Chapitre IV. Une nécessité : s’approvisionner en denrées coloniales
p. 123-142
Texte intégral
1C’est au cours du siècle des Lumières que le café et le sucre s’imposent dans la vie quotidienne des Français, et ce davantage que le cacao, toujours plus apprécié par les Espagnols et les Italiens. Leur consommation se répand dans les villes et, baisse des prix aidant, dans toutes les couches de la société. Le succès des boissons exotiques, parmi lesquelles ont peut aussi inclure le thé, est pour beaucoup dans l’essor du commerce colonial1 et peut être à la fois relié à la généralisation de la pratique nouvelle du petit déjeuner sucré et, dans les milieux aisés, à leur consommation lors des réunions familiales ou mondaines, dans l’après-midi ou en soirée. Ville très peuplée, très active et bien intégrée dans son siècle, Lyon ne saurait échapper aux modes et aux évolutions sociétales. De ce fait, la consommation de ces breuvages s’y développe comme partout et, la demande augmentant, le négoce se doit d’y répondre, tout comme il doit également répondre aux demandes de l’industrie textile en plantes et matières tinctoriales, rocou, indigo et coton, dont les Îles sont aussi d’importantes pourvoyeuses.
Les fournisseurs majeurs
2Jusqu’au tournant de la guerre de Sept ans, avant l’émergence de Marseille dans les aires d’approvisionnement de Lyon en produits coloniaux, Bordeaux et Nantes se partagent l’essentiel de l’approvisionnement de la cité rhodanienne en denrées des Îles, sucre, café, cacao et en matières tinctoriales comme le rocou, l’indigo et les essences exotiques. Pendant les deux premières décennies du siècle, Nantes garde certainement l’avantage, du fait de l’ascendant que lui a procuré sa plus ancienne pratique du commerce antillais. Mais dès que les effets de la révolution sucrière se font sentir, en particulier à Saint-Domingue, le rapport de force s’inverse au bénéfice du port aquitain, qui supplante son rival au cours des années 1730, pour s’imposer à la fin de la décennie comme le premier port du royaume importateur de denrées coloniales2. La croissance de l’activité portuaire bordelaise se poursuit tout au long du XVIIIe siècle et lui permet de devenir le premier port du royaume, la valeur totale de son commerce passant alors de 13 millions de livres en 1717 à plus de 250 millions à la veille de la Révolution3. Si, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Bordeaux assure un quart du commerce extérieur français et un tiers des exportations du pays, le commerce colonial y représente, en valeur, près de la moitié du trafic portuaire4. Comme l’écrit Paul Butel, « Bordeaux vit (alors) sur les Antilles5 », vers lesquelles elle expédie, bon an mal an, deux centaines de navires, tout en en envoyant une vingtaine d’autres dans l’océan indien. Devenue un gigantesque entrepôt de denrées coloniales6 et l’une des principales places européennes pour leur réexpédition, Bordeaux est aussi la première porte de sortie du royaume pour les Antilles, vers lesquelles elle arme quelques 80 000 tx par an dans les années 17807.
Bordeaux, port des Antilles et premier fournisseur de Lyon
3Au XVIIIe siècle Bordeaux s’impose incontestablement comme le premier port du royaume par lequel entrent les sucres et les cafés des Antilles. D’abord les sucres de la Martinique qui, jusqu’aux années 1750, constituent la moitié des arrivages de sucre en volume, mais bien plus en valeur dans la mesure où il s’agit surtout de sucre terré, c’est-à-dire blanchi, semi raffiné, donc plus cher que le sucre brut. Puis, de plus en plus, les sucres de Saint-Domingue qui prennent l’avantage au lendemain de la guerre de Sept Ans. La Grande Île retire alors les bénéfices d’une révolution sucrière accomplie au début du siècle et, sur la côte nord, de la modernisation de ses plantations, qui produisent dorénavant du sucre terré. Entre 1755 et 1789, les productions sucrières dominguoises passent ainsi de 21 millions de livres de sucre brut et 1,4 millions de livres de sucre terré en 1720 à 93 millions de livres de sucre brut et 70 millions de sucre terré en 17908. Parallèlement, la production de café connaît elle aussi un essor spectaculaire à partir des années 1760 avec la mise en culture des mornes, au nord et au sud de l’île. Alors qu’en 1755 Bordeaux tirait encore de la Martinique 61 % de ses importations de café, la part de Saint-Domingue, qui était de 39,4 %, ne cesse d’augmenter9. À la fin du siècle, elle capte les deux tiers du trafic bordelais, le port aquitain armant en effet, à lui seul, la moitié des navires qui, chaque année, partent pour la Grande Île. Pour autant, les armateurs bordelais ne négligent pas la Martinique, dont ils continuent à contrôler le commerce. Mais les magasins et les entrepôts des quais de la Garonne regorgent désormais de denrées coloniales rapportées de Saint-Domingue, et en particulier du Cap-Français, à la fois port principal de l’île et plus grand havre des Antilles françaises qui, à lui seul, couvre 40 % des trafics antillais du royaume. En 1790, on y charge pour Bordeaux plus de 12 000 barriques de sucre terré, quelques 20 000 barriques de sucre brut et 32 000 barriques de café, la valeur de ces expéditions avoisinant alors les 30 millions de livres tournois pour le café et 50 millions pour les sucres, bruts et terrés confondus10.
4En septembre 1780, sur les conseils de son confrère Vincent Guinant, l’épicier Ducré s’adresse à la maison Nairac et Perrelet pour un « essayage » et lui commande deux balles de café des Îles « à petits grains et de bon goût », ainsi que quatre balles de sucre de première qualité et deux de seconde qualité. D’autres commandes de sucre suivent en janvier, en juin et en septembre 1781, puis en mars 1782. En un an et demi, Ducré reçoit ainsi 52 balles de sucre de chez Nairac et Perellet, pour un montant total de 10 654 l.t. 12 s. Mais il se fournit également auprès de Defos et Cie en 1784-1785 et auprès de Durand frères en 1786. Ces deux maisons lui envoient 84 balles de sucre, dont au moins 42 de la première catégorie et 30 de la deuxième, pour une facture totale que l’on peut estimer à un peu plus de 16 000 l.t.11. Cet exemple isolé ne permet pas de se faire une idée précise de la place qu’occupe Bordeaux parmi les fournisseurs de Lyon en sucre. Mais elle ne doit pas être insignifiante, puisqu’en mars 1784, profitant de la foire et de la présence à Libourne de rouliers pour Lyon, la seule maison Defos et Cie y expédie 126 balles de sucre12. Dans l’étude qu’il conduisit sur le commerce intérieur en 1793-1794, Thomas Le Roux établit à partir des tableaux du Maximum une série de cartes qui mettent en évidence, pour chacun des grands ports du royaume, leurs aires de distribution du sucre, du café et du cacao13. Pour le sucre, l’aire d’influence de Bordeaux couvre, à l’exception de la Provence, presque toute la France située au sud de la Loire. Le Lyonnais y est inclus mais « apparaît comme une zone de contact de grande importance » où se rencontrent les cinq aires définies pour Bordeaux, Nantes, Orléans, Le Havre et Marseille. Concernant la diffusion du café, le même constat s’impose : Lyon s’approvisionne à la fois à Bordeaux, à Marseille, à Nantes, au Havre mais aussi, très certainement, à Lorient où, nous le verrons plus loin, des négociants lyonnais se rendaient déjà pour acheter du Moka ou du café de Bourbon à l’époque où les ventes de la Compagnie des Indes orientales se déroulaient dans le port breton. Quant au cacao, production presque exclusive de Saint-Domingue, il est surtout distribué dans tout le centre du royaume à partir de Bordeaux mais, dans la région lyonnaise, l’aire de diffusion bordelaise croise une fois de plus l’aire marseillaise.
