Chapitre III. Les activités maritimes granvillaises
p. 77-99
Texte intégral
1Née de la mer, Granville voit la quasi-totalité des énergies et de ses préoccupations converger vers l’élément marin. De nombreuses personnes – hommes, femmes, vieillards, enfants – vouent leurs vies à la pêche morutière, la pêche côtière, le cabotage et le grand commerce. Une grande effervescence règne alors dans le port. Quelle est l’importance de ces activités ? Parviennent-elles à se développer convenablement ? L’une au détriment des autres ou conjointement ? Pour quelles raisons ? L’étude successive de ces activités dressera le profil du port granvillais à la fin de l’Ancien Régime.
La pêche côtière
2Très ancienne, puisqu’elle se pratiquait déjà localement avant la découverte de Terre-Neuve, « la petite pêche » comprend la pêche au poisson frais, celle des huîtres, et celle qui se pratique à pied. La plus importante des trois est incontestablement la deuxième. Il ne s’agit pas encore d’ostréiculture, puisque les hommes se contentent de pêcher les huîtres et non pas de les élever.
« Il y a des huîtres dans presque toute l’étendue de la baie ; elles y sont en très grand nombre ; il règne entre autres une huîtrière inépuisable depuis le lieu-dit Regnéville jusqu’à Jersey ; cette partie ne produit que de grosses huîtres propres à amariner (ce qui forme une branche de commerce considérable à Granville) ; en général les huîtres les plus grosses se trouvent dans la partie du nord ; il y a cependant plusieurs bancs comme particulièrement celui de l’Argentine, le Vaulet, les Bosses, Tombelaine, la Foraine, la Côlaisse sur lesquels il se pêche de grosses, de moyennes et de petites huîtres1. »
3La richesse des fonds semble alors infinie. Des bateaux de cinq à dix tonneaux et d’une dizaine d’hommes se rendent à marée haute sur l’un de ces bancs, lancent une dreige (sorte de trémail permettant de draguer le fond de la mer) pour en ramener des huîtres. Après les avoir triées, ils les apportent au port, où elles sont commercialisées. Une partie est consommée localement ; une autre est « voiturée par des chasse-marées » dans les villes voisines ; le reste est conditionné pour être vendu à des acheteurs éloignés. Les grosses huîtres sont « marinées » sur place, parce que la taille et la forme plate de leurs coquilles compliquent trop le transport et la conservation2. Une fois, débarrassées de leurs « écailles » – ce que font généralement les femmes – elles sont alors savamment préparées à la mode granvillaise, mises dans des petits barils et envoyées à destination du marché parisien. Selon Reynald Abad, « il est vraisemblable que Granville assure la quasi-totalité, sinon la totalité du ravitaillement de la capitale en huîtres marinées3 ». Les petites huîtres, de forme creuse, qui constituent la plus grosse part de l’ensemble, sont « parquées », c’est-à-dire stockées avec leurs coquilles dans des réservoirs aménagés et alimentés en eau de mer, avant d’être vendues à des acheteurs extérieurs, venus en bateaux de Barfleur, Saint-Vaast-la-Hougue, Dieppe et Rouen. Les raisons de ce stockage sont exposées dans un rapport de 1766 :
« Les huîtres qu’on vient de draguer supportent difficilement le transport au loin, parce qu’elles s’ouvrent presqu’aussitôt qu’elles sortent de la mer, perdent les eaux qui les nourrissent et conservent fraîches, périssent et se corrompent. Au contraire, celles qu’on parque quelque temps s’accoutument insensiblement à se tenir fermées et garder leurs eaux, parce qu’elles sont plusieurs heures tous les jours et à chaque marée découvertes et à sec, ce qui fait qu’elles sont dans le cas d’être transportées au loin4. »
4Cette accoutumance, qui ne dure que quelques marées basses successives, sauve l’huître pendant son transport. Les ports normands, nouveaux acquéreurs, se comportent alors comme des ports relais qui parquent à leur tour la précieuse marchandise pour les préparer à un nouveau transport (par la route ou par la Seine) vers la capitale, car Paris les apprécie particulièrement pour leur goût, leur taille et leur conservation.
« À quelques rares exceptions près, les huitrières fournissant les variétés adéquates sont toutes situées à l’ouest de la péninsule du Cotentin, soit dans la baie du Mont-Saint-Michel, soit sur les côtes de Bretagne. […] Très tôt, le monopole naturel de la baie du Mont-Saint-Michel sur le ravitaillement de Paris en huîtres à l’écaille a fait la réputation des ports de Granville et surtout de Cancale, ce dernier étant mieux placé par rapport aux bancs de petites huîtres5. »
5Au XVIIe siècle, l’activité se montre lucrative à Granville car les bateaux normands qui viennent s’y approvisionner sont nombreux. « Il est venu autrefois beaucoup de bateaux normands acheter des huîtres, qu’on en a compté jusqu’à quatre-vingt-deux dans une année6. » Toutefois, une désaffection se ressent dès le début du XVIIIe siècle, puisque le commissaire Sicard ne cite plus que douze à quinze embarcations, lors de son inspection en 1740. Les raisons invoquées dénoncent l’exiguïté du port et son encombrement : « Par le passé il y venait un plus grand nombre de ces barques mais les maîtres ne veulent pas les risquer surtout l’hiver dans le port de Granville, un grand nombre de bâtiments ne pouvant être à couvert dans un si petit port7. » Conséquence logique, les marins de Saint-Vaast-la-Hougue et de Barfleur viennent draguer eux-mêmes les huîtres dans la baie, pour les emmener ensuite directement chez eux, sans se préoccuper des Granvillais8. La découverte récente de deux bancs de petites huîtres au large de Saint-Vaast, vite surexploités, leur permet même temporairement d’éviter de nombreux voyages9. La taille des coquilles est aussi mise en cause : « Ils n’y viennent plus parce qu’ils ne veulent pas acheter la petite huître qui est trop petite pour Paris ; ils ne veulent que de la moyenne10. » Une dernière explication est sous-entendue dans ce rapport. L’essor de la pêche terre-neuvière chez les Granvillais rejette l’activité huîtrière à l’arrière-plan. Sicard regrette amèrement les conséquences de cette désaffection : « C’est une perte considérable pour Granville, surtout pour le menu peuple, attendu qu’il y aurait 40 bateaux pour cette pêche qui occuperaient 300 hommes au retour de leur voyage, et plus de 1 000 pauvres, veuves et leur famille qui seraient occupées toutes les marées de nuit et de jour à parquer les huitres et à les changer de places11. » La crise sévit donc prioritairement sur les plus faibles de la population locale.
