Chapitre 5. Le village et son finage
p. 229-286
Texte intégral
1Village et finage s’unissent en un couple indissociable, surtout en des temps où l’agriculture accapare l’activité des hommes. Pourtant, réduire le rôle du territoire à sa fonction de production serait passablement réducteur. Autant que l’agglomération des hommes et de leurs habitations, l’organisation d’un espace délimité et exploité s’avère nécessaire à l’identité de la communauté villageoise1. En effet, cette dernière s’appuie sur un espace vécu et approprié en relation avec le mouvement qui affecte le peuplement et en redessine les formes. Les hommes se définissent par rapport à cet espace et l’observation montre la complexité qui préside à son élaboration. Progressivement construit, il est aussi hérité. L’aménagement nécessaire doit en tenir compte et le résultat aboutit à un compromis entre les besoins du présent et les contraintes du passé. Le paysage rural, production des générations qui se sont succédées, en présente l’exemple sans doute le plus achevé.
2Le finage est donc le fruit d’une longue construction dans le cours des siècles, ce qui induit une relation aux sources assez particulière. Les textes livrent quantité de renseignements, d’autant plus que les cartulaires se focalisent en grande partie sur les questions foncières mais nous avons vu tout ce que pouvaient apporter l’étude des plans et cadastres ainsi que l’iconographie en prenant en compte que ces documents nous livrent un témoignage où se superposent les héritages2. Au passage, se rencontre la question fondamentale et controversée du paysage rural du bocage. En elle-même, la question déborde le sujet mais, expression privilégiée d’une société et construction humaine par excellence, un tel élément ne peut s’effacer d’une étude sur le village.
3De la même façon, la production économique, agricole essentiellement et, dans une moindre mesure, artisanale doit aussi retenir l’attention car le village en dépend largement et, pour une part, se modèle sur les exigences qui en découlent. Le problème fondamental en terre de l’Ouest demeure cependant celui de l’organisation générale de ce finage3. Comment se façonne cet espace qui définit la communauté humaine paroissiale unique mais éclatée en de multiples lieux? En d’autres termes, en empruntant le concept aux géographes, dans quelle mesure cet espace est-il polarisé?
Un espace contrôlé
4Avant le xe siècle, nous connaissons fort mal l’organisation des terroirs et leurs relations avec les vici et villae demeurent extrêmement floues, ce qui signifie non pas que cette organisation n’existait pas mais bien plutôt qu’elle nous échappe. La villa déterminait un terroir mais les premières paroisses témoignent d’une faible unité de leur territoire. Dans le Lochois, les dîmes des églises sont fort dispersées et se perçoivent souvent sur des endroits très éloignés, l’ensemble ne présentant guère de caractère de continuité4 Les plou bretonnes qui se déployaient dans un espace ne voyaient pas primer son rôle. Certes, le territoire semblait limité par de grands traits physiques et il pouvait servir de référence pour les localisations mais ses dimensions rendaient sa cohésion sans doute problématique et surtout l’organisation de cet espace restait faible, comme le fait remarquer N.-Y. Tonnerre, le centre n’a pas une supériorité marquante au point qu’il peut être déplacé5. L’évolution qui aboutit progressivement à l’élaboration des villages et des paroisses modifie la situation.
Un espace délimité
Finage, seigneurie et paroisse
5L’identification du territoire se trouve accentuée par les phénomènes d’encadrement et l’activité des pouvoirs qui éprouvent le besoin de délimiter. Le pouvoir seigneurial n’intervient que de façon restreinte. Il s’inscrit bien dans un espace mais qui est largement fluctuant au gré des influences et de l’évolution de l’imposition des coutumes tout autant que des aléas de la puissance des seigneurs. En raison de cela, l’exercice du ban ne facilite guère la définition du finage car les grandes seigneuries peuvent dépasser largement le cadre villageois et les toutes petites lui sont inférieures ; bien plus, les détenteurs de ces dernières ne jouissent souvent que d’une faible partie du ban. La seigneurie foncière pourrait mieux jouer ce rôle mais elle ne correspond pas toujours au village ou à la paroisse. Des coïncidences se produisent néanmoins.
6Vers 1046, la charte de donation des églises de Javron à Saint-Julien de Tours décrit une véritable seigneurie qui se réfère à un espace précis s’étendant autour de l’église principale. Normand de Mayenne est détenteur de droits: vicaria, tonlieu, péage, forestage, etc. dans un rayon de deux lieues autour de l’église Saint-Constancien et l’espace circonscrit évoque fortement le territoire d’une paroisse6. L’année suivante, un autre vassal de Geoffroy de Mayenne complète la donation dans des termes assez similaires, Javron est donc tenu par au moins deux personnages, la même unité territoriale est divisée quant à l’autorité. Il n’en reste pas moins que ces droits sont concédés dans le pagus de Javron, mot vague qui doit correspondre à l’espace commandé par l’ancienne vicaria, et rien ne vient désigner clairement le territoire du village7. Dès l’orée du xie siècle pourtant, Guiddenoch, donateur du monastère Saint-Spire de Gahard, détient tous les droits, y compris le ban explicitement cité, et définit le territoire donné comme une paroisse dont les limites sont décrites8. La coïncidence ne prouve pas que c’est le ban qui a défini l’espace car Guiddenoch peut à ce moment délimiter un territoire pour refonder la paroisse, néanmoins, sa donation correspond aux contours actuels de la commune de Gahard. L’étude de la paroisse de Rigny-Ussé met aussi en lumière le rôle seigneurial. Les limites communales actuelles épousent notoirement, pour une part, les contours du parc du château et le découpage du territoire répercute l’emprise des possesssions des seigneurs d’Ussé9.
7Un certain nombre de paroisses est issu d’anciennes villae et il n’est pas impossible que la paroisse, la seigneurie et donc l’espace villageois aient pu se confondre. Ainsi Grandchamp semble née d’une villa et Champsecret, villa de l’évêque du Mans au ixe siècle, a été scindée pour donner naissance à quatre autres paroisses mais rien n’indique la permanence du pouvoir seigneurial10. Bien sûr, par la suite, la seigneurie de village semble une réalité. Beaucoup de donateurs d’églises des xie et xiie siècles, détiennent des terres et des droits qui se définissent dans le cadre du village mais cette emprise, tout en s’étendant sur un territoire, ne s’attache pas toujours à le définir avec précision, au moins à cette époque. D’ailleurs, ces seigneurs, souvent de faible puissance, doivent compter avec d’autres membres de l’aristocratie et les seigneurs de Deux-Evailles, solidement installés dans leur paroisse au xiiie et xive siècles, partagent quand même leur influence avec d’autres familles11. Bien souvent, le seigneur de la paroisse en est le personnage dominant mais cela ne signifie pas que sa seigneurie recoupe l’espace exact du village qui trouve une bien meilleure définition dans le cadre paroissial.
8Le fait n’a rien d’étonnant dans la mesure où la communauté humaine puise clairement son unité et son identité dans cette référence religieuse et que la volonté d’encadrer les fidèles se fait de plus en plus évidente de la part des autorités ecclésiastiques. Malgré ce que l’on peut penser spontanément, les dîmes n’ont joué dans la délimitation territoriale qu’un rôle d’appoint. Certes, plusieurs textes fixent soigneusement les zones imparties à chaque dîme et deux actes du Liber Albus de la cathédrale du Mans définissent, au xiie siècle, le partage des dîmes et par la même occasion les limites de deux paroisses limitrophes, Courgenard et Cormes pour l’un, Ancinnes et Sainte-Marie-du-Val pour l’autre12. Ces exemples ne doivent pas induire en erreur. Ce genre d’acte concerne essentiellement des terres en défrichement et donc des novales, on comprend donc bien les nécessités de statuer mais dans les anciennes paroisses, la division des dîmes et leur appartenance à des laïcs restreint considérablement leur rôle dans la fixation du territoire paroissial, leur perception échappant pour longtemps aux ecclésiastiques.
9Souvent, les textes dénotent le souci de l’évêque: offrir un cadre qui favorise la vie chrétienne. Lors de la fondation de la paroisse de La Roë, au tout début du xiie siècle, celui d’Angers le dit explicitement en demandant qui va devenir paroissien du nouveau cimetière13. Cette notice détaillée a le mérite d’insister sur la relation du cimetière, de l’église et du territoire que nous avons déjà évoquée. L’espace paroissial doit être circonscrit avec précision afin que nul n’échappe au bénéfice d’un encadrement religieux, paiement des taxes et souci pastoral se mêlent alors inextricablement.
10De même, à Vautorte, le processus de création d’une nouvelle paroisse débute par le constat opéré par l’évêque du Mans de l’impossibilité d’une vie religieuse satisfaisante et tout particulièrement, ce qui confirme l’hypothèse, en ce qui concerne les mourants et les difficultés des cérémonies de funérailles. Il le rappelle dans sa charte de fondation définitive de la paroisse détachée de Montenay tout en précisant dans un préambule qui n’est pas simple formule creuse ses soucis pastoraux.
« […] parce que le scandale de plusieurs et le péril des âmes l’ont imposé à ma pieuse sollicitude, il convient de diviser la paroisse de l’église de Montenay établie en notre diocèse, en raison de sa trop grande étendue, et parce que, parfois, à cause de la carence du divin ministère et de l’éloignement des lieux saints, il arrive que certains fils de l’église suivent la voie de toute chair sans confession et sans avoir reçu le corps et le sang du Seigneur. Parce que comme nous l’avons appris de relation certaine, pour ces mêmes raisons, les corps de certains demeurent sans sépulture dans leur maison trois jours et plus, nous avons entrepris de la diviser en deux paroisses par le conseil commun d’hommes bons et dignes de foi. Dans chaque paroisse, nous assignons son propre prêtre dans sa propre église-mère… »14.
11Le lien entre le territoire et les hommes est clairement affirmé et il peut éventuellement se concrétiser dans une charte du cartulaire de Redon qui, de façon exceptionnelle, en 1145, présente sept hommes, titulaires de sept tenures, disséminées dans le finage, en relation précise avec des plateae, les résidences, sises dans le cimetière de la villa Breulis à Noyal, près Muzillac15. La relation dépend certes des taxes et en particulier de la sepultura pour le cimetière mais là n’est sans doute pas la seule raison.
12Ces motifs cumulés, administratifs aussi bien que psychologiques et religieux, expliquent la multiplication des actes de délimitation globale ou partielle. Ils concernent d’abord les nouvelles paroisses qu’il faut bien définir et, là, les problèmes de taxes et de revenus peuvent jouer leur rôle, surtout au xiiie siècle. La paroisse de La Roë s’étendra entre le chemin de Grolet et l’Usure et celle de Sérigné, en forêt de Rennes, se séparait de La Bouëxière, paroisse-mère, suivant une ligne « qui va du ruisseau appelé Derlande jusqu’à la forêt »16. Le même souci se fait aussi jour dans les anciennes paroisses qui peuvent faire l’objet d’une soigneuse description. Vers 1055-1066, Conan, comte de Bretagne, confirme à Saint-Florent la donation de Livré-sur-Changeon, antérieurement effectuée par son père et en fait inscrire les limites sur le parchemin:
« Ainsi fut délimitée, sur l’ordre du comte Geoffroy, l’aumône appelée Livré: de l’église jusqu’à la terre appelée Vendelais, suivant la Veuvre jusqu’au ruisseau de Brézille et de là jusqu’à la voie publique de Rennes ainsi qu’elle se dirige vers le Rachat en passant par le Chêne Pouilleux et le Chêne Fourchu »17.
13Le comte avait sans doute entériné un tracé coutumier mais plus tard, en 1089, les anciens viennent attester qu’une partie de la forêt appartenait traditionnellement à la paroisse. Son tracé est ainsi défini:
« […] une partie de la forêt touchant à la paroisse de Livré que les anciens de Livré affirmaient avoir appartenue autrefois à Saint-Florent avec le reste de la terre de Livré. Cette partie s’étend de la Haie d’Ingelsende jusqu’à la Bourdinière en passant par la Croix de Triscand »18.
14Plus couramment et logiquement, il revient à l’évêque d’opérer et les xiie et xiiie siècles abondent en règlements, plutôt de détail, qui manifestent la volonté de fixer précisément le territoire, au moins sur des points douteux. C’est ce que fait celui du Mans pour Entrammes et Bonchamp, vers 1080, en mettant un terme à l’affrontement de l’abbaye d’Evron et du Ronceray. Il montre bien qu’il s’agit de définir un territoire mais surtout l’appartenance des habitants:
« Les droits paroissiaux sur les hommes et les terres compris entre le Breuil et la Voie Fréquentée?, dite Voie de Misère et la rivière la Jouanne qui faisaient l’objet d’une controverse doivent appartenir à l’église d’Entrammes. Les autres droits paroissiaux situés entre la dite voie et l’église de Bonchamp appartiendront à cette dernière »19.
15Il ne faut pas imaginer des décisions purement administratives et sans trop de lien avec la réalité vécue. L’histoire des limites de la paroisse de Rigny-Ussé montre une progressive élaboration. Longtemps, les terres boisées sont restées d’appartenance indécise et l’ermitage Saint-Paul de Regula demeurait hors paroisse encore au xiie siècle20. La fixation s’est élaborée en fonction du degré de développement des pouvoirs seigneurial et paroissial et de la poussée de la mise en valeur qui conduisait à un meilleur contrôle de l’espace aux xiie et xiiie siècles. La multiplication des textes met en jeu une série de facteurs. L’apparition de plus en plus nette d’une volonté « d’administrer » a provoqué la mise au clair du réseau villageois, prenant en compte tant la mise en place des pouvoirs que l’appréhension de l’espace dans le cadre d’un « monde plein ». Dans une grande mesure, la délimitation provient de la progression de la mise en valeur. Les espaces forestiers, jusque-là restés à l’écart du maillage paroissial, s’y trouvent intégrés, ce qui ne peut se faire sans soulever problèmes et affrontements. Cependant, pour l’essentiel, se sont ainsi figés et précisés des éléments traditionnels sauf exceptions. L’exemple de Livré tendrait à le prouver, la volonté des autorités rencontre souvent la connivence des habitants qui puisaient dans la reconnaissance de leur territoire une part de l’identité communautaire.
Fixité des limites ?
16Ce découpage, fruit d’un processus évolutif, n’a pas toujours, cependant, la fixité que l’on est tenté de lui reconnaître. Si, globalement, la carte communale actuelle recoupe très largement celle des paroisses anciennes, dans le détail, des évolutions ont pu se produire et les variations peuvent ne pas être négligeables comme l’ont montré au chapitre 1 le cas de quelques paroisses limitrophes de la forêt de la Hunaudaye. Les espaces vagues: forêts et landes, donnent lieu à une intégration progressive et limitée si bien que ces véritables marges paroissiales restent parfois indécises, ce qui explique peut-être l’attirance des mottes pour de telles localisations. Les cas de zones demeurées indistinctes ne manquent pas et le Maine de l’Ancien Régime connaît les tournes ou chalandres, petits territoires alternant leur appartenance paroissiale suivant les années. C’est ainsi que pas moins de 17 lieux-dits voyaient leur allégeance passer successivement à Luché et Mansigné21. Il est encore plus intéressant de relever que la sentence rendue par l’évêque du Mans, Guillaume de Passavant, en 1166-67 pour statuer sur le sort du bois de la Chaussée (nemore de Calceatis) ne fut suivie que bien imparfaitement car la ferme de la Chaussée faisait l’objet beaucoup plus tard d’une tourne entre Courgenard et Cormes22. En basse-Bretagne, le phénomène des enclaves entraîne une discordance entre la carte actuelle et celle des anciennes paroisses. La présence du temporel d’un prieuré a pu créer des isolats dans d’autres paroisses, de ces cas assez nombreux ne subsistent que quelques exemples à Argol, au Faou ou Briec23.
L’importance des grands finages
17Un deuxième constat porte sur la superficie des unités créées. Si l’on met à part les extrêmes guère significatifs, quelques grands traits s’imposent. Les nouvelles paroisses châtelaines n’occupent que des surfaces très limitées en général mais elles ont souvent donné naissance à des entités urbaines qui nous éloignent des villages. De la même façon, et cela se comprend, les nouvelles paroisses à caractère rural ne prennent pas non plus une grande ampleur. Prélevées sur une paroisse mère, elles lui demeurent inférieures, au moins en dimension. L’examen de la carte des communes françaises permet de souligner l’originalité de l’Ouest. Nous sommes au sud de la ligne qui, du Mont-Saint-Michel à Belfort, distingue, en gros, une France des petites communes au nord et des plus grandes au sud. La Bretagne se singularise par une prédominance des vastes communes, les marges armoricaines étant plus contrastées. Les superficies s’y montrent globalement plus réduites mais le département de la Mayenne, la vallée du Loir et une partie de la vallée de la Loire, sans parler de la basse-Loire, voient la présence soutenue de grands finages. L’explication demeure problématique24. André Meynier souligne avec raison l’association des grandes communes avec l’habitat dispersé et aussi les terres plutôt pauvres. Cela rend compte d’une partie des contrastes, par exemple pour le centre de la Bretagne qui s’oppose aux accueillantes vallées qui vont former la Maine, mais nous sommes en présence à peu près partout d’un habitat dispersé. Le faible regroupement de l’Ouest a contribué au maintien de vastes territoires paroissiaux tandis que les villages bien groupés encourageaient sans doute un plus grand morcellement. La densité de l’habitat a joué aussi, rendant compte des petites communes du littoral et, à l’inverse, des grandes de la Mayenne, terre de marche.
18Cependant, le poids de l’Histoire ne doit pas être étranger à certains aspects. Les anciennes plou bretonnes résistent bien à la division et assurent l’existence de finages étendus qui dépassent largement les 2000 hectares mais les communes d’Ille-et-Vilaine sont aujourd’hui, en moyenne, beaucoup plus petites que celles de Loire-Atlantique, 1936 hectares contre 315525. Cette opposition ne trouve qu’imparfaitement sa justification dans la géographie, même si le bassin de Rennes, assez favorable à l’implantation des hommes, a pu multiplier les petites paroisses alors que les plateaux de Loire-Atlantique se faisaient moins attirants. A. Chédeville émet l’hypothèse de phases différentes dans l’évangélisation, ne pourrait-on pas rechercher dans la densité des implantations bretonnes qui a pu varier? Visiblement, les influences historiques ont modulé leur action à partir des données géographiques.
19De toute façon, le souci affiché de préciser les contours du territoire relève d’une réalité de plus grande ampleur. De plus en plus, les habitants associent village et espace et établissent à partir de ce dernier, une base essentielle de leur communauté. Il est notable que, concurremment à la délimitation, mais cela va de pair, à la fin du xie siècle, la localisation des terres abandonne plus ou moins rapidement les pratiques anciennes pour adopter comme référence le territoire paroissial. Dans le Maine, l’usage devient courant après 1080, il semble qu’en Bretagne, il faille attendre un peu plus longtemps26. Ce système de localisation manifeste bien qu’il ne s’agît pas que de découpage mais bien de contrôle du territoire. Ce dernier n’est pas seulement partagé, il est aussi, et surtout, appréhendé.
