Cordoue face aux calamités agricoles de l’année 407 H (1016-1017 AD) : le point de vue du juriste malékite Ibn Sahl
p. 241-254
Texte intégral
1Dans leurs échanges de questions et de réponses sur des points de droit, les juristes de l’Occident musulman ont parfois eu à se prononcer sur des affaires liées à des pénuries alimentaires : à Mahdia, al-Māzarī (m. 536 H/1141 AD) est interrogé à propos d’individus qui
« actuellement et par nécessité […] font des transactions avec les Bédouins qui sont dans le besoin en période de disette. Ces derniers leur achètent les céréales qui leur sont nécessaires à crédit promettant de payer à la moisson. À l’échéance, ils déclarent ne posséder que du blé et ne pouvoir s’acquitter en or et ils sont souvent de bonne foi1 ».
2Toujours en Ifrīqiyya, dans le dernier quart du XIIIe siècle cette fois, al-Zawāwı est questionné sur des ventes de céréales :
« Lorsque l’émir Abū Ḫafṣ cUmar Ier (1284-1295) investit Tunis, les Arabes se jetèrent sur les villages environnants, s’emparant des récoltes et coupant les routes, ce qui entraîna une hausse des prix à Tunis. Le jour même de l’avènement d’Abū Ḫafṣ cUmar Ier […] les Arabes y apportèrent des céréales qu’ils voulurent vendre2. »
3Disette et cherté des grains ; il ne manque que le troisième ingrédient des crises frumentaires du Moyen Âge, les mauvaises récoltes. Dans la vallée de l’Èbre, al-Saraqusṭī (m. 477 H/1084 AD) est consulté sur le problème suivant :
« Quid d’une terre louée sous réserve qu’en cas de calamité de toute espèce le loyer sera diminué ? En cas de mauvaise récolte pour une autre raison que la sécheresse, le préjudice peut-il être supporté par le propriétaire ? Réponse. Si la récolte est compromise par autre chose que la sécheresse, par exemple la pluie, le froid, les oiseaux ou les sangliers, le locataire doit l’intégralité du loyer3. »
4Les juristes ont donc conservé la mémoire, au fil de leurs fatwas, de crises alimentaires ou de catastrophes naturelles ; ce type de sources juridiques pose, outre la question de sa représentativité, celle de ses liens avec les réalités matérielles4 : souvent, très souvent même, la fatwa est coupée de son cadre juridique, de l’affaire judiciaire dans laquelle la question a été posée au mufti, comme lorsque al-Saraqusṭī est interrogé. Si les recueils de fatwas peuvent apporter quelques pièces à une histoire du climat, des catastrophes naturelles et des crises sanitaires, parmi les sources juridiques aujourd’hui disponibles et relatives à la péninsule Ibérique, les éléments les plus précieux pouvant être versés au dossier sont à chercher dans l’œuvre du juriste andalou Ibn Sahl : son recueil de cas juridiques se distingue en effet par une présentation de l’affaire qui précède les fatwas émises par les juristes et qui situe les faits dans l’espace et dans le temps. Avant de présenter les calamités agricoles dont Ibn Sahl a conservé le souvenir pour la Cordoue de son temps et les moyens de faire face à ces catastrophes selon la jurisprudence malékite, il n’est pas sans intérêt de rappeler les liens que ce juriste entretient avec le monde rural.
Le juriste et le monde rural
Juriste des villes, juriste des champs
5Ibn Sahl al-Asadī a fait l’objet de plusieurs études qui ont patiemment reconstitué une carrière dont les grandes lignes sont désormais connues5. cĪsā b. Sahl est né en 413 H/1022-23 AD dans une bourgade de la kūra de Jaén, localité rurale dont la trace s’est perdue : ses biographes ne sont pas d’accord sur le lieu exact de sa naissance et les historiens divergent sur l’identification du toponyme le plus souvent associé à son histoire familiale. Ses biographes le font naître dans un district de la kūra de Jaén, celui de Wādī cAbd Allāh, situé à une dizaine de kilomètres à l’est de Jaén, ou bien plus au sud, dans l’un des districts méridionaux de cette kūra de Jaén, au contact de la kūra d’Elvira. Quant au district de Wādī cAbd Allāh, son nom reste associé à l’histoire familiale d’Ibn Sahl, puisque le père de celui-ci était imam au chef-lieu du district, Ḥišn al-Qalca. Joaquín Vallvé, suivi par Francisco Javier Aguirre et Ma del Carmen Jiménez, identifie cette localité fortifiée à La Guardia et la rivière au Guadalbullón ; Juan Carlos Castillo Armenteros situe le district de Wādī cAbd Allāh sur la basse et la moyenne vallée du Guadalbullón et suggère d’en chercher le chef-lieu à l’est de La Guardia ; Vicente Salvatierra, enfin, place le district plus à l’ouest, le long du Quiebrajano6. Ibn Sahl a d’indiscutables origines rurales, tout comme la tribu arabe dont il porte le gentilice : les Banü Asad, lignage originaire du nord de l’Arabie auquel Ibn Sahl se rattache par des liens familiaux ou de clientèle, se sont installés depuis la conquête dans la kūra d’Elvira, plus précisément dans la région montagneuse des Alpujarras et à Los Bérchules7. Ibn Sahl doit selon toute vraisemblance à son père, ouléma établi dans l’arrière-pays montagneux de Jaén, sa première formation intellectuelle.