6En juin 1786, le commissaire Chardon inspecte les huitrières de la baie du mont Saint-Michel. Il compare scrupuleusement les différentes huîtres de la baie, en les décrivant et en les goûtant :
« Nous étant fait conduire sur le banc dit l’Argentine, à une lieue et demie au sud de Granville […] fonds accidenté de débris d’huitres et fond permanent de marne argileuse. Nous avons fait jeter la drague à tribord, laquelle a rapporté une grande quantité d’huîtres, presque toutes de la grandeur de celles qu’on appelle marchandes à Cancale, et qui en sont exportées pour les parcs de Normandie ; ces huîtres m’ont paru au goût moins âcres que celles de Cancale ; et les pêcheurs nous ont dit que la raison en était parce qu’on les pêchait sur un fond de sable au lieu de les pêcher sur un fond de vase […] Nous étant fait conduire sur le banc dit de la petite bosse avec Tombelaine, distant de Granville de trois lieues, fond permanent de marne argileuse, nous avons fait jeter un coup de drague à tribord, laquelle a rapporté encore une plus grande abondance d’huîtres, presque toutes composées de grosses huîtres, lesquelles nous ont paru un peu plus âcres, mais toujours moins âcres que celles de la baie de Cancale12. »
7Chardon paraît satisfait de la qualité des huîtres et de la richesse des huîtrières. Il constate cependant la quasi-extinction de l’activité, dont la disparition des parcs à huîtres, à proximité du port de Granville, sous la roche Gautier, constitue la preuve symbolique. Il note que « les pêcheurs normands ne viennent plus faire des chargements d’huîtres à Granville ». Après s’être enquis des raisons de cette désaffection auprès des pêcheurs, du procureur du roi, des officiers de la municipalité et des principaux négociants, « puisque les huîtres sont aussi bonnes qu’à Cancale, et également bonnes à parquer, ce qui viendrait au soulagement de la baie de Cancale », il lui est répondu « que le mauvais état du port de Granville, qui se trouve encombré de navires destinés à la pêche de la morue pendant celle des huîtres, et le risque que leurs navires y courent, les empêchent d’y venir13 ». Lorsqu’il envoie son rapport au maréchal de Castries, le commissaire Chardon joint une lettre pour vanter le mérite des hommes : « J’ai remarqué que les pêcheurs de Granville sont plus actifs, plus industrieux, et regrettent moins la peine dans le métier de la pêche, que ne le sont ceux de Cancale14. » En 1787, l’activité présente encore un intérêt réel, si l’on en croit un mémoire présenté par les Granvillais eux-mêmes : « Le produit en est considérable, et d’autant plus avantageux qu’il se répand journellement sur la classe du peuple la plus pauvre. Ce commerce occupe plus de trois mille personnes, dont les femmes et les enfants composent au moins la moitié15. » Rien n’y fait, tant la fin semble inéluctable. Le défaut d’infrastructures suffisantes et l’essor de la pêche terre-neuvière ont bel et bien causé la disparition progressive de cette activité, autrefois florissante.
8Granville connaissant les plus grandes marées d’Europe, la pêche à pied peut assurément constituer un recours. Homards, coquillages et crustacés vivent en abondance et l’on piège facilement les poissons à marée descendante grâce aux dix-huit pêcheries construites sur l’estran. L’inspecteur Sicard constate la large pratique de l’activité, en 1740, sur tout le littoral, mais il semble qu’elle n’intéresse qu’un nombre restreint de personnes à Granville même :
« Environ 15 hommes ou femmes tendent à la basse eau des filets nommés rets à pied et quelques-uns des lignes aux havres et d’autres des casiers d’osier pour les homards. Plusieurs autres personnes de l’un et de l’autre sexe de la ville, des faubourgs et des hameaux vont aussi à la basse eau lors des grandes mers, les uns pour y pêcher avec le bouteux de la crevette ou salicot et avec le favre du petit poisson qu’on nomme chivette et les autres avec des bêches crocs et autres instruments pour pêcher du lançon ou équilles et autres poissons, des rocailles et des soles avec le pied dans le sable16. »
9La pêche au poisson frais se pratique également à l’aide de bateaux de petite taille. Elle est néanmoins plus difficile à suivre sous l’Ancien Régime, l’administration se montrant moins exigeante en démarches à l’égard de ces marins côtiers. À Granville, leurs embarcations n’étant pas comptées parmi les bâtiments du commerce avant l’année 1803, leurs sorties ne sont consignées que sur des feuilles provisoires, aujourd’hui disparues. C’est seulement après cette date que leurs patrons sont assujettis à prendre des rôles d’équipages en forme et à payer des droits à la caisse des Invalides17. Des équipages de quelques hommes prennent la mer pour pêcher le maquereau, le bar et autres poissons à l’aide de lignes18. Les pêcheurs vendent ensuite leurs poissons de gré à gré, tant aux habitants qu’aux marchands forains qui les vendent dans les villes alentour.
La pêche morutière
10Au XVIIIe siècle, la pêche morutière constitue incontestablement l’activité la plus considérable des Granvillais. La totalité des navires du port y est employée, soit en pêche errante, soit en pêche sédentaire. Ces deux types d’opération se distinguent dans la méthode, la préparation matérielle, la main d’œuvre utilisée, le traitement du poisson et la destination de la cargaison. Grâce à un Précis sur l’encouragement de la pesche de la morüe, rédigé en 1764 par les députés du commerce de Granville et de Saint-Malo à l’adresse du Gouvernement, ainsi qu’à d’autres archives, les détails de l’activité sont bien connus19.
La pêche errante ou pêche à la morue « verte »
11« La pêche de la morue verte se fait par des bâtiments armés exprès, du port de 100 à 150 tonneaux ; on leur donne 20 ou 25 hommes d’équipage. Le vrai temps de cette pêche est depuis le mois de février jusqu’au mois de mai20. » Elle se pratique en pleine mer sur les bancs de Terre-Neuve, situés à deux ou trois cents kilomètres au sud et au sud-est des côtes. Il s’agit de hauts fonds où les morues, appréciant les eaux froides dont la température oscille entre 0 et 10 degrés, s’assemblent en grand nombre pour pondre de mars à juillet. Avant 1780, les bâtiments morutiers s’y laissent dériver très lentement afin que les lignotiers, placés dans des barils disposés le long du bord supérieur, puissent pêcher à la ligne.
12Après cette date, l’usage des chaloupes et des lignes de fond est préféré. « Cette manière de pêcher était pratiquée dans presque tous les ports pour la pêche du poisson frais comme la raie. Les barques s’en vont au large, élongent au moyen d’une chaloupe une ligne ou un ensemble de lignes mises bout à bout faisant ce qu’on appelle un tentis. Ce tentis porte un hameçon monté sur empile à peu près toutes les brasses21. » Cette manière est appliquée avec succès sur les bancs. Au vu des résultats bien supérieurs, elle remplace rapidement l’ancienne méthode.
13Une fois pris, le poisson était décollé : l’étesteur ou décolleur lui coupe la tête, la jette avec les entrailles dans un parc à vidange, conserve le cœur et la rate pour servir d’appât, récupère le foie dans un baril et la rogue (une membrane contenant des œufs) dans un autre. Le trancheur ou habilleur ouvre ensuite la morue sur toute la longueur pour en retirer la grosse arête qu’il donne au nautier, c’est-à-dire au mousse chargé d’en détacher la noue (la vessie natatoire) afin d’en confectionner ultérieurement une colle, tandis qu’il fait tomber le poisson dans la cale du navire. Le saleur s’en saisit, le frotte de sel, puis le place sur d’autres empilés, le temps de « rendre leur eau et leur sang ». Un ou deux jours plus tard, il les range précautionneusement en observant une alternance de couches de sel et de poissons. Cette technique de conditionnement en vert22 constitue la seule façon de conserver la morue durant une campagne en haute mer, sans relâche.
