Préface
p. 9-10
Entrées d’index
Index géographique : France
Texte intégral
1Au commencement, il y a à peine plus d’un demi-siècle, il y eut Marc Bloch dont Les caractères originaux de l’histoire rurale française attirèrent l’attention sur un domaine jusqu’alors à peu près négligé. Parmi les historiens, de nombreux médiévistes lui consacrèrent alors toute une partie de leurs recherches. Il ne s’agissait plus simplement d’étudier les classes rurales comme l’avait fait pour la Bretagne Henri Sée au début du siècle mais de retracer à la fois les liens qui unissaient les hommes entre eux et ceux qui les rattachaient à leur milieu. Ce n’était plus la seule affaire des historiens. Les géographes y prirent aussi leur part : comment oublier à Rennes le rôle d’A. Meynier ? Et aussi les archéologues aux méthodes de plus en plus élaborées. Ainsi, apparut progressivement, avec un éclat différent selon les régions, l’image de la France rurale au Moyen Âge avec ses paysans, ses paysages et ses villages. À vrai dire, sur ce point, les travaux portèrent surtout sur la France du nord aux communautés rurales bien affirmées dans un cadre clairement déterminé et sur la France du Midi où les regroupements humains présentent très vite une allure monumentale. Mais l’habitat dispersé de la France de l’Ouest a longtemps découragé toute recherche d’ensemble; seul le bocage derrière lequel il se dissimule suscita quelques analyses et encore plus d’hypothèses. Étudier le village là ou il n’apparaît pas a priori constitue donc une gageure. Elle a été tenue ici au point que les résultats obtenus méritent amplement d’être publiés. Il m’est particulièrement agréable de les présenter : j’ai connu Daniel Pichot jeune étudiant et, depuis trente ans, j’ai suivi ses recherches avec toujours autant d’intérêt et de plus en plus d’amitié.
2Les difficultés, pourtant, ont été nombreuses. Le vocabulaire lui-même manque de fiabilité car les mots n’ont pas toujours ici le même sens qu’ailleurs : le hameau y est qualifié de « village » et le « bourg » désigne l’agglomération rurale qui abrite l’église. D’autre part, les sources sont aussi disparates que dispersées. Heureusement, Daniel Pichot, par une démarche pluridisciplinaire remarquable a su les utiliser toutes. Aux sources écrites traditionnelles, il a ajouté les plans, les cartes, les cadastres et l’iconographie. Aux travaux des historiens, il a ajouté ceux des géographes, des toponymistes et, bien sûr, ceux des archéologues. Pour accroître sa ressource et mieux assurer sa démarche, il a étudié une vaste zone à partir du « noyau dur » que constituent le Bas-Maine qu’il avait déjà étudié et le bassin de Rennes, objet d’attentions plus récentes. Utilisant ensuite la documentation avec précaution mais sans parti pris, il a su naviguer entre deux écueils redoutables : l’extrapolation qui conduit à l’aventure et l’hypercritique qui paralyse toute conclusion.
3Ainsi muni et armé, Daniel Pichot a étudié comment le phénomène de regroupement, d’« encellulement », que l’on note ailleurs à partir, en gros, de l’an mil, a pu se mettre en place dans un climat général de dispersion. On assiste donc à l’analyse très fine de ce double mouvement concomitant de dispersion et de regroupement. Le premier aboutit à la multiplication des « villages », en fait des hameaux, voire parfois d’habitats isolés, dans un paysage où le bocage apparaît peu à peu. Ce mouvement, soutenu par la mise en valeur des terres nouvelles, engendre un espace progressivement aménagé. Mais il n’est pas vraiment polarisé malgré les efforts des détenteurs du pouvoir. Les châteaux ont certes joué un rôle important, limité parfois à la mise en place du réseau urbain. Dans les campagnes, la relative faiblesse du pouvoir seigneurial contraste avec la vigueur de l’encadrement religieux. L’église entourée de son cimetière, l’une et l’autre symbolisant la communauté des vivants et des morts, joue un rôle essentiel sans pour autant remettre en cause le processus de dispersion. Elle vaut seulement au « village » qui l’abrite de mériter le nom de « bourg ». Incontestablement, dans l’Ouest, la paroisse l’emporte sur la seigneurie.
4L’enquête est encore incomplète, le bilan provisoire. Pourtant, il y a déjà là un grand livre grâce à l’érudition de l’auteur, à ses compétences pluridisciplinaires, à la finesse de ses analyses, à la solide prudence de ses synthèses. À notre époque qui voit disparaître la « civilisation paroissiale », même dans les régions où elle a été particulièrement vigoureuse, il est bon que l’on sache comment elle est née et comment elle s’est développée.
5André Chédeville
6Professeur émérite d'histoire médiévale à l'Université de Rennes 2
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