Chapitre III. L’implantation cistercienne
p. 69-98
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Texte intégral
1S’impose en premier lieu un récit des créations conventuelles. C’est là une tâche difficile nécessitant l’instruction d’un véritable procès en datation. Les chartes de fondation, en effet sont pratiquement inexistantes. Cette grave lacune est d’ailleurs une particularité commune à la plupart des abbayes cisterciennes. M. Marcel Aubert l’attribue à la vie précaire des arrivants, à l’instabilité des premières années et à l’esprit de détachement des moines1. Dans les cas les meilleurs, les fondations ne nous sont connues que par des chartes de confirmation ou des notices décrivant parfois les détails de la donation primitive. La plupart sont tardives, et certaines sont d’une authenticité douteuse2, quand il ne s’agit pas de faux purs et simples3. Un autre problème résulte du temps, généralement très long, qui s’écoule entre la décision prise par un seigneur de créer une abbaye, décision concrétisée par le choix d’un emplacement et la constitution d’un temporel, l’arrivée des premiers moines, et l’édification des bâtiments réguliers indispensables : église, réfectoire, dortoir, hôtellerie, porterie. La dédicace de l’église et la consécration du cimetière, toujours ajournées à la fin des travaux, couronnaient la nouvelle fondation et l’établissaient de manière définitive. En principe, elle était alors occupée par au moins douze moines, parfois assistés de convers, dirigés par un abbé et munis des ouvrages liturgiques indispensables : missel, règle, livre des usages, psautier, hymnaire, livre des collectes, lectionnaire, antiphonaire, graduel4.
2Nous essaierons ensuite de déterminer quelles ont été les conditions du succès des Cisterciens en Bretagne, en identifiant notamment les artisans de leur implantation et leurs premiers bienfaiteurs laïcs et ecclésiastiques.
Les créations
Les débuts de l’ordre et les premières fondations (1130-1147)
3Comme nous l’avons montré dans notre introduction générale, c’est en 1130 que fut fondée la première abbaye cistercienne en Bretagne, Notre-Dame de Bégard. Reprenons, dans son intégralité, le texte de l’ancienne notice qui en rapporte les circonstances :
« Notre-Seigneur Jésus-Christ, daigna rendre visite à la région de Tréguier. À cet effet, il envoya en 1130 quatre religieux, Jean, Guillaume, Abraham et Jacques, du monastère de l’Aumône situé dans le pays de Chartres… Ils se rendirent tout d’abord auprès de l’archevêque de Dol, Baudry, et lui firent part de leur désir d’édifier en Bretagne une abbaye cistercienne… Sur son conseil, ils allèrent porter leur requête auprès de Geoffroy, fils du comte Étienne. Il les reçut avec honneur et les retint quelques jours avant de les adresser à son père. Celui-ci, qui connaissait la renommée de Cîteaux et craignait pour son salut, leur demanda de rester près de lui et leur donna en terrains et en ressources de tout genre, ce qu’il fallait pour édifier une abbaye. L’évêque de Tréguier, Raoul5, accéda avec une grande joie à cette requête et sut, par son éloquence, enflammer le cœur des quatre envoyés afin qu’ils missent leur projet à exécution. Ces derniers gagnèrent ainsi un lieu nommé Pluscoat, c’est-à-dire Pure-Forêt (sic). Ils y trouvèrent un ermite qui s’appelait Raoul et habitait, à l’écart des humains, une hutte si petite qu’il avait du mal à y tenir lui-même. Affluèrent alors vers eux de nombreuses personnes, les unes pour les aider, les autres pour leur offrir des dons, les dernières enfin pour renoncer au monde et à ses séductions. Le lieu fut baptisé Bégard, suivant le surnom de l’ermite Raoul qui y demeurait alors ».
4Tel est le récit fourni par ce document hybride qui tient de la notice et du récit hagiographique. Il contient suffisamment d’erreurs et d’invraisemblances pour éveiller les soupçons légitimes de l’historien. Baudry étant mort le 5 janvier 1130, alors qu’il visitait les enclaves de Dol en Normandie6, les quatre moines de l’Aumône, venus cette année même en Bretagne, ne purent évidemment le consulter. D’autre part, fait remarquer La Borderie,
« si le comte Étienne s’était déclaré avec tant de zèle fondateur de la future abbaye, comment se fait-il que l’on n’ait jamais cité aucune charte attestant les libéralités de ce prince, alors que les hommes de ce temps, tous très friands de droits honorifiques et de prières pour leurs âmes, ne manquaient jamais de constater solennellement de pareilles fondations. Les relations des quatre moines avec les princes de Penthièvre sont donc plus que douteuses »7.
5Ce dernier point est en réalité inexact. Les princes de la maison de Penthièvre ont en effet largement favorisé l’implantation des Cisterciens dans leurs domaines. Cela est vrai, comme nous le verrons ultérieurement pour l’abbaye de Saint-Aubin-des-Bois. En ce qui concerne Bégard, la copie d’une charte de Conan IV, publiée par Dom Morice, nous apprend que ce prince confirma tous les dons qui lui avaient été faits par son père Alain le Noir « dont le corps reposait (en cette abbaye) »8. L’acte n’est pas daté, mais la titulature de Conan et la liste des témoins permettent de combler aisément cette lacune. Conan, en effet, s’intitule duc de Bretagne et comte de Richemont9 et, dans la liste des témoins, on trouve en tête Étienne, évêque de Rennes10 suivi de Guillaume, abbé de Saint-Melaine, de Raoul, archidiacre11 et des principaux seigneurs de haute Bretagne, Raoul de Fougères12, Roland de Dinan, Guy de Laval, Hugues de Châteaugiron, Robert de Vitré, Olivier de Montfort. Il est vraisemblable que l’acte dont l’authenticité ne paraît faire aucun doute, fut pris entre la majorité de Conan (vers 1145-1146) et la rébellion de 1164, fomentée par Raoul de Fougères13. Il est troublant que Conan, dans cet acte, ne fasse point mention d’interventions de son grand-père Étienne Ier en faveur de Bégard. Il en est de même dans une nouvelle confirmation prise en 1170 : Alain le Noir, père de Conan, et Henri, comte de Tréguier, son oncle, sont seuls cités14. Il semble donc bien, comme le pensait La Borderie, qu’Étienne Ier n’ait joué aucun rôle dans la fondation de Bégard. En revanche, son fils Alain, enterré là, a pu en être le fondateur15. Nous avons bien d’autres raisons de douter de l’authenticité de la pseudo-notice.
6Le lieu-dit « Pluscoat », tout d’abord, doit être situé à un kilomètre cinq cents environ au nord-ouest de Bégard et non à l’emplacement du monastère16. D’autre part, la traduction de « Pluscoat » par « Pure-Forêt » relève apparemment de la plus haute fantaisie17. Elle n’est peut-être pas fortuite. En 1220, en effet, un différend opposa les moines de Bégard à Eudon de Belle-Ile, au sujet, entre autres, d’une forêt voisine du nouveau domaine de « Purcoët »18. La pseudo-notice de Bégard nous semble donc constituer un faux destiné à pallier les inconvénients résultant de l’absence d’une charte de fondation. Son auteur, qui se voulait érudit19, a sans doute brodé autour de faits vraisemblables : substitution d’une abbaye à un ermitage, appui des autorités ecclésiastiques locales20 et des comtes de Penthièvre21. En ce qui concerne la date de fondation, admettons, faute de mieux, celle de 1130, léguée par la tradition cistercienne22.
7Dans les quinze années qui suivirent, dix autres abbayes cisterciennes s’élevèrent coup sur coup sur le sol de Bretagne. Parmi celles-ci, cinq étaient des filles de Bégard : Le Relecq, Boquen, Saint-Aubin-des-Bois, Lanvaux et Coëtmaloen. Or, une abbaye cistercienne ne pouvait essaimer que si elle renfermait au moins soixante moines23. Il faut donc supposer que Bégard connut un essor particulièrement rapide, car nous ne disposons d’aucun document pour confirmer cette hypothèse, tant du côté de l’abbaye-mère que de ses filles : les chartes de fondation et les premiers actes relatifs à l’histoire des abbayes de Relecq, de Boquen, de Saint-Aubin-des-Bois et de Lanvaux ont, en effet, disparu. Nous ne savons rien sur Le Relecq avant 118424, sur Boquen avant 114825, sur Saint-Aubin-des-Bois avant 115926, sur Lanvaux avant 119027. D’après Dom Taillandier qui s’inspire d’un ancien catalogue des monastères de Cîteaux, encore visible à son époque à l’abbaye de Bégard, Notre-Dame du Relecq aurait été fondée le 21 juillet 113228. Les moines ayant par la suite porté leurs aveux aux vicomtes de Léon, Dom Taillandier émet l’hypothèse, bien fragile il faut l’avouer, que ces derniers en avaient été les fondateurs29.
8Notre-Dame-de-Boquen, d’après le Chronicon britannicum30 et la tradition cistercienne31, fut fondée en 1137 par Olivier II, seigneur de Dinan. L’évêque de Tréguier, Guillaume, bénit le premier abbé. C’est en 1138 que Saint-Aubin-des-Bois vit le jour. Le nom de son fondateur est inconnu. Il s’agit très probablement de Geoffroi II Boterel, comte de Penthièvre32. En 1177, en effet, on voit son petit-fils Geoffroi III33 confirmer aux moines de Saint-Aubin leurs droits d’usage dans sa forêt de Lamballe, droits que leur avaient donnés successivement son grand-père Geoffroi, son père Rivallon et son frère Étienne34. Or la forêt appartenait en général au seigneur fondateur, surtout quand l’abbaye y était située, comme c’était le cas pour Saint-Aubin.
9Nous ne savons pratiquement rien des origines de Lanvaux, sinon qu’elles remontent à 1138 et que le premier abbé en fut Rouault, promu en 1143, évêque de Vannes35.
10Dernière fille de Bégard, l’abbaye de Coëtmaloen fut fondée en 1142 par Alain le Noir36. Sans doute connut-elle des débuts difficiles car Conan IV confirma la fondation paternelle pour éviter que les moines eussent à subir des vexations ou des risques d’expulsion37. Alain le Noir, deuxième fils d’Étienne Ier avait en effet hérité du comté de Richemont. À la mort de son père, survenue en 113838, il entra en guerre avec son neveu Rivallon et son frère Henri, afin d’avoir sa part dans les domaines de sa famille en Bretagne. Il jetait son dévolu sur les comtés de Tréguier et de Guingamp, héritage d’Henri. Les hostilités durèrent sept ans. Alain prit sans doute un avantage momentané puisqu’il fonda en 1142 l’abbaye de Coëtmaloen. Cependant il n’obtint pas de victoire totale, si bien qu’en 1144-1145, les antagonistes signèrent la paix, sans rien changer à leurs partages respectifs39. On peut supposer qu’Henri, ayant récupéré ses domaines, créa des ennuis aux moines, coupables à ses yeux d’avoir accepté les libéralités de son frère à ses dépens.
11Si nous en revenons à l’ordre chronologique après avoir étudié les débuts des cinq filles de Bégard, c’est l’abbaye Notre-Dame de Langonnet que nous trouvons fondée la première, le 20 juin 1136. Là encore, charte de fondation, cartulaire, titres, ont disparu, soit lors du sac de l’abbaye par La Fontenelle, partisan du duc de Mercoeur, au temps de la Ligue, soit à la Révolution40. D’après Dom Taillandier, l’abbaye vit le jour à l’initiative du duc Conan III41 ; elle était par ailleurs une fille directe de l’Aumône. Ce dernier point a été souvent contesté. Une bulle d’Alexandre III de 116342, énumérant les filles de l’abbaye chartraine cite Wawerley43, Tintern44, Le Landais45, Bégard, sans aucune mention de Langonnet. De plus, en 1393, Clément VII s’adresse à l’abbé du Relecq comme au père immédiat de Langonnet. Une décision authentique du Chapitre Général de Cîteaux de 1163, enjoint cependant à l’abbé de l’Aumône d’avoir à intervenir, à titre de Père immédiat, dans la discipline intérieure de l’abbaye46, ce qui semble clore le débat.