« Quand un bâtiment a pêché entre trente ou quarante tonneaux de morue, il revient en France les vendre. Comme l ‘ équipage d’un navire peut pêcher 3 à 400 morues dans une journée, qu’elles sont plus belles sur le Grand Banc qu’ailleurs et pèsent ordinairement 8 à 9 livres toutes parées, il arrive souvent qu’un vaisseau fait deux voyages pendant la saison de la pêche23. Cette morue, ne pouvant pas se conserver aussi longtemps que la morue sèche, n’a guère de débit qu’en France et il s’en exporte très peu à l’étranger. C’est la meilleure espèce, et son prix est presque toujours le double de celui de la morue sèche24. »
14À la fin de la campagne, en septembre, les « banquais » livrent leurs cargaisons, généralement en Normandie, puis rentrent directement chez eux. « Ils viennent en décharge de la morue et des huiles qui en proviennent au Havre, Honfleur et Dieppe ; et ils font ensuite leur retour à Granville pour y désarmer avec leur lest et quelques goudrons, brai, planches et mats pour le compte des propriétaires et quelquefois du moulage25. » Le Havre constitue le principal port-relais à destination du marché parisien. Dans la hiérarchie probable des ports approvisionnant Paris en morue verte au XVIIIe siècle, Reynald Abad situe Granville à la première place, « passé en quelques années de la situation de petit port d’appoint à celle de fournisseur privilégié. La deuxième place se dispute entre Honfleur et Saint-Malo26 ».
La pêche sédentaire ou pêche à la morue « sèche »
15Cette autre façon de pêcher se pratique le long des côtes de Terre-Neuve et sur les rives du golfe Saint-Laurent. Les zones de pêche varient dans le temps, en fonction des traités passés avec les Anglais au terme des conflits militaires qui opposent les deux nations. « On y emploie pour cet effet des bâtiments de toute grandeur, mais principalement des navires de deux à trois cents tonneaux, armés de 80 hommes au moins. On embarque, outre les vivres nécessaires pour cet équipage, plusieurs chaloupes et bateaux emboîtés27. » Comme les lieux de pêche se trouvent beaucoup plus au nord des bancs, en des endroits où l’hiver dure particulièrement longtemps, le départ de Granville a lieu au printemps, suffisamment tard pour éviter les désagréments de la glace et des icebergs. Arrivé à destination, le navire établit son centre de pêche dans une anse, en accord avec les autres navires, et s’y ancre. Tout l’équipage débarque alors, prépare les chaloupes, construit des cabanes et un échafaud, c’est-à-dire une petite jetée en bois pour permettre à des chaloupes d’accoster. Chaque matin, les hommes embarquent par groupes de trois ou quatre sur des chaloupes et vont pêcher à la ligne, le long des côtes. Le soir, ils reviennent et jettent leurs poissons sur l’échafaud. S’ensuit un travail rapide, long et exténuant.
16Un gravier (homme opérant sur la grave, c’est-à-dire le rivage) s’en saisit, ouvre la gorge de chaque morue pour lui retirer la langue. Le décolleur lui coupe la tête, vide son ventre en mettant de côté le foie et les rogues. L’habilleur enlève alors l’arrête centrale à l’aide de son couteau et jette le poisson ainsi habillé dans une grande caisse. Un gravier vient prendre les morues pour les porter au saleur qui les empile adroitement en alternance avec des couches légères de sel, afin qu’elles « prennent leur sel et qu’elles rendent leur eau et leur sang » pendant deux à huit jours, selon les conditions météorologiques. Lorsque le maître de grave juge le moment venu, on porte les morues au lavoir, pour les laver à l’eau de mer. Puis on les égoutte pendant huit à dix jours, avant de les étendre, par beau temps, sur les galets de la grave, selon une procédure précise, afin qu’elles sèchent sur place pendant plusieurs mois. Ce traitement permet une longue conservation et une commercialisation dans des pays chauds d’Europe du sud, voire en Martinique28.
« Les morues que l’on prend sur les côtes sont plus petites que celles que l’on pêche sur le Grand Banc ; malgré cette différence, une chaloupe peut bien pendant toute la saison de la pêche faire ses 200 quintaux de morue sèche. Cette morue ne consomme guère, à poids égal, que le tiers du sel de la morue verte, néanmoins elle a l’avantage de se conserver beaucoup mieux. On compte qu’il faut trois quintaux de poisson frais pour faire un quintal de poisson séché, et qu’on tire une barrique de foie par cent quintaux de morue sèche29. »
17À la fin de la campagne, en octobre, on regrée le navire et on repart pour l’Europe. En 1731, François Sicard note le début d’une liaison commerciale avec la Martinique :
« Granville n’y avait eu aucun commerce jusqu’à présent, mais il a commencé l’année dernière 1730, d’y envoyer un navire dont l’équipage était engagé au mois avec la morue sèche qu’il avait pêchée à l’Ile Royale, lequel a fait son retour de décharge à Saint-Malo en sucre brut, sucre de teste et sucre fin, et peu de coton en laine, et ensuite avec son lest à Granville où il a été désarmé30. »
18Il semble toutefois que cette liaison soit marginale et de courte durée, puisque le commissaire ne l’évoque plus dans le rapport d’inspection établi en 1740. L’Europe constitue bien la destination privilégiée :
« Les plus grands de ces navires, et même ceux qui ont du canon, viennent ou vont après leur pêche en décharge de morue sèche et huile à Marseille, Gênes et ports d’Espagne ; ils gardent les deux tiers de leurs équipages ou le nombre qui leur est nécessaire pour se défendre contre les Salétins et renvoient le surplus par les moyens navires, ce qu’on appelle en saque ; et ils chargent à fret dans ces ports pour Le Havre, Dunkerque, Saint-Malo, La Rochelle et Nantes et viennent désarmer à Granville ; les autres viennent en deçà des caps savoir Bilbao, Bordeaux, La Rochelle, Nantes, Saint-Malo et Granville31. »
19Peu de ces navires rentrent donc directement à Granville : « 8 à 10, dont 2 sont chargés de morue verte et les autres de sèche32. » Les autres font passer une partie de l’équipage (celle qui a été engagée pour la pêche et non pas pour la navigation) sur des saques (autres navires) afin de les ramener directement à Granville, puis se rendent en-deçà ou au-delà des caps, c’est-à-dire dans les ports atlantiques, entre la péninsule ibérique et le nord de la France, ou dans les ports méditerranéens. La crainte des corsaires de Salé incitent les morutiers qui se rendent en Méditerranée à prendre des précautions : une commission en guerre et marchandise, des canons et suffisamment d’hommes pour assurer la défense du navire. Ceux qui portent leurs cargaisons le plus tôt possible vers Marseille recherchent la primeur, c’est-à-dire une arrivée précoce (en septembre ou début octobre) dans le but de profiter avantageusement des cours les plus élevés au début de la saison des ventes.