Appréhender le finage
Réorganisation du réseau viaire
20L’espace devient vraiment un espace villageois, c’est-à-dire dominé et organisé par et pour le village. Le fait le plus spectaculaire mais pas le mieux étudié réside dans la réorganisation du réseau viaire et G. Roupnel faisait remarquer avec justesse « que le village est essentiellement un centre. Il n’est même que cela. On pourrait le définir: la partie bâtie des chemins à leur point de convergence »27. Les voies anciennes, éventuellement romaines, subsistent plus ou moins bien mais ne correspondent guère au réseau des villages. Deux exemples de délimitation de paroisses déjà cités fixaient la ligne de partage sur une via: à Gahard, la via publica, à Entrammes, la via Penuria. Elles évitent donc les centres villageois et servent d’appui aux frontières communales, c’est même un point que l’abbé Angot soulignait dans ses recherches28. La situation ne reste cependant pas telle, d’autant plus que tous les centres n’étaient pas à l’écart. Dans le cartulaire de Redon, des églises, qui ne regroupent peut-être que peu ou pas d’habitants se situent à des carrefours. Celle de Carentoir se place sur une via publica mais le cas des vieilles plebes se présente comme sans doute assez particulier29.
21Au milieu du xiie siècle, par contre, l’église Saint-Jacques de la Possonnière est proche de la voie Angers-Chalonnes30. Sans être négligeable, ce désenclavement ne constitue qu’un aspect de la circulation. Un réseau interne s’organise pour irriguer tout le territoire villageois et le centraliser plus ou moins sur ses pôles. Les textes en fournissent quelques témoignages. Au xiiie siècle, le centre de Pré-en-Pail voit converger au moins quatre chemins: ceux de Couptrain, Boscoforre, Saint-Samson, et celui des Ténières31. Des créations médiévales se signalent. Maurice II, seigneur de Craon, en 1191, établit une voie entre La Roë et La Guerche pour relier et mettre en ordre toute une série de défrichements antérieurs32. De plus modestes chemins sillonnent les terroirs et, au hasard d’une charte de l’abbaye de Beauport, apparaît celui qui mène de la maison de Leirbechanus à la lande de Plouézec en Plouézec, un autre du même genre est cité près de Guingamp pour localiser un pré33. Il s’agit nettement de dessertes locales et d’autres chemins plus modestes manifestent le souci d’accéder non seulement à des habitats épars mais encore à des pièces de terre. De 12 pieds ou de 4 sillons de large, comme le disent certaines chartes, ils se ramifient à travers la campagne et, dans le bas-Maine, au xiiie siècle, l’analyse des confronts apprend que 35 % des terres décrites sont bordées par un chemin34.
22Quelques mentions écrites ne permettent guère de reconstituer ou d’imaginer l’organisation du réseau, ce que peuvent faire les anciens plans, mais dans ce cas, l’absence de datation rend délicate l’attribution de certains itinéraires au Moyen Âge. Pour les paroisses créées alors, le doute se révèle moins fort. À Belle-Noue et Saint-Martin-du-Fouilloux, l’étude de E. Zadora-Rio cerne une partie du processus de mise en place du réseau viaire. Les deux centres paroissiaux du Petit-Paris et de Saint-Martin voient converger vers eux une étoile de chemins qui se surimpose à une organisation antérieure du parcellaire (Fig. 48)35. Leur développement a ainsi provoqué cette mise en place. Au nord-est, les deux grandes ellipses de défrichement connaissent par contre un système rayonnant tout à fait classique.
23À Gahard, alors qu’un défrichement est là aussi évoqué dès le début du xie siècle, le centre paroissial s’inscrit dans un parcellaire grossièrement carroyé que le réseau viaire gauchit cependant pour former une convergence (Fig. 18). Des tracés nettement rayonnants se remarquent autour du centre de Plourhan ou de Placé mais quelques finages seulement manifestent une organisation en étoile couvrant leur totalité (Fig. 57,49). On le repère bien dans le Maine, à Ruillé-Froids-Fonts, où le centre paroissial se place au cœur d’un réseau parfaitement rayonnant et aussi à Cures et Domfront-en-Champagne (Fig. 56). Dans ce dernier exemple, le plan terrier de 1784 dessine nettement des étoiles centrées sur les bourgs, surtout à Cures, mais cela se comprend assez bien si l’on se rappelle que le territoire de la Champagne du Maine connaissait alors un habitat moins dispersé36. Un tel schéma régulier se retrouve à La Roë, mais ici le développement du défrichement sous l’impulsion de l’abbaye fournit l’explication.
24Mis à part ces cas simples et finalement assez peu représentatifs, le plus souvent se présente un schéma complexe qui comprend une convergence vers le bourg mais le réseau, beaucoup moins centralisé, le relie aux hameaux qui peuvent aussi, à leur échelle, concentrer la circulation. Cela va sans dire pour les trèves et l’exemple de Trimer vaut pour les autres (Fig. 34). À Placé, les chemins joignent le bourg à des nœuds secondaires qui peuvent être siège de hameau (Fig. 49). L’ensemble s’avère d’autant plus centralisé que le centre a moins de concurrents, néanmoins. La réorganisation semble donc incontestable et le réseau de chemins permet ainsi au village d’imposer sur un finage un contrôle dont ce n’est d’ailleurs pas la seule forme.
Un espace balisé
25Ce territoire n’est pas seulement mesuré et parcouru, il est aussi identifié, balisé et bien plus, participe de la constitution même du patrimoine villageois. Toute une série de repères, marquant le territoire sont répertoriés: ruisseaux et forêts bien sûr, mais surtout objets singuliers qui marquent le paysage, tant dans l’espace physique que mental et imaginaire. Arbres isolés, rochers sont identifiés et baptisés. À Livré, deux chênes servent de bornes en raison de leur aspect, l’un est pouilleux, l’autre fourchu. À Placé, à côté du chêne de Fontenay, se signale celui du Pendu37. Les mégalithes ne sont pas rares en Bretagne et les cartulaires les citent comme repères ou abornements mais ils se rencontrent ailleurs avec la même fonction38. Cependant, ils sont aussi vus comme des restes de traditions païennes, d’où la nécessité très tôt de les christianiser ou d’élever une croix à proximité. Les fontaines sont beaucoup plus un marqueur du territoire et s’inscrivent plus profondément dans les traditions religieuses et les croyances les plus diverses que l’on a tenté d’attribuer à des périodes très reculées, ce qui n’est pas toujours certain. Ce n’est pas sans raison que les oratoires et chapelles se multiplient à leur propos39. Attribuées à de saints évêques ou à des ermites, chargées de pouvoirs bénéfiques, elles exercent une influence, au moins locale, pouvant provoquer de petits pèlerinages.
26Le balisage du territoire prend une tout autre ampleur avec l’érection des croix qui affirme en même temps la volonté de christianiser cet espace40. Leur présence attestée dès le haut Moyen Âge s’amplifie dans les siècles suivants et s’épanouit surtout à la fin de la période médiévale mais, si des textes assez rares permettent de l’affirmer, la datation des monuments subsistants demeure difficile et fort controversée. Leurs fonctions apparaissent multiples. Les croix matérialisent des limites, de bourgs, peut-être de paroisses et assez couramment de terres. Une grange de l’abbaye de Buzay délimite, ainsi son emprise41. Elles jalonnent des itinéraires, à commencer par les chemins de pèlerinage mais celles des carrefours se banalisent assez au xiie siècle pour que l’évêque de Saint-Brieuc les citent comme telles dans sa décision sur les inhumations. Ce dernier cas ouvre d’autres perspectives, au-delà du simple marquage, le fait que l’on y enterre les morts manifeste la vigueur du témoignage religieux. Elles sacralisent suffisamment le terrain à leurs alentours pour que l’on puisse envisager d’y effectuer des sépultures. Par ailleurs, leur fréquence aux carrefours, aux ponts et aux gués, sites à risque, met en lumière leur fonction protectrice et plus généralement la protection religieuse dont elles font bénéficier un territoire en le mettant dans la puissance de Dieu. Enfin, elles peuvent commémorer ou rappeler un événement inscrivant par leur présence le passé dans l’espace, c’est ainsi que l’on rencontre la croix du vicomte Bernard près de l’Odet ou celle de Triscan à Livré42. La multiplication du signe sacré, quelles que soient ses significations, concourt à l’appropriation du territoire, à sa reconnaissance mais offre aussi très naturellement des repères. On situe facilement terres ou maisons par rapport à ce signe dans le paysage, c’est ainsi que Harduinus achète un jardin « près de la croix » à Champagné43.
27Un dernier rite, plus spécifique à la Bretagne, même s’il assure un héritage très lointain, entretient des relations étroites avec la délimitation du territoire paroissial. Les processions, pas toujours étrangères à l’implantation des croix, peuvent dessiner l’espace communautaire. La grande troménie de Locronan, tous les six ans, suit un long itinéraire qui n’est pas loin de correspondre aux limites paroissiales. En fait, elle rappelle les limites du territoire privilégié, la monachia, accordé à Sainte-Croix de Quimperlé avec l’église du lieu44. Ainsi se concrétise une reconnaissance du territoire, opération bien éloignée d’une simple cadastration pour s’inscrire au plus intime de la conscience villlageoise. Le finage fonde la réalité communautaire qui va se l’approprier, l’aménager pour le travailler et assurer sa survie.
Un espace aménagé
28Ce finage se fixe en grande partie à l’issue des défrichements. L’espace humanisé ne se réduit plus à une série de clairières isolées mais tend, avec encore bien des lacunes, à couvrir la totalité du territoire. Cela entraîne de profonds bouleversements dans l’organisation et l’aspect du paysage mais traduit de façon évidente la mainmise du village sur son finage qu’il modèle à sa convenance avec les limites cependant de ses possibilités et des pesanteurs de l’héritage.
L’organisation des finages
Des finages divers
29Il ne s’agit pas d’évoquer un front pionnier que nous n’avons pas vraiment découvert mais les résultats de l’important travail de densification de l’exploitation de la terre et dans un certain nombre de cas seulement, de véritables défrichements. Certains finages prennent alors une physionomie nouvelle. Liré, en Anjou, présente un excellent exemple d’extension d’une fondation fort ancienne. Les hommes avaient occupé les buttes qui parsemaient la vallée de la Loire dès l’époque romaine puis un domaine s’installe sur la pente de la vallée sur le site de la Vieille Cour et donne naissance, vers 1070, à un bourg de Marmoutier et à une première extension des cultures encore assez limitée. Au xiie ou xiiie siècle, en plein essor médiéval, le centre de la seigneurie quitte le bourg pour s’installer sur le plateau, au château de la Turmelière, exode dont on a déjà identifié des témoignages en d’autres lieux. Ce dernier modifie complètement la physionomie du terroir car le domaine seigneurial s’étend sur les terres nouvelles où sont créées de grosses exploitations repoussant vers les limites paroissiales les bois vaireaux qui conservent leur rôle de limite (Fig. 47)45
30On retrouve des traces de ces mouvements profondément inscrites dans le parcellaire. Autour de certains centres nouveaux, elles peuvent même impressionner. L’abbaye de La Roë crée un centre paroissial qui devient l’épicentre d’un nouveau finage. On lit dans les auréoles de haies concentriques la progression des défricheurs. Un premier grand cercle de 1100 mètres de diamètre correspond au premier stade du terroir établi dans le courant du xiie siècle. Le déploiement circulaire apparaît le plus logique d’autant plus qu’aucun obstacle ne vient s’opposer à son établissement, son tracé se combine seulement avec deux petits ruisseaux qui servent localement d’appui. Ce premier cercle n’a rien d’un rempart construit mais marque une étape. Par la suite, une série d’arcs de cercle témoigne des extensions postérieures46.
Figure 47 - Le finage de Liré
(Maine-et-Loire)
(Le Mené M., Les
campagnes angevines…, p. 126, repris dans, Flaran op. cit., p.
93).

31En Anjou toujours, Saint-Martin-du-Fouilloux présente un autre schéma d’organisation tout aussi cohérent. Le défrichement opéré sous l’impulsion épiscopale au xiie siècle développe deux espaces distincts. En limite de la forêt actuelle, deux grandes ellipses circonscrites par des haies sur talus abritent des exploitations aux noms très médiévaux et leur tracé a fixé celui de la paroisse. Vers l’ouest, sur la paroisse nouvelle de Belle-Noue, et même au-delà, se distingue un parcellaire formé de vastes blocs grossièrement quadrangulaires dans lesquels E. Zadora-Rio voit la trace, sinon d’une véritable cadastration, du moins d’un plan général de mise en valeur, les grands blocs ayant fait plus tard l’objet d’une parcellisation figée par des haies (Fig. 48)47.
Figure 48 - Le finage de
Saint-Martin-du-Fouilloux (Maine-et-Loire)
(Zadora-Rio E., « Les
terroirs médiévaux dans le nord et le nord-ouest de l’Europe »,
dans, Guilaine J., dir., Pour une archéologie agraire, p.
181).

32Un peu plus tard, au xiiie siècle, une organisation rigoureuse du plan d’ensemble peut se rencontrer. Le fait se révèle rare mais tranche profondément dans le désordre apparent du paysage de bocage actuel. À la frontière de la Normandie, Philippe Hurepel, en fondant un bourg à L’Epinay-le-Comte, déclenche un processus de création de ville neuve mais, le projet, dépassant l’implantation de l’habitat, envisage l’ensemble du territoire paroissial, y établissant un véritable décalque des terroirs de bastides. Le résultat est une rigoureuse cadastration suivant une trame orthogonale qui a fait croire à une intervention romaine. Une organisation en peigne, à partir de trois axes parallèles, voit une succession très stricte de parcelles aux modules bien définis et régulièrement disposées. Le tout, formerait peut-être une soixantaine de tenures. La construction géométrique se brise simplement sur quelques centres d’exploitation implantés antérieurement. Dans la paroisse voisine de Saint-Aubin-Fosse-Louvain où la déforestation battait alors son plein une autre trame se perçoit encore clairement dans le réseau des routes et des chemins48.
33Sur un mode différent et sans plan d’ensemble, le terroir neuf peut se composer d’une série de clairières juxtaposées ou même souvent isolées les unes des autres par des lambeaux de forêt ou de lande. C’est le cas des grandes borderies du Ronceray en forêt du Lattay mais c’est aussi celui du finage de Plélan et de Paimpont où, en marge des anciens espaces humanisés dès le haut Moyen Âge, se développent des clairières bien individualisées ou des terroirs circulaires formant une couronne (Fig. 7)49. De part et d’autre de la forêt de la Guerche, l’analyse du parcellaire laisse entrevoir des fronts de défrichement en arc de cercle, soulignés par des talus et centrés sur des hameaux ou des exploitations isolées comme Le Bourg-Neuf ou Richebourg, les Essarts, Villeneuve etc...50.
34Bien des terroirs anciens qui se sont accrus ne présentent pas une grande unité, non plus, et se sont déployés au fil des temps sans cohérence marquée, donnant lieu à de petits ensembles parfois identifiables, surtout quand on peut les mettre en relation avec un texte. Le finage de Placé dont les origines sont au moins du haut Moyen Âge et vraisemblablement de l’époque gallo-romaine a connu des phases d’extension ou de remaniement médiéval. Sur la lisière de la forêt de Mayenne subsiste un paysage témoignant de l’attaque des xiie-xiiie siècles. Se juxtaposent du sud-ouest au nord-est, une clairière d’ermitage, un ensemble ovalaire centré sur une grosse exploitation appelée l’Essart et un système quasiment circulaire: le Fief aux chanoines, où fleurissent les toponymes en ière/erie (Fig. 49)51. Le reste du finage ne comporte pas de gros hameau mais des exploitations isolées plus ou moins importantes révélant par leur nom une origine par défrichement d’autant plus qu’une section du cadastre en bordure de forêt prend le nom de la Montre52. Certaines se placent au centre d’un ensemble plus ou moins ovalaire ou circulaire comme celle des Tesnières et, sur le cadastre du xixe siècle, de nombreuses landes séparent les différents secteurs.
Figure 49 - Le finage de Placé (Mayenne)

(Montage de plusieurs feuilles du cadastre ancien, arch. dép. Mayenne, 3P).
Ellipses et terroirs circulaires
35Ce qui s’observe à Placé ou dans les environs de la Guerche, des formes circulaires ou ovalaires, fermées, s’allongeant sur quelques centaines de mètres est particulièrement courant. Ces ellipses souvent appelées assez improprement bocagères forment une part des cellules de base de l’organisation parcellaire mais s’abrite sous cette dénomination générique un certain nombre de réalités différentes qui, ne sont pas toutes du Moyen Âge central. Les plus simples dont un exemplaire a été identifié à Placé, autour de la ferme de L’Essart mesurent de 300 à 500 mètres de long et sont en liaison avec une ou plusieurs exploitations situées en leur sein ou sur leurs marges. Celle de la Prévôtais à Gahard obéit à un modèle classique (Fig. 50). Bien marquée sur presque tout son pourtour par des chemins, elle s’étend sur presque 900 mètres de longueur et 400 de largeur, ce qui la classe parmi les grandes53. La connexion en sa pointe ouest avec une exploitation au nom en ais oriente vers une origine médiévale mais relativement tardive. Elle est parcourue par deux chemins qui correspondent à ses axes et présente une parcellisation très régulière en arêtes de poisson. Les deux petits bâtiments, peut-être postérieurs, ne présentent pas les caractères de véritables exploitations. Cette forme indique assez que seul le pourtour fut souligné par un chemin et un talus, l’intérieur ne fut parcellisé que beaucoup plus tard, la microtoponymie des parcelles dans laquelle figure fréquemment la clôture l’affirme suffisamment.
Figure 50- Une ellipse: la
Prévôtais en Gahard (Ille-et-Vilaine)
(D’après cadastre de
Gahard, 1828, Section de Riclou, feuille 1, arch. dép.
Ille-et-Vilaine, 3P).

36J.-C. Meuret a identifié un certain nombre de ces ellipses en
haute-Bretagne, en Anjou et dans le Maine, E. Zadora-Rio deux à
Saint-Martin-du-Fouilloux mais P. Flatrès en signale aussi dans la
basse-Bretagne où, par exemple, la ferme de Lolurun en Le Tréhou siège
au milieu de l’ovale de ses terres nettement dessiné au milieu de la
lande54. A. Meynier a mis en
évidence ces formes, présentes à peu près partout, dans de nombreux
articles synthétisés dans ses Paysages
agraires. Il y voit une mise en valeur initiale effectuée par une
ou quelques familles à l’intérieur d’un enclos bien délimité par un
talus, une extension hors de cette limite se produisant plus tard sous
la pression de la nécessité55.