12Les étapes successives de la fondation de Melleray, dotation primitive, installation des moines, dédicace de l’église, nous sont bien connues47. Foulques, abbé de Pontrond, envoya deux de ses moines avec mission de parcourir toute la province de Bretagne pour y trouver un lieu apte à l’édification d’un nouveau monastère. Après avoir longtemps parcouru la région, ils arrivèrent auprès d’un vénérable ecclésiastique nommé Rivallon, qui était prêtre d’Auverné48. Il leur offrit généreusement l’hospitalité, puis les conduisit ensuite dans un lieu appelé Vieux-Melleray. Là, les pieux religieux demeurèrent ébahis devant les vastes ombrages d’un bois éloigné de toute l’agitation du monde49. Après en avoir remercié Dieu, ils se rendirent auprès du maître des lieux qui s’appelait Alain de Moisdon. Ce dernier, poussé par une pieuse et irrésistible impulsion leur accorda aussitôt l’endroit avec le bois nécessaire pour édifier un monastère ; lui-même tint à y venir, avec ses gens, pour en fixer les limites. Les moines se mirent aussitôt à l’ouvrage, défrichant la forêt, nivelant le terrain, acquérant des terres pour constituer un temporel. Au bout d’une dizaine d’années, en 114250, Foulques envoya à Melleray un nouveau groupe de moines, sous la direction de l’abbé Guitern, afin d’édifier le monastère et les bâtiments conventuels, de mettre les champs en culture, de créer des jardins, de creuser des canaux pour amener l’eau aux étangs, d’accroître les possessions de l’abbaye. La construction du nouveau monastère fut à peu près achevée en 114551. Deux ans plus tard, en 1147, le pape Eugène III envoya une bulle de confirmation à l’abbé Guitern. Suivant la règle imposée par saint Bernard, Melleray ne bénéficia pas du privilège d’exemption. L’autorité du siège apostolique et les droits accordés par l’Église à l’évêque du diocèse étaient en effet sauvegardés. En particulier, tout abbé de Melleray devait, après son élection, demander et recevoir la bénédiction de l’évêque diocésain52. Le 7 août 1183, enfin, eut lieu la cérémonie de dédicace de l’église ; deux prélats y assistèrent, Robert, évêque de Nantes et Guihénoc, évêque de Vannes53.
13Les débuts difficiles de l’abbaye de Buzay, les incertitudes qui ont présidé à sa fondation, l’intérêt présenté par cette dernière du fait des interventions conjuguées de saint Bernard et de la duchesse Ermengarde, ont donné matière à une abondante production historique54. Trois documents essentiels retracent ses origines. Le premier est un acte du duc Conan III. Aujourd’hui perdu, il nous est connu par le nouveau privilège où le même Conan III renouvelle les donations qu’il avait faites pour permettre la fondation d’une fille de Clairvaux à Buzay55. Le second, daté du 28 juin 1135, était considéré jusqu’ici, dans la tradition des Bénédictins bretons du xviiie siècle qui en avaient imprimé une copie56 comme l’acte de fondation de Buzay. Il s’agit en réalité d’un faux, destiné à suppléer la perte de la première charte de fondation57 ; les données fournies par cette charte sur la vie d’Ermengarde contredisent en effet les renseignements fournis par des sources narratives sûres58. Le troisième acte enfin est un nouveau privilège accordé par Conan III entre 1143 et 1148 dans lequel il évoque les raisons et les circonstances d’une nouvelle fondation59. Ce privilège d’une authenticité apparemment indiscutable constitue notre principale source d’information sur les premières années de l’abbaye de Buzay. Il faut y ajouter quelques textes narratifs. Le premier est un passage de la vie de saint Bernard, rédigée par son biographe Arnaud de Bonneval60, les autres sont des lettres envoyées par saint Bernard à Ermengarde61 et à Jean62, premier abbé de Buzay. Les circonstances de l’établissement des moines blancs dans le comté de Nantes peuvent ainsi être retracées avec précision.
14L’initiative de la fondation de Buzay appartint sans nul doute à Ermengarde, mère du duc Conan III, liée comme nous le verrons ultérieurement, aux milieux réformateurs63. C’est elle qui, en accord avec saint Bernard, prépara le terrain destiné à accueillir la nouvelle communauté64. Celle-ci arriva en Bretagne avec l’abbé de Clairvaux dans les derniers mois de l’année 1134 ou au début de l’année 1135 ; Bernard, en effet, avait été chargé par son ami Geoffroy de Lèves, évêque de Chartres et légat d’Innocent II dans les provinces de Bourges, Dol et Bordeaux, de se rendre auprès de Guillaume VIII, duc d’Aquitaine et comte de Poitiers, pour le sommer d’abandonner la cause de l’anti-pape Anaclet II65. Il s’acquitta de cette mission après un long séjour en Italie du Nord, achevé vers la fin de l’année 1134 et avant un voyage en Allemagne entrepris à la fin du mois de mars 1135 afin d’assister à la diète de Bamberg66. Conan III rédigea alors un premier privilège par lequel il cédait aux moines de Clairvaux l’île de Cabéron, l’île de Buzay, l’île de Dun avec droit exclusif de pêche à la senne dans le lac de Grandlieu, différents droits d’usages et quelques rentes67. Le duc de Bretagne, cependant, ne tint pas ses promesses. Ce changement d’attitude réduisit les religieux à la misère. On raconta de surcroît à leur abbé Jean68 de fausses nouvelles selon lesquelles saint Bernard voulait lui retirer la direction de son couvent69. Déprimé, il abandonna l’abbaye pour vivre en ermite dans la solitude70. Saint Bernard, averti de ce qui se racontait à Buzay, tenta en vain de le rassurer et de le conjurer de reprendre le gouvernement de ses frères71 ; ses appels pathétiques72 ne furent pas écoutés. Effectuant un second voyage en Bretagne entre 1143 et 114573, saint Bernard reprocha amèrement au duc Conan sa mauvaise foi. Il ordonna même à l’abbé et aux moines de quitter Buzay et de regagner Clairvaux74 ; Ermengarde intervint sans doute une nouvelle fois près de son fils75. Rempli de remords, ce dernier renouvela alors les donations précédemment faites qu’il consigna dans un second privilège accordé entre 1143 et 1148.
15En 1147 se produisit un évènement important pour l’histoire de l’ordre cistercien. Le troisième abbé de Savigny, Serlon, admis au chapitre général de Cîteaux y remit, en effet, sa congrégation entre les mains du pape Eugène III qui la donna lui-même à saint Bernard. Vingt-huit monastères nouveaux furent alors agrégés à la famille cistercienne76. Parmi ceux-ci, notons le monastère breton de La Vieuville. Il avait été fondé en 1137 par Gilduin, fils d’Hamon, de la tige des sires de Landal77. Le 8 août de cette année-là, l’archevêque de Dol, Geoffroi Le Roux78 avait béni l’enclos et le cimetière de la nouvelle abbaye ; en septembre 1141, le même prélat avait consacré le premier abbé de La Vieuville, Robert79.
16Au terme de cette brève analyse, il faut bien avouer que les débuts de l’ordre cistercien en Bretagne restent encore enveloppés de ténèbres. Cela est dû, essentiellement, à la pauvreté de notre documentation. Les témoignages rassemblés par Dom Morice et Dom Taillandier sont, en effet, de valeur fort inégale ; le premier, bien que parfois crédule, ne manquait pas d’esprit critique ; le second, en revanche, en était dépourvu et il ne doit être utilisé qu’avec la plus extrême circonspection. À notre sens, l’abbaye de Bégard, la première en date et la mère de nombreuses autres filles, a été fondée par Alain le Noir80. Or, en 1130, ce dernier se trouvait, selon toute vraisemblance, en Angleterre tandis que son père Étienne gouvernait le comté de Tréguier81. Ces réserves rendent aléatoires la filiation des premières abbayes et l’ordre chronologique de leur fondation. Seules sont à peu près éclaircies les origines de Melleray, de Buzay et de La Vieuville.
Espacement des fondations (seconde moitié du xiie siècle)
17Dans la seconde moitié du xiie siècle, les Cisterciens qui avaient jusqu’alors fait preuve d’une étonnante vigueur, passaient le relais aux chanoines réguliers de saint Augustin. Tandis que ceux-ci créaient sept ou huit abbayes82, ceux-là se contentaient de deux fondations nouvelles : Notre-Dame de Carnoët, Notre-Dame-de-Bonrepos.
18Les origines de Carnoët nous sont connues essentiellement par des sources narratives : les deux Vitae de saint Maurice, son premier abbé. La Vita prima, longtemps ignorée, a été découverte en 1878 par Dom Plaine, dans la bibliothèque de Troyes, sur une copie du xve siècle, provenant du fonds de Clairvaux83. La Vita secunda, attribuée sans preuves à Guillaume, abbé de Carnoët dans la première moitié du xive siècle, est une copie de la fin du xvie ou du début du xviie siècle dont nous ignorons l’origine et par conséquent la valeur84. À ces sources narratives, il faut ajouter des copies anciennes de chartes conservées à la Bibliothèque Nationale85 et aux Archives départementales du Finistère86.
19Saint Maurice naquit, selon toute vraisemblance, dans la région de Loudéac, vers 1115. Après une jeunesse exemplaire et studieuse87, Maurice se voua tout d’abord à l’enseignement88. Il renonça ensuite au monde et à ses séductions pour se retirer dans l’abbaye cistercienne de Langonnet. Il y gagna rapidement l’estime de ses frères et fut élu, trois ans après son arrivée, abbé du nouveau monastère. Il le gouverna pendant une trentaine d’années, s’attirant une réputation grandissante en raison de la sagesse de son administration. En 1161, les moines de Sainte-Croix de Quimperlé, en procès avec les chanoines de Saint-Pierre de Nantes au sujet de l’église Notre-Dame, le choisirent pour défendre leur cause devant le légat pontifical, Guillaume, cardinal du titre de Saint-Pierre-aux-Liens. Les moines furent confirmés dans leurs droits, à charge pour eux d’assurer une rente de douze sous aux chanoines89. En 1166, Maurice intervint de même dans le conflit qui opposait les moines de Sainte-Croix à leur évêque, Bernard de Moëlan, au sujet de certains privilèges concernant les églises qui relevaient de l’abbaye90. L’abbé de Langonnet devint surtout l’ami et le conseiller du duc Conan IV, fils d’Alain le Noir91. Conan lui manifesta d’ailleurs sa reconnaissance en lui donnant, ainsi qu’aux moines de Langonnet, les terres nécessaires pour édifier une abbaye nouvelle. Elles étaient situées aux confins de la forêt de Carnoët, sur les bords de la Laïta92. La fondation eut lieu entre 1167 et 1171, peu de temps avant la mort du duc Conan IV93. Après celle-ci, les troubles qui agitèrent la Bretagne retardèrent l’exécution du projet. Il n’aboutit définitivement qu’en 117794. En 1194 enfin, la duchesse Constance, fille de Conan IV, ratifia la fondation de Notre-Dame de Carnoët95.
20Les historiens ont longtemps été en désaccord au sujet des origines de l’abbaye Notre-Dame-de-Bonrepos. Leurs controverses portaient sur la date de fondation et sur le nom de l’abbaye fondatrice. Trois hypothèses étaient généralement avancées : fondation par Boquen en 117296, fondation, toujours par Boquen, en 118497, fondation par Savigny en 118498. Dom Bernard Péan a mis un terme à ces controverses en 195799. Aucun acte officiel, aucune pièce d’archives n’existe en faveur de la fondation par Boquen, soit en 1172, soit en 1184100. S’il faut en croire en outre la charte de fondation du 23 juin 1184101, et il n’y a pas de raison de mettre en doute son authenticité, les abbés de Bégard et de Boquen n’assistèrent pas aux débuts de Bonrepos, ce qui aurait été le cas, si l’abbaye avait appartenu à leur filiation. En revanche, Pierre, abbé de Clairvaux, et Simon, abbé de Savigny, en furent les témoins102. Peu de temps après, Herbert et Lucas, abbés de Clairmont et de Bonrepos, furent également les témoins d’une donation faite à l’abbaye avranchinaise par Alain de Zouche103. Ceci est parfaitement logique, puisque Clairmont était la sœur de Savigny104 et Bonrepos sa fille. La Chronique de Savigny d’autre part relate pour 1184 la fondation de Bonrepos :
« Le vicomte de Rohan Alain, avec l’accord de Constance de Bretagne et de ses enfants Alain et Guillaume, voulant fonder une abbaye de l’ordre de Cîteaux dans l’évêché de Cornouaille, s’adressa à l’abbé de Savigny pour avoir des religieux de sa maison. L’abbé Simon se saisit avec joie de l’occasion et lui donna une communauté complète, qu’il fit partir le 28 avril de cette année 1184… ».
21Le onzième jour des calendes de mai de l’an 1184, du temps de Dom Simon qui en était abbé, une communauté fut envoyée pour habiter l’abbaye de Bonrepos qui ne fut néanmoins en état que le 23 juin suivant, comme il paraît par le titre de fondation105. Ce dernier, rédigé le 23 juin 1184, confirme les données précédentes. Ajoutons qu’une bulle du pape Lucius III, adressée à Simon, abbé de Savigny, le 31 octobre 1184, cite Bonrepos au nombre des filles de cette abbaye106. Il ne peut donc y avoir de doute, Bonrepos a bien été fondée par Savigny en 1184, à l’initiative d’Alain IV, vicomte de Rohan. Deux années après, au plus tard107, le duc Geoffroy et la duchesse Constance son épouse confirmèrent la nouvelle fondation108.