6Il se rend ensuite à Jaén pour parfaire ses connaissances, puis à Grenade et gagne enfin Cordoue, capitale politique déchue, mais foyer intellectuel majeur ; il y arrive au plus tard en 1045, puisqu’il étudie avec Abū Muḥammad Makkī b. Abī Ṭālib (m. 437 H/1045 AD), et il s’y trouve encore à l’été 10478. Formé comme il se doit dans le monde urbain, Ibn Sahl débute sa carrière comme juge secondaire (ḥākim) de la région montagneuse de Baeza, Somontín et Tíscar, alors rattachée à la taifa d’Almería ; il y est en poste avant 444 H/1052-1053 AD, dès avril 1051 selon Francisco Javier Aguirre, sans qu’il soit possible de savoir pendant combien d’années il exerce cette charge9. À partir de 1052-1053, Ibn Sahl devient définitivement un juriste des villes : cette année-là, il revient à Cordoue pour parfaire sa formation sans exercer, semble-t-il, de charge judiciaire ; en 1058-59, il quitte Cordoue pour Tolède, aux côtés du juriste cordouan Ibn al-Ḥaššāͻ, nommé cadi de la taifa des Banū Ḏī l-Nūn. Durant sept années, il reste le secrétaire du juge tolédan avant de revenir à Cordoue pour y être secrétaire du juge, puis membre de la šūrā ; vers 1076, il part exercer ses talents de juriste à Ceuta, puis à Tanger et Meknès, avant de revenir en al-Andalus en 1088 et de devenir cadi de Grenade au service du dernier roi de la taifa ziride10. Après la conquête de la ville en 1090 par les Almoravides, Ibn Sahl ne tarde pas à être déchu de ses fonctions pour des raisons politiques évidentes11 : il a été au service des rois de taifas et ses manœuvres pour se rapprocher de l’émir almoravide ne servent qu’à faire douter de sa loyauté. Il meurt à Grenade en février ou en novembre 1093 : à sa sépulture, dans le cimetière de la porte d’Elvira, assistent tant les habitants de la capitale que l’élite de la société rurale des environs de Grenade12.
7Comme la majorité des grands juristes de son temps, Ibn Sahl est donc bien un juriste citadin, qui fait carrière dans des villes importantes, dont des capitales de royaumes de taifa, Tolède, Cordoue et Grenade ; comme quelques juristes13, Ibn Sahl est aussi lié au monde rural, par ses origines familiales et par les premiers pas de sa carrière : quelle place ce monde rural tient-il dans son œuvre ?
Un monde des champs si petit
8Dans ses Grands jugements (al-Aḥkām al-kubrā), rédigés pendant son séjour au Maghreb à partir de données puisées dans les Aḥkām du Cordouan Ibn Ziyād (m. 924-925) et dans les archives judiciaires de la Cordoue du XIe siècle, Ibn Sahl expose des affaires concernant surtout le monde des villes et Cordoue presque toujours : sur les 95 textes de l’édition préparée par Muḥammad ͨAbd al-Wahhāb Ḫallāf, 83 sont relatifs à des procès dans lesquels défendeur et défenseur sont des citadins14. Si la nature des sources utilisées par Ibn Sahl pour rédiger permet de comprendre aisément l’omniprésence de la ville dans son œuvre, la faible place occupée par le monde rural pose la question des relations entretenues entre la ville et ses campagnes, conçues comme étroitement dominées par le centre urbain : le juge chargé de rendre la justice dans le monde rural est, en effet, traditionnellement considéré comme œuvrant en relation avec le juge de la ville, dont il est le délégué, usage qui se perpétue tout au long de l’histoire d’al-Andalus. Pour l’époque nasride, Carmen Trillo San José note ainsi que
« las ciudades de cierta importancia tienen designado un juez encargado de resolver los conflictos de las alquerías de su distrito. Por tanto, no hay un cadí por alquería sino que la justicia llegaba al ámbito rural a través de la figura del juez delegado […] En la Alpujarra había sedes de cadiazgo en las principales alquerías de la región, existiendo luego un cadí para toda la Alpujarra. En 1493, era el mismo que el cadí mayor de Granada, Mahomad el Pequeñí, designado por los Reyes Católicos, si bien es posible que esto hubiera ocurrido ya en época nazarí15 ».
9Une affaire montre à quel point la domination qu’exerce la ville sur le monde rural au travers du système judiciaire est forte : le cadi de Cordoue Ibn Rušd (m. 1126) est interrogé à propos d’un district rural du Šarq al-Andalus comprenant quatorze villages qui se disputent autour de la mosquée où doit avoir lieu la prière en commun du vendredi16. Comme le note Pierre Guichard, « on […] constate […], non sans quelque surprise, la relative facilité avec laquelle ce litige affectant une modeste communauté rurale vient à la connaissance de la plus haute autorité morale et religieuse du pays17 ».
10Par quel effet de filtre le recueil d’Ibn Sahl contient-il une écrasante majorité d’affaires judiciaires survenues à Cordoue aux dépens de litiges relatifs aux campagnes environnantes, pourtant jugés par des délégués du cadi de la ville ? Ces derniers ne représentent en effet qu’un peu plus de 12 % du corpus ; ils figurent dans le recueil sous les titres suivants :
- šūrā sur un taureau volé auquel les héritiers du propriétaire, assassiné, ont droit18 ;
- plainte et šūrā à propos de faddān (champs) dont le propriétaire s’empare ; il envoie quelqu’un pour en inspecter les limites19 ;
- jardin acheté par un musulman à un dhimmi ; le fils du frère du vendeur prétend que le jardin lui avait été donné en habou avant d’être vendu au musulman20 ;
- champs donnés à une mosquée ; il est prétendu qu’ils appartiennent à la ğizya21 ;
- vice chez une jument poulinière22 ;
- vice chez une mule et divergence entre les témoignages23 ;
- vente d’un mulet chez lequel il apparaît des vices24 ;
- šūrā sur le cheval qui présente des vices et qui est vendu en l’absence du vendeur25 ;
- les pigeonniers et le tort que leur causent les abeilles26 ; question similaire27 ;
- question du sinistre subi par les jardins habous de Cordoue28 ;
- litige pour un chemin qui passe à travers une vigne ou à travers un terrain29.
11Au travers des données réunies à propos du litige relatif aux dégâts ayant affecté les campagnes cordouanes, Ibn Sahl peut contribuer à écrire l’histoire des catastrophes naturelles en al-Andalus : c’est ce texte qu’il nous faut désormais examiner.