Ces ensembles sont aussi bien associés à des habitats laïques qu’à des
implantations religieuses, telles l’ellipse des Bonshommes de Ballots ou
la très belle clairière circulaire établie au xiiie siècle par l’abbaye de la
Fontaine-Harouys en pleine forêt de
la Guerche56. L’origine
médiévale paraît devoir être établie. A. Meynier les voyait naître sur
une large tranche chronologique pouvant remonter au Néolithique. Les
travaux de J.-C. Meuret et de bien d’autres montrent que beaucoup de ces
formes peuvent se rattacher à la période médiévale. La toponymie y
invite fortement mais aussi, dans certains cas comme les fondations
religieuses, il est possible de faire fond sur des textes datés. Par
contre, l’hypothèse de n’y voir que l’installation première pour la mise
en valeur doit supporter quelques nuances. Dans le Morbihan, à
Saint-Brieuc-de-Mauron, l’ellipse de la Boulais, toponyme bien médiéval,
révèle des structures antérieures avec enclos et habitat en totale
discordance57.
37Des formes plus développées et plus proches souvent du cercle entourent des hameaux ou témoignent de l’organisation de bourgs. Contrairement à la thèse de J. Soyer, les parcellaires circulaires, fréquents dans l’Ouest, semblent souvent pris sur la forêt et peuvent être issus de défrichements, encore que cela ne soit pas un principe intangible58. Certains résultent notoirement d’une fondation médiévale comme à la Lande-Huan en Combourg. La donation effectuée en faveur de Saint-Florent de Saumur, en 1085, provoque la mise en place d’un petit bourg de défrichement dont il demeure le parcellaire: un très beau système circulaire avec un schéma de distribution rayonnant, de 1500 mètres de diamètre. L’ensemble, d’une superficie de 175 hectares, recoupe trois territoires comunaux d’aujourd’hui: Combourg, Lanrigan et Dingé, ce qui signifie que les limites paroissiales demeuraient non fixées en cette zone forestière à la fin du xie siècle et que la fondation monastique a périclité assez tôt59.
38La photographie aérienne met en évidence de remarquables terroirs circulaires autour de certains hameaux des environs de Plélan. Le bourg actuel de Maxent qui n’était, d’abord, qu’un petit monastère dépendant de Saint-Sauveur de Redon se place au centre d’un cercle de 400 mètres de rayon. Vers le nord-ouest, le hameau de Trélo présente lui aussi un terroir circulaire presque complet et, à Paimpont, la clairière de Trédéal manifeste une nette disposition circulaire (Fig. 51)60. Aujourd’hui, rien n’indique que l’ensemble était clos par un talus et, à l’intérieur, les clôtures sont loin d’être générales, or, on ne peut invoquer le mouvement d’abattage des talus puisqu’il s’agit de clichés pris en 1952. De tels ensembles se dévoilent aussi bien à Placé dans le bas-Maine, au Fief aux chanoines qu’autour de hameaux du haut-Maine, comme on le voit sur les reconstitutions opérées à partir des plans terriers par J. Dufour à Domfront-en-Champagne et Cures (Fig. 56)61. Dans la Loire-Atlantique, bien des hameaux de bordages voient se disposer autour d’eux un parcellaire circulaire dont les parcelles très étroites s’opposent à celles beaucoup plus grandes organisées autour des métairies (Fig. 53)62.
Figure 51 - Maxent et le parcellaire de Trélo (Ille-et-Vilaine)

La photographie aérienne révèle
les parcellaires plus ou moins circulaires centrés sur les “bourgs”
(Maxent) et les hameaux. Celui de Trélo est remarquable. Vers l’est,
une zone particulièrement riche en toponymes forestiers, portait des
bois qui séparaient les deux clairières de Maxent et de
Trélo.
(J.F. Duval, Occupation et mise en valeur…, op. cit.,
Maîtrise, carte 37, d’après photo IGN)
Une élaboration dans la longue durée
39Une telle étude met en évidence l’apport médiéval mais elle fausserait la perception que l’on peut avoir des structures agraires si l’on devait s’en tenir à ce constat. Certes, un certain nombre de formes résultent d’établissements radicalement nouveaux mais, y compris dans les zones les plus pionnières, les hommes du Moyen Âge ne se trouvèrent pas devant une terre totalement vierge et, souvent, ils juxtaposèrent, modifièrent, adaptèrent, élaborant des parcellaires que les siècles suivants firent évoluer à leur tour. À Blou, E. Zadora-Rio en a identifié quatre. Le plus important s’organise autour de voies espacées de 600 à 900 mètres reliées par des chemins perpendiculaires, le tout se présentant comme un carroyage mais ni régulier, ni systématique63. L’une de ces voies pourrait être une voie romaine et ce parcellaire qui s’étend au-delà de la commune est en nette relation avec les sites gallo-romains et les nécropoles mais pourrait aussi leur être antérieur. Le deuxième s’affiche comme notoirement médiéval. Il s’organise autour du gros hameau de Ramefort et aurait pris forme entre les xie et xiiie siècles. Les contours et la présence du manoir épiscopal font supposer qu’il s’agit d’un parc seigneurial défriché dès l’époque médiévale. L’hypothèse est parfaitement possible, la mise en culture des parcs seigneuriaux se rencontre ailleurs. Le seigneur de Mayenne livra le sien aux défricheurs et certaines clairières de la forêt de Paimpont voient pulluler le microtoponyme, le Parc64.
40Un carroyage très ancien et qui pourrait se rapprocher de celui de Blou est observé sur certains sites de la Bretagne du sud. Des micro-parcellaires reliés à des enclos que l’on date en général de l’Âge du fer se révèlent en totale discordance avec le parcellaire du xixe siècle et, dans le Porhoët, de véritables trames quadrillées qui ne sont pas des cadastrations romaines et que l’on ne peut dater avec précision, sont antérieures au Moyen Âge65. Cela signifie donc qu’il y a des ruptures et des reprises dans l’occupation du sol et la construction d’un paysage agraire. Ces hiatus ne sont pourtant pas obligatoires et des concordances se font jour, ce qui ne signifie pas permanence des formes, mais plutôt maintien de l’influence d’éléments forts et directeurs, le cas du premier parcellaire de Blou étant exemplaire. Même les ensembles circulaires médiévaux, peuvent se présenter comme des réaménagements. Les terroirs des clairières de la forêt de Paimpont sont construits autour de hameaux au nom révélateur du haut Moyen Âge, il y avait donc quelque chose là à cette époque mais la présence de microtoponymes en ière/erie ou ais provient moins d’une substitution de noms toujours possible que d’une reprise et certainement d’une extension des terres mises en culture. Même la clairière circulaire de la Fontaine-Harouys recèle des céramiques et peut-être (les témoignages sont fragiles) des tegulae, signe d’une présence aux temps gallo-romains66.
Figure 52 - Les Champagnes de Trévilly en Maroué (Côtes d’Armor)

(Plan terrier de Penthièvre, Trévilly, 5e feuille, arch. dép. Côtes d’Armor, E 497, cliché arch. dép.).
41La période féodale a donc souvent, et même le plus souvent, hérité de terroirs déjà élaborés et ce que nous voyons est moins une construction médiévale qu’une réélaboration, ce qui ne veut pas dire modestie de l’entreprise. En effet, l’adaptation ne manque pas d’ampleur. Tous les cas de reprise pratiquement se traduisent par une réorganisation du territoire, la définition d’un réseau de circulation et d’un parcellaire en fonction d’un habitat: centre paroissial, hameau ou site isolé. Pour quelques-unes qui prolongent des habitats anciens, il s’agit bien d’implantations nouvelles qui ont provoqué un profond remaniement dont les traces perdurent, telles certaines anomalies que traduisent des coutures plus ou moins réussies. Les finages et les parcellaires, témoignent d’une histoire comme les haies qui ne forment pas encore un bocage.
La question du bocage
42Dans les paragraphes précédents ont été incidemment évoqués des talus avec fossés, la période féodale en a donc construit mais le cartulaire de Redon en signale aussi. Peut-on pour autant parler de bocage? Non, sans aucun doute, si l’on entend par là clôture systématique des parcelles.
Les champs ouverts
43En effet, l’un des premiers traits essentiels du paysage, avant le xive siècle et même après, réside dans l’importance des champs ouverts et des espaces non clos. A. Meynier a fait connaître depuis longtemps les méjous bretons mais le champ ouvert est partout présent. Le terme latin campus largement utilisé dans toute la région recouvre bien cette notion en désignant un espace assez vaste découpé en parcelles non closes et sans doute non stables. Cela explique les donations d’une part de campus, le prélèvement ne soulevant aucune difficulté et l’usage général du bornage comme système de délimitation, que ce soit sous forme de bornes, pierres ou entailles dans les arbres. Les actes de Marmoutier pour le prieuré de Marcillé, entre autres, en fournissent des preuves67. Un campus, donné dans la première moitié du xie siècle est évalué à 13 setiers de semences, chiffre fort élevé qui s’applique à un terrain de plusieurs hectares. Dans la même paroisse, à la même époque, une mansura, tenure importante, est distraite du Clinus Campus68. Plus au sud, N.-Y. Tonnerre constate l’emploi fréquent du mot et l’importance du bornage par des pierres, confirmant le constat de P. Chaumeil frappé par la place accordée à ce système dans la Coutume de Bretagne69.
44Le dérivé champagne, très présent sur les plans du xviiie siècle, tant dans le haut-Maine que dans le duché de Penthièvre, prouve l’importance du phénomène. Tout un territoire s’allongeant du nord au sud, à l’ouest de la Sarthe, et dont beaucoup de communes sont dites « en Champagne » formait une région de campagne ouverte à l’Époque Moderne et le bocage ne s’y est installé que tardivement et par mimétisme au xixe siècle. Les terriers du xiiie laissent percevoir un véritable open field formé d’ailleurs plus tôt que les paysages environnants si l’on en croit les toponymes (Fig. 56-58)70. En Penthièvre, la paroisse de Maroué apparaît en 1784 en grande partie en paysage ouvert. Près du village de Trévilly, se multiplient les toponymes en Champs et Champagne, le même recoupant plusieurs parcelles définissant comme un petit quartier (Fig. 52)71.
45Les méjous présentent moins d’ampleur. Petites inclusions dans le tissu du bocage, ne dépassant pas quelques hectares, ils forment des ensembles clos sur leur pourtour mais l’intérieur demeure sans clôture72. Le tout se développe souvent autour d’un hameau, fréquemment en barre. Leur existence est fort ancienne et ils correspondent à un certain nombre de campi des textes. Au début du xixe siècle, dans le Finistère-sud, ils occupaient de vastes zones sur la côte mais aussi à l’intérieur dans les Monts d’Arrée, ce qui exclut une explication strictement physique. P. Flatrès songe à un paysage relique, hypothèse séduisante qui recoupe bien les témoignages écrits73. La fréquence des champs ouverts au sud et à l’ouest de la forêt de Paimpont la confirmerait. Certains ensembles, clos seulement sur leur périphérie, semblent pouvoir provenir du défrichement organisé en commun à partir d’un hameau et les terroirs de Trédéal et Trélo montrent d’ailleurs un bocage très incomplet (Fig. 51)74. Un paysage de ce type se retrouve en Loire-Atlantique où de nombreux hameaux de bordages s’entourent d’un parcellaire laniéré qui rappelle fortement les structures de l’open-field appelé localement domaine ou gaignerie (Fig. 53)75. Faut-il ajouter, que les ellipses bocagères évoquées précédemment ne connurent que fort tardivement des clôtures internes. Les formes du parcellaire ou la microtoponymie le disent et, au xive siècle, la dame d’Olivet autorisait ses métayers à prélever du bois dans ses forêts pour ériger des clôtures temporaires destinées à protéger les récoltes76. Les champs ignorent donc encore très souvent la haie et l’on ne peut parler de bocage. Pourtant, talus, haies et fossés ne manquent pas, il n’est donc pas possible de parler de véritable paysage découvert.
Figure 53 - Champs ouverts du « village » de la Haie (cne de la Chapelle-sur-Erdre, Loire-Atlantique)

(Renard J., « Les paysages agraires du sud-est du Massif Armoricain », Enquêtes rurales, 2, p. 117).
Progression de la clôture
46L’archéologie trouve des traces de talus dès la Préhistoire et le cartulaire de Redon apporte beaucoup de références à des fossata qui désignent le talus et la haie qui le surmonte77. Cependant, il n’est pas facile de concevoir ce qu’ils entourent exactement. A. Guilcher pensait aux labours mais la démonstration de W. Davies semble plus convaincante. Ce ne sont pas les parcelles qui sont encloses mais l’ensemble des terres cultivées, isolées ainsi du saltus78. Les Vitae des saints bretons iraient dans le même sens en montrant que, miraculeusement, les terres données à un saint s’entourent d’un talus qui devient le symbole visible de l’appropriation79. Dans les textes du xie siècle, les mentions de talus, de plessis se multiplient mais sans abonder. L’index des cartulaires de Saint-Serge n’offre que quatre occurences de haïa mais le mot indique encore sans doute une forêt, sepes n’apparaît pas et fossatum ne figure que pour deux mentions. Seul le plessis a droit à 21. S’il désigne bien une haie, son cas demeure particulier puisqu’il entoure seulement les habitations et généralement celles de l’aristocratie, ce qui favorise sa présence dans les textes mais n’offre qu’une faible indication sur le bocage.
47Les haïae restent des bois, dont la fonction évolue. Leur caractère défensif demeure parfois nettement précisé comme à Louvigné-du-Désert où, dans la première moitié du xie siècle, Main de Fougères évoque « les plessis défensifs et les haies érigées pour défendre la terre »80. Progressivement, elles ont tendance à devenir des bandes forestières formant séparation, ce que confirment leur forme allongée et leur maintien sur des limites souvent paroissiales. Elles séparaient des seigneuries et leur rôle s’assimilait à celui des bois véreaux, épaisses barrières boisées faisant limites en Anjou81. Une évidente continuité dans la fonction demeure alors que la réalité matérielle évolue. En effet, c’est bien un fort talus appelé cependant haïa que le seigneur de Craon demande d’ériger pour séparer sa seigneurie de celle de La Roë, révélant l’inflexion de sens qui se produit au xiie siècle. Les fossata se multiplient dès le xie siècle et encore plus au xiie. Dans la région de Fougerolles et Landivy, ils semblent communs dans le paysage dans les premières années du xiie car les descriptions en citent plusieurs comme confronts d’une même terre. L’acte de Savigny déjà cité au chapitre 1, qui présente deux versions, permet d’en identifier sans doute trois. Ils constituent bien des séparations, l’un pour un campus, l’autre pour deux breuils mais un autre est associé à la terre d’Hervé Carbonnel82. Dans ce dernier cas, le talus borde et peut-être entoure une terre qui doit contenir plus d’une parcelle. On peut ajouter un autre acte de 1113-1120 qui décrit la terre de Marchais et nomme deux talus et un plessis83.
48Les fossata entourent souvent les terres monastiques, que ce soit les prieurés de Grandmont à Montguyon ou à Ballots, celui d’Evron à Berne ou l’abbaye de la Fontaine-Harrouys et bien d’autres84. Textes et plans cadastraux s’accordent totalement. L’abondance de ces témoignages religieux est-elle un effet de la documentation et d’autre part, cette clôture n’est-elle pas la marque inscrite dans le paysage de l’isolement monastique? Elle joue certes ce rôle, mais les laïcs l’emploient pareillement. Bois et garennes sont enclos de haies et des fossés sont en relation avec des terres qui n’ont rien d’ecclésiastiques, comme le prouvent les exemples précédents des chartes de Savigny85. Un acte du cartulaire de Perseigne a le grand mérite de nous éclairer sur les différentes sortes de clôtures ou de séparations. En 1145, l’abbaye obtient le droit de clore:
« J’ordonne qu’ils puissent clore leurs lieux, bois et autres possessions près de mes forêts et possessions ou de celles de mes hommes au moyen de talus, haies vives ou mortes? ou pieux »86.
49Au xiie siècle, les pieux peuvent donc aussi servir à clore mais les clôtures végétales l’emportent. Haïa semble progresser vers son sens moderne et sepes pose problème. E. Zadora-Rio propose d’y voir, ici, des haies mortes, le fait que suive pallum rend l’interprétation plausible.
50Cependant, partout dans l’Ouest, s’impose la même constatation: la clôture concerne des ensembles et non des parcelles. Le fait que le fossatum porte le nom d’une terre ou de son détenteur constitue un argument de poids: « talus des ermites, de Donneray, de Geoffroy le breton, haie de Valestrot »87. Cela est largement confirmé par toutes les observations faites sur les ellipses bocagères, sur des lieux défrichés en commun ou tout simplement sur les terres d’une exploitation. C’est la conclusion déjà affirmée par M. Le Mené et reprise avec plus de netteté par E. Zadora-Rio qui note que les clôtures commencent par ceinturer des ensembles, des exploitations entières. Elle prend comme exemple le site de Domeray dans le Maine-et-Loire formé de deux maisons ceintes d’un plessis, la terre étant bordée par des talus sur trois côtés et par des bois88. On pourrait y ajouter un acte de Saint-Serge, Geoffroy de Briollay donne « sa propre terre de Varennes telle qu’elle est contenue à l’intérieur de talus »89.
51Talus et haies ne concernent pas ou peu des parcelles et se remarquent essentiellement autour de terres ecclésiastiques ou de seigneuries laïques. D’ailleurs, tout laisse à penser que la faculté d’enclore n’était pas abandonnée à la volonté de chacun mais relevait du pouvoir seigneurial. Un récit de la Vita de saint Suliac relatant les dégâts des animaux sauvages dans ses cultures attribue au prince de la région de la Rance le conseil (l’autorisation?) de clore90. Les talus cités sont l’œuvre de seigneurs ou ceux-ci autorisent leur construction91. À plusieurs reprises, des bénéficiaires de donations reçoivent cette autorisation souvent après sollicitation et, dans tous les cas, elle est délivrée par un seigneur, détenteur du ban. Perseigne, l’obtient du seigneur de Bellême, mais le cartulaire de La Roë signale plusieurs fois un tel fait et les recueils de coutumes maintiennent le contrôle de la clôture92. Faut-il voir, alors, dans la diffusion de la haie une initiative et une volonté des puissants?
52L’étude de l’activité des chanoines de La Roë laisse peu de doute sur cette volonté comme pour leurs voisins les Bonshommes ou l’abbaye bretonne de Beauport93. L’élevage invoqué souvent n’est peut-être pas déterminant94. Certes, aristocrates laïques ou moines développent leurs troupeaux, en particulier de chevaux pour les premiers, mais l’imperméabilité des haies au bétail laisse à désirer. Il n’est pour s’en convaincre que de consulter les documents d’Ancien Régime. Les prés font partie des zones prioritairement closes au xiie siècle, est-ce pour les mettre à part, favoriser le draînage95? Le fait a pu jouer mais en ce sens que la fermeture de ces terres les faisait échapper à certains inconvénients. Si pour le monde monastique, cela se rapporte à l’isolement du cloître, il n’est pas indifférent de constater que les terres closes jouissent d’exemptions de vicaria, de coutumes, ce qui signifie éventuellement de certaines contraintes collectives96. On retrouve le souci de marquer la différence, le droit et le pouvoir social. Le talus, surtout s’il porte le nom de la terre ou de son maître, affirme le pouvoir. Sa valeur juridique et symbolique participe de la domination et il devient fort logique de le voir éventuellement délimiter l’emprise des seigneuries97.