22Afin de respecter la continuité historique, nous avons renvoyé l’étude des origines de Villeneuve, de Prières et de La Joie, toutes les trois créées au xiiie siècle, à notre troisième partie. Chacune de leur fondation présentait d’ailleurs des caractères originaux. Villeneuve, ancienne grange de Buzay, fut promue au rang d’abbaye à la demande de Constance, duchesse de Bretagne ; Prières fut fondée suivant des règles nouvelles, beaucoup plus strictes qu’au xiie siècle ; La Joie, enfin, fut la seule abbaye de Cisterciennes installée sur la terre bretonne.
Les raisons du succès
23L’étude analytique que nous avons menée jusque-là ne met guère en évidence les raisons du succès des moines blancs en Bretagne. Ce dernier, certes, avait été préparé par la nouvelle conjoncture spirituelle, par le bouillonnement qui agitait alors la contrée et se traduisait par des mouvements anarchiques, comme celui d’Éon de l’Étoile, par des expériences mal contrôlées par la hiérarchie comme celle de Robert d’Arbrissel et de ses émules, par des créations monastiques d’un type nouveau. Nous ne voulons pas revenir sur ces conditions générales que nous avons tenté de mettre en évidence précédemment. Nous essaierons par contre d’analyser les éléments qui ont favorisé cette réussite sur le plan local.
L’appui ducal
24Parmi ces éléments, il faut citer tout d’abord l’action de ceux qui ont œuvré de toutes leurs forces pour gagner à l’esprit de réforme les pouvoirs locaux et en premier lieu la cour ducale. Les noms de Robert d’Arbrissel et de saint Bernard viennent aussitôt à l’esprit. Leur influence auprès d’Ermengarde109, véritable « régente » du duché pendant la première moitié du xiie siècle a, en effet, été déterminante.
25Née vers 1067, Ermengarde était la fille du comte d’Anjou, Foulques IV dit le Réchin, et d’Hildegarde de Beaugency110. Tout prédisposait la jeune princesse à une vie mondaine, brillante, et sans problèmes. Sa beauté, jointe à ses qualités morales, subjugait tous ceux qui avaient l’occasion de l’approcher. Marbode, laissant un moment de côté sa causticité redoutable, s’extasiait devant « l’ovale de son charmant visage, la longueur de ses cheveux d’un blond ardent, le feu de son regard qui embrasait tous ceux sur lesquels il se posait, la vigueur de son éloquence et la sagesse de ses jugements ». Ermengarde avait vraiment tout pour plaire et être heureuse : châteaux, donjons et villes, valets et servantes, fourrures d’hermine, pour abriter son corps de déesse, écuyers de belle prestance dévoués corps et âme à sa personne111. En 1093, elle épousa le duc de Bretagne, Alain Fergent, veuf de Constance de Normandie, fille de Guillaume le Conquérant, décédée sans lui laisser d’héritiers. Elle lui donna trois enfants : Agnès, Conan et Geoffroy. Elle était d’ailleurs enceinte du dernier quant Alain, décidant de répondre à l’appel lancé par le pape Urbain II, prit le chemin de Jérusalem. Il abandonnait à sa jeune épouse le soin d’élever sa famille et de gouverner ses états. Elle s’acquitta apparemment fort bien de ces tâches difficiles jusqu’au retour du duc en 1101112. Dans les années qui suivirent, toutefois, l’existence d’Ermengarde fut assombrie par toute une série de drames familiaux qui furent sans doute à l’origine de sa vocation mystique. Elle eut tout d’abord la douleur de perdre son jeune frère Geoffroy Martel, tué traîtreusement alors qu’il assiégeait le château de Candé. Sa fille Agnès, mariée au comte de Flandre, Baudoin la Hache, ne put s’entendre avec un époux querelleur, intempérant et violent et il fallut obtenir de Rome l’annulation du mariage113. Une longue maladie enfin menaça pendant quatre ans d’abréger prématurément la jeune vie du premier fils d’Ermengarde, Conan. On craignit à plusieurs reprises qu’il ne trépassât. En désespoir de cause, sa mère fit le vœu de le conduire à Saint-Nicolas d’Angers, sanctuaire alors célèbre qu’avait fait édifier son grand-père Foulques Nerra après avoir été préservé du naufrage, lors d’un de ses trois pèlerinages à Jérusalem. Conan échappa à la mort et Ermengarde s’acquitta de son vœu114. C’est alors qu’elle entra en relation avec Robert d’Arbrissel. Sans doute avait-elle eu vent de sa renommée. En 1108, toutefois, sa belle-mère, l’intrépide Bertrade de Montfort, avait décidé de racheter par une fin de vie édifiante, les désordres d’un passé tumultueux. Son amant, Philippe Ier, roi de France, venait, il est vrai, de rendre le dernier soupir et elle n’était plus toute jeune. Elle se retira à Fontevrault. Comme Bertrade, mais évidemment avec des motivations différentes, Ermengarde voulut elle aussi se retirer du monde. Elle s’adressa à Robert d’Arbrissel qui lui répondit dans une lettre115 qui témoigne de sa mesure, de sa piété et de sa profonde sincérité, injustement mises en cause par Marbode116. Il l’invitait tout d’abord à se méfier des excès du mysticisme et de l’ascétisme117. Il l’exhortait ensuite à rester près de son mari dont elle ne pouvait se séparer sans manquer gravement à la volonté divine et aux lois de l’Église. Elle pouvait d’ailleurs mener une vie profondément chrétienne tout en restant dans le monde : « qu’elle soit à la ville ou au palais, couchée sur son lit d’ivoire ou vêtue d’habits précieux, qu’elle paraisse à l’armée, siège au tribunal ou préside un festin »118, il lui suffisait de faire diligence119, de pratiquer la charité qui efface toutes les fautes, d’avoir surtout la piété intérieure et la pureté du cœur :
« N’imitez pas les clercs, les moines et les ermites (sic) qui souvent font de longues prières pour paraître saints aux yeux du monde. Il faut prier en peu de mots. La prière du cœur plaît à Dieu, non celle des lèvres. Nous pouvons toujours prier avec le cœur sinon avec la bouche120 ».
26Les conseils de Robert d’Arbrissel ne devaient pas être oubliés par Ermengarde et ils éclairent de manière lumineuse les étapes ultérieures d’une vie injustement taxée d’instabilité. De nouveaux soucis, en effet, ne tardèrent pas à assaillir la duchesse de Bretagne. Son fils Conan, tout d’abord, était arrivé à l’âge où l’on prend femme. Allié fidèle des souverains anglo-normands, Alain Fergent se tourna vers eux. Il demanda et obtint la main d’une des filles naturelles d’Henri Ier, la princesse Mathilde (1110/1111). Après quoi le duc, fatigué, usé, malade, délégua tous ses pouvoirs à son fils et se retira pour ne plus en sortir dans l’abbaye de Redon121. Se croyant débarrassée de ses liens avec le siècle, Ermengarde voulut l’imiter et fit retraite à Fontevrault122. Le mariage de Conan, hélas, n’était pas plus heureux que ne l’avait été celui de sa sœur aînée. Ébranlé par ses problèmes conjugaux, peu habitué aux arcanes de la politique, le jeune souverain fut une nouvelle fois assisté par sa mère. Elle abandonna le cloître et vint à la cour de Bretagne malgré l’indignation scandalisée de certains esprits rigides123. Elle y resta pendant une quinzaine d’années, aidant son fils à gouverner et faisant courageusement face aux deuils qui l’affligeaient ; celui de Robert d’Arbrissel son père spirituel en 1117, celui de son jeune fils Geoffroi le Roux, tué en Terre Sainte en 1118, celui enfin de son mari Alain Fergent vers 1129.
27Vers 1129-1130, deux évènements vinrent réveiller dans l’âme d’Ermengarde la volonté de vie religieuse. Le premier fut le mariage de son frère Foulques V avec Mélisande, fille de Baudouin II, roi de Jérusalem. Le vieux roi n’ayant pas d’héritiers mâles désirait en effet assurer sa succession124. Le second fut sa rencontre avec saint Bernard. On en ignore les circonstances. La charte de fondation de Buzay du 28 juin 1135 prête à Ermengarde une existence dès lors fort mouvementée125. Elle aurait tout d’abord prit le voile à Larrey et reçut la consécration des propres mains de l’abbé de Clairvaux. Après quoi, elle aurait abandonné ce prieuré pour se rendre en Terre Sainte à l’appel de son frère. Là, elle aurait bâti une église en l’honneur du saint Sauveur à côté du puits de Jacob, dans les environs de Naplouse, puis elle serait revenue à Nantes. Tous ces épisodes sont difficilement crédibles et en réalité fort douteux126. Si nous nous en tenons aux faits incontestables, Ermengarde prit la décision de fonder l’abbaye de Buzay au plus tard en 1134127. Pourquoi s’adresse-t-elle à saint Bernard ? Sans doute parce qu’elle ne pouvait pas ignorer sa renommée, peut-être aussi pour des raisons purement politiques. En 1134 en effet, les puissants seigneurs de Penthièvre avaient contribué à la fondation de Bégard et du Relecq, de la filiation de Cîteaux128. Faisant appel au saint, Ermengarde introduisait la branche claravallienne de l’ordre dans les possessions ducales. L’abbé de Clairvaux et la comtesse de Bretagne se rencontrèrent à la fin de 1134 ou dans les premiers mois de 1135, lors de la fondation primitive de Buzay. Une amitié touchante en résulta. C’est grâce à Ermengarde notamment que saint Bernard revint sur son intention première de rappeler à Clairvaux les moines installés à Buzay129. Il avait, en effet, une grande estime pour la comtesse. Sa correspondance en témoigne :
« Mon cœur est au comble de la joie quand j’apprends que le vôtre est en paix. Votre joie fait la mienne et l’éclat de votre gaieté donne la santé à mon âme… Quel plaisir n’aurais-je pas à m’entretenir avec vous sur ce sujet130 au lieu de ne le faire que par lettre. En vérité, j’en veux quelquefois à mes occupations qui m’empêchent de vous aller voir ; je suis si heureux quand elles me permettent de le faire. Il est vrai que cela n’arrive pas souvent ; mais, si rarement que ce soit, je n’en éprouve que plus de bonheur à le faire, car j’aime mieux ne vous voir que de temps en temps, que de ne pas vous voir du tout. J’espère vous faire bientôt une visite : j’en éprouve d’avance le plus grand bonheur »131.
28Bernard, on le voit, remplaça dans l’âme d’Ermengarde son premier père spirituel Robert d’Arbrissel. Par la suite, vraisemblablement après la mort de son fils Conan survenue en 1148, elle put enfin réaliser son rêve et mener la vie monastique à Jérusalem dans l’église Sainte-Anne132. Dans une seconde lettre de direction spirituelle133, saint Bernard s’adressait en effet à sa chère fille dans le Christ, Ermengarde, jadis éminente comtesse, maintenant humble servante du Seigneur134.
« Plût à Dieu que vous puissiez lire dans mon cœur comme sur ce papier. Vous y verriez quel profond amour le doigt de Dieu y a gravé pour vous, et vous reconnaîtriez bien vite que ni la langue, ni la plume ne sont capables d’exprimer ce que l’esprit de Dieu a mis au plus intime de mon être ».
29Bernard soulignait ensuite leur éloignement matériel qui les empêchait de se rencontrer :
« Mon cœur est près de vous si mon corps est absent. Si vous ne pouvez le voir vous n’avez qu’à descendre dans votre propre cœur et vous y trouverez le mien ; vous ne pouvez douter que je ressens pour vous autant d’affection que vous en éprouvez vous-même pour moi, à moins que vous ne pensiez que vous m’aimez plus que je vous aime, et que vous n’ayez meilleure opinion de votre cœur que du mien sur le chapitre de l’affection ».
30Ermengarde vivait encore en 1157 et elle se trouvait toujours en l’église Sainte-Anne. C’est là qu’elle acheva sa vie et fut ensevelie135.
31On nous reprochera sans doute d’avoir trop longtemps discouru sur Ermengarde. Cela cependant était indispensable pour expliquer la fondation de Buzay, saisir l’influence de Robert d’Arbrissel puis de saint Bernard auprès des milieux dirigeants du duché de Bretagne pendant près d’un demi-siècle. On comprend mieux ainsi l’accueil chaleureux réservé par ces derniers aux nouvelles formes de vie monastique. Conan III contribua à la fondation de Langonnet136, Conan IV à celle de Carnoët et, sans accepter l’hypothèse, non étayée par des documents, selon laquelle Ermengarde aurait encouragé la fondation de Bégard137, il nous faut bien constater que c’est à l’époque où elle avait la haute main sur le duché que dix abbayes cisterciennes y virent le jour.
La réceptivité du milieu local
32À côté des ducs, une bonne partie de la société locale a contribué à l’implantation des Cisterciens et à l’établissement de leur temporel.
