Chapitre III. Les conflits et la mobilisation du réseau castral (970-première moitié du xiie siècle)
p. 93-133
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Index géographique : France
Texte intégral
1Les historiens médiévistes s’entendent généralement pour lier le phénomène castral du xie siècle au pouvoir comtal ou princier, qu’ils le considèrent destructuré ou non. À cet égard, deux analyses régionales, divergentes dans leur conclusion, sont particulièrement intéressantes à comparer. Elles reposent sur des territoires voisins, le Charentais et l’Anjou, et ont toutes deux examiné, avec une attention particulière, les enjeux gravitant autour des forteresses. Dans la première région, A. Debord1 étudie le fait castral en croisant l’archéologie à l’étude des sources écrites. L’analyse mutationniste sert de toile de fond à sa problématique. Ainsi, les châteaux charentais se seraient multipliés au profit des nouveaux seigneurs châtelains dans le but d’accaparer un pouvoir d’une nature nouvelle. Cette évolution serait liée à l’effondrement des institutions carolingiennes à la fin du xe siècle. Elle aurait été particulièrement précoce et radicale en l’absence d’un prince territorial qui aurait pu se substituer aux autorités publiques défaillantes. Son analyse des châteaux est appliquée à tous les sites à motte, même si la majorité d’entre eux ne sont pas mentionnés dans les textes. L’apparente similitude morphologique de ces deux types de demeures sert de justification à sa démarche. Dans le cadre angevin, l’apparition des places fortes correspondrait, d’après l’étude juridique et politique d’O. Guillot2 des sources écrites, à l’instauration de la principauté territoriale, siège d’un pouvoir tenu par le comte et fondé « non plus sur une délégation théorique du pouvoir par le roi, mais sur un commandement de fait accepté par ceux que l’on commence à appeler les hommes de pœsté ». Tant que cette entité s’inscrit dans le jeu des pouvoirs au sein du royaume, voire de l’Empire, le comte tiendrait fermement les châteaux de sa principauté servant d’instruments à sa puissance. Après les années 1060, sa sphère politique se rétracte de plus en plus sur l’Anjou. La perte de l’emprise de ses « États » et l’apparition des seigneuries châtelaines indépendantes dateraient de cette période. Dans ce schéma d’analyse, la multitude des sites à motte n’est pas prise en considération. Abordant le problème castral par le biais, entre autres, des coutumes, de la justice, mais aussi de la parenté noble et de la vassalité, D. Barthélemy3 suggère une troisième voie d’analyse. Elle conduit l’auteur à récuser l’expression de seigneurie châtelaine indépendante, s’émancipant ainsi de la problématique mutationniste, pour lui préférer celle d’ordre féodal dans la mesure où la société serait structurée par une certaine hiérarchie basée sur des réseaux d’alliances gravitant, notamment, autour des châteaux. Cependant, il mobilise paradoxalement la référence au caractère castral de tous les sites à motte, reprenant implicitement l’une des grilles de lecture essentielle de la thèse d’A. Debord.
2Les analyses des châteaux du xie siècle, varient donc tant sur la méthode que dans les conclusions. Nous essaierons ici de réconcilier approches archéologique et historique à partir de l’étude du rôle des places fortes du Rennais. Cependant, l’évolution des fidélités des hommes ayant en charge ces forteresses apparaissent aussi primordiales à la compréhension des restructurations du paysage castral. Elles sont également dépendantes des rapports de force qu’entretient le comte de Rennes4 avec les principautés voisines. Les conflits peuvent se regrouper en trois séquences : l’opposition du Rennais au Nantais entre 970 et 1030, la rupture entre Conan II et son oncle Eudes de 1047 à 1057, et la politique hégémonique de la Normandie sur la Bretagne des années 1010 à 1076. Quelques autres tensions opposant le comte et ses vassaux sont examinées, notamment celles concernant les descendants de la parenté vicomtale d’Alet au xie siècle, ainsi que la présumée velléité d’indépendance d’un sire de Vitré dans la première moitié du xiie siècle. Le degré de fidélité des seigneurs châtelains à leur comte sera ainsi étudié, avant la venue des Plantagenêt5.
La mobilisation des châteaux dans la lutte opposant les maisons de Rennes et de Nantes (cf. carte 2 p.132)
3Le conflit opposant les comtes de Rennes et de Nantes doit être compris dans le cadre des vastes alliances mobilisant les grands de la Francia. Il remonte à la fin du ixe siècle, époque où la Bretagne est divisée en deux pôles. L’un, méridional, est soutenu par les Carolingiens ; l’autre, septentrional, penche côté robertien. Cette scission est toujours de mise dans la péninsule armoricaine des années 970 à ceci près que les suzerainetés ont changé depuis les années 950 : les comtes de Blois ont remplacé les Robertiens et l’Anjou marque son empreinte sur le Nantais. Ces luttes, ponctuées par des renversements d’alliances, profitent tantôt à un clan, tantôt à un autre. Le compromis passé entre les Angevins et les Blésois permet à Conan Ier d’imposer sa suprématie sur toute la Bretagne. Ce fragile équilibre est rompu avant 978. L’appui de l’Anjou au comte de Nantes Hoël, puis à son frère Guérec, ravive la lutte contre le Rennais6. Après la bataille de Conquereuil de 992 dont le résultat est mitigé, une recomposition des alliances unissant momentanément Eudes de Blois, Richard Ier de Normandie et Guillaume IV de Poitou contre Foulques d’Anjou et Hugues Capet7, favorise le comte de Rennes, Geoffroy Ier. Ce dernier place ses hommes dans le Nantais, notamment Hervé, ancien abbé de Redon, puis Gautier, à la tête de l’évêché de Nantes8. Cependant, fort de l’appui de l’Anjou, profitant de la minorité d’Alain III et de la guerre entre Eudes de Blois et Richard II de Normandie9, le comte de Nantes, Budic, s’oppose une dernière fois à Gautier, évêque de sa cité, et à la maison de Rennes. Mais, l’ambition de l’Angevin Foulques Nerra10 cristallise une forte opposition en 1027 composée du Nantais, Poitou, Maine et Blésois, si bien que Budic dut finalement se soumettre à la domination d’Alain III, au plus tard en 1030. Des châteaux furent construits ou mobilisés entre 970 et 1030 lors de ces affrontements entre principautés. À un niveau local, peut-être six places fortes, dont deux intégrées au comté de Rennes vers 1050, sont en lien direct avec ces luttes : Châteaubriant, Martigné, Marcillé [-Robert], Châteaugiron, Rennes et Vitré.
Châteaubriant
4Un procès de 1063 permet de retracer une partie de l’histoire de la seigneurie châtelaine de Châteaubriant au début du xie siècle. Brient Ier et Innoguent sa mère, souhaitant élever à Béré un petit monastère, firent appel à l’abbaye de Redon. Mais n’obtenant pas les résultats escomptés, ils s’adressèrent à Jean, abbé de Saint-Melaine de Rennes. Ce dernier se consacra durant deux années à la restauration de Béré mais finit par conseiller à Brient de remettre le lieu à l’abbaye de Marmoutier qui vint finalement à bout de la tâche11. C’est alors que, solennellement, entre 1028 et 1044, Brient et Innoguent firent rédiger une charte de donation en faveur de Marmoutier afin que lui-même, sa mère, ses fils, ainsi que son épouse, Aldelande, puissent bénéficier des faveurs divines12. Cette histoire, narrée dans quelques écrits de procès et chartes, a éveillé la sagacité de trois historiens qui ont largement éclairci l’origine de la seigneurie de Châteaubriant13.
5Béré était en fait à l’origine un monastère carolingien vraisemblablement abandonné par ses moines lors des invasions scandinaves. Le patrimoine de cet établissement fut intégré à la mense épiscopale nantaise. En effet, une charte, reprenant des préceptes de Louis IV et de Lothaire, mentionne Béré comme appartenant à l’Église de Nantes14. Plusieurs décennies après, le premier novembre 1050, l’évêque de Nantes, Airard, rappelait que Béré avait été fondé sans l’autorisation de ses prédécesseurs15. Puis une lettre du pape Alexandre II de 1067 déclarait que Brient avait tenu Béré en bénéfice de l’Église nantaise et non en propriété16. La même année, un acte de l’évêque Quiriac, le successeur d’Airard, précisait que Béré était un alleu de l’Église de Nantes17. Or, Brient, lors de la fondation de Béré, est qualifié de miles18. Il faisait donc partie, comme l’a souligné H. Guillotel, de la militia des évêques de Nantes dont il avait reçu en bénéfice Béré19. Peut-on mesurer l’ampleur de cette concession ? Béré fut sans doute le centre d’un ensemble plus vaste, peut-être issu d’ailleurs du patrimoine de l’ancien monastère carolingien. En effet, les principaux vassaux de Brient ont été également installés sur des terres appartenant à la mense épiscopale de Nantes. Il s’agit des églises d’Ércé-en-Lamée, de Soudan, Fercé, Rougé, Moisdon, Juigné-des-Moustiers, Saint-Julien-les-Vouvantes et d’Erbray. Tous ces biens sont sous l’autorité de Brient20.
6Une fois définie la provenance d’une partie au moins de la puissance de Brient dans ce secteur frontalier sis entre Nantais, Rennais, Maine et Anjou, est-il possible de préciser à quelle période Béré fut concédé en bénéfice ? J.-P. Brunterc’h a démontré que la mense épiscopale de Nantes fut démantelée en l’espace d’un siècle, d’Alain II vers 950 jusqu’à l’élection de l’évêque Airard en 105021. La fondation de Béré effectuée par Brient en faveur de Marmoutier peut être datée au plus tard de 104422. Le procès de Béré de 1063 permet de réduire encore l’écart chronologique car il est précisé que l’obédience fut d’abord confiée à l’abbé de Redon, Catwallon, décédé le 16 janvier 104123. D’un point de vue strictement chronologique, il n’est pas possible de donner davantage de précision. Mais peut-on aller plus avant en examinant les relations tissées par la parenté de Brient ? Comme l’a montré H. Guillotel, ni Brient, ni son père Teuharius, ne font partie de la militia d’Alain III, en témoigne l’absence de leur souscription dans les actes de ce prince24. Cependant, cette parenté n’est pas complètement dissociée du Rennais, preuve en est le mariage contracté entre Teuharius et Innoguent, la fille du vicomte Hamon Ier d’Alet qui était un fidèle d’Alain III25. Cette union se fit vraisemblablement vers les années 102026. Cette période correspond à l’épiscopat nantais de Gautier II, un proche du comte de Rennes Geoffroy Ier, en 1004-1008. Or ce pontife entra en conflit avec le comte de Nantes, Budic, lorsque ce dernier renoua, au plus tard en 1008, des relations étroites avec l’Anjou. Dès lors, pour s’imposer, le prélat n’hésita pas à spolier l’Église dont il avait la charge afin d’acquérir un réseau de fidèles27. Par ailleurs, Budic se soumit au plus tard en 1030 au duc Alain III. C’est selon toute vraisemblance vers 1008 et 1030 qu’il faut placer l’installation de Teuharius et d’Innoguent à Châteaubriant, à une époque où Gautier II cherchait, avec l’appui de la maison de Rennes, à s’imposer dans le Nantais. Une telle hypothèse aide à comprendre la raison pour laquelle Teuharius et Brient faisaient partie de la militia de Gautier II et non de celle d’Alain III. Elle explique également l’alliance matrimoniale contractée auprès des vicomtes d’Alet appartenant à la mouvance rennaise. Après la victoire remportée sur le Nantais, les comtes de Rennes étendirent rapidement leur influence directe sur le secteur contrôlé par Brient, dès la première partie du gouvernement de Conan II (1040-1047). Plusieurs indices le prouvent. Entre 1040-1045/1047, Brient souscrivit une charte relatant la donation de Saint-Sauveur-des-Landes aux côtés de Conan II28. Plus tard, Goscho, petit-fils du vicomte de Rennes, édifia une église à Béré où il fut enseveli en 111429.
7Reste à dater l’édification de la forteresse de Châteaubriant. La première mention de ce château remonte entre 1028/1044-1049, date de la seconde rédaction de l’acte de la fondation de Béré. Mais, si la forteresse ne figure pas dans la première rédaction de la charte de Marmoutier de 1024/1037-104430, rien ne permet d’affirmer qu’elle n’existait pas alors. En effet, les actes ne mentionnent pas systématiquement la présence des forteresses. Par exemple, en 1047, Robert Ier est dit gardien de Vitré sans pour autant que le château de cette agglomération ne soit cité31. À aucun moment les moines de Marmoutier ne font mention du castrum de Martigné alors que ses seigneurs y firent une importante donation32. Mais la place forte de Châteaubriant porte un nom éponyme. Il faudrait alors attribuer sa construction à Brient. Cependant, le château a pu changer de nom ou être réédifié par Brient. Rappelons que la première place forte de Châteaugiron ne date pas de Giron, mais au moins de son père Ansquetil. Rien n’indique qu’il n’en fut pas de même pour Châteaubriant : un « castellum Teuharii » aurait pu exister. L’installation de Teuharius par l’évêque de Nantes, Gautier II, dans cette région frontalière entre le Rennais et le Nantais, laisse à penser que la construction ou le renforcement de la place forte de Châteaubriant fut en lien avec le conflit opposant ce dernier au comte Budic entre 1004 et 1030. Cette proposition de datation n’est d’ailleurs pas en contradiction avec la première mention de ce château (1028/1044-1049).
Martigné
8J.-P. Brunterc’h et J.-C. Meuret ont démêlé les origines des sires de Martigné et de leur château33. Nous en résumerons donc les grandes lignes tout en apportant parfois, sur certains détails, un éclairage différent. Le premier personnage connu des textes est Hervé de Martigné, fils d’Alveus et de Deusset. Pour le salut de son âme, de celle de ses parents et de son épouse Meneczuc, il restitue à l’abbaye de Marmoutier sa part de revenus portant sur le sixième des dîmes, sépultures, oblations et droits d’autel sur les églises de Saint-Pierre et de Saint-Symphorien ainsi que le sixième des droits de la foire annuelle de Saint-Symphorien et un manse de terre non loin de là, le tout libre d’hommage et de droit d’exaction. Le don fut approuvé par ses fils et filles et par Gauzlin, vicomte de Rennes, de qui Hervé tenait ces biens en bénéfice. Cet acte est datable des années 1049-106434.
9Un certain nombre d’indices permettent d’éclairer ce texte, l’origine de la seigneurie de Martigné et de la parenté qui lui est associée. Martigné se situait entre Chère et Semnon, territoire appartenant aux évêques de Nantes et ayant été spolié par les comtes et évêques de Rennes. Comme l’a montré J.-P. Brunterc’h, cette avancée rennaise aux dépens du pagus de Nantes est à mettre à l’actif de Gautier II, évêque de Nantes, placé entre 1004 et 1008 par Geoffroy Ier. Ce prélat, en conflit avec le comte de Nantes, distribua une partie de la mense épiscopale afin d’en doter ses fidèles, ce au plus tard en 1041-1047 date de sa mort35. Or, il est remarquable de constater qu’Alveus, le père de Hervé de Martigné, porte le même nom que deux archidiacres de Nantes. L’un vivait vers 970, l’autre est cité vers 1050-1064 ; ils pourraient être apparentés à Hervé de Martigné36. Dans ce contexte, il est donc vraisemblable que l’installation de ce dernier à Martigné se soit faite de la même manière que celle de Teuharius et de son fils Brient à Béré. D’ailleurs, il est intéressant de noter la présence de Hervé à côté de Teuharius, fils de Brient cité ci-dessus, lors du procès de 1067 engagé par les abbayes de Marmoutier et de Redon au sujet de l’obédience de Béré37. Les deux personnages témoignaient bien en connaissance de cause pour une affaire qui les avait sans doute tous deux concernés. Le fait de ne pas constater la présence de Hervé dans les actes ducaux pendant le gouvernement d’Alain III et de celui de Conan II, entre 1040 et 1047, n’indiquerait-il pas qu’il faisait également partie de la militia de l’évêque de Nantes de la même façon que Brient ? Cela n’aurait rien d’étonnant lorsque l’on sait que Hervé était sans doute apparenté aux archidiacres de Nantes. Quant au château de Martigné, sa localisation juste en limite du Rennais38 laisse à penser qu’il fut utilisé à des fins stratégiques au début du xie siècle, voire avant.
Marcillé
10Le château de Marcillé joua sans doute un rôle lors de ce conflit bien qu’il ne soit signalé qu’en 1161, lors de son abandon au profit de l’emplacement de l’actuelle forteresse. La première place forte était donc plus ancienne. Maints indices archéologiques laissent supposer que son agglomération et le territoire qui en dépendait remontent au haut Moyen Âge, voire au-delà39. En tout cas, située à 13 kilomètres du Semnon servant de frontière au pagus, cette forteresse semble en lien avec le conflit opposant les comtes de Rennes et Nantes. Elle existait du moins à cette époque. Plusieurs textes militent en ce sens. Leur analyse permet d’associer à ce site un des personnages les plus en vu de la militia d’Alain III, Rivallon, vicarius et vidâme du pontife de Rennes40. Les noms de ses enfants, Triscan et Gautier, semblent indiquer que Rivallon était même apparenté aux évêques de Rennes41. Il est cité à treize reprises dans les actes d’Alain III42. Ce miles, de la province de Rennes43, est un personnage clé de l’administration comtale. Il participe avec le vicomte et l’évêque de Rennes aux prélèvements des exactions publiques, telles celles liées au commerce dans les cités, castella, voies publiques avec pont, soumis à la domination du duc44. Ses fils, Triscan et Gautier, sont également très proches d’Alain III45. Ce dernier aurait succédé à la charge vicariale de son père Rivallon. Il pourrait être identifié au vicarius Gautier gravitant dans l’entourage du duc Conan II entre 1040 et 1047. C’est en tout cas un personnage indéniablement important puisqu’il est placé, dans une liste de souscripteurs, entre l’archevêque de Dol Juhel et Brient Ier de Châteaubriant, Gauzlin de Dinan et Rivallon Ier de Dol46. Le petit-fils de Rivallon vicarius, Robert, participa activement à la prise de pouvoir de Conan II en 104747.
11Contrairement aux idées reçues, Rivallon, qui fut à l’origine des seigneurs de Vitré, n’était sans doute pas implanté, au début du xie siècle, à Vitré. Si l’on prend bien garde aux sources, les activités de Rivallon étaient orientées vers Marcillé. Dès 1008-1033 il effectua, sous l’autorité d’Alain III, une importante donation dans le vicus de Marcillé. Elle comprenait le tiers de l’église, la moitié d’un moulin, deux arpents de vigne, un homme tenant en bénéfice une terre d’une charruée et un moulin du vicus de Marcillé, une demi-charruée avec les bœufs et le quart de la foire du vicus de Marcillé48. On peut se demander, au regard de la charge de vidâme et des liens de parenté de Rivallon avec les évêques de Rennes, si Marcillé n’a pas été constitué, en partie, sur des biens épiscopaux, mais nous n’en avons pas la preuve. Son fils, Triscan, est toujours installé à Marcillé. Il approuve la dotation de 40 sous, à prélever dans la paroisse de Marcillé, à un clerc pour qu’il instruise son frère Gautier49. Les activités du petit-fils de Rivallon, Robert, gravitent toujours, dans un premier temps, autour de Marcillé. Il y entretient tout un réseau de fidèles. Entre 1047 et 1063, un certain miles, nommé Tetbaldus, tenait en bénéfice de Robert un manse dans la terre dite de Climchamp sise en Marcillé50. Il en est de même pour Friochus fils de Gausbert de Montgermont bénéficiaire également de quelques terres cédées par Robert51. Ce seigneur donna aussi son accord aux différentes transactions effectuées à Marcillé52. Tous ces actes sont datables des années 1050 environ. La guerre de 1049 entre Robert et Brient de Châteaubriant se déroula également dans le même secteur puisque le prieur de Marcillé fut obligé de fuir pour se réfugier, après quelques pérégrinations, à Carbay53. Toutes ces données font de Marcillé un centre de pouvoir important où était implanté un château majeur. Ce dernier, en raison de sa localisation entre le Rennais et le Nantais et de sa proximité avec la voie Rennes-Angers, semble avoir servi dans le conflit opposant la Bretagne septentrionale et méridionale entre 970 et 1030 environ.
