Chapitre II. Une priorité : conquérir de nouveaux marchés
p. 53-82
Texte intégral
1Depuis que Lyon a établi des contacts réguliers avec les ports de l’Atlantique, la balance de ses échanges a toujours été largement déficitaire, ces ports étant perçus avant tout comme des pôles d’approvisionnement pourvoyeurs de denrées coloniales, épices, sucres et produits tinctoriaux notamment, et non comme des marchés. Mais l’essor des sociétés portuaires, perceptible dès le XVIIe siècle, et la formation, au-delà des mers, de sociétés coloniales étroitement dépendantes des négoces de ces ports pour leur ravitaillement en marchandises d’Europe, conduit ces derniers à élargir davantage leurs hinterlands, afin d’y intégrer les grandes villes manufacturières de l’intérieur, au premier plan desquelles les villes textiles. Corollairement, celles ci se doivent, elles aussi, d’intégrer désormais pleinement les places portuaires dans leurs aires commerciales, afin de satisfaire à la double demande qui en émane. C’est ainsi que Lyon, qui faisait déjà pleinement partie de l’hinterland marseillais, intègre, dans le courant du XVIIIe siècle, celui de Bordeaux qui, en devenant le premier port colonial du royaume, s’impose comme le seul, sur la façade océanique, à faire régulièrement appel à la Fabrique et au négoce lyonnais pour constituer ses cargaisons antillaises.
Intégrer un hinterland portuaire : l’exemple bordelais
2Le degré d’intégration d’une ville manufacturière de l’intérieur à un hinterland portuaire dépend à la fois de l’existence d’une société portuaire consommatrice et d’une réelle demande de la part des négociants qui chargent vers les îles, mais aussi des capacités de ses propres marchands à faire les meilleures offres de vente et de leur prédisposition à accepter de courir les risques inhérents au grand commerce maritime. La nature des productions lyonnaises, mais aussi de celles de villes comme Saint-Étienne, Le Puy, Saint-Chamond ou Annonay, pour qui Lyon est un relais incontournable, en fait d’emblée un partenaire important du négoce bordelais, qui se tourne vers la cité rhodanienne tant pour satisfaire à la demande du marché aquitain en étoffes de soie, dentelles, mercerie et articles de bonneterie que pour se fournir en menues marchandises dont l’une des principales qualités est de se prêter admirablement à la constitution de pacotilles coloniales.
3Alors que l’aire d’approvisionnement du port de Bordeaux en produits manufacturés couvre tout le royaume de France, Lyon et le Lyonnais y occupent une place non négligeable. À en croire une lettre adressée par la Chambre de Commerce de Lyon à son homologue de Bordeaux en juillet 1741, la cité du Rhône entretient « des relations anciennes et utiles avec les négociants de Bordeaux », relations qui « procurent une consommation fréquente de marchandises1 ». D’ailleurs, la carte des exportations industrielles à Saint-Domingue depuis Bordeaux pour l’année 1788, publiée par Paul Butel, place Lyon au septième rang des fournisseurs, derrière le Bordelais, la Bretagne, Lille, Laval, Rouen et Cholet, mais devant Paris, la Provence et surtout Nîmes, sa grande rivale languedocienne. La valeur des marchandises lyonnaises expédiées cette année là s’élevait à 712 332 l.t., soit quasiment 5 % de la valeur globale des produits manufacturés expédiés depuis Bordeaux vers Saint-Domingue2, ce qui représentait deux fois et demi la valeur des marchandises venues de Marseille, cinq fois celle des marchandises venues de Paris et sept fois la valeur des marchandises venues de Nîmes. Bordeaux est alors sans conteste le premier port d’embarquement pour les soieries destinées au marché américain, puisqu’en 1784 il assure à lui seul la moitié des exportations de ces précieuses étoffes vers les Antilles3. Dans son ouvrage de référence, Butel constate, à partir de l’étude de seize bilans de faillites de marchands drapiers bordelais déposés entre 1758 et 1782, que les créances sur le Lyonnais, qui s’élèvent à 158 461 l.t., viennent immédiatement après celles sur la Normandie (180 696 