Les fondations : le rôle prééminent de la haute aristocratie
33Tout d’abord, la haute aristocratie c’est-à-dire le groupe des « barons de Bretagne », composé par les vassaux directs du duc138, depuis les comtes et les vicomtes jusqu’aux chefs de seigneuries de moindre importance, fonda six des douze abbayes qui virent le jour entre 1130 et 1180. Au tableau d’honneur des Cisterciens figure en premier lieu la maison de Penthièvre. Branche cadette de la maison ducale de Bretagne, celle-ci avait formé un vaste apanage dans la Bretagne du nord aux xie et xiie siècles. L’ancêtre de la dynastie, Eudon Ier (1035-1079), fils du duc Geoffroy Ier et frère d’Alain III (1008-1040) avait tout d’abord réuni entre ses mains toute la partie est du diocèse de Saint-Brieuc et la totalité de l’évêché de Tréguier. La première était composée du comté de Penthièvre proprement dit, augmenté de la vicomté de Poudouvre, sise entre le Frémur et l’Arguenon. Le deuxième s’étendait sur le comté de Tréguier, exception faite de la châtellenie de Morlaix-Lanmeur. Eudon jouit pendant quarante-cinq ans de son vaste apanage. À sa mort, survenue en 1079, ce dernier fut démembré entre ses cinq fils. L’aîné, Geoffroy Ier, hérita du comté de Penthièvre et le posséda jusqu’à sa mort en 1093. Le second, Briant, qui avait assisté Guillaume le Bâtard dans la conquête de l’Angleterre, eut, pour sa part, le comté de Richemont qui passa ensuite à ses deux frères Alain le Noir et Alain le Roux, morts l’un après l’autre sans postérité. Le plus jeune, Étienne, put alors reconstituer le vaste apanage paternel, au début du xiie siècle. À la mort d’Eudon, il avait obtenu le comté de Tréguier, il y joignit la seigneurie de Guingamp, à la suite de son mariage avec l’héritière de ce domaine. Ses frères étant tous morts sans enfants, il hérita ensuite des comtés de Penthièvre et de Richemont. C’est lui qui, d’après la notice de Bégard, aurait introduit l’ordre de Cîteaux en Bretagne ; nous avons vu précédemment ce qu’il fallait en penser, le fondateur de Bégard étant, selon toute vraisemblance, le fils d’Étienne, Alain le Noir, comte de Richemont. Ce même Alain le Noir fonda l’abbaye de Coëtmaloen en 1142 et son frère Geoffroy II celle de Saint-Aubin-des-Bois. Lorsque le fils d’Alain le Noir, Conan, devint duc de Bretagne en 1148, il poursuivit les traditions familiales, confirmant les donations de ses aïeux139.
34À côté des princes de Penthièvre, les autres barons de Bretagne paraissent un peu ladres. Les vicomtes de Léon qui, avec les comtes de Tréguier et de Lamballe jouissaient d’une certaine prééminence140 et de prérogatives particulières141 se distinguèrent davantage par les luttes farouches qu’ils opposèrent à Henri II Plantagenêt pour sauvegarder leur indépendance que par leur zèle religieux. Peut-être contribuèrent-ils cependant à la fondation de l’abbaye du Relecq142. Les puissants vicomtes de Rohan qui, depuis 1120, dominaient toute la partie du Porhoët située à l’ouest de l’Oust143 se contentèrent de fonder l’abbaye de Bonrepos. De même, les barons de Dinan, maîtres de l’une des plus importantes seigneuries du duché144 ne fondèrent que l’abbaye de Boquen.
35La haute aristocratie, cependant, n’eut pas le monopole absolu des créations cisterciennes : Lanvaux fut fondée par un modeste châtelain, Alain ; La Vieuville et Melleray par de petits seigneurs locaux : Gilduin de Montsorel et Alain de Moisdon145.
36Constatons pour terminer que les principaux seigneurs bretons ne réservèrent pas leurs faveurs aux seuls Cisterciens, mais se montrèrent ouverts à tous les courants monastiques nouveaux : Étienne de Penthièvre fit construire près de Guingamp la première abbaye fondée en Bretagne par les chanoines réguliers de Saint-Augustin (1130) ; Henri Ier, baron de Fougères, fonda l’abbaye de Saint-Pierre de Rillé près de Fougères (1150) ; Guillaume Ier, baron de Gaël-Montfort, celle de Saint-Jacques de Montfort, Eudon II de Porhoët, celle de Saint-Jean-des-Prés, près de Josselin (1160-1163), Roland de Dinan, sire de Bécherel, celle de Notre-Dame-de-Beaulieu (1176), Guyomarch’ IV, vicomte de Léon, celle de Notre-Dame de Daoulas (1173), Alain de Penthièvre, enfin, fonda vers 1181-1189, l’abbaye de Saint-Rion en l’île de Caroénés, près de Paimpol146.
L’établissement du temporel : le rôle prééminent de la petite aristocratie
37Les grands seigneurs bretons, s’ils contribuèrent à la fondation de la majeure partie des abbayes cisterciennes, travaillèrent également à consolider et à protéger leur patrimoine. Conan III, dans son second privilège en faveur de Buzay, augmenta notablement la fondation qu’il avait faite précédemment147. Conan IV confirma entre 1156 et 1171 tous les dons faits à l’abbaye de Bégard par son père Alain le Noir148. Pareillement Geoffroi IV Boterel, comte de Penthièvre, confirma en 1177 toutes les donations faites par ses ancêtres à l’abbaye de Saint-Aubin-des-Bois dans la forêt de Lamballe149. Geoffroi, baron d’Ancenis de 1132 à 1147, Marguerite son épouse et Guéhennoc son fils, furent des bienfaiteurs insignes de l’abbaye de Melleray150. Jean V, seigneur de Dol-Combourg jusqu’en 1162 et sa mère Noga favorisèrent les débuts du monastère de La Vieuville151. Toutefois, entre 1130 et 1180, période qui semble correspondre grossomodo aux années difficiles du mouvement cistercien en Bretagne, ce sont les humbles et les membres de la moyenne ou de la petite aristocratie qui contribuèrent le plus efficacement à la constitution du temporel des abbayes. Sur les soixante-neuf donations que nous avons relevées dans les documents datant de cette époque, quatre émanent d’ecclésiastiques, dix de personnages obscurs, neuf de la moyenne aristocratie, trente de la petite aristocratie et seize seulement de la haute aristocratie152. Les exemples des abbayes de Buzay, de La Vieuville et de Melleray, pour lesquelles nous disposons d’une documentation suivie, sont particulièrement significatifs.
38L’abbaye de Buzay, entre l’année de sa fondation et les années 1180, implante solidement son temporel dans le pays de Rais. La haute aristocratie locale fait peu d’efforts pour soutenir ses débuts. Les sires de Rais, par exemple, n’interviennent qu’une seule fois : en juillet 1152, Raoul Ier, avec l’accord de son frère Garsire, consent à l’amortissement du domaine de la grange de Buzon et de toutes les autres terres des moines situées « dans son honneur »153. Par ailleurs, Hoël, le fils désavoué de Conan IV, donne, en mai 1155, la terre de Villeneuve154, et Josselin de La Roche-Bernard, cède en 1166, tout ce qu’il possède à Brains155. En réalité, ce sont des hommes et des femmes de condition modeste et surtout de petits seigneurs, voisins de l’abbaye et vassaux des sires de Rais, seigneurs de Messan, de Montluc, de Montbert, de Chéméré, de Bouguenais, de La Bénate, etc., qui sont les premiers et principaux bienfaiteurs de Buzay. Deux constatations importantes s’imposent à propos de leurs dons : nombreux, toujours modestes, ils sont, tout d’abord, insuffisants pour constituer un domaine important ; rarement individuels, ils font en outre intervenir la majeure partie des membres d’un lignage. La manière dont les religieux constituent leurs quatre granges de Buzon, Chèvredent, Villeneuve et Bollohet, confirme ces constatations. Buzon, la plus proche du monastère, puisque située dans la région du Bas-Tenu, est aussi la plus ancienne. Elle prend corps avec la donation de la terre de Buzon effectuée avant 1148 par Simon de Messan, Philippe son fils et Isachar son frère156 ; ces trois personnages l’accroissent un peu plus tard d’un quarteron et demi de terre comprenant un bois157 ; Briant de Montluc y ajoute un demi quarteron de terre158, et Isachar de Messan une lande159. La grange de Chèvredent s’organise autour de la forêt de Nantes à partir des dons de Renaud Agnel de La Bénate (1148-1155)160 et d’Even Bourdin (1170-1177)161. Contemporaine de la précédente, la grange de Villeneuve voit le jour avant 1150 à partir d’un don modeste effectué par Renaud Bourdin162 auquel vient s’ajouter en 1155 celui du « duc » Hoël qui cède alors la terre de Villeneuve, située dans la forêt de Touffou163, avec l’accord d’autres seigneurs qui y possédaient des droits : Simon et Isachar de Messan, Geoffroy d’Aigrefeuille, Maurice de Montaigu, Silvestre de Bouguenais. Enfin, vers le même temps, d’autres bienfaits permettent d’installer une grange à Bollohet164. Comme on peut le constater, aucune de ces quatre granges ne succède à une exploitation déjà existante : toutes naissent d’un agglomérat de dons.
39Il en est de même pour l’abbaye de La Vieuville. Fondée en 1137, celle-ci connaît des débuts difficiles jusqu’au moment où, entre 1162 et 1173, les Plantagenêts mettent la main sur le pays de Dol. Ce dernier en effet ne pouvait laisser indifférent un Henri II. Le régaire de l’évêché, flanqué de la baronnie de Combourg, s’étendant sur une trentaine de paroisses, défendait la frontière bretonne face à la Normandie et s’enfonçait comme un coin entre les baronnies de Fougères et de Dinan, défendues par de farouches adversaires du Plantagenêt. En 1162, Jean II, seigneur de Dol-Combourg meurt, laissant pour héritière une jeune fille Yseult qu’il confie à Raoul de Fougères. En même temps, cependant, il abandonne au roi Henri II la garde de la tour de Dol165. Deux ans plus tard, ce dernier écrase une rébellion de Raoul et lui enlève le château de Combourg166. En 1166, enfin, venu assister aux fiançailles de son fils Geoffroy avec l’unique héritière du duché de Bretagne, Constance, il investit un de ses partisans, Jean de Subligny, de la baronnie de Dol-Combourg167. Quelques années plus tard, sans doute en 1173168, Jean laisse le pouvoir à son fils Hasculphe marié à Yseut de Dol. Ce dernier va dès lors gouverner le pays de Dol jusqu’en 1198, favorisant largement l’essor de l’abbaye de La Vieuville : c’est alors en effet que le temporel de celle-ci, confiné depuis sa fondation dans le « terrain », division géographique traditionnelle du pays de Dol, constitué de petites collines ondulées s’appuyant sur les massifs cristallins de Bonnemain et de Saint-Broladre, s’étend sur le marais et plus précisément sur des terres nouvellement mises en culture en bordure de la baie du Mont-Saint-Michel.
40Quels sont les bienfaiteurs de La Vieuville durant les années difficiles ? Comme pour Buzay, des personnages obscurs ou des petits seigneurs du voisinage agissant collectivement. Certes, les seigneurs de Dol-Combourg lui font d’importantes donations : Jean II notamment lui concède la forêt de Bourgoët169, une vigne à Dol170, une maison à Combourg et la moitié des droits coutumiers qu’il percevait sur la pêche en la paroisse de Hirel. Il est même possible que l’une des trois granges supposées de l’abbaye naisse vers 1145 du don de la forêt de Bourgoët171. La deuxième toutefois, celle de Pirieuc se forme peu à peu, à partir de dons variés, échelonnés dans le temps et émanant de petits seigneurs qui y associent souvent la totalité de leur lignage. Avant 1147172, les fils de Geoffroy Troussier de Meillac, Manasser et Guillaume, sa fille Damète, son gendre Guillaume de La Sauvagère et ses petits fils, Hingand et Geoffroy concèdent aux religieux de La Vieuville la chapelle de Nazary173, quatre-vingts jugères de terre situées dans le voisinage et comprenant un plessis, une motte174, un moulin, des étangs et des prés175 ; ils y ajoutent les droits d’usage : dons de leurs bois pour le chauffage des moines, la construction d’édifices et le passage de leurs pourceaux. À cette première donation, Zacharie de Montsorel, fils du fondateur de La Vieuville, ajoute en 1165 celle de son domaine voisin de Pirieuc176. À la même époque enfin Olivier de Pleugueneuc cède la dîme qu’il possédait sur la chapelle de Nazary177.
41Les mêmes conclusions s’imposent quand on analyse la formation du temporel de l’abbaye de Melleray. Entre 1147 et 1180, celle-ci reçoit dix-huit dons, dont treize émanent de la petite et de la moyenne aristocratie, un de l’évêque de Nantes et quatre des barons d’Ancenis.
42La haute noblesse n’a donc pas monopolisé le privilège de la générosité à l’égard des Cisterciens. C’est en réalité une bonne partie de la société locale qui a contribué à l’édification du temporel des abbayes et le duché de Bretagne n’apporte en ce sens aucune note originale.
