Chapitre VI. Investir à la mer, un risque calculé
p. 161-197
Texte intégral
1À la grande époque des foires, Lyon avait pu prétendre, grâce à ses marchands-banquiers italiens et aux connexions qu’ils avaient établies sur un certain nombre de places maritimes comme Gènes, Séville, Bilbao, Nantes ou Rouen, s’imposer sinon comme un pôle de commandement maritime, au moins comme une place majeure dans les domaines des assurances et des investissements à la mer. Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler ici que c’est bien à Lyon qu’en 1523 fut commandité, par un groupe de cinq marchands florentins réunis autour de Thomas Gadagne, le voyage de Giovanni Verrazano qui, après avoir longé les côtes de l’Amérique du nord, découvrit l’actuelle baie de New-York1. Richard Gascon, qui présente Lyon comme « une place importante parmi les villes d’assurances maritimes, à côté d’Anvers, Burgos, Rouen, et des cités italiennes, Gênes et Florence en premier lieu2 », relève quant à lui d’autres indices de l’implication des milieux d’affaires lyonnais, en particulier les grands marchands-banquiers italiens, Lucquois, Florentins et Génois, dans le financement du commerce et des assurances maritimes, y compris dans l’espace atlantique. C’est vers eux que se tournent par exemple des chargeurs de Bordeaux, de Rouen, mais aussi du Havre et de Dieppe, désireux de faire assurer les uns une cargaison de vins ou de pastel destinée à Londres ou à Anvers, les autres des harengs ou de l’étain destinés à Marseille ou à un port des côtes ligure ou thyrénienne.
2Mais ils comptent aussi dans leur clientèle des marchands toulousains, des Parisiens, ainsi que des confrères d’Anvers, de Lisbonne, de Séville et de Gênes, attirés et rassurés par le solide crédit dont la place de Lyon et ses banquiers bénéficient alors dans toute l’Europe. Ainsi les Bonvisi sont intéressés dans des contrats portant sur des navires du commerce d’Espagne, tant à Marseille qu’à Rouen et, très présents sur la route maritime qui relie la péninsule aux Pays-Bas, ils assurent également des navires bordelais transportant des cargaisons de pastel ou de vin à destination d’Anvers3.
3Au-delà des contrats d’assurance qui concernent le grand cabotage européen, Gascon a également trouvé trace de quelques contrats portant sur des navigations transatlantiques comme celui qui, en 1551, moyennant une prime de 7 %, porte sur « les corps, artillerie et munitions » de la nef Saint-Étienne, entre Saint-Domingue et Séville4. D’autres encore, entre 1563 et 1566, assurent des cargaisons d’esclaves embarqués au Cap-Vert et destinés à la Nouvelle-Espagne5. En 1566, ils sont 25 souscripteurs lyonnais intéressés dans l’assurance de la nef Saint-Jacques qui, partie de Séville à destination de la Nouvelle-Espagne, s’est échouée et a brûlé sur le Guadalquivir6. Initiée par les Italiens, la pratique de l’assurance maritime s’est donc solidement implantée à Lyon dans la deuxième moitié du XVIe siècle et les profits sont tels que bientôt les plus riches marchands du crû, « épiciers en majorité ou drapiers », souscrivent à leur tour, tel Gérardin Panse qui prend une participation de 100 écus auprès des Bonvisi pour l’assurance du Saint-Étienne, mais aussi une autre de 150 écus sur une cargaison d’esclaves, ou François Frère, intéressé pour 250 écus à l’assurance du Saint-Martin, une nef naviguant entre Amsterdam et Lisbonne, en plus d’autres parts dans celles de trois navires de pastel armés entre Bordeaux et Anvers7.
4Mais, après les troubles politiques et économiques du dernier tiers du XVIe siècle et le retrait des puissants Italiens, le commerce lyonnais perd progressivement sa dimension internationale, voit ses horizons se rétracter et se détourne d’espaces maritimes qui, eux, de leur côté, entament un chemin inverse vers la prospérité du fait de l’essor progressif du commerce atlantique. Dans la première moitié du XVIIe siècle, les seules accointances maritimes de Lyon semblent être marseillaises. C’est par le port provençal qu’arrivent en effet la laine d’Espagne et la soie, le coton et les produits tinctoriaux du Levant qu’utilise l’industrie textile naissante et c’est par lui aussi que s’expédient vers l’Espagne, l’Italie et le Levant les étoffes de soie et les toiles que l’on s’est mis à produire à Lyon et dans son arrière-pays. Aussi faut-il attendre l’aube du XVIIIe siècle pour retrouver des Lyonnais intéressés dans des armements maritimes au grand commerce, dans l’ombre des Messieurs de Saint-Malo qui, forts de leur expérience du commerce de Cadix, se lancent alors dans le commerce interlope avec les colonies espagnoles de la mer des Caraïbes et de la Mer du Sud.
La participation lyonnaise au commerce de la Mer du Sud
5Au cours des deux dernières années du XVIIe siècle, au moment où le système espagnol de la Carrera de Indias s’affaiblit, les Malouins se détournent du traditionnel « commerce de Cadix », dont ils ont su se rendre maîtres en quelques années, pour s’engager dans le commerce direct avec l’Amérique espagnole, et ce sous l’impulsion de quelques grands armateurs, comme Jean Magon de la Lande, son frère Nicolas Magon de la Chipaudière et, un peu plus tard, Noël Danycan de l’Épine. S’inspirant des Hollandais et des Anglais qui, depuis plusieurs décennies, pratiquent impunément la contrebande à partir de leurs possessions insulaires de la mer des Antilles, les frères Magon commencent par se livrer, au cours des années 1680, avec des fortunes diverses, à « un petit interlope de proximité8 » à partir de la Martinique et de Saint-Domingue, en direction de Porto Rico, Cuba et Santo-Domingo. Si leur tout premier but est de rapporter des piastres, leurs navires transportent à l’aller diverses productions des manufactures du royaume, parmi lesquelles André Lespagnol a relevé dès cette époque, en plus des toiles qui leur sont si chères, la présence de dentelles, de soieries, de bas de fil et de chapeaux, marchandises dont on peut penser qu’une partie peut être tirée de Lyon, le reste provenant de Tours et de Paris. Particulièrement prisés sur les marchés américains, ces articles de luxe font alors l’objet d’une véritable demande de la part des colons et, selon Magon de la Lande lui même, c’est là « un petit commerce qui produit toujours quelque or et argent9 ». La guerre de la Ligue d’Augsbourg étant venue interrompre cette expérimentation, les Malouins retrouvent la route des Antilles après la paix de Ryswick. Dès 1698, quatre premières frégates sont donc armées pour la « Mer du Nord ». Au cours des trois ans qui suivent, on recense au moins 17 armements malouins pour la côte de Caraque et la Terre Ferme, davantage ouvertes à l’interlope que ne peut l’être la Nouvelle-Espagne. Toute l’élite négociante malouine participe alors au financement de ces armements et on retrouve parmi les principaux intéressés les noms de Moreau, le Fer, Jolif, Lévêque, Danycan, Grout, Séré... Magon de la Chipaudière, lui, préfère s’impliquer dans la création, à l’initiative du ministre Pontchartrain, de la Compagnie de la mer Pacifique, qui a pour objet d’élargir les horizons du grand commerce maritime français aux côtes du Pérou et du Chili. Rappelons en effet que, bien plus que la cochenille, l’indigo, le tabac ou le cacao, ce sont les métaux précieux, l’or et l’argent des mines du Potosi, qui suscitent la convoitise des milieux d’affaires parisiens qui, derrière le financier Jean Jourdan de Groucé, soutiennent ce projet. Cette compagnie ne connaît qu’une existence éphémère et s’éteint en 1701, quand la France conclut le traité d’asiento mais, à travers elle, une nouvelle opportunité s’offre à l’entreprenant négoce malouin : armer à son propre compte ses redoutables frégates pour la Mer du Sud et y réussir encore mieux que dans l’archipel caraïbe. C’est que les premiers résultats de l’interlope antillais sont « fort mitigés10 » : les résultats commerciaux sont modestes et la concurrence des Anglais et des Hollandais, qui ont une plus grande expérience de la contrebande dans cette région, reste vive. Les profits attendus ne sont donc pas au rendez-vous et les Malouins reportent leurs espoirs de fortune vers ce nouvel eldorado que semblent être les côtes Pacifique de l’Amérique espagnole. Mais de telles opérations sont coûteuses et les armateurs bretons ont besoin d’élargir leur aire de financement traditionnelle, de mobiliser l’intégralité de leurs réseaux d’affaires pour drainer tous les capitaux nécessaires à leurs entreprises. À ce titre, comme beaucoup d’autres, leurs partenaires lyonnais sont bientôt sollicités pour s’engager au titre de quirataires dans les opérations projetées en direction de la Mer du Sud.
Dans l’ombre de ces « Messieurs de Saint-Malo » : les investissements lyonnais à la Mer du Sud
6L’aventure du commerce malouin de la Mer du Sud est lancée quand, en octobre 1701, Danycan de l’Épine arme deux premiers navires, bientôt suivi par Julien Bourdas, qui expédie une troisième frégate dans leur sillage11. En 1703, sept nouveaux vaisseaux partent pour le Pacifique. Comme moins de dix ans auparavant, au début de l’interlope antillais, on retrouve les plus grandes fortunes de la place parmi les armateurs et les négociants intéressés dans ces armements. Danycan bien sûr, mais aussi Magon de la Lande, Jolif, Le Fer, Gaillard, Eon, Moreau. Ils sont d’autant plus encouragés à se joindre à l’entreprise que les retours récents du Saint-Paul et des frégates de Danycan viennent de prouver que le commerce de la Mer du Sud est « économiquement profitable12 ». Mais il manque encore l’approbation du politique. Aussi, lorsqu’en 1705 le Contrôleur Général Chamillart accorde enfin son feu vert, après que trois frégates de la flotte de 1703 aient rapporté un chargement de deux millions de piastres environ, valant quelques sept millions de livres, il donne le coup d’envoi de ce que André Lespagnol appelle le « silver-rush », ou ruée vers l’argent13. Au cours des quatre années qui suivent, Saint-Malo arme 28 navires pour le Pacifique. Pour autant, les Malouins ne désertent pas la mer des Antilles, vers laquelle ils envoient encore 34 bateaux. Mais, après 1710, alors que la « grande période l’interlope » se prolonge encore sept ou huit années, le commerce de la Mer du Sud devient une priorité avec 50 armements entre 1710 et 1715, contre 17 seulement pour les Antilles14. En s’engageant ainsi dans la formidable aventure du commerce de la Mer du Sud, les Malouins réussissent, écrit André Lespagnol, à relever un double défi, financier et nautique. Et c’est en analysant le premier de ces deux défis qu’il nous révèle la présence, dans l’ombre des grands investisseurs malouins, de négociants et de marchands lyonnais.
7En effet, expédier une frégate pour le Chili, le Pérou ou la côte occidentale du Mexique coûte très cher : « de l’ordre de 2 000 livres par tonneau armé dès 1705-1707, et près du double en 1715, à l’apogée du grand “boom” péruvien », quand un armement pour la Terre Ferme et l’isthme de Panama revient à 800 l.t. par tonneau et un autre pour Vera Cruz 1 500 l.t. par tonneau15. Le coût moyen des armements pour la Mer du Sud a constamment augmenté, puisque de 816 l.t. par tonneau pour les premiers armements de Danycan et Bourdas en 1701, il est passé successivement à 1 427 l.t. pour la deuxième vague d’armements des années 1703 et 1704, avant d’atteindre les 2 780 l.t. pour la période 1710-1714 et finalement culminer à 3 866 l.t. sur Le Prince des Asturies, armé par Baillon de Blancpignon en 171516. Chaque armement pour la Mer du Sud nécessite donc la mobilisation de capitaux considérables qui peuvent, après 1710, représenter plus de deux millions de livres. Au total, André Lespagnol estime à près de 70 millions de livres le capital investi par les sociétés malouines qui ont pratiqué le commerce de la Mer du Sud entre 1701 et 1715, et à plus de 75 millions en considérant l’ensemble de la période 1698-1724. La première estimation s’appuie sur le recensement de 115 armements effectués par 86 sociétés et le capital investi est six à sept fois supérieur à celui qui est investi au cours de la même période dans l’interlope antillais, soit plus de 10 millions de livres17. Ce sont donc des sommes considérables qui ont du être mobilisées par le port breton en quelques années et, même si le capitalisme malouin a joué un rôle de premier plan dans le financement de ces expéditions, la formidable aventure de la Mer du Sud n’a pu être possible sans le renfort de mises de fonds extérieures, ce qui, à juste titre, a fait de cet épisode de l’histoire de Saint-Malo une « affaire d’ampleur nationale18 » à laquelle Lyon, comme d’autres grandes places financières du royaume, a pris part.
8Pour financer leurs expéditions vers la Mer du Sud, les armateurs malouins constituent des sociétés de navires en participation. Le capital est divisé en parts d’intérêt, dont la valeur varie de quelques centaines à plusieurs milliers de livres. Si la plus grande partie des investisseurs sont bien malouins, ces sociétés font aussi appel, pour pouvoir drainer tout le capital dont elles ont besoin, à des associés extérieurs que les réseaux négociants permettent de trouver, d’abord dans d’autres ports comme Rouen, Marseille ou Bordeaux, mais aussi dans des villes de l’intérieur comme Paris, Orléans ou Lyon. André Lespagnol nous signale ainsi, dès 1707, la présence d’un Lyonnais parmi les 54 intéressés à l’armement des deux vaisseaux que Danycan envoie au Pérou cette année là, Le Phélipeaux et Le Saint-Charles. Dans le mémoire de maîtrise qu’elle consacre à celui qu’elle présente comme étant alors « le personnage le plus illustre et le plus riche de Saint-Malo », Armelle-Élizabeth Bourdais identifie cet actionnaire19. Il s’agit de Sabot fils, intéressé à hauteur de 6 000 l.t. Mais sur les 1 813 000 l.t. que coûtent ces mises-hors, sa participation ne représente que 0,33 % du capital alors que, de leur côté, trois actionnaires parisiens apportent 93 000 l.t. et huit Orléanais 96 000 l.t. Cet apport est tout aussi modeste (1,7 %) par rapport aux 357 118 l.t. apportées par l’ensemble des 34 intéressés extérieurs à Saint-Malo20. La même année, Danycan sous-intéresse également Sabot fils pour 3 000 l.t. dans l’armement du Saint-François, un vaisseau que l’armateur nantais Descazaux du Hallay se prépare lui aussi à expédier vers le Pérou21. Par la suite, l’implication du capitalisme lyonnais dans les armements malouins va aller crescendo et, lors de la deuxième grande phase d’armements interlope des années 1711 à 1714, il se pourrait que Lyon intervienne davantage dans le financement du commerce de la Mer du Sud, notamment par l’intermédiaire de Melchior Philibert, le principal contact des Messieurs de Saint-Malo sur les bords du Rhône.