20Après la décharge et la vente de la cargaison dans ces différents endroits, la recherche de la rentabilité optimale les incite à transporter de nouvelles marchandises à destination de Granville ou d’un autre port. Selon Sicard, les morutiers qui déchargent leurs cargaisons
« à Bilbao apportent à Granville des fers et des avirons, outre leur sel qu’ils prennent à l’île de Ré en revenant. Ceux qui vont à Bordeaux y chargent des vins, eaux de vie, du brai et du raisin ; à La Rochelle et Nantes, des sels dont le trop pour la pêche se verse à Granville sur quelques autres bâtiments. Il vient aussi annuellement à Granville deux et trois de ces navires en droiture de Marseille avec leur chargement de marchandises comme savons, huiles d’olives de toutes espèces, amandes, cotons, souffre, alun, oranges et autres33 ».
21Il reste toutefois muet sur les autres morutiers qui ne reviennent pas « en droiture » de Méditerranée.
22En 1764, les lieux, où l’on décharge la morue, diffèrent quelque peu, au dire des députés du commerce de Granville et de Saint-Malo : « On vend la morue sèche non seulement dans les ports et provinces de France, mais aussi en Espagne, en Italie et aux Échelles du Levant34. » On appelait Échelles du Levant les ports de Constantinople, Smyrne, Alexandrie ainsi que des villes situées à l’intérieur des terres comme Le Caire, Alep, Damas. Les députés affirment ainsi l’étendue du circuit maritime terre-neuvier. Rien cependant dans les rôles de désarmement granvillais ne confirme la fréquentation du Levant. Il est vrai que le greffier ne les remplit qu’en reportant les informations déjà enregistrées sur les rôles d’armement. Seule la destination initiale (comme « Petit Nord », « Grande Baie ») est mentionnée, sans préciser l’itinéraire du retour. De ce fait, les ports, où ils ont pu décharger d’éventuelles cargaisons en provenance lointaine, demeurent inconnus.
23En 1783, le commissaire Chardon n’évoque pas le Levant, lorsqu’il décrit le commerce de Granville :
« Les navires de Granville qui vont à la pêche de la morue sèche ou merluche, portent leur cargaison de poisson à Marseille et y prennent ordinairement pour le Havre un fret qui consiste en coton, huile, savon et autres. Ces mêmes bâtiments rapportent au port de Granville quelques-unes de ces marchandises, avec des fruits secs tels que raisins, figues, amandes et autres. Ceux des navires qui ne peuvent pas trouver de fret à Marseille vont au port de Sète y prendre des chargements de vins de Languedoc destinés pour Le Havre, et apportent à Granville une petite partie de ces mêmes vins35. »
24Il ressort de ces différents rapports que le prolongement maritime de l’activité morutière revêt une importance complémentaire, en ouvrant un troisième temps dans son circuit car il faut rentabiliser au maximum chaque campagne avant de rentrer à Granville. En déchargeant dans les ports du golfe de Biscaye, puis en rapportant directement à Granville des vins de Bordeaux ou des fers et des avirons (utiles aux armements) de Bilbao, les terre-neuviers se livrent à un trafic triangulaire simple : Granville-Terre-Neuve-port au sud du golfe de Gascogne-Granville. En préférant décharger le poisson à Marseille, le circuit se modifie sensiblement, puisque le retour au port d’attache ne se fait plus qu’indirectement, après avoir transporté une nouvelle marchandise dans un autre port. Le trafic devient ainsi quadrangulaire : Granville-Terre-Neuve-port méditerranéen-autre port-Granville. Très généralement, le troisième temps mène les navires au Havre, comme le remarquent les inspecteurs Sicard et Chardon. André Lespagnol affirme cependant que ce trafic, initié par les Malouins au XVIIe siècle, peut encore se complexifier. La recherche d’un fret pousse les armateurs à louer la capacité de transport du navire à un chargeur en l’affrétant pour une destination plus ou moins proche, à renouveler éventuellement l’opération, avant de revenir suffisamment tôt à Granville pour préparer la campagne de pêche suivante. Une opportunité différente peut se présenter aux armateurs suffisamment puissants. Elle consiste à acheter des marchandises pour leur compte avec l’argent provenant de la vente des morues et à les revendre ailleurs en jouant sur les variations de prix d’un marché à un autre36. L’évocation des Échelles du Levant par les députés du commerce granvillais et malouins en 1764 semble relever de l’une ou de l’autre de ces possibilités. La durée particulièrement longue (deux ans) des campagnes de certains morutiers à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle pourrait accréditer cette hypothèse. Le Jean Alexandre (200 tx) part pour Gaspé au printemps 1755. Il revient pour vendre sa cargaison à Marseille, où il est désarmé le 29 janvier 1756. Il ne revient à Granville que le 18 avril 1757. Qu’a-t-il fait pendant ce temps ? Est-il resté inutilisé au port ou a-t-il recherché du fret ?
Évolution
25Grâce à un compte des recettes et dépenses pour « l’œuvre, augmentation et entretien de la chaussée et quais du havre de la ville de Granville » retrouvé récemment dans un chartrier37, il est possible de dénombrer le nombre de navires terre-neuviers, dès 1619 : vraisemblablement dix-huit. Cette estimation varie peu, tout au long du XVIIe siècle : 20 en 1627, 24 en 1664, 15 en 1675 et 25 en 168738. L’évolution au XVIIIe siècle est beaucoup mieux connue à l’aide des rôles d’armement et de désarmement postérieurs à 1722 ainsi que de la correspondance avec le gouvernement.
26L’allure générale de la courbe présente une croissance forte et régulière jusqu’en 1786 (surtout entre 1722 et 1743), puis un recul pendant quelques années (de 1787 à 1792), suivi d’une absence totale d’armements pendant les guerres de la Révolution et de l’Empire (sauf en 1802). L’essor maritime granvillais est ainsi confirmé. Des ruptures brutales, sans armement ou presque, sont toutefois provoquées par les guerres avec l’Angleterre. Il devient impossible en effet d’envisager une campagne de pêche en Amérique septentrionale sans courir le risque de rencontrer des ennemis39.
27Ces ruptures sont généralement précédées de pics, correspondant à un surplus d’activité avant la déclaration des hostilités en prévision d’une pénurie (causée par le conflit) susceptible de faire grimper les prix de vente des cargaisons de morues et, par voie de conséquence, les bénéfices des armateurs et des équipages. Elles sont toujours suivies d’un rétablissement très rapide de l’activité, une fois la paix revenue. Les troubles socio-économiques et les guerres de la période révolutionnaire justifient l’inactivité totale de la période 1794-1814. L’année 1802 voit cependant une reprise car elle constitue un court intermède de paix avant la reprise des hostilités.
28Dans le détail, c’est surtout le nombre d’armements pour la pêche sédentaire qui progresse (surtout entre 1722 et 1743), tandis que celui pour la pêche errante connaît une relative stabilité. Les deux courbes finissent par se rejoindre à partir de la guerre de Sept Ans. La pêche errante constitue incontestablement le type de pêche le plus pratiqué à Granville au cours du XVIIIe siècle40, surtout dans la première moitié du siècle. Puis cette préférence s’atténue rapidement et disparaît à partir des années 1760.
