1 Rousso, Le Syndrome de Vichy, de 1944 à nos jours ; dans ses ouvrages ultérieurs, Rousso a « déploré » « l’obsession » de Vichy. Voir Conan et Rousso, Vichy. Un passé qui ne passe pas, et Rousso, La Hantise du passé.
2 Pour remettre le procès Papon dans le contexte des autres procès pour crimes contre l’humanité qui se sont tenus à la même époque, voir Golsan (dir.), The Papon Affair : Memory and Justice on Trial, et aussi Chalandon et Nivelle, Crimes contre l’humanité. Barbie, Touvier, Bousquet, Papon. J’aborderai le procès Barbie et sa signification dans le chapitre 4 du présent ouvrage.
3 Serge Klarsfeld commença à publier des ouvrages sur la persécution des Juifs sous le régime de Vichy durant les années où la France tentait d’obtenir l’extradition de Barbie. Le premier d’entre eux, Le mémorial de la déportation des Juifs de France, parut en 1978. Klarsfeld, dont le père avait été déporté et tué à Auschwitz, est l’un des fondateurs de l’association des « Fils et filles des déportés Juifs de France », qui s’efforce de promouvoir la mémoire de le la Shoah en France. Son livre sur la déportation des enfants juifs d’Izieu, dans laquelle Barbie joua un rôle majeur, parut peu de temps après l’extradition de ce dernier vers la France ; voir Klarsfeld, Les Enfants d’Izieu. Une tragédie juive.
4 Pour compliquer les choses, la Cour de Cassation déclara, en décembre 1995, que certains crimes commis contre la Résistance pouvaient aussi être considérés comme des crimes contre l’humanité. Sur ce point, voir le chapitre 4 de ce livre, p. 81-82.
5 Le livre qui fait autorité sur la vie et la postérité de Jean Moulin est la monumentale biographie que lui a consacré Daniel Cordier, un ancien résistant qui fut le secrétaire de Jean Moulin à Lyon ; historien autodidacte mais respecté de ses confrères, Cordier s’est consacré à l’étude de la vie et de l’influence de Moulin. Voir Jean Moulin. La République des catacombes. Un autre excellent ouvrage, collectif celui-là, traite des multiples facettes de la vie et de l’action politique de Moulin : Jean-Pierre Azéma (dir.), Jean Moulin face à l’histoire.
6 La première intervention médiatique au cours de laquelle Vergès accusa des membres de la Résistance d’avoir trahi Moulin eut lieu le 12 novembre 1983, sur une chaîne de télévision française. Elle produisit un immense tollé dans la presse française dans les jours qui suivirent. Voir, par exemple, Théolleyre, « La provocation de l’avocat de Klaus Barbie », et Derogy, « Affaire Barbie : les masques de Vergès », dans L’Express.
7 « Transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon : discours prononcé à Paris le 19 décembre 1964 », dans Malraux, La politique, la culture, p. 295-305. Pour en savoir davantage sur ce qui relie Moulin et Malraux, se reporter au chapitre 3 de ce livre.
8 Frenay a d’abord lancé cette accusation dans ses mémoires, La nuit finira, avant de la réitérer dans un livre entièrement consacré à Jean Moulin, L’énigme Jean Moulin.
9 Tous ceux qui ont été emprisonnés, à l’exception de Raymond Aubrac, furent transférés à Paris peu de temps après. Un seul d’entre eux (Henri Aubry, du groupe Combat) a été relâché à Paris, les autres ont été déportés. Pour plus de détails sur Caluire et ses conséquences, voir Cordier, Jean Moulin, chap. 17-18 ; Veillon et Azéma, « Le point sur Caluire » ; et Veillon et Alary, « Caluire. Un objet d’histoire entre mythe et polémique ».
10 Barbie, qui travaillait alors pour les services secrets américains en Allemagne (les États-Unis ont refusé de l’extrader vers la France), donna trois dépositions en 1948 au commissaire de police Louis Bibes ; il y affirmait que René Hardy était celui qui l’avait informé de la réunion de Caluire. Hardy lui-même reprit le texte de ces dépositions dans un livre publié en 1984, à des fins d’autojustification, Derniers mots. Pour une bonne synthèse des deux procès de Hardy, voir Cordier, Jean Moulin, chap. 24.