53L’essor étant déclenché, le phénomène prit de l’ampleur d’autant que certaines terres avaient très tôt bénéficié d’une clôture en raison de leur caractère particulier, les vignes et les ouches98. Les clos de vigne se multiplient rapidement mais le pouvoir seigneurial est très directement concerné et les ouches et courtils proches des habitations ne tardent pas à en faire autant. Au xiiie siècle, certains traits du bocage se discernent, les alentours des villages prennent des aspects plus touffus esquissés dans de rares textes, les haies deviennent courantes et quelques parcelles sont désormais totalement closes99.
54Esquisse du paysage rural
55Dresser un bilan au xiiie siècle demeure difficile. Des clôtures nombreuses ne se retrouvent guère qu’autour des habitats, sinon, les talus, larges ou non mais plantés d’arbres divers, chênes ou noisetiers, développent un maillage encore fort lâche et inégal. Il a sans doute gagné sous l’impulsion des puissants qui ont d’abord ainsi cerné leur terre. Ne schématisons cependant pas. On ne peut opposer un bocage aristocratique aux terres ouvertes du hameau mais cette affirmation doit rencontrer une certaine vérité et il est vrai que méjous et terres ouvertes semblent entretenir des rapports plus étroits avec les hameaux de bordages, les talus délimitant plus facilement les métairies seigneuriales.
56Le manuscrit du xvie siècle présentant la Vilaine aide à préciser cette image en tenant compte du décalage dans le temps et des buts et techniques de son auteur (Fig. 29, 45). Fig. 29, sur la rive droite, dominent les cultures traduites par les couleurs jaune et ocre et les arbres se réduisent à quelques bouquets ou lignes, ne se faisant plus touffus qu’aux abords de Langon tandis que des haies se dessinent mieux autour des prairies humides des bords de la rivière. L’autre rive, connaît un réseau plus serré que l’on retrouve sur la Fig. 45. La trame bocagère s’y esquisse notablement mais inégalement. Si elle est assez dense vers le sud, elle se réduit à des lignes d’arbres au nord et, au sud de la Rouenaye, apparaît ce qui semble un terrain de parcours arboré. Très nettement, des couleurs différentes dans les enclos suggèrent l’idée de parcelles différentes, ce qui s’accorde bien avec les textes, encore faut-il noter que deux ou trois siècles après ces derniers, les haies ont progressé. La tendance s’est accélérée, les puissants ont continué leur entreprise mais E. Zadora-Rio a sans doute raison d’estimer que les coutumes sont devenues beaucoup plus souples, laissant plus de latitude aux paysans pour clore. La construction du véritable bocage progresse et ce n’est pas un hasard si les planches xvii et xxi du manuscrit de la Vilaine présentent une évolution bocagère achevée dans des zones de prairies. L’accélération de la fin du Moyen Âge concrétise l’évolution esquissée dès les xie-xiiie siècles. Une profonde réorganisation du paysage s’est mise en marche parallèlement à la réorganisation de l’habitat. C’est là un aménagement considérable.
Les équipements
57Un certain nombre d’équipements plus ou moins lourds vient compléter l’organisation du territoire en fonction des besoins villageois. Beaucoup demeurent réduits et n’apparaissent guère alors qu’ils devaient se révéler nombreux. Des prés viennent éclaircir la forêt, mais surtout des abris s’édifient en forêt pour héberger momentanément les troupeaux, là n’est cependant pas le plus imposant100.
Les villageois, l’eau et la pêche
58L’eau suscite toute une gamme d’activités et donc de travaux. Des pêcheries fixes sont construites sur la côte. Assez souvent citées, elles se repèrent parfois sous la forme d’alignements de piquets et de pierres comme celles que détenait l’abbaye de Beauport101. Une pêcherie de saumon est installée à Plourivo et les habitants de Bréhat semblent tirer de la pêche une bonne part de leurs ressources102. Abondantes aussi en eau douce, ces entreprises donnent lieu à des équipements assez légers, épis et barrages, cités sur la Mayenne mais visibles, au moins pour le xvie siècle, dans la Vilaine. Le cas le plus impressionnant est cependant fourni par les archéologues dans le lit de la Loire. Ils y ont étudié un vaste complexe d’épis se développant sur 1300 mètres et datant de la fin du xiie siècle, le Grand Aireau. La Loire angevine ne compte pas moins d’une quarantaine d’ouvrages médiévaux de ce genre recensés. Si certains sont directement en rapport avec des forteresses et ont pu assumer aussi un rôle militaire, beaucoup dépendent, semble-t-il, de petits hameaux, établissements de paysans pêcheurs qui ont assuré le développement de la colonisation du Val103.
59Plus fréquents et habituels se présentent les étangs aux multiples fonctions. Ils naissent sur les moindres cours d’eau et, sous la plume d’Étienne de Fougères, ils viennent tout naturellement caractériser les grandes occupations paysannes104. Un décompte dans les textes en fait apparaître une cinquantaine pour le bas-Maine mais ils dépassaient certainement ce chiffre et la même densité devait se retrouver dans les autres régions. Des rivières et de simples ruisseaux se transformaient en un chapelet de plans d’eau de taille variable et les chartriers abondent en autorisations de construction, en conflits consécutifs à l’inondation des terres etc… Beaucoup de ces ouvrages se résument à une simple digue percée ou non d’une bonde, la pisciculture justifiant totalement leur existence105. Carpes et autres poissons faisaient l’objet de pêches régulières dont il n’est pas rare de trouver la trace sous forme de rente à une abbaye. D’autres étangs cumulent des fonctions défensives comme ceux de la Tannière (Fig. 33) mais souvent l’adjonction d’un ou plusieurs moulins transforme ces étangs en complexes plus ou moins importants, la pisciculture, la pêche et la meunerie s’associant. À Carcraon, Guillaume III de la Guerche établit à la fin du xiie siècle un vaste étang après avoir dédommagé les riverains et y établit plusieurs moulins106.
60Un exemple d’aménagement hydraulique complexe est offert par l’abbaye de Beauport. À partir de deux petites rivières: le Leff et l’Ic, les chanoines entreprennent l’élaboration d’un vaste système avec étangs, conduites, chaussées. Ils se font donner ou érigent onze moulins qu’ils détiennent totalement et possèdent des droits sur quatre autres107. Les travaux hydrauliques ne constituent donc pas un aspect secondaire de l’aménagement des terroirs et contribuent certainement à caractériser le paysage, surtout à partir du xiie siècle.
Les moulins
61Dans la vie du village, le moulin occupe une place de choix, aussi sa construction et son entretien importent-ils au premier chef. Une enquête exhaustive reste à faire mais les connaissances actuelles autorisent quelques esquisses108. Les moulins, fort discrets durant le haut Moyen Age, se multiplient en même temps que la documentation et de façon importante. Dès la seconde moitié du xie siècle, ils sont nombreux presque partout. Présents en haute-Bretagne, dans le Rennais et sur la Loire, ils ne gagnent le Vannetais cependant qu’au xiie109. Ils connaissent une forte expansion en ce siècle, plutôt à la fin et même au xiiie dans le Maine. Les textes en révèlent un nombre considérable. Dans le bas-Maine, pas moins de 130 à 140 au minimum pour 245 paroisses, et dans le Nantais, au xiiie siècle, chaque paroisse citée dans les textes a au moins son moulin110. Nous ne les connaissons pas tous mais, par ailleurs, rien ne dit qu’ils étaient tous en état de fonctionner à la même époque. En Anjou, des chiffres comparables peuvent s’envisager si l’on suit le décompte d’Y. Chauvin pour les seuls moulins de Saint-Serge111. Ces machines sont donc omniprésentes, le même village pouvant en abriter plusieurs, le territoire du château de Bécherel en compte au moins quatre, groupées deux à deux, dès 1164112. La très grande majorité est destinée à moudre le grain et la multiplication des moulins obéit en partie à l’essor démographique et économique. Cependant, une certaine diversification intervient assez vite. Les moulins foulerets gagnent rapidement les campagnes, dès la seconde moitié du xiie siècle et se généralisent au xiiie, moment où se signalent aussi des moulins à tan113.
62Les renseignements techniques, comme souvent, demeurent rares. Quelques moulins à marées fonctionnent en Bretagne, d’abord près de Guérande puis ils gagnent la côte nord, sinon, la totalité est constituée de moulins à eau sur étangs et rivières, le moulin à vent ne faisant qu’une apparition timide au xiiie siècle114. Si l’abondance et la vitesse du flux le permettent, un moulin au fil de l’eau est installé, ce qui nécessite quelques aménagements comme à Thorigné sur la Mayenne mais bien souvent, sur les petits cours d’eau, on ne peut se dispenser de la construction d’une chaussée. À ces travaux s’ajoute le prix de la machine qui incorpore du matériel relativement élaboré pour l’époque: du métal, les ferra des textes, du bois et un mécanisme fragile, la précieuse lanterne, sans parler des meules qu’il faut faire venir de carrières assez lointaines. L’entreprise se révèle coûteuse et les moines n’hésitent pas à débourser de fortes sommes pour acheter des moulins. Saint-Serge met plusieurs dizaines de sous dans ces investissements et achète un moulin pour plus de 60 sous tandis que Marmoutier verse 100 sous de Rennes pour seulement 1/6e du moulin d’Ardenne à Marcillé115. Très souvent l’aménagement des emplacements permet d’établir, en fait, une véritable batterie, souvent deux ou trois et jusqu’à cinq machines.
63Dans ces conditions, l’entreprise ne peut venir que des puissants, les seigneurs laïques en premier, les monastères demeurant en retrait, au début. On note alors une nette correspondance avec les seigneurs titulaires du ban. En Bretagne méridionale les premiers moulins s’établissent près des châteaux et il est remarquable que, partout, les sites seigneuriaux ayant quelqu’importance sont dotés d’un moulin. Outre les motifs financiers, il faut aussi invoquer le contrôle des eaux. Toute construction doit obligatoirement faire l’objet d’une autorisation, d’une concession d’emplacement et, même pour les abbayes, ce n’est pas toujours gratuit. Un contrôle seigneurial très précis s’exerce donc et un acte concernant Briollay sur la Sarthe résume bien les principaux caractères. Sur une pancarte de 1082-1102 et de 1168, il est dit que:
« Artaud de Briollay et sa femme Alsende […] donnent à Saint-Marcel de Briollay et aux moines de Saint-Serge […] la dîme d’un de leurs moulins que de leur propre travail et de leur avoir ils avaient fait construire sur la Sarthe, près de leur château. […] Quelque temps après ils donnent la dîme d’un autre moulin, tant pour les grains que pour les poissons, à condition que la demie part de tous les moulins, de ceux qui sont déjà construits comme de ceux qui le seront, et même celle de tous les produits et revenus de l’écluse […] ne soit pas dépensée pour l’usage particulier des moines […] »116.
64Le coût explique aussi les nombreuses associations, bien des moulins ont plusieurs propriétaires, souvent un laïc et un monastère avec un partage soigneusement établi des frais et une gestion compliquée nécessitant plusieurs coffres ou plusieurs clés. Le règlement pour le moulin de l’Etang à Auvers-le-Hamon entre un chevalier et La Couture aboutit à la construction d’un coffre (archa) avec deux clefs117.
65Ces moulins, marquent fortement le paysage et constituent des repères majeurs dans l’organisation de l’espace, très concrètement, il n’est pas rare de situer par rapport au moulin et le chemin qui y conduit devient un axe de référence118. Les moulins peuvent, bien sûr, se situer dans le bourg, si la géographie le permet et ils deviennent alors un facteur supplémentaire de rayonnement mais, fréquemment, ils s’installent à l’extérieur sur les emplacements favorables, encourageant la dispersion comme le montre bien la situation sur des dessins d’époque moderne à Oisseau et Sixt-sur-Aff (Fig. 27-46). Ils affectionnent cependant les environs du pouvoir et, s’ils ne sont pas toujours proches d’un château, ils voisinent avec les domaines seigneuriaux et ne sont pas rares au xiiie siècle près des maisons fortes et manoirs119. Ce lien étroit va jusqu’à une emprise sur le territoire par le biais du détroit ou banlieue. Le moulin découpe une zone d’influence mal connue autour de lui mais pas obligatoirement sur un espace continu. En général, le hasard des textes ne mentionne que le rattachement de quelques hommes ou d’une terre, aussi le dossier du moulin de la Bignette présente-t-il un intérêt particulier. L’assise d’une rente suscite la description soigneuse avec liste des astreints. Situé en Louvigné-du-Désert, il étend son districtum sur 31 fiefs et 19 personnages, sans doute chefs de feu. L’espace dominé n’est pas homogène mais les groupes dépendants se répartissent dans un rayon de sept kilomètres, ce qui permet d’évaluer la population concernée à environ 3 à 400 personnes120. Plus qu’un élément d’aménagement, le moulin participe vraiment du contrôle du territoire.
66La période féodale, tout en prenant en compte un héritage souvent important, a donc imposé sa marque sur l’espace. Complètement dominé par l’homme, avec bien des inégalités, il subit une profonde mutation en fonction des besoins et surtout des structures de la société qui s’y déploie. Le terroir se réorganise en raison des formes d’habitat et de pouvoir et un paysage nouveau se dessine, lui aussi tributaire autant des données naturelles que de la volonté des hommes. La domination de cet espace prend une importance accrue car, plus qu’un cadre de vie, il constitue la ressource majeure qui assure la survie.
Un espace exploité
67Il ne s’agit pas ici de brosser une synthèse de l’économie villageoise qui, sur bien des aspects, demeure à élaborer, au moins dans l’Ouest, mais d’esquisser les résonances de l’exploitation économique sur l’organisation de cet espace et la vie villageoise et de dégager des lignes de force en ce qui concerne le domaine agricole, dominant il va sans dire, mais aussi certains domaines de l’artisanat qui impliquent fortement l’espace et ses ressources.
Un espace agricole
68Sans doute assez variée dans l’ensemble des contrées étudiées, l’agiculture présente globalement un certain nombre de traits dominants et originaux. Bien sûr, elle s’inscrit dans un système seigneurial et vise à l’autosuffisance en pratiquant des productions multiples et sans doute pas toujours bien adaptées, pour autant, elle manifeste un certain nombre d’orientations qui ne manquent pas de retentir sur les réalités humaines.
Les types d’exploitations
69L’espace villageois, pour une part, est divisé en une foule d’exploitations qu’il s’avère possible de regrouper en un nombre limité de familles, la diversité des dénominations masquant souvent d’évidentes similitudes. Leur taille, leur répartition, leur organisation marquent profondément le paysage qui vient d’être évoqué, ce qui justifie pleinement leur étude. Outre le vocabulaire fluctuant, règne une difficulté majeure. Les chartes, soucieuses de problèmes fonciers ou seigneuriaux, envisagent plus les parcelles ou les tenures que les exploitations. Ces réalités ne se recoupent pas obligatoirement, pourtant, dans un certain nombre de cas, on peut l’envisager et passer du stade juridique à l’économique. Si une terra demeure bien opaque, encore qu’elle puisse révéler une exploitation, un certain nombre de tenures sont aussi des exploitations. Rien cependant, sauf exception, ne nous signale que le même homme peut exploiter plusieurs tenures.
70Les grandes exploitations concernent au premier chef les réserves seigneuriales aussi bien que les domaines et granges ecclésiastiques. Textes et cadastres les dévoilent sans doute un peu mieux que les autres. Si l’étude des mottes et manoirs révèle un peu leur fonction de résidence, il est difficile d’approcher leur rôle dans l’exploitation de la terre. Au xie siècle, les chartes en donnent une description malaisée à interpréter. Le domaine du duc de Bretagne et de quelques grands apparaît constitué d’assez vastes ensembles qui portent encore le nom de villae. Le comte de Rennes en donne ainsi trois au prieuré de Gahard vers 1008-1031 et Alain Fergent, à court d’argent, vend le tribum Guinnini à Sainte-Croix de Quimperlé pour 1000 sous et un cheval. Un peu plus tard, il cède pour 50 sous « 7 villae que l’on appelle vulgairement les Cléruc »121. Les sommes indiquent que ces domaines présentent quelque importance et les Cléruc s’organisent autour de sept exploitations. Il n’est guère possible de se faire une idée plus précise des domaines laïques, même hors de Bretagne. Plus tard, au xiiie siècle, ils prennent souvent dans le Maine et l’Anjou l’appellation de manoir, voire d’hébergement, laissant entrevoir une résidence aristocratique environnée d’un domaine foncier auquel est obligatoirement joint, et à proximité, une forêt ou un modeste bois au minimum.
71Les plans cadastraux laissent transparaître quelques traces de ces domaines et la microtoponymie trahit les éléments du centre d’exploitation comme le prouve l’exemple du Serais (Fig. 44) mais autour des mottes qui ont pu voir se greffer une maison forte ou un manoir, le parcellaire garde le souvenir de l’implantation aristocratique. Non pas que le parcellaire se soit conservé intégralement mais son organisation du xixe siècle porte l’influence des établissements passés. Autour de la basse-cour, les parcelles plus grandes que la moyenne, donnent un paysage plus aéré. Le site du Bois-Nouault en Saint-Sauveur-des-Landes comprend une motte et une basse-cour entourée de douves rectangulaires qui indiquent sans doute un remaniement postérieur mais les grandes parcelles du pourtour tranchent nettement avec celles de la Binclenais, l’exploitation toute proche (Fig. 54). Ce type de parcellaire se retrouve partout et J.-C. Meuret en a donné le relevé de toute une série, dont celui de la Rouzauderie en Congrier qui voit une motte s’inscrire dans un terroir ovalaire remarquable122.
Figure 54 - Motte et parcellaire : Le Bois-Nouault (Saint-Sauveur-des Landes, Ille-et-Vilaine)

(D’après le cadastre de 1833, section du Bois-Nouault, 1ère feuille, arch. dép. Ille-et-Vilaine, 3P)
72Les grosses exploitations monastiques, comme les prieurés ruraux et surtout les granges se repèrent aussi fort bien. Un riche dossier permet de restituer en partie la grange du Fayel en Saint-Jean-sur-Vilaine appartenant à l’abbaye de Savigny123. Sur ce territoire encore largement forestier, la communauté établit un domaine grâce aux donations dont les points extrêmes sont distants de cinq kilomètres, ce qui fait évaluer l’ensemble à environ 250, 300 hectares. Le centre s’établit près d’un étang construit par les moines qui développèrent cultures et élevage mais uniquement grâce au travail des convers, pratiquement aucun nom en ière/erie ne figure à l’intérieur du périmètre de la grange. À l’inverse de ce domaine plutôt bien éclairé par les textes, la commanderie du Temple de Quittay à Saint-Georges-Buttavent a seulement laissé sa trace dans le parcellaire. Établie au xiie siècle, elle demeure ancrée dans l’organisation du paysage. Le cadastre napoléonien montre autour du hameau qui a succédé à l’établissement primitif un vaste quadrilatère dans lequel la dimension des parcelles l’emporte nettement sur celles des exploitations environnantes (Fig. 55)124. Des aménagements complémentaires se signalent aussi. Devant la commanderie un étang était retenu par une chaussée qui a donné son nom au hameau voisin et un vaste ensemble oblong souligné par des chemins pourrait être la trace d’une entreprise agraire des religieux.