5Le marché lyonnais se tournerait donc en premier lieu vers Bordeaux et vers Marseille pour se fournir en denrées tropicales. Mais les approvisionnements marseillais restent secondaires tant que des tarifs douaniers désavantageux limitent les entrées de denrées coloniales par la Méditerranée. Ainsi, jusqu’en 1740, le sucre raffiné dans le port provençal ne peut entrer dans le royaume que sous le même régime que les sucres étrangers, c’est-à-dire moyennant le paiement d’un droit prohibitif de 22 l.t. 10 s. par quintal, à l’exception de celui traité par la raffinerie Maurellet-Cathelin, taxé à 7 l.t. Après l’abolition du privilège suranné dont bénéficiait la vieille entreprise, les entrées de sucre par Marseille se développent et la concurrence se renforce avec Bordeaux, particulièrement sur les marchés du quart sud-est de la France et de la Suisse. Mais Marseille ne parvient pas pour autant à en évincer Bordeaux, dans la mesure où le sucre bordelais n’est imposé qu’à 5 l.t. 12 s. le quintal contre 7 l.t. pour le sucre marseillais, tout en n’ayant pas non plus à supporter le poids de la douane de Valence. Il en est de même pour les importations de café, autorisées seulement à Marseille entre 1737 et 1746, puis de nouveau à partir de 1767 contre le paiement d’un droit de 10 l.t. par quintal, comme le cacao. C’est donc à l’organisation particulière du système de l’Exclusif et à son régime douanier que le port de Bordeaux doit d’être resté tout au long du XVIIIe siècle, malgré la distance qui le sépare de Lyon, le premier pôle d’approvisionnement du marché lyonnais en produits des colonies.
L’essor des approvisionnements marseillais
6À la différence de leurs homologues ponantais, les armateurs marseillais ont quelque peu tardé à se lancer dans la grande aventure océanique. Parmi les pionniers, nous avons retenu les frères Bruny qui, entre 1703 et 1713, en pleine guerre de Succession d’Espagne, arment sept navires pour la Mer du Sud et onze autres vers le Mexique, pour rapporter à Marseille l’argent du Potosí et les « fabuleux métaux » mexicains. Si leurs principaux partenaires sont malouins, les milieux d’affaires lyonnais ne sont pas étrangers à leurs entreprises, puisque parmi leurs bailleurs de fonds se trouve le grand banquier Melchior Philibert, à qui ils expédient aussi de grandes quantités de piastres que leurs navires rapportent de la Mer du Sud, afin qu’il les écoule sur le marché lyonnais ou les remette à la Monnaie. La paix rétablie, ils poursuivent leurs aventures océaniques en armant cette fois pour les Antilles, d’abord pour la Martinique puis pour Saint-Domingue. Leur exemple est bientôt suivi par d’autres grands armateurs comme Georges Roux et, en moins d’un demi siècle, Marseille s’ouvre largement sur l’Atlantique et devient même le deuxième port colonial du royaume, armant à la fois des navires en droiture pour les Antilles, pour l’océan indien et à la traite. À la veille de la Révolution, plus de 120 navires marseillais appareillent chaque année pour les Isles d’Amérique, « un tous les trois jours14 », et le volume des affaires qu’ils traitent atteint alors 55 millions de livres par an15. Marseille assure alors 18 % du commerce avec les Îles, deux fois plus qu’au début des années 173016. Mais c’est surtout après la suspension du monopole de la Compagnie des Indes en 1769 que le port phocéen achève l’élargissement de son espace maritime aux océans en se lançant dans le commerce des Indes et de la Chine17 puis, après la guerre d’Amérique en inaugurant des liaisons avec les jeunes États-Unis18 et en s’engageant davantage qu’auparavant dans la traite négrière19.
7Ce sont les Lettres Patentes de février 1719 qui organisent et réglementent pour près d’un siècle le trafic entre Marseille et les Îles. Elles stipulent, entre autres choses, que les navires marseillais doivent impérativement débarquer leurs marchandises de retour dans leur port d’attache et qu’elles y soient soumises à un droit d’entrée de 3 %. La grande période du commerce antillais s’étend, à Marseille, de 1719 à la fin de la guerre de Succession d’Autriche, en 1748. Au cours de ces trente années, Gaston Rambert recense 693 armements vers les Îles20, les principaux artisans de ces voyages étant les armateurs Georges Roux de Corse, Alexandre et Xavier Audibert, les Boulle et Jean-François Isnard mais aussi, à partir des années 1740, les frères Roux (Pierre-Honoré et Jean-Baptiste-Ignace) neveux des Bruny21. Tout au long du siècle, les cargaisons des Îles ne cessent de croître, tant en volume qu’en valeur et, au lendemain de la guerre d’Amérique, elles dépassent les 25 millions de livres de sucre, les 12 millions de livres de café et le million de livres de cacao par an, ce qui représente en valeur annuelle de 20 à 25 millions de livres tournoi. Mais, dans ce domaine particulier du commerce colonial, à la différence de ses concurrents ponantais, Marseille est essentiellement un port de réexportation et seule une part restreinte des denrées importées des Îles entre réellement dans le royaume. La plus grande partie de ces marchandises est en effet redistribuée vers les marchés méditerranéens, l’Espagne, l’Italie et le Levant : Marseille est alors, en matière de commerce colonial, « un grand entrepôt et un grand marché de redistribution, marché dont la clientèle est d’ailleurs presque exclusivement méditerranéenne22 ». En se fiant aux chiffres avancés par Rambert, ce ne sont qu’environ 15 % des sucres, un quart du cacao et entre 12 et 40 % des cafés23 provenant des îles de l’Amérique qui sont effectivement écoulés sur le marché intérieur. Car le négoce marseillais souffre en la matière de droits d’entrée très élevés qui, nous l’avons rappelé, le handicapent lourdement face aux négoces atlantiques.
8Dès l’ouverture de Marseille au commerce colonial, le sucre s’impose comme la principale denrée d’importation et le reste tout au long de notre période24. Il s’agit de sucre terré des trois catégories, provenant surtout de Saint-Domingue. Mais, selon Gaston Rambert, qui s’appuie sur les chiffres des entrées et des sorties des sucres avancés par le receveur des Fermes Auguste Chambon dans son Commerce de l’Amérique par Marseille, 14 % seulement des sucres terrés importés par le port provençal entrent dans le royaume au milieu du siècle, sans compter ceux qui alimentent les différents circuits de contrebande25. À la fin de la période, le régime douanier n’ayant pas évolué, malgré les démarches entreprises par la Chambre de Commerce pour bénéficier des mêmes taxations que les ports du Ponant, les proportions de sucre marseillais entrant dans le royaume n’ont guère changé. Même si les volumes importés ont cru – 26 millions de livres de poids en 1785-1786 contre 18 millions de livres en 175526 – les contraintes liées au système de l’Exclusif sont telles que Marseille ne peut guère rivaliser face à Bordeaux et à Nantes quand il s’agit d’approvisionner le marché lyonnais. D’ailleurs, en parcourant la correspondance lyonnaise des maisons Roux frères, puis Pierre-Honoré Roux, particulièrement actives dans le commerce colonial entre 1728 et 1762, il faut bien constater qu’il n’y est jamais question d’achats de sucres, pas plus de la part de ses principaux correspondants lyonnais, Sellon et Cie, Riverieulx Rolland et Ravachol, Couderc et Passavant, que d’autres partenaires plus occasionnels opérant également sur la place de Lyon27. Il faut en fait se tourner vers les marchands épiciers du bord du Rhône pour trouver la trace d’approvisionnements marseillais. Ainsi, en 1781, l’épicier Ducré passe commande à la maison Guÿs et Cie de Marseille, auprès de qui il se fournissait jusqu’alors en savon, en éponges et en divers produits méditerranéens – noisettes de Sicile, citron et figues de Calabre, coton de Malte et de Smyrne, cumin de Barbarie – de deux barriques de sucre de la Martinique et de trois barriques de sucre du Cap28, sucre dont on lui assure qu’il « sera plus sec et mieux conditionné que celui qui vient de Bordeaux29 ». L’année suivante, il se renseigne au moins à deux reprises auprès de Joseph Achard sur le prix des cacaos de Caraque et des îles françaises30, avant d’en acheter une barrique à Devillon en février 178331. L’activité sucrière de Marseille est alors relancée mais « la demande vive et continue depuis la paix sur le sucre raffiné ne permet pas de faire l’expédition de ces articles à point nommé » lui explique alors un autre de ses correspondants, Bart et Cie32.