Les calamités agricoles sous l’œil du juriste
La litanie des catastrophes
12Le sinistre subi par les jardins habous de Cordoue est une ğāͻiḥa, une calamité naturelle, un désastre, un cataclysme ; de ğawḥ, destruction, perte, le terme peut aussi désigner une épidémie. Dans la littérature juridique, il possède toutefois un signifié très précis, celui de calamité survenue dans le monde rural. Et, comme Inmaculada Camarero Castellano l’a bien montré, les juristes malékites l’utilisent dans deux acceptions : d’une part, le terme permet de désigner l’ensemble des calamités qui détruisent les récoltes. D’autre part, la ğāᵓiḥa signifie un état juridique, celui de récoltes atteintes par les dites calamités lorsque les fruits de la terre font l’objet d’un contrat et lorsque les destructions concernent au moins un tiers de la récolte. L’état juridique de ğāͻiḥa, de catastrophe naturelle juridiquement constatée, entraîne l’annulation totale ou partielle du contrat30. D’où la formule ašābat-hu al-ğāᵓiḥa fa-lā ğāᵓiḥa fī-hi, « la calamité les atteignit, mais il n’y a point de calamité dans leur cas31 ». Les juristes se sont donc attachés à déterminer les facteurs susceptibles d’entraîner une ğāᵓiḥa et leurs avis, concordant autour des causes naturelles des catastrophes, divergent à propos des calamités agricoles liées à des interventions humaines, le vol ou le passage de soldats.
13À Cordoue, c’est bel et bien d’un état juridique de ğāᵓiḥa dont il s’agit ; il touche des jardins (ğannāt), c’est-à-dire des terres servant aux cultures vivrières32, qui bordent la ville à l’est, à l’ouest et au sud. Ces terres ont été érigées en habous au profit de la grande-mosquée ; elles ont été cédées à des concessionnaires (mutaqabbil) qui versent des redevances fixes et les font cultiver par des métayers33. Les causes de cette catastrophe que subissent les terres cultivées entourant Cordoue en 407 H (juin 1016-mai 1017) sont, pour Ibn Sahl, les suivantes34 :
- la forte humidité de la terre au mois de mars (mārs), qui a entraîné le développement d’insectes nuisibles (al-ḫišāš ou al-ḫašāš35), de parasites ;
- l’absence d’irrigation en août (aġušt), due au passage continuel des troupes à l’est de Cordoue. Lorsque les soldats sont arrivés avec les mercenaires chrétiens, ils ont installé leur campement au-delà de l’Ajerquía, empêchant les paysans d’irriguer leurs cultures de la Rambla, cet espace situé au bord du fleuve, en amont de Cordoue, entre la ville et al-Madīna al-Zāhira. Évariste Lévi-Provençal avait placé cet épisode militaire sous le second règne de Sulaymān al-Mustacīn, entré à Cordoue en mai 1013 et qui y demeure jusqu’en juillet 101636. L’incapacité de cet Omeyyade, dont les Berbères ont fait leur chef, suscite des manœuvres pour le destituer : cAlī b. Ḥammüd, qui a des prétentions califales, se rend d’abord indépendant à Ceuta au début de l’année 1016, puis il occupe Málaga, avant de marcher sur Cordoue où il entre le 1er juillet 1016, faisant exécuter Sulaymān37. L’utilisation conjointe de deux computs pose un problème de datation de l’épisode : le texte évoque le mois de mars de l’année 407 H (juin 1016-mai 1017) et le mois d’août de la même année 407 ; par rapport aux suggestions de Lévi-Provençal, ne faudrait-il pas repousser l’affaire d’une année pour la situer en mars 1017 et août 1016 ? En choisissant de placer l’affaire au début du règne de cAlī b. Ḥammüd, les soldats qui campent à l’est de la ville sont les Berbères que ce dernier maintient cantonnés dans Cordoue après sa prise de pouvoir, Berbères dont les paysans craignent une attaque au point de ne pas arroser leurs cultures38.
- Dans les terres situées au nord et à l’ouest de la ville, des bandes de lapins (al-qunilya) se sont attaqué aux feuilles des plantes dans les cultures. Comme le note Camarero Castellano, al-qunilya est un terme dialectal andalusí, formé sur la racine latine cuniculus.
14La ğāᵓiḥa de 1016-1017 est donc liée autant à des phénomènes naturels, fortes pluies et invasion de lapins, qu’à des facteurs humains, présence de troupes maintenant les paysans à l’écart de leurs terres ; en effet, et comme l’écrit Robert Delort dans son avant-propos au colloque de Flaran consacré aux catastrophes naturelles dans l’Europe médiévale et moderne, « toutes les “catastrophes naturelles” impliquent donc à un niveau ou un autre le facteur humain, la dialectique nature-homme39 ». Parce que ces fléaux concernent les hommes qui les subissent ou les provoquent, « les catastrophes naturelles […] attirent notre attention sur leurs dégâts, leur impact sur la vie des hommes et des sociétés40 ».
Des calamités agricoles de 1016-1017 à leur transcription en termes juridiques
15L’affaire, dans ses réalités matérielles, est transcrite en termes juridiques et elle subit, pour intégrer le recueil de cas d’espèce d’Ibn Sahl, une véritable traduction, comme l’a mis en exergue David Powers41, suivi dans cette analyse par Élise Voguet42. Le passage de la langue parlée à la langue écrite peut laisser des traces, par des interférences de la langue vernaculaire, celle de la communication quotidienne, dans la langue arabe classique employée par le lettré, comme l’emploi des mois du calendrier solaire, celui de l’agriculture, ou l’utilisation de termes du dialecte andalusí. Cet effort de transcription du cas réel débouche la plupart du temps sur une sèche formulation de l’affaire en une question suivie des réponses des muftis, réponses aseptisées, émanant de juristes qui paraissent réagir en toute impartialité, demeurant étrangers à l’affaire et formulant simplement une opinion juridique sur un point de droit. Parfois, et c’est le cas de la ğāᵓiḥa de 1016, le juriste a transcrit non seulement le conflit entre un plaignant et un défendeur, mais aussi les luttes d’influence entre juristes : les visages impassibles des muftis s’animent, les partis se laissent découvrir, mais les calamités de 1016 s’estompent devant les querelles internes au système judiciaire cordouan.
