sera donné au navire qui aura fait la recousse. » Dans le cas présent, le Comte de Noailles avait été pris par le Blandford, le 29 mars, puis repris par l’Aimable Grenot, le 6 avril, soit bien au-delà du délai de vingt-quatre heures. L’armateur bayonnais ne pouvait plus faire valoir ses droits de propriété. En conséquence, la prise ne pouvait être que légitimée. Reconnue comme telle, elle pouvait légalement être vendue. L. Couraye du Parc se porta acquéreur et en obtint donc la propriété.
41 Le second capitaine n’est autre que René-Georges Pléville Le Pelley, alors âgé de 21 ans.
42 Il réussit en effet à capturer près du Conquet la Jeune Yda, navire hollandais de 140 tx (AD29 à Brest, B 4631).
43 AD29 à Brest, B4193, f° 32.
44 AN, Marine, C7 75.
45 Un marc valait 8 onces locales : 244,75 g à Paris. La quantité d’or prise ce jour-là a été pesée à Morlaix, où avaient été conduites les deux prises (AD29 à Brest, B 4193, f° 79 : procès-verbal de la pesée).
46 AD29 à Brest, B 4193, f° 75-78.
47 AN, Marine C7 75 Demande de lettres de noblesse pour le sieur Couraye Duparc.
48 SHDM, Cherbourg, 12P4 26, no 42. Il avait été capturé en 1745, alors qu’il commandait le Jean-François, armé en guerre et marchandise (12P3 43, no 92).
49 SHDM, Cherbourg, 12P3 43, no 93. Julien Deshayes avait accompli une campagne corsaire sur la Revanche (200 tx), en tant que premier lieutenant, en 1746. Puis il en avait reçu le commandement dans une nouvelle campagne, en 1747 (12P4 26, no 25). Le navire avait été capturé le 2 mai 1747. Julien Deshayes était revenu des prisons en août (12P3 43, no 93).
50 Il s’agit d’un petit archipel, situé au nord de la Bretagne, dépendant de la commune de Perros-Guirec.
51 La Sainte-barbe est une soute, sous la chambre du capitaine, où l’on entrepose la poudre et les accessoires d’artillerie. Par conséquent, mouiller sous Sainte-barbe signifie jeter l’ancre à la mer, précisément celle de l’arrière.
52 AD29 à Brest, B 4193, f° 53-55.
53 Ils heurtent un écueil, appelé le Trépied, à la pointe de Primel, en baie de Morlaix.
54 AD29 à Brest, B 4193, f° 53-55.
55 Ibid.
56 Zysberg A., La monarchie des Lumières (1715-1746), Paris, éd. du Seuil, Coll. Histoire, 2002, p. 246.
57 L’état des navires granvillais pris par les Anglais dans la rafle de Boscawen, en 1755, est consultable dans ma thèse.
58 AN, Marine, C4 159, pièce 42.
59 SHDM à Cherbourg, 12P4 36, no 17.
60 Dunkerque fait exception, sans doute parce qu’elle échappe au système des classes (cf. chap. 2).
61 La Morandière C. de, « L’armement granvillais en 1687 et 1756 », LPG, janv. 1936, no 33, p. 20. L’auteur indique la côte suivante : arch. du ministère de la Guerre, D 985, Visite des ports des côtes de Normandie depuis Le Havre jusqu’à Saint-Malo.
62 Granville, médiathèque, fonds du patrimoine, D2 c1, f° 42.
63 Le nombre de 220 armements, avancé par P. Crowhurst, correspond au nombre de lettres de marques recensées dans les archives de l’amirauté de Bayonne. Dans l’état actuel des recherches, il est prudent de rappeler que les 220 lettres de marques repérées par P. Crowhurst n’ont peut-être pas produit 220 campagnes corsaires. Certaines de ces commissions ont pu en effet être inutilisées pour diverses raisons. Partant de ce constat, P. Villiers avance 128 armements (dans son livre Les Européens et la mer…, p. 178) parce que cela correspond au nombre de corsaires ayant effectué au moins une prise, donc à un nombre minimal de campagnes corsaires assuré.
64 Villiers P., Marine royale, corsaire…, op. cit., p. 374.
65 Mayeux-Doual L.-J.-B., Mémoires historiques…, op. cit., p 172.
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