9Le 10 février 1730 le vaisseau La Vénus, armé par Georges Roux, ramène pour la première fois à Marseille du café des Antilles, 15 petites livres provenant de la Martinique. La saisie de ce café, sur injonction de la Compagnie des Indes, provoque une réaction de protestation du négoce marseillais et, deux ans plus tard, le 17 mars 1732, le port provençal obtient du Roi le droit de recevoir le café de la Martinique, de la Guadeloupe, de Grenade et de Marie-Galante, à condition de le réexporter immédiatement en dehors du royaume, pour ne pas remettre en question le privilège de la Compagnie. Pendant quelques années, entre 1737 et 1746, les Marseillais sont même autorisés à faire transiter dans le royaume le café qu’ils importent des Îles, mais la contrebande qui en résulte condamne l’expérience au bout de neuf années. Il faut attendre l’arrêt du 25 janvier 1767 pour voir tomber partiellement les barrières de l’Exclusif et permettre aux Marseillais d’alimenter enfin le marché intérieur, moyennant toutefois un droit d’entrée de 10 l.t. par quintal. Dès lors, Marseille peut prétendre concurrencer Bordeaux pour l’approvisionnement du marché lyonnais en denrées des Îles, sucre et café mais aussi cacao33, tabac, indigo et rocou, en attendant le coton.
10Il est fort probable qu’au cours des deux décennies qui précèdent la Révolution, une partie importante des cafés, des sucres et du cacao débarqués à Marseille soit bien remontée vers Lyon, les négociants de la cité du Rhône ayant certainement mis à profit les liens fort anciens qui les unissaient à leurs confrères marseillais pour diversifier leurs approvisionnements et atténuer quelque peu leur dépendance à l’égard des ports de l’Atlantique. Cependant nous ne saurions affirmer que la proximité relative de l’emporion marseillais et les liens existant entre les marchands des deux places aient pu suffire à assurer à Marseille la première place parmi les fournisseurs de notre ville en denrées coloniales, même lorsque le commerce des Îles y atteint son apogée, après 1783 et la guerre d’Amérique. « Les bâtiments marseillais immobilisés dans l’Atlantique rentrent [alors] en foule34 » et les marchandises les plus diverses sont à nouveau disponibles.
11Mais certains n’ont pas attendu pour réaliser de belles opérations, à l’instar de Couderc et Passavant qui, en 1776, en association avec une autre maison lyonnaise qui opère sous la raison de veuve Merlino et Cie, avaient acheté avec les Roux une très grosse cargaison de café de Saint-Domingue au prix de 7 s. 9 d. la livre, café qu’ils avaient revendu au cours des trois années suivantes entre 11 et 12 s. la livre, réalisant ainsi, à la faveur de cette guerre d’Amérique qui avait ralenti le rythme des retours des Îles, une confortable plus-value35. Mais il arrive aussi à d’autres d’essuyer quelques déconvenues, comme le marchand épicier Henri Chevalier venu, en mai 1749, au bureau de la Douane pour retirer deux balles de poivre et deux autres de cacao arrivées de Marseille, et qui ne peut que constater « que le poivre est d’une qualité extrêmement inférieure au poivre ordinaire de Hollande et ne peut par conséquent être que d’un débit très désavantageux et d’un très bas prix et, à l’égard du cacao, qu’il a pu être d’une bonne qualité mais que se trouvant la plus grande partie moisi et vermoulu par sa trop grande vétusté, il ne peut être exposé en vente qu’à une perte considérable36 ». En avril 1786, la maison Devoulx et Cie, à qui Ducré vient de commander une barrique de cassonade brute, profite quant à elle de l’arrivée de « quatre bâtiments des colonies d’Amérique » pour lui proposer des bois de Campêche et de Pernambouc37. Ces bois de teinture figurent alors aux côtés du rocou et de l’indigo parmi d’autres productions coloniales rapportées à Marseille par les navires du commerce des Îles, bien que leur importation ait fortement baissé, notamment en raison de la nouvelle concurrence que représentent les ports espagnols depuis la disparition du système de la Carrera de Indias et du monopole de Cadix38. Ils sont très largement réexportés vers l’Italie et le Levant, dans une proportion des trois quarts, et de ce fait l’essentiel des besoins des grandes régions manufacturières est couvert par les ports du Ponant. Cependant, il arrive que des marchands*-fabricants lyonnais en recherchent sur la place de Marseille à l’occasion de contacts noués avec des importateurs marseillais. C’est le cas, par exemple, en août 1772, de Guiraudet et Cie qui, tout en informant Roux de l’expédition d’une pièce de velours, lui demande s’il est possible d’acheter du bois de Campêche39. Six ans auparavant, la veuve Rocoffort, elle, en avait refusé, s’en disant alors suffisamment pourvue40. Marseille reçoit aussi, depuis la fin du XVIIe siècle, du rocou – qui souffre bientôt de la concurrence de la garance espagnole – et de l’indigo dont la commercialisation est handicapée par la forte augmentation des droits d’entrée portés en 1767 à 10 l.t. le quintal. Mais ce dernier « n’en conserve pas moins le troisième rang en valeur dans les importations marseillaise après le café et le sucre41 ». Toutefois, à la fin de notre période, le marché intérieur n’absorbe que 7 % des 200 000 livres de fécules que les navires marseillais rapportent chaque année, principalement de Saint-Domingue et de la Guadeloupe42. Les réexportations se font surtout, comme pour les autres colorants, vers l’Italie et le Levant, mais aussi vers la Suisse pour répondre entre autres aux besoins de l’industrie cotonnière. Alors que le commerce de ces matières tinctoriales décline, celui du coton, par contre, prospère sur la place de Marseille au lendemain de la guerre d’Indépendance américaine. Les premières balles de coton de Saint-Domingue avaient été débarquées en 1761 dans ce port habitué de longue date à traiter cette marchandise avec le Levant. Mais la conjoncture bientôt défavorable au coton levantin – rétablissement en 1765 d’une taxe d’entrée de 20 l.t. par quintal et hausse des cours – profite très vite à son concurrent des Îles, et en particulier à celui de Saint-Domingue.
12Il ne nous a pas été possible de retrouver la trace de ces différentes matières végétales sur la place de Lyon, mais il ne semble pas envisageable que les négociants lyonnais, et notamment les membres de la communauté saint-galloise, soient restés étrangers au trafic dont elles faisaient alors l’objet dans le royaume et au-delà.
Nantes, le port du sucre
13Comme à Bordeaux et à Marseille, le XVIIIe siècle est à Nantes un siècle de grande prospérité. « Il n’y a guère de ville de France plus heureusement située pour le commerce, écrivait Jacques Savary. La mer lui ouvre une communication avec toutes les nations du monde ; et la Loire lui fait pénétrer dans les plus riches provinces du Royaume43. » Quand s’ouvre notre période, rappelons-le, l’ancien port du sel et du vin est devenu le premier port du royaume et assure alors près de la moitié du commerce français avec les îles d’Amérique. Il accueille également jusqu’en 1734 et leur transfert à Lorient, les ventes de la Compagnie des Indes orientales, ce qui lui confère en plus la haute main sur la redistribution dans tout le royaume des marchandises des Indes, au premier plan desquelles on retrouve les indiennes et les épices. Cette place de leader, Nantes la conserve jusqu’au début des années 1730 avant de s’incliner devant la croissance bordelaise. Néanmoins, le trafic de son port ne cesse de croître et l’ancienne capitale des Ducs, qui a dû sa fortune au commerce en droiture avec les Îles, initié dès les années 1640 avec des premiers retours en tabac, continue à armer toujours plus de vaisseaux vers les Antilles, en particulier vers le sud de Saint-Domingue.