l.t.) et devant celles sur le Nord (155 367 l.t.) et le Bas-Languedoc (120 259 l.t.), les marchands bordelais préférant se fournir auprès des fabricants lyonnais que de leurs concurrents nîmois4. C’est notamment le cas des négociants juifs Jacob Emmanuel et Jacob Dalpuget et de leur associé Josué Petit qui, en 1750, entretiennent des relations très régulières avec Lyon, d’où ils font venir toutes sortes d’étoffes et d’articles textiles fabriqués dans ses manufactures ou dans les provinces voisines. Au moment de leur faillite, ils comptent pas moins de 26 créanciers lyonnais à qui ils doivent ensemble plus de 272 430 l.t., dont 30 114 l.t. 12 s. à Devillas et Cie, 29 987 l.t. 6 s. 8 d. à Pernon fils et Bruyset, 27 764 l.t. 4 s. à Jean-Baptiste Duperret et Cie, 27 353 l.t. 4 s. à Dailly, 26 094 l.t. 8 s. à Pierre Gandin, 17 942 l.t. 9 d. à Goudon et Gay et 17 323 l.t. 12 s. 3 d. à Barety frères et Cie5. Près de trente ans plus tard, en 1779, la maison Dutreuil Chalamel et Cie dépose elle aussi son bilan et déclare un passif de 107 513 l.t. 5 s. 9 d. et 48 créanciers lyonnais dont les principaux sont Cognet (7 178 l.t. 16 s.), Marin Fiard (4 989 l.t. 3 s. 9 d.), Caillac et Lagrive (4 692 l.t. 13 s.), Louis Galien (2 255 l.t. 4 s.) et Vidalin et Buisson (2 052 l.t.)6.
4Il n’est guère possible au XVIIIe siècle de s’implanter sur un marché aussi convoité et exigeant que celui de Bordeaux sans réussir à pénétrer les réseaux qui l’organisent et le contrôlent. La meilleure opportunité consiste à être contacté directement par un des acteurs de ce commerce qui, dans sa quête de marchandises « propres pour les Isles », mobilise ses relations afin de trouver sur la place de Lyon le marchand-fabricant capable de répondre au mieux à ses exigences en terme de qualité, ou un négociant prêt à lui concéder les meilleurs tarifs. Mais pour beaucoup, la nécessité de trouver de nouveaux débouchés les conduit à entreprendre eux-mêmes les démarches qui contribuent à nouer leurs premiers contacts sur le marché bordelais. Certains mobilisent leurs propres réseaux à la recherche d’un « ami » susceptible de les recommander et se lancent dans une fastidieuse prospection épistolaire. D’autres, souvent plus jeunes ou nouvellement venus dans le monde du négoce, n’hésitent pas à entreprendre un voyage vers Bordeaux, de préférence au moment des foires, pour se faire connaître, présenter, échantillons à l’appui, les objets de leur négoce et, par ce biais, tenter d’intégrer l’un des réseaux autour desquels s’organise le grand commerce atlantique. À cet égard, les foires qui se tiennent à Bordeaux deux fois l’an, au printemps et à l’automne, sont un moment privilégié pour se rencontrer et nouer des contacts. Elles connaissent au XVIIIe siècle un regain d’activité, bien évidemment lié à l’essor du commerce colonial. En effet, en plus des marchands qui tiennent boutique et revendent à une clientèle locale les textiles achetés en foire, et des commissionnaires qui se chargent de les redistribuer dans l’arrière-pays, les foires sont fréquentées par des armateurs qui cherchent à se constituer au meilleur prix des cargaisons sèches pour les Îles et par des pacotilleurs qui viennent repérer et acquérir les objets de leurs spéculations futures. Chaque année un certain nombre de marchands-fabricants lyonnais font donc le voyage de Bordeaux ou y envoient leurs commis-voyageurs pour répondre à la demande locale en étoffes de luxe et articles de mode, mais aussi pour prospecter de nouveaux débouchés vers ces îles lointaines où commence à apparaître une demande de taffetas, de sergés et d’autres soieries comme le satin. Cependant, à côté de ces Lyonnais, Paul Butel signale également la présence d’autres marchands, de Limoges et d’Agen notamment, qui travaillent eux aussi à la distribution des étoffes et des rubans lyonnais7. Les sources d’approvisionnement du marché bordelais en soieries sont donc multiples et les quelques exemples que nous avancerons ne nous permettront pas de saisir toute la complexité des réseaux qui participent de ce commerce.