43Les chartes, par ailleurs, nous donnent les motifs des libéralités consenties aux moines blancs. Ils sont, eux aussi, traditionnels et témoignent d’un sentiment religieux dans l’ensemble sincère et profondément ressenti. Au saint Sauveur, protecteur de La Vieuville, à Notre-Dame de Buzay ou de Melleray dont ils comblent les serviteurs, ces donateurs demandent avant tout le salut de leur âme auquel ils associent celui de leurs proches, de leurs ancêtres ou bien celui d’un parent récemment disparu178. Chez tous, c’est un souci constant mentionné dans la quasi-totalité des actes qui nous sont parvenus ; s’y ajoutent la volonté de racheter des fautes passées, parfois involontaires179, la prise tardive de l’habit monacal, quand la maladie fait craindre l’approche de la mort, le désir de s’assurer une sépulture dans l’abbaye180 ; le départ en Terre Sainte apparaît parfois, mais il reste encore assez rarement mentionné181.
L’appui des autorités spirituelles
44Malgré la générosité des donateurs, malgré la bienveillance assez générale observée à leur égard par l’ensemble de la société locale, les Cisterciens ont dû cependant surmonter bien des difficultés pour s’implanter solidement en Bretagne. S’ils ont finalement réussi leur entreprise, c’est, apparemment, grâce à l’appui constant qu’ils ont reçu des autorités spirituelles et notamment de l’épiscopat local.
Les difficultés
45De la difficulté d’implantation, nous voulons pour preuves les chicanes et les litiges qui opposent les religieux aux petits seigneurs du voisinage. Entre 1155 et 1169 par exemple, Silvestre de Bouguenais réclame à l’abbaye de Buzay l’écluse de la Tigneuse jadis donnée par son père avec l’île de Quiriole. Les moines composent une première fois avec lui, mais quelques années plus tard, Silvestre reprend ses contestations ; il ne les abandonne qu’à la suite d’une grave maladie et de l’intervention de l’évêque de Nantes, Bernard182. Entre 1150 et 1155, Isachar de Messan, « après une longue querelle » donne une lande contiguë à la grange de Buzon183. Renaud Agnel de La Bénate avant de partir en croisade, cesse la querelle qu’il faisait aux moines sur la grange de Chévredent184. Daniel Souvigny « pour le salut de son âme et pour celui de son frère Pierre Souvigny et celui de ses ancêtres », abandonne totalement les contestations qu’il élevait à propos de la grange de Buzon185. Un long conflit oppose par ailleurs l’abbé de La Vieuville et les forestiers de la forêt de Bourgoët donnée aux religieux par Jean II de Dol-Combourg186.
46L’origine de toutes ces chicanes et de tous ces litiges tient en général à deux choses : l’enchevêtrement des droits sur la terre et l’absence d’une organisation judiciaire efficace pour les démêler… Entre 1130 et 1180, en effet, bien que l’indivision des patrimoines semble rare ou limitée à quelques terres, presque toutes les donations foncières sont faites, comme nous l’avons vu, avec le consentement des proches. Simon de Messan, chevalier, n’accorde à l’abbaye de Buzay sa terre de Buzon qu’avec l’autorisation expresse de son frère Isachar et de son fils Philippe187. C’est un lignage entier qui s’associe pour faire don à l’abbaye de La Vieuville de la chapelle de Nazary188. Les paysans eux-mêmes agissent de la même façon : quand il entre à l’abbaye comme convers, Renaud Vaslin renonce à un pré qu’il tient à cens des religieux ; mais, pour prix de leur consentement, ses trois fils en reçoivent la récolte de foin jusqu’à sa mort189. Le contrôle étroit exercé par la parenté sur les biens familiaux entraîne ainsi de multiples contestations, les donations de la première génération étant remises en cause par la seconde. En 1175, pour prendre un exemple précis, Olivier, fils de Silvestre de Bouguenais, cherche de nouveau querelle aux moines de Buzay à propos de l’île de Quiriole190. Les contraintes familiales ne sont pas les seules sources de contestations. La hiérarchisation des droits sur la terre, liée au régime seigneurial et au système féodal en entraîne bien d’autres. La plupart du temps, en effet, seigneur, vassal, tenancier se partagent à des degrés divers la possession d’une même terre : le chevalier « vassal » ne peut abréger son fief, le paysan ne peut offrir sa tenure sans l’accord du seigneur. Ce dernier le refuse rarement, mais il exige parfois des compensations191 et réserve presque toujours ses droits éminents.
47En l’absence d’une juridiction bien organisée, les religieux s’efforcent de faire revêtir une certaine solennité à la donation. Dans la mesure du possible, celle-ci est faite dans une église ou devant le chapitre d’une abbaye. De nombreux témoins y assistent toujours, afin d’éviter d’éventuelles dérobades : parents, seigneurs dépendants ou voisins des donateurs, clercs attachés à l’administration d’un diocèse ou d’une paroisse, religieux dont les communautés sont en relation avec l’abbaye. Toutes ces précautions, cependant, ne suffisent pas à une époque où le pouvoir ducal reste très effacé en Bretagne. En effet, ce n’est qu’à la fin du xiie siècle que les Plantagenêts amorcent la mise en place d’une administration centralisée qui ne sera achevée que sous Pierre Mauclerc. En attendant, l’aide la plus efficace et la plus constante sur laquelle puissent compter les Cisterciens leur vient des autorités spirituelles et en premier lieu des évêques.
Le soutien épiscopal
48Les exemples les plus caractéristiques à ce sujet nous sont fournis par Bernard, évêque de Nantes de 1147 à 1169192 et par son neveu Robert qui lui succéda et gouverna l’église de Nantes jusqu’à sa mort en 1184193. Tous les deux mettent un soin vigilant à protéger les débuts des abbayes de Buzay et de Melleray. La première ayant été placée par Conan III sous la protection des autorités diocésaines194, Bernard et Robert s’en considèrent comme les défenseurs naturels195. Le premier, notamment, n’hésite pas à menacer de l’anathème ou de l’excommunication tous ceux qui s’entêtent à chercher des chicanes aux moines196. En 1147 et 1184 cependant, leurs interventions se manifestent de différentes façons. Tout d’abord ils assistent à la plupart, sinon à toutes les donations effectuées durant cette période et les reçoivent dans leur main197. D’autre part, ils consignent ces donations dans des chartes qu’ils authentifient de leur sceau ; Robert, frappé par le désordre des archives du monastère de Buzay, regroupe même en quatre pancartes les actes passés du temps de ses prédécesseurs, les confirme solennellement et leur appose son sceau198. Enfin les deux évêques intercèdent auprès des donateurs et arbitrent les querelles suscitées aux religieux. Quand Renaud Agnel de La Bénate prend la croix pour Jérusalem, Bernard lui rappelle les promesses qu’il avait faites autrefois aux religieux199. Par trois fois, le même évêque intervient auprès de Sylvestre de Bouguenais pour qu’il renonce à toutes ses prétentions sur l’île de Quiriole200. C’est encore lui qui oblige Philippe de Petit-Mars et son frère Briand à renoncer à la querelle qu’ils faisaient aux moines à propos de la grange donnée par leur frère Hugues201. Robert met un terme aux revendications d’Olivier Bochart à Brains202, d’Olivier de Bouguenais à Quiriole203, de Gilbert de Cristembert à Saint-Léger204.
49Nous manquons, hélas, de documents pour savoir si les religieux des autres abbayes cisterciennes bretonnes ont bénéficié du soutien actif de partisans aussi dévoués que Bernard et que Robert de Nantes. Les évêques de Dol, toutefois, restent très discrets à l’égard de La Vieuville jusqu’à la fin du xiie siècle. Geoffroy Le Roux, notamment, qui préside à sa fondation, ne se manifeste qu’une fois en sa faveur205. Par ailleurs, nous ignorons tout de l’attitude de Rouault, premier abbé de Lanvaux de 1138 à 1143, puis évêque de Vannes jusqu’en 1177.
50De même, l’attitude de la papauté nous échappe partiellement. Lucius II et Alexandre III intervinrent pour confirmer les biens et privilèges de La Vieuville, s’il faut en croire deux courtes analyses de leurs bulles conservées à la Bibliothèque Nationale de France206 et dont nous n’avons pu retrouver ni les originaux ni de simples copies. De même Dom Taillandier prétend que l’abbaye de Saint-Aubin-des-Bois aurait eu d’Eugène III une bulle confirmant les aumônes qu’elle avait déjà reçues207. En vérité, nous n’entrevoyons la politique pontificale à l’égard des moines blancs bretons qu’au travers de quatre documents principaux : une bulle d’Eugène III en faveur de Melleray donnée à Châlons en novembre 1147208 ; et trois bulles d’Alexandre III en faveur de Saint-Aubin-des-Bois209, Boquen210 et Buzay211. Tout d’abord, les abbayes et leurs biens sont placés sous la protection du siège apostolique. La bulle d’Eugène III contient encore, cependant, la réserve des droits épiscopaux212, conformément à l’attitude générale de ce pape envers les moines blancs213.
51Par ailleurs, les bulles pontificales rappellent que la règle de saint Benoît et les institutions propres aux Cisterciens doivent être rigoureusement observées dans les monastères214. L’autorité de l’abbé est rappelée, tant pour permettre la libre réception de tous les clercs ou laïcs désireux de fuir le siècle que pour prévenir le départ du cloître de tous les frères ayant fait profession. Les moines sont par ailleurs exemptés de toute dîme sur les produits de leur récolte ou de leur élevage215. Enfin, les sanctions canoniques les plus graves menacent tous ceux qui pourraient être tentés de commettre des vols ou toute autre exaction vis-à-vis des abbayes ou de leurs dépendances.
52L’appui du Saint-Siège au mouvement cistercien, pour important qu’il soit, ne doit pas faire oublier qu’en définitive, c’est toute la société locale qui a contribué à l’implantation de l’ordre en Bretagne, qu’il s’agisse de l’aristocratie laïque, de la hiérarchie ecclésiastique ou de ceux que, les chartes ne précisant pas leur statut social, nous appelons les humbles.
53Il importe maintenant de savoir comment les moines blancs se sont insérés dans la société bretonne, comment ils ont mis en application, sur le plan pratique, un idéal religieux qui leur imposait la recherche de la pauvreté la plus absolue et la rupture avec les traditions alors en usage dans le monachisme traditionnel et la société occidentale toute entière.
Carte n° 1. LES ABBAYES CISTERCIENNES BRETONNES
Notes de bas de page
1 Aubert (M.), L’Architecture cistercienne en France, Paris 1947, t. I, p. 82-83.
2 C’est le cas pour Bégard, cf. infra.
3 C’est le cas de Buzay. Cf. Guillotel (H.), Les actes des ducs de Bretagne, 944-1148, thèse pour le doctorat en droit, dactyl. 1973.
4 Duodecim monachi cum abbate tercio decimo ad cenobia nove transmittantur : nec tamen illuc destinentur donec locus libris, domibus et necessariis aptetur libris duntaxat missali, regula, libro usuum, psalterio, hymnario, collectaneo, lectionario, antiphonario, gradali domibusque oratorio, refectorio, dormitorio, cella hospitum et portarii, necessariis etiam temporalibus : ut et vivere, et regulam ibidem, statim valeant observare. Instituta generalis capituli, chap. gén. 1134, art. XII quomodo novella ecclesia abbate et monachis et ceteris necessariis ordinetur, éd. Guignard, Les monuments primitifs de la règle cistercienne, 1878, p. 253.
5 Raoul, évêque de Tréguier de 1110 à 1134.
6 Cf. Duine (F.), La métropole de Bretagne, Paris, 1916, p. 118-119.
7 La Borderie, op. cit., t. III, p. 190.
8 Cf. Dom Morice, Preuves, I, 634 « ubi corpus patris mei comitis Alani requiescit ».
9 Alain Le Noir ayant épousé la princesse Berthe, fille du duc Conan III, l’enfant né de leur union, Conan IV, dit le Petit, fut duc de Bretagne de 1146 à 1171.
10 Étienne de La Rochefoucaud (1156-1166).
11 Raoul, archidiacre entre 1150 et 1174 ; cf. Guillotin de Corson, Pouillé historique de l’archevêché de Rennes, t. 1, p. 172.
12 Raoul II, 1150-1184.
13 Cf. La Borderie, op. cit., t. III, p. 92.
14 D’après un vidimus douteux du 29 janvier 1314 conservé à la Bibliothèque Nationale, ms. fds. fr. n° 22337, f° 140.
15 Étienne Ier, mort en 1137 ou 1138 aurait été enterré dans la cathédrale de Saint-Brieuc, B.N. ms. fds. fr. 19004.