14Sans surprise, ce sont d’abord les épiciers Lyonnais qui se tournent vers Nantes pour leurs approvisionnements. L’épicier Ducré y acquiert du sucre des deuxième, troisième et quatrième catégories ainsi que du café de la Martinique et de Saint-Domingue, marchandises qu’il achète tantôt auprès de Guérin et Doudet, tantôt auprès de Saulnier44. Il lui arrive également de se renseigner auprès de ces correspondants sur les cours de l’indigo ou du coton et, en 1786 et 1787, il les sollicite aussi, mais en vain semble-t-il, alors qu’il recherche de la gomme de Sénégal à un prix convenable45. Le négoce lyonnais semble plutôt se tourner vers Nantes pour se fournir en sucres de catégories intermédiaires ou inférieures, que pour rechercher d’autres produits coloniaux, qu’il trouve de préférence à Bordeaux et à Marseille, ports avec lesquels les relations sont plus faciles, les délais d’acheminement de la marchandise plus courts et les coûts de transport diminués d’autant. Il faut donc que les retours diminuent, que la marchandise vienne à manquer ou que les cours augmentent pour que le négoce lyonnais soit amené à solliciter davantage le marché nantais. D’ailleurs, les constatations que Thomas le Roux a pu faire à partir des tableaux du Maximum confirment que le Lyonnais se trouve à l’extrémité orientale des aires de diffusion du café et du sucre débarqués à Nantes46. Mais le port breton est aussi en mesure de fournir à la Fabrique de Lyon des matières tinctoriales comme l’indigo produit à Saint-Domingue ou la cochenille qui arrive de Cadix. C’est ainsi qu’en 1728 Bernardin Garat, qui se fournit déjà en fils de lin blancs du Léon à Landerneau, auprès de Mathurin Prigent47, passe commande à Perrissel, son principal correspondant nantais, de six balles d’indigo de Saint-Domingue, matière qu’il veut « belle, bonne, bien cuivrée et sèche » et le charge également de lui trouver de la cochenille au meilleur prix48. Nantes est donc pleinement en mesure de répondre aux demandes de Lyon en « fruits des Îles », qu’ils soient de nature alimentaire comme le café et le sucre des Antilles, ou qu’ils répondent aux besoins de l’industrie textile comme l’indigo et le coton de Saint-Domingue, voire la cochenille et les bois de teinture apportés par le commerce d’Espagne. N’oublions pas non plus, avant 1734, la large gamme des retours de la Compagnie des Indes orientales : les épices, les drogues comme le thé et le café de Moka, la soie, les toiles de coton blanches, les porcelaines et toutes les autres « curiosités » que le négoce nantais contribue largement à redistribuer à travers tout le royaume.
Les fournisseurs secondaires
15Au cours de la deuxième moitié du XVIe siècle, on avait assisté à la mise en place de solides courants d’échanges entre Lyon et Rouen, notamment au cours des dernières décennies du siècle, à la faveur de la crise qui toucha Anvers et les Pays-Bas. Et même si, dans ce contexte, les marchands rouennais devinrent pour les Lyonnais de sérieux rivaux dans le commerce d’Espagne, la circulation des marchandises s’intensifia entre les deux places et la voie de la Saône et de la Seine devint, avec la route de Limoges et l’axe ligérien, la troisième grande artère reliant alors Lyon à l’espace atlantique. Autre relais pour le commerce avec les îles britanniques et l’Atlantique ibérique, La Rochelle avait su profiter au milieu du XVIIe des premières expériences françaises de colonisation en Amérique pour réorienter son activité vers ces nouveaux espaces utramarins et fournir les marchés de l’intérieur en tabac d’abord, puis en sucre, en indigo, mais aussi en fourrures de toutes sortes que ses navires rapportaient de Nouvelle-France.
Les approvisionnements rochelais : matières tinctoriales et pelleteries ?
16Nous n’avons pu retrouver dans nos sources que très peu de traces des relations qui existaient au XVIIIe siècle entre Lyon et La Rochelle. Mais cela ne signifie nullement que les contacts aient été limités entre les deux places. D’ailleurs les archives notariales nous ont livré une quarantaine d’actes de procuration, ainsi que quelques bilans de faillites qui témoignent de la circulation de marchandises entre les deux villes. En effet, une place de l’importance de Lyon ne pouvait laisser hors de son aire commerciale un port comme La Rochelle, même si ce dernier fut une des principales victimes des bouleversements qui affectèrent alors la hiérarchie portuaire.
17Pionnier dans le trafic avec les Amériques, le port de La Rochelle assurait encore à la fin du XVIIe siècle quelques 20 % du trafic avec la mer des Caraïbes et contrôlait largement les liaisons avec la Nouvelle-France. Mais l’essor de Nantes et de Bordeaux, ses concurrents les plus proches, puis l’entrée en lice de Marseille et du Havre, devaient reléguer le port saintongeais à une place secondaire et faire de son trafic avec les îles un trafic complémentaire à celui de ces grands acteurs du commerce colonial. La perte du Canada et de la Louisiane en 1763 et 1764 portèrent un coup supplémentaire aux activités maritimes rochelaises, même si ses armateurs surent se réorienter avec succès vers la traite négrière – au point de faire de La Rochelle le deuxième port négrier du royaume, derrière Nantes49 – et se tourner, à partir de 1770, vers le commerce avec les Indes orientales. Néanmoins le XVIIIe siècle demeure une période de prospérité pour La Rochelle où, globalement, au-delà des aléas de la conjoncture, le trafic maritime stagne sur l’ensemble de la période.
18Les relations qui s’établissent entre La Rochelle et les Antilles privilégient nettement Saint-Domingue aux dépens des Îles du Vent50. Il semblerait qu’à l’aller les navires rochelais emportent surtout des vivres, des matières premières (bois, briques, fer, plomb) et des toiles, mais qu’au milieu de toutes les marchandises textiles chargées à leur bord, les étoffes de luxe soient plutôt rares, ou en tous cas difficiles à repérer. Nous savons cependant qu’en 1767-1769, Watable fils passe commande auprès de Carret et Cie de taffetas « pour faire des robes », de rubans, de bas de soie, de velours, de franges et de galons de soie, de toile de Rouen et de serviettes, articles tous destinés « pour l’Amérique51 ». Au retour, ces navires rapportent de Saint-Domingue du sucre, du café, de l’indigo, mais aussi de la cochenille et du rocou. En 1715, Pierre Moutier, marchand commissionnaire rochelais, en propose d’ailleurs à Cuentz, à qui il indique avoir déjà envoyé plusieurs fois de l’indigo à Lyon52. D’ailleurs, en avril 1729, le frère de Bernardin Garat, épicier à Lyon, lui expédie depuis Limoges sept balles d’indigo qu’il a achetées à La Rochelle pour un peu moins de 5 000 l.t.53. En 1741, un mémoire déposé devant la Chambre de Commerce de Lyon par un entrepreneur de transport désireux d’installer une ligne de voitures régulières entre Lyon, Limoges, Bordeaux et La Rochelle, évoque les rocous que Lyon ne tirerait alors que du port charentais et non de Bordeaux54. Les fabricants lyonnais de chapeaux se tournent eux aussi vers La Rochelle pour se fournir en matière première, puisque les relations privilégiées entretenues avec la Nouvelle-France et la Louisiane en font le premier importateur de pelleteries55. Mais ces fournitures sont irrégulières et plusieurs chapeliers, comme Mazard, Paul Besse et Maurier ou Jacques Joannon ont l’occasion, dans leurs correspondances d’affaires, de se plaindre des augmentations de tarifs imposées par la Compagnie des Indes qui garde le monopole de l’importation des fourrures de castor56.
Quelle place pour Lyon dans l’espace commercial rouennais au XVIIIe siècle ?
19La nature des relations qui s’établissent entre Lyon et Rouen au cours du XVIIIe siècle semble différer à la fois de celles qui existaient un siècle auparavant et de celles qui existent désormais entre la cité du Rhône et les autres ports ouverts sur l’espace atlantique. D’abord parce que, métropole maritime et industrielle, Rouen ne doit pas sa prospérité à sa seule activité portuaire, mais aussi à ses activités manufacturières, initialement la draperie puis l’industrie cotonnière. La ville ne se contente donc pas de recevoir et de réexpédier des marchandises qui lui arrivent par mer et par terre, mais doit aussi approvisionner ses industries et écouler leurs productions, tant sur le marché intérieur qu’à l’étranger. Quais, entrepôts et magasins regorgent de marchandises dont la variété n’a d’égale que la diversité des provenances. Il est néanmoins très difficile, voire impossible compte tenu de nos sources, d’évaluer précisément la place que tiennent les marchandises de Lyon dans les courants d’échanges qui structurent l’aire économique du port normand. Ensuite parce que, par rapport à la période précédente, les échanges se sont développés entre ces deux villes qui, toutes les deux, ont connu, au cours du XVIIe siècle, une mutation fondamentale de leurs activités, ce qui les a rapprochées davantage. Alors que Lyon, de ville de foire et de banque, est devenue une grande ville manufacturière spécialisée dans la fabrication des précieuses soieries, Rouen a elle aussi opéré un changement de cap pour devenir une place industrielle majeure, surtout depuis le démarrage de l’industrie cotonnière à l’extrême fin du XVIIe siècle.
