Chapitre II. La charité et ses établissements
p. 31-32
Texte intégral
1De pareille ferveur, donations et testaments rendent également compte. Ils émanent des célèbres « Messieurs – et – Dames – de Saint-Malo » selon une tradition qui, si elle remonte au « beau XVIIe siècle » se manifeste toujours au siècle suivant. En témoigne la création (1711) de l’« hôpital et Hôtel-Dieu » du Rosais en Saint-Servan, « fondé et doté par nos chers et bien aimés Jean Prévost Sieur de la Roche et Julienne Danycan, sa femme ».
« Le Sieur de la Vilaune Baudoins, l’un des anciens trésoriers et Administrateurs, ayant fait différents Dons considérables en deniers au dit Hôpital pour la subsistance des Malades a depuis continué ses bienfaits en faveur dudit Hôpital et notamment en 1748 par un don de la somme de 10 000 livres. »
2Fondé antérieurement (1680) par lettres patentes du roi, l’Hôpital général de Saint-Malo, situé en Saint-Servan, doit, lui aussi son existence à la munificence charitable de Malouins. Ce furent « les syndics et députés de la communauté de Saint-Malo » qui acquirent (à leur frais) la maison du Grand-Val, jardins et terres en dépendances », et cela afin que « soient enfermés tous les pauvres et natifs de Saint-Malo et qui y sont domiciliés et demeurant depuis cinq ans […], pour y être instruits et élevés dans la crainte de Dieu […], nourris et entretenus, et employés aux ouvrages et travail dont ils seront jugés capables, ainsi que les pauvres mariniers de quelque nation qu’ils puisent être, se trouvent incapables de gagner leur vie pour quelques accidents à eux survenus dans les navires appartenant aux habitants de Saint-Malo, soit par combat, maladies, ou autrement ». Passé le 14 janvier 1673, le contrat d’acquisition se monte à « 15 000 livres au principal, outre 330 livres pour les épingles ». Madame de la Marzelière verse 10 000 livres, plus les épingles ; M. de la Villebague Eon 25 000 livres et Madame de la Lande Magon 2 500 livres. En 1700, Dame Guillemette Goullard fait don du tiers de ses biens à l’Hôpital général.
3Tous les déshérités enfermés ou accueillis à l’Hôpital général, à l’Hôtel-Dieu et à l’hôpital du Rosais étaient affaiblis par les privations ou par l’âge et exposés aux maladies chroniques, endémiques et épidémiques ; c’està-dire en situation de misère physiologique. Et, fait exceptionnel dans la France de l’époque, l’hôpital du Rosais était tout à la fois un Hôpital général et un Hôtel-Dieu. C’est pourquoi lui était affecté un personnel médical, formé de médecins et de maîtres en chirurgie, tout comme à l’Hôtel-Dieu de Saint-Malo.
4Leur activité témoigne, elle aussi, elle encore, de l’esprit charitable de mise aux XVIIe et XVIIIe siècles : le corps médical y exerce gratuitement, sauf exceptions notables. Tel est le cas en novembre 1758, lorsque les médecins et chirurgiens de l’Hôtel-Dieu reçoivent des gratifications, « en considération des travaux extraordinaires […] dont ils ont été surchargés depuis trois ans, occasionnés par le camp, les troupes, la bataille de Saint-Cast, le retour des paquebots du Cap Breton, et autres événements de la guerre ». En dépit d’un conflit (1759), médecins et maîtres en chirurgie viennent soigner gratuitement à tour de rôle (de 3 en 3 mois), les pauvres tombés malades de l’Hôpital général de 1682 jusqu’à la Révolution. Toutefois, en 1782 un maître en chirurgie, appointé quant à lui, est nommé, spécialement, pour le service dudit hôpital : « le Sieur Quesnel, maître en chirurgie de cette ville » reçoit 75 livres par an.
5Face à la maladie, le recours premier, parce que Dieu est la cause première, a pour nom la foi, la ferveur et la prière. Quant au second recours, il en est issu. Il s’agit de la charité pratiquée par les croyants, par les ecclésiastiques, par les religieux et religieuses, par les nobles et bourgeois de renom, par des médecins et par des maîtres en chirurgie. Aux dons, aux donations des un(e) et des autres fait écho la gratuité des soins prodigués par le personnel médical. L’opulence ou l’aisance d’une minorité trouve sa légitimité dans l’exercice de la charité en faveur des pauvres et des déshérités de la société qui, s’ils ne sont malades comme ceux soignés à l’Hôtel-Dieu, souffrent de carences et de misère physiologique, à une époque où misère et maladies forment cortège, à l’Hôpital général et à l’hôpital du Rosais notamment.
6Chargée de traiter la « cause seconde », celle qui provoque la Maladie, la minorité évoquée ne forme qu’une faible partie de la population qui a besoin de « soins terrestres » : à peine quelques centaines de personnes par an ; ce qui, pour l’époque est déjà considérable et que Saint-Malo et son « pays » doivent à la forte prospérité du XVIIe siècle et à un moindre égard, à la conjoncture encore assez favorable du XVIIIe siècle ; et cela en dépit du déclin relatif des activités malouines, des coups portés par deux épidémies (1758 et 1779), par une « cherté des grains » et par des intempéries (1784-1785).
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