16Ibn Sahl transcrit en trois temps l’affaire de la ğāᵓiḥa de 1016, l’exposé du cas, la consultation des muftis par le cadi et, enfin, l’opinion du juriste Ibn cAttāb qu’il expose avec force détails. Les faits sont les suivants : les concessionnaires des habous se présentent devant le cadi de Cordoue, Ibn al-Ṣaffār (janvier 1029-mai 1038), pour lui demander une réduction des redevances dues, arguant du fait que son prédécesseur dans cette charge, le cadi Ibn Bišr (juillet 1016-janvier 1029) avait accordé une telle réduction en 407 H (juin 1016-mai 1017), après avoir décrété l’état de ğāᵓiḥa pour les terres habous qu’ils administraient43. Ibn al-Ṣaffār consulte (šāwara) sur cette question les fuqahāᵓ : faut-il accorder la réduction de redevances aux concessionnaires en s’alignant sur la pratique d’Ibn Bišr ? Les membres du conseil du juge (mušāwarūn) ainsi consultés par le cadi répondent, pour la plupart, par la négative44 : le premier cité, Ḥasan b. Ayyūb al-Ḥaddād (m. 1043), rejette l’accord signé par Ibn Bišr et refuse la réduction demandée ; le deuxième, ͨAbd Allāh b. Yaḥyāb. Daḥḥün (m. 1040) lui emboîte le pas et suggère au cadi qu’il demande l’impôt tel qu’il est fixé ; le troisième, Abū l-Walīd al-Layṯ b. Ḥarıš (m. 1037) répond de manière plus évasive, condamnant cependant les actes fournis par les concessionnaires ; le quatrième, ͨAbd Allāh b. Saī cd b. al-Šaqqāq (m. 1035) se prononce contre le dégrèvement demandé ; Ḥusayn b. Sulaymān al-Masīlī (m. 1039), enfin, donne une fatwa moins catégorique, dans laquelle il rappelle qu’un ouléma ne peut abolir la sentence d’un cadi et, partant, il ne condamne pas l’attitude d’Ibn Bišr. Après être revenu sur la succession au poste de cadi entre Ibn Bišr et Ibn al-Ṣaffār, ainsi que sur les différences entre l’affaire en cours et celle de 1016, Ibn Sahl reproduit une partie de la longue réponse que donna sur la question Ibn cAttāb (m. 1069), à partir de la lecture de l’opinion du cadi Ibn Bišr45 : Ibn cAttāb ne tarit pas d’éloges sur la décision prise par Ibn Bišr d’accorder une réduction des redevances, décision qui s’appuie sur les fondateurs du malékisme.
17Que traduisent des réponses si différentes ? Des divergences d’opinions entre mušāwarün, cela va de soi : outre la controverse autour de la ğāᵓiḥa et les collusions qu’elle permet entre concessionnaires et cadi, le juge étant accusé de rechercher l’amitié des concessionnaires au travers du dégrèvement, l’autre point discuté est celui du lien entre coutume (fiurf) et jurisprudence. Ces réponses, et surtout la manière dont Ibn Sahl choisit de les retranscrire, sont révélatrices des conflits personnels et des luttes d’influence dans le monde de la justice cordouane de la fin des années 1020, conflits qui ne font que suivre les aléas d’une vie politique particulièrement troublée. L’histoire des cadis de Cordoue pendant la première moitié du XIe siècle est bien connue, Ma Jesús Viguera ayant analysé les sources textuelles relatives à la figure maîtresse du système judiciaire46 ; elle permet de comprendre à quel point le procès autour de la ğāᵓiḥa se place dans une période de turbulences. Lorsque l’Omeyyade Sulaymān al-Mustacīn, dont les Berbères ont fait leur chef, règne pour la seconde fois, entre mai 1013 et juillet 1016, il veut nommer cadi son ami Aḥmad b. Dakwān, cadi d’al-Manṣūr, destitué en 1010 ; celui-ci refuse le poste, mais reste jusqu’à sa mort, en 1022, la figure clé de la justice cordouane. Al-Mustacīn laisse la charge de cadi officiellement vacante et en fait exercer les fonctions par un chef zénète, Muḥammad b. Ḫazar, et un notable cordouan, Yünus b. al-Ṣaffār. Lorsque cAlı b. Ḥammūd entre dans Cordoue le 1er juillet 1016, il se fait proclamer calife, fait assassiner Sulaymān et nomme un cadi, Ibn Bišr ; celui-ci conserve son poste tant que règnent les Hammoudides47. Mais en janvier 1029, le nouveau et dernier calife omeyyade de Cordoue, Hišām III (1027-1031), destitue Ibn Bišr au profit d’Ibn al-Ṣaffār qui conserve sa place jusqu’à sa mort, en 1038, soit bien au-delà de la fin du califat48. La requête présentée par les concessionnaires des habous entre 1029, année de la nomination d’Ibn al-Ṣaffār, et 1035, année de la mort de l’un des mušāwarūn consultés, requête fondée sur une concession accordée par Ibn Bišr en 1016-1017, ne peut échapper aux conflits personnels, à la rivalité entre les deux cadis.