20Si les études conduites sur le commerce rouennais ont mis en évidence la place primordiale de la Normandie, de l’Île-de-France, de la Picardie et des Flandres dans l’espace commercial de Rouen, retenons toutefois avec Pierre Dardel qu’il existe au XVIIIe siècle « une activité de bon aloi » entre le port normand et Lyon, et que cette dernière est même, après Paris, la ville de l’intérieur avec laquelle il entretient les relations les plus importantes. Toutefois, autant qu’avec Paris et les ports de la façade atlantique, la position de Rouen vis-à-vis de Lyon aurait été « débitrice et non pas créditrice », les achats effectués par le négoce rouennais l’emportant nettement sur les ventes57. Ces observations sont confirmées par les résultats de l’étude des bilans de faillites rouennais entre 1740 et 1791 : alors que le créances rouennaises s’élèvent à 409 206 l.t., de son côté le négoce rhodanien n’est débiteur que de 90 945 l.t., une dette quinze fois moins importante que celle des négociants parisiens, de loin les premiers partenaires « intérieurs » du port normand. Les deux tiers de cette somme étant dus aux marchands de tissus locaux et près de 9 % à des marchands de toiles peintes ou de coton, il apparaît que le négoce lyonnais faisait surtout venir de Rouen des toileries et des draperies, mais aussi des indiennes, même si elle était loin d’être en la matière un fournisseur de premier plan58. Néanmoins, la qualité des toiles peintes et des cotonnades produites par les manufactures normandes pouvait susciter quelques convoitises : en 1765 les marchands Plantin et Louchon ont ainsi la désagréable surprise de constater, en retirant à la Douane de Lyon deux balles d’étoffes reçues de Lejeune fils de Rouen, qu’une partie des « pièces d’étoffes fil et coton » que contenait l’une d’elles avait été volée pendant le voyage59.
Nombre | Montant global des créances actives | Sommes dues par le négoce lyonnais | Soit en pourcentage des créances actives | |
Négociants | 111 | 4 932 894 l.t. | 19 055 l.t. | 0,38 % |
Marchands se livrant au commerce intérieur | 135 | 4 079 442 l.t. | 1 244 l.t. | 0,03 % |
Marchands de tissus locaux | 122 | 5 591 496 l.t. | 58 817 l.t. | 1,05 % |
Marchands de tissus en général | 17 | 425 630 l.t. | 133 l.t. | 0,03 % |
Fabricants de toiles peintes | 40 | 632 893 l.t. | 5 792 l.t. | 0,91 % |
Marchands de coton | 29 | 815 410 l.t. | 2 278 l.t. | 0,27 % |
Tableau IV. – Place de Lyon parmi les créances actives du commerce rouennais (1740-1791)60.
21Signalons également que certains négociants rouennais utilisent le relais lyonnais pour distribuer leurs draps, toiles de coton et autres indiennes dans le sud-est du royaume, en Suisse ou en Italie, autant que pour s’approvisionner en marchandises d’Italie et en produits du Levant, comme l’alun et le coton par exemple. Ainsi procèdent certainement, dans les années 1770, les maisons Marais, Mousset et Cie et Peton et Cie. Alors que presque tous les clients des premiers se trouvent dans le sud et le sud-est du royaume, à Toulouse, Montauban, Montpellier, Nîmes, Chambéry et Lyon, mais aussi à Genève, les seconds s’appuient sur des correspondants genevois et lyonnais comme Sépolina et Travy pour expédier leurs toiles de coton vers Gênes, Turin, Milan, Bologne, Livourne, Parme, Mantoue, Ancône, Vérone, Pavie et Bergame61.
22Au XVIIIe siècle Rouen s’impose donc tout autant comme ville manufacturière que comme grande place portuaire. Si son port continue à être animé par un trafic important, il accueille surtout les petites et moyennes unités du cabotage européen et les innombrables bateaux – des « coquilles de noix » selon Jean-Pierre Bardet62 – qui remontent et descendent la Seine et assurent les liaisons avec Paris et avec Le Havre. Les vaisseaux du grand commerce atlantique, eux, ne s’aventurent plus guère dans l’estuaire, préférant décharger leurs riches cargaisons au Havre, d’où une partie est ensuite transportée vers Rouen par les allèges qui assurent les liaisons entre les deux ports. Sucre, café, cacao, produits tinctoriaux, coton des Îles se retrouvent donc sur les quais de Rouen où ils côtoient, outre les cotons du Levant, et les laines d’Espagne, toutes les marchandises venues de la Méditerranée et du Nord. En matière de commerce antillais, le Dictionnaire universel du Commerce de Savary présente plutôt Rouen comme un port spécialisé dans l’approvisionnement des Îles en « [tout] ce qui peut servir au vêtement et à l’entretien des habitants de ces colonies ». Parmi les marchandises chargées sur les navires rouennais, il cite comme pouvant être tirées des manufactures lyonnaises « des futaines, des basins [...], quelques étoffes de soie, sergerie et cameloterie [...], des jupes de femmes toutes faites, de diverses étoffes de soie, de laine, de coton, de toutes couleurs et façons, des habits et justaucorps pour hommes, des bas de soie et de laine de toutes sortes, des chapeaux garnis, de castor et de vigogne [...], toutes sortes de rubannerie unie ou à façon, avec or et sans or, de toutes couleurs et largeurs, enfin toutes autres espèces de menue quincaillerie et mercerie63 ». Mais si Rouen n’assure encore que 2 % du commerce antillais en 1730, à la fin de la décennie sa part relative dans le trafic des Îles a été multipliée par huit. Ensuite, elle continue à augmenter régulièrement jusqu’au milieu des années 1760 où elle représente un peu plus d’un quart des échanges entre la France et ses colonies d’Amérique. Rouen supplante alors Bordeaux, Marseille et Nantes qui ont souffert des conséquences de la guerre de Sept ans. Mais les décennies suivantes sont marquées par un repli progressif et, à la veille de la Révolution, le port de Rouen a retrouvé la place qu’il occupait un demi siècle auparavant64. La redistribution des fonctions portuaires entre les ports de la Basse Seine n’empêche donc pas les acteurs du négoce rouennais de regarder vers le large, d’engager leurs capitaux – et ceux de leurs partenaires parisiens également – dans le grand commerce océanique, ni de participer activement à la redistribution de ses fruits dans une vaste aire de diffusion qui s’étire jusqu’aux confins du Lyonnais.