16 La carte de Cassini n° 7 C, mentionne, en effet, un lieu-dit « Pluscoat » à cet endroit, de même la carte d’État-major n° VII, 15. Il se pourrait qu’il s’agisse de l’emplacement primitif de l’abbaye, ce qui conviendrait mieux aux habitudes cisterciennes, le lieu-dit « Pluscoat » étant situé au pied du coteau sur lequel est bâtie Bégard, à quatre cents mètres d’un affluent du Jaudy. Toutefois nous n’y avons pas trouvé de vestiges permettant de confirmer cette hypothèse.
17 « Coat » en breton signifie bien forêt, mais « plus » n’a apparemment aucun sens. Les termes les plus voisins sont « plou » (paroisse) et « plous » (paille).
18 Cf. Dom Morice, Preuves, 1, 852. Sciant omnes… quod post diuturnam contentionem inter abbatem et monachos de Begar ex una parte, et Eudonem filium Willelmi de Belle-Ile et suos ex altera, super quadam terra sita inter illum lapidem qui appellatur Men en boch et terram propriam dictae abbatiae, et super illam partem silvae, quae adjacet inter silvam monachorum et villam novam de Purcoet, pax firmata fuit in hoc modum […].
La suite de l’acte montre que les moines ne se sentaient pas sûrs d’eux puisqu’ils transigèrent. Auraient-ils alors composé la pseudo-notice ? Ce n’est pas impossible, bien qu’au xiiie siècle, les faux soient moins nombreux qu’au xiie.
19 Il tient absolument en effet à étaler ses connaissances linguistiques. Nous avons vu ce qu’il fallait penser de la traduction de Pluscoat par pura silva. Il récidive un peu plus loin qui locus jam Begar vocatur ratione cognominis istius eremitae Radulphi, qui in dicto loco tunc temporis manebat. Le mot Begar n’a pas, d’après nous, une origine bretonne. Il pourrait en revanche provenir de l’anglais moyen beggar, qui signifie mendiant. Nous n’en conclurons pas, comme La Borderie, que l’ermite Raoul était d’origine anglo-saxonne, mais que la notice est effectivement un faux.
20 Il est possible que les envoyés de l’Aumône aient été guidés vers le Trégorrois par un archevêque de Dol. Jusqu’à 1148-1150 ce dernier a en effet gardé comme suffragants fidèles les évêques de Saint-Brieuc et de Tréguier ; cf. Duine (F.), La métropole de Bretagne, Paris, 1961, p. 34-36.
21 Alain Le Noir, comte de Richemont, entretenait d’amicales relations avec Étienne de Blois, cf. Bernier (J.), Histoire de Blois, raison supplémentaire pour qu’il fasse bon accueil aux moines de l’Aumône.
22 Cf. Janaushek (Père L.), Originum cistercencium, t. I, Vienne, 1877, p. 18.
23 Instituta generalis capituli, 1134, dans Martène (Dom E.) et Durand (Dom U.), Thesaurus novus anecdotorum, Paris, 1717, t. IV, col. 1243.
24 Cf. Dom Morice, Preuves, I, 699 ; accord entre les abbayes du Relecq et de Marmoutier.
25 Cf. Geslin de Bourgogne (J.) et Barthélémy (A. de), Anciens évêchés de Bretagne, t. III, 1864, p. 222-223 et Dom Morice, Preuves, I, 602.
26 Cf. Geslin de Bourgogne, t. III, 1864, p. 34 ; Cartulaire de Saint-Aubin-des-Bois, Archives départementales des Côtes-du-Nord, série H (sans cote), f° 34.
27 Cf. Archives départementales du Morbihan, série H 30.
28 Cf. Dom Morice et Dom Taillandier, Catalogue historique des évêques et abbés de Bretagne, dans Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, t. II, 1756, p. CXXXVIII. Ce tome II est l’oeuvre de Dom Taillandier seul. Dom Morice étant mort pendant la rédaction de l’ouvrage. Il contient tant d’erreurs que nous pouvons difficilement lui faire crédit.
29 Ibid.
30 Chronicon britannicum dans Dom Morice, Preuves, I5.
31 Cf. Janauschek, op. cit., I, 47 ; cf. aussi Geslin de Bourgogne, op. cit., III, p. 222-225.
32 Cf. Janauschek, I, 49 ; cf. aussi n. 37.
33 Ibid.
34 Quidquid sui antecessores, major G. Boterellus et comes Rivallonus et subsequens Stephanus concesserant ; Cartulaire de Saint-Aubin-des-Bois, ADCdA. (sans cote) ; acte publié par Dom Morice, Preuves, I, 670.
35 Cf. Dom Taillandier, Catalogue historique des évêques et abbés de Bretagne, dans Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, t. II, 1756, p. CXLV. Janauschek, I, 52 ; Le Mené, « L’abbaye de Lanvaux », dans BMSPM, 1903, p. 203-256.
36 Cf. Dom Taillandier, op. cit., p. CXLVII ; Janauschek, I, 69.
37 Sed quoniam fratres ista religione ibi Domino servientes nullatenus vexari aut a sua pace debent exturbari, ideo […] ; cf. Dom Morice, Preuves, I, 641.
38 Cf. Du Paz, Histoire généalogique de plusieurs maisons illustres de Bretagne, Paris, 1619, p. 10.
39 Cette guerre est en réalité fort mal connue. La Borderie, op. cit., p. 92, la narre à partir du récit de P. Le Baud qui est un tissu d’erreurs grossières ; il est plus prudent de se reporter à Du Paz, op. cit., Cf. aussi, BN, ms. fds. fr. n° 19004.
40 Archives départementales du Finistère, 3H1.
41 Cf. Dom Taillandier, Catalogue historique des évêques et abbés de Bretagne, op. cit., t. II, p. CXLI.
42 Cf. Migne, Pat. Lat., 200, p. 255 ; Jaffe, 10 914.
43 Wawerley, diocèse de Winchester, près de Farnham, Sussex.
44 Tintern, diocèse de Hereford, à Chapell-hill, Monmouth ; sur la Wye, aux confins du Pays de Galles.
45 Le Landais, diocèse de Bourges, comm. Ménétréols-sous-le-Landais, cant. Écueillé, arr. Châteauroux, Indre.
46 Cf. Statuta Capitulorum generalium ordinis Cisterciencis ab anno 1116 ad annum 1786, éd. Canivez (Dom J.-M.), t. III, Louvain, 1933.
47 Cf. Dom Morice, Preuves, I, 585-586 ; Guillotin de Corson, Étude historique, l’abbaye de Melleray avant la Révolution, Saint-Brieuc, 1895.
48 Quodam religioso Presbytero Rivalono de Averne. Rivallon était sans doute recteur d’Auverné ; Dom Morice, Preuves, I, 585-586.
49 In hunc locum qui vetus Mellereium dicitur deveniunt, ibique multas gratias agentes Deo pro vetusta heremi solitudine largam opacitatem nemoris a strepitu remotam saecularium ceperunt curiosius contemplare et mirari. Dom Morice, Preuves, I, 585-586.
50 Igitur evoluto circiter X annorum spatio cum tempus opportunum accidisset, Fulco ven. Abbas Pontis Otranni in hunc locum Melereii conventum misit monachorum… Anno videlicet ab Incarn. Domini MCXLII. Ce passage n’est ni très clair, ni très sûr. La chronique de Melleray place la fondation de celle-ci en 1145, le 28 juillet, date traditionnellement admise notamment par Janauschek (Père L.), Originum Cisterciensium, t. I, Vienne 1877, 85 a LXXIV. La fondation de Pontrond ayant eu lieu en 1134, c’est la date du 28-07-1145 qui marque sans doute la prise de possession du monastère par l’abbé Guitern. Il est possible toutefois qu’un groupe de moines soit venu prêter main forte aux autres dès 1142 pour achever la construction du monastère.
51 Cf. note précédente.
52 Cf. Guillotin de Corson, op. cit., p. 9-10.
53 Cf. Dom Morice, Preuves, I, 696.
54 Cf. Bibliographie.
55 Cf. Archives départementales de la Loire-Atlantique, H 19 (copies des xvie et xviie siècles). BN, ms. fr. 22319, p. 253-254 (copie du xviie siècle), ms. lat. 17092, p. 53-54, 61 (copie du xviie siècle), ms. fr. 22308, fol. 137, (copie du xviie siècle).
56 L’original est perdu ; copie du xviiie, BN, ms. fr. 22308, fol. 136 v° ; copie du xviiie siècle, BN, ms. fr. 22353, fol. 170 ; copie du xve siècle, Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 1 F 1003, fol. 159 (Vetus collectio manuscripta de rebus Britanniae) ; Dom Lobineau, Histoire de Bretagne, t. II, col. 245, Dom Morice, Preuves, 1, col. 573-574.
57 Cf. Guillotel (H.), Les Actes des ducs de Bretagne, 944-1148, thèse pour le doctorat en droit, 1973, dactyl., p. 437-438.
58 Notamment les Chroniques des comtes d’Anjou et des seigneurs d’Amboise ; cf. infra.
59 Original perdu ; copies des xvie et xviie siècles aux ADLA, H 19 ; copies à la BN, ms. lat. 17092, pp. 53-54, 59-60 ; ms. fr. 22 308, fol. 137 ; cf. D. Morice, Preuves, t. I, col. 588-590.
60 Arnaud de Bonneval, Vita prima sancti Bernardi, éd. MIGNE, Patrologie Latine, t. CLXXXV, col. 287, II, VI, n° 34.
61 Migne, Pat. lat., t. CLXXXII, col. 262-263, ép. CXVI et CXVII.
62 Migne, Pat. lat., t. CLXXXII, col. 420-421, ép. CCXXXIII.
63 Notamment à Robert d’Arbrissel ; cf. infra, p. 15.
64 Assensit vir Dei, et se in proximo congregationem monachorum in Britaniam, in locum quem juxta Nannetum comitissa Ermengardis paraverat, ducturum intimat, cf. A. De Bonneval, op. cit.
65 Cf. Vacandard (E.), Vie de saint Bernard, t. I, 1895, p. 353-361.
66 Cf. Claude (Abbé Hubert), « Autour du schisme d’Anaclet : saint Bernard et Giraud d’Angoulême », dans Mélanges saint Bernard, p. 92 ; Commission d’histoire de l’ordre de Cîteaux, t. III, Bernard de Clairvaux, Paris, 1953, p. 586-587, Tables chronologiques ; Fliche (A.), Foreville (R.), Rousset (J.), Du premier Concile de Latran à l’avènement d’Innocent III, t. IX de l’Histoire de l’Église, publiée sous la direction d’A. Fliche et V. Martin, p. 64.
67 Dans la formule de corroboration du privilège de 1143-1148, Conan III spécifie en effet qu’il en avait fait rédiger un premier : Verum si aliquis querat cur hoc secundum privilegium post primum scribi nostroque sigillo muniri voluimus, sciat me hoc fecisse, rogatu et intercessione Ermengardis carissime matris meae… simulque quia, post dona que in Primo Privilegio Dedimus, ea que postmodum elemosine nostre auximus posteritatis noticie pandendum racionabile ac justum fore credidimus…. ADLA, H 19.
68 Jean est le premier abbé connu de Buzay. Il est fort douteux en effet que le jeune frère de saint Bernard, Nivard ait collaboré à sa fondation. Seul l'acte faux du 28 juin 1135 fait mention de sa présence dans l'abbaye.
69 Au sujet des fausses nouvelles ; cf. Migne, Pat. lat., t. CLXXXII, col. 420-421, ep. CCXXXIII : … tibi a nescio quo vel quibus falsiloquis persuasum audivimus, quia ego videlicet cogitarem sine ratione et judicio te a regimine fraternarum animarum, quod tibi credideram, submovere.
70 Cf. Migne, loc. cit., Ad abbatem Joannem de Busaio qui abbatiam suam reliquerat et abierat in solitudinem.
71 Ibid., Non est hoc verum… Hoc et si voluissem, non licuisset, et si licuisset, ego nullatenus voluissem. Ecce tertio jacto semem.
72 Ibid., Rogabo te, rogabo pro te, ut venias, veni, veni priusquam moriamur.
73 La date est incertaine, mais le voyage ne fait aucun doute : cf. le second privilège de Conan IIIl, ADLA, H 19 : […] Veniens igitur olim visitationis gratia repens Britannias, domnus Bernardus, abbas Claravallis […].
74 Ibid. : considerans eundem locum non juxta promissionem quam feceramus constructum et aedificatum sed paene desolatum, supra modum vehementer doluit et me quasi perfidum ac mendacem austerissimis increpationibus redarguens, abbati ac fratibus qui ibidem morabantur ut locum relinquerent et apud Claram Vallem, unde advenerant, citius redire festinarent imperavit.
75 Cf. la formule de corroboration du second privilège où Conan énumère les raisons qui l’ont poussé à le prendre : sciat me hoc fecisse rogatu et intercessione Ermengardis carissime matris meae […], cf. Dom Morice, Preuves, I, 658.