Figure 55 - La commanderie de
Quittay (Saint-Georges-Buttavent, Mayenne)
(Montage de plusieurs
feuilles du cadastre napoléonien, arch. dép. Mayenne, 3P).

73Ces réserves seigneuriales entretiennent des liens très étroits avec les grosses exploitations, la métairie au nord de la Loire et la gagnerie au sud. Pour la première, il n’y a guère que la Bretagne occidentale pour ignorer le mot mais sans doute pas la réalité. Elle apparaît dans les textes dès le début du xie siècle, entre 1024 et 1034 en Bretagne, entre 1047 et 1060 en Anjou, sensiblement à la même époque dans le Maine pour se diffuser largement125. Malgré des études assez nombreuses, son histoire conserve bien des zones d’ombre et, progressivement, le mot s’appliquera plus à un type d’exploitation qu’à un mode de faire-valoir. Sous le nom de medietaria se révèle une exploitation bien typée, étroitement en relation avec le monde seigneurial qui met en valeur par ce biais sa réserve et organise même des défrichements. En Bretagne, à la fin du Moyen Âge, la résidence seigneuriale se double souvent d’une métairie dite « de la porte » et, partout où le terme se retrouve, les métairies sont bien découpées sur les réserves et se placent en limite de forêt. Elles constituent d’importantes unités dont la superficie, à la fin du Moyen Âge, dépasse le plus souvent les 20 journaux de terres labourables sans compter des prés et des droits en forêt mais la mesure moyenne dans le Maine oscille entre 40 et 80 journaux. Les actes très formalisés des xiiie et xive siècles les citent avec leurs haies et l’on pourrait les associer à certaines ellipses dont la dimension leur correspond fort bien. Cela se retrouve dans les métairies des Valeyettes, issues d’un défrichement des seigneurs de Craon au xiie siècle. Elles sont séparées des labours de Ballots par une haïa et aujourd’hui la ferme de Valeyette s’isole dans un très net ovale auquel un autre est d’ailleurs accolé126.
74Les gagneries, cantonnées au sud de la Loire et particulièrement fréquentes dans les Mauges, sans avoir toujours la même origine, semble-t-il, présentent bien des similitudes. Définies comme des terres à quatre bœufs et parfois à six, ces exploitations oscillent, en moyenne, entre 25 et 35 hectares, ce qui les rend très comparables aux métairies127. M. Le Mené a remarqué qu’elles pouvaient coïncider avec les domaines seigneuriaux comme le montre la seigneurie de Montjean et, la réorganisation de celle de Liré entraîna la création de toute une série de grosses fermes128.
75En ce qui concerne les tenures, le manse disparaît rapidement au xie siècle mais se survit en partie dans la mansura. Assez généralement employé au xie siècle, le mot recouvre une réalité difficile à percer. Il n’est pas sûr que ce soit toujours une exploitation car l’expression éventuelle mansura terrae oriente vers une mesure de superficie d’ailleurs importante puisque correspondant à quatre bœufs de labour. Sans pouvoir conclure absolument J.-C. Meuret note que la mansura se rencontre plus particulièrement sur les vieux terroirs129.
76Les petites exploitations concernent surtout les tenures paysannes. Deux termes se dégagent. La masura parfois identifiée au bordage semble cependant plus grande et se classer dans les exploitations égales ou supérieures à dix hectares130. D. Barthélemy note, à juste titre, que la mansura comme la masura portent le nom du tenancier et que l’on ne peut donc en faire seulement des mesures agraires, par contre, il est impossible de le suivre dans la confusion qu’il fait des deux mots. En général, ils s’appliquent à des réalités de taille bien différente131. La masura que l’on peut rencontrer en assez grand nombre dans des régions comme le nord-ouest du Maine où un simple hameau en Landivy, en regroupe cinq, semble s’assimiler à une exploitation moyenne bien individualisée, portant le nom d’un tenancier ou un nom en ière132.
77Le bordage présente une situation assez curieuse. Présenté à juste titre comme l’exploitation familiale classique du Maine par R. Latouche, il n’est pas très souvent cité comme tel et passe donc souvent un peu inaperçu133. Parfois, une description permet cependant de le cerner. L’abbé de Vendôme, en 1086, organise un véritable lotissement. et décrit ainsi chaque lot que l’on peut considérer comme le cœur d’un bordage:
« Pour construire la demeure des paysans cultivateurs on a donné, comme c’est la coutume, une terre destinée à édifier la maison et une basse-cour avec un jardin et un demi arpent de terre par paysan pour qu’il fasse de la culture »134.
78Ce modeste ensemble d’une dizaine d’ares devait être complété par quelques terres mais de dimension réduite car le nombre des bordages impressionne. Le censier de La Couture en énumère 52 dans la seule paroisse de Joué l’Abbé. En Anjou, il en va de même et un acte de Saint-Aubin dénombre 14 bordages à Luché135. Sans doute en retrouve-t-on, aussi, beaucoup dans les terres acensées à Sarcé par Saint-Vincent. Un censier de la fin du xie ou du début du xiie siècle, aligne 87 noms dont seule, une vingtaine paie 10 deniers ou plus. Sans offrir toute la précision souhaitée, un tel document établit fortement la présence de bordages136. Le terme borderie qui se superpose soulève un problème car il n’est pas totalement sûr qu’il ne soit qu’un doublet et il semble correspondre à un demi-manse, cependant, l’équivalence va de soi pour J. Renard quand il étudie la Bretagne ligérienne137. Bordages comme borderies, de toute façon, s’appliquent à de petites exploitations. Elles semblent souvent regroupées car bien des textes en citent une série et, il est évident qu’elles forment, souvent mais pas systématiquement, des hameaux. Leurs petites parcelles imbriquées indiquent leur présence et le contraste avec les métairies ou granges saute aux yeux sur les Fig. 53 et 55. Cependant rien n’indique que les terres des bordages soient bien groupées comme celles des métairies. Ces exploitations correspondent souvent aux terres ouvertes et aux petits open field et tout laisse à penser que leurs parcelles s’égaillaient dans les campi.
79En dehors de ces exploitations inscrites dans des catégories plus ou moins bien répertoriées, il faut prendre en compte les pratiques qui peuvent s’écarter de cette typologie. Bien des paysans devaient prendre plusieurs tenures, leur exploitation additionnant des éléments variés. Le terme terra qui gagne au xiiie siècle masque de plus en plus une diversité qui, sans doute, s’accentue. Le partage du sol se précise donc avec les siècles et le xiiie voit une occupation déjà très poussée avec une division de l’espace fort variable en fonction des exploitations. Cependant un tel fait reste d’abord tributaire du système agraire.
Le système agraire et l’organisation de l’espace
80Un agrosystème original s’est peu à peu forgé, compromis élaboré au fil des temps entre les ressources naturelles limitées par des sols froids et favorisant plutôt l’élevage et la pression des nécessités et des exigences seigneuriales qui orientaient vers les productions céréalière et viticole138. Sur ce schéma général de base se greffe toute une gamme de variations et le Val de Loire diffère profondément des Monts d’Arrée. Un certain nombre d’orientations globales se retrouvent néanmoins et influent profondément sur l’organisation du terroir villageois.
81En l’état actuel des recherches, on peut considérer qu’une grande partie de l’Ouest, celui des terres armoricaines, a mis au point un système adapté aux possibilités limitées offertes par le milieu et dans lequel il serait donc erroné de trop souligner un archaïsme. La production céréalière occupe certes une grande place, la nourriture des hommes impose ses exigences. Partout ou presque, donc, les historiens s’accordent pour identifier une production dominante de céréales pauvres. En règle générale, le seigle l’emporte sur le froment. Les redevances varient, s’équilibrent parfois mais souvent, dans ce cas, se profilent plus la volonté seigneuriale que la production réelle. Pourtant, des terres nouvelles portent fréquemment du froment et les régions les plus favorisées ne manquent pas de le privilégier139. Si souvent, un indéfini bladum laisse dans l’expectative, en Bretagne, le froment apparaît partout mais le seigle aussi, y compris sur des sols plutôt favorables, indiquant par là la faveur dont jouit cette céréale des plus rustiques. La même préférence s’affiche au moins dans le bas-Maine. Les sols et des considérations de prix y poussent certainement, ce qui n’empêche pas le froment de progresser. Bled de printemps, l’avoine connaît un certain succès mais bien moindre dans l’ensemble. L’Anjou, fait preuve d’originalité et serait plus producteur de céréales riches, la plus grande fréquence des moulins en serait un indice selon J. Boussard140. Le fait, bien que probable, n’est cependant pas totalement démontré.
82La vigne affiche une présence soutenue que les calendriers ne manquent pas de souligner. Si le Val de Loire commence à accentuer sa spécialisation riche d’avenir, bien d’autres contrées aujourd’hui désertées par la vigne lui font alors bon accueil. Le vignoble gagne vers le nord, jusqu’au Mans ou Mayenne et, vers l’ouest, il atteint le Rennais et la basse-Rance, non sans pousser des pointes vers la Bretagne méridionale. Les exigences liturgiques et surtout l’influence seigneuriale expliquent le succès d’une culture pour le moins inadaptée. Les plantes textiles, chanvre et lin, commencent, par contre, leur progression. Elles font l’objet d’une culture, surtout dans les jardins, ce qui explique qu’elles soient en partie occultées par les textes.
83L’élevage soulève plus de difficulté. Traditionnellement, l’agriculture médiévale passe pour le faire passer au second plan141. La transposition de ce schéma dans une bonne partie des terres de l’Ouest serait sans doute à discuter et la question exigerait une révision. La faiblesse globale du peuplement, l’importance des espaces boisés ou en landes, les incitations du milieu justifient à une prudence que les textes ne démentent pas, bien au contraire. Une partie importante des défrichements, aboutit à la création de landes et de prés et les mentions de troupeaux révèlent une importance notable. Les puissants, laïques ou ecclésiastiques s’en font une spécialité et leur initiative dans les clôtures pourrait ne pas être étrangère à leur volonté de développer l’élevage142.
84Partout, sans invoquer spécialement la tradition cistercienne évidente en ce domaine, les fondations monastiques se font octroyer des droits d’usage qui ne restent pas lettre morte, les chiffres atteints par les troupeaux, au moins sur le plan théorique, peuvent être considérables. Dans le bas-Maine, région sans doute spécialement favorable, le nombre de bêtes que certains prieurés peuvent élever laisse penser à une véritable spécialisation. Les vassaux de Guillaume de Doucelle accordent au modeste prieuré de La Trinité de Pail des droits pour 12 bœufs, 4 ou 5 juments, autant de poulains, 150 moutons, 80 vaches, 40 chèvres et 60 porcs. Même si rien ne prouve que de tels chiffres furent jamais atteints, leur importance ne manque pas d’indiquer une orientation nette et aussi la très grande diversité des animaux élevés. Certaines abbayes, mettant leur expérience à profit, prennent en charge, à la faveur d’un contrat, l’engraissement des animaux de leurs paysans; le fait est avéré pour Savigny et Saint-Vincent143.
85Le monde paysan ne reste pas en marge. Il est difficile d’avoir des faits précis mais la vigueur des revendications relatives aux droits en forêt liés à l’élevage constitue un indice. Au début du xive siècle, la dame d’Olivet entretient des troupeaux importants sur ses métairies, les contrats à cheptel soigneusement rédigés et contrôlés en apportent des preuves tangibles144. Le troupeau type comptait une quarantaine d’animaux et l’ensemble des métairies abritait un capital de 500 à 600 têtes. Dès le début du xie siècle, la donation de Gahard détaille toute une série de redevances directement liées à l’élevage qui occupe l’essentiel de la description des coutumes. Face à l’annonaticum, seule imposition sur les céréales, se dessinent le friscingaticum, le fumaticum, le vaccaticum, qui s’appliquent aux jeunes porcs, à la viande fumée et aux vaches. Malgré son imprécision, un tel texte décrivant les prélèvements seigneuriaux manifeste l’importance de la production animale chez les simples paysans. Si le porc occupe une place essentielle mais peut-être surévaluée, les bovins et ovins, sans parler des chevaux plus nettement associés au monde monastique et surtout aristocratique, se situent au premier plan, montrant la diversité de cet élevage. Peut-être J. Boussard a-t-il raison de souligner que le Maine s’y consacre plus que l’Anjou et l’on pourrait ajouter que la Bretagne doit aussi s’aligner sur le premier.
86Ces remarques induisent un certain nombre de conséquences. Tout d’abord, les techniques mises en œuvre ne facilitent pas la lisibilité du paysage. Il est nécessaire de se défaire d’une vision d’espaces bien définis et méthodiquement répartis. Toute logique n’est pas exclue, mais elle use de références bien spécifiques. Sauf sur certaines terres favorables de l’Anjou ou sur certains terrains sédimentaires, le paysan doit compter avec des sols froids et leur accorder le temps de repos nécessaire, ce qui relève moins de la routine que de l’adaptation au milieu145. Si l’assolement biennal se répand sans être vraiment décrit, sauf cas exceptionnel –un texte de la basse-Loire évoque 12 récoltes pour un contrat de 24 ans– et si quelques textes tardifs peuvent laisser penser à une rotation triennale, les terres pauvres bénéficient de longues jachères après quelques années de mise en culture. C’est ce que traduit un texte issu de la région des collines de Pail évoquant la dîme levée sur des terres où se devine encore la trace de sillons146.
87Ces espaces cultivés peuvent donc présenter un aspect surprenant. Si ouches et jardins, profitant d’un travail soigné et d’un minimum d’apport d’engrais, font l’objet d’une mise en culture permanente, il n’en va pas de même pour les labours qui connaissent de longues périodes de repos favorisant un certain retour à la friche, genêts et épines proliférant avec l’encouragement des paysans. Dans certains cas, un véritable abandon a pu se produire mais distinguer une telle situation d’une jachère prolongée soulève de délicats problèmes d’interprétation. Quand le prieur de Cosmes prend, au nom de l’abbaye de La Roë, la charge du bordage de la Bellière parce qu’un jeune ménage ne peut le remettre en culture en raison de son état, il s’agit peut-être d’un abandon mais la terre de la Grafardarie achetée 60 sous par Saint-Vincent présente, en raison de son nom et de cette somme, des indices d’utilisation suffisamment récente pour envisager plus une friche qu’un abandon, malgré la description ampoulée du scribe147. Son repaire de bêtes sauvages n’est qu’une friche provisoire. Le résultat est un paysage assez indistinct ou l’ager et le saltus ne se distinguent pas toujours puisque, d’une certaine façon, ils alternent sur le même espace. L’agrosystème intègre intimement ager, saltus et silva, un équilibre savant doit s’établir entre eux mais cela n’aboutit pas à une partition précise des espaces. En particulier, une distribution concentrique à partir du bourg n’est guère envisageable, au moins de façon rigoureuse, une géographie beaucoup plus complexe préside à l’organisation de la vie villageoise.
88Sauf cas rares, le finage s’organise autour des centres de peuplement. Au xiiie siècle, autour des bourgs-centres et des gros hameaux, se serrent de multiples petites parcelles déjà closes, formant un bouquet touffu. Jardins, ouches et vergers ou pourpris élaborent déjà un bocage dont l’espace réduit est intensivement cultivé, sauf quelques terres réduites comme le placître breton, espace vague destiné au bétail. On peut observer le fait sur bien des cartes et plans: à Saint-Sauveur-des-Landes ou à Crannes en Conlie, et l’un des rares textes indiquant un véritable réseau de haies au xiiie siècle, une charte décrivant le centre du village de Juvigné dans le Maine, conduit aux mêmes conclusions (Fig. 23, 35)148. Les terres cultivées se répartissent autour de l’habitat suivant des organisations plus ou moins lisibles en carroyage grossier ou sur un schéma plus ou moins rayonnant mais sans que les clôtures se manifestent intensément. La discontinuité de l’ager se présente comme un caractère fréquent, surtout sur les zones assez récemment mises en valeur. Des pôles suscitent le développement d’îlots de cultures séparés par des espaces de landes ou des lambeaux forestiers. Le cadastre de Placé montre bien que le terroir autour du bourg est le résultat du collage d’espaces divers, schéma que l’on retrouve parfaitement sur l’ensemble du parcellaire de Montourtier (Fig. 49, 59)149. Fréquemment, entre ces ensembles, éventuellement ceinturés par des talus médiévaux, s’intercalent aujourd’hui de vastes parcellaires très géométriques issus du partage des landes au xviiie siècle mais encore plus au xixe.
89Ces espaces de parcours, ainsi que la forêt, occupent une place considérable, présentant les aspects les plus divers, de la lande souvent arborée à la véritable forêt, bien souvent éclaircie qui subsiste en bosquets et petits bois en dehors des grands massifs. Le manuscrit de la Vilaine qui restitue un paysage ayant déjà évolué par rapport au xiiie siècle, met en évidence ces terrains de parcours: les marais de Redon où pâturent de nombreux troupeaux ou des landes plus ou moins ponctuées d’arbres et de buissons comme on le voit sur le rivage du côté de Laillé (Fig. 45)150. Ces espaces qui ne sont ni abandonnés, ni inutiles, bien au contraire, se répartissent sur tout le finage villageois, cependant la remarque faite par M. Le Mené pour l’Anjou vaut sans doute pour bien d’autres régions: quand l’influence du bourg central est suffisamment marquée, l’humanisation et l’occupation du sol sont plus denses autour et vont en décroissant vers les limites paroissiales suivant un dégradé plus ou moins régulier. Vers ces confins demeurent plus volontiers les bois véreaux, dernières traces des bois défrichés et limites des seigneuries.
90Le finage villageois présente une incontestable originalité fortement liée au mode d’exploitation agricole qui se dessine alors sur une bonne part du territoire considéré. De nouvelles études seraient utiles pour mieux comprendre la logique d’un système qui voit une association intime entre espaces complémentaires et une faible superficie accordée finalement chaque année aux labours. Tout ceci marque profondément le paysage qui connaît pourtant quelques marques supplémentaires d’aménagement apportées par l’artisanat.
Le fer et la céramique
91Les forêts bruissent du travail de tout un peuple de bûcherons, de charbonniers ou artisans du bois, les carrières s’ouvrent ici et là et l’ardoise est déjà exploitée dans le nord de l’Anjou mais deux activités imposent une forte empreinte, localement, sur le peuplement et le paysage: le fer et la céramique151.
Le fer
92Les recherches en ce domaine sont plutôt récentes et liées d’abord à l’archéologie mais, à sa lumière, les textes souvent négligés prennent plus de relief. Un certain nombre de zones révèlent la présence de minerai superficiel abondant et facile à exploiter. La plupart firent l’objet d’une forte activité métallurgique à l’époque moderne comme les régions de Châteaubriant et Paimpont en Bretagne ou celle d’Orthe dans le Maine. Bien souvent, se relèvent des traces d’exploitation antique, ce qui laisse supposer la possibilité d’une continuité qui couvrirait donc le Moyen Âge, la difficulté résidant dans la datation des ferriers et traces d’extraction. Ce n’est pourtant pas impossible et il est avéré que la période médiévale connut une activité éventuellement intense en ce domaine.
