Témoignage et débats. Séquence 1 : Jean-Pierre Soisson
p. 39-52
Texte intégral
Jean-Pierre Soisson
1Je voudrais simplement évoquer les faits tels que je les ai vécus. Je n’ai gardé de cette période que quelques notes personnelles de Valéry Giscard d’Estaing mais aucune archive. J’ai publié en janvier 1978 La victoire sur l’hiver, série d’entretiens avec Patrice Duhamel et Patrick Poivre d’Arvor, réalisés à la montagne à la fin de l’année 1977. Le livre explique la naissance du Parti républicain en faisant référence à un certain nombre d’événements survenus de 1976 à 1978 et décrit ce qui était pour nous l’idéologie ou la doctrine de la future Union pour la démocratie française.
2Dans mes souvenirs, et me fondant sur mon livre, depuis la période des élections municipales de mars 1977, perdues à Paris mais largement gagnées à Auxerre, jusqu’à la période des élections législatives de mars 1978, il y eut d’abord la fondation du Parti républicain à travers la restructuration de la Fédération nationale des républicains indépendants. Valéry Giscard d’Estaing a pensé tout de suite qu’il lui fallait regrouper, organiser autour de lui les forces politiques qui lui étaient les plus favorables. Cela s’est décidé lors d’un séminaire du gouvernement à Rambouillet, le 15 avril 1977. Le président m’a pris à part et m’a dit : « Les républicains indépendants doivent être repris en main, je vous confie cette mission. » Je suis alors secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports, j’hésite, je dois démissionner, cela ne me fait pas un immense plaisir. Il y avait deux candidats possibles pour reprendre les républicains indépendants : Paul Dijoud et moi. C’est Michel Poniatowski qui m’a préféré. Il m’avait d’ailleurs dit, pour être tout à fait clair, le 24 mars, au lendemain des élections municipales : « Tu es jeune, tu viens d’être brillamment réélu maire d’Auxerre et tu as une bonne image de marque, c’est à toi qu’il appartient de diriger les républicains indépendants. »
3Je démissionne donc et me lance dans la création du Parti républicain. Sans fausse modestie, le choix du nom du parti me revient et s’explique par mon long passage chez Edgar Faure, radical : je rappelle que le vrai nom du Parti radical est « Parti républicain, radical et radical socialiste ». Je choisis donc « Parti républicain » et j’en rédige les statuts avec Jacques Douffiagues. Pour l’histoire, les statuts du PR sont largement l’œuvre de Jacques Douffiagues, le projet républicain est largement l’œuvre de Jean-Louis Berthet qui a été mon directeur de cabinet au secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports, et l’article 2 des statuts rappelle la filiation radicale. Il était important pour moi de rappeler cette filiation dans le conglomérat idéologique que pouvait représenter l’UDF. L’article 2 dit : « Le Parti républicain a pour objet de regrouper des citoyens attachés à l’idéal républicain né de la Révolution française tel qu’il s’incarne dans les institutions de la Ve République, de construire une démocratie française fondée sur une communauté d’hommes libres et responsables, de défendre l’indépendance nationale dans une Europe organisée. » Cet article 2 a été soumis au président de la République qui en a approuvé l’ensemble des termes : je le dis ici aujourd’hui pour la première fois.
4À partir du moment où nous nous lançons dans la création du PR, un certain nombre de difficultés surgissent. D’abord avec les élus républicains indépendants qui n’acceptent pas la transformation de la FNRI en PR et qui, plus largement, acceptent mal le passage de relais à une génération plus jeune. La difficulté a été telle qu’elle n’a pu être réglée qu’au cours d’un déjeuner à l’Élysée en présence du président de la République, le 16 mai, deux jours avant que le congrès ne s’ouvre à Fréjus. Il y avait un grand nombre de récriminations. La plus vigoureuse, dans ma mémoire, était celle d’Albert Voilquin, député des Vosges, qui ne comprenait pas les raisons pour lesquelles il fallait transformer les républicains indépendants et qui avait dit au président : « Valéry, tu fais une erreur. » À la suite de ce déjeuner, j’ai dû transformer le nom du parti, devenu « Parti républicain et républicain indépendant » dans les statuts que j’ai présentés à Fréjus deux jours après.