Le contact direct : le voyage de Bordeaux
5Parmi les marchands lyonnais qui travaillent seuls et construisent eux-mêmes leur propre réseau de distribution, voici Bonaventure Carret : installé place de l’Herberie dans la presqu’île, paroisse Saint-Nizier, ce commissionnaire en soieries s’est associé en 1765 avec un fabricant de rubans, Empaire Ferlat et, pendant dix ans, sillonne les routes du royaume, mais aussi des Pays-Bas et des Provinces-Unies, pour vendre ses marchandises. Il a laissé des carnets de voyage et une abondante correspondance qui constituent une source de premier ordre pour découvrir les méthodes de travail d’un marchand commissionnaire lyonnais au milieu du XVIIIe siècle8. Grâce à ses carnets et aux lettres qu’il adresse à son associé, nous avons pu reconstituer, jour après jour, quatre des dix voyages qu’il fit entre mars 1765 et octobre 17749. Nous savons ainsi qu’il séjourna au moins à quatre reprises à Bordeaux : une première fois au cours de son deuxième voyage, entre le 17 janvier et le 2 février 1766 ; deux fois lors de son troisième voyage, d’abord du 15 décembre 1766 au 11 janvier 1767 puis, au retour, entre le 3 août et le 26 septembre suivants, un séjour plus long que prévu car il avait dû s’aliter après avoir contracté la jaunisse ; enfin nous l’y avons retrouvé lors de son septième voyage, entre le 15 décembre 1769 et le 15 janvier 1770. À chacun de ses séjours dans le port girondin, Carret parvient à décrocher quelques commandes portant à la fois sur une large gamme d’étoffes de soie, des articles de confection, de la bonneterie, bas et gants de soie surtout, et de la passementerie. Ses clients lui remettent alors des mémoires qu’il s’empresse d’adresser à Lyon, où ils arrivent en décembre ou janvier pour la foire de printemps et au plus tard en septembre pour la foire d’automne, assortis de toutes sortes de recommandations sur la qualité des marchandises souhaitées et les délais à respecter pour qu’elles parviennent à Bordeaux au début du mois de mars ou au milieu du mois d’octobre, car « il n’y a que dans les deux foires que les marchands peuvent recevoir leurs marchandises sans droits10 ». C’est ainsi, par exemple, qu’en août 1767 il adresse à Ferlat deux mémoires remis par les maisons Lalimand et Rivière et Jean Pinaud, en lui spécifiant bien que ces commandes, qui portent essentiellement sur des bas, des gants, des mitaines, des bourses de soie et du satin, doivent être expédiées pour la foire d’octobre11.
6Lors de ses quatre séjours à Bordeaux, Bonaventure Carret réussit à obtenir des commandes de 34 maisons différentes, certains marchands comme Thivent, Belly le jeune, Lafüe ou Rodes Jeulin faisant même affaire avec lui à chacun de ses passages. Au total, il adresse 46 mémoires à son associé resté à Lyon, lesquels portent essentiellement sur des étoffes et des articles de bonneterie, comme des bas de soie, des mitaines et des gants, des fichus de gaze, des fleurs de soie mais aussi des rubans, des bourses et des ceinturons de soie. Il leur vend aussi des articles de confection, des robes, des gilets, des vestes de satin, ainsi que des habits de velours. Parmi les étoffes les plus demandées, on note surtout la présence de taffetas, de gros de Tours et de Hollande, auxquels s’ajoutent quelques pièces de velours, droguet, sergé de soie, satin, batavia, mœre et lustrine.