Châteaugiron, Vitré et Rennes
12Châteaugiron s’appelait en 1086 castellum Ansketili54. Cet Ansquetil appartient à la militia des comtes de Rennes. Son fils Giron, miles, lui succède au plus tard en 1040. C’est également un fidèle d’Alain III comme en témoigne un acte de la comtesse Berthe de 104055. La place forte de castellum Ansketili remonte donc au moins au début du xie siècle. L’analyse de sa localisation livre également de précieuses indications. Châteaugiron se situe à 15 kilomètres de Rennes et à 1,7 kilomètre au nord de la voie romaine Rennes-Angers dont le tracé a été dévié pour passer au pied du château. Or, rappelons que les comtes de Nantes, alliés à l’Anjou, firent à plusieurs reprises des incursions jusqu’aux abords de Rennes, autre place forte servant de base au comte de cette cité56. Au regard de son emplacement, il est à peu près certain que le castellum Ansketili servit d’avant-poste visant à protéger Rennes au début du xie siècle.
13Vitré participa peut-être également à la défense du Rennais pendant ce conflit. Son château existait du moins à cette époque puisque c’est un vetum castellum qui fut abandonné, au plus tard en 1066-1076, au profit de l’actuel emplacement de la forteresse de Vitré57. Si le premier gardien connu de Vitré, Robert Ier, le petit-fils de Rivallon basé à Marcillé, n’est cité qu’en 104758, il n’est pas impossible que Goranton Ier, qui apparaît dans trois actes d’Alain III entre 1024 et 1040, ait eu la garde de ce château à cette époque59. En fait, les Goranton-Hervé de Vitré étaient possesseurs de biens et de droits dans le Vitréen avant les successeurs de Rivallon, les futurs seigneurs de Vitré60.
Conclusion
14La frontière entre Rennais et Nantais n’est pas renforcée par une série de châteaux. L’implantation de ces derniers se situe davantage à cheval sur ces deux territoires et celui de l’Anjou. Cette géographie des places fortes se calque en fait sur les réseaux d’alliances et montre le rôle prépondérant, lors du conflit opposant Rennes et Nantes, des comtes angevins. Ces derniers utilisèrent, selon toute vraisemblance, le château de Craon cité au début du xie siècle, et peut-être celui de Pouancé mentionné en 1049-106061. Ces forteresses sont chargées de surveiller des axes importants, particulièrement ceux de Rennes-Angers reprenant une voie romaine, de Châteaubriant-Martigné se dirigeant sans doute à Vitré, et peut-être de Rennes-Le Mans62. Les forteresses de Vitré, Rennes, Châteaugiron, Châteaubriant, Martigné et Marcillé existaient au début du xie siècle, c’est certain, mais il est possible qu’elles aient été édifiées avant. Elles pourraient remonter aux années 970, à moins qu’elles ne soient encore beaucoup plus anciennes, cependant nous n’en avons pas la preuve. La prudence doit être également de mise en ce qui concerne la datation des châteaux éponymes comme celui de Châteaugiron, car, rappelons-le, il était appelé auparavant castellum Ansketili.
Crise de succession d’Alain III et enjeux castraux entre 1047 et 1057
15La lutte du comte Eudes contre son neveu Conan II pour la suprématie de la Bretagne se déroula entre 1047 et 1057. Elle s’insère, comme pour tous les conflits de cette envergure, dans le concert diplomatique alors particulièrement mouvementé des grands de la Francia. Il est marqué, dans un premier temps, par une alliance du roi de France, Henri Ier, au duc de Normandie et aux comtes Conan II, du Maine et de Blois, contre Geoffroy Martel et son allié Eudes. Puis, aux alentours de 1052, l’opposition entre Normandie, Blésois et Anjou, et par conséquent entre Conan II et Eudes, s’apaise pour reprendre de plus belle entre 1056 et 1057 avant d’être désamorcée par Henri Ier63. Des châteaux sont mobilisés lors de ces affrontements. Cependant, leur étude prend un caractère résolument original car ils se situent à une époque où le nombre des actes de la pratique commence à être abondant, ce qui permet de suivre assez finement les enjeux se tramant au niveau des seigneuries châtelaines.
Les châteaux du sud-est du Rennais
16Les filiations partageant la Bretagne depuis la seconde moitié du xe siècle, entre d’une part le Blésois, et d’autre part l’Anjou, se retrouvent toujours. Cette lutte s’appuya donc sur les châteaux du sud-est du Rennais que nous avons déjà étudiés.
Martigné
17Le château de Martigné était localisé dans un lieu frontalier particulièrement stratégique lors de la lutte d’influence divisant les comtes de Rennes et de Nantes jusqu’en 1030. Il retrouva rapidement une place essentielle dans cette région de marche entre Nantais, Anjou et Rennais de 1047 à 1057. Si, pendant le premier tiers du xie siècle, Hervé de Martigné ou ses ancêtres travaillaient pour les comtes de Rennes, il fut ensuite attiré dans l’orbite de l’Anjou entre 1049 et 1060. Une pancarte du prieuré de Carbay, datée de cette période, précise en effet que Hervé de Martigné tenait l’honor de Lorareis du comte Geoffroy. Puis, aux alentours de 1060, le prince angevin lui confia le château de Pouancé, sis dans le Craonnais64. Cet important revirement d’alliance est en lien avec la tentative d’annexion avortée du Craonnais par Conan II en 1048 et les problèmes qu’il eut avec son oncle Eudes, l’allié de Geoffroy, entre 1047 et 1057. Il faut donc placer cet épisode sans doute entre 1048 et 1058, date où Conan II renoua avec Geoffroy Martel.
18Mais cette escapade angevine fut de courte durée. Hervé rejoignit la militia du comte de Rennes en 1064 au plus tard. En effet, Hervé donna cette année-là à Marmoutier plusieurs biens localisés à Martigné qu’il tenait en bénéfice de Gauzlin, vicomte de Rennes et fidèle de Conan II65. Puis, pendant les dernières années du gouvernement de Conan II, Hervé témoigna à deux reprises dans les actes comtaux. Il souscrivit les donations de Conan II et de sa mère, Berthe, concernant le Vendelais66. C’est lui qui ouvrit les portes du château de Pouancé en 1066 à Conan II lorsque celui-ci tentait une dernière fois d’annexer le Craonnais à la Bretagne67.
La création de La Guerche
19L’origine des seigneurs et du château de La Guerche est directement lié au conflit de 1047-1057. Pour le prouver, reprenons l’étude de cette parenté (Généalogie 3, p. 177). Une table de la cathédrale Saint-Pierre de Rennes livre des informations sur le milieu social dont sont issus leurs membres. Elle indique implicitement la provenance de la fortune des premiers sires de La Guerche. Thibaud, évêque de Rennes, eut trois fils, Gautier d’un premier mariage, Mainguené et Triscan d’un second. Se sentant âgé, Thibaud démissionna et transmit sa charge ecclésiastique à son fils aîné, Gautier. Ce dernier fit évêque, de son vivant, son fils Guérin, et donna à son demi-frère, Mainguené, la terre de Saint-Cyr près de Rennes. À la mort de Guérin, le siège épiscopal échut à son propre oncle, Triscan fils de Thibaud et frère de Mainguené68. Or, ce dernier personnage est l’ancêtre des sires de La Guerche. Au regard de ses liens de parenté étroits avec les évêques de Rennes, il ne serait pas impossible que la seigneurie de La Guerche fût créée à partir du domaine épiscopal de Rennes. Maints détails militent en ce sens. Ce territoire n’était qu’une trève de l’antique paroisse de Rannée dans laquelle les évêques possédaient l’église de ce nom et un manoir qui fut reconstruit après un incendie entre 1168 et 117869. À la même époque, une terre située derrière la chapelle de la léproserie de Rannée relevait du fief de Saint-Pierre de Rennes70. Il faut sans doute voir dans le don de l’usage du four et d’un chêne dans la forêt de Chelun par Geoffroy II de La Guerche à l’évêque, pendant la première moitié du xiiie siècle, un retour de biens épiscopaux71. Par ailleurs, il est intéressant de constater, lorsque l’on sait que le patrimoine de Saint-Melaine de Rennes était géré dans la première moitié du xie siècle par des abbés provenant de la parenté des évêques de Rennes, que les droits ecclésiastiques de La Guerche relevaient toujours, à la fin du xie siècle, à la fois des successeurs des mêmes prélats et moines rennais. En 1141-1157, l’évêque de Rennes disputa à l’abbaye de Saint-Melaine le droit de percevoir des rentes sur le château de La Guerche72. En 1770 encore, le régaire des évêques de Rennes se composait, dans la paroisse de Rannée, d’un droit de bouteillage, du moulin de Rannée, de quelques traits de dîmes et rentes dus par le châtelain de La Guerche, le maître-chapelain de l’église collégiale de Notre-Dame appartenant à Saint-Melaine, les prieurs de la Trinité de La Guerche et de la Fontaine Harouys (localisée dans la forêt de Rannée)73. À ces arguments provenant des archives épiscopales, J.-C. Meuret ajoute des observations toponymiques et architecturales. À 300 mètres de l’église de Rannée, le souvenir d’une vigne mentionnée dans un acte de l’évêque Étienne de Fougères a été conservé grâce au lieu-dit la Vignauvêque74. La paroisse de La Guerche, détachée de celle de Rannée en 1791, devait appartenir à cet ensemble épiscopal, en témoigne la découverte d’une sculpture à la base de la tour de la collégiale de La Guerche datée du xiie siècle et représentant deux visages schématisés séparés par une crosse, insigne épiscopal75.
20Une telle origine ecclésiastique du noyau de la future seigneurie de La Guerche ne doit pas trop surprendre. J.-P. Brunterc’h a mis en évidence un démembrement identique de l’évêché de Nantes au profit de la seigneurie de Châteaubriant et de celle de Martigné-Ferchaud76. Le même scénario s’est déroulé lors du don du monastère de Saint-Cyr de Rennes à Mainguené par son demi-frère Gautier, évêque de Rennes. Mais à quelle époque ce domaine épiscopal fut-il transmis à des laïcs ? Sur ce point, notre analyse diffère de celle de J.-C. Meuret. L’auteur de la table de Saint-Pierre de Rennes, qui n’est pas élogieux envers ses évêques de la fin du xe et du début du xie siècle, n’aurait certainement pas manqué de souligner, comme il l’a fait pour Saint-Cyr, le don d’une partie de la paroisse de Rannée à Mainguené. Or, il n’en est rien. Cette remarque semble prendre davantage de poids si l’on souligne que le nom de Mainguené n’est pas associé à La Guerche77. Ce personnage est un fidèle d’Alain III. Il témoigne dans la charte de fondation de l’abbaye Saint-Georges de Rennes, effectuée entre 1024 et 1034, et souscrit un acte du vicomte d’Alet, Hamon, relatant le don de trois villæ au prieuré de Gahard vers 1020-103078. Le 23 mai 1037, le miles Mainguené fit reconstruire le monastère ruiné de Saint-Cyr, distant d’environ un mille de la cité de Rennes, et le donna à l’abbé de Saint-Julien de Tours afin qu’il y établisse des moines. Mainguené concéda en plus le territoire de l’Isle, s’y réservant toutefois sa propre vigne. Assista à cette donation son neveu, Guérin évêque de Rennes, qui offrit le champ de Polieu sis entre le fleuve de l’Ille et les murs de la cité. Alain III ratifia l’acte79. L’aire d’action de Mainguené reste donc confinée à Rennes et ses environs immédiats.
21Dans ce cas, à quel personnage correspondrait le mieux l’installation de cette parenté à La Guerche ? Silvestre, le fils de Mainguené, est le premier à associer à son nom le toponyme de La Guerche entre 1047 et 106680. La localisation guerchaise pourrait donc revenir à Silvestre, ce entre 1037-1040, époque où il succéda à son père Mainguené, et 1066, ce qui correspond au règne de Conan II. Silvestre fit preuve d’une fidélité sans faille tout au long du gouvernement de ce comte81. Nous sommes donc enclins à penser que le territoire de La Guerche procède d’une volonté comtale et est en partie une création récente. Quelques éléments permettent d’affiner la chronologie de cette implantation. Premièrement, Silvestre aurait dû occuper le siège épiscopal de Rennes après la mort de son oncle Triscan, or c’est Main, le petit-fils du vicomte d’Alet, Hamon Ier, qui recevra cette charge au plus tard en 104782. On peut supposer que Conan II, en dédommagement, mais aussi pour servir ses propres intérêts, lotit Silvestre sur des terres épiscopales aux alentours de Rannée, gouvernées auparavant par son oncle, l’évêque Triscan. Une telle hypothèse s’intègre bien dans les différentes luttes d’influences agitant la région de Martigné-Châteaubriant-Craon. C’est en effet entre 1048 et 1058 que Hervé de Martigné bascula dans la sphère angevine en recevant l’honneur de Lorareis83. Désormais, la seigneurie de Martigné constituait une sorte de plaie béante dans le système de défense rennais. Dans un tel contexte, l’un des soucis de Conan II, face aux empiétements angevins, fut de renforcer, à partir de terres épiscopales et d’une petite agglomération sans grand passé, le secteur de La Guerche localisé seulement à 13 kilomètres au nord de Martigné.
Vitré
22Les répercussions du conflit opposant Eudes à Conan II sont moins évidentes en ce qui concerne le château de Vitré. Cependant, Robert Ier, Goranton II et son père Hervé Ier, figurent parmi les fervents défenseurs de Conan II lors de sa prise de pouvoir en 1047. Or, c’est à cette époque que Robert Ier est associé pour la première fois à Vitré : il y occupe la fonction de gardien de Vitré84. À partir de cette date, ses principales activités se déplaceront, en l’espace d’une quinzaine d’années, de Marcillé à Vitré. Le point d’orgue de cet ancrage vitréen est la fondation de l’important prieuré de Sainte-Croix qu’il confia aux moines de Marmoutier entre 1066 et 1076 et le changement de site du château de Vitré installé sur l’antique éperon de cette agglomération85. Il semble que cette nouvelle construction et la perte d’importance de la place forte de Marcillé-Robert soient le contrecoup des modifications territoriales du réseau castral dans le sud-est du Rennais. La création de la forteresse de La Guerche eut pour effet de reléguer Marcillé au second plan, sans doute parce que trop proche d’elle. Cette hypothèse expliquerait la raison pour laquelle le château de Marcillé est cité tardivement dans les actes de la pratique.
Châteaubriant et Marcillé
23Bien que les informations soient rares sur le Nantais pendant le gouvernement de son comte Mathias (1038-1050/1051), le fils de Budic, il n’est pas impossible que le seigneur de Châteaubriant Brient Ier ait joué un rôle en faveur de ce prince. Ce dernier est l’allié de Conan II lorsqu’il était sous la tutelle de son oncle Eudes (1040-1047). Une notice de Marmoutier précise que Robert Ier de Vitré, un fidèle de Conan II, était en guerre contre Brient Ier. Ce conflit obligea le moine Jonas à fuir l’obédience de Marcillé, qui était sous le contrôle de Robert, pour demander protection au comte Geoffroy Martel. Ce dernier lui donna la terre de Carbay, qui était dévastée par l’ennemi de l’Anjou, Brient Ier86. Ces indications montrent que ce dernier s’opposait à Geoffroy Martel et à son allié, Eudes, mais aussi au neveu de ce dernier, Conan II. Une étude de K.-S.-B. Keats Rohan émet l’hypothèse que cette guerre eut lieu entre 1049 et 1050, date à laquelle Robert Ier de Vitré, accompagné de deux prisonniers du parti de Brient Ier, souscrit une charte de la région fougeraise87. Il est dès lors possible que le comte Mathias, appuyé par Brient Ier et d’autres seigneurs du Nantais, ait voulu jouer une carte personnelle en s’opposant à la fois au Rennais et à l’Anjou. Cette hypothèse expliquerait les raisons de la prise du Nantais par Conan II entre 1050-1051 et 1054. Elle aide également à comprendre l’origine du conflit mentionné d’une manière laconique par la pancarte de Carbay88.
24Malgré cette mainmise sur le Nantais, Brient Ier ne figure pas pour autant dans les actes de Conan II pendant les années 1050, sans doute parce que l’emprise du Rennais sur ce pagus fut de courte durée. En effet, en 1054, Hoël était à la tête de ce comté, peut-être à la faveur d’une entente avec le comte d’Anjou s’opposant à Conan II. Puis, en 1058-1059, les relations redevinrent pacifiques entre le comte de Rennes et Geoffroy Martel. Dès lors, les seigneurs de Châteaubriant furent intégrés dans la sphère d’influence de Conan II, comme le prouve la charte de la fondation de la Trinité de Combourg de 1064-1066 : l’acte fut passé au château de Châteaubriant, en présence des fils de Brient Ier89. C’est là une preuve incontestable de l’attache de cette parenté au comte de Rennes qui, ensuite, perdura : Tehellus, le second fils de Brient Ier, se retrouve dans l’entourage du comte Geoffroy Grenonat, entre 1066 et 107690, et ses successeurs fréquentèrent assidûment la cour d’Alain IV91.
De nouvelles forteresses dans le secteur nord-ouest du Rennais : Châteauneuf-de-la-Noë et Tinténiac
25Le conflit opposant Conan II à Eudes mobilisa les châteaux du sud-est du Rennais. Mais la localisation de ce dernier dans la région de Lamballe-Guigamp, le futur comté de Penthièvre92, entraîna une nouvelle structuration du maillage castral dans le nord-est du Rennais, notamment avec la création de Tinténiac et de Châteauneuf-de-la-Noë. L’origine de ce dernier château n’a pas été élucidée jusqu’à présent. Il se situe dans le ressort du vicomte d’Alet, Hamon Ier. Ce dernier eut cinq fils : Hamon II, Junguenée, Rivallon, Salomon un bâtard et Gauzlin93. Tous ses enfants s’installeront sur les dépouilles de la vicomté d’Alet. Hamon II lui succéda et sa descendance se retira dans le Poudouvre. Junguenée devint archevêque de Dol. Rivallon s’installa à Combourg. Gauzlin est fort bien connu puisqu’il est à l’origine des seigneurs de Dinan94. Reste un secteur de la vicomté d’Alet dont le sort est inconnu : le pagus minor dit du Clos Poulet. Or, ce territoire renferme, comme à Dinan, Dol, Combourg et au Poudouvre, un château particulièrement important localisé à Châteauneuf-de-la-Noë95. Cette forteresse est citée pour la première fois dans l’enquête par Tourbe de 1181 sous la forme de castellum de Nœs, comme simple repère géographique96. Un certain nombre d’indices convergents permettent d’éclairer le contexte de son édification.