5La deuxième difficulté, la plus importante, a concerné mes relations avec Jacques Chirac et le RPR. J’avais appartenu à tous les gouvernements de Jacques Chirac et nos relations personnelles étaient bonnes. Je l’informe du prochain aboutissement de notre démarche – je l’informais d’ailleurs de nos démarches et de l’avancée des négociations presque chaque semaine – et il m’a proposé de déjeuner en tête-à-tête à l’Hôtel de Ville, le 12 mai. Puis il m’a téléphoné pour me dire : « Verrais-tu un inconvénient à ce que Marie-France Garaud soit présente ? » « Non, mais je viendrai avec Jacques Douffiagues. » Nous étions donc quatre, déjeuner un peu particulier quant au menu : on nous sert des saucisses de Morteau accompagnées d’un vieux champagne. Le Bourguignon que je suis vous dit que ça ne va absolument pas ensemble ! Vous trouverez dans La victoire sur l’hiver les propos de Jacques Chirac, puisque retournant son menu, Jacques Douffiagues a pris en note pratiquement l’intégralité de ses propos, notamment sur « les institutions dévoyées ». Nous avons failli, Jacques Douffiagues et moi, quitter la table tellement les propos étaient durs. Je vais reprendre quelques phrases de Jacques Chirac. Il nous accueille tous les deux, avant même que nous nous mettions à table, par ces mots : « Contrairement à ce que l’on prétend, je ne veux pas tout bouffer. » Et il ajoute : « à partir du moment où je ne sais plus quelle politique l’on suit à la tête de l’État, moi je suivrai la mienne et, quoi qu’il advienne, je creuserai mon sillon et je le creuserai jusqu’au bout ». Je dois dire que dans le caractère et l’attitude de Jacques Chirac, il y a un fait qui m’a toujours frappé : il a souvent dit ce qu’il allait faire. Son projet était donc annoncé très clairement et nous avons immédiatement posé le problème des primaires. C’était le seul objet de ce repas. Dans les primaires, l’élément technique majeur a été la modification de la loi électorale qui a donné lieu à une passe d’armes extraordinairement vive dans laquelle le président de la République lui-même a dû s’engager. Le projet de loi de Michel Poniatowski proposait le seuil de 15 % pour se maintenir au second tour. Le RPR proposait 10 %. Valéry Giscard d’Estaing arbitra à 12,5 %. Mais cela nous donnait dans les négociations avec nos alliés – François de Sesmaisons pourrait en parler mieux que moi – un pouvoir énorme, car si nous restions divisés, nous arriverions derrière le candidat du RPR. Il fallait qu’il y ait une condition technique qui pousse à l’union et cette condition technique, nous l’avons eue avec la modification de la loi électorale et l’élévation du seuil pour se maintenir au second tour.
6Les choses se sont ensuite bien déroulées. Le nom de « Union pour la démocratie française » est dû à Jean-Jacques Servan-Schreiber. Là dessus, je suis formel. Nous nous sommes réunis un certain nombre de fois, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Michel Pinton et moi, soit dans l’Yonne – Michel Pinton y avait une très belle demeure, ancienne propriété du ministre de la Restauration, Volabelle, au sud d’Auxerre – soit chez moi, dans le Marais. C’est Jean-Jacques Servan-Schreiber qui a dit : « Mais au fond, dans les statuts du PR, tu cites déjà “démocratie française” et le seul lien que nous ayons entre nous, c’est la personne du président de la République, il faut appeler ça “Démocratie française”. » C’était un samedi, le président était à Rambouillet et de chez moi, Jean-Jacques Servan-Schreiber a dit : « Il faut trancher cette affaire tout de suite. » Il était onze heures du soir : « On ne va pas déranger le président à onze heures du soir. » Moi, j’étais un jeune très respectueux des usages et je ne me voyais pas l’autorité pour déranger à Rambouillet, un samedi soir, le président de la République. Jean-Jacques Servan-Schreiber a dit : « Non, pas du tout », il a pris le téléphone et a joint Valéry Giscard d’Estaing qui a donné son accord sur-le-champ. Vraiment, dans la création de l’UDF, l’un des rôles majeurs, sinon le rôle majeur, revient à Jean-Jacques Servan-Schreiber. Ceux qui ont freiné, ce sont les centristes. Jean Lecanuet jusqu’au dernier moment n’était pas d’accord pour la création de l’UDF, c’est la raison pour laquelle nous l’avons nommé président, Roger Chinaud devenant en quelque sorte de droit président du groupe parlementaire à l’Assemblée nationale et moi, dans ces conditions, acceptant de me retirer ou de devenir vice-président de l’UDF naissante. Les circonstances font d’ailleurs, puisque Jean Lecanuet et Jean-Jacques Servan-Schreiber nous ont quittés, que je suis le seul survivant de l’accord de fondation que nous avons signé le 1er février 1978 avant de lâcher à la presse le communiqué depuis le siège du CDS.
7Voilà les choses telles que je les ai vécues. J’ajoute que je rendais des comptes presque quotidiennement – je pèse mes termes – au président de la République et que l’UDF s’est faite autour de lui et pour lui : il en fut le véritable fondateur et nous n’étions que ses délégués en quelque sorte, et au sein du groupement PR-CDS-Parti radical, je m’efforçais de traduire directement les volontés du président de la République. Le discours fondateur a été celui de Verdun-sur-le-Doubs, un événement considérable : j’ai dû faire refaire ensuite aux frais de l’État le stade sur lequel nous avions installé le chapiteau car le terrain de sport avait été complètement saccagé. Le président était venu la veille à Auxerre. Il prononça le fameux discours du « bon choix pour la France » qui eut le retentissement que vous connaissez et que vous pouvez analyser beaucoup mieux que je ne saurais le faire. Ce fut l’acte fondateur par la rupture dans le ton avec Jacques Chirac qui ne comprenait pas les raisons pour lesquelles le président ne s’engageait pas à démissionner si les élections étaient perdues.