18Mais Ibn Sahl ne s’est pas contenté d’attester d’une rivalité à la tête du système judiciaire cordouan ; il a également transcrit les querelles internes à la šūrā : Ibn cAttāb, à l’avis duquel il accorde tant de place dans sa présentation du cas d’espèce de la ğāᵓiḥa, a été son maître. Né en 994, cet éminent juriste est une personnalité remarquable de la justice cordouane49 : considéré comme le plus grand mufti de son temps, il refuse tous les postes de cadi que lui proposent les rois des taifas de Cordoue, de Tolède, de Séville, de Badajoz, d’Almería, de Saragosse, signe de l’immense prestige dont il jouit en al-Andalus ; il est nommé mušāwar dès 414 H (1023-1024 AD) par le cadi Ibn Bišr et ne tarde pas à devenir le membre le plus influent de la šūrā. La prise de position d’Ibn cAttāb, qui prend vigoureusement fait et cause pour le juge qui l’a fait entrer dans le conseil du cadi, prend un autre relief. De même, le parti pris d’Ibn Sahl, si favorable dans sa transcription juridique de l’affaire à l’avis formulé par Ibn cAttāb, auquel il accorde une si grande importance, s’explique aisément ; l’importance est quantitative, la réponse d’Ibn cAttāb occupant presque les deux tiers de son texte, mais elle est aussi qualitative : Ibn Sahl ne place que dans l’argumentation développée par son maître au travers de l’opinion d’Ibn Bišr des références aux textes fondateurs du malékisme, le Muwaṭṭaͻ de Mālik et, fondamental pour l’Occident musulman, la Mudawwana de Saḥnūn (m. 854), que celui-ci rédige sous la direction d’Ibn al-Qāsim (m. 80650). Les réponses des autres muftis, consignées par Ibn Sahl, sont dépourvues de références aux fondateurs du malékisme et elles paraissent ainsi fort médiocres puisque ces juristes se contentent de donner leur avis personnel sur les actes fournis par les concessionnaires. À l’époque du procès, Ibn fiAttāb est pourtant bien jeune par rapport aux autres membres de la šūra, qui appartiennent à la génération précédente, et il n’est peut-être membre du conseil du juge que depuis cinq années. Par ailleurs, Ibn Sahl n’hésite pas à signaler que la destitution d’Ibn Bišr vient de l’attitude des oulémas, qui sont envieux de sa prééminence51. La manière dont Ibn Sahl a choisi de rendre compte de l’affaire de la ğāᵓiḥa atteste bien de relations parfois difficiles entre le cadi et ses mušāwarūn ; Manuela Marín avait signalé ces tensions, montrant, pour le siècle de ͨAbd al-Raḥmān III, que « l’existence de conseillers limitait la liberté d’action du juge, surtout s’il s’agissait […] de fuqahāᵓ d’un grand prestige52 ». Le juge est parfois contraint par la pression qu’exercent sur lui certains oulémas à destituer quelques-uns de ses conseillers au profit d’autres fuqahāᵓ, de telle sorte qu’« on peut deviner parfois une certaine dépréciation du rôle du qâ∂î, qui est obligé de suivre, malgré lui, l’avis de ses consultants53 ». Dans le cadre de l’affaire qui retient notre attention, nous ignorons à quel point l’avis d’Ibn cAttāb, prééminent dans le discours d’Ibn Sahl, a pesé sur la décision du juge ; la transcription de l’affaire en termes juridiques, si elle a sans doute contribué à déformer le poids de certains muftis, a bel et bien traduit des tensions entre mušāwarūn, et entre ceux-ci et le cadi.
Les impacts des calamités agricoles
L’impact fiscal : la réduction des redevances
19L’analyse de la ğāᵓiḥa en termes juridiques a été récemment menée par Camarero Castellano à partir de la Mudawwana, puis par Camarero Castellano et Arcas Campoy à partir d’une autre œuvre du malékisme, le Kitāb muntaḫab al-aḥkām d’Ibn Abı Zamanīn (m. 1008)54. Ces études ont mis en valeur la distinction opérée entre les différentes récoltes attendues, celles des arbres fruitiers qui sont obtenues au fur et à mesure que les fruits viennent à maturité n’étant pas considérées de la même manière que les récoltes obtenues en une seule fois, comme les céréales : les récoltes pour lesquelles une perte d’un tiers de la récolte est prise en compte sont les fruits qui se récoltent au fur et à mesure qu’ils viennent à maturité, comme les pommes ou les pêches, les fruits secs et les fruits qui se récoltent en une seule fois, comme l’orge verte ou les olives ; les récoltes pour lesquelles l’état de ğāᵓiḥa est systématiquement déclaré, quelle que soit la quantité perdue, sont celles des cultures maraîchères ; enfin, les récoltes qui ne peuvent bénéficier du statut de ğāᵓiḥa, quelles que soient les calamités qui les affectent, sont les céréales et les légumineuses, ainsi que les raisins, les dattes et les figues qui ont séché sur la plante55.
20Ces études ont également dressé la liste des calamités qui, pour la jurisprudence malékite permettent de décréter l’état juridique de ğāᵓiḥa ; pour les récoltes ayant fait l’objet d’un contrat, il s’agit de la sécheresse, du manque d’eau, qu’il s’agisse de l’eau de pluie ou de l’eau provenant de sources ou de rivières, d’un excès d’eau, eau de pluie (maṭar, ġayṯ) et inondation (ġarīq), de la grêle, du vent, des larves (dūd), de la pourriture des fruits sur l’arbre, des oiseaux, des sauterelles, du feu, du passage de l’armée (ğayš) et du vol56. Dans la requête acceptée par Ibn Bišr, la seule calamité qui répond à la nomenclature égrenée dans la Mudawwana est le passage de l’armée, puisqu’il n’est pas question de pluies abondantes, mais seulement d’un très fort taux d’humidité de la terre ayant entraîné le développement de parasites57.
21Les analyses en termes juridiques de la ğāᵓiḥa ont, enfin, évoqué l’aspect financier de l’état de calamité agricole : pour Saḥnūn, « si la calamité touche le tiers des récoltes, on devra indemniser [celui qui a pris le bail] en lui rendant le tiers du prix58 ». La partie des récoltes touchée par la calamité de 1016-1017 n’est pas mentionnée dans le texte d’Ibn Sahl. Le juriste se borne à indiquer le dégrèvement accordé aux concessionnaires des habous : pour les terres situées à l’est de Cordoue, le taux est d’un tiers ; pour les terres situées à l’ouest et au sud, il est d’un quart59.
Et les Cordouanes et les Cordouans ?
22Les femmes et les hommes sont, bien entendu, cruellement absents de cette affaire de calamité agricole, qui s’attache d’ailleurs avant tout à rappeler les mérites du cadi Ibn Bišr, la perfection de son jugement, le caractère licite du dégrèvement accordé. Il est toutefois légitime de supposer qu’une telle calamité a entraîné une disette ; Ibn Sahl en conserve d’ailleurs le souvenir, au travers des paroles d’Ibn Bišr, lues et commentées par Ibn fiAttāb devant « nos compagnons (ašḥābi-nā) dans l’entrée (usṭuwān) de sa maison60 ». Il note ainsi que la catastrophe a eu pour conséquence, outre la détérioration des cultures déjà évoquée, la chute des prix, la difficulté à vendre à un point tel que les paysans laissent la récolte pourrir sur place ; Ibn Sahl consigne en fin de compte l’ensemble des composantes d’une crise frumentaire au mécanisme classique bien connu.