29Saint-Malo et Granville passent alors pour les deux principaux ports morutiers de France.
« 12 000 navires et 450 000 hommes : telles furent sans doute, approximativement, les dimensions globales de l’armement terre-neuvier français au XVIIIe siècle. Dans ce total, Saint-Malo et Granville se taillèrent la part du lion. Les deux ports de la Manche parvinrent à concentrer la majeure partie du trafic, en partie peut-être grâce à des systèmes de rémunération dont l’originalité et la complexité se doublaient d’une grande efficacité au niveau du recrutement des hommes41. »
30Le système de rémunération habituellement en vigueur dans la navigation commerciale et dans la Royale est fondé sur le salariat au temps : le revenu de chaque homme dépend du temps passé à bord du navire. La course et la pêche dérogent toutefois à cette pratique quasi-générale. « Dans ces deux cas, l’activité de l’équipage ne se limitait pas à la fourniture d’un service de navigation, mais consistait à produire une certaine quantité de richesses, sous la forme de prises (corsaires), ou bien sous celle de cargaisons de poissons (pêche)42. » Le résultat des campagnes dépend étroitement de la somme de travail et de l’énergie créatrice fournies par ces équipages, et non pas de la durée.
31L’on compte six grands systèmes de rémunération dans l’armement terre-neuvier français au XVIIIe siècle, tous dépendant d’une pratique locale, tous complexes dans leurs mécanismes de calcul. À Granville, l’on pratique très généralement l’engagement au cinquième, codifié et enregistré au siège de l’Amirauté granvillaise le 25 mai 174343, et très exceptionnellement l’engagement à la mode du nord, deux systèmes dits avec pot de vin. À Saint-Malo, l’usage réserve l’engagement au cinquième pour la morue verte et l’engagement à la mode du nord pour la morue sèche44.
32Concrètement, dans l’engagement au cinquième, chacun reçoit avant le départ une avance forfaitaire (le pot de vin), dont le montant varie en fonction de sa compétence, du marché de la main d’œuvre et de la richesse de l’armateur. Vers 1740, un capitaine touche entre 225 et 400 livres, un contremaitre entre 100 et 270 livres, un matelot entre 30 et 228 livres, voire plus, et un mousse de 0 à 60 livres45. Un petit supplément, appelé denier à Dieu peut être versé à certains hommes, particulièrement recherchés pour leurs compétences. Après le retour, l’équipage reçoit le cinquième du produit net de la vente de la cargaison, c’est-à-dire après avoir déduit les droits d’amirauté, divers frais (d’avaries, d’entrepôt, de vente, etc.), les pratiques (gratifications versées aux officiers, dont le montant dépend du résultat de la campagne de pêche) et enfin le chapeau (autre gratification) du capitaine et de son second. Ce cinquième est ensuite divisé par le nombre d’hommes d’équipage (plus un, puisque le capitaine compte pour deux) pour déterminer le nombre de lots. Si le matelot touche en principe un lot (parfois 1 lot ½ pour le premier, ¾, ½ ou ¼ pour d’autres), les officiers en reçoivent plus (le capitaine : 2, les autres : 1 lot ¼, 1 lot ½, 1 lot ¾, voire 2), et les mousses moins (½, ¼ ou rien). Le cinquième de la valeur du fret transporté après la décharge entre Marseille et Le Havre est pareillement partagé.
33Le système de l’engagement à la mode du nord prévoit également de verser des avances et d’attribuer le cinquième du produit de la pêche aux équipages, mais de manière très différente. L’équipage reçoit le cinquième brut du poids de morues chargées au départ de Terre-Neuve, et non pas le cinquième de la valeur nette du produit de la campagne. La valeur de la quantité de morues est calculée à un taux très faible, sans rapport avec la valeur commerciale réelle (dix à vingt fois supérieure)46. Le montant obtenu est ensuite divisé par le nombre d’hommes dans l’équipage (le capitaine comptant toutefois pour deux hommes), de sorte que chacun (matelot ou mousse) puisse recevoir un lot entier. Ceux qui vont en décharge en Méditerranée reçoivent en supplément un salaire au mois, à compter du jour où ils franchissent le détroit de Gibraltar jusqu’à leur retour au port d’attache. Selon le commissaire Mauduit, les avances sont alors plus fortes (environ le double47) « parce que le pêcheur a peu de choses à espérer au retour48 ». En effet, la valeur du lot versé au retour est beaucoup plus faible que dans le système précédent et ils n’ont aucun droit sur le fret. « N’étant pas indexée sur les prix de vente de la morue, sa valeur oscillait uniquement en fonction des résultats quantitatifs de la pêche… L’équipage engagé à la mode du Nord ne profitait donc pas des hausses de prix, mais ne subissait pas non plus les chutes de cours49. »
34Dans les deux cas, plus l’implication dans le travail est grande, plus les gains promettent d’être conséquents. Ce système, qui recherche la maximalisation des rendements, débouche logiquement sur des campagnes morutières épuisantes, au cours desquelles les hommes dorment peu pour produire rapidement un maximum de richesses.
35Comparant l’évolution des ports terre-neuviers français au XVIIIe siècle, Jean-François Brière constate deux groupes qui se distinguent nettement : « ceux qui subissent un déclin marqué par rapport au siècle précédent (Dieppe, Fécamp, Le Havre, Honfleur, Nantes, Les Sables d’Olonne, La Rochelle, Bayonne et Saint-Jean de Luz) et ceux dont l’activité et l’essor contrastent insolemment (Saint-Malo, Granville, Saint-Brieuc, Dunkerque)50 ». L’explication habituellement avancée de cette évolution, qui s’appuie sur la concurrence exercée par le commerce classique en forte expansion, ne le satisfait pas. En revanche, il constate une surprenante coïncidence entre les systèmes de rémunération des équipages et cette évolution. Les ports qui maintiennent ou développent leur activité terre-neuvière pratiquent un système de rémunération avec pot de vin51, les autres non. Ces derniers déplorent une grande démotivation des gens de mer qui entraîne une forte pénurie de matelots et une insubordination. Au contraire, les premiers composent aisément les équipages, tant les candidats sont nombreux. Les Granvillais vont même embarquer dans d’autres ports, comme Honfleur et Le Havre, pour pallier les manques. « En 1786, sur un total de 12 882 hommes qu’employait la pêche terre-neuvière française (Dunkerque non compris), 10 786 soit 84 % venaient de trois ports ayant en commun l’engagement avec pot de vin : Granville Saint-Malo et Saint-Brieuc52. » Les avances, définitivement acquises et non pas prêtées comme dans les autres systèmes, attirent indiscutablement les hommes d’équipages. Globalement, les revenus paraissent assurés et relativement stables aux yeux des pêcheurs terre-neuvas, surtout ceux qui viennent de la campagne. Plus ou moins conscients de la pénibilité du travail et des dangers encourus dans cette activité, ils ne voient que la perspective de gains bien supérieurs aux leurs. À la fin du XVIIIe siècle, un ouvrier agricole gagne au mieux 150 à 180 livres par an53. Or un bon pêcheur peut obtenir bien davantage, si l’on en croit le commissaire Mauduit, qui estime précisément les salaires de chaque membre d’un équipage de cent-huit hommes engagés dans le prix courant pour pêcher la morue sèche, en 1788.