93Pour d’évidentes raisons, elle se trouve aux mains des puissants. Les seigneurs, maîtres du sol, contrôlent très étroitement l’activité métallurgique. Les concessions de rentes sur leurs forges et quelques donations de forges elles-mêmes le mettent en lumière152. Le sire de Châteaubriant donne une rente de 200 livres aux prieurés des Trinitaires de Béré en 1252, le seigneur de Sion, non loin de là, dote d’une rente de 7 livres le prieuré de La Roë au Breil-Ingault à partir d’une de ses forges de la forêt de Domnèche. Présence seigneuriale et traces d’activités sidérurgiques voisinent fréquemment. À Chammes, le cadastre ancien signale deux parcelles dites les Ferrières situées exactement au pied d’une motte avec basse-cour et des mottes encadrent nettement certains sites comme les deux qui contrôlent celui de la Bardogère en Pouancé153. Plusieurs cas d’association ont été relevés dans le Rennais par M. Brand’honneur, près de Combourg, Tinténiac ou La Guerche et près de la motte de Dézerseul154.
94Le monde monastique n’est pas en reste. Des Cisterciens que l’on attend inévitablement, nous ne savons pas grand-chose mais surtout par manque de sources. L’abbaye de Champagne est établie à Rouez, c’est-à-dire au cœur d’une région riche en minerai qui s’étend sur les actuels cantons de Conlie, Fresnay-sur-Sarthe et Sillé. R. Philippe a trouvé les traces d’une forge non loin de l’abbaye mais, tout en supposant un lien étroit entre les deux, ne peut l’affirmer avec certitude. Par contre, l’abbaye de La Roë possède des forges, sa position à elle aussi au cœur d’une région métallurgique ne pouvait la laisser indifférente155. Bien plus, un certain nombre de prieurés pourraient bien trouver dans l’exploitation d’une forge la raison de leur fondation. L’abbaye Saint-Sulpice, située dans la forêt de Rennes, possédait le prieuré de Saint-Malo-de-Teillay fondé sans doute dans la première moitié du xiie siècle en forêt de Teillay, non loin de Châteaubriant. Elle reçut du seigneur du lieu une forge qui fut transférée en forêt de Juigné pour un an, en raison des menaces qu’elle faisait peser sur les bois.
95Le fer attaque la forêt et son exploitation va de pair avec la progression des défrichements. Châteaubriant trône au milieu d’une véritable clairière de grande ampleur et la déforestation liée aux forges a été intense156. J.-C. Meuret y voit même, non sans raison, l’une des grandes causes du défrichement, au moins dans les régions riches en fer et nombre de sites d’habitat y doivent leur existence. Des paroisses et trèves en sont issues comme leur nom le trahit. Forges-la-Forêt, se présente comme un village issu du travail métallurgique. Le site initial, très ancien, situé au Masse et regroupé autour d’une motte s’est déplacé sur un endroit truffé de traces provenant de l’exploitation du minerai et de son traitement. Le bourg, bâti sur une couche de scories étendue sur presque deux hectares, pourrait avoir abrité des bas-fourneaux. Dans les alentours, abondent des ferriers très importants et des minières. Si la datation de tout cela demeure obscure, l’abandon du Masse et la présence d’un lignage de Forgiis au xiie siècle indiquent assez que l’activité métallurgique battait son plein en plein cœur de la période féodale et intéressait fortement une famille seigneuriale157. En pleine Bretagne intérieure, une trève de la paroisse de La Chèze possède une église donnée à Marmoutier dès 1128 et porte le nom significatif de Ferreria158. En forêt de Paimpont, les témoignages archéologiques et toponymiques ne manquent pas mais les datations précises sont absentes. Pourtant, scories et ferriers épousent les contours de certaines clairières dont la microtoponymie en ière/erie révèle une phase de défrichement médiéval. Sur Plélan, la motte dite du roi Salomon a livré une installation avec bas-fourneau fonctionnant à partir du xiiie siècle. Tous ces indices convergent pour reconnaître une forte activité métallurgique pendant la période médiévale mais des travaux restent à entreprendre pour obtenir des certitudes159. Incontestablement, le fer ne doit pas être sous-estimé dans la mise en place du peuplement et son organisation. Le finage villageois, pour les zones concernées, en porte des traces profondes, peut-être plus que celles laissées par l’activité diffuse et pas très bien connue des nombreux potiers.
La poterie
96La céramique occupe une grande place dans les fouilles mais les études effectuées portent plus sur la production et ses méthodes que sur l’appréhension de l’espace impliquée par cette activité. Deux exemples offrent cependant une approche intéressante en ce domaine. Le village de Fontenay, aujourd’hui inclus dans la commune de Chartres-de-Bretagne, non loin de Rennes, représente un beau cas d’artisanat rural ayant suscité un habitat. Plusieurs ateliers dont le plus ancien était actif à la fin du xie siècle ou au début du xiie se sont regroupés de façon très organisée autour d’une motte dont la chapelle deviendra église paroissiale montrant ainsi l’emprise du pouvoir sur ces artisans. Ont été retrouvés des enclos abritant les diverses phases du travail depuis l’extraction de la terre jusqu’à la cuisson. La production demeurait modeste et assez peu variée mais animait un village suffisamment pour en faire une paroisse et intéresser le pouvoir seigneurial160.
97Le site de la Hardelière, près de Laval ne présente pas tout à fait les mêmes caractéristiques. Il s’inscrit dans un vaste secteur qui, pendant des siècles, a été consacré à la production de céramique et de tuiles. Sur une centaine d’hectares, entre Thévalles et Saint-Pierre-le-Potier, se sont succédé une série d’ateliers, au moins depuis le xiiie siècle. L’atelier dit numéro 3, le plus ancien, était actif à la fin du xiiie siècle et l’on y a repéré au moins trois, sinon quatre fours disséminés à quelques centaines de mètres de l’église attestée dès 1080161. La production, de vaste ampleur et diverse, est caractérisée par la présence de la poterie dite « à œil de perdrix » en raison des cabochons qui la décorent. Tout laisse à penser que l’activité de production animait ce modeste village, comme Fontenay, mais vraisemblablement les potiers se livraient aussi à une activité agricole. L’église appartenait au prieuré d’Avénières tout proche, dépendance du Ronceray mais on ne perçoit pas l’implication des religieuses dans cette activité. Par contre, le donateur de cette église vers 1080, Hamo Crispus, évoluait dans l’entourage du seigneur de Laval et surtout, au xiiie siècle, ses descendants sont les seigneurs du Bois-Gamats, site seigneurial situé à proximité du site des fours162. À la fin du Moyen Âge, le seigneur du Bois-Gamats avait des droits sur les potiers, et vraisemblablement depuis longtemps. Même si tous les villages ne connaissent pas ce genre d’activité, ceux qui sont concernés doivent constituer une minorité assez importante où une production non agricole interfère fortement sur la gestion de l’espace.
Un espace inégalement polarisé
98Si cet espace villageois est délimité, aménagé et exploité, se pose la question cruciale de son fonctionnement, quel type de relation s’établit entre le bourg-centre, les hameaux et l’ensemble du territoire? Traditionnellement, se propose le schéma classique et simple: le centre qui réunit la plupart des habitants et concentre les formes de la puissance étend sa domination sur l’ensemble de l’espace paroissial qui deviendra communal. En théorie et en pratique, il s’avère possible, dans un contexte d’habitat dispersé, pour peu que le centre possède les moyens de s’imposer. Pourtant, de façon beaucoup plus générale, un système de relations plus complexe et plus instable a tendance à s’instaurer. L’organisation de l’espace précédemment étudiée résulte pour une part de l’antagonisme entre des forces divergentes sinon opposées.
Les données du problème
99Les géographes et les aménageurs se sont penchés depuis longtemps sur le degré de polarisation et les formes que cette dernière adopte. Sans pouvoir plaquer directement ces théories et ces modèles parce que la réalité médiévale ne l’autorise sans doute pas et aussi parce que nous ne pouvons disposer de l’outil statistique suffisant, il est possible de tenter une transposition qui pourrait apporter une lisibilité plus grande du système d’organisation spatiale rythmant la vie de la communauté villageoise. On a essayé ce transfert pour la théorie des places centrales permettant une analyse du système urbain163. Le problème n’est pas le même mais la vision théorique issue de la pensée du géographe allemand W. Christaller reprise et actualisée par les géographes contemporains peut contribuer à éclairer notre compréhension164. L’organisation de l’espace, la distribution des noyaux d’habitats et leurs relations à la fois entre eux et avec le territoire, la hiérarchisation et la concentration d’éléments de pouvoir et de domination constituent des données qui retiennent notre attention. Si l’on considère le territoire du village ou de la paroisse comme une cellule, politique, économique et sociale, on ne peut traiter tous ses composants sur le même pied et négliger les rapports qu’ils entretiennent entre eux.
100Un statisticien et géographe a analysé ces rapports dans l’espace communal de l’Ouest, actuel bien sûr165. Le degré de polarisation, c’est-à-dire d’influence du centre est fort pour le bourg et le hameau, faible pour celui du quartier, c’est-à-dire la réunion de quelques hameaux. Il établit ses calculs à partir de la commune d’Iffendic en Ille-et-Vilaine qui a le plus grand nombre d’écarts en Bretagne, soit 262 pour une population totale de 2936 habitants en 1962. Avec 340 habitants, le bourg dépasse les prévisions établies selon les lois statistiques et L. Laurent conclut à une forte polarisation, c’est-à-dire que le chef-lieu a une autorité et une influence incontestées. Ce gros bourg ne représente pas toutes les situations de l’Ouest et par ailleurs, la force des bourgs s’est fortement accrue à la période contemporaine avec l’installation de services divers, facteurs de polarisation qui expliquent un renforcement que nous ne constatons pas à la période médiévale. Avec les réserves que l’on peut faire, l’idée de la polarisation par le bourg peut nous guider dans l’analyse, la structure de l’habitat étant sinon semblable, du moins du même type.
Deux situations extrêmes: pas de polarisation, le centre incontesté
101La polarisation peut parfois demeurer absente. Les paroisses qui n’ont pas vu se créer un véritable centre n’ont guère de chance de voir véritablement se polariser leur territoire. Les exploitations et les petits hameaux se dispersent avec leurs terres formant autant de cellules, plus juxtaposées que véritablement organisées. Le cas n’est pas si rare et le non regroupement des hommes empêche pratiquement sur tous les plans la véritable création du village. Une variante de la polarisation difficile s’exprime dans les paroisses dénuées d’un véritable centre mais dotées de plusieurs gros hameaux concurrents qui génèrent autant d’espaces propres déniant pratiquement toute vraie existence à une communauté, ils en représenteraient plutôt chacun une. L’un des cas où cette situation s’observe assez bien se situe à Belgeard, non loin de Mayenne. Plusieurs gros « villages », peut-être quatre, plus ou moins d’égale force se répartissent le terroir villageois né de défrichements effectués en ordre dispersé. Deux « villages » importants, Belgeard (Brolium Legardi) et Bourgnouvel, en lisière de forêt, indiquent un développement médiéval autour de deux noyaux qui, au long des siècles, se sont disputés la direction, la paroisse étant passée de Bourgnouvel à Belgeard. Des burgenses, ce qui en 1228 n’implique pas obligatoirement l’existence d’un bourg, résident à Bourgnouvel, la Herperie et Lalière que l’on peut identifier avec la Lorerie166. Ces deux derniers endroits se présentent aujourd’hui comme de modestes écarts fort proches l’un de l’autre qui constituent ainsi une sorte de petits pôles secondaires. Le seigneur de Mayenne y avait des domaines et avait d’abord essayé d’y implanter les Cisterciens qui allèrent ensuite à Fontaine-Daniel tout en y gardant une grange167. L’examen des cartes montre encore un très gros hameau, l’Aubrière. Tout cela ne constitue guère une unité au Moyen Âge et même aujourd’hui. Il ne s’agit pas là du cas fréquent de deux pôles concurrents comme à Blou mais bien d’un agrégat dont les limites se révèlent bien artificielles.
102La polarisation à l’intérieur de l’espace paroissial dépend aussi du respect que l’on accorde aux limites de cet espace et le cas de la Tannière évoqué précédemment enrichit la réflexion mais n’évacue pas une certaine ambiguïté (Fig. 33). Le seigneur fonde une petite agglomération aux confins de la paroisse et suscite deux créations de bourgs de la part de ses pairs sur deux paroisses voisines mais en totale contiguïté. Un véritable petit ensemble s’organise donc au mépris des limites paroissiales. Un examen attentif montre que même le parcellaire ne les respecte guère. Peut-on parler de défi à la polarisation d’un espace paroissial? En fait, la réponse manque de netteté. Certes, le fondateur passe outre aux cadres définis mais son échec évident peut s’expliquer d’autre façon comme il a été évoqué: manque d’influence mais aussi caractère tardif de l’entreprise.
Figure 56 - Les finages de Cures et
Domfront-en-Champagne (Sarthe)
(Reconstitution d’après le
plan-terrier, Dufour J., Agriculture et agriculteurs…, op. cit., p.
103.)

103Inversement, des paroisses connaissent une polarisation remarquable, le bourg s’imposant sans contestation, ni réticence et organisant le territoire par rapport à lui. Il s’agit, en règle générale, de paroisses de superficie modérée et qui souvent naissent d’un défrichement mais cela n’a rien d’obligatoire. On peut bien sûr évoquer les terroirs neufs soigneusement cadastrés ou simplement organisés à partir du centre: celui de La Roë ou celui de L’Épinay-le-Comte. La photographie aérienne et la carte montrent un très beau schéma radioconcentrique pour Ruillé-Froids-Fonts au nom trahissant une origine ancienne. Le parcellaire se répartit en auréoles circulaires sur lesquelles se disposent les écarts. Il en va de même, souvent, sur les terres de champagnes étendues comme dans celle du Maine. Là, certains villages connaissent une polarisation presque analogue à celle de l’habitat groupé. À Cures, sur le plan-terrier du xviiie siècle, se développe un réseau de chemins rayonnant autour du bourg qui concentre l’essentiel de la population. Le parcellaire, bien que fort irrégulier s’organise visiblement en fonction de ce centre, sauf quand on gagne la partie éloignée au sud qui ignore le sous-sol calcaire et accueille une population beaucoup plus dispersée et sans doute un bocage plus avancé (Fig. 56). Il ne faut cependant pas généraliser, les champagnes du Penthièvre sont loin de connaître pareille situation et même le village de Domfront, voisin de Cures, n’a pas une telle homogénéité de son territoire. À quelques centaines de mètres du bourg, le hameau important de Noyers développe un parcellaire bien centré sur lui qui semble ignorer complètement le centre voisin168. Sans être rares, de telles organisations territoriales qui voient s’établir la domination sans coup férir du centre paroissial ne représentent pas le cas de figure classique sur les terres de l’Ouest.
Un espace morcelé
104Comme nous l’avons observé fréquemment, le centre paroissial, loin de concentrer la population, n’en réunit qu’une faible part et se trouve confronté à une véritable concurrence de la part de gros hameaux pouvant pratiquement assurer ses fonctions. Le bourg, en ce cas et bien d’autres, peut ne polariser que le territoire aux alentours comme celui de Plourhan qui voit se déployer un parcellaire circulaire mais seulement dans un rayon de quelques centaines de mètres (Fig. 57). Ailleurs, le bourg complètement excentré, éventuellement en raison de la partition d’une paroisse primitive, a bien du mal à exercer une influence. Celui de Prévelles, dans le Maine, qui ne semble pas subir la concurrence de gros hameaux, présente une certaine modestie au début du xixe siècle, et l’espace villageois ne s’organise guère en fonction de lui (Fig. 58)169. Le territoire se répartit en de vastes ensembles dont les parcelles affichent la même direction tandis que deux hameaux un peu plus forts au nord semblent bien installés au cœur de leur terroir. Même le réseau de circulation n’obéit que partiellement à l’implantation du bourg.
Figure 57 - Plourhan: le bourg et son terroir (Côtes d’Armor)

(D’après le cadastre de 1822, feuille du bourg, arch. dép. Côtes d’Armor, 3P plan, 74).
Figure 58 - Le finage de Prévelles (Sarthe) au xixe siècle

(D’après le cadastre de 1832, Dufour J., op. cit., p. 152).
105Généralement, l’ensemble du finage n’ignore pas la place du centre mais affiche une nette tendance à se diviser en sous-ensembles qui s’individualisent clairement. Les îlots de culture ou de mise en valeur se déploient autour de grosses fermes ou d’écarts qui animent ces zones et paraissent vivre une vie relativement indépendante. Bien des paroisses bretonnes le font en donnant un nom à un quartier regroupant quelques hameaux ou écarts, ce qui semble le cas des tribus de basse-Bretagne. Le phénomène est encore plus radical, quoique assez largement artificiel, avec le cas des trèves. À bien des égards, elles reproduisent le modèle du village et, par exemple, celle de Trimer, devenue commune depuis, organise et domine son territoire qui semble doté d’une certaine unité170. Dans le Maine, la paroisse; de Saint-Georges-Buttavent représente un beau cas d’unité difficile. Née des défrichements et citée seulement au début du xiiie siècle, elle paraît des plus éclatées. Le centre paroissial, doté d’un bourg pourtant, ne peut guère imposer sa marque sur l’ensemble du territoire. Le sud-ouest en est occupé par un gros hameau, presqu’un petit centre paroissial: la Chapelle-au-Grain, et une bonne partie au nord et au sud-est échappe à l’influence du centre avec le vaste terroir de la commanderie de Quittay et surtout l’implantation de l’abbaye cistercienne de Fontaine-Daniel formant un ensemble bien individualisé de l’autre côté du bois de Salair.
Figure 59 - Le finage de Montourtier
(Mayenne)
(Le relevé du parcellaire a été effectué par Macé G., Un
département rural de l’Ouest : la Mayenne, p. 310).

106La paroisse de Montourtier ne va pas aussi loin dans l’éclatement (Fig. 59)171. Elle n’apparaît dans les textes qu’en 1214 mais l’église dédiée à saint Pierre remonte à une époque antérieure. Le finage montre clairement une série d’ensembles contrastés. Vers le nord et les clairières de la forêt de Bourgon, un parcellaire très aéré correspond aux vieilles implantations du haut Moyen Âge et à des installations érémitiques devenues prieuré de Marmoutier, Lincé et Saint-Martin de Sezain, tandis que le château de Bourgon dont le lieu est cité en 1203 engendre lui aussi un espace propre. Vers l’ouest, un vaste système ovalaire, irrigué par une série de chemins accueille des exploitations isolées ou de petits hameaux aux toponymes en ière. Au nord, le long du chemin faisant rocade, des toponymes en lande évoquent le défrichement aussi et, surtout, la grange cistercienne de Champeux a donné naissance à un tout petit hameau et quelques grandes pièces de terre transmettent le souvenir de l’entreprise monastique. Vers l’est, le parcellaire se montre plus aéré et la Rouzière trône au centre d’une vaste auréole bien marquée.