11 Quelques extraits de ce film, intitulé Que la vérité est amère, et réalisé par Claude Bal, sont repris dans le documentaire de Marcel Ophuls, Hôtel Terminus. Klaus Barbie, sa vie et son temps, que j’aborderai au chapitre 4. Pour connaître le détail des interventions de Barbie dans la presse française entre 1972 et 1984, voir Henri Noguères, La vérité aura le dernier mot. Comme le suggère son titre, cet ouvrage s’inscrit en porte-à-faux par rapport au livre de Hardy, Derniers mots.
12 Voir, par exemple, les articles de Jean Darriulat parus dans le quotidien Le Matin, les 5, 6 et 7 mai 1984 ; on peut les retrouver, ainsi que beaucoup d’autres, dans le dossier de presse sur la Résistance de l’Institut des Sciences politiques, à Paris.
13 En 1990, la condamnation de Jacques Vergès et de Bal pour diffamation à l’encontre des Aubrac a été confirmée en appel. Voir Le Monde, « Publication judiciaire », 23 février 1990, p. 12.
14 Lucie Aubrac, Ils partiront dans l’ivresse (Seuil, coll. « Points », p. 11). Des années avant de s’atteler à la rédaction de ses mémoires, Lucie Aubrac avait donné des interviews dans lesquelles elle racontait sa version de l’histoire (voir Ania Francos, Il était des femmes dans la Résistance, p. 251-254) ; dès 1945, elle avait publié une étude sur la Résistance où elle mettait en avant les aspects héroïques du mouvement et livrait un certain nombre d’éléments de son histoire et de celle de Raymond, sans citer leurs propres noms ; voir L. Aubrac, La Résistance. Naissance et organisation. Quelques années après l’« Affaire Aubrac », elle publia un autre court texte sur la Résistance qui est aujourd’hui vendu dans les librairies de divers musées consacrés à la Deuxième Guerre mondiale en France, à côté de ses mémoires, parus en 1984 ; voir L. Aubrac, La Résistance expliquée à mes petits-enfants.
15 L. Aubrac, Ils partiront dans l’ivresse (Seuil, 1984), p. 253-259. Ces témoignages d’Eugène Bredillot et Serge Ravanel ont disparu des éditions postérieures du livre. Les propos de Ravanel concernant ce que les Allemands savaient de l’identité d’Aubrac sont partiellement erronés.
16 Raymond Aubrac, Où la mémoire s’attarde, chap. 2.
17 Rioux, chronique sur Où la mémoire s’attarde, dans Le Monde des Livres du 6 septembre 1996, p. XI.
18 Voir, par exemple, Conan, « Aubrac. Le passé revisité » et Grassin, chronique sur Lucie Aubrac dans L’Express ; Wievorka, « Les secrets de l’affaire Jean Moulin » et Lefort et Séguret, « Les Mystères Aubrac » dans Libération ; Frodon et Greilshamer, chronique sur Lucie Aubrac dans Le Monde ; et Muratori-Phillippe, « Affaire Aubrac. Les ombres d’une légende » dans Le Figaro.
19 Paul Quinio, « ‘Lucie Aubrac’ hébergée dans les écoles ». Sur le succès du film au box-office, voir Laurence Alfonsi, « La réception du film Lucie Aubrac, p. 42. Pour une réflexion objective sur le film et l’« affaire », voir Leah D. Hewitt, « Identity Wars in ‘L’Affaire (Lucie) Aubrac’ : History, Fiction, Film ».
20 Vernant, « La mémoire et les historiens ».
21 Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire.
22 White, Métahistoire et Tropics of Discourse.
23 Chauvy, « Les trois mystères Aubrac ».
24 Muratori-Phillippe, « Affaire Aubrac. Les ombres d’une légende ». Beaucoup des chroniques négatives consacrées au film font mention du livre de Chauvy à paraître, en l’opposant à la « légende » véhiculée par le film.
25 Gérard Chauvy, Aubrac. Lyon, 1943. La préface est signée René Fallas.
26 Chauvy, Aubrac. Lyon, 1943, p. 382, 385, 401.
27 Au cours d’une conférence de presse donnée le 8 octobre 1991, Raymond Aubrac demanda qu’une commission d’historiens enquête sur « l’affaire de Caluire » (rapporté dans Le Monde, « Suite aux accusations de Klaus Barbie, M. Raymond Aubrac demande la création d’une commission d’historiens sur l’‘Affaire de Caluire’ » 10 octobre 1991).
28 Bien qu’ils aient condamné les méthodes de Chauvy, les historiens considèrent néanmoins certains documents apportés à l’appui de sa démonstration comme étant d’une grande importance, ainsi que nous le verrons plus loin.