76 Cf. Vacandard (Abbé E.), Vie de saint Bernard, Paris 1927, t. II, p. 412 ; Laveille (A.), Histoire de la congrégation de Savigny, t. II, Rouen-Paris, 1897, p. 375-383.
77 Landal, comm. Épiniac, canton Dol-de-Bretagne, arr. Saint-Malo, Ille-et-Vilaine.
78 Geoffroi Le Roux, 1130-1147.
79 Une donation de Guillaume Le Roux faite en septembre 1141 nous apprend en effet que c’est cette année-là que fut consacré Robert : anno scilicet eodem quo bonae memoriae Robertus abbas eidem loco primus ordinatus est, BN, ms. fds. fr. 22325, fol. 514. Une autre donation, faite par Jean de Dol, précise les détails de la cérémonie : in die scilicet qua idem Robertus in Abbatem benedictus est, praesente etiam Domno Serlone Savign. abbate […] ; Cf. Dom Morice, Preuves, I, 597.
80 Cf. supra.
81 Vers 1123-1125, en effet, Geoffroi Boterel, premier fils d’Étienne, se révolta contre son père et l’obligea à partager les domaines. Il obtint lui-même le comté de Penthièvre, Alain le Noir, son frère, fut gratifié du comté de Richemont, tandis que le cadet Henri restait dans la maison paternelle. Par la suite Geoffroi mourut et Étienne rappela Alain d’Angleterre pour le marier à Berthe, fille de Conan III. Cf. Arch. Nat. Trésor des Chartes, J 241 A.
82 Cf. supra.
83 Cf. Plaine (Dom Béda), « Duplex vita inedita s.Mauricii abbatis Carnoetensis », in Stud. Mitteil. Bened Cist. Ordinis, 1886, VII, 1° 376-393. 2° IS7-164.
84 Cf. BN, fonds des Blancs-Manteaux, ms. lat. 16817, fol. 104.
85 BN, fonds Baluze, vol. 41, f° 26 ; copie de la charte de fondation ; ms. fr. n° 22329, f° 293 ; confirmation de la fondation de Carnoët par la duchesse Constance ; Dom Morice, Preuves, I, 710.
86 ADF, 7 H l ; copie de l’acte de fondation daté de 1486.
87 Exemplar morum fuit hic puerilibus annis ; gratus erat Christo, nil puerile gerens ; quo crescente simul morum crescebat honestas, crescebat virtus et pietatis amor. Hic meliora bonis, melioribus optima jungens, virtutum sacras accumulabat opes. Vita Prima, Prologus.
88 Le Propre de Saint-Brieuc assure que Maurice étudia à Paris et D. Lobineau prétend même qu’il y reçut le titre de docteur : Lobineau (Dom A.), Les Vies des saints de Bretagne, t. II, Paris, 1736, p. 421 ; ceci est très douteux, l’université de Paris n’étant pas encore fondée. En 1888 on a retrouvé dans l’église de Noyal-Pontivy une fresque datée de 1572 relatant la carrière universitaire de Maurice, d’abord son départ pour Paris avec une bourse bien garnie donnée par son père, ensuite l’obtention du titre de docteur à la suite d’un travail acharné, enfin le refus du bonnet et du titre de docteur par le jeune clerc soucieux de modestie et d’humilité. Cette tradition s’appuie sur un passage de la Vita secunda : magisterii meruit dignitate fulgere, ac scholarum suplentiam diligens. Studuit esse doctorum auditor ut doctor fieri posset in doctorum. Cf. David (A.), op. cit., p. 59.
89 Concessum est enim utrobique quod ex parte sua canonici tres personas legitimas et tres alias ex parte sua similiter monachi nominarent […] Abbatem videl. Reuis Guethenuc et Mauricium Abbatem de Langonio […] ; Dom Morice, Preuves, I, 644.
90 Cf. Dom Morice, Preuves, I, 658.
91 Cf. Tableau n° 2.
92 La Laïta est formée par la jonction de l’Isole à l’Ellé ; le texte de l’acte de fondation n’est pas très clair : […] Ego, Conanus […] do […] terram quam habeo in confinio forestae. Carnoët, Penfeunten videlicet et Kernanadlen, et ut foresta ducit ad fluvium Elle et ut fluvias ducit ad Staer-Nadred […]. BN, fonds Baluze, vol. 41, fol. 26.
93 Conan IV décéda au début de 1171. Geoffroy fut évêque de Cornouaille de 1167 à 1184.
94 En 1166 Conan IV avait abdiqué entre les mains d’Henri II, roi d’Angleterre. Ce dernier garda le pays sous sa coupe jusqu’en 1181 provoquant l’opposition des Bretons qui se soulevèrent à maintes reprises notamment en 1167, 1168, 1170-71, 1172, 1173, 1174-75, 1177, 1179 ; cf. La Borderie, op. cit., p. 273-275.
95 Cf. BN, ms. fr. n° 22329, f° 293. Ce n’est qu’au xiiie siècle que l’abbaye prit le nom de Saint-Maurice de Carnoët.
96 Cf. Janauschek, op. cit., t. I, Vienne, 1877.
97 Cf. Dom Taillandier, Catalogue historique des évêques et abbés de Bretagne, op. cit., t. II, 1756, CLI.
98 Savigny, fondée en 1112 par Raoul de Fougères, diocèse d’Avranches, canton Le Teilleul, arrond. Mortain, Manche. Lors du rattachement de la congrégation à l’ordre cistercien en 1147, l’abbé de Savigny, Serlon, s’affilia à Clairvaux avec ses 28 monastères.
99 Péan (R.-P. Dom Bernard), « Les origines de l’abbaye Notre-Dame-de-Bonrepos 1184-1235 », dans Mémoires de la Société d’Émulation des Côtes-du-Nord, 1957, p. 18 à 35.
100 Il est dit cependant dans la Gallia Christiana : Hujus abbatiae tecta qui primi subierunt, hospites Boquiani, jam Cisterciensium instituta professi erant. Cf. Gallia Christiana in Provincias Ecclesiasticas Distributa, t. XIX, Provincia Turonensis, condidit Hauréau (B.), Paris 1856, col. 910.
101 Cf. ADCdA., (non coté).
102 Facta est haec mea donatio, concessio, confirmatio atque constitutio anno ab Incarn. Domini, M.C.L. XXXIV, Vigilia sancti Joannis Baptistae, in praesentia Domini Petri Claravallensis abbatis et Domini Simoniis abbatis Saviguei et Radulfi Filgerarium Domini.
103 Cf. Dom Morice, I, 656 : Hujus rei testes sunt Herb. Abbas de Claromonte, Lucas abbas de Bonrepos.
104 Clairmont, fille de Clairvaux : fondée en 1152 par Guy VI de Laval, comm. Olivet, cant. Loiron, arrond. Laval.
105 Cf. Auvry (Dom Claude), Histoire de la Congrégation de Savigny, publiée par Laveille (A.), 1898, t. III, p. 261.
106 Cf. Jaffe, Regesta Ponstificum Romanorum, 1888, p. 469, 15107 ; Auvry (Dom C.), op. cit., t. III, p. 261.
107 Geoffroi mourut en effet le 19 août 1186. On trouve d’autre part parmi les témoins, Raoul II de Fougères, petit-fils du fondateur de Savigny, qui dut mourir en 1185 ou 1186 ; cf. Le Bouteiller (Vicomte), Notes sur l’histoire de la ville et du pays de Fougères, t. II, ce dernier place la mort de Raoul en 1184 ; en réalité, il vivait encore en 1185, puisqu’il participe au règlement de la succession des fiefs de haubert, dite Assise du comte Geoffroi en 1186 ; cf. Dom Morice, Preuves, I, 705-707.
108 Cf. Dom Morice, Preuves, I, 648.
109 Cf. Bourdeaut (A.), « Ermengarde, comtesse de Bretagne, Entre Robert d’Arbrissel et saint Bernard. Fondation de l’abbaye de Buzay », dans Bulletins de la Société Archéologique de Nantes et de la Loire-Inférieure, t. LXXV, 1935, p. 189-191.
110 Fulco […] plures uxores habuit : duxit enim filiam Lancelini de Beaugenciaco, ex qua genuit comitissam Britanniae, cf. Chronica de Gestis consulum Andegavorum, édit. Halphen (L.) et Poupardin (R.), Chronique des comtes d’Anjou et des seigneurs d’Amboise, Paris, A. Picard, 1913, p. 103.
111 Cf. Marbode, Carmina Varia, dans Migne, Pat. lat., vol. 171, col. 1659-1660.
112 Cf. Dom Morice, I, 505.
113 Cf. Dom Morice, I, 512.
114 Cf. Dom Morice, I, 528.
115 L’exhortation à Ermengarde date des années 1109-1110. Elle porte le titre de Sermo, mais il y a tout lieu de croire qu’il s’agit d’une lettre particulière écrite à la duchesse. Cf. Cahour (J.), op. cit., p. 260.
116 Marbode en effet n’hésite pas à invoquer des motifs bien bas pour motiver l’action de Robert d’Arbrissel : « Il veut rabaisser le clergé pour s’élever soi-même aux yeux du peuple. Beaucoup de gens ont interprété sa conduite de cette façon ; cela traduit en lui le vieil homme : c’est diabolique, digne d’un homme attaché aux vanités du monde pour ne pas dire d’un animal, et ne convient pas à un ascète, à un prédicateur errant. Il peut bien nier qu’il ait eu ces mauvaises intentions, mais les funestes effets de sa prédication sont indéniables ». Cf. Cahour (J.), op. cit., p. 276-277.
117 Discretionem tene in omnibus, in abstinentia, in jejuniis, in vigiliis, in orationibus. Utere cibo et potu, et somno, tantum ut possis suffere laborem propter utilitatem aliorum, non propter te. Non dico, ut nutrias carnem tuam, quia qui nutrit carnem nutrit hostem. Sed dico, ne intemperanter occidas carnem, quid qui occidit carnem occidit civem. Non est seductus primus per delectabile cibos, sed per fructum arboris. Esau per esum lenticulae perdidit primogenita, non per esum gallinae. Helias comedit carnem et raptus est in caelum. Christus comedit piscem et bibit vinum. Esca et potus non est Regnum Dei, sed gratia et pax. Cf. Pétigny (J. de), « Lettre inédite de Robert d’Arbrissel à la comtesse Ermengarde », dans BEC, 1854, p. 228.
118 Ibid.
119 Dilige et fac quodcumque vis déclare Robert citant saint Augustin ; ibid.
120 Ibid.
121 Anno ab Incarnatione Dom. MCXII. Indict. V. Alanus pater meus Dux Britanniae longa ducatus sui administratione fatigatus et fractus ejusdem ducatus integram potestatem mihi naturali filio suo relinquens ad monasterium Rotonense, conversionis gratia se contulit […] ; Dom Morice, I, 526.
122 La retraite à Fontevrault se place en 1113, entre 1114 et 1116 ou en 1117-1118. Cf. Dom Morice, I, 532, 537, 538.
123 Notamment Geoffroy de Vendôme : « Ô créature, lui écrivit-il, toi pour qui l’auteur de la vie s’est livré à la mort, si tu avais considéré les bienfaits de ton Créateur, tu ne te serais pas laissé séparer de lui par les langues des flatteurs, tu ne te serais pas rattachée à ce monde auquel tu avais renoncé et où tu ne trouveras rien que de funeste, car il n’offre que faux bonheur et misère véritable… ». Cf. Migne, Pat. lat., 157, col. 205-207 ; Bourdeaut, op. cit., p. 187.
124 Foulques V devint effectivement roi en 1131. Il gouverna jusqu’en 1143, date de sa mort survenue à la suite d’une chute de cheval dans la plaine de Ptolémaïs.
125 Cette charte, on l’a vu plus haut est probablement un faux. Cf. Guillotel (H.), Les Actes des ducs de Bretagne 944-1148. Thèse pour le doctorat en droit, dactyl., Paris 1973, p. 435-438.
126 En 1146, Ermengarde n’avait pas encore prononcé de voeux. Cette année-là en effet, elle souscrivit, revêtue de son titre comtal, une charte de son fils Conan III, en faveur de l’abbaye de Saint-Florent de Saumur ; Ibid., p. 442. Les Chroniques des comtes d’Anjou et des seigneurs d’Amboise ne font d’autre part aucune mention de ces expériences successives.
127 Cf. supra.
128 Ibid.
129 Ibid.
130 Le fait que dans le coeur d’Ermengarde la crainte ait cédé la place à l’amour divin.
131 Cf. Migne, Pat. lat., t. CLXXXII, col. 263, épist. CXVII.
132 Fulco plures duxit uxores : filiam Lancelini de Baugentiaco, ex qua orta est comitissa Britanniae, illa que post obitum viri sui, Jerusalem in ecclesia sancte Anne vitam monialem exercuit, Chroniques des comtes d’Anjou et des seigneurs d’Amboise, éd. Halphen (L.) et Poupardin (R.) p. 65.