107Au sud-ouest, subsistent les restes de la Lande Royale, ses franges ont été mises en culture récemment, mais tout ce secteur ne semble pas spécialement organisé en fonction du bourg tout proche. Le territoire de la paroisse se présente comme le produit d’une série d’ensembles accolés qui, dans ce cas, ne dépendent pas de hameaux. Certains finages angevins connaissent aussi cet éclatement. Saint-Martin-du-Fouilloux et Belle-Noue, s’imposent dans un cadre sans doute préexistant et juxtaposent à ce parcellaire des auréoles de défrichement pour le premier tandis que dans le second, Belle-Noue et le Petit Paris se placent plus ou moins en situation concurrentielle (Fig. 48)172.
108Ce que ces cadastres nous livrent c’est le souvenir des unités territoriales qui devaient servir de cadre à la vie quotidienne. Beaucoup se centraient sur un hameau plus ou moins important et l’on retrouve les terroirs identifiés autour des villages par P. Flatrès173. L’existence de tels territoires se traduit peut-être aussi dans certaines trouvailles de la prospection archéologique. Dans la région de Ruffiac-Carentoir s’identifient des aires assez étendues, de 50 à 60 hectares, sur lesquelles on ramasse de très petits tessons de poterie fortement disséminés mais qui constituent des groupes homogènes. 56 aires ont ainsi été répérées. Les archéologues éliminent la possibilité d’établissements humains mais interprètent ces ensembles comme le produit d’une fumure, les tessons usés ayant été épandus avec les matières fertilisantes: boues, fumiers etc…174. L’hypothèse séduisante fait plus que corroborer l’analyse des cartes. Il ne peut s’agir de l’étendue d’exploitations, la superficie trop élevée empêche d’y songer. Par contre, elle recoupe parfaitement l’enquête sur les finages des hameaux. Ces aires y correspondent peut-être et l’on aurait ainsi une étendue bien individualisée par le travail des hommes mais les conclusions autorisent à aller plus loin. Si l’estimation chronologique proposée par les chercheurs, xiiie-xive siècles est exacte, mais la céramique est un assez bon marqueur, à cette époque, les paysans auraient employé des méthodes fertilisantes, limitées sans doute, et l’homogénéité laisse envisager un paysage assez largement ouvert et une forte cohésion sociale, au moins en ce qui concerne le travail.
109Un tel constat conduit évidemment à s’interroger sur l’unité de la communauté paroissiale. La faiblesse relative de la concentration dans le centre, l’importance de la population dispersée et surtout la nette concurrence éventuellement affichée par certains gros hameaux font douter de la force de la communauté. La prépondérance du centre paroissial peut paraître peu discutée quand la dispersion est telle qu’aucun autre noyau vraiment fort ne se forme mais il peut en aller tout autrement si certains regroupements prennent quelque importance. Un trait original et bien affirmé dans presque toutes les contrées de l’Ouest s’affiche donc: la présence forte du hameau ou plutôt du « village », réalité bien implantée et partie prenante essentielle dans la structuration de l’habitat, ce qui ne va pas sans poser la question de son niveau de sociabilité. La polarisation de l’espace villageois s’est donc bien produite et se reconnaît au xiiie siècle, son degré, par contre, présente une grande variabilité et de toute façon demeure fort incomplète. Cependant, ne voir dans ce fait qu’un village peu structuré et une communauté floue et peu organisée relève peut-être d’une conclusion hâtive. La présence du « village » remet partiellement en cause la prédominance du centre comme référence en tous points mais il n’est pas impossible d’y voir aussi un échelon dans l’organisation du peuplement, une façon de tenir le territoire qui utiliserait des relais plus ou moins hiérarchisés et en relation avec ce centre, l’étude des liens de pouvoir et des rapports sociaux pourrait éclairer la question.
* * *
110Entre les xie et xiiie siècles, le village de l’Ouest organise son finage et d’évidentes particularités se manifestent. Sa fixation présente une réelle nouveauté car, mises à part peut-être les plou, l’habitat du haut Moyen Âge se déployait sur un autre espace. Désormais, la communauté villageoise possède son territoire bien identifié associé complètement à elle, au point que, très symboliquement, toute terre se situe par rapport à lui. Progressivement, l’emprise et le contrôle se précisent sous les aspects les plus divers mais sans atteindre à une unité et une homogénéité que l’on peut rencontrer dans les zones de villages groupés. Les limites de l’organisation se traduisent clairement dans le stade incomplet de la polarisation de l’espace, ce qui n’empêche pas l’identification d’un territoire dont l’appropriation est évidente et devient tout à la fois un gisement de ressources et un facteur de production tout en fondant aussi l’identité d’un groupe qui se reconnaît en lui.
111Nous retrouvons ici le même inachèvement constaté dans la répartition de l’habitat mais, là aussi, les conclusions sont à nuancer. Tout habitat tend à organiser son espace mais cela n’empêche pas une hiérarchisation. L’organisation ne va donc pas vers une maîtrise et surtout une polarisation croissante mais l’inachèvement n’est peut-être pas un échec, il y a organisation. La dispersion et donc l’éclatement de l’espace villageois ne constituent pas un archaïsme en voie de résorption, ils s’intègrent dans un système bien vivant dans lequel ils continuent à se déployer dans une logique quasi dialectique dans le cadre de mouvements, sinon contradictoires, du moins antagonistes. Les raisons d’une telle situation ne résident guère dans cet espace lui-même, les géographes ont renoncé depuis longtemps au rôle contraignant de données purement spatiales et physiques. Elles offrent plutôt un cadre que façonnent les facteurs humains, c’est-à-dire les pouvoirs et l’organisation du groupe social.
Notes de bas de page
1 Chapelot J. et Fossier R., Le village et la maison…, op. cit, p. 175.
2 Chouquer G., Les formes du paysage, t.2, p. 213-219.
3 Une question de vocabulaire doit être soulevée. Le mot finage a été retenu pour ce chapitre dans la mesure où il définit l’espace administré par un village ou qui en dépend alors qu’au sens strict le terroir se définit par ses traits physiques. L’usage tant des géographes que des historiens est plus flou. Derruau M., Précis de géographie humaine, p. 194, George Pierre, Dictionnaire de la Géographie, art. finage et terroir. Le mot terroir est employé systématiquement dans l’ouvrage de Chapelot J. et Fossier R. Le village, op. cit. ainsi que par Chouquer G. et les intervenants du colloque d’Orléans.
4 Lorans E., Le Lochois, op. cit., p. 73-76.
5 Tonnerre N.-Y., « Village et espace villageois… », op. cit., p. 40-41.
6 « Quicquid habeo in villa Gabrona, in ecclesia sancti confessoris Constantiani, omnes consuetudines quas possideo undique in circuitu predicte ecclesie in Gabronensi pago, circumcirca, longe vel prope, per spacium duarum leugarum: hoc est vicariam, teloneum, pedagium, forestagium, seu alteras consuetudines ; et de illis hominibus qui de me tenent […] ». St-Julien de Tours, 17, (vers 1046).
7 Ibidem, 18, Pichot D. « Confirmation de la donation des églises de Javron. », MAH, t.20, 1997, pP 3-12.
8 « Terminatur autem idem locus terra Sancti Albini, terra Sancti Germani Veteris vici et Sancti Martini de ecclesia vici qui Macerias dicitur cum via publica », Guillotel H., Actes, 19.
9 Zadora-Rio E. et alii, Rigny-Ussé 1, l’état des lieux d’après les sources écrites, chap. 1, idem, RACF, 1992, op. cit., p. 84-85.
10 Grandchamp (Loire-Atlantique, cant. La Chapelle-sur-Erdre), Champsecret (Orne, cant. Messei), Louise G., La seigneurie de Bellême., op. cit., t.1, p. 88-90.
11 Pichot D., « Les Deux-Evailles : une famille de la petite aristocratie du Bas-Maine (1211-1358) », Campagnes médiévales…, op. cit., p. 476.
12 Liber Albus, 27, 132. Courgenard et Cormes (Sarthe cant. Montmirail), Ancinnes et Ste-Marie (idem, cant. St. Paterne).
13 Laurain E., « Questions fabriciennes », op. cit.
14 « [...] ea que plurimorum scandalum et animarum periculum paruerunt pia sollicitudine conveniat amovere parrochiam ecclesie de Monteneio in nostra diocesi constitutam propter suam nimiam diffusionem et quoniam aliquando propter divini ministerii carentiam atque locorum distantiam quosdam ecclesie filios absque confessione et perceptione corporis et sanguinis Domini viam carnis ingredi contigit universe, aliquorum quidem corpora per triduum et eo amplius, sicut ex certa, relatione, didicimus ex eisdem causis remanserit in propriis domibus inhumata, in duas parrochias bonorum et fide dignorum communicato consilio, duximus dividendam, in utraque parrochia ad propriam et matricem ecclesiam [...] sacerdotem proprium assignantes », arch. dép. Sarthe, H 785, dans, Pichot D., « Défrichement et mise en valeur… », op. cit., p. 269.
15 « [...] testificantes quod in dimidia villa Broolis septem minas et dimidia frumenti et septem arietes et dimidium, juxta divisas antiquitus particulas, haberemus et quod ad singulam particulam terre ad minam scilicet frumenti pertineret in cimiterio singula platea, sine censu, exceptis de singulis plateis singulis denariis », Cart. Redon, 375 et, Chédeville A. et alii, Le cartulaire de l’abbaye Saint-Sauveur, op. cit., p. 44. Noyal (Morbihan, cant. Muzillac).
16 « designavit nobis (le seigneur de Craon) parrochiam quotquot erant inhabitantes vel inhabitaturi erant in tota illa foresta que continetur infra callem que dicitur Groletum et aquam que Usura nuncupatur », Laurain E., op. cit. ; « a fluvio qui dicitur Derlanda usque ad forestam », Cart. St.- Sulpice, 76, 76bis.
17 « Ergo, Livriacus dicitur ipsa elemosina quae sic divisa est comitis Gauzfridi jussu: ab ecclesia usque ad terram que nuncupatur Vendeliscum, sicut Veouris currit usque ad torrentem Birzillae, atque de torrente ad publicam viam Redonensem uti dirigetur ad Rachatam per quercum Pediculosum quercumque Furcatum », Guillotel H., Actes, 59. Livré (Ille-et-Vilaine, cant. Liffré).
18 « [...] quamdam partem sylvaticae terrae adhaerentem Livriacensi parrochiae, quam livriancenses antiqui affirmabant quondam fuisse Sancti Florentii, cum caetera terra Livriancensi. Protenditur autem praedicta pars ab aiia Ingelsendis usque ad Burgundinariam per crucem Triscandi », Ibidem, 96.
19 « Parrochialia hominum et terrarum que continetur intra Brolium et Viam Tritam, que dicitur Via Penurie, usque ad aquam de Iona, omnia inquam parrochialia illa de quibus erat controversia, ad ecclesiam de Intramis debent pertinere. Alia parrochialia, que sunt inter viam memoratam et ecclesiam de Malo Campo, ad eamdem ecclesiam pertinebunt », Cart. Ronceray, 409. Entrammes, Bonchamp (Mayenne, cant. Laval et Argentré). Idem pour la délimitation de Lécousse et St-Sulpice de Fougères, Chedeville A. et Tonnerre N.-Y., La Bretagne féodale, p. 264.
20 Zadora-Rio E. et alii, op. cit.
21 Bouton A., Le Maine…, op. cit., p. 239. Luché, Mansigné (Sarthe, cant. Le Lude).
22 Ibidem, p. 239 et Liber Albus, 27.
23 Planchais-Lagatu Laurent, « Les enclaves paroissiales en basse-Bretagne », BSAF, 1994, p. 263-293.
24 Duby G. et alii, « La carte instrument de recherche : les communes de France », Annales ESC., t.13, 1958, p. 447-487.
25 Chédeville A., « Naissance et développement… », op. cit.
26 Pour le Maine, les cartulaires de Marmoutier et de Saint-Vincent se réfèrent à la paroisse après 1080.
27 Roupnel G., Histoire…, op. cit., rééd. 1974, p. 80.
28 Angot, Dictionnaire, Introduction.
29 Cart. Redon, 38. Carentoir (Morbihan, cant. La Gacilly).
30 Cart. St-Serge, I. 370. La Possonière (Maine-et-Loire, cant. St.-Georges-sur-Loire).
31 Pré-en-Pail (Mayenne, cant. de), Cart. La Couture, 364.
32 Meuret J.-C., Peuplement…, op. cit., p. 600-603.
33 1220 « [...] unum clausum terre situm in medio inter viam ducentem de domo Leirbechami ad Landam Ploezec ex uno latere [...] », Anciens évêchés, Livre 4, Beauport, 50. Plouézec (Côtes d’Armor, cant. Paimpol) ; 1270 « [...] in confinio magni itineris quod ducit de vadis Yvisani ad villam Christi ex parte una, et iter quod ducit ad vallem molendini Staphani altera [...] », ibidem, livre 4, 132.
34 Pichot D., Le Bas-Maine, op. cit., p. 111-112.
35 Zadora-Rio E., « Les terroirs médiévaux… », op. cit., p. 179-181. St-Martin-du-Fouilloux (Maine-et-Loire, cant. St.-Georges-sur-Loire).
36 Dufour J., Agriculture et agriculteurs, op. cit., p. 103.
37 Placé, Cart. Montguyon, 4 (1198).
38 Martin Hervé et Martin Louis, « Croix rurales et sacralisation de l’espace. Le cas de la Bretagne au Moyen Âge », Archives de Sciences Sociales des Religions, n° 43/1, 1977.
39 Audin P., « Un exemple de survivance païenne : le culte des fontaines dans la France de l’Ouest et du Centre-Ouest, 2e partie, du Moyen Âge à nos jours », ABPO, 1980/4, p. 679-696.
40 La littérature est abondante mais inégale, l’obstacle principal résidant dans la grande difficulté opposée par la datation de ces monuments. On pourra se référer, outre l’article déjà cité, à Martin H., « La fonction polyvalente des croix à la fin du Moyen Âge », ABPO, 1982, p. 295-310, et à des catalogues : Castel Y.-P., « Atlas des croix et calvaires du Finistère », BSAF, 1980; Guéguen A., Croix et calvaires de la Mayenne, Laval, 1993.
41 Martin H., « La fonction… », op. cit., p. 298.
42 Cart. Ste-Croix de Quimperlé, 93, Guillotel H., Actes, 96.
43 Cart. St.-Vincent, 137, Champagné (Sarthe, cant. Nogent-le-Rotrou).
44 Laurent Donatien, « La troménie », dans Dilasser M. (dir.), op. cit., p. 195-223. Il est possible que la troménie de Locronan christianise le souvenir d’une vieille enceinte sacrée païenne.
45 Le Mené M., Les campagnes angevines…, op. cit., p. 126-127.
46 Marchand Jean-Pierre, « Les terroirs en ellipse dans le nord-ouest du Craonnais, essai de géographie historique », Actes du colloque Rennes-Quimper, 1977, Paysages ruraux européens, Rennes, Université de Haute-Bretagne, 1979, p. 1-16. Ce travail est repris et partiellement critiqué par Meuret J.-C., Peuplement…, op. cit., p. 604-608. Carte p. 176 et 606-607.
47 Zadora-Rio E., « Les terroirs médiévaux », op. cit., p. 180-181.
48 Louise G. et Lavigne C., op. cit. L’Epinay-le-Comte (Orne, cant. Passais-la-Conception), St.- Aubin-Fosse-Louvain (Mayenne, cant. Gorron).
49 Le Mené M., « La forêt du Lattay… », op. cit., carte p. 36.
50 Meuret J.-C., Peuplement, op. cit., p. 587.
51 Pichot D., Le Bas-Maine, op. cit., p. 102-104.
52 Arch. dép. Mayenne, cadastre de Placé, 3P 2770.
53 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, cadastre de Gahard, 3P, section de Riclou, Ière feuille.
54 Meuret J.-C. Peuplement…, op. cit., p. 576-586 ; Flatrès P., « La structure rurale… », op. cit., p. 365. Le Tréhou (Finistère, cant. Ploudiry).
55 Meynier A., Les Paysages agraires, rééd. 1967, p. 155-156,
56 Meuret J.-C., Peuplement…, op. cit., p. 591.
57 Gautier Maurice, Naas Patrick, Leroux Gilles, « Archéologies des paysages agraires armoricains, éléments pour une nouvelle approche », dans Chouquer G., Les formes du paysage, t.2, p. 45-46. St.-Brieuc-de-Mauron (Morbihan, cant. Mauron).
58 Soyer Jacqueline, La conservation de la forme circulaire dans le parcellaire français, Paris, 1970.
59 Chédeville A., « Un défrichement en Bretagne… », op. cit., p. 437-439.
60 Duval J.-F., « Occupation et mise en valeur… », op. cit, cartes 35 et 37.
61 Domfront-en-Champagne, Cures (Sarthe, cant. Conlie), Dufour J., Agriculture…, op. cit., p. 102-103.
62 Renart J., Les évolution…, op. cit., p. 5-6.
63 Zadora-Rio E., « Archéologie du peuplement », op. cit., p. 46-49.
64 Cart. manceau de Marmoutier, Fontaine-Géhard, 14 (parc en Saint-Baudelle près de Mayenne) ; Les clairières de Le Cannée, Chatenay, Trédéal, Coganne et la Ville-Danet en Paimpont et Plélan fourmillent de microtoponymes le Parc. 39 pour le seul site de La Cannée, Duval J.-F., op. cit., carte 22.
65 Gautier M. et alii, « Archéologie des paysages agraires », op. cit., p. 51-53.
66 Meuret J.-C., Peuplement, op. cit., p. 594.
67 Marcillé-Robert (Ille-et-Vilaine, cant. Retiers).
68 « [...] campum terre, ut putabatur ad sementem tredecim sextariorum juxta viam que ab ecclesia ducit ad molendinum ad sinistram partem secus stagnum [...] », arch. dép. Ille-et-Vilaine, 1F 544/4; « [...] ut terre sue que Clinus Campus dicitur et in parechia ejusdem Marcilliaci site, mansuram unamnobis donarent [...] », ibidem, 1F 544/8.
69 Tonnerre N.-Y., Naissance…, op. cit., p. 467-469 ; Chaumeil L., « L’origine du bocage en Bretagne », dans Hommage à Lucien Febvre, Paris, 1954, t.1, p. 163-185.
70 Dufour (J.), « Un bocage tardif et éphémère : le bocage de la Champagne de Conlie (nord de la Champagne mancelle) », dans, CNRS, ENSA, UNIVERSITE DE RENNES, Les bocages : histoire, écologie, économie, 1976, p. 49-52.
71 Maroué (Côtes d’Armor, cant. Lamballe).
72 Meynier A., Les paysages agraires, op. cit., p. 30-32.
73 Flatres P., « La structure rurale du sud-Finistère… », op. cit., p. 427-433.
74 Deniaud A., « Champs ouverts à la lisière de la forêt de Paimpont », Norois, 1961, p. 153-165.
75 Renart J., Les évolutions contemporaines, op. cit., p. 15-19; une synthèse récente, idem, « Les paysages agraires du sud-est du Massif Armoricain. Le point de vue du géographe », Enquêtes rurales, n° 2, 1997, p. 109-121.