26Une charte de Saint-Georges de Rennes mentionne la construction d’un castellum à Nulliac par Geoffroy fils de Salomon. Cet acte fut autorisé par le comte Eudes, le frère d’Alain III, et l’abbesse Adèle, entre 1024 et 106797. Le toponyme Nulliac soulève des problèmes d’identification. Depuis le xixe siècle jusqu’à nos jours, les historiens l’ont identifié à un Noyal. On a pensé à Noyal-sur-Vilaine ou Noyal-sur-Seiche, deux paroisses proches de Rennes possédant des mottes98. Cependant, il s’agit de manoirs à motte appartenant à la petite chevalerie de paroisse ; ils n’ont d’ailleurs jamais été qualifiés de castellum dans les textes de la pratique. Seuls les grands personnages pouvaient construire, au xie siècle, des forteresses qui sont toutes devenues d’importants châteaux. De plus, le nom de Geoffroy fils de Salomon ainsi que celui de toutes les personnes témoignant dans l’acte de Saint-Georges sont strictement inconnus dans la région. Il faut donc chercher ailleurs la localisation du castellum de Nulliac.
27Les toponymes en Noyal et leurs dérivés ne sont pas rares en Bretagne. Le fait qu’Eudes autorise la construction du château de Nulliac amène à regarder vers la région de Guingamp-Lamballe, là où était basé son pouvoir. Il pourrait alors s’agir de Noyal-sous-Lamballe. Mais une recherche archéologique n’a livré aucune trace de château ou même de manoir à motte99. Il y a bien, plus à l’est, Châteauneuf-de-la-Noë, mais Nulliac aurait-il pu donner Noë ? Les chercheurs pensaient jusqu’ici que le nom s’est transformé en Noyal100. En 1181, Noë s’écrivait Nœs, mais dans la première moitié du xiiie siècle, on l’orthographia Noa101. Cette forme est fort proche des Noal et Nœl qui désignent respectivement, sans erreur possible, au xie siècle, Noyal-sous-Bazouges et, en 1158, Noyal-sur-Vilaine. Quant à la forme Nulliaco, elle est très voisine de Nuial en 1082 (Noyal-Pontivy, Morbihan) ou de Nogial en 1095 (Noyal-sous-Bazouges)102. Peut-on alors admettre que Nulliac se soit transformé en Noal pour aboutir à Noë ? Nous le pensons, du moins en attente d’un avis plus autorisé.
28Mais des arguments plus convaincants peuvent être avancés. Pour cela, il faut tenter de comprendre les raisons pour lesquelles on autorisa la construction du château de Nulliac, ce qui amène à dater avec plus de précision l’acte. La mention de l’abbesse Adèle, la sœur d’Alain III, renvoie à une fourchette chronologique large : 1024-1067. Par contre, la présence d’Eudes, le frère d’Alain III, est plus précieuse. L’absence d’Alain III et de Conan II, son neveu, indique que l’acte a été passé après 1047, époque à laquelle l’oncle et le neveu se faisaient la guerre. Par ailleurs, Eudes fut fait prisonnier par Conan II en 1057. L’acte et la construction du château se situent donc entre 1047 et 1057. Cette datation est corroborée par la liste de témoins figurant dans la charte de fondation du château de Nulliac. Certains d’entre eux composaient la suite d’Eudes lorsque ce dernier vint à la cour du comte Geoffroy Martel en 1056-1057103.
29Une fois le cadre chronologique bien circonscrit, examinons maintenant les raisons de la construction du château. Après 1047, Eudes domine la région nord de la Bretagne, correspondant grosso modo à la moitié nord des Côtes-d’Armor104. Ce comte était également vivement intéressé par les événements politiques se déroulant dans le territoire de l’ancienne vicomté d’Alet où se situe Châteauneuf-de-la-Noë. Son fils Geoffroy est présent à plusieurs reprises dans la région de Dol. Il est mentionné, en tant que comte, lors de la fondation de l’Abbaye-sous-Dol, aux côtés de Geoffroy Grenonat, comte de Rennes, juste après le fameux siège de la cité de 1076. Cet acte précise que les deux princes se rencontrèrent en marche, à Plouasne105. Geoffroy, fils d’Eudes, est toujours à Dol en 1087106. Ces comtes y ont visiblement des intérêts à défendre. Or, pendant les années 1052-1057, la région de Dol et de Combourg rompit tout lien avec le Rennais en se tournant vers la Normandie107. Cette période correspond à un vaste renversement d’alliances en Francia. Henri Ier, roi des Francs et Geoffroy Martel, comte d’Anjou, avaient désormais des intérêts communs en 1052-1054 pour contrer la politique expansionniste du duc des Normands, Guillaume. Dans cette affaire, si Conan II était directement menacé, le comte Eudes, représentant le parti angevin en Bretagne, l’était tout autant. Dans ce cadre, l’implantation de Châteauneuf est tout à fait significative : la forteresse se situe à 12,5 kilomètres de Dol, juste à la limite du régaire de l’évêché de cette cité.
30D’autres éléments peuvent être versés au dossier. Tous les fils de Hamon Ier ont été placés sur les dépouilles de la vicomté d’Alet. Reste un secteur et un fils du vicomte aux destins inconnus : le Clos Poulet et Salomon. Ce fils bâtard de Hamon n’est cité qu’en 1181, dans l’enquête par tourbe de Dol. Un tel nom est rare dans les actes de pratique du xie siècle en Bretagne. Et il se pourrait bien que Geoffroy fils de Salomon, le personnage qui fit bâtir le château de Nulliac, fût le petit-fils du vicomte d’Alet108. La chronologique ne contredit pas un tel rapprochement.
31D’autre part, les personnages figurant dans l’acte autorisant la construction du château de Nulliac ne sont pas des inconnus. Guichomarus, fils du vicomte Alain, indiquerait un lien de parenté avec les vicomtes de Léon, les voisins immédiats du comte Eudes109. Parmi les témoins moins importants, certains se retrouvent liés à Tinténiac. Il s’agit d’Androinus, Rafredus prêtre de Tinténiac, Constantinus et Hildrochius que nous retrouvons, à la même époque, dans d’autres actes du cartulaire de Saint-Georges concernant Tinténiac110. Ces deux derniers personnages figurent également à Angers, dans la suite d’Eudes, en 1056-1057111. Ces remarques amènent à penser que, derrière la construction du château de Tinténiac112 par Donoal, le père de Guillaume de Tinténiac, et autorisée par l’abbesse Adèle, se profile l’ombre d’Eudes, son frère113. Pour le montrer, complétons la liste des fidèles suivant Eudes à Angers. Outre Rodaldus fils de Constantinus et Hildrocus, Rogerius fils d’Ascelin se retrouve à la fois à Angers, avec Eudes, et à Tinténiac114. D’ailleurs, l’abbesse de Saint-Georges de Rennes fut davantage proche de son frère que de son neveu, Conan II, en témoigne un de ses actes faisant référence à Eudes, qualifié en la circonstance de comte de Bretagne115. Dès lors, les circonstances de la construction du château de Tinténiac seraient presque identiques à celles de Châteauneuf.
32Géographiquement, Tinténiac fait face aux châteaux de Combourg et de Hédé, éloignés respectivement de 12 et 4,5 kilomètres de la nouvelle forteresse. Hédé, appartenant au comte de Rennes, est située juste sur la frontière du Rennais et surplombe l’antique voie reliant Rennes à Alet passant également à Tinténiac et Châteauneuf116. Le possesseur de Combourg était Rivallon Ier. Dans les années 1047-1057, Conan II et Rivallon Ier de Dol étaient tous deux ennemis d’Eudes. Tinténiac fut donc érigée pendant ces années par Eudes. Quant à Châteauneuf, cette place forte fut dressée sur la frontière occidentale du pagus du Racter, juste à la limite du régaire des évêques de Dol. Elle se situe à 12,5 kilomètres de Dol, au niveau d’un dénivelé dominant les marais. C’est sur ce rebord de plateau que fut construite la forteresse à motte de Châteauneuf. Elle se situe à 250 mètres de l’actuelle place forte117. Ce site est également la porte d’entrée du Clos Poulet. Châteauneuf semble donc érigé contre Dol. Il y a de fortes présomptions pour que le fameux château de Nulliac corresponde à ce site et qu’il fut construit au profit d’Eudes par Geoffroy, fils de Salomon et petit-fils de Hamon Ier vicomte d’Alet, entre 1047 et 1057 et peut-être même entre 1052, année où le duc de Normandie effectua une percée dans le nord-est du Rennais, et 1057.
Conclusion
33Plusieurs forteresses furent mobilisées lors de la lutte engagée par Conan II contre son oncle Eudes, entre 1047 et 1057. Les alliances que ce dernier contracta avec l’Anjou ainsi que son installation dans l’ancien pagus d’Alet impliquaient une redistribution du réseau castral dans les secteurs nord-ouest et sud-est du Rennais. Les anciens châteaux, comme ceux de Châteaubriant, Martigné, Marcillé ou Hédé, servirent de points d’appui aux différents partis en présence. Le revirement d’alliance de Hervé de Martigné vers l’Anjou fragilisa la défense du Rennais. Conan II y remédia aussitôt en créant, sur un site peu occupé, la place forte de La Guerche entre 1048 et 1058. Il y plaça Silvestre, un de ses chevaliers très lié aux affaires de la cité de Rennes, ce qui assurait à Conan II une fidélité sans faille. La nouvelle configuration du paysage politique sur la frontière nord-ouest du Rennais, due à la domination d’Eudes sur une partie de l’ancien pagus d’Alet, entraîna également la création de deux nouvelles forteresses par ce dernier, Tinténiac et Châteauneuf-de-la-Noë. Elles furent construites entre 1047 et 1057 avec l’appui de sa sœur Adèle, abbesse de Saint-Georges de Rennes, dans le but de protéger la nouvelle frontière de son territoire. Le château de Tinténiac fut édifié sur un ancien centre de peuplement, qualifié de vicus non exiguum lorsque Alain III le donna à l’abbesse de Saint-Georges en 1024-1026118, tandis que celui de Châteauneuf-de-la-Noë fut érigé dans un site sans passé119.
Le rôle des seigneurs rennais et de leurs châteaux face à la poussée normande
34Les différentes tentatives d’annexion d’une partie du Rennais par les ducs de Normandie se déroulent de la mort de Geoffroy Ier, en 1008, à l’année 1076, lorsque Guillaume le Conquérant échouera devant le siège de Dol. Elles influent directement ou indirectement sur les fidélités des grands seigneurs des régions de Fougères et de Dol et, par conséquent, mettent en jeu les châteaux dont ils ont la charge. Des années 1009 à 1076, plusieurs phases peuvent être distinguées :
- vers 1009-1047, l’abbaye du Mont-Saint-Michel fut l’enjeu d’importants conflits et les ducs annexèrent le territoire entre Sélune-Couesnon-Tronçon, obligeant les princes bretons à repenser l’organisation castral de cette région ;
- des années 1052 jusqu’à la fameuse campagne de 1064 de Guillaume, le futur Conquérant, plusieurs places fortes du nord du Rennais furent assiégées ;
- en 1076, Dol fut l’objet d’un affrontement entre les rois des Francs et des Anglais.
La conquête du territoire entre Sélune-Couesnon-Tronçon et le remaniement de la défense du nord-est du Rennais vers 1009-1047
35La première phase du conflit opposant les ducs de Bretagne et de Normandie eut d’importantes conséquences territoriales pour le Rennais. Elle entraîna la perte du secteur entre Sélune-Couesnon-Tronçon impliquant une refonte de l’organisation de tout le secteur nord-est du Rennais.
Les enjeux autour du Mont-Saint-Michel, une abbaye fortifiée ?
36L’abbaye du Mont-Saint-Michel était une pièce maîtresse de la stratégie des ducs de Bretagne. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’elle ait joué le rôle de place forte dès le xe siècle. Quoi qu’il en soit, les princes bretons y nommèrent Mainard II, qui était en même temps à la tête du monastère de Redon, entre 992 et 1009120. Le Mont servit peut-être de sanctuaire à Conan Ier en 992, du moins il est mentionné dans le nécrologe de l’abbaye121. Cependant, après le décès de ce dernier, l’abbaye passa progressivement sous l’autorité des ducs des Normands. Profitant de la garde des deux enfants de Geoffroy Ier, Alain III et Eudes, Richard II de Normandie nomma Hildebert à la tête du Mont-Saint-Michel en 1009122. On peut se demander si les visées normandes n’étaient pas en fait plus ambitieuses. La prise du château de Dol en 1014 par le Normand Olaf semble s’intégrer dans la politique de Richard II123. Toutefois, au plus tard en 1019, Alain III devait avoir repris en main l’abbaye montoise car les deux abbés, Mainard II de Redon et Hildebert du Mont, souscrivirent une de ses chartes124. Il aurait également installé sur le siège abbatial Aumod (1027-1032) qui a été ensuite déplacé par Robert le Magnifique à Cerisey-la-Forêt, sans doute à cause de ses rapports trop étroits avec la Bretagne125. Puis, vers 1024-1025, le duc des Normands annexa toute la partie nord-est du Rennais située entre Couesnon-Tronçon-Sélune126. Alain III tenta de réagir, après la mort de Richard II en 1026 en refusant le service réclamé par Robert le Magnifique127. La réponse du Normand ne se fit pas attendre. Il lança une vaste offensive pour annexer définitivement le territoire entre Couesnon-Tronçon-Sélune. Le dispositif d’attaque se concrétise par la construction du castrum de Chéruel128, situé à 2 kilomètres de la rive droite du Couesnon, ainsi que par un raid lancé dans la région de Dol. Alain III riposta129, mais sans succès. Il dut se soumettre devant un double assaut normand par mer et terre. Alain III finit par conclure une concordia au Mont-Saint-Michel et dut promettre le servitium à Robert en 1030, ceci par l’intermédiaire de l’archevêque de Rouen, leur oncle commun. Il s’agit, comme le souligne J.-F. Lemarignier, d’un hommage en marche130. À la mort de Robert le Magnifique, Alain III dut profiter de la garde qu’il avait sur Guillaume le Bâtard pour tenter de récupérer le Mont-Saint-Michel131. Mais cette démarche n’eut pas de suite et le Mont passa définitivement sous la tutelle normande.
Le sort du Coglès, d’Orange et de Villavran
37La conquête du territoire entre Sélune-Couesnon-Tronçon par les ducs de Normandie, entre 1024 et 1030 environ, entraîna la réorganisation du secteur nord-est du Rennais, notamment dans le pagus minor du Coglès. Cette entité devait être dirigée par un certain Gardelon. Ce dernier donna, sous l’abbatiat de Mainard II (vers 992-1009), une église sise dans la villa de Poilley comprise dans le Coglès. En contrepartie, il fut convenu que l’abbaye lui devrait, ainsi qu’à ses fils, Ansgier et Hervé, deux chevaux à chaque fois qu’ils partiraient à la guerre. Pour inexécution de l’accord lié en fait à la mainmise de la Normandie sur le Mont-Saint-Michel, l’église fit retour à ses deux fils132. Gradelon était un puissant personnage, comme le suggèrent les alliances et charges de ses fils : Hervé se maria avec Yvette, fille de l’évêque de Rennes, Gautier133 ; Ansgier revêt à maintes reprises le titre de vicarius134. Le secteur, contrôlé par cette puissante parenté, est aisé à déterminer : il s’agit de l’ancien pagus minor du Coglès dont Poilley faisait partie. Mais d’autres indices le prouvent. La villicatio de Main II de Fougères, comportant neuf paroisses, était limitée à l’ouest par les terres du vicarius, Ansgier, et du frère de ce dernier, Guillaume135, ce qui correspond géographiquement au Coglès. C’est bien dans ce secteur que se concentre la majorité de leurs activités. En 1050, ils témoignent dans l’acte de donation de l’évêque de Rennes, Main, en faveur de l’abbaye montoise, des églises de Villamée et Poilley136. Ils sont présents lors d’une autre aumône effectuée au même monastère, toujours à Poilley137.
38Cependant, l’importance de cette parenté du Coglès déclina rapidement. Sa déchéance s’explique peut-être par plusieurs éléments complexes parmi lesquels la conquête de la partie du comté de Rennes comprise entre le Couesnon, la Sélune et le Tronçon, entre 1024 et 1030, par les ducs des Normands, Richard II et son fils Robert, tient une place non négligeable. En effet, la prise du Mont-Saint-Michel par les forces normandes rendait caduque la convention passée entre l’abbaye et Gradelon, tenant du Rennais. Les moines durent donc restituer l’église de Poilley aux fils de Gradelon, Ansgier et Hervé. Par ailleurs, la taille réduite de ce pagus, ne comprenant qu’une dizaine de paroisses, n’est pas sans surprendre. Elle est sans doute liée à une restructuration de la région nord-est du Rennais. Le Coglès s’étendait sans doute à l’origine plus au nord, vers la Sélune. La villicatio de Louvigné subit sans doute les contrecoups de la conquête normande. Cette paroisse renferme un site très important, celui de Villavran que nous considérons comme appartenant aux principales places fortes du Rennais. Le complexe fortifié d’Orange aurait été aussi déclassé à cette époque pour les mêmes raisons138. Ces châteaux majeurs, ainsi que le Coglès, auraient été déstructurés à cause de la réorganisation du nord-est du Rennais, dans le but de faire face à une éventuelle poussée normande. Cependant, ces remarques reposent sur des éléments ténus et elles doivent être prises comme de simples hypothèses. Elles amènent cependant à examiner la création ou le renforcement de la seigneurie châtelaine de Fougères par Conan II.
Création ou renforcement de la seigneurie châtelaine de Fougères
39La villicatio de Louvigné citée pendant la première partie du règne de Conan II, c’est-à-dire entre 1040 et 1047, est constituée de neuf paroisses groupées autour de Louvigné139. Le titulaire de cette circonscription était en 1040-1047 Main II. Son grand-père, également nommé Main Ier140, y avait une assise territoriale puisqu’il projeta de donner, à l’abbaye de Marmoutier, de l’église de Louvigné avec toutes ses dépendances, la terre des alentours, excepté le bourg situé en dehors du cimetière et de trois champs réservés pour son domaine. Quelque quarante à cinquante années plus tard, son petit-fils, Main II, réactualisait cette aumône en l’augmentant de l’ensemble du bourg, de toutes les coutumes de l’autel de l’église et du bourg, ainsi que des coutumes de la villicatio de Louvigné141.
40Cette parenté avait également des biens plus au sud, dans le Vendelais, autour de Saint-Sauveur-des-Landes. Main II y donna en 1040-1047 un prieuré en faveur de Marmoutier qu’il dota de l’église de ce nom, de deux manses de terre attenantes au cimetière et de trois maisons situées dans le castrum de Fougères, les vici de Louvigné et Bazouges. Le tout était donné libre de coutumes, exactions ou vicaria142. Cet établissement monastique fut l’objet d’un soin tout particulier de la part de Main II143. Il servit d’ailleurs de lieu d’inhumation à sa proche parenté144. Ce personnage possédait également, de droit héréditaire, l’église de Romagné, voisine de la précédente145. Son aire d’influence s’étendait aussi jusqu’à la rive nord du Couesnon. Lors d’une transaction portant sur un emplacement pour édifier un moulin sur ce fleuve, un certain Robert dit Tosselard vendit sur la rive opposée, c’est-à-dire en Saint-Ouen-des-Alleux, un terrain, avec le consentement de Main II de Fougères de qui il le tenait146.