23Depuis Lyon nos sources nous présentent cependant Rouen comme un pôle secondaire d’approvisionnement en sucres et en café des Îles, au regard de Bordeaux, Marseille et Nantes. L’épicier Ducré ne s’y fournit que ponctuellement en café de la Martinique. Il en achète une balle à la maison Absolu en janvier 1781 et une autre à Roland Gosselin en avril de l’année suivante65. Par contre les épiciers lyonnais se tourneraient plus fréquemment vers le port normand quand ils recherchent des marchandises d’Afrique, d’Amérique du Sud ou, venues de la lointaine Asie, les épices sur le commerce desquelles les Hollandais ont encore la haute main, comme le girofle et la muscade. À la fin des années 1740, Louis Pierre Midi, négociant installé rue du Petit Salut à Rouen sous la raison Midi et Cie, semble avoir une clientèle lyonnaise, parmi laquelle les marchands Henri Chevalier et Aimé Meusnier à qui il réclame, en 1746, 1 346 l.t. 8 s. 9 d. pour deux balles de poivre66. D’ailleurs, les offres de services que l’épicier Ducré reçoit de la part de marchands rouennais et les demandes de renseignements qu’il leur adresse ne portent pas – ou peu – sur les denrées des colonies antillaises, hormis le café, mais presque exclusivement sur les bois et le coton d’Amérique, la gomme de Sénégal et toute la variété des épices et autres marchandises de l’Orient. Entre 1779 et 1783 Charles Béville et son successeur Delannoy le renseignent à plusieurs reprises sur l’évolution des cours du poivre, du piment, des cafés de Saint-Domingue et de la Martinique mais aussi du Honduras, du Brésil et de Campêche, de la gomme de Sénégal, des bois d’Inde et de Campêche, du girofle, du gingembre, de la muscade, de la cannelle, de différentes variétés de thé, de la réglisse, de l’herbentine et du tournesol67. En novembre 1781, Roland Gosselin, qui vient de s’installer à son compte après avoir travaillé pendant cinq ans pour la maison Absolu, lui propose ses services et joint à sa lettre une liste alphabétique de toutes les marchandises qu’il peut lui commettre. On y trouve de l’alun, des amandes, de l’arcanson, de l’arsenic, de l’azur, des bois de Campêche, d’Espagne, de Honduras et de Pernambouc, du borax, du bray, du café de Moka, de la Martinique et de Saint-Domingue, de la cannelle, de la casse, de la céruse, de la cochenille, de la couperose, de l’étain, de la fleur de soufre, du galipot, de la galle noire, du girofle, du gingembre, de la gomme de Sénégal, du goudron, de l’huile, de l’indigo, de la muscade, du poivre, du piment, de la réglisse sèche, du riz de Caroline et du Levant, du sel, de la soude, de la térébenthine, du tournesol, du vitriol et du vermillon68. Quant aux quelques commandes dont nous avons pu retrouver la trace dans le fonds Ducré, elles portent surtout sur de la gomme de Sénégal, que notre épicier veut toujours « belle, point chargée de poussière et au plus bas prix possible » et qu’il acquiert auprès des maisons Absolu, Delannoy et Cie et Pierre Godeffroy, ainsi que sur de la réglisse, mais aussi, de manière plus occasionnelle, sur du poivre et de la muscade, des bûches de bois d’Inde, de la cannelle de Chine, du borax raffiné, de la « galle en sorte », du bois de Pernambouc et du coton blanchi69. À cette époque d’autres épiciers lyonnais s’approvisionnent à Rouen. Ainsi le bilan de faillite de la maison Delannoy et Cie nous révèle, parmi les 224 clients débiteurs, les noms de six Lyonnais : Jean Charel, Jean-Baptiste Chatard, Paul Maron, Loras, Clavier et Paillasson frères. Mais le montant des sommes dues par ces quelques maisons lyonnaises ne représente qu’une infime partie des créances à recouvrer (1,25 %)70. Voilà qui inciterait à croire que Lyon n’est vraisemblablement pas un marché de première importance pour les marchands de denrées coloniales installés sur la place de Rouen.
24Par contre les mêmes épiciers lyonnais se tournent vers la Normandie pour s’approvisionner en poissons de mer, hareng et morue, qu’ils achètent auprès de fournisseurs rouennais ou dieppois. En 1752 et 1753, Philippe Masson, négociant sur la place Saint-Nizier, charge son confrère rouennais Nicolas Laloyer de « recevoir toutes les marchandises de salines, tant harengs que morues et autres qui [lui] seront adressées [...] pour les lui faire passer debout par Rouen, tant venant du Havre, Dieppe, Honfleur qu’autres pays étrangers71 ». Les commandes peuvent parfois porter sur des quantités importantes comme, par exemple, quand en février 1756 la maison Jean-Baptiste Arnot et Cie demande à Guérard et Cie de Rouen de « recevoir et retirer 24 tonnes de morue de Hollande72 ». En 1781 et 1782 les maisons Ducré et Cie et Jean-Baptiste Ducré cadet commandent à plusieurs reprises du hareng blanc, du hareng saur et de la morue à Jacques et Charles Hamel, à Jacques Flouest et à Castel et Michau de Dieppe73. Ces derniers expédient la marchandise soit par voiture en droiture « pour arriver [à Lyon] en 26 jours », soit par Rouen, et en exigent le paiement comptant ou à très court terme comme les frères Hamel qui, quatre mois après avoir expédié des harengs à Ducré cadet, lui en réclament le règlement (528 l.t.) : « sachez que nos harengs sont articles de saison et qu’ils doivent être consommés et payés à la fin du Carême et que nous n’obtenons que trois mois de nos vendeurs pour les payer74 ». Mais il arrive aussi que ces marchands ne soient pas en mesure de répondre dans l’instant aux commandes qui leur sont adressées : « si les hostilités continuent avec les Anglais, préviennent ainsi les frères Hamel en 1782, les harengs de nos côtes seront rares à la saison prochaine75 ». Aussi les acheteurs lyonnais ont-ils parfois la mauvaise surprise de constater que la marchandise reçue ne correspond pas exactement à celle qu’ils ont commandée. En février 1766, un marchand épicier de la rue Dubois, Vincent Laurençon, fait ainsi dresser procès verbal par devant notaire après avoir retiré à la Douane de Lyon dix-huit barils de harengs blanc et saurs que lui a expédiés Camille Hamel de Dieppe et avoir constaté que la majeure de leur contenu a été « changée en une qualité inférieure à celle énoncée dans la facture », ce dont témoignent deux de ses confrères épiciers requis pour l’occasion, François Mioche et Barthélemy Farge76.
Le Havre, relais du commerce d’Espagne au XVIIIe siècle
25Après avoir été pendant près de deux siècles un port de pêche à la morue, mais aussi de course et d’aventure, Le Havre s’ouvre au grand commerce colonial dans les années 1730 et, très vite, s’impose face à ses rivaux avec un nombre d’armements croissant. Dès 1738, Le Havre assure déjà 28 % du commerce colonial de la France et se place en troisième position parmi les ports du commerce en droiture, derrière Bordeaux et Nantes mais devant Marseille. En 1766, au lendemain de la guerre de Sept ans, Le Havre se hisse même au premier rang et, momentanément, surpasse Bordeaux. À la veille de la Révolution, Le Havre a conforté sa place de deuxième port colonial du royaume, assure un peu moins de 16 % de ce commerce, pour une valeur estimée à 42 millions de livres en 1786. Cet essor fulgurant s’explique par le fait que Le Havre soit rapidement devenu le principal fournisseur du marché parisien en produits des Îles. Mais, au-delà de l’Île-de-France, son aire commerciale reste limitée, moins ouverte vers les autres marchés intérieurs que celles de ses principaux concurrents. Aussi, rares sont dans nos sources les mentions du Havre comme pôle d’approvisionnement de Lyon en denrées coloniales. L’épicier Ducré, que nous avons déjà vu se fournir à Bordeaux et à Marseille et prospecter le marché sucrier nantais, y achète bien de la gomme de Sénégal et trois barriques de cassonade auprès de la maison Paraire et Réaux en 1787, mais ne semble pas entretenir de relations très suivies avec le port normand77. Il arrive également que certains négociants lyonnais reçoivent par Le Havre quelques marchandises des Îles lorsque, faute de retour sur Bordeaux ou Marseille, leurs commissionnaires sont amenés à confier à un vaisseau havrais des cargaisons de retour. Ainsi, en 1768, Camus Orcel et Cie, négociants à Lyon, reçoivent-ils au Havre « 503 bûches bois de Campêche pesant ensemble trois cents quintaux » que leur commissionnaire à Saint-Domingue, un parent de Camus, avait confiées aux bons soins de Louis Rébier, capitaine du navire havrais l’Appoline78.