76 « [...] Il aura cloyson a clore les blez d’ouprès le boueis ou temps que les blez y seront », Joubert A., La vie agricole dans le haut-Maine au xive siècle d’après le rouleau inédit de Madame d’Olivet (1335-1342), Mamers, 1886, p. 46.
77 Chédeville A. et Tonnerre N.-Y., La Bretagne féodale, p. 330.
78 Guilcher A., « Le finage des champs dans le cartulaire de Redon », AB, 1946, p. 140-144 ; Davies W., Small Worlds…, op. cit., p. 34 ; Tanguy B., « Le cartulaire de Redon, un témoignage… », op. cit.
79 Exemples cités dans, Chédeville A. et Tonnerre N.-Y., La Bretagne féodale, p. 330. Un épisode de la vie de saint Lunaire souligne ce rôle du fossé. Face à l’hostilité des habitants, un ange lui conseille de coiffer de son manteau un grand menhir couché qui alors s’ébranle et trace un sillon qui définit les limites du domaine. Le saint adresse à Dieu cette prière significative : « et fac tuum admirabile signum ut sit mea ab alia divisa terra amodo usque in finem seculorum », Carré André et Merdrignac Bernard, La vie latine de saint Lunaire, Centre international de recherche et de documentation sur le monachisme celtique, 1991, p. 156. (ixe-xe siècle).
80 « [...] in plessitis defensabilibus aut in haiis constructis propter terram defendam », arch. dép. Ille-et-Vilaine, 6H16. « Sepibus defensalibus », Anciens évêchés de Bretagne, livre 4, pièces justificatives, n° 84 (1233).
81 Meuret J.-C., Peuplement, op. cit., chap. XVI, p. 443-460 ; Le Mené M., Les campagnes angevines…, op. cit., chap.2, p. 93 et suiv.
82 « [...] fossatum terrae Hervei Carbonelli de Marreiocochet », Moolenbroek J. (VAN), Vital l’ermite…, op. cit, acte 15A.
83 « [...] sicut dividitur per rivulos descendentes in aquam que vocatur Camba, unus de monte Fredeberti descendens, et in transverso per fossatum qui inflectitur ad pireria, et sic iterum per fossatum qui ducitur ad fontem Salcei, et sic iterum visum per fossatum usque in rivulum qui currit inter Marchais et plaisseium Huberti… », ibidem, n° 12.
84 À Montguyon en Placé, en 1198, le locus est confirmé bois et terre, « sicut per circuitum metis exterioribus clauditur », l’expression ne dit pas comment est opérée la délimitation mais en 1208, une nouvelle confirmation stipule : « locum de Montguyon et omne nemus circa eos quemadmodum fossata eorum dividentur a foresta », Cart. Montguyon, 4, 5. Ballots, cf. Fig. 58, Fontaine-Harouys, Meuret J.-C., Peuplement, op. cit., p. 590, l’auteur y voit même un des rares cas notoires de talus-maître.
85 Cart. manceau de Marmoutier, Bouère, 20, « haïam qui accingit garennam », (1227). ; Maison de Laval, 3222, Cart. Bonshommes de Craon, 1.
86 « Praecipio quod ipsi [...] possint loca, nemora et ceteras possessiones suas prope forestas et possessiones meas aut hominorum meorum claudere [...] fossatis, haïs, sepibus sive pallo » Cart. Perseigne, 1. Le texte est cité dans, Zadora-Rio E., « De la haie au bocage : quelques remarques sur l’Anjou », dans, Le village et son environnement. Études offertes à J.-M. Pesez, Paris, 1998, p. 671-682. Cet article propose une synthèse dont les conclusions dépassent les frontières de l’Anjou.
87 Cart. d’Evron, 77, Cart. Montguyon, 3, Cart. La Couture, 183, 300.
88 Zadora-Rio E., « De la haie au bocage », op. cit.
89 « terram suam propriam Varennis ut continetur intra fossata », Cart. St.-Serge, I, 325.
90 « Stude eam sepiendo munire », De S. Sulino abbate conf. in vico sui nominis diocesis macloviensis in Armorica, A.A.S.S., october I, p. 196.
91 Cart. Montguyon, 1, Cart. Genneteil, 21, Maison de Laval, 284, La Borderie, Actes, 68. Les autorisations sont délivrées par les seigneurs de Craon, Laval, Château-Gontier, Bellême, le duc de Bretagne etc..
92 Meuret J.-C., Peuplement, op. cit., p. 534-537, Cart. des Bonshommes de Craon, 1, 2.
93 Les chanoines développent un réseau de fossés déjà esquissé antérieurement. Attal Fr., Beauport, op. cit., p. 71-73.
94 Chaumeil L., op. cit., J.-C.Meuret accorde aussi une grande importance à l’élevage tout en admettant un certain nombre d’autres facteurs.
95 Meuret J.-C., Peuplement, op. cit. ; Zadora-Rio E., « De la haie au bocage », op. cit.
96 Le fait est souligné par E. Zadora-Rio, ibidem et se retrouve ailleurs, Maison de Laval, 3222.
97 Il est courant de régler un conflit ou un partage en érigeant un talus, Cart. St.-Vincent, 100, dès 1078, ce qui conforte l’hypothèse du caractère juridique de la haie ; La Borderie, Actes, 75.
98 Le fait est général pour les vignes et plusieurs textes signalent des ouches encloses, Meuret J.-C., p. 539-541.
99 Quelques textes décrivent un bocage assez dense autour de bourgs, Pichot D., Le Bas-Maine, op. cit., p. 118. Les premières mentions de parcelles encloses totalement remontent seulement au xiiie siècle, 1256 en Bretagne, Chédeville A. et Tonnerre N.-Y., La Bretagne, op. cit., p. 331,
100 Des abris pour les porcs sont cités dans la forêt de Mayenne, mais aussi en forêt de Ruis où les moines de Saint-Gildas ont des droits pour leur porcheria et leur farracium pour leurs bœufs, BNF., nvlles acq. lat. 1254 et La Borderie, Actes, 61-62.
101 Attal Fr., op. cit., p. 130-143.
102 Ibidem, p. 141, Anciens évêchés, t.4, 6, 48. Voir aussi Cassard J.-C., Les Bretons et la mer, Rennes, 1998. Plourivo, Bréhat (Côtes d’Armor, cant. Paimpol).
103 Cayla Philippe, « Épis de pêcheries et ouvrages médiévaux en Loire angevine », dans La construction en Anjou…, op. cit., p. 245-265.
104 Étienne de Fougères, Le Livre des Manières, Anthony R. ed., p. 84.
105 Delatouche R., « Le poisson d’eau douce dans l’alimentation médiévale », BPH, 1967, t.1, p. 171.
106 Guillotel H. et Meuret J.-C., « Chartrel et Carcraon », op. cit., p. 61-62.
107 Attal Fr., op. cit., p. 148-175.
108 Philippe Robert, « L’énergie au Moyen Âge : l’exemple des pays entre Seine et Loire de la fin du xe siècle à la fin du xve », thèse inédite, Paris, 1980.
109 Tonnerre N.-Y., Naissance, op. cit., p. 474-475.La bibliographie les concernant est limitée, ils sont plus évoqués que vraiment étudiés.
110 Pichot D., «Moulins et société dans le bas-Maine (xie-xiiie siècles) », MAH, n° 19, 1996, p. 39-53, « Le moulin et l’encellulement dans l’Ouest français (xie-xiiie s.) », Flaran, 20 (à paraître).
111 Chauvin Y., « À propos des moulins du temporel de Saint-Serge d’Angers aux xie et xiie siècles », dans La construction en Anjou, op. cit., p. 217-231.
112 Anciens évêchés, livre 4, 20.
113 Tonnerre N.-Y., Naissance…, op. cit., p. 374 ; Chauvin Y., « Pour de célestes récompenses : deux actes de donation des xie et xiie siècles à l’abbaye Saint-Serge d’Angers », dans, Mondes de l’Ouest…, op. cit., p. 431-434, La Borderie, Actes, 130, Pichot D., «Moulins…», op. cit., p. 43.
114 Les Templiers possèdent un moulin à marée près de Guérande en 1182, le premier moulin à vent connu est à Buzay en 1245 ; Tonnerre N.-Y., Naissance…, op. cit., p. 474 et Attal Fr., op. cit., p. 101.
115 « Sextam partem molendini de Ardonna, centum solidi Redonensium denariorum », arch. dép. Illeet-Vilaine, 1F 544/6, Chauvin Y., op. cit., p. 221.
116 Traduction de Y. Chauvin, ibidem, p. 431-432.
117 Cart. La Couture, 159 (1190), Auvers (Sarthe, cant. Sablé).
118 « Iter quod ducit ad vallum molendini Stephani… », Anciens évêchés, livre 4, 147.
119 Meuret J.-C., « Construction et habitat… », op. cit., p. 159-160 ; « molendino sito subtus domum », Anciens évêchés, livre 4, St-Jacut, 29.
120 Dom Morice, Preuves, 1, 813-814 et Pichot D., « Moulins et société », op. cit. p. 48.
121 Guillotel H., Actes, 27 ; « septem villas quas vulgus Les Cleruc appelat », La Borderie, Actes, 22. (daté avant 1088). St-Guénin, trève de Ploural (Morbihan, cant. Pontivy).
122 Meuret J.-C., Peuplement, op. cit., p. 364.
123 Pichot D., « La grange du Fayel et la mise en valeur du pays de Vitré au xiie siècle », BMSAIV, t.79, 1976, p. 21-30.
124 St.-Georges-Buttavent (Mayenne, cant. Mayenne).
125 Bouton A., Le Maine…, op. cit., p. 266 ; Meuret J.-C., Peuplement, op. cit., p. 543-544 ; Barthélemy D., La société…, op. cit., p. 891-893 ; Pichot D., Le Bas-Maine, op. cit., p. 167-168, 343-344 ; Chédeville A., « Métairie et métayage en Bretagne depuis les origines : essai de synthèse », dans Karlowska-Kamzova Alicja avec la collaboration de Kowalski Jacek, Bretagne-Pologne : la tradition médiévale aux temps modernes, Poznan, 1995, p. 21-35.
126 « Haïam que dividit ipsas mediterreas a plano de Balorz », Cart. La Roë, 8, cf. carte, Meuret J.- C., Peuplement, op. cit., p. 607. Ballots (Mayenne, cant. St.-Aignan-sur-Roë).
127 Le Mené M., Les campagnes angevines, op. cit., p. 134-135.
128 Ibidem, p. 130.
129 Ibidem, p. 131 ; Cart. St.-Serge, I, 40 (quatre boeufs) ; Chédeville A. et Tonnerre N.-Y., La Bretagne féodale, p. 347 (en Bretagne, masura s’applique souvent à la terre de l’église) ; Pichot D., le Bas-Maine, op. cit., p. 264 ; Meuret J.-C., Peuplement, op. cit., p. 264-265 ; seul N.-Y. Tonnerre penche pour une petite exploitation mais sans développer son argumentation, Naissance…, op. cit, p. 460.
130 Pichot D., Le Bas-Maine, op. cit., p. 265, 346-347.
131 Barthélemy D., La société dans le comté de Vendôme, op. cit., p. 456-459.
132 Arch. dép. Mayenne, ms 33,104-105, Landivy (Mayenne, cant. de), La masura de la Ailleharderia est tenue par la famille Aillehart. La masura de Hubert Goulegaste est devenue la Goulegastière (arch. nat. L 970/461).
133 Latouche R., « L’économie agraire et le peuplement des pays bocagers », Revue de synthèse, 1939, « L’exploitation agricole dans le Maine, du xiiie au xvie siècle », AB, 1944, « Défrichement et peuplement rural dans le Maine du ixe au xiiie siècle », MA, 1948, repris dans Études d’histoire rurale, p. 127-132, 153-161 et 145-152. Joué-l’Abbé (Sarthe, cant. Ballon).
134 Traduction de R. Latouche, Défrichement…, op. cit.
135 Cart. St-Aubin, 355.
136 Cart. St-Vincent, 326. Sarcé (Sarthe, cant. Mayet).
137 Le mené M., Les campagnes angevines, op. cit., p. 131-132. Les borderies de la forêt du Lattay ont des tailles décroissantes en fonction de leur génération. Les premières du xie siècle, présentent tous les caractères des gagneries, les dernières ne sont plus que de petites exploitations, ibidem, p. 137-140 ; Renard J., « Les paysages agraires… », op. cit.
138 Bertrand Georges, « Pour une histoire écologique de la France rurale », dans Histoire de la France rurale, t.1, p. 34-111.
139 Quelques synthèses régionales plus ou moins développées : Chédeville A., La Bretagne féodale, p. 333-346 ; Pichot D., Le Bas-Maine, op. cit., p. 361-371 ; Niderst R., « L’occupation du sol. »., op. cit. ; Boussard J., « La vie en Anjou aux xie et xiie siècles », MA, 1950, t.56, p. 29-68.
140 Ibidem. La remarque est intéressante et vraisemblable, cependant l’article, un peu périmé dans sa problématique, aurait besoin d’être vérifié.
141 Une révision des idées communément admises : Brunel G., « L’élevage dans le nord de la France (xie-xiiie siècles) ». Quelques jalons de recherche, dans, Des animaux et des hommes, économie et sociétés rurales en France (xie-xixe siècles), ABPO, t.106, 1999, n° 1, p. 41-61.
142 Meuret J.-C., Peuplement, op. cit. p. 538.
143 Arch. nat., L 972/722 ; Liber controversiarum, 138.
144 Le Mené M., « Métayage et bail à cheptel dans l’ouest de la France (1335-1342) », dans, Mornet E. (dir)., Campagnes médiévales…, op. cit., p. 697-707.
145 A. Antoine pour le xviiie siècle montre que la jachère longue est le produit d’une adaptation à une situation et que les terres en jachère, comme les landes, sont loin d’être des espaces improductifs, Fiefs et villages…, op. cit., p. 111-112.
146 Chédeville A. et Tonnerre N.-Y., La Bretagne féodale, op. cit., p. 336. ; « [...] sive sint culte modo sive non, dum tamen appareat per sulcos vel alias legitime quod fuerint culte tempore retroacto [...] quae redacte sunt vel redacte fuerunt ad culturam », Cart. La Couture, 414 (1263).
147 « [...] bordagium de Belleria quod ipsi numquam potuerunt excolere qui desertum erat », Cart. La Roë, 84 (avant 1148), Cosmes (Mayenne, cant. Cossé-le-Vivien) ; « Sciendum est quod eo tempore hec predicta tellus, receptaculum ferarum, consista arboribus inutilibus, sciendum vepribus, dumis et sentibus horribilis sterilis et vacua ab omni habitatore humano erat », Cart. St.-Vincent, 242 (vers 1095). Trois mots viennent décrire une végétation de buissons épineux.
148 Texte de 1238 cité dans, Pichot D., Le Bas-Maine, op. cit., p. 118, Juvigné (Mayenne, cant. Chailland).
149 Macé Georges, Un département rural de l’Ouest : la Mayenne, 1982, p. 310. Montourtier (Mayenne, cant. Montsûrs).
150 Mauger M. (dir.), op. cit., pl.1 et 22. Ces deux planches consacrées à Redon et Rennes mettent en évidence le contraste entre les espaces de parcours, marais, rives inondables et les zones cultivées où le bocage commence nettement à se dessiner.
151 Boussard J., « La vie en Anjou… », op. cit.
152 Herbaut Claudie, « À propos de certaines dotations de monastères, au xiie et xiiie siècles, par les seigneurs de la région de Châteaubriant », Philippe Robert, « La forge de Champagne-en-Rouez dans le Maine », dans Benoit Paul et Cailleaux Denis (dir.), Moines et métallurgie dans la France médiévale, Paris, 1991, p. 59-71, 115-123.
153 Meuret J.-C., Peuplement, op. cit., p. 521-522. Un chapitre entier est consacré au fer et à la forêt.
154 Brand’honneur M., Manoirs et châteaux…, op. cit., p. 205-209.
155 Meuret J.-C., Peuplement…, op. cit., chap. XX.
156 Cf. carte, Tonnerre N.-Y., Naissance, op. cit., p. 116.
157 Meuret J.-C., Peuplement, op. cit., p. 526-528.
158 « in Porrihocensi pago, ecclesiam de Ferreria…», Dom Morice, Preuves, I, col.559. La Chèze (Côtes d’Armor, cant. de).
159 Duval J.-F., « Occupation et mise en valeur…», op. cit., p. 109-111, 105-106. Cartes 21 et 24. Les clairières de Trédéal, Telhoüet et Cannée sont remarquables (voir Fig. 7).
160 Fichet De Clairfontaine Fr. et Beuchet L., « L’atelier I de Fontenay », dans Ateliers…, op. cit., p. 89-111.
161 Naveau J., « Les potiers lavallois au Moyen-Âge : l’atelier N° 1 de la Hardelière et la céramique “à œil de perdrix” », MAH, n° 3, 1981, p. 159-238 ; Bucur I., et alii, « La céramique “à œil de perdrix” et la production de la Hardelière à Laval (Mayenne) », AM, t.14, 1984, p. 169-219.
162 J. Naveau dans son article sur la Hardelière s’interroge sur l’origine de cette famille. Une charte du xiie siècle permet de l’identifier (Maison de Laval, 130). Le seigneur est dit « Dominus Guemardus Crispus », or au xie siècle, l’église Saint-Pierre de Cumont, toponyme en Saint-Pierrele- Potier appartient à Hamo Crispus, (cart. Ronceray, 367).
163 Fray Jean-Luc, « Villa in medio nostri ducatus », Réseau urbain et perception de l’espace : essai d’application de la théorie de la centralité au cas de la haute-Lorraine médiévale (début xie-début xive siècles), rapport pour l’habilitation à diriger des recherches, Paris I, 1997, vol.2, 644 p., ms.
164 Brunet R., « Le déchiffrement du monde », dans Mondes nouveaux, vol.1 de la Géographie universelle, Paris, 1990.
165 Laurent Loeiz, « L’emboîtement des espaces homogènes et polarisés », Géopoint, 1984, p. 73- 81 ; « Polarisation et homogénéité des territoires. Espaces de subordination et espace de convivialité », dans Premel A. et Huet A. (dir.), Bretagne : contribution au débat sur l’Europe des régions, Ubacs, 1991, p. 25-53.
166 St-Julien de Tours, 196.
167 Angot, Dictionnaire, art. Fontaine-Daniel, Belgeard, Bourgnouvel, Lorerie, Herperie.
168 Cures, Domfront (Sarthe, cant. Conlie).
169 Prévelles (Sarthe, cant. Tuffé). Dufour J., Agriculture et agriculteurs, op. cit., p. 152.
170 Trimer (Ille-et-Vilaine, cant. de Tinténiac).
171 Montourtier (Mayenne, cant. Montsûrs).
172 Zadora-Rio E., « Les bocages du nord-ouest », op. cit. Cf. aussi le cas de Liré.
173 Flatrès P., « L’étendue des finages villageois », op. cit.
174 Astill G. et Davies W., A breton landscape, chap.6. « arable manured with fermyard waste ».
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