8Dans mon souvenir, l’UDF est le deuxième étage de la fusée, le premier étant la création du Parti républicain. Nous avons toujours pensé, dans les discussions entre Michel Poniatowski, Michel d’Ornano, Roger Chinaud, le président et moi, que nous rassemblions dans un premier temps la famille des républicains indépendants, que nous lui donnions une autre structure, que nous la rendions plus proche et – j’ose le mot – plus docile aux instructions du président de la République, puis, dans un deuxième temps, que nous réalisions une union avec nos partenaires radicaux et démocrates sociaux.
9Pourquoi l’UDF est-elle restée une confédération et n’est-elle pas allée jusqu’à une fusion ? D’abord, me semble-t-il, parce que Valéry Giscard d’Estaing ne l’a pas souhaité lui-même, et qu’il n’a jamais poussé à cette union que nous lui avons sans cesse réclamée, Jean-Jacques Servan-Schreiber et moi. Je pensais que la confédération, dans la formule où elle était créée, poserait très vite un certain nombre de difficultés et qu’elle était menacée d’éclatement, à tout instant, en fonction des positions locales des uns et des autres. Ce qui a été dit des positions des sénateurs est tout à fait vrai : le Sénat exprimait clairement cela par la multiplicité des groupes auxquels appartenaient les sénateurs qui se réclamaient de l’UDF. Ils n’ont jamais voulu se fondre dans un groupe unique et sont toujours restés très distincts les uns des autres, manifestant des positions parfois extrêmement différentes.
10Je tendais à l’unité, Jean-Jacques Servan-Schreiber aussi. Nous n’avons pas réussi. Le CDS n’en voulait absolument pas, c’est tout à fait clair, mais le président de la République n’en voulait pas non plus : il ne voulait pas forcer la main des parlementaires. D’ailleurs, d’origine, il est un parlementaire. La tradition parlementaire est chez lui la tradition fondamentale, il n’a pas la tradition partisane. Il se sert d’un parti politique comme moyen, dont il a besoin comme moyen face au RPR, après le duel perdu lors des élections municipales contre Jacques Chirac. Il faut donc que nous lui organisions une force proche de lui, qui lui permette notamment à l’Assemblée nationale de réaliser son programme. Je rappelle qu’ensuite, avec le gouvernement Barre, nous n’avons pu gouverner de 1978 à 1981 qu’avec un recours constant à la procédure dite du 49-3.
11J’étais redevenu ministre des Sports, du Tourisme et des Loisirs. Je crée le Fonds national pour le développement du sport pour l’aide aux petits clubs. Soutien d’abord unanime de l’ensemble des députés RPR. Mais le moment du vote arrivant, ils ont voté contre, sur ordre du mouvement et le Fonds national pour le développement du sport que nous souhaitions tous et que nous avions tous évoqué dans la campagne électorale, a dû être créé par recours au 49-3. Je cite cet exemple pour montrer les difficultés que nous avons connues à l’Assemblée nationale de 1978 à 1981.
12Je terminerai par cette confidence de Valéry Giscard d’Estaing après 1981 me disant : « Au fond, j’aurais dû perdre les élections de 1978 et j’aurais été réélu en 1981. » Oui. Il y a deux problèmes. Pourquoi n’a-t-il pas dissous en 1974 ? Et pourquoi n’a-t-il jamais poussé totalement les feux de l’UDF ? Avec le recul du temps, il pensait qu’il aurait été préférable pour lui de perdre les élections législatives et, contre un Programme commun affirmé à l’Assemblée nationale, revenir en force et se faire élire en 1981, ce qui n’est pas idiot.
Didier Maus
13Je voudrais avancer une hypothèse dans ce débat. Dans le cas où les élections législatives de 1978 seraient perdues, situation plausible au moment du discours de Verdun-sur-le-Doubs, est-ce qu’en vérité Valéry Giscard d’Estaing n’avait pas en tête que la composante non gaulliste de la future opposition parlementaire soit plus conséquente et plus solidement structurée, d’où le lancement de l’UDF ?
Jean-Pierre Soisson
14Nous nous sommes très souvent réunis à quelques-uns, et très souvent chez Michel d’Ornano, à Paris ou à Deauville, autour du président de la République. Je me rappelle aussi d’un séminaire chez Michel Poniatowski pour envisager toutes les hypothèses et toutes les solutions. Ce que Valéry Giscard d’Estaing souhaitait, c’est qu’en toutes circonstances, nous puissions constituer autour de lui un noyau dur à l’Assemblée nationale qui lui permette d’envisager l’avenir, même si, et surtout si, les élections de 1978 étaient perdues. C’est la raison pour laquelle, si vous relisez le discours de Verdun-sur-le-Doubs avec cet éclairage en tête, vous voyez sa prudence extrême dans ses formulations sur le respect de l’application du Programme commun. Le président pensait que si le Programme commun devait être appliqué, et notamment avec les additions voulues par Georges Marchais, cela conduirait à un certain nombre de nationalisations et de prises de pouvoir qui ne seraient pas acceptées par la majorité de l’opinion publique et donc permettraient un basculement en 1981.
