Chevalerie et christianisme aux XIIe et XIIIe siècles
La chevalerie présente deux acceptions, l’une sociale et l’autre idéologique. D’une part, le groupe aristocratique des combattants à cheval, et d’autre part les valeurs qui lui imposent des comportements spécifiques. Devons-nous la mêler inextricablement au christianisme ? Les penseurs des XIIe et XIIIe siècles justifient la prépondérance sociale des chevaliers par le péché d’Adam et la rupture de l’harmonie originelle qu’il entraîne. Ils considèrent que les miles — « élu parmi mille », selon ...
Éditeur : Presses universitaires de Rennes
Lieu d’édition : Rennes
Publication sur OpenEdition Books : 9 septembre 2019
ISBN numérique : 978-2-7535-6842-6
DOI : 10.4000/books.pur.112928
Collection : Histoire
Année d’édition : 2011
ISBN (Édition imprimée) : 978-2-7535-1726-4
Nombre de pages : 326
Martin Aurell
Rapport introductifPremière partie. Piétés chevaleresques
Vladimir Agrigoroaei
Choix nobiliaires ou modèle oriental : le cas de saint Georges et des autres saints guerriersCécile Voyer
Le geste efficace : le don du chevalier au saint sur le tympan de Mervilliers (XIIe siècle)Deuxième partie. Paradoxes et compromis : les tensions entre Église et chevalerie
Dominique Barthélemy
L’Église et les premiers tournois (XIe et XIIe siècles)Xavier Storelli
Les chevaliers face à la mort soudaine et brutale : l’indispensable secours de l’Église ?Richard W. Kaeuper
Piety and Independence in Chivalric ReligionLaurent Hablot
L’héraldisation du sacré aux XIIe-XIIIe siècles. Une mise en scène de la religion chevaleresque ?Troisième partie. Guerre et christianisme
John Gillingham
Christian Warriors and the Enslavement of Fellow ChristiansDominique Boutet
Le sens de la mort de Roland dans la littérature des XIIe et XIIIe siècles (Chanson de Roland, Chronique de Turpin, Chronique rimée de Philippe Mousket)Sylvain Gouguenheim
Les guerres des ordres militaires furent-elles des guerres chevaleresques ? L’exemple de la conquête de la Prusse par l’ordre teutonique (1230-1283)Pierre Toubert, Philippe Contamine, John W. Baldwin et al.
ConclusionLa chevalerie présente deux acceptions, l’une sociale et l’autre idéologique. D’une part, le groupe aristocratique des combattants à cheval, et d’autre part les valeurs qui lui imposent des comportements spécifiques. Devons-nous la mêler inextricablement au christianisme ? Les penseurs des XIIe et XIIIe siècles justifient la prépondérance sociale des chevaliers par le péché d’Adam et la rupture de l’harmonie originelle qu’il entraîne. Ils considèrent que les miles — « élu parmi mille », selon l’étymologie d’Isidore de Séville — ont pour vocation divine de défendre le faible et de faire régner la justice, instaurant par les armes la paix. Cette théologie politique marque l’évolution de l’adoubement, qui emprunte alors à l’onction royale et aux sacrements chrétiens bien des éléments de son rituel. En recevant l’épée, dûment bénie, et la colée, le nouveau chevalier intègre un ordre, tout comme le clerc est ordonné. La prédication lui rappelle les devoirs spécifiques de l’état qu’il vient d’adopter, en particulier de mitiger sa violence et d’exercer sa puissance avec droiture et modération. Elle l’encourage à partir en croisade pour défendre la Chrétienté.
Jusqu’aux années 1990, dans leurs analyses sur la chevalerie, les historiens ont repris la trame du discours normatif des clercs, que nous venons brièvement de présenter. Ils ont tenu pour vraisemblable l’influence extérieure de l’Église dans la mitigation de la violence nobiliaire, grâce à l’influence sur le code chevaleresque de la Paix de Dieu et plus largement du message évangélique. Depuis les vingt dernières années, d’autres spécialistes remettent en cause ce modèle, remarquant la nature idéale des discours des clercs médiévaux sur la chevalerie, qu’il conviendrait de déconstruire. Ils adoptent l’anthropologie culturelle pour méthode afin de conclure que, tout au long du Moyen Âge et de façon endogène, la société guerrière produit ses propres codes de conduite pour épargner les vies de ses membres dans les combats, pour augmenter son honneur et pour affirmer sa domination sur la paysannerie. Toute superficielle, la religiosité des chevaliers ne serait donc pour rien dans l’autocontrôle de leur violence. Le débat apparaît en toile de fond du présent ouvrage, où les meilleurs spécialistes de la question se penchent sur les rapports complexes et paradoxaux entre le christianisme et les guerriers nobiliaires. Ils analysent ainsi autant la piété chevaleresque que la part de l’Église dans la guerre menée par l’aristocratie au cours d’une période charnière, où les normes, mentalités et conduites connaissent de profonds bouleversements.
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