9Melchior Philibert est incontestablement une des grandes figures de la banque et du négoce lyonnais pendant près d’un demi siècle, à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. Né en 1645 à Saint-Chamond, l’homme s’est installé à Lyon en 1672, suivant son père, marchand lui aussi, et acquiert rapidement une belle réputation et une solide assise financière en faisant le commerce des soieries et des métaux précieux. Il se fournit alors en soieries auprès des marchands-fabricants de la ville, mais aussi de Saint-Chamond et d’Italie, d’où il fait venir les plus riches étoffes. Percevant très vite tous les profits qui peuvent être retirés d’un commerce colonial encore quelque peu balbutiant, il expédie ses marchandises vers Paris, Saint-Malo, Marseille, mais aussi Cadix où elles sont chargées pour les Amériques, tant espagnoles que françaises. Fondée vers 1675, sa maison de négoce et de banque atteint son apogée à la fin de la guerre de Succession d’Espagne, alors qu’il a associé à ses affaires ses deux fils, Louis et Jean-François, sans pour autant que la société ne change de raison sociale. Mais, en 1725, à peu de temps d’intervalle, en juin et en août, Melchior et son fils Jean-François meurent. Pendant quelques mois l’affaire est gérée par l’associé de Jean-François, Clapeyron, un ancien commis de Melchior, qui laisse ensuite les rênes à la veuve de Jean-François, tandis que les gendres, tous deux nobles et militaires, et les petits-fils se désintéressent de la société, finalement liquidée en 173122.
10Pendant leurs quelques cinquante années d’activité, Melchior Philibert et ses fils contribuent à élargir les horizons du commerce lyonnais et à l’ouvrir sur les espaces océaniques, en investissant à la fois dans les échanges avec les Amériques et, par l’entremise de leurs correspondants malouins, dans le commerce des Indes orientales, au temps où ces « Messieurs de Saint-Malo » reprennent à leur compte le monopole de la Compagnie défunte et inaugurent leur propre Compagnie des Indes. Mais c’est d’abord dans le commerce de la Mer du Sud que Melchior Philibert réalise ses premières opérations, profitant du contexte particulier de la guerre qui interrompt, par la désorganisation du système des Flottes, les liaisons entre l’Espagne et son domaine colonial américain. Il parvient à faire alors du commerce des piastres « l’un des piliers de son activité23 ». Outre les Malouins, ses principaux partenaires sont alors Jean-Baptiste et Raymond Bruny de Marseille, « un véritable confident, un ami d’affaires et de famille24 », et bien sûr les négociants qui, à Cadix, relaient les entreprises des deux ports français, le breton et le provençal. « 90 % au moins des affaires de Philibert passent par quelques maisons25 », une dizaine tout au plus, implantées notamment à Saint-Malo, Marseille, Cadix et Bayonne. Par l’intermédiaire des Bruny, les Philibert investissent également dans le commerce du Levant, spéculant à l’aller sur les piastres mexicaines et sévillanes chargées pour Smyrne, Chypre et Tripoli et, au retour, sur les soies, les cafés, les galles d’Alep, les indiennes et tout ce que les navires du commerce méditerranéen rapportent alors à Marseille26.
11Les premières affaires conclues entre Melchior Philibert et le capitalisme malouin sont, selon nos sources, antérieures à 1713. En effet, dans la première lettre qu’il adresse au banquier lyonnais, le 20 septembre 1713, Luc Magon de la Balue évoque sans détour les relations passées qu’il entretenait avec son père Jean et avec son frère, François-Auguste Magon de la Lande27. Il s’agit pour le négociant malouin de faire procéder à la vente d’une barre d’argent en profitant « des hauts prix que les matières ont [à Lyon]28 ». En février 1714, Philibert effectue cette vente, qui rapporte 6 982 l.t. 11 s. 3 d. Conformément aux directives qu’il reçoit alors, il en retire environ la moitié sous la forme de deux lettres de change de 3 000 l.t. et de 272 l.t. 19 s. 8 d. à l’ordre de deux créanciers de son commanditaire, Desclos Berselin et Châtelier, le solde étant porté sur le compte de Magon de la Lande29. Alors que la guerre touche à sa fin, La Balue profite de l’occasion pour proposer au banquier lyonnais de s’associer avec lui en compte à demi, afin d’acheter « pour de grosses sommes » l’argent que les Espagnols ne manqueront pas dans les prochains mois d’embarquer en grandes quantités pour l’Europe30. Il semble que la proposition en soit restée là, Philibert n’y ayant pas, selon toute apparence, donné suite. C’est qu’à cette époque il est déjà en relations avec Magon de la Lande, mais aussi avec Guillaume éon, la veuve Du Bourg Onfroy et François Bindeaux. S’il a acquis auprès du premier des actions de la Compagnie des Indes, il a également pris un intérêt de 2 000 l.t. sur le Saint-Jean-Baptiste que le second arme pour la Mer du Sud31. Quant à la veuve Du Bourg Onfroy, elle lui offre une participation substantielle dans la société de navire qu’elle crée en 1712 avec la veuve Des Prés Lefèvre afin d’armer le Saint-François pour la Mer du Sud, en lui rétrocédant un intérêt de 24 215 l.t. sur le capital de 81 700 l.t.. – 23 actions – qu’elle détient32.
12Au total, parmi les 26 navires interlopes que les « Messieurs de Saint-Malo » arment pour la Mer du Sud entre 1713 et 1714, nous en avons identifié une douzaine sur lesquels Melchior Philibert détient une part d’intérêt. Toutefois, il n’intervient dans le financement de ces expéditions qu’au titre de sous-intéressé ou croupier, appartenant au deuxième cercle des investisseurs, pour quelques milliers de livres dans des armements qui ont pu atteindre le million de livres chacun. Parmi ses contacts malouins, le nom de la veuve Du Bourg Onfroy revient fréquemment. Cette armatrice investit en effet, entre 1711 et 1715, plus d’un demi-million de livres dans le commerce de la Mer du Sud, une somme colossale qui représente 95,3 % de la valeur totale de ses investissements à la mer. En 1712, outre le Saint-François, elle arme une autre frégate pour le Pacifique, la Sainte-Françoise (250 tx), en association avec Geffrard, un navire dont la mise-hors s’élevait à 800 000 l.t.33. Si la maison Melchior Philibert prend bien quelques billets d’association dans ces armements, ses intéressements portent surtout sur les cargaisons et sont, à ce titre, qualifiés d’intérêts « en armement et emplette » ou « en pacotille ». En effet, pour rentabiliser au maximum leurs entreprises, les armateurs malouins expédient vers l’Amérique du Sud des navires « chargés à couler bas de marchandises34 ». Les cargaisons de départ sont essentiellement composées de textiles, qui peuvent représenter 90 % de la valeur de « l’emplette ». Bien entendu, les toiles – bretagnes et rouens en tête – l’emportent sur tout, mais la part des « textiles haut de gamme à forte valeur35 » est bien loin d’être négligeable. Il s’agit, par exemple, de soieries de Lyon, d’articles de mercerie et de passementerie, de chapeaux de castor, de dentelles du Puy, comme celles qui sont chargées avec des soies de Lyon à bord du Royal-Jacques en 1707 et vendues à Lima l’année suivante36. Nos sources nous ont permis de tracer quelques unes de ces emplettes lyonnaises, toute une série d’étoffes et de produits manufacturés qui justifient, par leur variété, les expressions de « bazars flottants » et de « bazars de luxe » qu’utilise Lespagnol pour qualifier les frégates malouines quand elles appareillent37. C’est donc dans le cadre de la constitution d’emplettes pour la Mer du Sud, qu’en 1713 et 1714 la maison Melchior Philibert effectue sur la place de Lyon un certain nombre d’achats pour le compte de la veuve Du Bourg Onfroy, mais aussi pour François Bindeaux et pour Bausmer Dufresne, moyennant à chaque fois une commission de 2 % sur le prix des marchandises, emballage et transport compris. Il s’agit de rubans de soie, de dentelles du Puy, de toile, de taffetas et de différentes sortes d’étoffes qu’ils font charger sur les frégates de la Mer du Sud, en l’occurrence la Marie-Anne, la Sainte-Anne et le Poisson Volant. Nous avons pu retrouver la trace de la douzaine de commissions de ce type effectuées en l’espace d’une année, entre les mois de mai 1713 et mai 1714, et calculer qu’elles lui ont rapporté entre 1 500 et 2 000 l.t.38. Si une partie des marchandises expédiées vers Saint-Malo est bien chargée « en emplette » et figure alors dans les états des cargaisons, une autre partie, dont on ne peut estimer ni la nature précise, ni le volume, ni la valeur, est embarquée « en pacotille ». Il s’agit là de marchandises qui sont confiées à un membre d’équipage – souvent un officier quand il s’agit de produits de luxe – autorisé, en vertu de son droit de « port-permis », à emporter quelques effets afin de les revendre pour son compte, charge à lui de rembourser à son retour celui qui lui a avancé la marchandise, ou l’argent pour l’acheter, avec un confortable intérêt bien sûr. Ainsi en est-il des rubans de soie que la veuve Du Bourg Onfroy place à bord de la Marie-Anne et des balles de toile que Bindeaux fait charger sur le Poisson Volant. De même, l’inventaire de la pacotille détenue par Leduc, lieutenant à bord du Malo, qui déserte en 1713 après s’être violemment disputé avec son capitaine, révèle que l’officier avait embarqué 14 caisses de dentelles, 20 livres de soies assorties, une caisse de chapeaux, six caisses de rubans argentés, une caisse de rubans satinés non à fleurs, 70 pièces de galons de soie, huit pièces de taffetas et quatre douzaines de bas de soie39, de quoi réaliser de belles affaires. Devenue « une forme de spéculation majeure [...] mobilisant des capitaux considérables se chiffrant par centaines de milliers de livres, en sus de l’investissement officiel des sociétés d’armement40 », cette pratique offre donc, à tous ceux qui n’ont pas les moyens des négociants, la possibilité de spéculer à la mer. André Lespagnol estime à dix millions de livres la valeur des marchandises qui ont été embarquées en pacotilles sur les navires malouins de la Mer du Sud entre 1701 et 171541. Elles auraient pu représenter, selon les types de navires, une valeur moyenne de plus de 100 000 l.t. pour une frégate de 200 à 300 tx et environ le double pour un vaisseau de 400 à 600 tx, ce qui équivaut, pour la période 1709-1716, à au moins 20 % de la mise hors, contre 10 % pendant la phase de démarrage du commerce de la Mer du Sud, entre 1701 et 170642. La veuve Du Bourg Onfroy charge ainsi pour quelques 221 000 l.t. de marchandises en pacotilles pour la Mer du Sud entre 1711 et 1715, dont 51 257 l.t. à bord de la Sainte-Françoise dont elle est co-armateur43. Il n’y a donc rien d’étonnant à retrouver la trace, parmi les intérêts que Melchior Philibert rétrocède à son tour à des « petits porteurs » de Lyon et de sa région, plusieurs parts « en pacotille ». En juin 1713, il cède ainsi à une dame Brossier de la Rouillière une part de 3 000 l.t. d’intérêts sur de la pacotille chargée sur la Marie-Anne. Au moment des paiements d’août, il rembourse cinq de ses « débiteurs en bilan », Albanet, Delastrasse, Jean Fromant, d’Erruch et Chadel, à hauteur de 15 000 l.t., sous la forme d’« intérêts en pacotille » allant de 500 à 5 000 l.t., essentiellement sur des marchandises embarquées à bord de la Marie-Anne et de la Marie-Françoise44. Sur l’année étudiée, la maison Melchior Philibert procède ainsi avec au moins huit de ses débiteurs45. De la même manière il rétrocède également des parts « en armement et emplette », des participations « officielles » cette fois. Par exemple, en mars et avril 1714, deux portions de 1 000 l.t. sur l’armement et la cargaison du Saint-Joseph sont créditées à Jacques Mey et une autre de 4 000 l.t. est cédée à Desiry, qui prend aussi une part de 2 000 l.t. en pacotilles. Concernant ce dernier vaisseau, armé par Magon de la Lande, Melchior Philibert acquiert, en février et en avril 1714, deux billets d’intérêt, respectivement de 30 000 l.t. et de 12 000 l.t., sur lesquels il rétrocède près du tiers – au moins 13 500 l.t. – à sept de ses relations d’affaires, les fractions cédées allant de 500 l.t. (Élizabeth Nobili) à 4 000 l.t. (Desiry)46. Du coup, Melchior Philibert constitue autour de lui un troisième cercle d’intéressés aux armements malouins, des actionnaires généralement modestes que nous appellerons « petits-porteurs », mais qui, par accumulation de petits intéressements, peuvent parfois détenir des portions de capital conséquentes, à l’instar de la dame Brossier de la Rouillière qu’il intéresse à hauteur de 11 500 l.t. dans six expéditions pour la Mer du Sud, deux « en armement et emplette » et trois « en pacotille ». Au total, pour les seuls armements de la Mer du Sud auxquels Melchior Philibert participe sur la place de Saint-Malo en 1713 et 1714, le cercle de ses sous-intéressés comprend 21 personnes : onze en « armement et emplette », cinq « en pacotille » uniquement et cinq autres dans les deux formes de placement. Mais Philibert n’est pas le seul à procéder ainsi, puisqu’en 1717 ses confrères Mayer frères et Crom agissent de même en rétrocédant à Dominique et Bernard Adamoly et Cie, eux aussi marchands-banquiers à Lyon, six sous-intéressements sur des vaisseaux de la Mer du Sud représentant une mise de 20 000 l.t. : 4 000 l.t. sur le Saint-Jacques (obtenus auprès de Gallet de Coulanges), 6 000 l.t. sur La Fidèle (Michel Creton et fils), et quatre portions de 1 500 l.t., 2 000 l.t., 3000 l.t. et 3500 l.t. sur La Françoise (Du Bourg Onfroy)47.