Gilles Le Béguec
15Deux précisions tout d’abord, qui vont dans le sens de cet exercice impressionnant de mise en parallèle entre le CNIP et l’UDF. Raymond Barre aurait dit vers 1985 (je cite ma source, il s’agit de l’attaché de presse de l’époque de Raymond Barre) : « ce qui nous manque, c’est un Roger Duchet ». L’autre précision, je la tiens directement de Jean-Paul David, le secrétaire général du RGR (Rassemblement des gauches républicaines), formation qui compta dans les combinaisons parlementaires de la IVe République puis ne survécut qu’à l’état de fantôme politique après 1958. Jean-Paul David a été contacté au moment de la constitution de l’UDF pour communiquer les statuts du RGR, qui n’était pas au sens strict du terme une confédération mais une association de partis, ce qui, en gros, est quand même la même chose. J’ai dans mes archives les différentes versions des statuts du RGR, et je trouve assez intéressant que cette idée de s’informer sur la manière dont fonctionnait le RGR soit venue. De qui, je ne le sais pas.
16Une question ensuite : est-ce que la façon dont l’UDF a été constituée, qui correspondait grosso modo à une sorte de recentrage idéologique par rapport à la FNRI, ne portait pas en germe la dissociation, pas complètement achevée à ce moment-là même si les élections municipales de 1977 à Paris avaient amorcé le processus, entre les frères séparés de la branche modérée, c’est-à-dire d’un côté, les Républicains indépendants « recentrés » et de l’autre côté, le Centre national des indépendants paysans, ou du moins ce qu’il en restait – il subsistait des réseaux, notamment à Paris, qui avaient joué un rôle important lors des municipales de 1977 – et, par conséquent, le captage sur une plus grande échelle d’une partie de ces réseaux par Jacques Chirac ? Il y aurait alors là un paradoxe : une réplique du CNIP aurait finalement débouché sur la rupture du CNIP avec le giscardisme, même si cette rupture était en marche depuis l’échec de la Confédération des indépendants qui n’a vécu que quelques saisons en 1975-1976.
François de Sesmaisons
17Je voudrais dire deux ou trois choses à propos des archives. Jean-Pierre Soisson a parlé de son livre qui eut une grosse influence. Chaque homme politique qui se respecte s’arrange pour publier un livre. Dans ma bibliothèque, j’en ai deux d’Hervé de Charette, un de Jean Lecanuet, quatre de Valéry Giscard d’Estaing, etc. Il ne faut donc pas oublier que les livres sont des programmes et par-là même des sources importantes pour les historiens. Personnellement, j’ai jeté des archives essentielles, celles de l’AD, évoquée par Gilles Richard, après les avoir gardées 35 ans dans un faux plafond pour qu’on ne me les vole pas. Comme personne ne m’avait jamais rien demandé sur aucun sujet, j’ai tout jeté. Quelques jours après, Gilles Richard m’appelait : je n’avais plus rien !
18En ce qui concerne Jean Lecanuet, je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce qui a été dit. Je parle en présence de Chantal Bruno, conseillère municipale du 15e arrondissement, qui a été sa principale collaboratrice. Il a été président de l’UDF pendant dix ans avec une loyauté sans faille à l’égard du président de la République, même après sa défaite en 1981. Le PR a bien sûr été le vecteur essentiel, le moteur de l’Union mais Jean Lecanuet y était lui-même assez favorable. Il avait déjà présidé à plusieurs mutations de son propre parti, du MRP au CDS en passant par le CD (Centre démocrate).
19Sur l’affaire de la dissolution refusée en 1974, certains propos m’agacent un peu. En 1976, on commence à préparer les élections de 1978. Qu’elle est notre référence ? Les élections de 1973. Or, à ces élections, il y avait 497 circonscriptions, les giscardiens se présentèrent dans 114 ou 118, et obtinrent au second tour, avec le soutien de l’UNR, 7 %. Certes, le président eut ensuite 32 % à lui tout seul au premier tour en 1974, mais dans sa tête, quand se posa la question d’une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale, ce ne furent pas les 32 % qui comptèrent, ce furent les 7 %. Je n’en ai jamais parlé avec lui mais cela me paraît évident.
Jean-Pierre Soisson
20Vous avez complètement raison. Je crois que c’était Michel Poniatowski qui poussait à la dissolution en 1974 et les réflexions du président étaient celles qu’a exposées François de Sesmaisons. Nous n’avions pas, à mon avis, les moyens en 1974 de gagner quoi que ce soit sans le soutien et sans l’accord de Jacques Chirac et de l’UNR.