41Le père de Main II, Alfred, est un miles bien connu de la cour d’Alain III puisqu’il souscrit dans trois de ses actes entre les années 1008 et 1033147. Son fils, Main II, apparaît dans les actes comtaux dans la dernière décennie du règne d’Alain III148. Il devint très rapidement un élément clé de la politique de Conan II et de son oncle, Eudes, jusqu’en 1047. Il est mentionné dans 5 des 9 actes de Conan des années 1040-1047149. Cette importance soudaine donnée au personnage est liée à une restructuration du nord-est du comté de Rennes. En effet, Alain III subit dans les années 1024-1030 d’importants revers militaires si bien que la frontière séparant la Bretagne et la Normandie se déplaça plus au sud, jusqu’au Couesnon et au Tronçon. La politique d’Alain III, dans les dix dernières années de son règne, n’impliquait pas que ce dernier réorganisât cette région : il avait sous sa garde Guillaume le Bâtard. En revanche, sous le gouvernement conjugué de Conan II et d’Eudes, son oncle, jusqu’en 1047, le cadre politique était relativement propice à une réorganisation du nord-est du Rennais afin de créer un pouvoir fort capable d’endiguer une éventuelle invasion normande. Cette décision était prudente au regard des futures tentatives d’annexion de cette région par Guillaume le Bâtard.
42Pour réorganiser ce secteur si sensible du Rennais on créa, ou renforça, la place forte de Fougères. Cette forteresse faisait face au comté de Mortain, situé juste à l’est du territoire de Fougères. Guillaume le Bâtard venait d’y construire un château, après la conquête du territoire entre Couesnon, Sélune et Tronçon150. C’est donc entre 1040 et 1047 que la place forte de Fougères fut créée ou renforcée. C’est en effet pendant cette période que Main II associe à son nom le toponyme de Fougères et qu’il donne une maison dans le castrum de Fougères151. Tous les actes de Main II se font sans exception sous l’autorité de Conan II, ce qui permet de déduire que le château de Fougères est issu d’une volonté comtale.
43À partir de cette forteresse, Conan II va favoriser la création d’un vaste pôle de pouvoir étendant ses ramifications du nord du Vendelais jusqu’aux environs de Pontorson. Tout d’abord, Main II va intégrer le Coglès aux dépens du vicarius, Ansgier. Ceci est particulièrement patent lorsque l’évêque de Rennes, Main, donna les deux églises de Villamée et de Poilley au Mont-Saint-Michel en 1050. Main II, dit du castrum Felicense, souscrit en tête de liste la donation du pontife avec son épouse, Adélaïde, et son fils, Juhel, alors que le vicarius Ansgier, concerné normalement au même titre par cette concession, figure en bien piètre place parmi les souscripteurs152. D’ailleurs, pour légitimer une telle avancée, Alveradus, le frère bâtard de Main II, vraisemblablement choisi dans un premier temps pour succéder à Alfred, leur père, fut marié à Guidogonia, l’épouse du défunt Gradelon. Ce nom avait déjà été porté par le père du vicarius Ansgier153. N’était-ce pas là le moyen le plus sûr pour s’imposer dans le Coglès, le tout sous l’autorité ducale ? Le territoire de Main II ne cessa de s’accroître et dépassa même le Coglès. Un acte du duc Conan II précise que Haimon, miles et fils de Bloc, possédait, en fief de Main II, des droits sur les églises de La Selle-en-Coglès, de Sougéal et de Cendres154. Ces deux derniers établissements se situent le long du Couesnon, tout près de Pontorson. Main II valide également un acte de Marmoutier concernant Chauvigné, paroisse voisine de celle de Vieux-Vy-sur-Couesnon où se dressait l’ancien château majeur déclassé d’Orange155.
44Le territoire de Fougères, issu de la conquête normande de la région se situant entre Sélune-Couesnon-Tronçon, a été créé à l’instigation de Conan II pendant la première partie de son gouvernement, c’est-à-dire entre 1040 et 1047. Cette entité fut constituée à partir de la villicatio de Louvigné et de la région de Saint-Sauveur-des-Landes, puis renforcée par l’ancien pagus minor du Coglès et même au-delà, jusqu’aux paroisses de Sougéal et Cendres. Le centre de ce nouveau territoire se situait à Fougères où le duc édifia ou renforça un castrum. Cette seigneurie châtelaine fut confiée à Main II, un des personnages clés de la politique de Conan II.
Les seigneurs châtelains du nord-est du Rennais sous l’influence de Guillaume le Bâtard, 1052-1064
45Le conflit opposant Conan II à Guillaume le Bâtard, entre 1052 et 1064, aurait pu avoir des répercussions bien plus désastreuses que le précédent. Il se caractérise par un renversement d’alliance des plus importants vassaux du nord-est de la Bretagne : Main II de Fougères et Rivallon Ier de Dol-Combourg furent attirés dans la sphère d’influence normande. En effet, vers 1052, ce dernier rompit tout lien avec Conan II pour se tourner vers la Normandie. Et l’on voit Rivallon promettre d’assurer la défense de Pontorson, alors en Normandie, et témoigner dans les actes de Guillaume le Bâtard, notamment à Laval en 1063-1064156. Peut-être le fit-il par dépit et en réaction à l’action d’Alain III qui avait imposé un archevêque indésirable à Dol nommé Juhel ? Sans doute, si l’on en croit l’enquête par Tourbe de 1181. Il y est précisé qu’une tour fut construite à Dol, sur le domaine épiscopal et contre la volonté du pontif. De quel ecclésiastique s’agit-il ? Il ne peut être question de Junguenée, le frère de Rivallon. La seule période où s’affrontèrent l’archevêque de Dol et son avoué se situe sous le pontificat de Juhel. La construction de cette tour doit alors se situer au moment où Rivallon entra dans la fidélité de Guillaume, c’est-à-dire entre 1052 et 1064157.
46Main II de Fougères quitta aussi Conan II. Pour arriver à ses fins, le duc des Normands l’attira dans son entourage. Le seigneur de Fougères témoigna à deux reprises dans ses actes158. Pour se l’attacher, le futur Conquérant lui remit en chasement l’église de Savigny, avec toutes les terres qui en dépendent, le mesnil Hilduin ainsi que la dîme de moulins. Peu de temps après, Main II fit don de l’église de Savigny à Marmoutier avec l’autorisation du duc des Normands, entre 1050 et 1056159. L’infiltration de Guillaume dans le nord-est du Rennais fut pénétrante. Entre 1050 et 1060, ce prince céda l’église de Saint-Ouen-la-Rouërie, paroisse localisée au sud du Tronçon, en Rennais, à Saint-André d’Avranches, en échange du Mesnil-Gilbert160. C’est là un net recul du duc de Bretagne, Conan II, qui avait, à l’origine, autorisé la donation de différents droits en Saint-Ouen-la-Rouërie161.
47En 1064, Guillaume était alors sur le point de conquérir un important territoire comprenant la moitié nord du comté de Rennes avec ses trois châteaux, Fougères, Dol et Combourg. Mais, le déroulement des événements, bien que rapportés par des sources exceptionnelles, est confus. Il s’agit de la célèbre broderie de Bayeux et des textes d’Orderic Vital et de Guillaume de Poitiers. Soulignons que ces trois documents sont tous d’origine normande. Essayons de reconstituer la trame de ces événements. La fidélité de Rivallon Ier envers Guillaume et la construction de la tour de Dol présentaient un sérieux danger pour Conan II. Celui-ci décida d’assiéger cette place forte162. La réaction de Guillaume fut immédiate : l’armée normande se mit en branle. Elle passa devant le Mont-Saint-Michel, forteresse contrôlée par Guillaume, afin de se rendre à Dol163. À l’annonce de l’arrivée du duc des Normands, précise Guillaume de Poitiers, Conan II abandonna prudemment le siège de Dol malgré les propos ironiques de Rivallon Ier qui le priait de s’attarder deux jours de plus, alléguant que ce délai suffirait pour le mettre à rançon. Conan se retira donc derrière les antiques remparts de la cité de Rennes, non sans avoir pris le soin de cacher en des lieux sûrs les réserves et les troupeaux afin que l’armée de Guillaume n’en profitât point164. Faut-il suivre le récit de la broderie de Bayeux lorsqu’il montre l’armée normande défiant Conan au pied de Rennes165 ? Peut-être. En tout cas, il ne prit pas cette cité.
48L’affaire dinanaise est plus délicate à analyser. La broderie de Bayeux montre Conan livrant à Guillaume, au bout de sa lance, la clé de Dinan166. Cependant, la capitulation de Conan paraît étrange. Guillaume de Poitiers, fervent défenseur de la cause normande, n’aurait pas manqué de la souligner, or il ne souffle mot du siège de Dinan167. Le chroniqueur précise cependant, pour expliquer la retraite de son duc, que ce dernier ne pouvait plus vivre sur le pays car les réserves alimentaires et les troupeaux avaient été mis à l’abri. Cependant, l’annonce de la jonction de l’armée de Geoffroy le Barbu, comte d’Anjou, avec celle de Conan168 est sans doute à l’origine du repli du duc des Normands. Ici encore, le commentaire de Guillaume de Poitiers est quelque peu embarrassé. Il prétexte les plaintes adressées par Rivallon Ier de Dol envers Guillaume et la fuite de l’ennemi refusant le combat pour clore l’épisode de l’expédition normande en Bretagne169.
49Quoi qu’il en soit, cette incursion ne recueillit pas les succès escomptés. En effet, entre 1064 et 1066, Rivallon de Dol se soumit à Conan II comme le montre un acte passé en faveur de Marmoutier : le duc et sa suite ratifièrent la concession d’un établissement à Combourg, construit en l’honneur de la Sainte-Trinité, par Rivallon Ier, « homo militaris ex Britannia de castello de Combornio170 ». Conan II put également contrôler de nouveau la région de Fougères. Les indices le prouvant sont difficilement perceptibles dans les textes car Main II mourut sans doute vers 1060. Son fils aîné, Juhel, lui succéda. Il témoigna, vraisemblablement vers 1064, dans un acte concernant la région de Saint-Sauveur-des-Landes aux côtés de Main, évêque de Rennes et fidèle, à cette époque, du comte Conan II171. Mais Juhel décéda également rapidement. La seigneurie de Fougères se trouva alors sous la tutelle d’Adélaïde, l’épouse de Main II. Il y avait bien un second héritier légitime au défunt seigneur de Fougères, Raoul, mais ce dernier était encore fort jeune dans les années 1060172. Ces successions, quelque peu contrariées, expliquent les raisons pour lesquelles la maison de Fougères n’est pas présente dans les actes comtaux. Mais Conan II et sa mère, Berthe, maîtrisaient, jusqu’en 1066, toujours le Vendelais dans lequel fut construit le château de Fougères. Deux exemptions comtales en faveur de l’abbaye de Marmoutier sur les terres du Vendelais le prouvent. D’ailleurs, figure dans l’une d’elles, une liste de témoins qui sont des hommes de Fougères173.
50Cette reprise en main du nord-est du Rennais s’explique également par un probable compromis passé avec Guillaume. En effet, une union entre l’Anjou et la Bretagne aurait été extrêmement dangereuse pour ce dernier lors de la conquête de l’Angleterre. Il n’est pas impossible que Guillaume ait agi dans ce sens en s’alliant Conan II. Le fruit de cet accord se serait traduit par l’expédition du duc des Bretons en Craonnais174 et par la participation d’un fort contingent breton, notamment des régions doloise et fougeraise, à la conquête de l’Angleterre175.
Une dernière tentative de mainmise sur le nord-est de la Bretagne : l’affaire doloise de 1076
51Si Rivallon Ier de Dol puis son fils, Guillaume, furent fidèles à Conan II176, l’affaire doloise se compliqua sous le gouvernement de Geoffroy Grenonat, comte de Rennes et fils bâtard de Conan II. En effet, il y avait à Dol un personnage fort important faisant encore plus d’ombrage aux descendants de Rivallon Ier de Dol que tout autre : c’était Juhel, l’archevêque de Dol, placé par Alain III afin de mieux contrôler l’ancien ressort des vicomtes d’Alet. Mécontents de sa politique, le peuple et le clergé de Dol -comprenez la parenté des seigneurs de Dol-Combourg et leurs fidèles- expulsèrent Juhel et proposèrent à sa place Gelduin, un des fils de Rivallon. Guillaume le Conquérant profita de cette aubaine pour s’ingérer dans la politique rennaise en prenant parti pour Juhel. Celui-ci, soutenu par les Normands, se réfugia à l’abbaye du Mont-Saint-Michel et, de là, mena de fréquentes attaques vers Dol dont la défense avait été renforcée par des contingents de milites angevins. C’est également sans doute à cette occasion que Geoffroy Grenonat fit élever un vallum pour renforcer les fortifications de sa cité de Rennes177. Le roi anglais profita pleinement de cette occasion pour assouvir ses prétentions territoriales qui avaient échoué en 1064. Il assiégea Dol, en septembre 1076. Mais, sitôt averti, Philippe Ier gagna le Poitou pour obtenir l’aide du duc d’Aquitaine, Geoffroy, puis les deux hommes fondirent sur Dol. L’arrivée du roi des Francs avec son ost obligea Guillaume à se retirer en abandonnant ses machines de siège qui avaient été incendiées178. Cette lutte se termina par la victoire des Dolois et la reconnaissance de l’autorité de Geoffroy Grenonat au nord de son comté, comme en témoigne sa souscription à une notice relatant la fondation de l’Abbaye-sous-Dol et le choix d’Evenus, abbé de Saint-Melaine de Rennes, à la tête de l’évêché de Dol179.
Conclusion sur les affrontements entre Normandie et Bretagne
52Des années 1009 à 1076, les prétentions hégémoniques de la Normandie sur la Bretagne visaient à annexer le nord du comté de Rennes. Il en résulta une mobilisation et une modification du maillage castral de cette région. La minorité d’Alain III, sous la garde de Richard II, et la conquête de la contrée entre Couesnon-Sélune-Tronçon, entre 1024 et 1030, ont fait perdre, au Rennais, le Mont-Saint-Michel et peut-être d’autres forteresses. En conséquence, les secteurs restés entre les mains du duc des Bretons ont été restructurés. Le Coglès et Villavran, peut-être Orange, auraient décliné au profit du château de Fougères dont la seigneurie englobera dès lors leurs territoires respectifs. Par contre, si les attaques normandes de 1052-64 et de 1076 mobilisèrent les châteaux de Dol, Combourg, Fougères et Rennes, elles n’entraînèrent pas, à la différence des conflits antérieurs, la création ou la disparition de châteaux. Les années 1050 semblent bien être cruciales à cet égard.
Les enjeux autour de l’ancien comté d’Alet
53L’ancien comté d’Alet était un vaste territoire comprenant à l’origine l’évêché de ce nom ainsi que ceux de Dol, Saint-Brieuc et Tréguier. Il fut disloqué durant le haut Moyen Âge. Passé l’année 962, Wicohen, l’archevêque de Dol semble en contrôler au moins une partie. Le prélat tenta même d’étendre son pouvoir sur la principauté bretonne en s’appuyant sur le Capétien, Hugues180. Cette analyse repose sur deux sources. D’une part, Wicohen témoigne à deux reprises en 967 et en 970 en tant qu’évêque des Bretons dans les actes de Hugues Capet181. D’autre part, la Vetus collectio manuscripta de rebus Britanniæ précise que Conan Ier commença à soustraire son père Juhel et sa mère de la tutelle de l’archevêque de Dol, Wicohen. Puis, reconquérant courageusement leurs biens patrimoniaux et les siens, il confina l’archevêque à son propre siège182. Ce retrait de Wicohen est datable des années 970 car une lettre du pape Jean XIII précise que les plus nobles personnages de Bretagne d’alors étaient Juhel, son fils Conan, Hoël et son frère Guérech183. C’est là un signe de moindre influence du prélat breton et d’un certain retour en puissance du comte Eudes Ier de Blois, le fils de Thibaud184. Cette suprématie éphémère de l’archevêque de Dol, en lutte avec la maison de Rennes, correspondrait bien avec la construction du château de Dol, cité seulement en 1014185. Mais ce n’est là qu’une hypothèse que la pauvreté en sources de cette période et l’absence de fouilles archéologiques ne permettent pas de valider.
54Au début du xie siècle, un certain Hamon Ier, vicomte d’Alet, apparaît dans les actes186. Son ressort devait au moins s’étendre entre Dinan et Dol, là où furent placés tous ses fils. Rivallon Ier de Dol devint seigneur de Combourg ; Gauzlin prit la tête de Dinan ; Junguenée reçut la charge archiépiscopale à Dol ; son petit-fils, Geoffroy, fut installé, par le comte Eudes, à Châteauneuf. Cette parenté disposait donc de charges importantes et possédait un nombre non négligeable de châteaux, dont Combourg. Une enquête par tourbe de 1181 indique que Junguenée nomma son frère, Rivallon Ier de Dol, avoué du château de Dol et reçut pour cela douze fiefs de chevaliers. Il fit également construire un château à Combourg, sur les terres de l’évêché d’Alet ne relevant pas de son autorité. Il le remit à son frère187. Un tel acte défiait ouvertement l’autorité comtale. Alain III agit donc promptement pour contrer la puissance des fils du vicomte Hamon Ier. Au plus tard en 1040, il déjoua leurs calculs en aidant Juhel, un de ses fidèles, à prendre la tête de l’archevêché de Dol à la place du fils de Hamon II, Main188. La construction du château de Combourg semble être liée à ces événements. Elle doit donc dater des années 1030. Pendant cette décennie, les enfants de Hamon Ier témoignent à plusieurs reprises dans les actes d’Alain III, en 1030, 1032, entre 1034 et 1040, et en 1037189. Or, dès 1035, ce dernier avait la garde de Guillaume le Bâtard, son père étant alors parti en Terre Sainte. Il mourut d’ailleurs sur le chemin du retour. Il ne serait pas impossible que la construction de Combourg date précisément de cette époque. Elle serait contemporaine de la révolte des seigneurs normands profitant de cette vacance du pouvoir ducal. Alain III trouva d’ailleurs la mort en octobre 1040 en voulant défendre les intérêts du jeune Guillaume190. Cependant, Alain III, ou son successeur, réussit à contrôler cette parenté et notamment Rivallon Ier de Dol qui figure dans l’entourage de Conan II entre 1040 et 1047191.
55Le repli du frère d’Alain III, Eudes, qui disputait le pouvoir à son neveu Conan II sur une partie de l’ancien pagus d’Alet en 1047 dut également affaiblir considérablement la puissance des vicomtes d’Alet. En effet, Eudes étendit son pouvoir sur toute la partie occidentale du ressort de cette parenté, les privant du Clos Poulet, de la région de Dinan et de celles de Tinténiac et Châteauneuf où il fit élever des châteaux. Les vicomtes d’Alet furent donc relégués à un rôle secondaire. Il y avait un enjeu de pouvoir, car qui tenait cette région était fort puissant. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler la lutte engagée par Wicohen, archevêque de Dol, dans la seconde moitié du xe siècle, contre la maison de Rennes ; les opérations militaires du duc Guillaume le Bâtard en 1064 et l’entrée en vassalité de Rivallon de Dol et de son fils Jean auprès de ce prince ; les conflits armés dont Dol fut l’objet en 1076 et les interventions des comtes Geoffroy Grenonat et Geoffroy Boterel Ier (fils du comte Eudes) en 1078-1079 lors de la fondation du prieuré de l’Abbaye-sous-Dol192. Dans ce contexte, la lignée des vicomtes d’Alet n’a pas pu percer et il n’est pas étonnant de voir Hamon III, successeur de Hamon II, évoluer tantôt sous la tutelle des comtes Conan II193, Geoffroy Grenonat194 et Geoffroy Boterel Ier195, tantôt dans l’entourage de la descendance des cadets du premier vicomte d’Alet196. C’était là les derniers éclats d’une prestigieuse lignée vicomtale. En effet, malgré la multiplication des textes aux xiie et xiiie siècles, il n’est plus question de vicomtes d’Alet. Ces derniers semblent avoir été remplacés par des vicomtes de moindre envergure localisés dans une partie de leur ancien territoire, le Poudouvre197.