36À l’évidence, une bonne campagne de pêche, suivie d’un retour avec fret, produit généralement d’appréciables bénéfices, dont profite pleinement la région granvillaise (équipages, armateurs, commerçants, artisans et habitants). Le bon pêcheur peut gagner 400 à 600 livres, en sept à huit mois d’absence, nettement plus que l’ouvrier agricole qui ne touche que 150 à 180 livres dans toute son année. Dans ces conditions, bien des paysans sont tentés de délaisser le travail de la terre au profit de la pêche de la morue. Cette attirance a deux conséquences : la forte expansion du quartier maritime de Granville et l’essor éclatant de l’activité morutière granvillaise, qui permettent au port normand de rejoindre Saint-Malo.
37La comparaison des deux courbes signale clairement un plus grand dynamisme chez les Granvillais que chez les Malouins. Partant de trente-deux armements en 1722, Granville arrive à cent en 1787 (soit près du triple), tandis que Saint-Malo part de cinquante-cinq pour arriver, lui aussi, à cent en 1787 (soit près du double seulement). À partir de 1734, les Normands arment très souvent davantage de terre-neuviers que les Bretons. Sur l’ensemble de la période 1722-1792, Granville arme 3977 navires et Saint-Malo 3912. La supériorité numérique confirme bien la réalité de ce dynamisme granvillais. Si l’on rapproche ces nombres des estimations globales françaises au XVIIIe siècle établies par Jean-François Brière54 (même avec une marge possible d’erreur), Granville et Saint-Malo représentent à elles deux les deux-tiers de l’armement morutier de ce siècle.
38Le tonnage global des navires utilisés et le nombre d’hommes embarqués avantagent cependant Saint-Malo. En effet, la préférence constante des Malouins pour la pêche sédentaire amène leurs armateurs à engager des équipages plus nombreux qu’à Granville et à les embarquer sur des navires plus gros55.
Le grand commerce
39Malgré ces bons résultats, Granville ne peut toutefois prétendre égaler Saint-Malo dans tous les secteurs d’activités maritimes. Le grand commerce représente indiscutablement le point faible des Granvillais. Certes, le trafic triangulaire ou quadrangulaire de la pêche morutière constitue déjà une forme de grand commerce, mais cela ne leur suffit pas. En effet, le port normand caresse l’espoir de commercer avec les colonies, à l’instar des Malouins au XVIIe siècle. Les grands ports comme Nantes, Bordeaux et Le Havre ne se sont-ils pas ainsi considérablement enrichis ? Une autorisation gouvernementale est cependant nécessaire, que peu de ports parviennent à obtenir. En avril 1717, seuls treize d’entre eux la reçoivent56. Lorsque l’essor de l’activité morutière granvillaise est confirmé, dans les années 1730, la municipalité tente une diversification de ses activités pour développer davantage son économie et, éventuellement, une reconversion dans une activité plus lucrative. Le 29 janvier 1737, elle adresse une lettre au contrôleur général des finances, Philibert Orry, lui demandant d’autoriser Granville à commercer avec les colonies. La réponse est sans appel : « Permettez-moi, Monsieur, de vous observer que quelque raison qui puisse engager à favoriser le commerce des colonies, le nombre des ports désigné par les lettres patentes de 1717 paraît déjà plus que suffisant ; dans la seule province de Normandie il y a quatre ports désignés par les lettres patentes de 171757. » L’autorisation déjà accordée à quatre ports normands, le manque d’importance de Granville, le désir de ne pas déplaire à la Ferme, le souci des fraudes et la crainte de voir d’éventuelles demandes émanant d’autres ports français motivent ce refus.
« Le principal objet des négociants de Granville étant la pêche à la morue, les armateurs de ce port peuvent s’y enfermer, et jouir des privilèges attachés à la pêche française au nombre desquels est l’exemption de tout ce qui sert à l’avitaillement de leurs navires, sans qu’il soit nécessaire de leur communiquer les privilèges du commerce des colonies pour lequel les ports déjà désignés en Normandie me paraissent plus que suffisants58. »
40Les négociants granvillais finissent pourtant par obtenir cette autorisation en 176359. Elle est renouvelée, sous l’Empire, par l’arrêté du 28 pluviôse an XI60.
41Malgré cette opposition, quelques navires quittèrent le port, avant 1763, à destination de Saint-Domingue (trois en 1746, deux en 1747), de Port-Louis de Guadeloupe (trois en 1746) et du Canada (un en 1748, un en 1749 et un autre en 1756). Tous étaient armés en guerre et marchandise. S’agissait-il de commerce ou de transport de vivres à destination des colonies françaises en période de belligérance ? Après 1763, en dépit de l’autorisation gouvernementale, le grand commerce semble n’intéresser que modérément les Granvillais. Les rôles d’armement granvillais, postérieurs à 1759, ayant disparu, toute affirmation ne peut être qu’hypothétique. L’armateur Nicolas Deslandes arme des bâtiments au grand commerce, comme le précise sa demande d’anoblissement, datée de 1781 : « Depuis 1779, il a dix-sept navires en activité qui n’ont cessé d’être en majeure partie frettés au Gouvernement. Trois de ces navires viennent de partir pour l’Inde et cinq pour les Colonies de l’Amérique61. » Toutefois, la consultation des rôles de désarmement confirme cette désaffection des armateurs granvillais. L’armement terre-neuvier garde la préférence.
Le cabotage
42Granville se livre au cabotage, mais d’une façon modeste. Une part importante des importations est accomplie par les morutiers qui portent du fret à leur retour de Terre-Neuve. De Marseille, ils apportent des savons, des huiles, du coton, de la laine, de l’alun, des fruits, des vins, des olives, des anchois et des câpres. De Bordeaux, ils amènent des vins, des liqueurs, des eaux-de-vie, des fruits, du brai et du goudron. Les escales à La Rochelle et Nantes leur fournissent du sel (pour la salaison des morues), des vins et des liqueurs. Le petit cabotage se pratique en grande partie avec les ports de Bretagne (Saint-Malo très majoritairement, mais aussi Morlaix, Châteaulin), Chausey, Jersey, Guernesey, l’île de Ré, les ports normands (Dieppe, Le Havre, Rouen, Cherbourg, La Hougue, Portbail, Caen) et parfois Arcachon, Le Croisic, La Rochelle. Le plus fréquent commerce se livre avec Saint-Malo. Les bateaux y passent des passagers, mais aussi les coffres des matelots qui ont embarqués sur des bâtiments malouins ainsi que diverses affaires nécessaires à la navigation dans l’un ou l’autre port :
« Ils portent quelquefois du cidre à Saint-Malo et en apportent des marchandises de toutes espèces venant du Levant et des toiles de Bretagne. Une partie de ces bateaux, principalement ceux qui sont pontés, vont à Regnéville y charger des pierres à chaux qu’ils portent à Morlaix, d’où les uns rapportent du beurre, de la graisse, du suif, et futailles pour Granville ; d’autres vont à Lannion où ils chargent de chanvre, et d’autres à Brest où ils portent du cidre et en apportent de l’ardoise de Châteaulin et de la sardine de la baie de Brest. Il se transporte des quantités de toiles de toutes espèces aux îles de Jersey ou de Guernesey et les bateaux en apportent du charbon de terre et quelque peu d’étain, plomb, pipes, huile de morue et bois de campêche62. »
43Grâce aux rôles d’armement conservés à Cherbourg, l’évolution de ce petit cabotage peut être appréciée, bien que les renseignements soient partiellement ou totalement lacunaires pour certaines années.