21À propos des élections de 1978, il faut se rappeler la violence à laquelle les primaires ont pu conduire. Je rappelle ma simple expérience. Huit jours avant la clôture des inscriptions, j’ai vu arriver à Auxerre Patrick Balkany comme candidat sauvage, avec mission, confiée par Jacques Chirac, de me fixer à Auxerre pour m’empêcher d’aller faire une campagne nationale. Patrick Balkany ne trouva pas de suppléant et prit au dernier moment l’un de mes amis, le docteur Jean-Louis Hussenois, secrétaire fédéral du RPR, qui a été par la suite mon propre suppléant. Les candidatures sauvages lancées au dernier moment par Jacques Chirac furent nombreuses : contre Michel Poniatowski, contre Michel d’Ornano, etc.
Didier Maus
22En 1978, j’étais jeune collaborateur de René Monory et je me souviens très bien qu’entre les deux tours, la seule consigne qu’eurent tous ses collaborateurs – je ne sais pas si ce fut la même chose dans les autres ministères – fut d’utiliser la broyeuse au maximum, parce qu’on ne savait pas ce qui se passerait le lundi suivant. En arrivant le dimanche soir du deuxième tour au ministère de l’Industrie, je me souviens de René Monory sur le perron disant : « on revient de loin ». Il était un fervent partisan de l’UDF.
23Au lendemain de 1981, il faut voir les choses comme elles sont. Je crois que ce qu’Alexis Massart a dit sur le choc ressenti non seulement chez les dirigeants politiques mais aussi chez les cadres politiques et dans une partie de l’électorat, est un phénomène à prendre en considération. Certains considéraient qu’il y avait une légitimité naturelle à ce que les gaullistes et leurs alliés soient au gouvernement. Je me souviens encore dans les mois qui ont suivi le double échec de 1988 d’une réunion de je ne sais plus quelle instance de l’UDF, absolument sinistre, où quelqu’un me pose la question : « Qu’est-ce qu’on peut faire pour empêcher de gouverner ceux qui ont gagné ? Est-ce que vous avez un truc constitutionnel ? » J’ai répondu du tac au tac : « Je ne connais qu’une solution, c’est de gagner les élections », mais cela n’avait pas du tout l’air d’être la réponse que mon interlocuteur attendait. La boîte à outils constitutionnels ne permet heureusement pas à ceux qui ont perdu de faire semblant d’avoir gagné.
Jean-Pierre Soisson
24Pour prolonger ce qui a été dit sur le rôle de Raymond Barre et la façon dont il s’est présenté aux élections présidentielles de 1988, je me souviens que je m’étais rapproché de lui en 1983-1984. Le président Valéry Giscard d’Estaing m’en a énormément voulu, beaucoup plus que de mon entrée dans un gouvernement de François Mitterrand, parce que je quittais le clan familial pour aller dans un clan rival. J’ai participé à la campagne présidentielle de Raymond Barre et je dis tout de suite à Alexis Massart que son analyse de l’évolution de l’UDF, parti du président/parti du second tour/parti du premier tour, me paraît très juste. Je me le rappellerai toute ma vie : j’ai souhaité rapprocher François Léotard et Raymond Barre. Si le Parti républicain ne lui apportait pas son soutien, je ne voyais pas la moindre perspective de participer à un deuxième tour. Je les ai mis dans un compartiment de train tous les deux, l’un en face de l’autre, entre Lyon et Paris. Ils ne se sont pas dit un mot, ils se sont plongés chacun dans la lecture de leurs journaux respectifs. C’était perdu et déjà les jeunes élus du Parti républicain s’étaient rapprochés du RPR. Le gouvernement d’Édouard Balladur en 1993 est sorti de cet accord entre jeunes élus venant des deux formations, UDF et RPR.
25Période très difficile donc, entre le purgatoire tel que Georges Duby ou Jacques Le Goffont pu l’analyser, et l’enfer de Dante : ce n’est pas dans ma mémoire un bon souvenir, ayant vécu très difficilement tout cela. J’ai été beaucoup moins actif que dans la période précédente et comme je ne voudrais vous dire que des choses précises des événements que j’ai vécus, je ne veux pas aller plus loin. Sinon, ce serait des sentiments personnels qui n’ont pas d’intérêt.
Didier Maus
26Est-ce qu’on peut quand même vous demander d’aller un peu plus loin sur Raymond Barre parce qu’indépendamment de souvenirs ou de choix personnels, c’est quand même une grande énigme. Raymond Barre était incontestablement quelqu’un qui avait une vraie dimension intellectuelle, je dirais même une stature d’homme d’État. Or, l’échec politique a été complet quand il a concouru sous ses propres couleurs, même s’il a été, à mon avis, un assez bon Premier ministre dans la période antérieure. Est-ce que c’est dû à son caractère et à cette impossibilité de communiquer même dans un compartiment de chemin de fer ?