Une énigmatique émancipation de Robert II de Vitré sous le gouvernement de Conan III
56L’histoire du Rennais fut jalonnée de quelques autres conflits plus difficiles à interpréter à partir des enjeux comtaux du Rennais connus. Par exemple, Gelduin Ier de Dol établit un feodus pacis avec Geoffroy de Dinan au plus tard en 1107-1112, dans des circonstances obscures198. Le même seigneur de Dol-Combourg ravagea, d’après Orderic Vital, les terres du Mont-Saint-Michel en 1137199. Peut-être ces faits concernent-ils les rivalités dynastiques normandes ? Mais ces tensions semblent avoir eu des répercussions secondaires par rapport au Rennais. En revanche, l’action des Vitré, pendant la seconde moitié du xiie siècle, aurait été suffisamment préoccupante pour que le comte de Rennes agisse prestement. André Ier de Vitré est un fidèle serviteur de Conan III, comme l’attestent les nombreux actes comtaux dans lesquels il témoigne. Il mourut après 1121200. Son fils, Robert II lui succéda, au plus tard en 1130-1131, date à laquelle il assista, aux côtés de Conan III, à un duel201. Mais, depuis cette date jusqu’en 1155, aucun texte ne mentionne la présence des sires de Vitré. En 1132, alors que Conan III rappelait la concession d’André Ier de l’église Notre-Dame de Vitré, le successeur et fils de ce dernier, Robert II, n’est même pas mentionné202. Quatre ans plus tard, le comte Conan fit un don aux moines de Livré dans sa camera à Vitré203. L’absence de Robert II de Vitré de tous les textes traitant de différentes affaires à Vitré entre 1132 et 1148204 accréditerait la réalité d’un conflit l’opposant à Conan III et mentionné d’ailleurs par P. Le Baud205, historien de la maison de Vitré au xve siècle. Cet auteur relate une alliance entre Guillaume II de La Guerche et Robert II de Vitré afin que ce dernier puisse reconquérir sa terre. Cette coalition semble être confirmée par un acte de La Roë206 de 1128-1138 précisant que Bernard Busson, un des vassaux de Guillaume II, était prisonnier à Vitré, alors aux mains de Conan II.
57Les raisons de ce conflit sont délicates à expliquer. Elles pourraient s’insérer, comme le suggère P. Le Baud, dans les enjeux concernant le comté de Mortain pendant la seconde moitié du xiie siècle. André Ier de Vitré avait épousé Agnès, fille de Robert comte de Mortain. Après la victoire de Henri Ier en 1106, Robert fut chassé de son honor et remplacé par Étienne, comte de Blois qui devint roi d’Angleterre en 1135. En lutte contre son rival, Geoffroy Plantagenêt, Étienne finit par prendre ce comté en 1141207. L’attitude de Robert II de Vitré pourrait avoir été dictée par ses prétentions sur le comté de Mortain, mais cette hypothèse reste à vérifier et l’histoire de Mortain est à écrire. Il est également possible que le lignage concurrent des Robert-André de Vitré, les Goranton-Hervé, ait joué un rôle dans cette affaire. Le différend entre les deux parentés fut résolu en faveur de Robert III de Vitré entre 1156 et 1161 et avec l’aide de Henri II Plantagenêt208.
La fidélité des seigneurs châtelains : une question de méthode
58Généralement, les années 1050 sont considérées par bon nombre d’historiens comme une époque charnière pendant laquelle les fidèles du comte se détacheraient définitivement de sa tutelle en ancrant leur nouveau pouvoir autour des castra qu’ils auraient généralement construits pour leur propre profit. Cependant, l’histoire du Rennais ne correspondrait pas à ce schéma et la profonde crise de l’autorité comtale durant le xie siècle semble, dans ce cas, absente. Tous les châteaux du Rennais seraient au contraire d’origine comtale, mis à part celui de Combourg élevé par Junguenée, l’archevêque de Dol, vers 1030, dans le but de contrer la puissance d’Alain III et peut-être la tour de Dol qui a été construite par un seigneur de Dol, sans doute Rivallon Ier de Dol, vers 1050. Ces défis à l’autorité comtale ne furent pas le fait de simples seigneurs, mais celui d’une redoutable parenté archiépiscopale et vicomtale dont l’étude précédente a montré qu’elle causa de réels problèmes aux princes bretons. Malgré ces difficultés, les comtes de Rennes surent rapidement juguler les dissidences. Cependant, les seigneurs châtelains disposaient d’une certaine marge de manœuvre dont témoignerait leur appropriation des châteaux dont ils avaient la charge. Les mentions de possessor castri209 ou de castellum meum210, rencontrées chez tous les seigneurs châtelains, pourraient du moins suggérer une certaine autonomie acquise par rapport au comte qui ne pouvait plus destituer ces maîtres des forteresses. Mais ces remarques méritent d’être vérifiées plus en détail.
Le comte reste maître de son comté
59Il faut dresser un tableau complet de tous les seigneurs du Rennais afin d’examiner s’il n’y eut pas certaines inflexions dans leurs relations avec les comtes, du règne d’Alain III à celui de Conan III, c’est-à-dire de 1008 à 1148. Un des moyens couramment utilisés pour mesurer le degré d’indépendance des seigneurs consiste à examiner si les importantes fondations monastiques, réalisées au chef-lieu de leur seigneurie châtelaine, ont été effectuées avec ou sans le consentement comtal. Ce serait là le signe certain de l’affirmation de l’indépendance d’un seigneur. Or ce type d’analyse ne semble pas toujours pertinent. Prenons un exemple, celui de la fondation de Béré par Brient Ier de Châteaubriant. Cet événement est relaté par deux actes où il n’est nullement question d’une quelconque autorité supérieure. Les textes précisent même que la fondation de Béré se fit sans l’accord de l’évêque de Nantes211. Mais, examinons-en avec attention les différentes étapes. Brient y installa d’abord les moines de Redon, au plus tard en 1041, date à laquelle il appartient à la militia des évêques de Nantes alors alliés aux comtes de Rennes. Mécontent d’eux, il appela l’abbé de Saint-Melaine, Jean, puis les moines de Marmoutier. Il serait bien étonnant qu’un tel choix fût fait hors de tout contrôle du Rennais. En effet, Redon et Saint-Melaine étaient des abbayes protégées par les comtes de Rennes. De même, Marmoutier fut choisie par ces princes pour relancer leur politique de restauration ecclésiastique. Ainsi, l’absence de toute autorité supérieure dans les textes relatant la fondation de Béré ne signifie pas que Brient Ier menait une politique autonome par rapport à l’autorité comtale, car, derrière le choix des établissements religieux de ce seigneur, se profilent ceux du Rennais.
60Il en est de même pour Silvestre lorsqu’il fonda l’obédience de Saint-Nicolas de La Guerche en 1081-1093. L’acte relatant l’événement ne porte aucune mention de l’autorité comtale212. Cependant, il est certain que la fidélité des sires de La Guerche fut sans faille du gouvernement de Conan II à celui d’Alain IV. Silvestre témoigna à quatre reprises dans les actes de Geoffroy Grenonat213. Cet attachement à la maison de Rennes sera gratifié, en 1076, par l’obtention de la charge d’évêque de Rennes qu’il gardera jusqu’à sa mort en 1093214. Silvestre figure également dans les actes d’Alain IV, il est vrai au titre d’évêque de Rennes215. Son fils et successeur, Guillaume Ier, s’il n’est pas présent directement dans les actes d’Alain IV, s’est plusieurs fois rendu dans la cité comtale, ne serait-ce que pour régler des affaires concernant le prieuré de Saint-Cyr de Rennes216, preuve indirecte qu’il était toujours en lien avec Alain IV. Son frère, Geoffroy, est, quant à lui, témoin d’un acte de Conan III entre 1116 et 1140217.
61Le contexte de la fondation de Sainte-Croix de Vitré par Robert Ier de Vitré ressemble au cas guerchais évoqué ci-dessus. Entre 1066 et 1076, ce seigneur donna à Marmoutier une terre, avec toutes les coutumes pour construire un bourg et une cella où était autrefois l’ancien castellum218. Dans un premier temps, remarquant l’absence directe du comte de Rennes dans cet acte, nous avions conclu, en 1993, que la fondation de Sainte-Croix de Vitré constituait une preuve évidente de l’autonomie du sire de Vitré219. Cette analyse était d’autant plus séduisante que Robert Ier de Vitré pourrait être à l’initiative de la construction du second château sur un site d’éperon, et qu’il qualifiait de sien. Mais, à cette époque, nous n’avions pas une vision suffisamment large des liens socio-politiques du Rennais. En effet, il semble peu vraisemblable que cette fondation soit un signe d’autonomie par rapport au pouvoir comtal alors que les principaux protagonistes de l’acte, juste après Robert, sont des inconditionnels de la maison de Rennes. Il s’agit de Hervé de Martigné, qui vendit deux manses de terres audits moines, et de Main, évêque de Rennes, qui traça, à l’aide de son bâton pastoral et d’eau bénite, le périmètre où fut construit le cimetière de l’obédience tourangelle. D’autre part, l’examen de l’attitude des seigneurs de Vitré du règne de Conan II au début de celui de Conan III, c’est-à-dire entre 1040 et vers 1130, montre qu’elle fut constamment mue par la volonté de servir les intérêts des comtes de Rennes. Placé par Conan II à Vitré, Robert Ier soutint sa cause en 1047220. Pendant la période très troublée opposant Eudes à son neveu, Robert prit toujours parti pour ce dernier. Entre 1047 et 1064, il souscrivit un acte de Conan II passé à Combourg221. En 1050, il est aux côtés de Main, le jeune évêque de Rennes que Conan II venait de nommer, lors d’une donation des églises de Villamée et de Poilley en faveur du Mont-Saint-Michel. Robert Ier était alors accompagné de deux prisonniers tenant du parti du comte Eudes, preuve qu’il travaillait pour le bénéfice de Conan II222. Il figure dans la suite ducale à deux reprises dans les années 1060-1066223. Certains détails, mettant en évidence l’attitude des vassaux de Robert, permettent d’aboutir aux mêmes conclusions. Citons ce Friocus de Montgermont dont la motte se situe à 5, 5 kilomètres au nord-ouest de Rennes et qui tenait en bénéfice de Robert de Vitré un manse de terre à Marcillé, entre 1050 et 1076224. Mieux encore, un de ses milites et vassaux, nommé Tetbaldus dit Illegiatus tenant, entre 1047 et 1057, des biens à Marcillé-Robert, fut capturé par les hommes du comte Eudes, alors en lutte contre Conan II225.
62Tous ces renseignements concordent avec la politique d’alliances matrimoniales de Robert de Vitré visant à soutenir Conan II dans sa volonté de conquête du Craonnais. Il épousa Berthe, la fille de Suhard de Craon qui ouvrit les portes de son château à Conan II, en 1148, au grand mécontentement du comte d’Anjou, l’allié d’Eudes. Geoffroy Martel prononça la commise de cet honor. Est-ce un hasard si nous voyons, après ces événements, Garin, fils bâtard de Suhard de Craon, qui aurait pu revendiquer la succession de son père, graviter dans l’entourage des sires de Vitré226 ? Une même filiation semble pouvoir se déceler dans ce Suhard, préfet ou préposé, et supposé fils de Garin le bâtard, basé à Marcillé. Il remit des bénéfices à plusieurs hommes de la région227. Aurait-on protégé ce Suhard en Bretagne pour légitimer une éventuelle succession sur le Craonnais ? Sans doute, car, après le mariage de la fille de Robert de Vitré, Ennoguen, à Renaud le Bourguignon, seigneur de Craon, Suhard le bâtard et ses descendants tombèrent vite dans l’oubli à moins que, abandonnés des comtes de Rennes et des sires de Vitré, ils n’aient trouvé refuge dans les terres du comte Eudes, à la Roche Suhard (en Trémuson, Côtes-d’Armor)228. À la fondation du prieuré de Sainte-Croix de Vitré, Renaud le Bourguignon figure également parmi la liste des témoins229. Toutes ces alliances sont en parfaite harmonie avec la politique de Conan II qui tenta une seconde fois de conquérir le Craonnais en 1066.
63Juste après la mort de Conan II, Robert Ier soutint la mère du comte, Berthe, et Geoffroy Grenonat, comme le prouve sa présence dans quatre de leurs actes entre 1066 et 1076. L’un d’eux relate l’autorisation de Geoffroy Grenonat pour la vente, par Hervé de Martigné, d’un manse de terre à Marmoutier à l’occasion de la fondation du prieuré de Sainte-Croix de Vitré. Parmi les témoins et juste après le comte, se trouve Robert de Vitré230. Il paraît donc fort peu probable que ce dernier ait, à ce moment, mené une politique autonome à l’égard du comte de Rennes ! Robert fréquenta également la cour du roi Philippe Ier qui secourut Geoffroy Grenonat lorsque celui-ci était dans une position délicate à Dol, en 1076231. André Ier de Vitré adopte la même attitude que celle de son père, Robert Ier : il fait partie de la suite de Geoffroy Grenonat lors de la fondation de l’Abbaye-sous-Dol, consacrant la victoire de ce dernier dans la région doloise232. Si André Ier n’est pas cité dans les actes d’Alain IV, il n’en reste pas moins très lié à ce duc. Son frère Guido témoigna, aux côtés du duc, lors de la donation de l’église de Brielles effectuée par Silvestre, l’évêque de Rennes, en 1087233. Plus encore, Robert II, le fils d’André Ier, était un fidèle compagnon de Conan III lorsque celui-ci était encore jeune. Gravement malade et sur le point de mourir, le futur duc alla faire quelques dévotions au pied de l’autel de l’abbatiale de Saint-Nicolas d’Angers en vue d’obtenir sa guérison. Qui trouvons-nous à ses côtés ? Son frère Geoffroy et Robert II de Vitré. En action de grâce, les trois juniors firent don d’une mèche de leurs cheveux234. Quant à Agnès, l’épouse d’André Ier, elle témoigne, avec son fils Hélie, dans deux actes de Conan III235. Enfin, en 1116, ce dernier confirma la donation d’André Ier de Notre-Dame de Vitré effectuée en faveur de Saint-Melaine236. Toutes ces précisions prouvent qu’à aucun moment Robert Ier et son fils, André Ier, ne se détachèrent du pouvoir comtal. Ils le servirent même avec un zèle remarquable.
64L’absence du comte lors de grandes fondations monastiques n’est donc pas révélatrice d’une émancipation des seigneurs. Mais alors, pour quelles raisons le prince souscrit-il certaines de ces donations et pas d’autres ? Si l’on prend bien garde au contexte général, la présence des comtes dans tel ou tel acte peut être expliquée. Ainsi, Conan II et son oncle Eudes suivirent attentivement les principales étapes de la fondation du prieuré de Saint-Sauveur-des-Landes par Main II de Fougères parce qu’ils étaient en train de réorganiser tout le secteur nord-est du Rennais en créant la seigneurie de Fougères. Mais les comtes sont aussi particulièrement présents là où un seigneur vient de se rallier à leur cause. Ainsi, Conan II ratifia, entre 1064 et 1066, l’acte de fondation du prieuré de la Sainte-Trinité de Combourg par Rivallon de Dol, juste après sa soumission au comte. Lorsque Geoffroy Grenonat réussit à s’imposer à Dol en 1076, il présida la fondation de l’Abbaye-sous-Dol par Jean de Dol en 1078-1079 afin de bien marquer son autorité. Par contre, là où le pouvoir princier n’était pas remis en cause, ou bien là où les événements politiques n’obligeaient pas le prince à se montrer particulièrement attentif, les seigneurs fondèrent des établissements monastiques, comme à Châteaubriant, Vitré ou La Guerche, sans que nécessairement l’autorité supérieure ait besoin d’y faire ressentir son pouvoir en ratifiant l’acte de fondation. Le comte y était reconnu de fait.
65Paradoxalement, le comte est mentionné dans les actes lorsqu’il veut imposer son autorité, soit pour restructurer un secteur de son comté, soit pour s’imposer à un turbulent vassal ; a contrario il ne faut donc pas voir dans son absence une quelconque perte de pouvoir. Pour renforcer notre analyse, reprenons rapidement l’ensemble des actes comtaux concernant le Rennais. Pour Alain III, onze d’entre eux s’adressent à l’importante fondation de Saint-Georges de Rennes ; trois ont été passés en faveur du Mont-Saint-Michel dans le nord du Rennais et sont à mettre en relation avec la guerre opposant Alain III aux comtes des Normands ; trois concernent la descendance des vicomtes d’Alet et ont été passés lorsque leur fidélité était chancelante. Les autres actes d’Alain III sont plus anecdotiques. Sous le gouvernement de Conan II, six de ses actes concernent la région de Fougères et rappellent l’importante politique ducale visant à renforcer ce secteur nord-est du Rennais ; deux sont en rapport avec le Vendelais, pagus minor où se dresse la nouvelle forteresse de Fougères ; trois visent la région de Combourg à une époque ou Rivallon Ier de Dol était particulièrement remuant. Un des principaux soucis de Geoffroy Grenonat fut de contrôler Dol. Cette préoccupation essentielle ressort nettement de la documentation puisque quatre sur onze de ses actes traitent de Dol et de sa région immédiate. Quant aux règnes d’Alain IV et de Conan III, les données sont différentes puisqu’ils gouvernèrent sur l’ensemble de la Bretagne et que le Rennais ne fut plus l’enjeu de conflits particuliers. Seulement un cinquième de leurs actes concerne le Rennais.
66Témoigner dans un acte comtal serait donc faire preuve de fidélité. En revanche, cette proposition n’est pas forcément réversible. Ainsi, l’absence d’une personne dans les actes comtaux ne signifie pas qu’elle soit en rupture avec le prince. Il en va de même au ixe siècle : Salomon, lorsqu’il contrôlait d’une main ferme toute la Bretagne, ne ratifiait pas tous les actes du monastère de Redon. Prenons un exemple parmi d’autres. Si le nom de Robert Ier de Vitré n’est pas mentionné dans l’acte de vente de Marmoutier d’un champ se situant à Marcillé par Goscelin, gendre du préfet Suhard237, n’en concluons pas que Robert avait perdu toute emprise sur cette localité. De nombreux textes prouvent même le contraire ! Ne l’oublions pas, les actes des moines n’ont pas été rédigés pour décrire les rapports unissant la noblesse du Rennais à son comte, même s’ils peuvent parfois transparaître dans leurs écrits.