Nom du petit porteur | Navire(s) | « En armement et emplette » | « En pacotille » |
Terrasse | Bien-Aimée | 500 l.t. | 500 l.t. |
Desiry | Marie-Anne | 4 350 l.t. | |
Saint-Joseph | 4 000 l.t. | 2 000 l.t. | |
Brossier de la Rouillière | Marie-Anne | 3 000 l.t. | |
Poisson-Volant | 500 l.t. | ||
Grand-Dauphin | 3 000 l.t. | ||
Saint-Joseph | 3 000 l.t. | ||
autre | 2 000 l.t. | ||
De la Moinière | Marie-Anne | 4 000 l.t. | |
Feuille | Marie-Anne | 2 000 l.t. | |
Albanet | Marie-Anne | 3 000 l.t. | |
Poisson-Volant | 1 500 l.t. | ||
Delastrasse | Marie-Françoise | 3 000 l.t. | |
marie-Anne | 2 000 l.t. | ||
Poisson-Volant | 4 000 l.t. | ||
Bien-Aimée | 1 000 l.t. (?) | ||
autre | 3 000 l.t. | ||
Fromant | Marie-Anne | 1 000 l.t. | |
D’Erruch | Marie-Anne | 1 000 l.t. | |
Marie-Françoise | 500 l.t. | ||
Chadel | Marie-Anne | 500 l.t. | |
Marie-Françoise | 500 l.t. | ||
Mazenot et Pavezin | Marie-Anne | ||
Poisson-Volant | 3 400 L. | ||
Elizabeth Nobili | Saint-Joseph | 500 l.t. | |
Jacques Mey | Saint-Joseph | 2 x 1 000 l.t. | 2 x 1 000 l.t. |
Declavastier | Saint-François | 2 000 l.t. | |
Bley l’aisné | Saint-Joseph | 2 000 l.t. | |
Vallan | Marquis de Gournay | 1 000 l.t. | |
Deville | Marquis de Gournay | 1 000 l.t. | |
Pierre Anton Martin | Marquis de Gournay | 2 500 l.t. | |
Saint-Joseph | 1 000 l.t. | ||
Jeanne Armande et | Saint-François | 2 x 500 l.t. | |
Jean-Baptiste Nebily | |||
De la Lasne | Marquis de Gournay | 3 000 l.t. | |
Saint-Joseph | 1 000 l.t. |
Tableau V. – Ventilation des intéressements cédés par Melchior Philibert (mars 1713-juillet 1714).
13Melchior Philibert n’est donc pas le seul Lyonnais impliqué aussi directement dans les opérations des armateurs malouins. La correspondance de Magon de la Balue nous révèle aussi le nom de Pitois, à qui Magon de la Lande a cédé un intérêt de 6 000 l.t. dans leur « nouveau traité pour les Indes orientales », participation ensuite ramenée à 3 000 l.t.48. Une autre maison de banque, Mayer frères, a pris un intérêt dans l’armement du Saint-François : la veuve Du Bourg Onfroy leur a cédé une part de 14 450 l.t. représentant 17,68 % de son propre intéressement49. En 1712, le financier parisien Gallet de Coulanges, un ancien receveur des Fermes à Saint-Malo devenu Contrôleur général de la Maison du Roi, intéressé par Gautier de la Villaumoine dans l’armement du Saint-Clément, cède un billet d’intérêt de 23 384 l.t. aux frères Diague, des marchands-fabricants de soieries qui, à leur tour, intéressent pour 6 000 l.t. d’autres Lyonnais, les frères Escalier50, vraisemblablement des marchands toiliers. Le négociant Jean Henry Gonzebat possède quant à lui des parts d’intérêt dans deux vaisseaux de la Mer du Sud, Le Grand Saint Raymond et Le Petit Saint Raymond, en association avec d’Ausseville de Saint-Malo51. Une autre maison lyonnaise de banque et de négoce, Chalut-Lamure, se voit proposer de son côté, par Magon de la Chipaudière et par Beauvais le Fer, des parts d’intérêt de 3 000 l.t. sur Le Griffon, un navire de permission qu’ils prévoient d’envoyer à Vera-Cruz52, sur deux autres vaisseaux qui pourraient être armés pour Pondichéry et Moka53, et sur un quatrième navire qui partirait pour la côte de Caraque, après un détour par Cadix54. Quant à Magon de la Lande, il cède à François Chalut et à son frère Joseph, ainsi qu’aux frères Dareste, des portions d’intérêt sur Le Bien Aimé en 1713 et sur La Sainte-Rose en 171555. Par ailleurs, en septembre 1714, Beauvais le Fer envoie également à Chalut-Lamure, afin qu’ils les vendent sur le marché privé, « trois futailles remplies de matières d’argent » contenant 4 151 marcs d’argent et pesant 2 376 livres, qui gagnent Lyon par la route, sur les charrettes de Jean Hamon, un roulier de Saint-Malo56.
14La participation lyonnaise au financement des armements malouins pour la Mer du Sud est donc établie, mais elle intervient davantage dans le cadre du deuxième cercle des croupiers et d’un troisième cercle de « petits-porteurs » qu’au niveau supérieur, celui des intéressés directs. Les actions qui circulent à Lyon ne portent que sur quelques milliers de livres, la plupart des intéressements que nous avons relevés étant compris entre 1 000 et 6 000 l.t. S’il est très difficile d’identifier ceux qui s’engagent ainsi dans l’aventure maritime, les quelques éléments que nous détenons nous permettent d’envisager, outre la présence évidente de banquiers ou de marchands-banquiers comme Melchior Philibert, Mayer et Crom, Dareste et Bona, Chalut-Lamure ou Gonzebat, qu’il s’agirait de marchands-fabricants dont les articles sont embarqués à bord des navires malouins, tant en emplette qu’en pacotille. À ce titre, ils sont incités à soutenir le financement de l’entreprise, à en partager le risque, et cette sollicitation semble davantage venir des commissionnaires qui leur achètent leurs marchandises que des sociétaires malouins eux-mêmes, comme le montrent les pratiques de la maison Melchior Philibert qui, à chaque paiement en foire, solde une partie de ses créances sous la forme de billets d’intérêt.
Lyon et le financement des armements marseillais pour la Mer du Sud
15Si le commerce de la Mer du Sud est un épisode important de l’épopée maritime de Saint-Malo, les audacieux Bretons ne sont pas les seuls en ce tout début du XVIIIe siècle à armer leurs frégates pour le littoral Pacifique de l’Amérique espagnole. En effet, sur les 115 navires français envoyés vers les côtes du Pérou entre 1701 et 1716, sept sont marseillais, ce qui ne représente que 6 % des armements français pour le Pacifique. À l’origine de ces armements se trouvent Guillaume Eon, un Malouin installé à Marseille, mais aussi des armateurs locaux, Jean Gleyze et surtout les frères Jean-Baptiste et Raymond Bruny. Ensemble, Eon et Jean-Baptiste Bruny arment le Saint-Joseph (450 tx) en 1706 et, en association avec le banquier Antoine Crozat, le Saint-Jean-Baptiste (500 tx) en 170757. Les frères Bruny expédient ensuite deux autres navires vers la Mer du Sud, la Marianne (300 tx) en 1711 et Le Jourdain (400 tx) en 1713. Le financement de ces armements au long cours se fait sur le même mode qu’à Saint-Malo. Les armateurs mobilisent leurs réseaux pour rassembler autour de leurs projets le plus de personnes susceptibles d’apporter le capital nécessaire à l’entreprise. Guidés par Charles Carrière qui mentionne la présence de Lyonnais parmi les actionnaires des armements Bruny58, nous avons parcouru les Grands Livres de Jean-Baptiste Bruny et repéré ceux qu’il intéressa à la Mer du Sud59. Sept noms reviennent. D’abord celui du banquier Melchior Philibert, que nous retrouvons comme principal partenaire lyonnais du commerce de la maison Bruny, mais aussi ceux de ses fils et associés, Louis et Jean-François. Participent également aux armements de Jean-Baptiste Bruny, Jean Lacroix, Antoine Dareste, Mayeuvre et Ferrary et la maison Riverieulx et Rolland qui, à partir de 1713, prolonge ses activités sous la raison de Riverieulx Rolland et Ravachol.

* J. F. Philibert a été intéressé dans l’armement du Jourdain à hauteur de 9 000 l.t. par J. B. Bruny, mais aussi pour 3 000 l.t. par R. Bruny. ADI, 2E 239, fonds Bruny, Grand Livre coté H, 1717-1723, fo 166.
Tableau VI. – Lyonnais intéressés par Jean-Baptiste Bruny dans les armements marseillais pour la Mer du Sud (1706-1713).
16Comme à Saint-Malo, les prises de participation lyonnaises restent cependant modestes au regard des fortunes exigées par ces armements. Mais, à la différence de ce que nous avons observé dans le port breton, où les actionnaires lyonnais n’apparaissent qu’à partir du deuxième cercle d’investisseurs, celui des croupiers ou sous-intéressés, et davantage encore dans le troisième cercle des « petits porteurs », dans les armements marseillais, on les trouve dès le premier cercle des investisseurs directs, cercle qui semble plus large à Marseille qu’à Saint-Malo où les intéressés directs, Malouins pour la plupart, sont toujours en nombre limité. Dans le cas des armements Bruny, le nombre d’actionnaires directs s’élève à 85 pour le Saint-Jean-Baptiste, à 133 pour la Marianne et à 122 pour Le Jourdain60. Si Lyon fournit entre 1 et 5 % des intéressés, ces derniers apportent entre 0,3 et 8 % du capital, leur participation au capital mobilisé pour l’armement du Jourdain s’élevant au moins à 67 000 L. sur 838 705 l.t.61.
17Comme dans le cas des intéressements qu’il possède dans les armements malouins, Melchior Philibert répartit à son tour ses parts d’intérêt parmi ses relations d’affaires, constituant ainsi autour de lui un second cercle de croupiers. Au cours de l’été 1713, il acquiert au moins quatre portions d’intérêt dans l’armement du Jourdain : une de 10 000 l.t. et deux de 6 000 l.t. en juillet 1713, puis une autre de 3 000 l.t. en août. Comme il le fait pour ses participations aux armements malouins, il en rétrocède instantanément une partie sur la place de Lyon : 500 l.t. à Jean Nobily, 1 000 l.t. à Desiry, à Albanet et à Delastrasse, 2 000 l.t. à De la Moinière et même 8 000 l.t. à Terrasse, mais aussi 2 000 l.t. au Brestois Bordenave, avec qui il est en affaires dans le cadre de la Compagnie de l’Asiento62. Ces fractions d’intérêt sont d’un même ordre de valeur que celles qui sont cédées dans le cadre des armements malouins.
18Presque toutes les expéditions organisées par les frères Bruny à destination de la Mer du Sud ont été couronnées de succès et, à l’exception de celle du Jourdain, ont généré des profits importants, de 67 % pour la Marianne, de 122 % pour le Saint-Joseph, de 145 % pour le Saint-Jean-Baptiste. Pour autant, ceux qui investirent dans l’armement du Jourdain ne perdirent pas d’argent puisque l’opération ne fut pas déficitaire, dégageant un léger bénéfice de 2 %63. Bien entendu l’essentiel des cargaisons de retour était constitué de piastres et autres matières d’argent et leur valeur peut être estimée pour les quatre navires dont nous parlons à un peu plus de six millions de livres. Si le Saint-Joseph et le Saint-Jean-Baptiste sont revenus à Port-Louis, la Marianne et Le Jourdain, eux, sont directement rentrés à Marseille, en 1714 et en 1717. Les Bruny ont alors pu mettre à contribution leurs correspondants lyonnais pour écouler auprès des tireurs d’or de leur ville une partie de l’argent débarqué. Mais on sait aussi que certains d’entre eux ont été directement impliqués dans le commerce de ces matières sur la place de Marseille, où Jean-Baptiste Bruny a procédé pour leur compte à la vente de plusieurs dizaines de milliers de piastres, moyennant à chaque fois une commission d’un ½ %. C’est ainsi que les Philibert, mais aussi Jean Lacroix, Riverieulx Rolland et Ravachol avaient chez Bruny un compte en piastres qui était après chaque vente débité à leur profit, les sommes étant reversées sur leur compte général. Ils possédaient aussi d’autres comptes en cochenille ou en indigo qui témoignent donc de leur intéressement dans les retours de la Mer du Sud et peut-être aussi de leur participation au trafic des pacotilles. La vente de piastres rapporte ainsi à Melchior Philibert 52 710 l.t. en juillet 1709, 38 716 l.t. 15 s. 3 d. en septembre 1712 et 24 072 l.t. 16 s. au mois de novembre suivant64. Entre novembre 1713 et décembre 1714, Bruny crédite par six fois le compte de Jean Lacroix « pour vente de matières d’argent » et lui verse au total quelques 166 000 l.t.65. Cette même année 1714, un autre partenaire lyonnais du négoce Bruny, la maison Teissier et Moucheiron, se voit quant à elle créditée de 76 800 l.t.66. Voilà qui confirme de nouveau le rôle important joué par Lyon dans le système économique né autour du trafic de la Mer du Sud, en tant que plaque tournante du commerce de l’argent rapporté du Pérou.