133 Cf. Migne, Pat. lat., t. CLXXXII, col. 262, épist. CXVI ; cf. n. 198.
134 Dilectae in Christo filiae suae Ermengardi, quondam eximiae comitissae, nunc humili Christi ancillae...
135 Cf. Guillotel, op. cit., p. 442 ; Ermengarde apparaît comme témoin dans un échange entre l’abbesse de Saint Anne et Raymond, maître de l’Hôpital en 1157. Les Chroniques des comtes d'Anjou et des seigneurs d’Amboise signalent de leur côté qu’elle fut enterrée à Saint-Anne : […] ex qua genuit comitissam Britaniea, illam quae, viro suo mortuo, Jerusalem, in ecclesia beate Anne religiosam ducens vitam, sepulta fuit, éd. citée, p. 103.
136 Cf. supra.
137 Cf. Warren (Cte H. de), La Bretagne cistercienne, 1946.
138 Avant le xiie siècle le terme de « barons » désignait toute une foule d’individus, des vassaux aux domestiques du duc. À la fin du xiie siècle et au début du xiiie siècle, l’expression « barons de Bretagne » finit par prévaloir pour qualifier les « vassaux directs » du duc. Cf. La Borderie (A. Le Moyne de), Étude historique sur les neuf barons bretons dans La Bigne (A. de), Recueil des blasons de Bretagne, Rennes, 1895. Dans l’exposé de l’assise du comte Geoffroi de 1185, il est écrit d’autre part que le duc a agi à la requête des évêques et de tous les barons de Bretagne, Petitioni episcoporum et baronum omnium Britannie. Cf. Dom Mokrice, Preuves, I, 705.
139 Cf. supra.
140 Un dicton fameux, rimé du xive au xve siècle plaçait au premier rang de la féodalité bretonne la maison d’Avaugour (héritière des comtes de Tréguier et de Lamballe), puis celles de Léon, Vitré, Fougères et enfin celles de Châteaubriant, Retz, La Roche-Bernard, Ancenis, cf. La Borderie, Études historique sur les neuf barons de Bretagne.
141 Cf. La Borderie, Histoire de Bretagne, t. III, p. 120-129, Droits et usages curieux en Bretagne.
142 Cf. supra.
143 Cf. Du Halgouet (H), La vicomté de Rohan et ses seigneurs, St-Brieuc, Paris 1921.
144 Cf. Motte-Rouge (comtesse de la), Dinan et ses juveigneurs, Nantes, 1842.
145 Les de Montsorel étaient seigneurs de Landal et vassaux des barons de Dol-Combourg. Dans la seconde moitié du xiie siècle. on les voit prendre le titre de miles. Cf. BN, ms fr. 22325, f° 91- 92-520 ; 22337, f° 91-92. Notons que jusqu’à la fin du xiie siècle, les seigneurs bretons ne sont désignés dans les chartes que par leur nom propre, ce qui rend leur différenciation sociale malaisée. Quant au terme miles, il n’apparaît guère dans les chartes avant la fin du xiie siècle : il suit alors le nom du seigneur et indique qu’il s’agit d’un titre propre à celui qui le porte. La chevalerie semble ainsi n’être apparue que très tardivement en Bretagne, du temps du gouvernement des Plantagenêts. Au xiiie siècle, les grands seigneurs bretons recherchent le titre de miles ce qui prouve la dignité qu’ils reconnaissent alors à ce titre. Cf. Couffon de Kerdellech (R.), Recherches sur la Chevalerie du duché de Bretagne, t. I, Nantes-Paris, 1877 et Barthélemy (A. de), « De la qualification de chevalier », Revue nobiliaire, t. IV.
146 Cf. La Borderie, Histoire de Bretagne, t. III.
147 Cf. ADLA, H 19.
148 Cf. Dom Morice, Preuves, I, 634 et BN, ms., fds fr. 22337, f° 140.
149 Cf. Cartulaire de Saint-Aubin-des-Bois, ADCdA, (sans cote) ; acte publié par Dom Morice, Preuves, I, 670.
150 Cf. ADLA, H 75 (60).
151 Cf. BN, ms. fds fr. 22325, f° 522-523, 22337, f° 92-93, 94-95. Dom Morice, Preuves, I, 596-597.
152 Cf. tableau n° 2.
153 Cf. ADLA, H 20.
154 Cf. ADLA, E 78.
155 Cf. ADLA, H 72.
156 Cf. ADLA, H 20/6.
157 Ibid.
158 Ibid.
159 Cf. ADLA, H 20/1.
160 Cf. ADLA, H 23/14.
161 Cf. ADLA, H 23/14.
162 Cf. ADLA, H 23/13.
163 Cf. ADLA, E 78 ; BN, ms fds. fr. 22362 ; Dom Morice, I, col. 616.
164 Cf. Bibliothèque municipale de Nantes, 1069, 22.
165 Eodem mense, Johannes de Dol mortuus est, et dimisit terram suam et filiam in protectione Radulfi de Fulgeriis. Scol, rex Anglorum accepit turrim de manu ejus ; cf. Robert de Thorigny, Chronique, éd. Delisle (L.), I, 1872, p. 332-333.
166 Cf. Robert de Thorigny, Chronique, I, 1872, p. 353.
167 En 1167, Alain de Subligny tint sa cour à Combourg, au nom de son frère Jean, pour juger un différend ente les moines de La Vieuville et les forestiers de Bourgoët : Illustrissimo Domino suo Henrico Regi Anglorum et Duci Normannorum et Aquitanorum et comiti Andegavensium, Johannes de Soligneio salutem et fidele in omnibus obsequium. Ex benignitate vestra contigit ut mihi honorem dolensem regendum committeretis. factum est alitem ut dum terram illiam regerem etc.
168 Jean de Subligny abandonna la direction de la baronnie de Combourg entre 1172 et 1175. Entre ces deux dates en effet il apparaît comme témoin de la confirmation faite aux moines de Savigny du fief de Robert de Fontenay in villa de Thaun et in Maisnillo Ricardi : cf. Delisle (L.), Recueil des actes de Henri II, Roi d’Angleterre et duc de Normandie, concernant les provinces françaises et les affaires de France, t. II. Paris, 1927, acte n° CCCCXXIII. p. 25. En cette circonstance, Jean de Subligny ne porte pas le titre de Dominus Dolensi. On peut légitimement supposer qu’il fut démis du gouvernement de Dol au profit de son fils Hasculphe en 1173. À cette date en effet Raoul II de Fougères reprit Dol et Combourg aux Plantagenêts. Henri II dépêcha sur place ses Brabançons ; Raoul et ses partisans s’enfermèrent dans la tour de Dol après un combat meurtrier. Ils durent se rendre le 26 août 1173. Jean de Subligny se rendit ensuite en Terre Sainte, sans doute avant 1183 (BN, ms. fds. fr. 22325 et 22337, Dom Morice, Preuves, I, 691, 692, 693). Il était toujours vivant en 1185-1189, date à laquelle il est témoin de la confirmation des biens appartenant au prieuré de Sigy (cf. Delisle, op. cit., DCCCLII, t. II, p. 396-397).
169 BN, ms. fds. fr. 22325, f° 523 et 22337, f° 92-93 ; Dom Morice, I, 596-597.
170 BN, ms. fds. fr. 22325, f° 523 et 22337, f° 94-95 ; Dom Morice, I, 596.
171 Comme nous le verrons ultérieurement, la seule grange de La Vieuville formellement attestée par les actes (Dom Morice, I, 726 et 826) est celle de Belle-Isle en Paluel, située en bordure de la baie du Mont-Saint-Michel.
172 Cf. BN, ms. fds. fr. 22325, f° 540, Dom Morice, I, 601.
173 Actuellement la chapelle Lazary constitue un hameau en Meillac, cant, Tinténiac, arr. St-Malo, I.-et-V. Cf. Meillac, plan cadastral, section C, feuille I, 1826.
174 Lieu-dit et éminence située à une centaine de mètres au nord-est de la chapelle Lazary.
175 Sans doute l’ancien moulin du Rouis et l’étang du même nom, aujourd’hui disparus mais mentionnés sur le plan cadastral à 150 m au sud-ouest de la chapelle Lazary.
176 À 400 m au nord-est de La Chapelle-Lazary, BN, ms. fds. fr. 22325, f° 520 et 22337, f° 91-92.
177 BN, ms. fts. fr. 22325, f° 525, Dom Morice, I, 647.
178 Cf. ADLA, H 20, H 46, etc.
179 Simon de Messan par exemple cède à l’abbaye de Buzay un quarteron et demi de terre à Buzon pour l’âme d’Hugues d’Apremont qu’il avait tué accidentellement. Cf. ADLA, H 20.
180 Ibid.
181 Cf. ADLA, H 23/14 : don de Renaud Agnel de La Bénate. Postea autem, Deo aspirante, contigit ut prefatus Rainaldus Agnel. pro peccatis suis redimendis, signum Ierosolimitani itineris acciperet.
182 ADLA, H 20/2 et H 59.
183 Ibid., H 20/1.
184 Ibid., H 23/14.
185 ADLA, H 20 et H 46.
186 Cf. BN, ms. fds. fr. 22325, f°515.
187 Cf. ADLA, H 20.
188 Cf. BN, ms. fds. fr., 22325, f° 540 ; Dom Morice, Preuves, I, 601
189 Cf. ADLA, H 20.
190 Ibid., H S9.
191 Cf. ADLA, H 20, Simon de Messan obtient deux sous de rente pour les dons de Brient de Montluc à Buzon.
192 Cf. Gallia Christiana, t. XIV, col. 816.
193 Ibid., avant d’être évêque, Robert avait été associé à l’administration diocésaine comme archidiacre par son oncle ; dès 1150, il apparaît à ce titre dans les actes ; cf. ADLA, H 20/4 et E 78, don de Bourdin ; parmi les souscripteurs, nous trouvons Robertus Nannetensis ecclesie archidiaconus.
194 Cf. ADLA, H 19, seconde fondation de l’abbaye de Buzay, […] sub tutela ac protectione apostolicae Sedis ac Romani Pontificis necnon Nannetensium ac Venetensium presulum […].
195 Bernard était d’ailleurs un ancien cistercien ; cf. Gallia Christiana, t. XIV, col. 816 et Migne, Pat. Lat., t. CLXXXV, S. Bernardi vita prima, cap. VIII, col. 297.
196 Cf. ADLA, H 20/4, H 20/6, H 23.
197 C’est le cas notamment quand le « duc » Hoël cède la terre de Villeneuve aux moines en 1153, ADLA, E 78 : Hanc donationem feci in domo mea, in manu domini Bernardi venerabilis episcopi Namnetensis, in presentia domini Adam ejusdem loci abbatis.
198 Ego autem Robertus, Dei gratia Nannetensis episcopus, eum essem aliquando apud Buzeium, videns ibi forte quasdam cartulas cum appendentibus bullis per incuriam fortassis obscuratas, sigillo quidem piissimi patri Domini Bernardi episcopi predecessoris mei sigillatas, decrevi eas in presenti pagina transcribendo renovari, sigilli quoque nostri munimine confirmari. Cf. ADLA, H 46.
199 Cf. ADLA, H 23.
200 Ibid., H 59 et H 20.
201 Ibid., H 75/6 et H 75/70.
202 Cf. ADLA, H 20.
203 Ibid., H 59.
204 Ibid., H 55
205 En 1141, il « invite » son frère à céder une terre aux religieux précisant qu’il est de son devoir de les protéger : Bonorum est principum maxime vero pontificum, elemosinas pauperum patrocinio custodire ac tueri ; cf. BN, ms. fs. fr. 22325, f° 514, 22337, f° 87.
206 Cf. BN, ms. fs. fr. 22325, f° 541.
207 Cf. Geslin de Bourgogne (J.) et Barthélemy (A. de) ; Anciens évêchés de Bretagne, t. III, chap. I.
208 Cf. ADLA, H 75.
209 Cf. Geslin de Bourgogne, t. III, p. 36, IV.
210 Cf. ADCdA, série H, fonds de Boquen, sans cote ; original en très mauvais état de conservation et en partie illisible.
211 Cf. ADLA, H 19 (original) et H 71 (copie).
212 Cf. ADLA, H 75/1 : salva sedis apostolicae auctoritate et diocesani episcopi canonica justitia.
213 Cf. Vacandard, Vie de saint Bernard, 5e éd. (1927), t. I, p. 450 ; Mahn (J.-Berthold), L’ordre cistercien et son gouvernement, des origines au milieu du xiiie siècle (1098-1265).
214 Cf. ADLA, H 19 : In primis siquidem statuentes ut ordo monasticus qui secundum Deum et beati Benedicti regulam atque institutionem cisterciensum fratrum, im eodem monasterio institutus esse disnocitur, perpetuis ibidem temporibus inviolabiliter observetur.
215 Sane laborum vestrorum quos propriis manibus aut sumptibus colatis, sive de nutrimentis animalium vestrorum nullus a vobis decimas exigere.
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