67Parfois, à la faveur d’une notice un peu plus prolixe que d’habitude, nous apprenons, par exemple, que Geoffroy de Moutiers négocia avec les moines de Saint-Serge le prêt d’un palefroi ou d’un mulet une ou deux fois l’an pour se rendre à la cour comtale238. Il en est de même dans la région de Dol où le comte, dans la seconde moitié du xie siècle, semblerait briller par son absence si l’on consulte ses actes ou les listes de ses témoins. Cependant, il n’en est rien car un texte précise que Guillaume Goyon, Guigon, et Drigon prêtre, en conflit avec les moines du Mont-Saint-Michel, étaient prêts à se rendre au tribunal comtal de Rennes pour demander justice, mais ils n’en eurent pas l’occasion car ils s’étaient mis d’accord avant239. Citons encore la donation de l’église de Saint-Julien-de-Vouvantes, proche de Châteaubriant, confirmée par l’évêque de Nantes à la prière d’Alain IV240.
68D’autres indices montrent que la puissance comtale est reconnue par tous. Des actes à Ércé-près-Liffré, Domalain, Béré près de Châteaubriant, Pleine-Fougères, Gahard, Pléchâtel, Vitré, Fougères241…, mentionnent les règnes des comtes de Rennes selon une répartition uniforme dans le Rennais. C’est une preuve que leur autorité est pleinement acceptée. La rédaction d’un acte dans la capitale du comté, concernant la périphérie du Rennais, montre la même emprise du duc sur son territoire. Tel est le cas de la donation du lieu Chartrel en Moutiers dont l’acte fut conçu à Rennes, dans la chambre de l’évêque242. Les épouses243 ou les fils des comtes, les sénéchaux de Bretagne244, les chapelains comtaux245 figurent régulièrement comme témoins dans des actes là où l’on pourrait croire que la présence princière est très effacée. Ainsi, Alain, fils de Conan II, est mentionné à plusieurs reprises dans la suite de Giron de Châteaugiron, qu’il se trouve dans le Blésois, à Combourg ou à Antrain246. Eudes de Bourges et Rivallon, fils d’Alain III, témoignent dans les actes concernant la région de Châteaubriant247.
69Ainsi, ce tour d’horizon montre que l’autorité comtale est bien implantée sur l’ensemble du Rennais et que les plus puissants seigneurs reconnaissent – hormis quelques troubles passagés – la supériorité de leur suzerain. Reste à voir si la cour comtale de Rennes a su garder un effectif constant de ses membres et si le statut de ces derniers est toujours aussi prestigieux des règnes d’Alain III à Conan III. Si le nombre d’évêques chute dans les listes de témoins des actes de Conan II – ce qui correspondrait à la préréforme et réforme grégoriennes –, il n’en est pas de même pour les grands seigneurs laïcs. Ces derniers souscrivent avec une fréquence régulière les textes d’Alain III, Conan II et Geoffroy Grenonat. Les ancêtres des seigneurs de Vitré, Fougères et Aubigné témoignent dans un acte de donation effectuée par Alain III en faveur du prieuré de Gahard en 1008-1019248. Sont présents lors de la fondation du prieuré de la Sainte-Trinité de Combourg ratifiée par Conan II en 1064-1066, les sires de Dol-Combourg, de Châteaubriant, de Tinténiac et de La Guerche249. Et dans un acte de Geoffroy Grenonat figurent, entre 1066 et 1076, Olivier de Dinan, Robert de Vitré, Silvestre de La Guerche et Tehellus de Châteaubriant250. La qualité et le nombre des témoins sont tout aussi honorables ! Il n’y a donc guère d’indications permettant d’affirmer que les seigneurs châtelains se sont rendus autonomes par rapport à l’autorité comtale à la seule lecture des actes de la pratique. En effet, la plupart du temps, il existe toujours un indice indiquant que le prince contrôlait, de près de loin, les actions de ses vassaux, fussent-ils puissants.
Les doubles fidélités des seigneurs châtelains : souplesse et limite de leurs engagements
70Nous avons brossé un tableau de la puissance comtale que certains trouveront sans doute un peu trop simpliste. Il l’est assurément car il ne tient pas compte des multiples fidélités qu’un seigneur avait avec plusieurs princes. Parfois, elles pouvaient conforter les alliances tissées entre les grands. Elles ne peuvent donc pas, dans ces cas, servir d’armes politiques au profit des seigneurs châtelains afin de glisser d’une fidélité à une autre. Tel est le cas de la parenté des sires de Châteaugiron. Les deux fils connus d’Ansquetil s’installèrent dans trois secteurs différents. Geoffroy, semble-t-il le cadet, est présent dans la région de Dol où il possède plusieurs biens et droits. Il fréquentait la cour du comte de Rennes comme le prouvent les actes de Geoffroy Grenonat qu’il souscrivit251. Cette localisation doloise n’est pas sans lien avec l’alliance matrimoniale de Rivallon Ier de Dol-Combourg avec Aremburge du Puiset, fille de Gelduin vicomte de Chartres, et le mariage unissant le frère aîné de Geoffroy, Giron, avec Constance, également fille du même vicomte252. La vie de ce Giron fils d’Ansquetil est particulièrement intéressante à examiner. Il est très souvent présent dans le territoire maîtrisé par le comte de Blois. Le nécrologe de la cathédrale de Notre-Dame de Chartres précise que Giron Ier possédait une viatura de droit héréditaire dans cette région253. Il détenait également des droits sur l’église de Maves, localisée dans le pagus de Blois, dont il concéda une partie en fief à un certain miles nommé Obertus254. Le fils de Giron Ier, Geoffroy Ier, était établi au château de Gallardon (Eure-et-Loir, arrondissement de Chartres). C’est sans doute ce qui autorise Giron à dire qu’il avait des castella dans plusieurs provinces255. Mais Giron était avant tout attaché au Rennais comme l’indique une charte du cartulaire blésois de Marmoutier : il y est qualifié de miles du pagus de Rennes256. Ensuite, sa lignée s’implantera définitivement à Châteaugiron.
71Cependant, les différentes fidélités contractées entre seigneurs et princes ne furent pas sans conséquence lors des conflits opposant le comte de Rennes à ses puissants voisins. Les titulaires d’une seigneurie châtelaine purent utiliser à profit la compétition que se livraient les différents princes, dans le but de se préserver une marge de manœuvre. Ils pouvaient jouer sur plusieurs fidélités si l’autorité d’un grand contrariait trop leurs desseins. C’est notable pour les seigneurs qui furent attirés soit vers la Normandie, soit vers l’Anjou. L’exemple des descendants des vicomtes d’Alet est instructif à cet égard. Après leur ralliement à la cause du comte de Rennes, Conan II, les seigneurs de Dol-Combourg gardèrent quelques liens avec la puissance normande, notamment sous Geoffroy Grenonat. En effet, une des principales préoccupations de ce comte fut de rétablir son autorité dans la partie nord de son comté. Si les différents aspects de ces luttes d’influence ne sont pas connus en détail, il est troublant de constater que Guillaume, le fils de Rivallon, abandonna le statut de seigneur de Dol-Combourg pour revêtir, après 1066, l’habit monastique des moines de Saint-Florent de Saumur. En 1070, il en devint abbé. Son frère, Jean, lui succéda à la tête de cette double seigneurie. Après avoir activement participé en 1076, en collaboration avec Geoffroy Grenonat, à la défaite de l’archevêque de Dol, Juhel, et de Guillaume le Conquérant, Jean Ier de Dol devint, comme son frère, moine de Saint-Florent. Les circonstances de son entrée dans les ordres sont en partie connues. Elles se déroulèrent entre 1079 et 1083, c’est-à-dire sous le gouvernement de Geoffroy Grenonat et sous l’influence de Guillaume le Conquérant. En effet, lorsque Jean Ier de Dol-Combourg se fit moine, il donna la moitié de la terre de Céaux sise en Normandie à Saint-Florent. Ensuite, le don fut complété par Guillaume le Conquérant qui concéda, toujours à Céaux, une terre d’une charruée, deux vilains et deux salines, à la prière, précise la charte, de Guillaume et de son frère, Jean Ier de Dol257. Ces entrées dans la vie monastique et ces revirements d’alliances sont tout à fait révélateurs des tensions passagères entre les sires de Dol-Combourg et le comte de Rennes. Ces événements ne sont pas sans lien avec la politique de Geoffroy Grenonat, qui s’allia les sires de Tinténiac et de Dinan. Ces derniers étaient en conflit avec Rivallon Ier de Dol et sa descendance258. Même si les comtes de Rennes réussirent à dominer la région doloise à partir de 1076, les anciennes attaches avec la Normandie dans les années 1050 ne furent pas oubliées. Ils pouvaient ainsi être ravivés si les ducs de Normandie souhaitaient contrer l’autorité du comte de Rennes.
72De même, Raoul Ier de Fougères garda toujours, même après son ralliement au comte de Rennes, le chasement de Savigny qui fut donné à son père Main II par Guillaume le Bâtard en 1050/56. En 1112, Raoul se servit d’une partie de cette terre pour fonder l’abbaye cistercienne de Savigny. La donation fut même approuvée par le roi Henri Beauclerc259. Le second fils de Raoul Ier de Fougères, Henri Ier, augmenta la fondation de Savigny, en 1124, des terres de Moidrey et de Verdun sises dans l’évêché d’Avranches260. Les seigneurs de Fougères détenaient également d’importants biens tenus en fief en Angleterre261. Mais ils n’étaient pas les seuls à avoir noué de telles relations de vassalité par le biais de possessions outre-Manche. K.-S.-B. Keats Rohan a montré que les sires de Vitré, Aubigné, Dol et La Guerche étaient eux aussi inféodés à la couronne anglaise par la concession de terres262.
73Ces derniers seigneurs châtelains jouèrent davantage sur des rapports de vassalité en direction de l’Anjou. Leur assise dans la région de Pouancé provenait d’un mariage contracté avec une fille de Gautier Hai, fils de Hervé de Martigné. Ce dernier, après avoir préféré la fidélité angevine, reçut l’honor de Lorareis. Aux alentours de 1060, Geoffroy Martel lui confia le château de Pouancé dans le Craonnais263. En 1066, Hervé de Martigné s’allia franchement au duc de Bretagne qui tentait de reconquérir le Craonnais en lui ouvrant les portes de Pouancé. Les actes confirment très nettement cet attachement des sires de Martigné-Pouancé à la maison de Rennes. Hervé de Martigné collabora au gouvernement de Geoffroy Grenonat. Une notice de Marmoutier datée de 1066-1076 livre une indication intéressante à cet égard. Après avoir vendu un manse de terre jouxtant le château de Vitré avec l’accord de Robert de Vitré, Hervé de Martigné et son fils, Bertrand, allèrent à la cour du comte Geoffroy Grenonat pour obtenir l’accord de ce dernier, puis, précise le texte, Hervé et Bertrand reçurent de l’argent des moines en l’absence du comte264. Le successeur et fils de Hervé, Gautier Hai, se rendait toujours régulièrement au château de Vitré vers la fin du xie siècle alors que les sires de cette forteresse étaient de fidèles partisans des comtes de Rennes. Malgré cet attachement pour la cause rennaise, Gautier continua à porter le titre de dominus de Pouancé265. Il y concéda de nombreux dons. Son autorité s’étendait également sur l’honor de Lorareis266. Cependant, ces droits ne sont pas incompatibles avec la fidélité qu’il devait aux comtes de Rennes. En effet, les liens entretenus entre les deux principautés redevinrent étroits comme le montre l’union d’Alain IV avec Ermengarde, la fille de Foulques le Réchin, et l’influence que cette dernière eut sur la politique bretonne de la fin du xie siècle jusque dans la première moitié du xiie siècle. C’est ainsi qu’il faut comprendre le mariage d’Emma, la sœur de Gautier Hai, avec Guillaume de La Guerche, un inconditionnel des comtes de Rennes ; cette alliance porta ses fruits puisqu’elle fut à l’origine de l’union des seigneuries de Martigné, La Guerche et Pouancé entre les mains d’un seul personnage267.
74Mais la réunion de ces trois seigneuries ne correspond pas à trois places fortes majeures. Le château de Martigné fut, semble-t-il, rapidement abandonné au profit de celui de Pouancé, comme le montre l’absence de la mention dans les textes d’un château à Martigné et le peu de trace archéologique qu’il en subsiste. Ainsi, les vestiges de la forteresse de Martigné, composés d’un éperon barré et/ou d’une motte, livreraient un exemple de site quasiment figé dès le milieu du xie siècle. La Guerche présenterait un cas de figure à peu près similaire. En effet, aucun château majeur du Rennais ne perdura sous la forme d’un simple site à motte. Ils ont tous été transformés, sans doute dès le xiie siècle, assurément dès le xiiie siècle, en grandes forteresses de pierres. Or tel n’est pas le cas de La Guerche qui resta un château secondaire des sires de La Guerche-Pouancé. Pouancé devenant la principale forteresse de ces seigneurs, celles de Martigné et de La Guerche furent respectivement délaissée et reléguée à un rôle secondaire. D’ailleurs, aucun comte n’aurait permis une telle concentration de châteaux majeurs dans les mains d’un seul seigneur.
75La fidélité des seigneurs châtelains du Rennais, pour versatile qu’elle soit, respectait, somme toute, l’autorité comtale. Leurs séditions par rapport au pouvoir supérieur se déroulèrent toutes à la faveur d’un subtil report de fidélité : vers les ducs de Normandie pour les sires de Dol-Combourg et de Fougères, vers le comte d’Anjou pour Hervé de Martigné et, sans doute, vers le comte de Nantes, Mathias, pour Brient Ier de Châteaubriant. L’autorité princière, qu’elle soit bretonne, angevine ou normande, ne fut donc jamais vraiment remise en cause. De plus, ces situations de crise ne durèrent pas plus d’une douzaine d’années, comme ce fut le cas pour les seigneurs de Dol-Combourg et de Fougères. Le duc de Bretagne sut rétablir, à tout moment, la situation et rallier à sa cause les seigneurs du Rennais. Seul le territoire entre Sélune-Tronçon-Couesnon fut à tout jamais perdu. Nous sommes donc bien loin, dans le Rennais, du tableau catastrophique souvent dressé pour décrire l’autorité comtale. Les principaux enjeux politiques se déroulèrent entre comtes et leurs forces résidaient en la possibilité de pouvoir agréger autour d’eux les seigneurs châtelains. Ces derniers profitèrent ainsi des différentes luttes pour offrir leur fidélité à tel ou tel puissant contre une reconnaissance de leur pouvoir héréditaire sur la seigneurie châtelaine dont ils avaient la charge, et le don de quelques fiefs supplémentaires. Ces terres restèrent, la plupart du temps, toujours aux mains des seigneurs châtelains et constituaient certainement de futurs moyens de pression à la disposition des princes pour les fidéliser, au cas où les alliances entre grands viendraient à modifier le paysage politique. Mais en aucun cas, les seigneurs ne furent assez téméraires pour défier seuls le pouvoir princier.
Pour en finir avec l’anarchie féodale
76Les chroniques et les actes de la pratique permettent d’avoir une vision relativement précise des conflits entre les princes et de leurs répercussions sur le réseau castral. À ce niveau d’analyse, il est souvent nécessaire d’associer, aux sources écrites, les données archéologiques. Sans elles, il aurait été difficile de comprendre l’évolution de certains sites révélés tardivement par les actes (comme Marcillé connu seulement en 1161) ou mis en évidence uniquement grâce à la prospection archéologique (Martigné, Orange et Villavran). La méconnaissance de ces forteresses majeures aurait été préjudiciable à l’analyse de l’ensemble du phénomène castral car les rivalités entre princes sollicitent toujours plusieurs places fortes et l’édification ou l’abandon de l’une d’entre elles ne peut se comprendre qu’en fonction des autres. Cette étude montre que le comte est à l’origine d’un réseau castral structuré. Cette conclusion se rapproche de celles d’O. Guillot pour l’Anjou ou d’A. Chédeville pour le Chartrain268. Ainsi, « l’anarchie féodale » apparaît donc impropre pour qualifier le contexte socio-politique de ces régions au xie siècle et il ne semble pas pertinent, pour analyser le réseau castral, de prendre en compte tous les sites à motte, ceux-ci n’étant pas dans la plupart des cas des places fortes mais seulement des manoirs. Ces derniers ne participent pas non plus à la défense de quelque frontière : aucune concentration de manoirs à motte n’est notable aux confins du Rennais, pourtant si convoité par ses voisins normands ou angevins.
77Seuls les vicomtes furent assez puissants pour défier l’autorité comtale en édifiant des châteaux. N’oublions pas que certains, comme ceux d’Anjou, de Blois ou d’Auvergne, réussirent à transformer leur fonction en charge comtale au xe siècle269. Leurs moyens d’actions pouvaient donc être considérables. C’est sans doute la raison pour laquelle les princes furent particulièrement vigilants à leur égard. M. Garaud souligne que les vicomtes de Poitou eurent tendance à se détacher de l’autorité princière en fondant de puissantes seigneuries châtelaines270. En Bretagne, le processus semble être identique, à quelques nuances près. Les descendants des vicomtes d’Alet, dont le territoire englobait un immense espace pourvu de plusieurs places fortes, firent construire, de leur propre chef, au moins deux châteaux : Dol et Combourg. Une telle concentration de pouvoir inquiéta les comtes de Rennes. Une de leurs préoccupations majeures pendant une bonne partie du xie siècle fut de contrer leur velléité d’indépendance. Les vicomtes d’Alet durent finalement s’éclipser devant les comtes de Rennes et ceux de la région de Guingamp-Lamballe. Par contre, une partie de leur descendance réussit à faire valider par le prince leur charge de seigneurs châtelains. Une telle marge de manœuvre des vicomtes se retrouve en Bretagne. À Quimper, la rupture avec le comte se fit violemment271. Les vicomtes de Quimper, peut-être d’Herbauge et de Nantes, se replièrent respectivement au Faou, à Migron et à Donges272. Ce dernier transfert se termina par un cuisant revers puisque Conan III déshérita Savary, le descendant des vicomtes de Nantes, et fit raser son château vers 1125273. Seuls les vicomtes de Léon et de Rennes réussirent à maintenir leur rang : les premiers sans doute parce qu’ils détenaient un territoire peu convoité274, les seconds parce qu’ils surent négocier habilement avec le comte de Rennes pour se retirer dans la région de Josselin275. La puissance vicomtale, bien plus considérable au xie siècle que celle des simples seigneurs châtelains, pouvait menacer celle des comtes.
78L’analyse des enjeux politiques aide aussi à affiner la chronologie des châteaux et explique parfois leur évolution. L’ensemble des principales données a été réuni sous la forme d’un tableau synthétique. La moitié de ces châteaux serait donc sans doute antérieure au xie siècle ; seulement l’absence d’actes ne permet pas de le vérifier. Une des plus anciennes places fortes serait celle de Rennes. Elle pourrait remonter à la première moitié du xe siècle, quand le comte Bérenger, détenteur de cette cité, devait tenir en respect et les Scandinaves, et les Carolingiens276. Ces hypothèses ne doivent pas cependant surprendre. Certaines études montrent que le réseau castral est plus ancien que ne laisse apparaître le gonflement subit des actes du xie siècle. Ainsi, si 8 nouveaux châteaux surgissent en Auvergne au xe siècle, 26 sont antérieurs à cette époque. 3 castra sont connus en Poitou avant les invasions normandes, 9 se dressent déjà en Touraine à la fin du ixe siècle, 12 existent en Charente et 15 en Normandie à la fin du xe siècle. Dans le Mâconnais, le réseau castral comprend 16 châteaux et est achevé dès l’an mil277. M. Sot a su mettre à profit les écrits de Flodoard pour mieux saisir la chronologie d’apparition des châteaux dans l’évêché de Reims. Entre 883 et 925, les archevêques de cette cité construisent les premières forteresses distantes de 20 à 40 kilomètres les unes des autres. Puis, jusqu’en 948, le nombre des places fortes s’étoffe et forme un maillage d’une vingtaine de kilomètres278. À partir des diplômes royaux des années 877-936, R.-H. Bautier a mis en évidence l’élaboration d’un réseau de fortifications par les rois carolingiens et robertiens. Ces derniers abandonnèrent ou transformèrent, au tournant des ixe et xe siècles, les grands palais ruraux carolingiens en places fortes. Le règne de Charles le Simple (879-929) marque bien la fin de la civilisation du palais et l’émergence de celle du château279. Comme le souligne J. Barbier, « l’introduction d’éléments fortifiés dans les complexes palatiaux constitue des mutations politiques et topographiques suffisantes pour repérer, entre la fin du ixe siècle et les premières décennies du xe siècle, une césure significative280 ».