19Quelques marchandises lyonnaises sont embarquées à Marseille pour la Mer du Sud. Moins qu’à Saint-Malo toutefois, car elles semblent souffrir ici de la concurrence des soieries italiennes que Bruny fait venir de Livourne, de Gênes ou de Venise. Il achète pourtant une caisse de brocards d’or et d’argent et une autre de rubans glacés, également or et argent, à Riverieulx Rolland et Ravachol pour les charger à bord du Jourdain67. Parmi l’emplette de ce navire on trouve également mention de dentelles, de fils de crème, de camelots d’Auvergne et de Smyrne, de toiles de Bretagne et de Cambrai, de mouchoirs, de chemises et de souliers. En 1707, pour l’emplette du Saint-Jean-Baptiste, il leur avait déjà acheté une caisse de rubans de taffetas, facturée 6 561 l.t. 16 s. 10 d. Il s’était aussi procuré, cette fois auprès de Melchior Philibert, 2 831 aunes de toile noyale réparties en treize balles, ceci pour 3 043 l.t. 17 s. 6 d. Rubans et toile avaient rejoint dans la cale du navire des dentelles du Puy et de Flandre, des rubans de Venise, du brocard de Naples et d’autres marchandises en soieries venues de Gênes68. L’année précédente, en 1706, Riverieulx et Rolland avaient vendu une caisse de brocards à Guillaume Eon, qui l’avait chargée sur le Saint-Joseph avec des bas de soie de Naples, de la dentelle du Havre et de Dieppe, de la serge et des bayettes69. Nous pouvons aussi supposer qu’à Marseille comme à Saint-Malo d’autres marchandises de Lyon pouvaient être embarquées pour le Pérou au titre de pacotille, comme c’est vraisemblablement le cas pour la caisse de rubans d’une valeur de presque 550 l.t. que Jean-Baptiste Bruny confie en 1706 au sieur Rousset, écrivain à bord du Saint-Joseph, en compte à demi avec Riverieulx et Rolland70. Ceux qui prennent en pacotille ces marchandises de Lyon en rapportent certainement une partie du produit en cochenille ou en indigo. C’est ainsi que la vente de cochenille rapporte 12 253 l.t. 1 s. 10 d. à Melchior Philibert en mars 1708 et 4 785 l.t. 8 s. 9 d. à Riverieulx et Rolland en août 170971. Mais il se peut aussi que cette cochenille soit arrivée de Cadix dans le cadre du commerce avec l’Espagne, dans la mesure où la plupart des Lyonnais qui participent au financement des armements Bruny pour la Mer du Sud, font aussi des affaires dans le port andalou.
Lyon et la Compagnie des Indes orientales de Saint-Malo
20Parallèlement au commerce de la Mer du Sud où ils s’imposent à la faveur de la désorganisation de la Carrera, les audacieux armateurs malouins profitent de la désagrégation de la Compagnie des Indes orientales pour investir l’océan indien. En décembre 1714, ils officialisent leurs expéditions indiennes en signant avec les directeurs de la Compagnie un traité par lequel ces derniers leur cèdent pour dix ans le privilège exclusif de la navigation et du commerce dans l’océan indien. Mais cela fait déjà une dizaine d’années que Danycan a affrété ses premières frégates pour la Chine. Ce partenariat, voulu par le ministre Pontchartrain et défendu par le financier languedocien Antoine Crozat, prend corps sous le nom de Compagnie des Indes orientales de Saint-Malo et succède à l’éphémère Compagnie « des Trois ans » qui avait vu le jour en juillet 1712, et qui avait déjà pu envoyer une dizaine de bateaux vers Moka et les côtes de l’Inde. Dans l’état actuel de nos recherches, nous ne savons pas si des Lyonnais ont été, de près ou de loin, intéressés dans les premières expéditions de Danycan vers la Chine entre 1702 et 1710 ou dans les premiers armements malouins vers Moka et Pondichéry, entre 1707 et 171172. Mais le journal de Melchior Philibert nous révèle sa participation aux montages financiers qui ont permis à la Compagnie des Trois Ans d’expédier quatre navires dans l’océan indien en 1713 et trois autres en 171473. En décembre 1713, il est en effet sollicité par l’un des directeurs, Hyacinthe Chappedeleine de l’Aumône, pour augmenter de 2 % un intérêt de 18 000 l.t. pris « sur les quatre navires partis en dernier lieu pour le voyage des Indes orientales74 ». Ce versement de 360 l.t. s’ajoute à un autre de 280 l.t., qui avait été crédité en juillet sur le compte de Magon de la Lande, ce qui nous permet d’envisager un second intéressement, à hauteur de 14 000 l.t. celui-là. À la même époque un autre Lyonnais, Denis Beccard, figure aussi parmi les croupiers de la compagnie malouine auprès de qui il s’engage pour 10 000 l.t. « dans deux navires et emplettes destinés aux Indes orientales, La Paix et Le Diligent », sa déclaration d’intérêt étant envoyée à Magon de la Lande par la maison Melchior Philibert, en juillet 171375. L’année suivante, en mai 1714, Philibert cède à Desiry 15 % d’un intéressement de 8 000 l.t. dans la Compagnie, soit une fraction de 1 200 l.t., alors qu’il vient d’acquérir lui-même auprès de Magon de la Lande 15 % d’une autre part d’intérêt de 6 000 l.t. À la même époque, François Beauvais le Fer propose de son côté au marchand toilier et banquier François Chalut de participer pour 1 100 l.t. au financement de la mise hors de deux vaisseaux, l’un pour Pondichéry, l’autre pour Moka76.
21Le dépouillement de la correspondance de Luc Magon de la Balue nous révèle la présence de deux autres Lyonnais intéressés dans les armements malouins pour l’Orient, cette fois parmi les croupiers de la Compagnie des Indes née du traité de décembre 1714. Magon de la Balue, qui en était un des douze directeurs, mais aussi le trésorier, détenait 21 des 264 actions constituant le capital de cette nouvelle compagnie, pour une valeur de 322 000 l.t.77. Il répartit ses actions entre 24 croupiers pour ne garder à titre personnel qu’une part de capital se montant à 54 500 l.t. Parmi ces sous-intéressés, nous savons, par André Lespagnol, que le Marseillais Raymond Bruny, détenteur d’une action de 75 000 l.t., en aurait réparti un peu plus d’un tiers (28 000 l.t.) au sein d’un troisième cercle de croupiers composé de deux Aixois et de deux Lyonnais78. L’un d’entre eux, J. J. Hubert et fils, se porte acquéreur d’une action de 13 200 l.t.79. Grâce à la correspondance de Magon de la Balue, nous avons pu identifier le second, le sieur Pitois. Non seulement il entre dans le capital de la Compagnie de Saint-Malo pour 3 000 l.t. – portant du coup la participation de Lyon à 16 200 l.t. au lieu de 15 000 l.t. – mais il fait partie, comme Raymond Bruny, du deuxième cercle des croupiers et non du troisième. C’est en effet de sa propre initiative que Pitois aurait pris contact avec Magon de la Balue pour investir dans cette société. Initialement, il sollicite même un intéressement de 6 000 l.t. et, comme tous les actionnaires, effectue un premier versement de 10 % – 600 l.t. – en septembre 1716, sous la forme d’une lettre de change que Magon de la Balue tire sur lui au nom de De la Lande Magon80. Mais, quand vient le moment d’effectuer le deuxième versement, de 30 % celui-là, pour financer l’armement d’un premier navire, il se ravise et ramène sa prise d’intérêt à 3 000 l.t. Peut-être est-il inquiété par le montant des investissements annoncés et par l’immobilisation probable d’une partie du capital81. Mais il n’est pas le seul à agir ainsi puisque d’autres croupiers font de même et divisent eux aussi leur participation par deux, à l’instar de Charles Pigeon de Paris, d’Augustin Damyens d’Amiens et de Bourlat de Caracassonne82. Aussi, quand intervient le moment du paiement, Magon de la Balue ne prélève sur le compte de Pitois que 600 l.t. qui, avec les 600 l.t. déjà versées cinq mois plus tôt font 1 200 l.t., soit 40 % de la valeur de son action. Au mois de mars suivant Magon de la Balue remet donc à Pitois une action de 3 000 l.t. portant le no 47, qui fait de lui l’un des plus petits croupiers de la Compagnie des Indes de Saint-Malo83. Le troisième versement, fixé lui aussi à 30 %, a lieu en décembre 1717 et le quatrième en août 1718. Mais Pitois disparaît entre ces deux échéances, vraisemblablement décédé en décembre 1717. C’est donc à sa mère que Magon de la Balue réclame le solde de son intérêt ainsi qu’un versement complémentaire de 10 % – 300 l.t. – correspondant à la hausse du capital décidée en décembre 1718, « rapport à l’augmentation des matières84 ».
22D’autres investisseurs lyonnais apparaissent aussi parmi les 300 à 500 croupiers et sous-intéressés qui, à des degrés divers et par différents canaux, ont participé au financement de la Compagnie des Indes de Saint-Malo85. Déjà engagé auprès de Magon de la Lande et de Chappedeleine dans la Compagnie des Trois Ans, Melchior Philibert est naturellement sollicité dans le cadre du nouveau traité de 1714. C’est ainsi qu’en février 1717 Chappedeleine de l’Aumône lui cède 30 % d’une action de 50 000 l.t. « sur la première expédition de la nouvelle Compagnie des Indes orientales », soit une fraction de 15 000 l.t., tandis que Magon de la Lande l’intéresse de son côté pour une autre part de capital de 20 000 l.t.86. Mais Melchior Philibert entre aussi dans le capital de la Compagnie par l’intermédiaire de Raymond Bruny, auprès de qui il acquiert, à la fin du mois de mars 1717, un intérêt de 22 000 l.t. « dans la première expédition qui sera faite du navire de la nouvelle Compagnie des Indes, La Comtesse de Pontchartrain ». Comme il le fait pour ses intéressements à la Mer du Sud, il rétrocède à son tour des fractions d’intérêt, par exemple 1 000 l.t. à Jean-Baptiste Nobily, qu’il débite de 400 l.t. en février 1717, au titre des 40 % qui doivent avoir été versés à cette date. En plus de Philibert, de Hubert et fils et de Pitois, nous avons identifié sur la place de Lyon un quatrième croupier de la Compagnie de Saint-Malo, le sieur Desiry, déjà intéressé dans les armements pour la Mer du Sud, qui investit cette fois 65 000 l.t. dans la navigation et le commerce des Indes orientales87.
23Il est difficile d’apporter une réponse claire à la question des motivations qui, en ce début du XVIIIe siècle, poussent des Lyonnais à investir à la mer, tant dans le commerce de la Mer du Sud que dans celui des Indes orientales. Dans le premier des deux cas, nous l’avons vu, les investissements sont en partie conditionnés par la quête de nouveaux débouchés pour les productions de la Fabrique lyonnaise, puisque les négociants malouins entendent associer aux risques de leurs entreprises ceux qui leur fournissent leurs « emplettes ». Par contre, en ce qui concerne le commerce dans l’océan indien, cet intéressement de facto ne se retrouve pas, dans la mesure où les navires qui partent pour Moka ou Pondichéry n’emportent pas de marchandises lyonnaises dans leurs cales, celles-ci n’étant capables de rivaliser ni avec les toiles de coton ni avec les soieries produites sur place ou venant de Chine. De ce fait, les exportations vers l’océan indien sont presque exclusivement composées de piastres, de pignes et de barres d’argent, de vins et d’eau-de-vie de Bordeaux, de fer de Biscaye, de corail de la Méditerranée et de draps du Languedoc88. Puisqu’ils ne sont pas sollicités pour constituer les cargaisons aller, les marchands-fabricants lyonnais n’ont pas de raison particulière d’investir dans la Compagnie des Indes orientales. Par contre il n’en est pas de même des financiers et des bourgeois qui, mis en confiance par le savoir-faire des négociants malouins et par la nature des accords passés avec la précédente Compagnie de Seignelay, mais aussi alléchés par les belles perspectives de profits qu’offrent les retours des Indes, en particulier le café et les cotonnades, marchandises alors très recherchées dans toute l’Europe, saisissent l’opportunité qui leur est offerte, au moins à partir de 1712 – et peut-être dès 1709 – pour se lancer dans l’aventure et spéculer sur la réussite de ces nouvelles entreprises malouines.
Une faible implication dans le financement des armements ponantais
24Lorsqu’au début du XVIIIe siècle Lyon renoue progressivement avec l’investissement maritime, sollicitée en cela par les négociants-armateurs malouins et les Bruny de Marseille, pour participer financièrement à leurs armements pour la Mer du Sud, ce sont surtout, nous l’avons vu, des marchands-banquiers qui s’engagent. Malheureusement, avec le retour de la paix, le rétablissement dans toute sa rigueur du système de l’Exclusif au cours des années qui suivent le traité d’Utrecht, et bientôt la tentative de reprise en main du commerce colonial à travers l’expérience de Law, ce retour de Lyon dans le domaine des armements à la mer semble faire long feu. En effet, une quête fastidieuse entreprise dans quelques fonds d’amirautés comme, par exemple, ceux de Bordeaux, de Vannes, de Lorient et de Saint-Malo, à la recherche d’actes de propriété de navires qui auraient laissé apparaître quelques Lyonnais parmi les associés, n’a donné aucun résultat probant89. Où que ce soit sur la façade ponantaise, nous n’avons pas plus trouvé de trace de participation lyonnaise dans les armements au grand cabotage que dans ceux au long cours. Tout au plus peut-on envisager, mais de manière très ponctuelle seulement, quelques petites participations de négociants dans le financement de pacotilles, le plus souvent à l’incitation de leurs confrères des ports comme, par exemple, lorsqu’en 1754 Regnaud du Roule, négociant à Nantes, incite la veuve Amar et fils à participer pour moitié à l’expédition de deux pacotilles à Laurent Pallier, un de ses neveux installé à la Martinique90. Nos résultats n’ont pas été plus fructueux dans le domaine de la course ou dans celui de la traite négrière. À Saint-Malo par exemple, aucun Lyonnais ne se profile derrière les armements corsaires de la guerre de Sept Ans91 et quand, au début de la guerre d’Amérique, la Chambre de Commerce de La Rochelle sollicite celle de Lyon pour prendre part à ses armements à la course, la réponse est sans appel : le négoce lyonnais ne veut pas investir dans ce projet, dans la mesure où les navires qui seraient ainsi armés auraient plus de risques, lors de leurs croisières, de rencontrer des corsaires ennemis que de s’emparer de vaisseaux marchands92. À la même époque, un armateur havrais, le sieur Papillon, heureux propriétaire d’une frégate et d’un vaisseau fort opportunément baptisés La Lyonnaise et Le Lyonnais, se tourne lui aussi vers notre ville pour y trouver des investisseurs en mesure de l’aider à armer ces navires. Mais la réponse de la Chambre de Commerce est sans ambages : « Cette nature d’affaire ne peut convenir à notre Chambre. Nous voyons que très peu de négociants de notre place sont intéressés à se livrer à de semblables opérations » ; aussi lui conseille-t-elle de se choisir sur place un correspondant qui pourrait faire connaître son projet, tout en lui proposant d’en faire « insérer un extrait dans la feuille hebdomadaire de [la] ville93 ». Quant à la traite négrière, elle ne semble pas elle non plus avoir séduit les investisseurs lyonnais. Nous ne disposons en effet que d’un exemple de prise d’intérêt dans ce secteur, portant sur une part d’un sixième proposée en 1764 par l’armateur nantais Deguer au Lyonnais Jacques Lambert, pour l’armement de La Jeune Reine, un navire qui devait périr sur les côtes de Gambie quelques mois plus tard, en juin 1765 ; mais il est probable que cette proposition n’ait pas abouti, pas plus qu’une autre qui fut adressée quelques mois plus tard à une autre maison lyonnaise, Debrye et Chevrottier, puisque nous n’en avons retrouvé aucune suite dans la correspondance de la société Delaville-Deguer au cours des années qui ont suivi94. Par contre, il en va différemment à Marseille. C’est en effet dans le port provençal que nous avons retrouvé les seules traces significatives d’un engagement de capitaux lyonnais dans la navigation et le commerce océaniques. Nous nous y arrêterons un peu plus loin.