44La stabilité caractérise le cabotage granvillais, malgré un important creux dans les années 1730, suivi d’un pic dans la décennie suivante. Un déclin léger se remarque cependant à partir de la guerre de Succession d’Autriche. Comme Granville se spécialise dans la pêche morutière, elle délaisse quelque peu le cabotage, qui profite dès lors au petit port de Regnéville, où l’on arme barques, gabares et bateaux à destination de la Bretagne, mais aussi de Bordeaux et de l’Espagne.
45La guerre exerce une influence sur l’activité, moins grande cependant que sur la pêche morutière. Même ralenti, le petit cabotage perdure bon an mal an. Ce type de navigation, toujours le long des côtes, semble tenir a priori ces petits bâtiments à l’écart d’une mauvaise rencontre. Il n’en est rien pourtant, car la proximité des corsaires de Jersey, toujours prêts à capturer un navire dans le passage de la Déroute63 à partir de leur île ou de l’archipel de Chausey, constitue un réel danger permanent. Heureusement, la possibilité de s’abriter dans le port de Regnéville et la présence permanente d’un navire garde-côtes à Granville empêche l’arrêt total.
*
46Les activités maritimes de Granville ont donc toujours été dominées par la pêche : d’abord celle des huîtres, puis celle de la morue. L’essor de cette dernière se manifeste véritablement dans la première moitié du XVIIIe siècle, en concentrant rapidement la quasi-totalité des énergies locales et en reléguant la pêche des huîtres au second plan. Une réflexion de Jean-François Brière pourrait expliquer cet essor. Il serait dû à l’opiniâtreté des armateurs qui multiplient les démarches dans les années 1730 auprès du gouvernement pour être mis à égalité avec les ports fiscalement privilégiés dans la pêche (Dieppe, Le Havre, Honfleur, Nantes, La Rochelle, les ports basques) « sous prétexte qu’ils commerçaient avec le Canada depuis plus de deux cents ans64 »… Cette requête est alors acceptée par le gouvernement : ils obtiennent les mêmes privilèges fiscaux attribués à la pêche morutière. Le port bas-normand gagne ensuite, « en janvier 1739, le droit de prendre son sel en Bretagne, ce qui mit ses terre-neuviers sur un pied d’égalité avec Saint-Malo dans la course annuelle aux meilleurs emplacements de pêche65 ». Granville sait donc profiter de ces divers avantages pour améliorer une activité qui décolle déjà superbement et qui demande à progresser encore. Par la suite, dans les années 1760, l’activité débordante d’un Granvillais, Louis Bretel, s’avère déterminante pour le destin du port dans son activité morutière : cet ancien lieutenant de maire exerce simultanément le métier d’avocat et celui d’armateur. Personnage particulièrement bien placé dans le monde de la pêche et celui de la législation, il sert pendant de longues années d’intermédiaire influent entre son port et les fonctionnaires des différents ministères pour obtenir des décisions favorables à la pêche de la morue, non seulement pour les Granvillais, mais aussi pour l’ensemble des ports français terre-neuviers66.
47Toujours est-il qu’à partir des années 1720, tout converge désormais vers la pêche morutière et tout se justifie par elle, au point de fixer durablement le destin de toute la région vers son industrie. Dès lors, la monoculture terre-neuvière devient la caractéristique du port, à la différence de Saint-Malo, Honfleur, Le Havre, Nantes ou Bordeaux qui passent pour des ports complets, en raison de la diversité de leurs activités.
48Tandis que la pêche de la morue s’essouffle en Europe67, poussant les grands ports à y renoncer, Granville s’impose et vient disputer la prédominance à Saint-Malo. Récemment, Gérard Le Bouëdec a évalué le revenu total des pêches du XVIIIe siècle à vingt-cinq millions de livres (ce qui paraît modeste par rapport aux revenus de la campagne française)68. La pêche morutière représenterait 54,5 % de ces vingt-cinq millions69. Comme Granville et Saint-Malo se partageaient la plupart de ces revenus, il est permis de penser que les deux ports surent en tirer de confortables revenus. Indiscutablement, c’est la morue qui a fait la fortune de Granville.
Notes de bas de page
1 AN, Marine, C5 54, f° 61-65.
2 AN, Marine, B3 210, f° 222.
3 Abad R., Le grand marché ; L’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, Librairie Fayard, 2002, p. 527.
4 AN, Marine, C5 39, cité par R. Abad dans Le grand marché…, op. cit., p. 522.
5 Abad R., Le grand marché…, op. cit., p. 525.
6 AN, Marine, C4 159, pièce 45 (1740).
7 Ibid.
8 Ibid.
9 Abad R., Le grand marché…, op. cit., p. 540.
10 AN, Marine, C4 159, pièce 45 (1740).
11 Ibid.
12 AN, Marine, C5 54, f° 63-65.
13 Ibid., f° 65.
14 Ibid., f° 61.
15 AD14, C3046.
16 AN, Marine, C4 159, pièce 45 (1740).
17 Mayeux-Doual L.-J.-B., Mémoires…, p. 155.
18 AN, Marine, C4 159, pièce 45 (1740).
19 AN, Marine, C5 37. Citons aussi le livre de Duhamel du Monceau, Traité général des pesches, Paris, 1769, et les travaux de C. de La Morandière, Histoire de la pêche française dans l’Amérique septentrionale, Paris, Maisonneuve et Larose, 1962-1964.
20 AN, Marine, C5 37, Précis sur l’encouragement de la pêche, daté de 1764. L’examen des rôles d’armements granvillais contredit toutefois ces données numériques. Le tonnage de ces navires oscillait entre 50 et 100 tonneaux, parfois moins, parfois plus. En 1740, la Marie Petite jaugeait 30 tx. En 1777, l’Aimable Jeanne ne jaugeait que 20 tx. En revanche, l’Amitié, qui partit au banc en 1706, jaugeait 160 tx. L’équipage, modeste lui aussi, ne dépassait jamais 19 hommes (le capitaine, le contremaître, 15 matelots, 2 mousses), car la limite de vingt hommes imposait la présence d’un chirurgien depuis le règlement du 5 juin 1717.
21 La Morandière C. de, Histoire de la pêche française…, op. cit., t. 1, p. 157.
22 On parle de morue verte à cause de la pigmentation dominante de la peau de ce poisson. Quant à l’expression en vert, elle signifie conservé non séché, un peu salé.