29 Le jugement contre Chauvy et son éditeur Albin Michel fut rendu le 2 avril 1998, le jour même de la condamnation de Maurice Papon pour complicité de crimes contre l’humanité ; voir Weill, « L’historien Gérard Chauvy condamné pour diffamation envers les Aubrac ». La décision a ensuite été confirmée en appel.
30 Le script a été publié : Jean-Luc Godard, éloge de l’amour, p. 117.
31 Vidal-Naquet, Le Trait empoisonné. Réflexions sur l’affaire Jean moulin, p. 41-58.
32 Wievorka, « Les secrets de l’affaire Jean Moulin » (chronique du livre de Jacques Baynac, Les Secrets de l’affaire Jean Moulin), Le Monde, 18 novembre 1998 ; quelques années auparavant, un autre livre avait brossé le portrait de Jean Moulin en agent soviétique : Wolton, Le Grand Recrutement.
33 L’article le plus détaillé pour la défense des Aubrac, répondant point par point aux accusations de Chauvy, a été celui de Gilles Perrault : « Barbie, son Tartuffe, et les Aubrac », Le Monde, 23 mai 1997 ; Chauvy répondit à Perrault dans Le Monde des 22-23 juin 1997. Quelques mois plus tard, François Delpla publia un ouvrage volumineux dans lequel il réfutait les arguments de Chauvy. Parmi ceux qui ont exprimé des doutes, tout en soutenant les Aubrac, le plus influent est sans doute le biographe de Jean Moulin, Daniel Cordier, interviewé dans Libération le 8 avril 1997. Les Aubrac ont répondu aux questions de l’historien de la Résistance Henri Amouroux dans une longue interview qui a été publiée dans Le Figaro Magazine, le 12 avril 1997. Toutes ces publications ont eu lieu avant la fameuse table-ronde de Libération.
34 Ce vif débat a été déclenché par la publication d’un ouvrage collectif, Le Livre noir du communisme. Crimes, terreur et répression, dont le maître d’œuvre, Stéphane Courtois écrivait en introduction que le communisme était l’« égal » du nazisme. Mais déjà quelques mois plus tôt, le livre de Karel Bartošek sur Arthur London, Les aveux des archives, avait créé la polémique. L’auteur affirmait que London, détenu à Prague pendant le procès Slansky, et futur auteur du best-seller L’Aveu, était toujours sous la coupe du parti qu’il dénonçait. Dans son livre, Bartošek mentionne Raymond Aubrac, qui travaillait comme consultant pour le gouvernement tchécoslovaque dans les années 1950, laissant entendre que celui-ci était un « agent » ; voir Conan, « Prague ou la mémoire blessée », L’Express, 7 novembre 1996. Les liens entre l’« affaire Aubrac » et l’« affaire London » sont analysés en détail dans différents articles de l’hebdomadaire Politis parus le 3 juillet 1997.
35 Libération, supplément, « Les Aubrac et les historiens », 9 juillet 1997, p. II.
36 En novembre 1991, Raymond Aubrac a contacté Robert Frank (alors Directeur de l’IHTP) pour renouveler sa demande, et lui a de nouveau écrit le 14 avril 1992. Frank lui a répondu qu’il allait réfléchir à la question, mais la commission n’a jamais été mise en place (archives personnelles de Henry Rousso, que je remercie ici d’avoir bien voulu me laisser consulter ces documents).
37 « Les Aubrac et les historiens », Libération, 9 juillet 1997. Les numéros de page entre parenthèses auxquels je me réfèrerai par la suite sont ceux de cette transcription ; le supplément était numéroté en chiffres romains.
38 Justices, no 2 (2000), section spéciale intitulée « Points de vues : les Aubrac et les historiens », qui comprend des articles critiques de Lucien Karpik et Daniel Soulez-Larivière, et les réponses d’Agulhon, Azéma, Bédarida, Rousso et Vernant.
39 Prost, « Les historiens et les Aubrac : une question de trop », Le Monde, 12 juillet 1997, p. 13 ; on trouve une critique historique du même type dans Claire Andrieu et Diane de Bellescize, « Les Aubrac, jouets de l’histoire à l’estomac », Le Monde, 17 juillet 1997, p. 12.