L’intéressement à la mer, une affaire de banquiers ?
25Malgré le peu d’exemples dont nous disposons en matière de participations lyonnaises au financement des armements du grand commerce atlantique, nous pouvons constater, tant à travers l’exemple des armements malouins du début du siècle qu’à travers celui des armements marseillais vers les Antilles et l’océan indien, que, comme au XVIe siècle, les investissements lyonnais dans les armements au long cours se seraient faits sous le contrôle des banquiers. À la belle époque des foires, ils étaient Italiens. Désormais, la plupart d’entre eux appartiennent à la nation suisse. Cependant, à lire Lüthy, il n’y aurait pas alors à Lyon de véritable « marché public » des placements maritimes. En effet, qu’il s’agisse d’investissements dans des sociétés d’armement, de prêts à la grosse aventure ou de prises de participation aux risques dans l’expédition de marchandises outre-mer, tout ou presque se ferait dans un cercle limité de personnes introduites dans ce milieu du grand commerce maritime et qui, à leur tour accordent des sous-participations à des parents, à des amis proches ou à des relations d’affaires privilégiées95. Au premier rang de ces initiés, il place les réseaux de la banque genevoise bien établis dans la ville, où ils contrôlent également le négoce des toiles de coton. C’est d’ailleurs par le biais du commerce toilier qu’ils ont pu, dès le début de notre période, s’introduire dans le trafic avec l’Espagne, ainsi que dans celui des îles de l’Amérique encore balbutiant, se familiariser avec les méthodes du négoce maritime et introduire de nouvelles formes de spéculation dans les pratiques traditionnelles d’une banque lyonnaise jusqu’alors davantage habituée aux spéculations sur les changes. D’ailleurs il n’est pas à exclure que la crise qui touche la banque lyonnaise à deux reprises, en 1709 et en 1720, ait pu contribuer à ce décentrage d’une partie de ses activités dans la mesure où, désormais, Lyon n’occupe plus le rang de grande place de change de dimension européenne qui avait été le sien jusqu’alors, cédant notamment le pas devant Paris.
26Nos propres constatations corroborent les observations de Lüthy et nous avons bien vu à travers le prisme malouin que des marchands banquiers suisses figurent parmi ceux qui, au début du XVIIIe siècle, font découvrir au négoce lyonnais les nouveaux horizons du commerce d’Espagne et des terres plus lointaines de l’espace atlantique. David Cuentz et Jean Henry Gonzebat sont certainement parmi les premiers à établir des liens financiers directs avec les ports qui animent à l’époque ces courants d’échanges, à l’instar de Saint-Malo. Ils sont aussi les premiers à spéculer sur toutes les sortes de marchandises rapportées par les frégates de la Mer du Sud. Mais nous pouvons aussi inclure au moins un banquier « lyonnais » parmi ces pionniers : Melchior Philibert, dont la comptabilité tend à confirmer que l’investissement à la mer et la prise de participation aux risques du grand commerce maritime ont commencé à séduire au-delà du cercle des marchands-banquiers helvètes. Les pratiques du banquier lyonnais sont en effet conformes à celles que décrit Lüthy : intéressé dans des armements par ses partenaires malouins et marseillais, les Magon et les Bruny, il sous-intéresse à son tour plusieurs de ses propres créanciers en leur cédant des portions de ses propres parts d’intérêt, de l’ordre de 1 000 à 3 000 l.t. en général, tantôt « en armement et emplette », tantôt « en pacotille96 ».
27À partir de 1762-1763, le retour à la paix semble relancer les prises de participation des Lyonnais au commerce maritime. Désormais la banque genevoise semble avoir pris un contrôle pratiquement absolu de ce secteur. Que ce soit dans le commerce de Cadix et de l’Amérique espagnole, dans celui des îles françaises ou, très bientôt, dans celui du commerce libre dans l’océan indien, ce sont les mêmes noms qui émergent des sources que nous avons pu consulter : Councler, Couderc, Zellweger, Sollicoffre, Scheidlin et Finguerlin.
Un cas particulier : la participation lyonnaise aux armements lorientais vers les Indes
28Après la suspension du monopole de la Compagnie des Indes en 1769, une majorité des armements pour les Indes orientales continue à se faire depuis Lorient. Le port breton, qui demeure, selon une disposition de l’arrêt suspensif, le seul dans le royaume où peuvent se faire les retours du commerce indien, réussit en effet à affréter un tiers des navires et du tonnage envoyés dans l’océan indien entre 1769 et 1785. Déjà, dans l’ombre de la Compagnie, quelques armateurs lorientais comme Arnoux et Foucard s’étaient lancés dans le grand cabotage européen, avec la Méditerranée notamment97. Aussi sont-ils les premiers à risquer l’aventure indienne, avec des résultats mitigés toutefois, ce qui les amène ensuite à se retourner vers les armements antillais, moins coûteux et moins aléatoires en termes de rapport. À leurs côtés, d’anciens administrateurs de la Compagnie comme Sutton et De Rothe tentent également l’expérience. Leurs réseaux leur permettent de trouver l’appui financier des milieux d’affaires parisiens, mais aussi de banquiers suisses, hollandais et anglais, ces mêmes groupes qui, simultanément, s’engagent à Marseille et à Bordeaux98. Rapidement, Lorient devient la tête de pont des entreprises huguenotes vers les Indes. Leur ambition est double : investir dans un secteur porteur susceptible de dégager des profits substantiels – Dermigny a évoqué à ce propos un « tropisme de la mer99 » ; mais aussi assurer au moindre coût, et sans plus avoir à dépendre de structures régies par un quelconque monopole et partiellement contrôlées par les États, l’approvisionnement des indienneries suisses en toiles blanches.
29Le véritable décollage des armements lorientais vers les Indes se produit en 1774. D’un coup, on passe d’une quinzaine de départs par an à vingt-cinq ou trente, avant que la guerre d’Amérique n’interrompe le mouvement100. Parmi les animateurs de ce trafic, un nom se dégage, celui des Bérard. Ces huguenots liés aux milieux d’affaires genevois connaissent bien Lyon, puisqu’ils y sont nés101 et y ont mené leurs affaires pendant quelques années comme membres de la nation suisse. Avec eux, le capitalisme protestant helvétique et ses ramifications lyonnaises trouvent en Lorient une nouvelle place où investir à la mer, au mieux de leurs intérêts et avec des perspectives de profit intéressantes. Le banquier Henry Scherer et les maisons Hogguer et Cannac prennent des intérêts dans le premier armement lorientais des Bérard, L’Hercule, en 1772102. L’entreprise étant couronnée de succès, leurs initiateurs sont approchés en 1774 par Pourtalès et Cie, l’indienneur de Neuchâtel. Quelques mois plus tard, Paul Coulon, le principal associé de la firme suisse, entre pour un quart dans le capital des frères Bérard, à hauteur de 20 000 l.t.103. Le nouveau consortium qui se constitue alors sous la raison Bérard Pourtalès et Cie arme six nouveaux navires pour l’océan indien en 1776. Pour constituer leurs cargaisons, ils utilisent certainement les services du correspondant lyonnais de Pourtalès, Georges Chaillet qui, en 1782, entre dans le capital de la société neuchâteloise comme associé104. Malheureusement, il ne reste aujourd’hui « presque aucune trace » de l’activité de cette succursale lyonnaise105. Cependant, au hasard d’un sondage effectué dans les fonds des notaires des Archives départementales du Morbihan, nous avons pu constater que le nom de Pourtalès et Cie, « négociants de Neufchâtel en Suisse », apparaît régulièrement dans les contrats de prêts à la grosse signés en 1775 dans l’étude du notaire lorientais Jean Ollivier106. Il s’agit surtout de prêts portant sur quelques milliers de livres – de 1 000 à 9 600 l.t. – accordés à des officiers de marine, certainement pour financer l’achat de pacotilles. On ne peut donc exclure l’hypothèse que, sur cet exemple, quelque négociant lyonnais appartenant à cet « empire huguenot de l’indienne107 » ait pu, ponctuellement, risquer de la sorte un petit intéressement, soit en pacotille, soit en prise d’intérêt directe dans l’un de ces armements lorientais, et ce d’autant que pour la seule année 1776, Bérard et Cie emprunta à la grosse quelques 115 000 l.t. pour financer ses armements et consentit dans le même temps, selon le même système, pour 100 000 l.t. de prêts108.
30De la même manière on peut aussi l’envisager pour les quelques armements malouins du commerce libre, ne serait-ce que parce qu’en octobre 1775 Pourtalès et Cie investissent dans l’armement du Duc de Fitzjames, navire affrété par Pierre Beaugeard et Desagray de Saint-Malo et « destiné pour le voyage à l’Île de France, Pondichéry, Mahé, Surate et à la Chine ». Ils leur avancent alors 96 000 l.t. remboursables en vingt-deux mois au taux de 23 %109. Mais, bien plus qu’à Saint-Malo, c’est à Marseille qu’on retrouve, à la même époque, ces investisseurs suisses et leurs associés lyonnais, qui prennent des participations dans le commerce qui, du fait de l’assouplissement de l’Exclusif et de la suspension du monopole de la Compagnie, se développe entre le port provençal et les Îles de l’Amérique et avec l’océan indien.
La participation de Lyon au financement du grand commerce marseillais
31Les premiers contacts entre Marseille et les îles françaises de l’Amérique sont établis, nous l’avons vu, dès les premiers temps de la colonisation, immédiatement après que Colbert ait octroyé à Marseille le statut de port franc en 1669, « d’abord avec beaucoup de prudence, puis de façon très régulière110 ». Les premiers armements pour les Îles du Vent ont lieu au tout début des années 1670, mais c’est surtout à l’Intendant des Galères Michel Bégon que Marseille doit ses premiers pas dans ce qui allait être la grande réussite commerciale du xviiie siècle. Contrecarré par la guerre de Succession d’Espagne, le développement du commerce entre Marseille et les Îles ne reprend véritablement qu’après 1711 et les premiers retours s’opèrent deux ans plus tard111. Mis un temps en sommeil à cause de la peste, il repart de plus belle à partir des années 1730.
Les investissements lyonnais dans le commerce avec les îles de l’Amérique
32Comme partout ailleurs, les sociétés marseillaises qui arment des navires vers les Îles sont des sociétés quirataires mais, si l’essentiel du capital est endogène, on constate toutefois quelques prises de participations extérieures dans ces opérations, et notamment des capitaux lyonnais. Le banquier Melchior Philibert par exemple fait partie de ceux qui investissent dans ces armements antillais, en concomitance avec ses prises d’intérêts sur les frégates de la Mer du Sud. C’est ainsi que, dès décembre 1713, il place 4 000 l.t. sur la galéasse Vandesme « pour son voyage aux isles françaises de l’Amérique et côte de Saint-Domingue ». Quelques mois plus tard, en mai 1714, il prend une autre portion d’intérêt de 4000 l.t. sur La Vierge de Grâce armée par J. Roman « pour les isles françaises112 ». On peut raisonnablement supposer que d’autres participations ont pu avoir lieu par la suite dans les armements que les Bruny continuent à faire pour les Antilles au cours des années 1720.
33Désormais, chaque année, Marseille arme de plus en plus de navires vers les Antilles. C’est ainsi qu’on passe d’une moyenne de 12 vaisseaux par an en 1712-1716 à 122 en 1784-1788 soit, en cette fin de siècle, une petite quarantaine d’armements par an113. Si nous n’avons pas retrouvé de traces de participations lyonnaises dans le financement des armements Roux, Audibert, Boulle ou Isnard qui dominent les années 1720 à 1750, cela ne signifie nullement qu’il n’y en ait pas eu, car nous les voyons réapparaître après la guerre de Sept ans, quand une nouvelle génération d’armateurs prend la relève autour de Pierre-Honoré Roux et de ses fils, de Joseph et Georges Audibert, de Jacques Rabaud et des Solier, qui diversifient leurs activités en expédiant aussi des navires vers la Guyane avant de s’ouvrir, après 1769, à l’océan indien. Doublement intéressé par les débouchés qu’offrent les marchés antillais – même s’ils restent restreints – et par les denrées tropicales qui constituent les cargaisons de retour, le négoce lyonnais est amené à s’impliquer dans le financement de ces expéditions marseillaises vers les Îles. Certes nous ne trouvons pas d’investisseurs lyonnais dans le premier cercle de ceux qui financent ces voyages, mais ils apparaissent parfois dans le deuxième cercle des sous-intéressés, comme nous l’avons déjà vu sur d’autres places portuaires, comme Saint-Malo par exemple, ainsi qu’à Marseille même, au temps du commerce de la Mer du Sud. Toutefois, il semblerait qu’ils apparaissent davantage après 1750 car, dans la première période de l’histoire du trafic entre Marseille et les Îles, les cargaisons expédiées aux Antilles ne font qu’une très faible place aux luxueuses productions de la Fabrique lyonnaise, faute de leur procurer sur place un débit suffisant dans une société coloniale en cours de structuration.