Jean-Pierre Soisson
27Les torts étaient partagés.
Didier Maus
28Est-ce que cela est dû à l’absence d’adhésion, naturelle ou forcée, d’un certain nombre de personnes à son égard ou à l’égard de sa démarche, et notamment, à partir de 1986, à sa curieuse attitude vis-à-vis de la cohabitation : « Je la refuse mais je n’ai pas d’autre solution à proposer » ? Il faut souligner son incapacité à mobiliser, dans la période 1987-1988, non seulement les parlementaires qui étaient prêts à le soutenir mais aussi les grands élus locaux. C’est une énigme : pourquoi l’UDF n’est-elle pas devenue le parti de Raymond Barre ?
Jean-Pierre Soisson
29Parce que Raymond Barre était le contraire d’un chef de parti ! Je me rappelle plusieurs grands moments de préparation des élections de 1988, tel la rencontre à Toulouse, dans la salle des Illustres du Capitole, de tous ceux qui l’avaient rejoint. Il manifestait une totale incompréhension de ce qu’était une structure partisane et de ce qu’une telle structure pouvait lui apporter. Qu’un certain nombre d’hommes se retrouvent autour de lui dans la salle des Illustres pour le soutenir, cela rentrait tout à fait dans son raisonnement et il le souhaitait. Constituer un parti, c’était en revanche une chose impossible pour lui.
30Quand il m’a demandé de réunir la jeune majorité, pas un instant il n’a souhaité que je passe par les structures de l’UDF ou du RPR. Nous avons fait d’abord le GEPAR, le Groupe d’études parlementaires pour l’aménagement rural, puis le GAP, Groupe d’animation et de propositions. En dehors des partis. « Je viens vous voir et je vous retrouverai si vous ne mettez pas les partis dans cette affaire. » Il a toujours eu cette position, ce qui fait que sa candidature était, me semble-t-il avec le recul du temps, vouée à l’échec. Je l’ai accompagné aux Antilles, non pas parce que j’avais été ministre de l’Outre-mer comme la plupart des journalistes l’écrivent, mais parce que j’avais été le délégué de l’UDF à l’Outre-mer. C’était tout à fait étonnant. Des journalistes l’accompagnaient, il voulait à peine leur parler. Le dernier jour, j’avais organisé une réunion chez Jean Bally : c’est le producteur du meilleur rhum de la Martinique, dans le nord de l’île. Dès son arrivée, il se précipite vers Mme Bally et lui dit : « Chère amie, nous allons nous mettre à côté, je ne veux pas voir tous ces gens-là », alors que c’était une réunion d’explication de la campagne avant de reprendre l’avion.
31Raymond Barre était un personnage fascinant pour cette raison, absolument fascinant. Autre exemple : j’avais écrit un traité sur la formation professionnelle en 1986 et je lui avais demandé la préface. C’est une préface écrite à la main, texte fascinant qu’ensuite seule sa secrétaire pouvait, à peu près, déchiffrer et traduire en mots. D’une intelligence très grande sur l’Europe et les problèmes économiques, il refusait d’entrer dans la politique classique. Valéry Giscard d’Estaing connaît sa carte électorale, François Mitterrand aussi, canton par canton. Raymond Barre savait à peine distinguer les départements.
32Je l’ai servi, je l’ai aimé, j’essaye de déceler ses faiblesses mais, à part cela, des analyses de la situation économique étourdissantes et une connaissance des milieux européens que rarement des hommes politiques ont aujourd’hui alors que cela nous serait bien nécessaire.
Philippe Lamy
33Est-ce que dans la séquence 1984-1986, l’irruption du Front national dans le champ électoral n’a pas aussi été un élément déstructurant de l’UDF puisqu’on voit à l’époque des gens comme Simone Veil et Bernard Stasi prendre position tout de suite, dès l’élection de Dreux, contre toute alliance avec le FN tandis que Jean-Yves Le Gallou, qui est à l’époque secrétaire général du Club de l’Horloge et qui rédige les travaux d’Alain Griotteray, conçoit la « préférence nationale » alors qu’il est encore un des responsables du PR ? Il y a certes aussi des tiraillements au RPR mais l’appareil tient.
Alexis Massart
34C’est vrai que je n’ai pas abordé la question du Front national dans mon intervention en restant sur les relations RPR-UDF. Le FN a effectivement joué en termes de déstructuration de l’UDF. Il y avait une fracture qui s’est peu à peu élargie. Certains se battaient pour le rejet absolu et définitif de toute forme de discussion, de près ou de loin, avec un mouvement national d’extrême droite. En face, d’autres avaient une approche de nature électorale, se disant qu’on neutraliserait assez rapidement la montée du FN en passant ponctuellement des accords électoraux avec lui. Cela a aussi traversé le mouvement gaulliste avec d’un côté un Charles Pasqua et un Jacques Chirac, qui a quand même évoqué le « problème » des « odeurs » dans les cages d’escalier, et de l’autre côté un Michel Noir qui expliquait qu’il préférait perdre une élection que perdre son âme. Ce problème des relations avec le FN se posait dans les deux formations.
