Conclusion. Discours médical et soins de santé
p. 147-148
Texte intégral
1À l’instar de leurs confrères en d’autres lieux, les médecins de Saint-Malo produisent un discours sur la cité et le pays malouin. Il se veut rationnel, explicatif ; et il entend ainsi rendre compte d’une réalité visible et perceptible aux yeux de médecins soucieux des niveaux de vie et de santé de toute la population du pays malouin et non plus seulement des élites dont ils prennent soin à titre privé ou libéral ou des pauvres hospitalisés à titre gratuit. Le tableau qu’ils brossent se veut « éclairant », à la manière des « secondes Lumières » de leur époque (1770-1790).
2Assurément, pour un lecteur du XXIe siècle et, plus encore, pour un médecin de notre temps, le système de pensée médicale qui est le leur témoigne de sa caducité. Au regard de l’historien, lui aussi du XXIe siècle…, la nouveauté du discours médical une fois replacé en son temps, manifeste l’attention prêtée à ce qui deviendra, un jour certes lointain, la santé publique avec ses fondements scientifiques et sa gestion politique, économique et sociale. En tout cas, la relation autrefois établie entre économie, environnement, catégories sociales et niveaux de santé n’a pas perdu de son actualité. Trois traits caractéristiques subsistent aujourd’hui. L’un concerne la profession médicale. Soit la mise en accusation des empiriques et, surtout, des guérisseurs et des charlatans, laquelle continue de se manifester sous les traits d’un « exercice illégal de la médecine », expression du corporatisme médical. Une 3e caractéristique, quant à elle, relève de l’éthique en général et de la déontologie médicale en particulier : le souci de la santé des plus pauvres et des démunis, laquelle trouve toujours un écho. La 3e caractéristique relève de la problématique, dite en termes actuels, « de l’Environnement et de la Santé » : questions des conditions de vie, de qualité de l’eau de boisson, du logement, de la propreté, de l’hygiène.
3En revanche, si la maladie, considérée comme une « menace de mort » perdure, les problèmes posés par les maladies les plus graves et par les épidémies, ont changé. La science médicale actuelle (en France) et la prévention sanitaire savent juguler nombre de maladies autrefois meurtrières et aujourd’hui bénignes : typhus, variole, rougeole, scarlatine, diphtérie, grippe, paludisme, dysenterie bacillaire, notamment.
4Somme toute, le questionnement posé voici tantôt deux siècles et davantage, celui des relations entre Société, environnement et santé reste, mutatis mutandis, toujours d’actualité non seulement en France, mais plus encore dans les pays en voie de développement, dans ceux du Tiers-Monde et du quart-Monde, y compris aux portes de Paris ou de telle capitale régionale. Agir pour le « Bien public », selon cette expression vieille de plus de deux siècles, n’a en rien perdu de son sens.
5Pour autant, le discours de médecins éclairés, tels ceux de Saint-Malo et d’ailleurs (y compris dans leurs cahiers de doléances du printemps 1789), passe sous silence :
- l’argent : de leurs revenus professionnels, de leur fortune, ils ne font mention pas plus que de leurs impôts ;
- la religion : de Dieu, du christianisme dans sa version catholique, de la Vierge, des saints guérisseurs, ils ne soufflent mot, ayant soin de distinguer le plan humain du plan divin ;
- le sexe : sur la procréation hors mariage, sur les naissances illégitimes, sur la vie amoureuse, sur les relations sexuelles, ils se taisent, comme si elles n’avaient pas existé ; et cela alors que l’historien qui a eu en main la correspondance privée et les carnets de marque de médecins de l’époque (dont le docteur Lavergne à Lamballe, 1756-1831), a été à même de les retrouver et de les analyser.
6Au désordre observé, au mal-être dénoncé, à la maladie diagnostiquée et traitée selon les moyens de l’époque, les médecins, ici malouins, entendent porter remède. Devenus soucieux non plus seulement du corps individuel mais du corps social, ils entendent réformer, transformer, amender, améliorer les conditions naturelles, sanitaires et sociales de l’existence. C’est à cette œuvre qu’ils entendent participer, peu ou prou, avec l’« aile marchante de la société », en cette époque que nous disons à présent « prérévolutionnaire ».
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