34Par contre, au lendemain de la guerre de Sept Ans, les choses changent. Les riches étoffes et d’autres articles de la manufacture lyonnaise se retrouvent dans presque toutes les cargaisons en partance vers les Antilles, à l’instar de celles des vaisseaux de la maison Roux frères, même si la valeur des articles embarqués se limite à quelques milliers de livres. C’est d’abord dans le cercle relativement restreint de leurs fournisseurs que les armateurs marseillais cherchent à placer des parts d’intéressements dans leurs armements atlantiques. Dans son étude détaillée sur les armements Solier au cours des années 1780, Louis Dermigny en a ainsi repéré deux. David Duffour et Martin, marchands de soieries, participent ainsi en 1781 et 1782 au financement de quatre de leurs six premiers armements, tandis que leurs confrères Gaillard Grenus et Cie n’interviennent que dans deux d’entre eux114. Leurs mises de fonds restent toutefois très limitées puisque, comprises à chaque fois entre 1 500 et 3 500 l.t. par maison, elles ne représentent pour l’ensemble des quatre expéditions que 2,2 % du capital assemblé115. Malheureusement, deux de ces armements se soldent sur des échecs : la Marianne-Olympe et L’Activité, qui quittent Marseille le 9 septembre et le 9 novembre 1781, sont toutes les deux capturées par le même corsaire barbaresque, La Farna, la première le 20 septembre et la seconde le 29 novembre suivant. Le coup est rude. Bien qu’assurés, David Duffour et Martin perdent néanmoins dans ces mésaventures, montant des primes compris, 2 032 l.t. 1 s. 9 d. Si, après 1782, ils ne figurent plus dans les listes des actionnaires directs des armements américains de Solier Martin Salavy, ces derniers continuent quand même à leur commettre des marchandises de Lyon, tout en parvenant à les intéresser dans la mise-hors et la cargaison de quatre autres vaisseaux, destinés cette fois au commerce avec les Indes orientales116.
La participation des Lyonnais au commerce libre avec l’océan indien (1769-1785)
35Les années qui suivent la suppression des privilèges de la Compagnie des Indes orientales sont marquées, nous l’avons vu, par une arrivée massive de capitaux suisses dans les sociétés qui prennent le relais et arment pour l’océan indien. Ces apports de capitaux extérieurs au monde des ports sont indispensables aux entrepreneurs maritimes pour relever le formidable défi financier que représente alors la liberté nouvelle octroyée au commerce des Indes, dans la mesure où ces armements peuvent couramment nécessiter jusqu’à un million de livres d’investissements, dont une bonne moitié pour la constitution de la cargaison et parfois un bon cinquième pour les pacotilles. Soucieux de contrôler davantage leurs approvisionnements en fils de coton et en toiles blanches, les indienneurs helvètes et leurs banquiers n’ont guère besoin de se faire prier pour apporter aux sociétés d’armement le capital dont elles ont besoin pour financer leurs expéditions. Ainsi en est-il, par exemple, de Pourtalès et Cie, déjà associé avec les frères Bérard de Lorient, qui participe aussi aux armements Solier à Marseille117. D’autres font de même à Bordeaux et, ensemble, ils entraînent derrière eux tous ceux dont les intérêts sont directement liés à l’importation des toiles brutes, mais aussi à la fabrication et à la vente des toiles imprimées, y compris à Lyon, ville qui, aidée par sa situation intermédiaire entre les ports et les centres d’indiennage de Genève et de la Suisse orientale, est devenue une des plaques tournantes de ce commerce des cotonnades. Les liens sont donc forts entre négoce lyonnais et indiennage suisse, et ce d’autant que les intérêts de ce dernier sont alors fortement représentés au sein des communautés suisse et genevoise établies sur les bords du Rhône.
36Fort de cet appui du capitalisme helvétique, mais aussi des milieux d’affaires parisiens, les armateurs français réussissent à expédier dans l’océan indien un peu plus de 300 navires entre 1770 et 1785, dont 116 depuis Lorient118, et un peu plus de 40 depuis chacun des trois grands ports océaniques que sont alors Bordeaux, Nantes et Marseille119. C’est d’ailleurs dans le port phocéen, « citadelle du commerce libre120 », que nous retrouvons nos premiers investisseurs suisses et, dans leur sillage, leurs partenaires lyonnais, et ce dès les premières initiatives marseillaises, celles de Jacques Rabaud et de son associé Solier qui, en 1771, arment Le Conquérant à destination des côtes de Coromandel et du Bengale121. Les sociétés Rabaud Solier, puis Rabaud et Cie et Solier Martin Salavy arment une quinzaine de navires pour l’océan indien entre 1771 et 1785122. À chaque fois ils rassemblent autour d’eux des consortiums auxquels s’associent non seulement d’autres armateurs marseillais comme les frère Baux, mais aussi de nombreux intéressés suisses, parfois apparentés comme Jules et Marc Solier de Genève ou la grande maison gaditane Cayla Solier Cabanès Jugla et Cie, et des investisseurs venus d’horizons différents, mais en grande partie liés à cette double internationale de l’indiennage suisse et de la banque protestante, un ensemble de réseaux complexes dont les ramifications s’entremêlent et où l’on retrouve des négociants lyonnais, le plus souvent intéressés directement au commerce des Indes orientales, vers où ils expédient leurs marchandises, parmi lesquelles quelques productions de la Fabrique, comme ces fils d’or dont on dit qu’ils sont fort recherchés au Bengale.
Les investissements lyonnais dans les armements marseillais : l’exemple de Solier Martin Salavy
37L’étude détaillée des armements Solier conduite par Louis Dermigny pour la période 1781-1793 permet de nous faire une première idée de l’implication du négoce lyonnais dans le financement des armements marseillais pour les Indes orientales123. Entre 1771 et 1793, sous les raisons sociales successives de Rabaud et Solier, Solier Martin Salavy et Solier et Cie, ils ont initié ou participé comme associés principaux à quatorze armements pour l’océan indien124. Dermigny s’est surtout intéressé aux expéditions de la deuxième société, Solier Martin Salavy, fondée en 1780 autour de Jacques Solier et qui, en neuf ans, arme sept vaisseaux pour l’Île de France et les côtes de l’Inde125. Ces expéditions indiennes constituent, d’après Dermigny, « l’aspect le plus intéressant de l’activité des Solier126 », laquelle portait également sur le commerce avec le Levant et avec les îles françaises de l’Amérique.
38Au total, 134 actionnaires participent au financement des neuf armements indiens des sociétés Solier Martin Salavy et Solier et Cie. Parmi eux on trouve bien entendu des Marseillais, mais aussi des négociants et des armateurs ponantais, de Nantes, de La Rochelle et de Bordeaux, des financiers parisiens, et surtout un solide noyau d’investisseurs suisses et genevois liés aux mondes de la banque et de l’indiennage, qui fournissent à eux seuls quelques 60 % des capitaux, et dans le sillage de qui on trouve deux maisons lyonnaises appartenant à ces réseaux protestants, Scherer et Gaillard Grenus et Cie. Mais au total on recense neuf maisons lyonnaises parmi les 134 actionnaires des Solier. Le principal de ces investisseurs lyonnais est le banquier saint-gallois Henri Scherer, déjà rencontré à Lorient, et qui participe à trois armements : celui du Roi de Sardaigne en 1788 et ceux de L’Olympe et de L’Éclair en 1793, pour 40 000 l.t. en tout. Ensemble, ces intéressés lyonnais contribuent à hauteur de 181 000 l.t. sur les 4,9 millions que coûtent les armements indiens des deux firmes Solier, ce qui représente un peu de moins de 4 % des fonds. C’est peu et, à l’échelle des activités des Solier et de leurs associés, cela ne fait de Lyon qu’une place secondaire pour le financement de leurs expéditions. Mais il convient de noter que l’essentiel de ces capitaux lyonnais provient désormais du commerce et non plus de la banque comme cela était le cas au temps où Bruny sous-intéressait des Lyonnais dans la Compagnie de Saint-Malo. Ils ne proviennent pas non plus directement de la Fabrique, même si presque tous ces négociants chargent ses productions à bord des navires dont ils financent l’armement : des étoffes de soie, des articles de passementerie et de mercerie, des accessoires de mode et du fil d’or127. Notons également que deux des actionnaires des Solier dans ces armements indiens sont aussi, au même moment, intéressés dans les armements pour les îles françaises de l’Amérique : Gaillard Grenus et Cie et surtout David Duffour et Martin, cette dernière maison détenant des portions d’intérêt dans tous les navires antillais de Solier Martin et Salavy armés en 1781 et 1782.
39On retrouve d’abord sept de ces intéressés lyonnais dans cinq des sept armements indiens de Solier Martin Salavy, avant 1789. Ensemble, ils contribuent aux mises-hors à hauteur de 137 000 l.t. sur les quelques 3,6 millions cumulés qu’elles coûtent (3,8 %). Leurs participations varient entre 1,6 % (Le Prince de Piémont en 1787) et 8,5 % (Le Roi de Sardaigne en 1788) mais sont généralement inférieures à 3 % du capital rassemblé. Le plus gros de cette première série d’investisseurs est la maison Duffour et Martin, peut-être liée à l’un des deux associés de Solier, qui participe à quatre armements et apporte au total 29 000 l.t., soit un cinquième de l’ensemble des mises de fonds lyonnaises (137 000 l.t.), mais seulement 0,8 % de tout ce que coûtèrent les cinq expéditions. Autres actionnaires réguliers, Gaillard Grenus et Cie participent eux aussi au financement de quatre expéditions en investissant 22 000 l.t. (16 % des participations lyonnaises). Mais c’est dans le financement du voyage du Roi de Sardaigne, en 1788, que les Lyonnais interviennent le plus, apportant cette fois pour près de 10 % du capital. Ils sont alors six intéressés et avancent des sommes qui varient entre 6 000 et 20 000 l.t., les plus grosses mises de fonds étant le fait de Ph. et Henri Goiran, Henri Jordan et Cie et Henry Scherer128.
40Au-delà de 1789, la dernière société Solier et Cie n’arme que trois navires pour l’océan indien : Le Scipion pour l’Île de France en octobre 1789, L’Olympe pour un deuxième voyage à Pondichéry et L’Éclair, pour les Mascareignes en 1793. On ne trouve alors d’intéressés lyonnais que dans les armements de L’Olympe et de L’Éclair129. Ils sont trois, dont deux nouveaux venus. Henry Scherer investit 10 000 l.t. sur chacun des deux navires, autant que Jean Bontoux et Cie dans l’armement de L’Éclair, tandis que Antoine Combe et fils contribuent pour 15 000 l.t. au financement du voyage de L’Olympe : 45 000 l.t. au total, ce qui représente, faute d’estimation précise du coût de ces deux expéditions, 3,5 % tout au plus du montant des capitaux engagés. Les ordres de grandeur ne changent donc pas par rapport à la période précédente. Le capitalisme lyonnais n’intervient donc dans les armements marseillais vers les Indes orientales que comme un investisseur d’appoint dont les participations, somme toute peu élevées au regard des fortunes engagées dans ces opérations de grande envergure, permettent cependant de boucler des budgets colossaux.
41Les armements Solier ne sont certainement pas les seuls à Marseille à profiter d’intéressements lyonnais. Il est fort probable que les autres armateurs marseillais intégrés aux réseaux du capitalisme suisse aient compté parmi leurs actionnaires directs ou indirects quelques maisons lyonnaises. Ainsi en est-il, par exemple, de Jacques Rabaud, l’autre grand animateur du commerce de Marseille avec les Indes orientales, qui a pu compter sur le soutien du groupe Senn Bidermann et Cie. À la fin des années 1780, cette société genevoise liée au monde de l’indiennage et spécialisée dans l’achat et la vente de toiles des Indes et des toiles peintes produites par les manufactures suisses, alsaciennes mais aussi lyonnaises comme celle de Picot et Fazy, s’associe avec Rabaud et Cie pour fonder une « société maritime » dans le capital de laquelle entrent deux Lyonnais, Henry Scherer et Desvignes père et fils. Le premier, engagé à la même époque dans les armements Solier, acquiert une action de 30 000 l.t., et les seconds deux actions130. En 1782, on mentionne également la présence de Lyonnais parmi les actionnaires des Dix Frères, navire affrété pour les Mascareignes par Fesquet Sominiac et Cie. Mais ils n’apportent que 6 000 l.t., soit 3,5 % seulement des capitaux mobilisés131. On retrouve aussi des fonds d’origine lyonnaise dans l’armement, en 1785, du Comte d’Artois, à destination de l’Île de France et de l’Inde. Mais il est fort probable que, cette fois, l’origine lyonnaise de l’un des deux armateurs, Poulard, ait pu contribuer à drainer quelques milliers de livres supplémentaires depuis la grande cité rhodanienne, tout comme la participation de Pourtalès et Cie, à hauteur de près d’un quart de la mise de fond globale132.