40 Libération a intitulé l’ensemble du dossier « Les Aubrac et les historiens », les deux pages introductives étant signées par deux journalistes. La transcription proprement dite est divisée en cinq « chapitres », dont chacun porte un titre distinct : 1. « Préliminaires pour un débat, l’histoire et ses acteurs » ; 2. « Mars-mai 1943, la première arrestation de Raymond Aubrac » ; 3. « Caluire, guetapens à la villa du Dr. Dugoujon » ; 4. « Juillet-septembre 1943, le rapport du commissaire Porte » ; 5. « Le 21 octobre 1943, hypothèses pour une évasion ». La dernière section de la transcription est intitulée « Epilogue : des zones d’ombre subsistent ».
41 Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, p. 203 ; les autres numéros de page seront désormais donnés entre parenthèses dans le texte.
42 Le détail le plus significatif est la date qu’elle donne pour la libération de Raymond, après sa première arrestation, soit le 14 mai, alors qu’il a en fait été relâché le 10 mai. Chauvy, suivant le « testament de Barbie », se sert de cet écart temporel pour laisser entendre qu’Aubrac aurait été gardé par Barbie pour des « debriefings » jusqu’au 14. Lucie Aubrac a ensuite expliqué s’être laissée convaincre par son éditeur de choisir la date du 14 mai car c’était une date anniversaire importante dans la vie du couple. L’éditeur, Serge Guillebaud, a confirmé ses dires ; voir ses « Calomnies d’outre-tombe », dans Le Nouvel Observateur, 24-30 octobre 1991.
43 Rousso, La Hantise du passé, p. 50-84.
44 Rousso, La Hantise du passé, p. 126.
45 Azéma, « Il n’y a pas d’affaire Aubrac », L’Histoire, no 211, juin 1997, p. 85. Après que la cour eut rendu le jugement qui condamnait Chauvy pour diffamation envers les Aubrac, Azéma a débattu avec l’avocat des Aubrac, Georges Kiejman, affirmant de nouveau la primauté de la vérité historique sur le respect dû aux personnes. Voir Azéma et Kiejman, « L’histoire au tribunal ».
46 Cordier, Jean Moulin, p. 801.
47 Bien que l’arrestation de mars ait été le fait de la police française, et non des Allemands, Raymond et ceux qui ont été arrêtés avec lui ont tous été interrogés par Barbie.
48 Document reproduit en appendice dans Chauvy, Aubrac. Lyon, 1943, p. 323.
49 Aubrac, Où la mémoire s’attarde, p. 124.
50 Aubrac, « Ma part de vérité », p. 79.
51 On a pu voir le témoignage de Raymond Aubrac au procès Barbie dans la version retransmise par la chaîne Histoire en novembre 2000 et en juillet 2001. L’enregistrement du procès et sa retransmission à la télévision étaient le premier événement de ce type dans l’histoire de la justice française – on a montré environ deux tiers du métrage, découpés en plages de deux heures et diffusés sur plusieurs jours consécutifs, avec les commentaires d’historiens et de juristes.
52 Aubrac, Ils partiront dans l’ivresse, p. 87.
53 Raymond Aubrac, « Ce que cette table ronde m’a appris », Libération, 10 juillet 1997, p. 30. Voir aussi l’interview donnée en juin 1997, « Ma part de vérité ».
54 Le récit de Lucie Aubrac relève de l’« omission » évoquée précédemment, plutôt que de la contradiction. Mais comme on a vu, l’édition originale de son livre comportait en annexe deux témoignages susceptibles d’être « présentés devant un tribunal », relatifs au procès Barbie et aux accusations de Vergès. Serge Ravanel, compagnon de Résistance des Aubrac, déclarait, lui, sans ambiguïté : « Les Allemands ignorèrent son identité réelle, Raymond Samuel, le fait qu’il était juif, et que son nom de Résistance était Aubrac » (Ils partiront dans l’ivresse, Seuil, 1984, p. 256). Ces témoignages ont été retirés des éditions ultérieures du livre.
55 « La marche du siècle », France 3, 22-1-97 (Inathèque de France, Numéro DL : DL T 19970122FR3 008.001/002). Diffusion en direct, avec la participation de Raymond et de Lucie Aubrac et Elie Wiesel, autour du thème suivant : « transmission de la mémoire auprès des jeunes ». Le journaliste Ladislas de Hoyos, qui posait les questions, avait publié un livre sur Barbie dans les années 1980. Pour autant que je le sache, ce programme n’a été mentionné dans aucune des discussions sur l’affaire Aubrac.
56 Serge Klarsfeld, « à propos de Raymond Aubrac », Le Monde, 25 juillet 1997.
57 Azéma, « Affaire Aubrac : les faits sont têtus », Libération, 28 août 1997.