23 En ce cas, ils partaient une première fois en janvier, puis une seconde fois en juillet-août.
24 AN, Marine, C5 37.
25 AN, Marine, C4 159, pièce 45.
26 Abad R., Le grand marché…, op. cit., p. 482.
27 AN, Marine, C5 37. Une fois encore, l’examen des rôles d’armement granvillais montre des différences. Le tonnage des navires utilisés pour ce genre de pêche se révèle grosso modo plus important que celui de la pêche errante, mais pas aussi important qu’il est précisé dans ce mémoire : de 60 à 300 tonneaux, parfois moins. En 1724, le Jacques part pour l’Ile Royale. Il ne jauge que 40 tx avec un équipage de 10 hommes. En 1726, la Françoise part pour Gaspé avec un tonnage et un équipage identiques. La moyenne générale des équipages, entre 1722 et 1792, donne environ 0,5 homme par tonneau de jauge. Ils se composaient en général de quatre officiers au minimum (le capitaine, le maître, un lieutenant, le chirurgien et éventuellement un second lieutenant, un ou plusieurs enseignes, un aumônier), de nombreux matelots (avec le charpentier et le maître calfat) et les mousses.
28 AN, Marine, C4 159, pièce 29, Mémoire de F. Sicard (1731).
29 Ibid.
30 Ibid.
31 AN, Marine, C4 159, pièce 45 (1740).
32 Ibid.
33 Ibid.
34 AN, Marine, C5 37.
35 AN, Marine, C4 174, p. 663.
36 Lespagnol A., Messieurs de Saint-Malo…, op. cit., p. 283-295.
37 Villand R., L’activité du port de Granville en 1619, Saint-Lô, Société d’archéologie et d’histoire de la Manche, 1984, p. 8.
38 BNF, Manuscrits français, 18596, f° 17-18 ; BNF, Manuscrits, Cinq cents Colbert, 199 ; AN, Marine, B3 19, f° 360 ; SHD, Marine, Vincennes, SH82, f° 219-220.
39 AD27, 216 BP 346.
40 Entre 1722 et 1792, Granville arme 2332 terre-neuviers en pêche errante et 1627 autres en pêche sédentaire.
41 Brière J.-F., La pêche française en Amérique du nord au XVIIIe siècle, Montréal, Fides, 1990, p. 262.
42 Ibid., p. 109.
43 AN, Marine, C11F5, f° 140-147.
44 AN, Marine, C5 59. J-F Brière donne des explications complémentaires dans son livre La pêche en Amérique du nord au XVIIIe siècle…, op. cit., chap. 8.
45 SHD, Marine, Cherbourg, 12P4 19-23.
46 Brière J.-F., La pêche française en Amérique du nord…, op. cit., p. 122.
47 Ibid., p. 122.
48 AN, Marine, C5 59.
49 Brière J.-F., La pêche française en Amérique du nord…, op. cit., p. 123.
50 Ibid., p. 124.
51 Le nom de pot de vin aurait été donné parce qu’il désignait clairement la façon d’appâter les matelots et d’acheter leur accord pour embarquer à bord d’un terre-neuvier.
52 Brière J.-F., La pêche française en Amérique du nord…, op. cit., p. 128.
53 Selon Vauban (Projet d’une dixme royale qui supprimant la tailles…, p. 75-76), un tisserand gagne moyennement 12 sols par jour et un manouvrier de la campagne 9 sols à la fin du XVIIe siècle. Vauban estime que ces deux hommes n’ont que 180 jours de « vrai travail » par an (si l’on déduit les journées de non travail tels que les dimanches, les jours de fête, de gelée, de maladie, d’absence pour les foires…). Il en résulte que les revenus réels du tisserand s’élèvent à 2160 sols par an (c’est-à-dire 108 livres) et ceux du manouvrier à 1620 sols (81 livres). Les prix et les salaires augmentant au fil des décennies, les revenus doivent atteindre 150 à 180 livres vers la fin du XVIIIe. Un ouvrier très qualifié de la ville, par exemple un charpentier gagne au mieux 20 sous par jour. Sur la même base de calcul, avancée par Vauban, cela fait un revenu de 200 livres par an vers 1780. Par comparaison, un petit exploitant agricole gagne entre 350 à 400 livres par an.
54 « 12 000 navires et 450 000 hommes : telles furent sans doute, approximativement, les dimensions globales de l’armement terre-neuvier français au XVIIIe siècle. » Brière J.-F., La pêche française en Amérique du Nord…, op. cit., p. 262.
55 Ibid., p. 161-193.
56 Valin R-J., Nouveau commentaire…, op. cit., t. 1, p. 417. Lettres-patentes du roi portant règlement pour le commerce des colonies françaises du mois d’avril 1717. « Art. 1er : Les armements des vaisseaux destinés pour les îles et colonies françaises seront faits dans les ports de Calais, Dieppe, Le Havre, Rouen, Honfleur, Saint-Malo, Morlaix, Brest, Nantes, La Rochelle, Bordeaux, Bayonne et Sète. »
57 AN, Marine, B3 383, f° 52-53.
58 Ibid.
59 AD14, C4160, Arrêt du Conseil du roi qui admet le port de Granville au nombre de ceux par lesquels il est permis de faire directement le commerce des îles & colonies françaises de l’Amérique (29/12/1763).
60 Recueil des lois relatives à la marine et aux colonies, Paris, Imprimerie impériale, an XII, t. 13, p. 195.
61 AN, Marine, C7 85, dossier Deslandes.
62 AN, Marine, C4 159, pièce 45 (1740).
63 On donne le nom de Déroute au passage entre les côtes du Cotentin et les îles Anglo-Normandes, depuis le Raz Blanchard, entre le cap de la Hague et Aurigny, jusqu’à la baie du Mont-Saint-Michel.
64 Brière J.-F., « L’État et le commerce de la morue de Terre-Neuve en France », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 36, no 3, 1982, p. 332-333.
65 Ibid., p. 333.
66 Un mémoire daté de 1771 témoigne de l’importance de son activité : « Le sieur Bretel, avocat et négociant en Granville, désigné par M. le duc de Choiseul, alors ministre de la marine, fut député à la fin de 1763 par le commerce de Saint-Malo et de Granville pour aller à Londres et fournir des mémoires à M. le comte de Guerchy, ambassadeur du roi sur nos contestations avec la cour d’Angleterre à l’occasion de la pêche à la morue sèche aux côtes de l’île de Terre-Neuve… Il a perdu son cabinet d’avocat qui, en 1763, était le second de Granville en valeur. Loin d’avoir augmenté, comme tous les autres, ses armements, il est obligé dans ce moment-ci de désarmer son navire unique parce que dans la vérité il a consommé à Paris les fonds de son commerce, de manière qu’à force de travailler pour l’avancement de la pêche à la morue, il s’est mis à peu près dans le cas de n’y avoir plus aucun intérêt personnel. » (AN, Colonies, C11F 3, f° 303-306.)
67 Le Bouëdec G., Activités maritimes et sociétés littorales de l’Europe atlantique (1690-1790), Paris, Armand Colin/Masson, 1997, p. 23. Selon lui, le nombre des armements passe de 500 à 350 au milieu du XVIIIe siècle pour l’ensemble des ports français.
68 Ibid., p. 24. À propos des revenus des campagnes françaises, l’auteur reprend l’estimation effectuée par Pierre Goubert. Elle s’élevait à 1,5 milliard de livres.
69 Ibid., p. 24.
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