35À côté de cela, il y a eu un travail intellectuel très important mené entre 1981 et 1986 à droite, favorisé par l’obstruction parlementaire entreprise dès 1981, qui ne consistait pas simplement à changer une virgule par-ci par-là, mais s’inspirait d’une véritable réflexion, lancée par ces nouveaux élus dont j’ai parlé : Alain Madelin, Philippe Séguin, François Léotard, François Fillon, François d’Aubert, Charles Millon, Michel Noir, etc. Une nouvelle génération apparaît, qui sait qu’après le choc de mai-juin 1981, il y aura une baisse de régime chez beaucoup, notamment chez ceux qui ont vécu de près l’échec et sont un peu KO. Ces « cadets de la droite », si je reprends le titre d’un ouvrage qui est paru il y a quelques années, se mettent alors en route pour une relève politique qui passe aussi par l’idéologie.
Jean-Pierre Soisson
36Je confirme tout à fait votre double observation. En 1981, les anciens parmi lesquels je peux me ranger, ont calmé le jeu et se sont retirés. À l’Assemblée nationale notamment, l’opposition a été portée par les jeunes pousses du RPR et de l’UDF qui sont allées au combat jour et nuit d’une manière très forte, multipliant les amendements et conduisant le gouvernement et la majorité de l’époque à des séances de nuit qui se prolongeaient jusqu’à quatre heures du matin de façon assez régulière. Au cours de ces joutes à l’Assemblée nationale, ils se sont rapprochés puisqu’ils étaient à ce moment-là l’opposition sans grande distinction entre eux, entre RPR et UDF, plus directement entre RPR et Parti républicain. Il faut penser aussi à la difficulté qu’a été pour les députés de la droite leur réélection en 1981. Moi, je suis élu régulièrement depuis 1968. En 1981, je n’ai pas eu la majorité à quelques centaines de voix à Auxerre, ma propre ville, et c’est la campagne qui m’a maintenu député. Donc la plupart des sortants qui auparavant étaient élus à 52, 53 ou 55 % sont tombés et on a vu arriver une relève de députés vraiment très sympathiques, qui sont allés au combat et qui nous ont dit : « Mettez-vous de côté, c’est fini, un nouveau monde commence, c’est le nôtre. » Raymond Barre était pour eux l’incarnation de l’Ancien Régime, il ne collait pas intellectuellement. François Léotard a tout à fait porté leurs espérances, et puis il n’a pas donné suite.
Odile Rudelle
37Je voudrais savoir quelle était l’analyse que Valéry Giscard d’Estaing faisait du mot « républicain ». Dans les années 1970, avec la montée de « l’union de la gauche », beaucoup ont appris à être républicains contre le gaullisme. Quand vous avez fait ce Parti « républicain », je me souviens vous avoir interrogé à Auxerre : « Est-ce que c’est le souvenir de Paul Bert et de la franc-maçonnerie ? » Vous m’avez dit : « À Auxerre, il n’y a que le football qui compte. » J’étais très étonnée mais c’était assez prémonitoire.
38Revenons plus sérieusement sur l’acceptation difficile par les parlementaires « républicains indépendants » du mot « républicain » employé seul : est-ce que vous pensez que cela a compté dans l’échec de 1981 ? Est-ce que cela a compté chez Valéry Giscard d’Estaing ? Ou bien le désir d’alternance était-il tellement immense qu’il était impossible de l’endiguer ? Comment avez-vous vécu cela de l’intérieur ?
Jean-Pierre Soisson
39Au début, quand j’impose le Parti républicain avec Jacques Douffiagues, Jean-Pierre Raffarin, Dominique Bussereau, la jeune équipe qui m’entourait à l’époque, je l’impose contre tous les barons républicains indépendants. D’où le dîner que je supplie le président de la République de bien vouloir organiser pour avoir son soutien, dîner qui s’est traduit par un compromis pas tout à fait satisfaisant pour moi puisqu’il m’a dit : « Au fond, cela n’a aucune importance, on va ajouter “indépendant” à “parti républicain”. » Ce n’était plus du tout la même chose idéologiquement pour moi, l’article 2 des statuts et la filiation avec la Révolution française n’avaient plus aucun sens dès l’instant que ce compromis était accepté ou imposé par le président de la République.
Didier Maus
40On n’a jamais dit « Parti républicain indépendant ».
Jean-Pierre Soisson
41Non, c’est « Parti républicain et républicain indépendant ». Moi, je l’ai mis à la trappe tout de suite. J’ai été obligé de dire le titre officiel à Fréjus ou dans quelques manifestations mais on a tout de suite dit « Parti républicain » et ce sont les jeunes du PR qui ont donné l’exemple, ceux qui se sont ensuite rapprochés du RPR pour créer ce qui allait permettre la cohabitation de 1986, avec une unité forgée dans les travaux de nuit à l’Assemblée nationale, avec un effort programmatique essentiel.