23La crise frumentaire de l’ère préindustrielle a été décrite à partir de la famine la mieux documentée, celle qui touche l’Europe du nord-ouest dans les années 1314-1317. Pour reprendre les propos anciens, mais qui conservent toute leur valeur, d’Édouard Perroy autour de cette catastrophe, « une crise frumentaire, au mécanisme classique, s’annonce dès 1314 par des récoltes déficitaires suivies d’une hausse du blé, surtout dans les premiers mois de 1315, quand la soudure s’annonce difficile61 » ; des pluies continuelles du printemps à l’automne gênent les semailles de printemps et font pourrir les récoltes, empêchent les labours d’automne et prolongent la disette jusqu’en 1316-1317. « La disette enfanta des épidémies, graves surtout dans les pays surpeuplés dont l’alimentation dépendait des importations ». Le cycle soudure difficile – hausse des prix ayant pour corollaire la disette est le premier aspect de la calamité agricole qu’évoque Ibn Sahl, à propos du dégrèvement accordé par Ibn Bišr lors de la calamité de 407 H ; Cordoue, même si elle est en perte de vitesse depuis la Révolution de 1009, reste une grande ville, dont l’approvisionnement en grains, par exemple, vient de la région de Jaén62. Pour peu que s’annonce ensuite une bonne récolte, les prix chutent brutalement : la fragilité du système agricole fait que la moindre surproduction, même relative, fait écrouler les prix. Selon Perroy, « quand l’abondance des subsistances fut revenue, après la récolte de 1317 ou quelques années plus tard, les prix agraires s’effondrèrent très en dessous des niveaux atteints avant la disette63 ». C’est ce second aspect de la crise frumentaire, la chute des prix, que note Ibn Sahl, lorsqu’il reproduit le commentaire d’Ibn cAttāb sur les paroles de son maître Ibn Bisr.
24Ibn Sahl, compilant dans son recueil de cas d’espèce l’affaire de la calamité agricole survenue à Cordoue en 407 H (1016-1017), apporte d’intéressantes données sur une situation particulière de ğāᵓiḥa : si les informations relatives aux causes de la catastrophe et aux solutions apportées par le système judiciaire, un dégrèvement des redevances dues, ne font que conforter les données apportées par d’autres sources malékites et constituent les apports classiques d’une source juridique, en revanche, la transcription de l’affaire par Ibn Sahl est particulièrement intéressante pour l’histoire sociale et pour l’histoire économique. Elle permet d’entrer dans les réalités vivantes de la šūrā, dans les querelles et luttes d’influence auxquelles se livrent les juristes ; elle permet aussi d’appréhender les conséquences démographiques et sociales d’une calamité agricole, Ibn Sahl ayant fait œuvre d’économiste sans le savoir, notant les ingrédients de la crise frumentaire classique des sociétés de l’âge préindustriel, mauvaise récolte entraînant cherté du grain, puis hausse des prix liée à une surproduction relative.
25La littérature juridique, et en particulier les recueils de cas d’espèce, peut donc contribuer à écrire une histoire des catastrophes naturelles ; elle atteste la conscience très vive que les juristes avaient des difficultés provoquées par la nature, aléas climatiques, pullulement d’animaux, difficultés autour desquelles fut très tôt élaborée une savante et complexe jurisprudence. Parfois, et par chance, certaines sources ont conservé la mémoire des réalités matérielles précises de la calamité naturelle, comme celle qui affecta Cordoue en 407 H.
Notes de bas de page
1 Lagardère V., Histoire et société en Occident musulman au Moyen Âge, Analyse du Micyār d’al-Wanšarīsī, Madrid, 1995, p. 129.
2 Ibid., p. 130.
3 Ibid., p. 174-175.
4 Sur cette question de la représentativité, cf. García Sanjuán A., Hasta que Dios herede la tierra. Los bienes habices en Al-Andalus (siglos X-XV), Sevilla-Huelva, 2002, p. 65-70.
5 La carrière de ce juriste est exposée dans El Azemmouri T., « Les nawāzil d’Ibn Sahl. Section relative à l’ištisāb », Hespéris-Tamuda, 14, 1973, p. 7-107 (en particulier p. 9-17) ; Ibn Sahl, Waṯāͻiq fī aškām al-qaḍͻ al-qaḍāͻ al-ğināͻī fī l-Andalus, éd. ḪAllāf M. cA.-W., Le Caire, 1980, p. 10-11 ; Daga Portillo R., Organización jurídica y social en la España musulmana, Traducción y estudio de al-Aškām al-kubrà de Ibn Sahl, thèse de doctorat dirigée par Emilio Molina López, Université de Grenade (19 microfiches), 1990, II, p. 1-54 ; Müller C., Gerichtspraxis im Stadtstaat Córdoba, Zum Recht der Gesellschaft in einer malikitisch-islamischen Rechtstradition des 5./11. Jahrhunderts, Leyde-Boston-Cologne, 1999, pp. 1-18 ; Aguirre Sádaba F. J., « [1056] Ibn Sahl al-Asadı, Abū l-Aṣbaġ », dans Lirola Delgado J. (dir.), Biblioteca de al-Andalus, 5, Almería, 2007, p. 94-104.
6 Vallvé Bermejo J., « La división territorial en la España musulmana. La cora de Jaén », Al-Andalus, 34, 1969, p. 55-82 (en particulier p. 71-72) ; Castillo Armenteros J. C., La campiña de Jaén en época emiral (s. VIII-X), Jaén, 1998, p. 206 ; Salvatierra Cuenca V., La crisis del emirato omeya en el Alto Guadalquivir : precisiones sobre la geografía de la rebelión muladí, Jaén, 2001, p. 89-91.
7 Guichard P., Structures sociales « orientales » et « occidentales » dans l’Espagne musulmane, Paris-La Haye, 1977, p. 139 et 230-231.
8 Aguirre Sádaba, « Ibn Sahl al-Asadī… », op. cit., p. 95.
9 Depuis Baeza, Ibn Sahl écrit aux juristes de Cordoue en employant la tournure « j’écrivis avant (qabla) l’année 444 (3 mai 1052-22 avril 1053) » : Ibn Sahl, Waṯāͻiq fī šuͻšisba fī l-Andalus, éd. Hallāf M. cA.-W., Le Caire, 1985, p. 194. Müller C., Gerichtspraxis…, op. cit., p. 3, y voit un tournant majeur dans sa carrière.