79Note *
80*
81S’il est probable que le réseau castral est antérieur au xie siècle, il est également significatif qu’il fut renforcé pendant la première moitié du xie siècle, et plus particulièrement vers les années 1040 et 1050, époque où le pouvoir de Conan II est mis à rude épreuve. Le gouvernement de Geoffroy Grenonat fut tout aussi perturbé puisque ce prince fut fait prisonnier par Alain IV en 1084 puis acheva sa vie en résidence forcée ; cependant, mis à part un renforcement des fortifications de sa cité en 1067-1077281, ce comte de Rennes n’a, semble-t-il, aucune nouvelle place forte à mettre à son actif. Tout se passe comme s’il y avait eu un engouement subit pour l’édification de châteaux aux alentours de 1050 avant que celui-ci ne s’arrête pendant plus d’un siècle. Il y a là un état de fait ne se retrouvant pas aussi nettement dans beaucoup d’autres régions : le réseau de places fortes a continué à s’élaborer, sans interruption, en Bourgogne ou en Normandie282.
82D’autre part, les analyses archéologique et historique montrent que près d’un tiers des châteaux a été relégué à un moindre rôle ou a été déclassé, c’est-à-dire qu’ils ont perdu leur rang de forteresses majeures. Le réseau castral était donc dynamique, au moins jusque dans la première moitié du xie siècle. Le comte pouvait remodeler le maillage castral selon les nécessités du moment : lors de la restructuration du nord-est du Rennais, les sites d’Orange et de Villavran furent abandonnés au profit de celui de Fougères283. De même, la concentration de plusieurs châteaux aux mains d’un même seigneur était considérée comme dangereuse par le comte si bien que certains tinrent rapidement un moindre rôle. L’exemple de La Guerche, Martigné et de Pouancé, contrôlés par les mêmes sires, le montre. Les deux premières places fortes furent déclassées et Pouancé devint la principale forteresse. N’oublions pas que le contrôle de deux châteaux par Rivallon Ier de Dol amena le prince à intervenir à plusieurs reprises à Combourg et à Dol. Il en est de même lorsque Henri II Plantagenêt s’imposa en Bretagne : la réunion des places fortes de Dol, Combourg et Fougères sous le pouvoir de Raoul II de Fougères, entraîna par deux fois (1166 et 1173) la venue de l’armée royale et la destruction de ces forteresses284. Seul le comte de Rennes, qui était en même temps duc de Bretagne (sauf sous Geoffroy Grenonat), pouvait contrôler plusieurs châteaux à la fois. Il tenait les places fortes de Rennes et de Hédé dans le Rennais, ainsi que d’autres forteresses dans les autres comtés de Bretagne, comme à Vannes, Nantes…
83Cependant, malgré le contrôle du comte sur le réseau castral, les seigneurs conservèrent une certaine autonomie, notamment par le biais des transferts de fidélité d’un prince à un autre. Mais en cela, rien de révolutionnaire ! De tels procédés ne caractérisent pas le xie siècle. Ils furent aussi utilisés au xe siècle comme au ixe siècle. Rappelons pour mémoire la lutte féroce que se livrèrent Pascweten et Gurwant vers 875 : les guerriers de ce dernier l’abandonnèrent car les ressources du royaume allaient à Pascweten285. Les nombreux conflits opposant les comtes de Rennes et de Nantes, par l’intermédiaire, dans un premier temps, des Carolingiens et des Robertiens, puis des maisons de Blois et d’Anjou, ont dû faire l’objet de nombreuses tentatives de ce genre. Seulement, la documentation, très pauvre pour ces époques, n’en a pas gardé la trace. Ces multiples fidélités connues au xie siècle ne suffisent donc pas à expliquer l’enracinement des seigneurs sur une châtellenie. Elles ne permettent également pas de les qualifier d’indépendants car un seigneur, s’il peut choisir son clan à la faveur d’un conflit, ne peut pas s’émanciper de toute tutelle princière. En cela, nous suivons l’analyse de D. Barthélemy pour le xie siècle286. L’autonomie châtelaine est bien une notion impossible à concevoir dans un monde féodal hiérarchisé ; il existe seulement des marges de manœuvre plus ou moins importantes pour les seigneurs châtelains.
Notes de bas de page
1 A. Debord, La société laïque…, p. 451-453.
2 O. Guillot, Le comte…, t. I, p. 431-433.
3 D. Barthélemy, La société…, p. 272-364 et 507-622.
4 Nous livrons un tableau généalogique des comtes de Rennes pour que le lecteur puisse suivre avec plus d’aisance leur politique.
5 Pour l’action de Henri II dans le Rennais, cf. M. Brand’Honneur, « Seigneurs… ».
6 J.-P. Brunterc’h, « Puissance… », p. 57 ; O. Guillot, Le comte…, t. I, p. 11.
7 A. Chédeville, « Un millénaire… », p. 383 ; O. Guillot, Le comte…, t. I, p. 42.
8 J.-P. Brunterc’h, « Puissance… », p. 57-58.
9 J.-F. Lemarignier, Recherches…, p. 117.
10 H. Guillotel, « Le premier siècle… », p. 80 ; O. Guillot, Le comte…, t. I, p. 43 ; B. Lemesle, La société aristocratique…, p. 24.
11 Dom Morice, 417-419 ; Cartulaire de l’abbaye de Redon…, app. 60.
12 H. Guillotel, « La place… », acte I, rédaction 1.
13 J.-P. Brunterc’h, « Puissance… », p. 29-82 ; C. Bouvet, « À propos… », p. 77-105 ; H. Guillotel, « La place… », p. 5-46.
14 J.-P. Brunterc’h, « Puissance… », p. 34, 62.
15 H. Guillotel, « La pratique du cens… », acte II-1.
16 J.-P. Brunterc’h, « Puissance… », p. 63, note 212.
17 Dom Morice, 419 à 421 ; Dom Lobineau, 192.
18 H. Guillotel, « La place de… », acte I, rédaction I.
19 Ibidem, p. 8-9.
20 J.-P. Brunterc’h, « Puissance… », p. 34-35.
21 Ibidem, p. 56-60.
22 H. Guillotel, « La place… », acte I, rédaction 1.
23 Chronique de Quimperlé…, p. 103.
24 H. Guillotel, « La place… », p. 8.
25 Ibidem, p. 10-11.
26 Hamon Ier est mort vers 1030. Sa fille Innoguent décède entre 1064 et 1066 (id., p. 9). Par ailleurs, Brient est témoin, sans sa mère, d’un acte de Conan II daté au plus tard de 1045-1047 ; il dut naître vers 1030 (Guillotel, 46). Rien ne s’oppose donc à dater la naissance d’Innoguent vers 1000 et son mariage avec Teuharius dans les années 1020 environ.
27 J.-P. Brunterc’h, « Puissance… », p. 58-59 ; ADIV 1F1003, f° 167.
28 Guillotel, 46.
29 Dom Morice, 528. Pour la reconnaissance de Goscho cf. J.-P. Brunterc’h, « Puissance… », p. 69, note 250.
30 H. Guillotel, « La place… », acte I.
31 Guillotel, 53.
32 ADIV, 6H33, 4.
33 J.-P. Brunterc’h, « Puissance… », p. 66-67 ; J.-C. Meuret, « Le poids… », p. 107-119.
34 ADIV, 6H33, 4 ; Dom Morice, 415.
35 J.-P. Brunterc’h, « Puissance… », p. 58-70.
36 J.-C. Meuret pense que le père de Hervé de Martigné est identifiable à un de ces deux archidiacres. Nous sommes dubitatif par rapport à une telle hypothèse, cf. « Le poids… », p. 108, note 51.
37 Dom Morice, 419 à 421 ; Dom G.-A. Lobineau, Histoire…, t. II, col. 192.
38 Le château se situe au sud du Semnon servant de limite au Rennais.
39 Cf. p. 68-69.
40 « Rivallono vicedomino », Guillotel, 24. Nous remercions J.-P. Brunterc’h d’avoir attiré notre attention sur cette mention.
41 Deux évêques de Rennes du début du xie siècle portent les noms de Gautier et Triscan. Ils étaient issus du même père, Thibaud, lui aussi évêque de Rennes. Dom Morice, 353.
42 Guillotel, 10, 13, 19, 22, 23, 24, 28, 30, 31, 34, 37, 38, 42 auxquels nous ajoutons une notice concernant Marcillé, Dom Morice, 386-387.
43 « Rivellonius, provinciæ Redonensis miles », Guillotel, 23.
44 Ibidem, 28.
45 Ibid., 13, 22, 23, 30, 31, 43 ; Dom Morice, 386-387.
46 $. Judhalis archiepiscopi./$. Walterii vicarii./$. Brienti./$. Gauscelini./$. Rivelloni. », Guillotel, 46. On le retrouve également dans un acte concernant Romagné, Guillotel, 49.
47 Ibidem, 53.
48 Ibid., 23.
49 Dom Morice, 386-387.
50 BN, ms lat. 5441, t. 3, p. 287.
51 ADIV, 1F1801, 19 ; Dom Morice, 403.
52 BN, ms lat. 5441, t. 3, p. 285.
53 Cartæ de Carbaio…, p. 1.
54 ADML, H3713 f° 86v ; Dom Morice, 463.
55 Guillotel, 45.
56 Chronicon Nannetense, dans Dom Morice, 147-148.
57 ADIV, 1F1801, 18.
58 «…Roberto Vitreiensium custode… », Guillotel, 53.
59 Cf. p. 98-99.
60 M. Brand’Honneur, « Le lignage… », p. 69-70.
61 O. Guillot, Le comte…, t. I, p. 290 et 335-338.
62 J.-C. Meuret, Peuplement…, p. 210-224, 205-206 ; G. Leroux et A. Provost, L’Ille-et-Vilaine…, p. 64, 340-341.
63 Les différents épisodes de ces conflits ont été récemment étudiés par J.-P. Brunterc’h, « Geoffroy Martel, Conan II et les comtes bretons Eudes et Hoël de 1055 à 1060 », dans Mondes de l’Ouest…, p. 311-324.
64 Cartæ de Carbaio…, p. 5 et 10 ; J.-P. Brunterc’h, « Puissance… », p. 67.
65 ADIV, 6H33, 4 ; Dom Morice, 415.
66 Guillotel, 68 et p. 239, note 1.
67 J.-C. Meuret, « Le poids… », p. 111, note 61.
68 Dom Morice, 353.
69 Dom Morice, 673.
70 Ibidem, 673.
71 ADIV, 1F160, 6.
72 Dom Morice, 529 ; A. Guillotin de Corson, Pouillé…, t. V, p. 532-533.
73 Ibidem, t. I, p. 116-117 et 122.
74 J.-C. Meuret, Peuplement…, p. 541 ; Dom Morice, 673.
75 J.-C. Meuret, « Le poids… », p. 105-106.
76 J.-P. Brunterc’h, « Puissance… », p. 62.
77 On ne peut pas se référer à la table de l’Église de Rennes citée plus haut (Dom Morice, 353) dans laquelle Mainguené est surnommé de La Guerche car les hommes du Moyen Âge avaient tendance à dénommer leurs ancêtres par la même indication toponymique que la leur, même si la localisation initiale de leur parenté était autre.
78 Guillotel, 27, 28.
79 Ibidem, 35.
80 Ibid., 68.
81 Les six actes dans lesquels est mentionné Silvestre émanent tous de Conan II. Ibidem, 45, 54, 55, 56, 66, 68. On peut également rajouter deux actes de Berthe, l’épouse du duc Alain III, qui ont été rédigés juste après la mort de Conan II survenue en décembre 1066. Ibid., p. 239, note 1 ; Dom Morice, 408, 427-428.
82 H. Guillotel, « Des vicomtes d’Alet… », p. 205-207. Main intervient en tant qu’évêque de Rennes en 1047.
83 Cartæ de Carbaio…, p. 5.
84 «…Roberto Vitreiensium custode… », Guillotel, 53.
85 ADIV, 1F1801, 18.
86 Cartæ de Carbaio…, p. 1-2.
87 K.-S.-B. Keats Rohan, « Crime… », p. 25-30
88 La conquête de la terre de la Primaudière en Juigné, près de Châteaubriant, mentionnée dans un acte de Redon de 1095, fut le fait de Gautier Hai, seigneur du château de Pouancé et fils de Hervé de Martigné. Elle se fit, d’après les moines de Redon, par le fer de sa propre lance et avec beaucoup d’effusion de sang. « G. Hai, gravi infirmitate cumpulsus, illum accersiri precepit, dicens quod recordatus fuerat qualiter ferro proprie sue lanceæ et multa effusione sanguinis suorum et aliorum Primauderiam adquisierat. », Redon, f° 182v. Comme le souligne J.-C. Meuret, ce conflit vise le seigneur de Châteaubriant : J.-C. Meuret, Peuplement…, p. 396. Comme l’acte fut rédigié longtemps après ces événements, il ne serait pas impossible que cette conquête soit à replacer dans le cadre de ce conflit.
89 Guillotel, 66 ; H. Guillotel, « La place… », p. 10.
90 BN, nouv. acq. lat. 1930, f° 62v-63r.
91 Guillotel, 109, 108, 114 ; « Chartes nantaises… », acte IV.
92 H. Guillotel, « Les origines de Guingamp… », p. 81-100.
93 Cf. l’arbre généalogique de la descendance de Hamon Ier dans H. Guillotel, « Des vicomtes d’Alet…», p. 214. Il faut rajouter le bâtard Salomon qui est mentionné dans l’enquête par Tourbe de 1181 de l’évêché de Dol. Allenou, 7.
94 Dinan ne faisant pas partie du secteur examiné dans ce travail, nous ne nous attarderons pas sur ce Gauzlin. Pour plus de détails, cf. M. Jones, The Family of Dinan…
95 Aujourd’hui Châteauneuf-d’Ille-et-Vilaine.
96 Allenou, 5.
97 Saint-Georges, 13.
98 A. Guillotin de Corson, Pouillé…, t. V, p. 361-363 ; A. Chédeville et N.-Y. Tonnerre, La Bretagne…, p. 124-125.
99 S. Hinguant, Les mottes…
100 G. Souillet, « Noyelle… », p. 401.
101 castellum de Noa. BN, ms lat 5476, p. 46.
102 G. Souillet, « Noyelle… », p. 401 ; Dom Morice, 492 ; Saint-Melaine f° 7.
103 Il s’agit de Rodaldus fils de Constantini et de Hildrocus. Cartulaire de l’abbaye de Saint-Aubin d’Angers…, 677 ; Saint-Georges, 13.
104 H. Guillotel, « Les origines… », p. 81-100.
105 Plouasne se situe à 30 kilomètres au sud de Châteauneuf et à 15 kilomètres à l’est de Hédé. ADML, H3713, f° 75v-76r.
106 ADML, H3713 f° 88v-89r.
107 S’ensuivit la célèbre cavalcade de 1064 de Guillaume le Bâtard à Dol, Dinan et Rennes.
108 « Noverit posteritas futura castellum quod Gaufridus Salomnis filius edificat in Nulliaco…», Saint-Georges, 13.
109 Les vicomtes de Léon portent le nom de Guiomarch. H. Guillotel, « Les vicomtes de Léon… », p. 51.
110 Respectivement, Harduin (Saint-Georges, 5), Rafredus, prêtre de Tinténiac (Saint-Georges, 3, 30, 32 et 43), Constantinus (Saint-Georges, 5), Hidrochius (Saint-Georges, 3, 30 et 32).
111 Cartulaire de l’abbaye de Saint-Aubin d’Angers…, 677.
112 Sans doute une motte. Cf. F. Le Boulanger, l’évolution…, p. 133-136.
113 L’acte d’autorisation de la construction du château de Tinténiac se fit vraisemblablement sous le gouvernement de l’abbesse Adèle, c’est-à-dire entre 1024 et 1067 (Saint-Georges, 5). Une telle autorisation n’est pas concevable sous le gouvernement d’Alain III et pendant la première partie du règne de Conan II, ce qui repousserait sa datation après 1047. Le cadre politique étant identique à celui de Châteauneuf, l’acte daterait des années 1047-1057. Ces remarques ne contredisent en tout cas pas ce que nous savons de Donoal, l’homme qui construisit ce château, et de son fils, Guillaume. Donoal vivait, grosso modo, entre 1020 et 1050. Son fils, Guillaume, lui succéda. Il apparaît la première fois dans un acte de Marmoutier en 1064/66 (Guillotel, 66). Guillaume disparaît des actes après 1085. Saint-Georges, 3, 5 ; La Borderie, 20. Sur les seigneurs de Tinténiac cf. H. Guillotel, « Combour…», p. 280.
114 Saint-Georges, 29.
115 Ibidem, 29.
116 G. Leroux et A. Provost, L’Ille-et-Vilaine…, p. 72, 125 et 258.
117 Il s’agit encore d’un transfert de château, d’un site à motte à une forteresse de pierres. P. Banéat, Le département…, t. I, p. 376-377.
118 Guillotel, 28.
119 Aucune trace archéologique notable n’a été signalée dans cette commune. La dédicace de l’église paroissiale, saint Nicolas, remonte au Moyen Âge central. Seule la mention d’une chapelle, se trouvant dans le faubourg de la Carrée, ayant un cimetière, une foire et placée sous le vocable de saint Denis, pourrait garder le souvenir d’un ancien sanctuaire. On y prononçait encore en 1572 les sacrements de mariage. A. Guillotin de Corson, Pouillé…, t. IV, p. 391.
120 H. Guillotel, « Le manuscrit », dans Redon, p. 23.
121 Notæ monasterii Montis Sancti Michælis…, p. 578.
122 L’acte de destitution de Mainard II par Richard II ne laisse aucune illusion quant à sa teneur politique. Une charte montoise prétend que cet abbé était trop âgé. Cependant, on le retrouve toujours à la tête de l’abbaye de Redon après 1009 ! Guillaume de Jumièges, Gesta…, p. 88-89 ; Recueil des actes des Ducs de Normandie…, 12 ; H. Guillotel, « Le manuscrit », dans Redon, p. 23.
123 On sait qu’Olaf fut accueilli par Richard II à Rouen. R. Couffon, « À quelle date… », p. 25-33 ; F. Neveux, La Normandie…, p. 76.
124 Guillotel, 10.
125 H. Guillotel, « Le manuscrit », dans Redon, p. 16.
126 Alain III maîtrisait encore ce territoire puisqu’il dota l’abbaye de Saint-Georges de Rennes d’un moulin sis à Pontorson au plus tôt en 1024. Il en fut dépossédé, au plus tard en 1026, lorsque le duc des Normands effectua une importante donation au Mont-Saint-Michel de terres se situant au sud de la Sélune. Guillotel, 32 ; Recueil des Actes des Ducs de Normandie…, 49.