26Ce sont donc les ports de Bordeaux et de Nantes qui, tout au long du XVIIIe siècle, assurent l’essentiel des approvisionnements de Lyon et de son arrière-pays en produits coloniaux, tant pour satisfaire les nouveaux goûts de consommateurs amateurs de breuvages exotiques que pour répondre à la demande des industries soyeuses et toilières en matières tinctoriales et en coton. Néanmoins, barriques de sucre, balles et sacs de café et de cacao semblent constituer la plus grosse partie des chargements qui arrivent par la route de Limoges ou remontent la Loire avant d’être distribués sur le marché lyonnais. Quant à Marseille, longtemps désavantagée par un tarif douanier défavorable, elle n’intègre que tardivement les aires d’approvisionnements de Lyon en produits coloniaux. Il faut en effet attendre l’assouplissement du système de l’Exclusif pour qu’elle se pose en rivale crédible des ports du Ponant et qu’elle soit en mesure de concurrencer directement Bordeaux. Sa proximité de Lyon et les facilités de transport offertes par la voie du Rhône, qui permettent d’approvisionner le marché lyonnais plus rapidement, avec une plus grande régularité et à moindre coût, lui permettent de compenser les inégalités fiscales et l’autorisent progressivement à prendre des parts de marché significatives aux dépens de ses deux rivaux ponantais. Nos sources lyonnaises et bordelaises convergent pour faire de l’approvisionnement de Lyon en denrées des Îles une prérogative des marchands épiciers. Ce sont bien eux, en effet, qui se fournissent auprès des négociants des ports en sucre, café et cacao des Amériques, ainsi qu’en épices ou thé des Indes orientales. Mais, ponctuellement, les négociants lyonnais peuvent élargir leur zone de chalandise et se tourner vers des fournisseurs secondaires, La Rochelle au début de notre période, Le Havre à la fin, pour compléter leur avitaillement ou profiter de meilleurs cours. Si la palette des articles commandés sur ces deux dernières places est plus étendue, avec notamment des denrées d’Afrique comme de la gomme de Sénégal, ou d’Amérique du sud comme des bois de teinture, voire des épices provenant des marchés hollandais ou acquis auprès d’autres partenaires européens, Portugais et Espagnols, elles semblent avoir été davantage sollicitées pour compléter les approvisionnements en matières premières propres à l’industrie textile plutôt qu’en denrées alimentaires. Il en est de même de Rouen. Par contre, avec le XVIIIe siècle, la nature des relations entre Lyon et Rouen a changé : depuis les berges du Rhône, l’ancienne rivale normande est dorénavant moins perçue comme un port colonial que comme une place manufacturière, dont les articles peuvent trouver des débouchés dans les aires traditionnelles du commerce lyonnais. Aussi le commerce des draps et des toiles prend-il une importance nouvelle entre les deux villes, le relais lyonnais permettant aux fabricants normands d’élargir leurs horizons vers les marchés méditerranéens.
Notes de bas de page
1 Entre 1716 et 1787, la valeur des importations de denrées coloniales est multipliée par 48 et passe de 4,4 millions de livres à 193 millions En 1765, le sucre représente 65 % des productions de Saint-Domingue en volume et le café 12,5 % ; en 1790, ils représentent respectivement 70 % et 26,7 % du volume des productions de l’île. Quant à leur part dans la valeur de ces productions, elle passe d’un peu plus de 50 % à 59 % pour le sucre et de 24 à 26,6 % pour le café. Poussou J. P., Bonnichon P.,. Huetz de Lemps X, op. cit., p. 117.
2 Selon les recettes du Domaine d’Occident, Bordeaux assure, en 1738, 28 % des importations coloniales de la France, contre 24 % pour Nantes qui, huit ans auparavant, en assurait près de la moitié (44 %) ; Petre-Grenouilleau O., op. cit., p. 121.
3 La part de Bordeaux dans l’ensemble du commerce colonial français passe de 20 % en 1717 à 40 % en 1767-1769, puis à 59 % en 1770-1772, et se situe autour de 40 % pour l’ensemble de la seconde moitié du XVIIIe siècle ; Butel P., La croissance commerciale bordelaise..., op. cit., t. 1, p. 92.
4 Selon Paul Butel dans Higounet C. (dir.), Histoire de Bordeaux, Toulouse, 1980, p. 164.
5 Butel P., Vivre à Bordeaux..., op. cit., p. 161.
6 Bordeaux reçoit alors plus du tiers des importations coloniales françaises de 1765 à 1772 et plus de 45 % en 1773-1779 ; Butel P., La croissance commerciale bordelaise..., op. cit., t. 1, p. 94.
7 Au cours des années 1782-1787, sur 255 000 tx armés, 31 % était à destination des colonies ; ibid., t. 1, p. 86.
8 De son côté, Jean Meyer avance les chiffres de 7000 tonnes en 1715, 10 000 tonnes en 1721, 43 000 tonnes en 1743, 77 000 tonnes en 1767 et plus de 86 000 tonnes en 1787-1788 ; Meyer J., Histoire du sucre, Paris, 1989, p. 145.
9 Butel P., Les négociants bordelais..., op. cit., p. 26.
10 Ibid., p. 33. Butel P., Européens et espaces maritimes (vers 1690-vers 1790), Bordeaux, 1997, p. 81.
11 ADR, 8B 845-2, Ducré et Cie, corresp. Bordeaux, 1780-1786.
12 Il semble que le poids d’une balle ait été de l’ordre de 175 livres ; ibid., Defos et Cie, 20 mars 1784.
13 Le Roux T., Le commerce intérieur de la France à la fin du XVIIIe siècle, Paris, 1996, p. 226 à 231.
14 Carrière C., Richesse du passé marseillais..., op. cit., p. 35.
15 Ibid.
16 Dardel P., Navires et marchandises... op. cit., p. 736.
17 Charles Carrière recense 192 expéditions entre 1769 et 1792, et ce en grande partie à l’initiative d’amateurs protestants comme les Audibert par exemple ; Carrière C., Richesse du passé marseillais, op. cit., p. 37.
18 Entre 1782 et 1782, Marseille expédie chaque année une petite dizaine de navires pour les États-Unis, soit un total de 109, « français et marseillais, provençaux surtout » ; Carrière C., Richesse du passé marseillais..., op. cit., p. 39.
19 Entre 1783 et 1792 Marseille envoie 81 navires à la traite contre 30 entre 1730 et 1782 ; ibid., p. 39.
20 Rambert G., op. cit., t. VI, p. 298.
21 Charles Carrière attribue à Georges Roux 71 expéditions antillaises entre 1727 et 1743, soit 16 % des armements marseillais vers les îles, et 24 à Joseph Audibert ; Carrière C., Georges Roux dit de Corse, l’étrange destin d’un armateur marseillais (1703-1792), Marseille, 1990, p. 75.
22 Rambert G., op. cit., t. VI p. 387.
23 Gaston Rambert écrit qu’en 1776 60 % des cafés des îles étaient réexportés et qu’en 1788 les quantités réexportées représentaient 88 % des importations en quantité ; ibid., p. 397-398.
24 En 1729 le sucre représente 77 % de la valeur des importations antillaises du port de Marseille, puis autour de la moitié après la guerre de Succession d’Autriche, et 46 % en 1788 ; ibid., p. 656.
25 Ibid., p. 385-387.
26 Ibid., p. 386 et 391.
27 CCIM-P, L9-349, L9-350, Roux, Lyon, Sellon père et fils et Cie (1728-1731), Sellon et Cie (1731-1736) ; L9-348, Riverieulx, Rolland et Ravachol (1729-1749) ; L9-334, L9-335, Couderc et Passavant (1764-1771 et 1772-1775) ; L9-338, L9-339, L9-345, L9-348, L9-356, autre correspondance reçue de Lyon (1728-1790).
28 ADR, 8B 845-7, Ducré et Cie, Marseille, Guÿs et Cie, 20 avril, 16 mai, 10 août et 7 novembre 1781.
29 Ibid., 16 juillet 1781.
30 Ibid., Joseph Achard, 19 juin et 11 novembre 1782. Le cacao de Caraque était apporté en contrebande de Caracas ou de Carthagène dans les ports des Antilles françaises puis importé en France comme s’il était originaire des Îles. Ce cacao de Caraque était beaucoup plus fin et beaucoup plus apprécié que ceux de Saint-Domingue et de la Martinique. Rambert G., op. cit., t. VI, p. 398.
31 ADR, 8B 845-7, Ducré et Cie, Marseille, Devillon, 12 février 1783.
32 Ibid., Bart et Cie, 4 juillet 1763.
33 Au lendemain de la guerre d’Indépendance américaine Marseille, qui importe chaque année environ un million de livres de poids de cacao, soit deux fois plus que Bordeaux et près de trois fois plus que Nantes et Le Havre, est le premier importateur de cette denrée, même si plus de 70 % des ces importations sont ensuite réexportés. Rambert G., op. cit., t. VI, p. 399.