10 Aguirre Sádaba, « Ibn Sahl al-Asadī… », op. cit., p. 96-97.
11 Sur les liens entre l’administration de la justice et le pouvoir politique, voir El Hour R., La administración judicial almorávide en al-Andalus : élites, negociaciones y enfrentamientos, Helsinki, 2006.
12 Aguirre Sádaba, « Ibn Sahl al-Asadī… » op. cit., p. 98.
13 Les Banū Ḥušayb (IXe-Xe siècle), propriétaires terriens originaires du Fašṣ al-Ballūṭ : voir Molina E., « Familias andalusíes : los datos del Tārīj culamāͻ al-Andalus de Ibn al-Faradī° », Estudios onomástico-biográficos de al-Andalus, II, Madrid, 1989, p. 19-99. Ou Abū Isšāq b. al-Šāğğ (m. 1219), né dans la bourgade rurale de Velefique : voir Puente C. de la, « La familia de Abū Isšāq b. al-Šāyy de Velefique », dans Marín M. et Zanón J. (éd.), Estudios onomástico-biográficos de al-Andalus, V, Madrid, 1990, p. 309-347. Ou encore al-Maġīlī (m. 1478), juriste du Maghreb central : voir Voguet É., « De la déposition orale au cas d’espèce, reconstitution d’une pratique de la traduction à travers les Nawāzil Māzūna (XVe siècle) », dans Sénac P. (éd.), Le Maghreb, al-Andalus et la Méditerranée occidentale (VIIIe-XIIIe siècle), Toulouse, 2007, p. 317-326.
14 L’édition de Mušammad cAbd al-Wahhāb Ḫallāf, partielle et en volumes thématiques publiés entre 1980 et 1984, est la seule aisément accessible aux chercheurs occidentaux ; outre des éditions réalisées dans le cadre de thèses de doctorat et restées inédites, il existe deux éditions complètes de l’œuvre, publiées à Riyad : voir Aguirre Sádaba, « Ibn Sahl al-Asadī… », op. cit., p. 99-100.
15 Trillo San José C., « La ciudad y su territorio en el reino de Granada (s. XIII-XVI) », dans Arízaga Bolumburu B. et Solórzano Telechea J. Á. (éd.), La ciudad medieval y su influencia territorial, Nájera, Encuentros internacionales del Medievo 2006, Logroño, 2007, p. 307-342 (en particulier p. 322).
16 Lagardère V., « La haute judicature en al-Andalus », Al-Qantara, 1986, 7, p. 135-229.
17 Guichard P., « La production juridique et les sources jurisprudentielles dans l’Occident musulman », dans Carozzi C. et Taviani-carozzi H. (éd.), Le médiéviste devant ses sources, Aix-en-Provence, 2004, p. 51-61 (en particulier p. 57).
18 Affaire de l’été 1072 : Ibn Sahl, Waṯ āᵓiq fī aḥkām al-qaḍāᵓ al-ğināᵓı…, éd. Ḫallāf, op. cit., p. 77-88.
19 Affaire du Xe siècle : Ibn Sahl, Waṯ āᵓiq fī aḥkām qaḍāᵓ ahl al-ḏimma fī l-Andalus, éd. Ḫallāf M. cA.-W., Le Caire, 1980, p. 56-57.
20 Affaire du XIe siècle : ibid., p. 65-69.
21 Affaire du Xe siècle : ibid., p. 80-81.
22 Affaire du Xe siècle : Ibn Sahl, Waṯ āᵓiq fī l-ibb al-islāmī wa-wazīfati-hi fī muāḍāwanat al-qaḍāᵓ fī l-Andalus, éd. Ḫallāf M. cA-W., Le Caire, 1982, p. 81.
23 Affaire de 1064 : ibid., p. 82-83.
24 Affaire du Xe siècle : ibid., p. 84-85.
25 Affaire de 1064 : ibid., p. 86-95. Ces quatre derniers textes ont été examinés dans Guintard C. et Mazzoli-guintard C., « Les vices des équidés sous le regard de l’expert-vétérinaire en al-Andalus : un aperçu chez Ibn Sahl (1022-1093) », Anthropozoologica, 32, 2000, p. 11-22.
26 Affaire du Xe siècle : Ibn Sahl, Waṯāᵓiq fī šuᵓūn al-cumrān fī l-Andalus : al-masāğid wa-l-dūr, éd. Ḫallāf M. cA.-W., Le Caire, 1983, p. 133-134.
27 Affaire du Xe siècle : ibid., p. 134-137. Ces deux affaires ont été analysées dans Guintard C. et Mazzoli-guintard C., « “N’installe point de ruche auprès d’un pigeonnier !” (Cordoue, Xe siècle) : un conseil zootechnique de bon sens pour des techniques d’élevage aux intérêts contradictoires ? », dans Guintard C. et Mazzoli-guintard C. (dir.), Élevage d’hier, élevage d’aujourd’hui, Mélanges d’ethnozootechnie offerts à Bernard Denis, Rennes, 2004, p. 65-87.
28 Affaire du XIe siècle : Ibn Sahl, Waṯāᵓiq fī Šuᵓün al-ḥisba…, éd. Ḫallāf, op. cit., p. 62-95. Sur ce texte, voir le commentaire de Ḫallāf dans ce même ouvrage, p. 34-35 ; Daga Portillo, Organización jurídica…, op. cit., I, p. 428-472 ; Müller, Gerichtspraxis…, op. cit., p. 393-400.
29 Affaire du XIe siècle : Ibn Sahl, Waṯāᵓiq fī šuᵓün al-ḥisba…, éd. Ḫallāf, op. cit., p. 184-191. Elle est analysée dans Mazzoli-Guintard C., « Reflets de terroirs andalous dans la littérature juridique : terres cultivées, terres en friche dans la vallée du Guadalquivir au XIe siècle », dans García Sánchez E. et áLvarez de Morales C. (éd.), Ciencias de la naturaleza en al-Andalus, Textos y estudios, VIII, Grenade, 2008, p. 289-306.
30 Camarero Castellano I., « Acerca de las calamidades agrícolas : el concepto de la ŷāᵓiḥŷa en los tratados jurídicos malikíes en al-Andalus », Miscelánea de Estudios Árabes y Hebraicos, 52, 2003, p. 63-78.