127 J.-F. Lemarignier, Recherches…, p. 118.
128 Chéruel en Sacey, canton de Pontorson. Il reste un très important retranchement rectangulaire de 100 à 110 m de côté. Il est délimité par d’impressionnants talus-fossés formant un dénivelé d’au moins 10 m à certains endroits. Ce château, construit sur une hauteur, a été malheureusement très endommagé par l’exploitation d’une carrière de pierres. C’est à H. Guillotel que l’on doit cette identification dans « Le premier… », p. 81.
129 Avec l’aide d’Alain Canhiart, le comte de Cornouaille. Une notice de Landévennec, relatant le don de Tref Tudoc, précise que le comte se hâtait à la rescousse d’Alain III contre les Normands. Cartulaire de Landévennec, éd. Par A. de La Borderie…, 48.
130 Guillaume de Jumièges, Gesta…, p. 105-106 ; VI, 9, p. 109-110 et VI, 10, p. 110 ; J.-F. Lemarignier, Recherches…, p. 117-119 ; H. Guillotel, « Le premier… », p. 81.
131 Guillotel, p. LXXXV.
132 Ibidem, 17.
133 Dom Morice, 353.
134 Guillotel, 47, 50 ; ADIV, 6H33, 3 ; Mont-Saint-Michel, f° 75 ; Dom Morice, 398.
135 Guillotel, 47.
136 K.-S.-B. Keats Rohan, « Crime… », p. 28-30.
137 Mont-Saint-Michel, f° 75.
138 Tel fut peut-être le sort de la Chattière comprenant une des rares mottes campée sur un site défensif. Il aurait été contrôlé par les Le Chat, puissante parenté liée aux seigneurs de Dol-Combourg.
139 Guillotel, 47.
140 Main Ier est cité dans la charte-notice de Conan Ier datée de 990. Ibidem, 6.
141 Ibid., 47.
142 Ibid., 46.
143 Sept actes de Main II lui sont consacrés. Guillotel, 46 ; Dom Morice, 393 ; ADIV, 6H33, 2, 4, 5.
144 Main II, son épouse Adélaïde et son fils Juhel y furent enterrés. « Documents inédits…», 9 à compléter avec Dom Morice, 423-424.
145 L’église de Romagné faisait partie héréditairement du domaine de Main II. Ceci fut prouvé par témoignage de vieillards. Guillotel, 48, 49.
146 Ibidem, 52.
147 Ibid., 10, 13 et 19.
148 Ibid., 24.
149 Ibid., 46, 47, 49, 50 et 52.
150 J. Boussard, qui ignorait exactement la date du conflit opposant Alain III aux ducs normands, précise que ce comté fut fondé pour stabiliser la nouvelle frontière entre les deux duchés, dans « Le comté de Mortain…», p. 255-256.
151 Guillotel, 46, 50 et 52.
152 Dom Morice, 398.
153 ADIV, 6H33, 3. Cf. p. 285.
154 Guillotel, 50.
155 Il ne serait pas impossible que le complexe fortifié d’Orange en Vieux-Vy ait joué, comme celui de Villavran en Louvigné-du-Désert, un moins grand rôle après la restructuration du nord-est du Rennais. ADIV, 6H33, 3.
156 Arch. départ. du Calvados, F5276 ; Recueil des Actes des Ducs de Normandie…, 159 ; Cartulaire manceau de Marmoutier…, 7 ; H. Guillotel, « Bretagne… », p. 276.
157 « Et quod turris ædificata est vi et contra voluntatem archiepiscopi. », Allenou, p. 534-535. E. Duine attribue à tort la construction de cette tour à Jean II de Dol. Pour justifier son hypothèse, il prétexte une bulle d’excommunication d’Adrien IV datée du 20 décembre 1154 à l’encontre de ce seigneur. Mais ce texte ne mentionne pas la raison précise de l’acte du pape pas plus que la construction d’une quelconque tour. E. Duine, « La métropole… », t. 32, 1917, p. 527-528 ; Dom Morice, 626.
158 Recueil des Actes des Ducs de Normandie…, 160 et 161.
159 Tous ces biens se situent en Normandie, juste à la frontière de la Bretagne. Cet acte est daté de 1050 à 1064 par M. Fauroux. La présence du comte de Mortain, Guillaume, permet de resserrer la fourchette chronologique aux années 1050-1055/56. Cf. sur la date de déposition du comte de Mortain, Guillaume : J. Pouëssel, « Les structures militaires… », p. 26 ; Recueil des Actes des Ducs de Normandie…, 162 ; Dom Morice, 393, 470-471.
160 Recueil des Actes des Ducs de Normandie…, p. 27.
161 Guillotel, 57, 65.
162 Guillaume de Poitiers, Histoire…, p. 108-109.
163 La tapisserie de Bayeux…, scènes 16-17.
164 Guillaume de Poitiers, Histoire…, p. 110-113. Le récit narré sur la broderie de Bayeux travestit quelque peu la réalité en montrant Conan s’enfuyant à l’aide d’une corde de la tour de Dol. Ceci est impossible car Conan n’avait pas eu le temps de prendre la tour. La tapisserie de Bayeux…, scène 18.
165 Ibidem, scènes 18-19.
166 Ibid., scènes 19-20.
167 Tout au plus, le siège de Dinan, s’il eut bien lieu, pourrait faire référence, soit au soutien d’Olivier de Dinan, neveu de Rivallon de Dol, à la cause de Conan II, soit à la situation inverse, c’est-à-dire à la prise par Conan du château de Dinan qui aurait été alors repris par Guillaume le Bâtard. K.-S.-B. Rohan Keats se rattache à cette dernière vision des événements, dans « Le problème… », p. 58.
168 Guillaume de Poitiers, Histoire…, p. 112-113.
169 Ibidem, p. 112-113.
170 Rivallon effectua une autre donation en faveur de Marmoutier sous l’égide de Conan II. Mais l’imprécision chronologique de ce texte empêche de savoir s’il date d’avant la révolte de Rivallon Ier vis-à-vis de Conan ou après leur réconciliation. Guillotel, 65, 66.
171 ADIV, 6H33, 4.
172 Raoul était fort jeune dans les années 1060. Lorsqu’il témoigna dans un acte de son frère aîné Juhel passé vers 1064, il est dit puer. Il dut naître peu de temps après le décès de son père car il ne figure même pas dans ses actes. ADIV, 6H33, 4 ; Dom Morice, 393, 405, 470-471 ; Recueil des Actes des Ducs de Normandie…, 162.
173 « de Filgeriis, Hubertus filius Tualdi, Bloc frater ejus…», Guillotel, 68 et p. 239, note 1.
174 Conan II aurait pris les châteaux de Pouancé, Segré, assiégé Châteaugontier, pour enfin terminer sa course à Craon. Cf. J.-C. Meuret, Peuplement…, p. 309. Sur ce point, nous sommes relativement critique par rapport au récit de Guillaume de Jumièges. Ce dernier prétend que Conan fut empoisonné par les hommes de Guillaume pendant que le duc des Bretons assiégeait Châteaugontier. Pourquoi pas ? Mais il est plus difficile d’accepter les raisons de ce meurtre. Toujours selon le même auteur, Conan II aurait envoyé un message à Guillaume le mettant en demeure de lui rendre la Normandie sinon il la prendrait lui-même par les armes. Ce récit n’est pas crédible. Conan II n’aurait pas été assez fou pour envisager d’attaquer les puissances normandes et angevines en même temps ! Guillaume de Jumièges, Gesta…, livre VII, chap. 33.
175 Cf. H. Guillotel, « Une famille bretonne…», p. 361-367 ; M. Jones, « Notes sur quelques familles…», p. 73-97 ; K.-S.-B. Keats Rohan, « Le problème… », p. 45-69.
176 Guillotel, 67.
177 « Gaufridus Redonensis comes, ab hostibus suis se circumventum videns, in valenti prato Sancti Georgii, quod est juxta fluvium Vicenonie, quoddam vallum ut esset munimen sue civitati operatus est », Saint-Georges, 45.
178 Sur l’enchaînement de ces faits guerriers, cf. H. Guillotel, « Bretagne… », p. 277-281.
179 ADML, H3713 f° 75v-77v ; J.-P. Brunterc’h, « Geoffroy Martel… », Mondes de l’Ouest…, p. 322-323.
180 Annales Floriacenses, éd. par A. Vidier, dans l’historiographie à Saint-Benoît-sur-Loire…, p. 219 d’après H. Guillotel, « Le premier… », p. 76, note 79 et p. 77.
181 Les sources de ces textes sont mentionnées dans H. Guillotel, op. cit., p. 76, note 83.
182 ADIV, 1F1003, fol. 76. Texte publié et traduit par H. Guillotel dans « Les origines du ressort de l’évêché de Dol », MBSHAB, t. 54, 1977, p. 42, note 34.
183 Dom Morice, 347.
184 K.-F. Werner, « L’acquisition… », p. 270-271.
185 R. Couffon, « À quelles dates… », p. 25-33 ; Guillaume de Jumièges, Gesta…, t. II, p. 26.
186 H. Guillotel, « Des vicomtes d’Alet… », p. 201-215.
187 « Guingueneus vero archiepiscopus dedit Ruelloni frati suo quidquid Asculfus de Sulineio habet, cum uxore, in territorio Doli, scilicet feuda XII militum, […]. Castellum etiam de Comborn fecit et dedit eidem Ruelloni », Allenou, 7.
188 Conan II nomma ce dernier au siège épiscopal de Rennes vers 1047. H. Guillotel, « Des vicomtes d’Alet… », p. 201-215.
189 Guillotel, 18, 22, 35, 42.
190 Orderic Vitalis, Historiæ…, p. 369 ; Recueil des Actes des Ducs de Normandie…, 97 ; A. Oheix, « Date de la mort…», p. 93-100.
191 Guillotel, 46, 47 et 49.
192 ADML, H3713 f° 75v-77v.
193 Guillotel, 61.
194 ADML, H3713 f° 75v-77v.
195 J. Geslin de Bourgogne et A. de Barthélémy, Anciens évêchés…, t. 4, p. 300-301.
196 ADML, H3713 f° 79r.
197 H. Guillotel, « Des vicomtes d’Alet… », p. 213-214.
198 Dom Morice, 455.
199 Orderic Vitalis, Historiæ…, t. 5, p. 90.
200 Guillotel, 92, 112, 113, 122, 136, 139 ; Dom Morice, 508. André de Vitré apparaît une dernière fois en 1121 dans un acte concernant Marcillé-Robert. BN, ms lat. 5441, t. 3, p. 286.
201 Guillotel, 136. Un texte isolé chronologiquement fait intervenir une dernière fois André Ier en 1139 (Dom Morice, 578). Cette date paraît surprenante car, pour le seigneur le plus mentionné des actes du Rennais, nous serions sans nouvelle de lui pendant 18 ans. Son fils, Robert II, semble bien lui avoir succédé en 1130-1131 et une charte de Conan III de 1132 parle d’André Ier au passé, comme s’il était décédé (Guillotel, 139). La datation de MCXXXIX relèverait pour nous d’une erreur de transcription d’un acte que nous ne connaissons plus que par la publication de Dom Morice.
202 Guillotel, 139.
203 « Acta sunt hec in camera comitis apud Vitreium », op. cit., 145.
204 A. de La Borderie, « Les paroisses… », 4 ; Vitré, 121, 122.
205 P. Le Baud, Chroniques…, p. 14-27.
206 La Roë, 60.
207 F. Neveux, La Normandie…, p. 498-513.
208 M. Brand’Honneur, « Le lignage… », p. 81-83 ; du même auteur, « Seigneurs… ».
209 H. Guillotel, « La place… », acte IV.
210 Dom Morice, 424-425.
211 H. Guillotel, « La pratique du cens… », acte II-1.
212 Dom Morice, 529.
213 Guillotel, p. 239 note 1 ; Dom Morice, 408 ou 427-428 ; BN, nou. acq. lat. 1930, f° 62 ou Dom Morice, 477 ; Saint-Georges, 17.
214 A. Guillotin de Corson, Pouillé…, t. I, p. 54-55.
215 Guillotel, 96, 99.
216 Chartes de Saint-Julien de Tours…, acte 54 ou Dom Morice, 508.
217 Guillotel, 151.
218 ADIV, 1F1801, 18 ; Dom Morice, 424-425.
219 M. Brand’Honneur, « Le lignage… », p. 74-75.
220 Guillotel, 53.
221 Ibidem, 57.
222 K.-S.-B. Keats Rohan, « Crime… », p. 25-30.
223 Guillotel, 64 et 68.
224 Dom Morice, 403 ; ADIV, 1F1801, 19.
225 Dom Morice, 403-404.
226 Saint-Serge, 25.
227 Dom Morice, 403 ; ADIV, 1F1801, 15.
228 Après quelques témoignages dans les actes de Vitré, ils disparurent complètement au début du xiie siècle de cette région. Un vicomte Suhard, fils d’Eudes, est cité en 1202 et la Rupes Suhart en 1190. Dom Morice, 718 ; C. Amiot, Lignages…, p. 45.
229 ADIV, 1F1801, 18 ; Dom Morice, 424-425.
230 Dom Morice, 408, 427-428, 477 ; Guillotel, p. 239, note 1 ; BN, ms lat. 5441, t. 3, p. 455-456, nouv. acq. lat. 1930 f° 62v-63.
231 L’acte est daté entre 1052 et 1067/76. Recueil des actes de Philippe Ier…, 35.
232 ADML, H3713 f° 75v-76r.
233 Guillotel, 92.
234 Ibidem, 112.
235 Ibid., 113 ; Dom Morice, 508.
236 Guillotel, 122.
237 ADIV, 1F1801, 14.
238 Saint-Serge, 315.
239 Mont-Saint-Michel, f. 70-71.
240 « Chartes nantaises de Saint-Florent… », 4.
241 Redon, f° 163 ; ADML, H3713 f° 64, 86v ; Saint-Melaine, 18 ; ADIV, 1F529, 99/2 et 1F528, 7 ; « Cartulaire des évêques de Nantes… », p. 108-109 ; Dom Morice, 481-482.
242 H. Guillotel et J.-C. Meuret, « Chartrel… », p. 65-69.
243 Ermengarde, épouse d’Alain IV, est présente lors d’une donation de l’église de Saint-Germain-du-Pinel, située près de Vitré. L’acte fut passé à La Guerche. BN, ms fr 22322, p. 415.
244 Mainfinit, sénéchal de Bretagne, donna une terre près de Châteaubriant aux moines de Béré. L’aumône fut autorisée par Tehellus, le seigneur supérieur de ce bien. A. Oheix, Étude juridique…, acte 10.
245 Citons notamment Rannulfus, chapelain du comte, qui est témoin dans des actes concernant Chelun, Fougères, Martigné, Janzé et Éancé. « Documents inédits… », 8 et 8bis ; ADIV, 6H33 ; BN, ms lat. 5441 p. 317.
246 Marmoutier. Cartulaire Blésois…, 68, 69 ; Cartulaire de l’abbaye de Saint-Aubin d’Angers…, 652 ; « Documents inédits… », 8 et 8bis ; ADIV, 6H33 ; BN, ms lat. 5441 p. 317.
247 Redon, f. 137v-138.
248 Guillotel, 19.
249 Ibidem, 66.
250 BN, nouv. acq. lat. 1930 f° 62v-63r.
251 ADML, H3713 f° 75-77 ; La Borderie, 18.
252 K.-S.-B. Rohan Keats, « Le problème… », p. 52, note 12 ; Cartulaire de Marmoutier pour le Dunois…, 149.
253 Cartulaire de Notre-Dame de Chartres…, t. III, p. 18.
254 Marmoutier. Cartulaire Blésois…, 69.
255 L’un à Châteauansquetil dans la province de Rennes, l’autre à Gallardon dans celle de Chartres. A. Chédeville, Chartres…, p. 101 ; Saint-Georges, 39 ; Marmoutier. Cartulaire Blésois…, 68, 69.
256 Marmoutier. Cartulaire Blésois…, 69.
257 H. Guillotel, « Bretagne… », p. 276 et note 39.
258 Guillaume de Tinténiac et Olivier de Dinan figurent dans l’entourage de Geoffroy Grenonat en 1066-1076. Par ailleurs, on sait que ce Guillaume s’opposa à Rivallon Ier de Dol au sujet de la foresta de Tanouarn et que Gelduin Ier de Dol fit la paix avec Geoffroy de Dinan entre 1107 et 1112. BN, nouv. acq. lat. 1930 f62v-63r ; La Borderie, 20ter ; Dom Morice, 455 ; ADML, H3713 f° 75v.
259 Dom Morice, 525-256.
260 V. Le Bouteiller, Notice…, t. II, p. 206.
261 K.-S.-B. Keats Rohan, « Le rôle… », p. 186, 192, 196-197.
262 Ibidem, p. 181-215.
263 Cartæ de Carbaio…, p. 10 ; J.-C. Meuret, « Le poids… », p. 111 ; J.-P. Brunterc’h, « Puissance… », p. 67.
264 BN, ms lat. 5441, t. 3, p. 455-456.
265 Dom Morice, 485.
266 J.-C. Meuret, « Le poids… », p. 114-116.
267 Ibidem, p. 117-119.
268 O. Guillot, Le comte…, p. 271-273.
269 É. Bournazel et J.-P. Poly, La mutation…, p. 68.
270 M. Garaud, « Les vicomtes de Poitou… », p. 442.
271 J. Quaghebeur, « Stratégie… », p. 14.
272 H. Guillotel, « Les origines du bourg de Donges… », p. 541-552 ; N.-Y. Tonnerre, Naissance…, p. 343-344 ; J. Quaghebeur, « Stratégie… », p. 14 et 17.
273 H. Guillotel, « Les origines du bourg de Donges… », p. 548.
274 H. Guillotel, « Les vicomtes de Léon… », p. 46.
275 Le retrait de ces vicomtes est surtout remarquable sous le gouvernement du comte Geoffroy Grenonat qui n’était à la tête que du Rennais. La présence d’un vicomte s’avérait alors inutile pour le comte. H. Guillotel, « De la vicomté de Rennes… », p. 5-23.
276 A. Chédeville et H. Guillotel, La Bretagne…, p. 385-389.
277 Histoire militaire de la France…, t. I, Des origines à 1715, p. 67-69 ; A. Debord, « Remarques à propos des châtelains normands… », p. 334.
278 M. Sot, Un historien…, p. 242, 320-326.
279 R.-H. Bautier, « Les itinéraires des souverains et les palais royaux en « France occidentale », de 877 à 936 », Palais royaux…, p. 99-110.
280 J. Barbier, « Le haut moyen âge (ve-ixe siècles) », Palais médiévaux…, p. 9.
* Ces deux châteaux, bien que ne faisant pas partie du Rennais, ont été intégrés à cause de leur place particulière dans notre analyse.
281 Saint-Georges, 45.
282 J. Richard, « Châteaux… », p. 433-447 ; A. Debord, « Remarques à propos… », p. 327-336.
283 Les présumées forteresses de Châteaubourg et de Pléchâtel pourraient relever de ce cas, mais il faut avouer que nous ne savons strictement rien à leur sujet.
284 J. Le Patourel, « Henri II… », p. 112-113 ; M. Brand’Honneur, « Seigneurs… ».
285 A. Chédeville et H. Guillotel, La Bretagne…, p. 354-355.
286 D. Barthélemy, La société…, p. 615-622.
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