34 126 navires sont revenus à Marseille en 1783, 102 en 1784, 133 en 1785, 118 en 1786, 115 en 1787 et 133 en 1788 ; ibid., t. VI, p. 354-355.
35 CCIM-P, L9-336, Roux, Lyon, Couderc et Passavant (1776-1780).
36 ADR, Actes notariés, 3E 6912b, Patrin, fo 189, procès verbal, 14 mai 1749.
37 ADR, 8B 845-7, Ducré et Cie, Marseille, Devoulx et Cie, 21 avril 1786.
38 Alors qu’en 1765 Marseille importait encore en droiture une quantité d’un million de livres de bois de Campêche, en 1788 ces importations ne représentent plus que 400 000 livres de poids. Rambert G., op. cit., t. VI, p. 407.
39 CCIM-P, 9L-341, Roux, Lyon, Guiraudet et Cie, 7 août 1772.
40 CCIM-P, 9L-348, Roux, Lyon, veuve Rocoffort et fils, 27 juin 1766.
41 Rambert G., op. cit., t. VII, p. 405.
42 Ibid., p. 405-406.
43 Savary Des Bruslons J., op. cit., t. I, p. 114.
44 ADR, 8B 845-1, Ducré et Cie, Nantes, Guérin et Doudet, Saulnier, 1781-1787.
45 Ibid., Guérin et Doudet, 5 août 1786 et 8 mars 1787 ; Saulnier, 1er avril 1787.
46 T. Le Roux, op. cit., p. 227 et 230.
47 ADR, 8B 909, Garat, Landerneau, Mathurin Prigent, 12 décembre 1728 et 15 décembre 1729.
48 Ibid., reg. copies de lettres (1727-1729), Perrissel de Nantes, 22 novembre 1728.
49 Deveau J. M., La traite rochelaise, Paris, 1990, 334 p.
50 Entre 1763 et 1792 Saint-Domingue reçoit ainsi 315 vaisseaux rochelais alors que 81 seulement gagnent la Martinique. Jean-Baptiste Nairac, un des principaux armateurs rochelais arme 35 navires entre 1763 et 1783, parmi lesquels 16 partent pour Saint-Domingue et un seulement pour la Martinique. Deveau J.-M., Le commerce rochelais face à la Révolution. Correspondance de Jean-Baptiste Nairac (1789-1790), La Rochelle, 1989, p. 85 et 67.
51 ADR, 8B 730-4, Carret, La Rochelle, Watable fils, 10 octobre 1767 et 29 août 1769.
52 ADR, 8B 800-8, Cuentz, La Rochelle, cinq lettres de Pierre Moutier, 20 octobre 1715-11 janvier 1716.
53 ADR, 8B 909, Garat, Limoges, Garat, 23 avril 1729.
54 CCIL, registre des délibérations de la Chambre de Commerce (1740-1748), fo 71, 19 août 1741.
55 En règle générale la Rochelle expédie 2 à 4 navires par an en Louisiane, mais certaines années, comme en 1743, elle a pu en armer jusqu’à 10. Delafosse M. (dir.), Histoire de La Rochelle, Toulouse, 1985, p. 169. La valeur des cargaisons de pelleteries débarquées à La Rochelle au début des années 1750 peut atteindre les 2,5 millions de livres par an ; ibid., p. 163.
56 ADG, 7B 2183, Vallet et Roger, Lyon, Mazard l’aîné et Aguetan, 27 avril 1738 et 17 février 1739. Dans la première ils déplorent l’augmentation du prix des fourrures qui « renchérit chaque castor tout au moins de 30 à 35 sols » et, dans la seconde, dénoncent « le manque de poil de castor [...], y ayant huit mois que la compagnie des Indes n’a pas délivré une once de cette matière, l’argent à la main ». Ibid., Paul Besse et Maurier, 16 avril 1739 ; Jacques Joannon, 15 février et 4 juin 1740.
57 Dardel P., Commerce industrie et navigation à Rouen et au Havre au XVIIIe siècle, Rivalité croissante entre ces deux ports. La conjoncture, Rouen, 1966, p. 143-144.
58 Lyon n’arrive qu’en douzième position parmi les principaux débiteurs du commerce rouennais et au septième rang des villes de l’intérieur pour les créances dues à l’ensemble de ses acteurs, elle figure par contre en quatrième position et à la deuxième place des villes de l’intérieur en ce qui concerne les créances dues aux seuls marchands drapiers et toiliers, et en cinquième position pour celles dues aux fabricants de toile peinte. Dardel P., « Les courants du commerce... », op. cit., p. 153-163.
59 ADR, Actes notariés, 3E 6920, Patrin, fo 62, procès verbal, 26 mars 1765.
60 Dardel P., « Les courants du commerce... », op. cit., p. 146-151.
61 ADSM, 201 BP 546, Consulat de Rouen, bilans de faillites, année 1778, no 165 : Le Peton et Cie, négociant à Rouen, 11 décembre 1778 ; 201 BP 547, Consulat de Rouen, bilans de faillites, année 1779, no 195 : Marais, Mousset et Cie, 20 octobre 1779.
62 Mollat M. (dir.), Histoire de Rouen, Toulouse, 1979, p. 231.
63 Savary des Bruslons, op. cit., t. I, p. 506.
64 Dardel P., Navires et marchandises..., op. cit., p. 736.
65 ADR, 8B 845, Ducré et Cie, lettre à Absolu, 9 janvier 1781 ; 8B 845-1, Ducré et Cie, Rouen, Roland Gosselin, 28 avril 1782.
66 ADR, Actes notariés, 3E 6910, Patrin, fo 190, procuration de Louis Pierre Midi à Devarenne et Dupleix, 19 avril 1736 ; 3E 6912b, Patrin, fo 85, procuration de Henri Chevalier à Lemasson, 5 mars 1749.
67 ADR, 8B 845-1, Ducré et Cie, Rouen, Charles Béville et Delannoy et Cie, 1779-1784.
68 Ibid., Roland Gosselin, 11 novembre 1781.
69 ADR, 8B 845, Ducré et Cie, lettres à Absolu, 23 avril 1780, 9 octobre 1780, 9 et 20 janvier 1781 ; lettre à Delannoy et Cie, 7 novembre 1779 et 21 février 1781 ; 8B 845-1, fonds Ducré et Cie, Rouen, Roland Gosselin, 2 décembre 1781, 23 décembre 1781 et 21 février 1782 ; Papillon, 5 mars 1784, 30 avril 1784 et 7 juin 1785 ; veuve Dany, 23 avril 1786 et 27 août 1786 ; Godeffroy, 1er novembre 1786.
70 Les sommes dues par ces six clients Lyonnais se montent ensemble à 1921 l.t. 5 s. 10 d. sur les 153 015 l.t. dues à Delannoy et Cie par leurs 224 clients débiteurs. Elles sont comprises entre 63 l.t. 7 d. (Clavier) et 648 l.t. 1 d. (Paillasson frères). ADSM, 201 BP 552, Consulat de Rouen, bilans de faillites, année 1784, no 14 : Delannoy et Cie, marchands d’épices et de denrées coloniales à Rouen.
71 ADR, Actes notariés, 3E 3210 et 3E 3211b, Cabaret, procurations de Philippe Masson à Nicolas Laloyer, 29 décembre 1752 et 29 septembre 1753.
72 ADR, Actes notariés, 3E 3214a, procuration de Jean-Baptiste Arnot et Cie à Guérard et Cie, 7 février 1756.
73 ADR, 8B 845-1, Ducré et Cie, Dieppe (1781-1782).
74 Ibid., Jacques et Charles Hamel à J.-B. Ducré cadet, 14 avril 1782.
75 Ibid., 13 avril 1781.
76 ADR, Actes notariés, 3E 6921, Patrin, fo 40, procès verbal, 28 février 1766.
77 ADR, 8B 845-1, Ducré et Cie, Le Havre, Paraire et Réaux, 28 juin 1787.
78 ADR, Actes notariés, 3E 3224, Cabaret, procuration de Bonval et Cie, Brosse et Cie et Masson et Chenavard à Claude Rabier, 31 août 1768.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008