42Alors que Lyon semble bien s’être désintéressée de l’investissement maritime au XVIIe siècle en préférant, comme nous le rappelle la brève existence d’une Chambre lyonnaise de la Compagnie des Indes, jouer la carte de la prudence face à une économie en pleine mutation, au cours de notre période les milieux d’affaires lyonnais redécouvrent progressivement l’océan et les possibilités de spéculations et de profits qu’offre celui-ci. Cette redécouverte se fait d’abord par l’intermédiaire des Malouins, dans le cadre de leur double engagement dans les commerces de la Mer du Sud et de l’océan indien. Comme à la grande époque des foires, quand Lyon faisait figure de pôle d’impulsion maritime, ces toutes premières participations lyonnaises dans les armements du grand commerce transocéanique sont davantage l’affaire des marchands-banquiers que des négociants proprement dits. Ils ont alors pour noms Melchior Philibert, Mayer frères ou Chalut-Lamure et sont, pour plusieurs d’entre eux, liés à la nation suisse, qui a succédé aux puissants Italiens du XVIe siècle. Ils n’apparaissent que dans la deuxième vague d’armements vers la Mer du Sud, à partir de 1707, à la fois à Saint-Malo, dans le sillage de la puissante maison Magon, et à Marseille, auprès des Bruny. Cependant, leur participation au financement de ces expéditions reste modeste au regard des sommes considérables qui sont alors engagées et leurs intérêts sont partagés entre les « armements et emplettes » et « les pacotilles ». Malgré cette première impulsion, les investissements lyonnais « à la mer » restent rares jusqu’à la guerre de Sept ans. Le plus souvent, il s’agit de négociants ou de fabricants que des affréteurs incitent à entrer dans leur entreprise en prenant un intéressement sur l’emplette de leur navire, en contrepartie du chargement de leurs marchandises. Dans d’autres cas ce sont des « débiteurs en bilan » qu’un banquier sous-intéresse dans une participation à lui concédée par un de ses créanciers ou associés, comme nous le révèlent les livres de compte de Melchior Philibert. Mais il faut attendre les années 1760 à 1780 et l’établissement du commerce libre pour retrouver une présence significative de capitaux lyonnais dans le financement d’opérations maritimes d’envergure. C’est dorénavant Marseille qui bénéficie de la faveur des investisseurs lyonnais, au premier rang desquels on retrouve les milieux d’affaires helvétiques, genevois notamment, liés à la fois aux mondes de la banque protestante et de l’indiennage, dont les réseaux ont alors prise dans les plus grands ports du royaume. La participation de Lyon au financement des armements marseillais vers les îles de l’Amérique et vers l’océan indien croît parallèlement à l’engagement du port phocéen dans le commerce avec ces lointaines contrées et, quand celui-ci atteint son apogée, au début des années 1780, certains investisseurs Lyonnais sont en mesure, comme Henry Scherer ou les maisons Gaillard Grenus et Cie ou Duffour et Martin, de risquer plusieurs milliers de livres à la mer, même si, dans l’ensemble, à cette époque comme au temps du commerce de la Mer du Sud, nos investisseurs lyonnais, dont le degré d’engagement se situe autour de à 4 % en moyenne, paraissent surtout avoir été des « petits porteurs » de l’armement maritime plutôt que de gros actionnaires. « Ces participations se font, sinon en famille, au moins dans un cercle limité de personnes introduites qui, à leur tour accordent des sous-participations à des parents ou des amis proches », observe Herbert Lüthy133. Et c’est bien ce que l’on constate à Lyon, où le placement maritime paraît surtout être le fait d’un groupe de marchands qui partagent, outre la même activité, l’achat et la vente en commission de toiles et de soieries, la même histoire et les mêmes valeurs, en l’occurrence celles du protestantisme. Toutes leurs activités sont au service de la fabrique genevoise, dont ils travaillent à écouler les productions sur les marchés européens et ultramarins et à assurer l’approvisionnement en matière première, coton et toiles blanches pour les indienneries, or et argent pour la joaillerie et l’horlogerie. Ils appartiennent à des réseaux qui, à partir des bords du lac Léman, ont étendu leurs ramifications dans toutes les grandes places financières et portuaires d’Europe.

Tableau VII. – Praticipations des Lyonnais aux armements de Solier et Cie pour les Antilles (1781-1872)134

Tableau VIII. – Les intéressements lyonnais dans les armements de Solier Martin Salavy pour l'océan indien (1781-1788)135
Notes de bas de page
1 Boucher J., Présence italienne à Lyon à la Renaissance, Lyon, 1995, 175 p. ; Lejeune E., La saga lyonnaise des Gadagne, Lyon, 2004, 192 p.
2 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 295.
3 Bayard F., « Les Bonvisi... », op. cit., p. 1239, 1244 et 1246.
4 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 301.
5 Ibid., t. 1, p. 297.
6 Ibid., t. 1, p. 302.
7 Ibid., t. 1, p. 304.
8 Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 510.
9 Ibid., t. 2, p. 513.
10 Ibid., t. 2, p. 524.
11 Il s’agit de deux frégates de 250 tx armées par Danycan, le Comte de la Bedoyère et le Président de Grenedan, et du Saint-Paul (200 tx) armé par Julien Bourdas ; ibid., t. 2, p. 526.
12 Ibid., t. 2, p. 530.
13 Ibid., t. 2, p. 531.
14 Ibid., t. 2, p. 539.
15 Ibid., t. 2, p. 544.
16 Ibid., t. 2, p. 549.
17 Ibid., t. 2, p. 551 à 557.
18 Ibid., t. 2, p. 566.
19 Bourdais A.-E., Un armateur de Saint-Malo, Danycan de l’Épine (1656-1735) et l’épisode de la Mer du Sud (1690-1724), mém. maîtrise, univ. Rennes, 1970, p. 72.
20 Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 566.
21 Bourdais A.-E., op. cit., p. 75.
22 Garden M., « Le grand négoce lyonnais au début du XVIIIe siècle. La maison Melchior Philibert : de l’apogée à la disparition », Actes du colloque franco-suisse d’histoire économique et sociale, Genève 5-6 mai 1967, Genève, 1969, p. 98.
23 Ibid., p. 84.
24 Ibid., p. 86.
25 Ibid., p. 86.
26 Les livres d’entrée et de sortie de marchandises de Jean-Baptiste Bruny nous donnent une idée de la grande diversité de ces retours du Levant en s’ouvrant sur un répertoire alphabétique qui énumère tout ce que l’armateur marseillais retire du commerce avec les échelles, mais aussi tout ce qu’il y envoie : aloès, ageannis, bois, buffles, blés, batanouny, bonnets de Smyrne, camelots, cacao, cafés, coton en laine, cire, cochenille, crêpés de Naples, cuirs, cuivre, crozats d’or du Portugal, cannelle, chanvre du Piémont, draps, émeraudes, encens, fil de chèvre, fers, galles d’Alep, graines de vermillon, garance, goldron, grabeau de cochenille, huiles, indigo, laine de Salé maroquins, mitraille d’argent, mascanade, myrrhe, manne, piastres d’argent, pistoles d’Espagne, quinquina, réaux, rhubarbe, safran, savon, sel ammoniac, sequins vénitiens, soies d’Espagne, crues, sourbassées, tripolines, de Chypre, sucres, tabac, vaisselle d’argent. ADI, 2E 181-1, fonds Bruny, Livre d’entrée et de sortie des marchandises, matières d’or et d’argent de Jean-Baptiste Bruny, commencé le 27 juin 1719.
27 ADIV, 11J 3, Magon de la Balue, reg. copies de lettres (1711-1717), Melchior Philibert, 20 septembre 1713.
28 Ibid.
29 Ibid., Melchior Philibert, 25 février 1714.
30 Ibid.
31 Le Saint-Jean-Baptiste (500 tx) a été armé pour la Mer du Sud en 1712 par Guillaume Eon. Il a appareillé en compagnie de son vivandier la Sainte-Barbe (50 tx). Le montant de la mise hors de ces deux unités s’élève à deux millions de livres, soit un coût moyen de 3636 l.t. par tonneau. Le Saint-Jean-Baptiste reviendra à Saint-Malo en juillet 1717, rapportant pour 250 000 piastres d’or et d’argent. Malgré le produit de la vente de la Sainte-Barbe au Pérou, l’expédition accusera un déficit de 1,25 %. Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 826.
32 Ibid., t. 2, p. 567.
33 Les sommes investies à la Mer du Sud par Françoise Onfroy du Bourg s’élèvent à 542 269 l.t., tandis qu’elle investit aussi, à la même époque, 14 131 l.t. dans l’interlope caraïbe et 12 765 l.t. dans la Carrera de Indias, soit un total de 569 165 l.t. placées dans le commerce avec l’Amérique espagnole. Ibid., t. 2, p. 539, 821 et 827.
34 Ibid., t. 2, p. 546 ; citation empruntée à un commissaire de Saint-Malo, 1705.
35 Ibid.
36 D’après les comptes généraux d’armement du Royal-Jacques ; Bourdais A.-E., op. cit., p. 64.
37 Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 546.
38 ADR, 8B 1107-2, Melchior Philibert, Journal, 1713-1714.
39 Veron O., Le commerce de Saint-Malo dans la Mer du Sud en 1715, mém. DES, Rennes, 1964, p. 119-120.
40 Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 557.
41 Ibid., t. 2, p. 558.
42 Ibid., t. 2, p. 557-558.
43 Ibid., t. 2, p. 557.
44 3 000 l.t. à Albanet sur la Marie-Anne et 1 500 l.t. sur le Poisson Volant ; 1 000 l.t. à Fromant sur la Marie-Anne ; 5000 l.t. à Delastrasse sur la Marie-Françoise et 2000 l.t. sur la Marie-Anne ; 1 000 l.t. à d’Erruch sur la Marie-Anne et 500 l.t. sur la Marie-Françoise ; 500 l.t. à Chadel sur la Marie-Anne et 500 l.t. sur la Marie-Françoise. ADR, 8B 1107-2, fonds Melchior Philibert, Journal, 1713-1714. André Lespagnol nous apprend que Guillaume Locquet, le capitaine de la Marie-Françoise s’est vu accorder un port-permis de 40 000 l.t., tout comme son second, Joseph Daniel du Tertre qui, pour sa part, a largement outrepassé ce droit puisqu’il aurait embarqué en pacotilles pour... 136 000 l.t. de marchandises, soit plus du triple de ce qui lui avait été octroyé ; Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 557.
45 Aux cinq noms cités précédemment nous ajoutons ceux de Mazenot et Pavezin en septembre 1713, pour 10 400 l.t. cédées « en pacotille » sur la Marie-Anne, le Poisson Volant et un autre navire dont le nom n’est pas spécifié ; de Jacques Mey et de Desiry en mars 1714, sur le Saint-Joseph, l’un pour 1 000 l.t. et l’autre pour 2 000 l.t. ; ADR, 8B 1107-2, Melchior Philibert, Journal, 1713-1714.
46 Idem.
47 ADIV, Amirauté de Saint-Malo, 9B 168, registre des contrats de vente et de société pour les navires (1702-1721), fo 113, 6 septembre 1717.
48 ADIV, 11J 3, Magon de la Balue, reg. copies de lettres (1711-1717), Pitois, 25 septembre 1715 et du 22 janvier 1717. Il s’agit très vraisemblablement d’un intérêt sur le navire La Comtesse de Pontchartrain, qui appareille de Saint-Malo le 3 mars 1717 pour Pondichéry, le Bengale et Moka.
49 Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 567.
50 ADIV, Amirauté de Saint-Malo, 9B 168, registre des contrats de vente et de société pour les navires (1702-1721), fo 82-83, 13 juin 1714.
51 ADR, 8B 1237-1, Specht et Gonzebat, Saint-Malo, D’Ausseville, 25 février 1714.
52 ADR, 8B 738-3, Chalut-Lamure, Saint-Malo, Magon de la Chipaudière, 16 août 1712.
53 Ibid., Beauvais le Fer, 17 décembre 1713.
54 Ibid., 26 août 1714.
55 Froment A., Commerce lyonnais et relations internationales au XVIIIe siècle, la maison Chalut-Lamure, mém. DES, faculté de Lyon, 1964, 216 p.
56 ADR, 8B 738-3, Chalut-Lamure, Saint-Malo, Beauvais le Fer, 12 et 16 septembre 1714.
57 L’expédition du Saint-Jean-Baptiste, « une très bonne affaire commerciale [mais] aussi un authentique exploit nautique et enfin une réussite humaine » est relatée par André Zysberg à partir du journal de bord que tint son capitaine, Jean-François Doublet, et des Observations du père Feuillée, aumônier du bord et moine savant. Parti de Marseille le 19 novembre 1707, le navire n’arrive dans le Pacifique qu’au début de l’année 1709 et, pendant près d’un an, va de port en port le long des côtes du Chili et du Pérou avant de faire demi-tour et de rentrer en France. Après une escale d’un mois en Guyane, il revient à Port-Louis le 22 avril 1710. Zysberg A., Marseille au temps du Roi-Soleil.., op. cit., p. 216-218.
58 Ils seraient quatre parmi les 85 intéressés du Saint Jean-Baptiste, six parmi les 133 actionnaires de la Marianne et huit parmi les 122 actionnaires du Jourdain ; Carrière C., Négociants marseillais au xviiie siècle. Contribution à l’étude des économies maritimes, Marseille, 1973, t. 1, p. 89-90.
59 ADI, 2E 238, fonds Bruny, Grand Livre coté E, 1705-1708 ; 2E 234, fonds Bruny, Grand Livre coté C, 1708-1713 ; 2E 235, fonds Bruny, Grand Livre coté G, 1713-1717 ; 2E 239, fonds Bruny, Grand Livre coté H, 1717-1723.
60 Carrière C., Négociants marseillais..., op. cit., t. 1, p. 89-90.
61 Nous faisons notre évaluation sur la base du coût des mises-hors avancé par Carrière, soit 1 091 688 l.t. pour le Saint-Joseph, 1 010 169 l.t. pour le Saint-Jean-Baptiste, 964 701 l.t. pour la Marianne et 838 705 l.t. pour Le Jourdain ; ibid., p. 86.
62 ADR, 8B 1107-2, Melchior Philibert, Journal, 1713-1714.
63 Carrière C., Négociants marseillais..., op. cit., t. 1, p. 86 ; Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 828.
64 ADI, 2E 234, fonds Bruny, Grand Livre coté C, 1708-1713, fo 118.
65 Bruny effectue six versements de 31 028 l.t. 8 s. en novembre 1713, de 69 207 l.t. 2 s. en décembre, de 9 365 l.t. 8 s. en janvier 1714, de 31 061 l.t. 7s. 6 d. en mars, de 17 250 l.t. 18 s. 10 d. en juillet et de 8 745 l.t. 17 s. 5 d. en décembre 1714 ; ADI, 2E 235, fonds Bruny, Grand Livre coté G, 1713-1717, fo 147.
66 Ces ventes de matières rapportent à Teissier et Moucheiron 30 324 l.t. 5 s. 2 d. en janvier 1714, 26 285 l.t. 3 s. en février et 20 200 l.t. 18 s. en avril ; ibid., fo 158.
67 Ibid., fo 96, compte Riverieulx Rolland et Ravachol, et fo 128, armement et emplette du Jourdain. Le brocard est facturé 4 793 l.t. 8 s. et les rubans 9 872 l.t. 18 s.