31 Formule de la Mudawwana, signalée comme particulièrement significative par I. Camarero Castellano, « Kitāb al-ŷawāᵓiḥ. Un capítulo de la Mudawwana sobre las calamidades agrícolas », Boletín de la Asociación Española de Orientalistas, XXXVII, 2001, p. 35-46 (en particulier p. 37).
32 Miquel A., La géographie humaine du monde musulman jusqu’au milieu du XIe siècle, III, Le milieu naturel, 2e éd., Paris, 2002, p. 408-413.
33 Lévi-provençal É., Histoire de l’Espagne musulmane, III, Paris, 1953, p. 269-270.
34 Ibn Sahl, Waṯ āᵓiq fī šuᵓūn al-ḥisba…, éd. Ḫallāf, op. cit., p. 63.
35 F. Corriente, Diccionario árabe-español, traduit ḫišāš par « insecto, bicho, pájaro ». Ḫallāf y voit des insectes vivant dans le sol : Ibn Sahl, Waṯāᵓiq fī šuᵓün al-ḥisba…, éd. Ḫallāf, op. cit., p. 63, n. 108. Le terme est absent de l’étude d’I. Camarero Castellano, « Acerca de las calamidades agrícolas… », op. cit., qui utilise pourtant le recueil d’Ibn Sahl pour dresser la liste des calamités provoquées par des animaux. Derrière ce terme, qui désigne tout petit animal nuisible, la vermine en général, on peut deviner la présence de vers, au stade larvaire étant donné la période de l’année, ou bien, comme le suggère François Clément que je remercie ici de son attentive lecture, d’une attaque fongique.
36 Lévi-Provençal, Histoire…, III, op. cit., p. 269-270, place l’épisode en août 1015. Pour lui, l’affaire est présentée devant Ibn Bišr peu après sa nomination, en juillet 1016 ; le mois de mars est celui de l’année 1016 et le mois d’août renvoie à l’année antérieure.
37 Viguera Molins Ma J., Los reinos de taifas y las invasiones magrebíes, Madrid, 1992, p. 36.
38 Lévi-Provençal É., Histoire de l’Espagne musulmane, II, Paris-Leyde, 1950, p. 327 : pour se concilier les Cordouans, cAlı s’en prend aux miliciens berbères qui restent casernés dans la ville.
39 Delort R., « Avant-propos », dans Bennasssar B. (éd.), Les catastrophes naturelles dans l’Europe médiévale et moderne, Actes des XVes Journées Internationales d’Histoire de l’Abbaye de Flaran (10-12 septembre 1993), Toulouse, 1996, p. 8.
40 Ibid., p. 24.
41 Powers D. S., Law, Society and Culture in the Maghrib, 1300-1500, Cambridge, 2002, p. 31.
42 Voguet, « De la déposition orale… », op. cit.
43 Ibn Sahl, Waṯāᵓiq fī šuᵓūn al-ḥisba…, éd. Ḫallāf, op. cit., p. 62-67.
44 Ibid., p. 67-76.
45 Ibid., p. 76-95.
46 Viguera Ma J., « Los jueces de Córdoba en la primera mitad del siglo XI (análisis de datos) », Al-Qanṭara, V, 1984, p. 123-145.
47 Après maints soubresauts, ils sont définitivement écartés du pouvoir à Cordoue en 1026 : Viguera Molins, Los reinos de taifas…, op. cit., p. 37.
48 Ibid., p. 126-127. Hišām est proclamé en juin 1027 à Alpuente, où il demeure, attendant que sa position à Cordoue soit assurée : ibid., p. 39.
49 Voir la belle notice que lui consacre F. Vidal Castro, « [269] Ibn cAttāb, Abū ͨAbd Allāh », dans Lirola Delgado J. et Puerta Vilchez J. M. (dir.), Enciclopedia de al-Andalus, Diccionario de autores y obras andalusíes, I, A-Ibn B, Grenade, 2002, p. 518-520.
50 Une synthèse efficace sur le sanad andalou se trouve dans Cottart N., « Mālikiyya », Encyclopédie de l’Islam, VI, p. 263-268.
51 Ibn Sahl, Waṯ āᵓiq fī šuᵓūn al šisba…, éd. Ḫallāf, op. cit., p. 76.
52 Marin M., « Šūrā et ahl al-sūrā dans al-Andalus », Studia Islamica, 62, 1985, p. 25-51 (en particulier p. 46).
53 Ibid., p. 48-49.
54 Camarero Castellano, « Kitāb al-ŷawāᵓiḥ… », op. cit. ; Id. et Arcas Campoy M., « Un capítulo del Muntaƒab al-aškām de Ibn Abī Zamanīn sobre las calamidades agrícolas (ğawāᵓīḥ). Edición y traducción (ms. n ° 1730/D de la Biblioteca general de Rabat) », dans Thomas de Antonio C. Ma et Gimenez Reillo A. (éd.), El Saber en al-Andalus, Textos y Estudios, IV, Sevilla, 2006, p. 43-58.
55 Camarero Castellano I., « Kitāb al-ŷawāᵓiḥ… », op. cit., p. 38-43.
56 Ibid., p. 37-38. La liste est similaire dans l’œuvre d’Ibn Abī Zamanīn, qui se base sur Saḥnūn (Camarero Castellano et Arcas Campoy, « Un capítulo… », op. cit., p. 57-58).
57 Ibn Sahl, Waṯ āᵓiq fī šuᵓūn al ḥisba…, éd. ḫallāf, op. cit., p. 63.
58 Camarero Castellano et Arcas Campoy, « Un capítulo… », op. cit., p. 57.
59 Ibn Sahl, Waṯ āᵓiq fı šuᵓūn al ḥisba…, éd. Ḫallāf, op. cit., p. 64.
60 Ibid., p. 79.
61 Perroy É., « À l’origine d’une économie contractée : les crises du XIVe siècle », Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, IV, 1949, p. 167-182, repris dans Id., Études d’histoire médiévale, Paris, 1979, p. 395-410 (en particulier p. 399).
62 Mazzoli-Guintard C., Villes d’al-Andalus, Rennes, 1996, p. 229, sur la foi d’un témoignage d’al-Muqaddası.
63 Perroy É., Études…, op. cit., p. 400.
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