Odile Rudelle
42Autour du libéralisme.
Jean-Pierre Soisson
43Libéralisme de progrès, si vous me le permettez.
Julien Fretel
44J’ai beaucoup pensé à Maurice Duverger tout au long de nos échanges, à la fois pour ce qu’il a apporté et pour ce qu’il n’a pas réussi à apporter. Étant un grand spécialiste des partis de masse et, implicitement, du Parti communiste, il n’a pas réussi à apporter la boîte à outils qui permet d’étudier la droite. C’est la raison pour laquelle on peine, selon moi, à trouver les termes et les pré-requis pour étudier la droite et notamment l’UDF. Il n’arrêtait pas de nous dire à quel point la structure partisane est déterminante, pas seulement pour produire la superstructure des idées mais aussi pour assurer le destin d’une organisation. Là, je suis frappé de voir à quel point après 1981 – Alexis Massart l’a très bien dit – les acteurs qui comptent ne trouvent pas les outils, ne savent pas quoi faire, ne savent pas quel travail partisan réaliser pour enrayer ce qui est une crise. Je suis effaré quand je compare le travail d’organisation, jadis au RPR, aujourd’hui à l’UMP d’une part, jadis à l’UDF et aujourd’hui au MoDem d’autre part. Je me souviens que, quand je faisais ma thèse et que je prenais des rendez-vous avec des responsables du RPR, c’était toujours à une heure fixe. J’avais en face de moi des hommes très ordonnés avec des dossiers et des archives. Mais quand j’allais à l’UDF, j’attendais, je cherchais, eux-mêmes cherchaient, annulaient. Je constatais des différences d’organisation très nettes, fruits de cultures fort différentes.
45Tout à l’heure, vous avez dit que Valéry Giscard d’Estaing vous avait confié un travail de rénovation des organisations politiques qui allaient composer l’UDF. Très concrètement, quels ont été vos outils et vos méthodes ?
Jean-Pierre Soisson
46La réponse est très simple. La seule recette que je connaisse, la seule que j’ai appliquée au Parti républicain, c’est la constitution d’une équipe d’hommes, une douzaine, qui prennent en charge le parti, sa direction, son organisation et, de temps en temps, des réunions beaucoup plus larges avec les anciens, les grands élus, qui ne comptent absolument pas dans les orientations stratégiques qu’on prend. Quelques hommes, nouveaux, qui mettent en œuvre une nouvelle organisation et une nouvelle politique. Le reste, c’est du vent.
François de Sesmaisons
47Une précision sur « l’affaire d’Ornano » dont on parle souvent ce matin. Michel Pinton, polytechnicien, connu par hasard aux États-Unis par le futur président, était en 1977 au cabinet de Valéry Giscard d’Estaing. Il était tout à fait opposé à la candidature de Michel d’Ornano à la mairie de Paris. Il jugeait que c’était une erreur majeure de tactique. Cela n’a pas empêché qu’il soit nommé ensuite délégué général de l’UDF par le président.
48Je reviens sur Raymond Barre. Un aspect a, je crois, été complètement oublié. J’étais à son état-major de campagne en 1988, par devoir, alors que j’avais repris mes activités professionnelles normales. Le problème, c’est qu’il y avait eu trois gouvernements Barre. Barre-1, cela s’était très bien passé. Barre-2, on ne savait déjà plus vraiment où on allait. Barre-3, on ne lui organisait plus de déplacements en régions. On lui organisait un déjeuner avec des chefs d’entreprise. Sur 150 personnes au départ, 50 n’avaient pas d’opinion, 50 étaient pour lui et 50 étaient contre – ce sont des chiffres pour faire une image – mais quand le dîner était fini, il y en avait 150 contre lui ! On organisait quelque chose avec des journalistes amis, triés sur le volet (je ne vais pas les nommer pour ne pas les gêner mais on a tous des carnets d’adresses dans ce domaine) : pas un ne repartait content. C’est ce que Jean-Pierre Soisson a très bien montré par un exemple que je ne connaissais pas mais qui ne fait que confirmer mes propres souvenirs. Pourquoi Raymond Barre n’était-il pas chef de l’UDF ? Parce que personne n’en aurait voulu comme chef, il ne faut quand même pas l’occulter !
49J’ai été un des auteurs de Faits et arguments. Là, il ne s’exprimait pas directement lui-même, c’était Daniel Doustin, un préfet tout à fait remarquable, qui dirigeait l’affaire. Raymond Barre avait des idées très précises qui correspondaient bien à un certain nombre de courants politiques, mais il avait un défaut considérable. C’était son côté professeur, je suis désolé de dire cela à des professeurs ! Il enseignait toujours à tout le monde quelque chose, même aux gens qui connaissaient le sujet mieux que lui ; les chefs d’entreprise par exemple.
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