68 Ibid., fo 277 ; ADI, 2E 196, fonds Bruny, brouillard du Grand Livre coté E, sept.-déc. 1707.
69 ADI, 2E 238, fonds Bruny, Grand Livre coté E, 1705-1708, fo 113. Le brocard est facturé 5 567 l.t. 15 s. 7 d.
70 Ibid., fo 148.
71 ADI, 2E 234, fonds Bruny, Grand Livre coté C, 1705-1708, fo 89 et 152.
72 En 1708, inspirés par les armements de Danycan pour la Chine, Martin de la Chapelle et Gris du Colombier arment deux vaisseaux, Le Curieux et Le Diligent, pour aller traiter du café à Moka. L’année suivante, Crozat et Magon de la Lande père et fils expédient trois navires vers Pondichéry avec l’accord de la Compagnie des Indes, moyennant 15 % des retours. Enfin, en janvier 1710 et janvier 1711, fort d’un nouvel accord, un consortium de négociants, toujours associés à Crozat, arme deux flottes de quatre et deux navires pour l’Inde, moyennant cette fois 10 % des retours. Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 656 et 831.
73 ADR, 8B 1107-2, Melchior Philibert, Journal, 1713-1714.
74 Il s’agit vraisemblablement du Lys Brilhac, des Deux Couronnes et du François d’Argouges qui ont quitté Saint-Malo le 31 janvier 1713 pour Pondichéry et la côte du Bengale, et de l’Auguste qui a appareillé le 23 mars ; Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 831.
75 Le vaisseau La Paix (500 tx) quitte Saint-Malo le 21 mars 1714, accompagné dans son voyage vers Pondichéry par Le Chasseur et non par Le Diligent ; ibid., t. 2, p. 831.
76 ADR, Chalut-Lamure, Saint-Malo, Beauvais Le Fer, 17 décembre 1713 et 6 mai 1714.
77 Le capital initial de la Compagnie des Indes de Saint-Malo se monte à 4 250 000 l.t., le principal actionnaire, Antoine Crozat, détient une action de 300 000 l.t. et les onze autres directeurs, tous Malouins, se partagent 251 actions pour 3 624 000 l.t. Le reste du capital – 326 000 l.t. – est réparti entre sept actionnaires parisiens qui détiennent ensemble douze actions. Magon de la Balue intervient donc dans le capital de la Compagnie pour 7,5 %. Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 672.
78 Ibid., t. 2, p. 673-674.
79 Carrière C., Négociants marseillais..., op. cit., t. 1, p. 96.
80 ADIV, 11 J 3, Magon de la Balue, reg. copies de lettres (1711-1717), Pitois, 25 septembre 1715.
81 1°) « Jusqu’à présent nous n’avons fait aucun envoi dans l’Inde, étant en discussion avec la Compagnie des Indes de Paris sur deux articles de notre traité qui, par le dérangement du commerce, étaient devenus très onéreux à notre Compagnie : l’un par l’engagement où nous étions d’apporter tous les ans en France pour deux millions de marchandises d’achats aux Indes, et l’autre de lui prêter un million qui serait porté aux Indes par les trois vaisseaux envoyés, pour y être employé au paiement de ses dettes. Elle a annulé ces deux articles et nous laisse les maîtres de nos envois. Nous l’avons déchargée du dixième d’intérêt qu’elle avait dans notre Compagnie. Ces raisons et plusieurs autres nous ont déterminé à diminuer nos fonds pour rendre le commerce plus avantageux et nous armons actuellement à Brest un vaisseau d’environ 600 à 700 tx pour venir ici prendre les marchandises que nous destinons pour cet envoi, dont la plus grande partie sera laissée à Pondichéry pour des fonds à l’avance, et de là ira prendre à Moka son chargement de café. Ce vaisseau partira dans tout février. Aussi nous avons délibéré de faire payer à nos intéressés 30 % de leur capital que nous jugeons nécessaire pour cet armement, outre les 10 % payés ci-devant. Ayez donc agréable, Monsieur, de me remettre pendant tout ce mois, les dits 30 % de notre intérêt, ce qui fait pour les 6 000 l.t. que vous avez avec moi, 1 800 l.t. ». Ibid., 3 janvier 1717.
2o) « Nous ne sommes pas gens à demander de l’argent à nos intéressés pour le garder en caisse. Si nous avions l’honneur d’être connus de vous, vous ne nous en soupçonneriez pas ainsi [...]. Si cependant vous voulez diminuer votre intérêt de 6 000, le réduire à 5, 4 ou 3 000, je vous en laisse le maître, ne vous ayant cédé le dit intérêt que pour vous faire plaisir ». Ibid., 22 janvier 1717.
82 Pigeon ramène son intérêt de 20 000 l.t. à 10000 l.t., Damyens de 18 000 l.t. à 14000 l.t. et Bourlat de 16 000 l.t. à 8 000 l.t. Ibid., lettre à Pitois, 3 janvier 1717 ; ADIV, 1 F 1897, Magon de la Balue, reg. copies de lettres (1717-1721), Pitois, 22 décembre 1717.
83 ADIV, 11 J 52, Magon de la Balue, journal du Grand Livre no A (1715-1726), opération du 17 mars 1717.
84 ADIV, 1 F 1897, Magon de la Balue, reg. copies de lettres (1717-1721), madame Pitois, 11 décembre 1718.
85 André Lespagnol souligne cette « dispersion assez poussée du capital, puisque, au-delà des 19 actionnaires directs, il y eut vraisemblablement près de 240 intéressés ou croupiers possesseurs d’une action ; et si l’on prend en compte les sous-intéressés bénéficiaires d’une fraction d’action, on peut estimer que le nombre réel des apporteurs de capitaux à la Compagnie des Indes de St-Malo se situe entre 300 (minimum absolument certain) et 500 personnes » ; Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 674.
86 ADR, 8B 1107-2, Melchior Philibert, Journal, 1716-1718.
87 Ibid., opération du19 mars 1717 : M. Philibert le débite de 18 000 l.t. « pour contribution de 40 % sur [un intérêt de] 65 000 l.t. cédé à la nouvelle Compagnie des Indes ».
88 Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 684-687 sur le contenu des cargaisons expédiées aux Indes orientales.
89 ADG, Amirauté de Guyenne, 6B ; ADM, Amirauté de Vannes, 9B 64, déclarations d’achats de navires et délivrance des actes de propriété (1743-1779) ; ADM, Amirauté de Lorient, 10B 15 à 10B 17, registres des actes de propriété – commissions, déclarations d’achat ou de construction de navires (1782-1792) ; ADIV, Amirauté de Saint-Malo, 9B 165 à 9B 176, registres des contrats de vente et de société de navires (1681-1792).
90 ADR, Actes notariés, 3E 22969, Coste, dépôt d’acte sous seing privé par Antoine Amar, négociant, 15 mars 1777.
91 ADIV, Amirauté de Saint-Malo, 9B 173, registre des contrats de vente et de société pour les navires (1750-1763).
92 CCIL, registre des lettres de la Chambre de Commerce (1740-1781), lettre aux Directeurs de la Chambre de Commerce de La Rochelle, 30 septembre 1778.
93 Ibid., lettre à Papillon, négociant au Havre, 17 septembre 1778.
94 ADLA, 8J-2, Delaville-Deguer, reg. copies de lettres (1764-1765), Jacques Lambert, 22 décembre 1764 ; 8J-3, reg. copies de lettres (1765-1766), Debrye et Chevrottier, 12 novembre 1765 ; 8J-4 et 8J-5, reg. copies de lettres (1766-1770).
95 Lüthy H., op cit., vol. 2, p. 78.
96 Sur 40 sous-intéressements dans les armements malouins cédés en 1713-1714 par Melchior Philibert à l’intérieur du cercle de ses relations de famille et d’affaires, 26 sont compris entre 1000 et 3000 l.t. et 3 seulement supérieurs à 3 000 l.t. ADR, 8B 1107-2, Melchior Philibert, Journal, 1713-1714.
97 Guillemot M., Les négociants lorientais et les destinations européennes au XVIIIe siècle, mém. maîtrise, Lorient, 1998.
98 Parmi les partenaires de Thomas Sutton dans l’armement du Duc de Praslin en 1770 et du Bretagne en 1772, on relève la présence, par exemple, des banquiers Panchaud de Berne et Banquet et Pache de Genève et de Paris. Quant aux armements de Rothe, ils sont en partie financés par les banquiers Marck et Lavabre de Bâle, De Condolle et Lavit de Genève et Panchaud de Berne. Nières C. (dir.), Histoire de Lorient, Toulouse, 1988, p. 124.
99 Dermigny L., op. cit., t. 1, p. 193.
100 Nières C. (dir.), op. cit., p. 123.
101 Fils d’un marchand toilier cévennol venu s’installer à Lyon, Thomas Simon, Pierre et Jean-Jacques Bérard, s’imposent entre 1775 et 1780 parmi les plus importants armateurs lorientais ; Le Goff C., Les Négociants lorientais et l’argent 1774-1782, mém. maîtrise, Lorient, 1997, p. 87.
102 Genevois et Lyonnais investissent ensemble 300 000 l.t. sur les 800 000 que coûte l’armement de L’Hercule ; Nières C. (dir.), op. cit., p. 125.
103 Le Goff C., op. cit., p. 87.
104 Bergeron L., op. cit., p. 500.
105 Ibid., p. 504.
106 ADM, 6E 5043, actes notariés, fonds Jean Ollivier, 1775.
107 L’expression est empruntée à Gérard le Bouëdec dans Nières C. (dir.), op. cit., p. 126.
108 Christelle Le Goffévalue à 143 100 l.t.. les sommes empruntées à la grosse par Bérard et Cie entre 1776 et 1778 et à 715 800 l.t.. Les prêts effectués de la même manière entre 1775 et 1782 s’élèvent à 715 800 l.t., dont 422 800 l.t. pour la seule année 1779. Le Goff C., op. cit.
109 ADM, 6E 5043, actes notariés, fonds Jean Ollivier, acte du 14 octobre 1775.
110 Rambert G., op. cit., t. VI, p. 4.
111 Entre 1713 et 1718, ce sont cependant près de 70 vaisseaux qui reviennent des Antilles, dont 45 de la Martinique et 20 de Saint-Domingue ; Ibid. p. 47-48.
112 ADR, 8B, fonds Melchior Philibert,
113 Carrière C., Le port mondial..., op. cit., p. 35.
114 Par contre, il n’y aucune prise de participation lyonnaise dans les armements de L’Helvétienne et de La Lucine en 1782. Dermigny L., op. cit., t. 2, p. 112-137.
115 L’ensemble des participations des maisons Duffour et Martin et Gaillard Grenus et Cie dans ces quatre armements se monte à 15 000 l.t. pour un coût cumulé des mises-hors s’élevant à 674 840 l.t.
116 Duffour et Martin placent ainsi 15 000 l.t. dans le premier voyage du Consolateur en 1782, 7 000 l.t. dans son second voyage en 1786 et 7 000 l.t. également dans le capital du Prince de Piémont en 1787. Dermigny L., op. cit, t. 2, p. 146 et 302.
117 Bergeron L., op. cit., p. 504 et 506.
118 Décompte établi par Gérard Le Bouëdec dans Nières C. (dir.), op. cit., p. 123.
119 Louis Dermigny publie un grand tableau des vaisseaux armés pour le commerce libre des Indes entre 1769 et 1785. Il apparaît, selon ce recensement, que 120 des 349 navires dénombrés ont appareillé de Lorient (57 800 tx), 44 de Nantes (17 980 tx), 42 de Marseille (16 450 tx) et 41 de Bordeaux (18 820 tx). Dermigny L., op. cit, vol. 1, p. 88-89.
120 Rambert G., op. cit., t. VI, p. 554.
121 Ibid., t. VI, p. 540.
122 Ibid., t. VI, p. 579-581.
123 L. Dermigny, op. cit., vol. 2.
124 Rambert en dénombre cinq sous la raison Rabaud et Solier et Dermigny en rapporte sept sous la raison Solier Martin Salavy et deux sous le nom de Solier et Cie. Ibid. Rambert G., op. cit., t. vi, p. 579-580.
125 Cette société est constituée entre Jacques Solier, ancien associé de Rabaud, Salavy, ancien commis de Rabaud et Solier, et Martin, beau frère de Salavy. Elle commence ses activités au 1er janvier 1781, installée rue de Rome à Marseille. Renouvelée en janvier 1787, elle est dissoute deux ans plus tard en raison de désaccords survenus entre les trois principaux associés. Jacques Solier continuera ensuite à armer pour les Indes jusqu’en 1793, en association avec ses deux cousins Antoine Jean et Marc sous la raison Solier et Cie. Dermigny L., op. cit., t. 1.
126 Ibid., t. 1, p. 85.
127 « Il y a ici un lien évident entre l’armement et la Fabrique ; par suite de la fermeture des pays européens qui étaient ses clients traditionnels, la soierie est en crise, à Lyon comme à Nîmes, et en quête de débouchés : financer les expéditions maritimes, c’est au fond le meilleur moyen de s’ouvrir les marchés exotiques. Sans doute est-ce l’origine de l’attention portée par les Lyonnais à l’Asie où, plus tard, le mouvement s’étant inversé, ils iront chercher leur matière première ». Ibid., t. 1, p. 70.
128 Ibid., t. 2, p. 302-325.
129 Ibid., t. 2, p. 366-367.
130 Dotée d’un capital de 6 millions de livres, cette « Société en commandite pour les expéditions maritimes aux Indes orientales » est fondée en avril 1789 et compte 57 actionnaires qui apportent chacun entre 30 000 l.t. et 1 380 000 l.t. (Rabaud et Cie). 39 actionnaires sont Suisses et se partagent 104 actions, dont 43 pour Senn Bidermann et Cie. On retrouve d’ailleurs parmi ces Suisses des « habitués » de l’intéressement maritime comme Plantamour et Rillet ou Pourtalès et Cie. Une nouvelle souscription de capital portant sur 1,2 million sera lancée en 1791 : 88 souscripteurs y répondront dont une Lyonnaise, la demoiselle Barbe Dorothée Scherer, pour 7 000 l.t. Ibid., t. 1, p. 277-251.
131 Carrière C., Négociants marseillais..., op. cit., p. 935.
132 Pourtalès et Cie apporte 80 000 l.t. sur les 372 458 l.t. auxquelles se monte l’expédition. Ibid., p. 947.
133 Lüthy H., op. cit., t. 2, p. 78.
134 Dermigny L., op. cit., t. 2
135 Ibid.
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2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008