7Si Carret semble satisfait des premières affaires faites en 1766, lors de son deuxième passage, l’année suivante, la conjoncture est moins favorable : d’abord parce que la plus grosse partie de la demande est déjà satisfaite à moins de deux mois du début de la foire de mars, ensuite parce qu’à l’en croire un certain marasme affecte alors le commerce colonial : « les affaires délabrées de l’Amérique rendent ici les affaires extrêmement rudes et difficiles, car ce que j’accroche, je suis obligé en vérité de faire violence pour l’obtenir. Depuis, le matin jusqu’au soir, je cours sans cesse et quelquefois je n’en avance pas plus », écrit-il en janvier 176712. Il réussit cependant à obtenir une quinzaine de commandes, mais la plupart d’entre elles ne portent cette fois que sur un ou deux articles, essentiellement de la bonneterie, bas de soie, rubans et mouchoirs, sans qu’il soit possible de savoir si ces marchandises sont destinées à être écoulées sur le marché local ou à être chargées pour les Îles. Mais l’un n’empêche pas l’autre puisque la grande particularité des productions de la Fabrique lyonnaise, mais aussi des rubans de Saint-Étienne et de Saint-Chamond ou des dentelles du Puy que les négociants lyonnais contribuent à écouler sur le marché bordelais c’est, comme se plaît à le rappeler Paul Butel, de « se prêt[er] admirablement à la constitution des pacotilles coloniales », et ce en raison de leur faible encombrement et de leur forte valeur13.
8Si Carret n’hésite pas à faire lui-même de longs périples pour élargir sa clientèle, d’autres comme le chapelier Étienne Mazard emploient des commis-voyageurs. De passage à Bordeaux en 1728, son commis Chabert traite pour la première fois avec l’armateur Jean Pellet. Il lui vend deux caisses de chapeaux pour un montant de 2 656 l.t., « un marché sur lequel [Mazard] perd plutôt que de gagner ». Mais le contact est noué et il espère, avec ce négociant bien en vue sur la place de Bordeaux, avoir ferré quelqu’un qui aura dans l’avenir « des occasions fréquentes à tirer des marchandises de [sa] manufacture14 ». Ses espoirs sont récompensés puisque, au mois de juin suivant, il reçoit une nouvelle commande, qui porte cette fois sur seize douzaines de chapeaux. Il propose alors à Pellet de livrer les deux douzaines de chapeaux blancs compris dans la commande, « garnis en coiffes de couleur en satin », et ce sans augmentation de prix, bien que chaque coiffe lui revienne à vingt sous la pièce, sachant que ce type de chapeaux se vend particulièrement bien aux Îles. Visiblement très au courant des modes qui ont cours en Amérique, et désireux de servir au mieux ce nouveau client qui arme des navires pour la Martinique, plaque tournante du commerce interlope avec la Terre Ferme, Mazard s’inquiète également de savoir si ces chapeaux sont destinés à être vendus à des Espagnols ou à des Français, car si les premiers portent leurs chapeaux sans ganses, les seconds les préfèrent retroussés. Toute cette attention à bien le servir satisfait dans un premier temps Jean Pellet, qui commande à Mazard deux douzaines de chapeaux de castor blancs supplémentaires, « pour rendre les caisses complètes », dans la mesure où chacune peut en contenir neuf douzaines. En remerciement, Étienne Mazard offre alors à son client un « beau chapeau de castor pour [son] usage15 ». Le total de cette deuxième commande s’élève à 2 588 l.t. 4 s., dont 25 l.t. pour les caisses et l’emballage, auxquelles il faut encore rajouter « 13 l.t. du cent » pour transporter ces deux caisses qui pèsent 152 et 149 livres de poids jusqu’à Toulouse, où elles seront prises en charge par le sieur Maignial pour les faire passer à Bordeaux16. Tout a donc été fait pour satisfaire au mieux Jean Pellet, mais le client est difficile et, malgré les efforts de notre marchand lyonnais, il trouve « les douze castors n ° 3 » trop communs et trop chers, affirmant que le frère même d’Étienne Mazard, Jean, lui en offre de semblables à 9 l.t. la pièce au lieu des 12 l. t 10 s. qu’il a payé ceux-ci. Bien qu’Étienne Mazard lui ait assuré que les chapeaux de son frère n’étaient que des demi castors et qu’il lui ait promis un deuxième chapeau en cadeau en cas de nouvelle commande17, il semble que Pellet n’ait pas poursuivi ses relations avec la maison Mazard.
9Parmi ceux qui réussissent à intégrer durablement les réseaux du commerce bordelais, il en est, comme le marchand passementier Antoine Linossier, l’un des plus importants de la place de Lyon au milieu du siècle, qui établissent sur place des commissionnaires pour suivre dans la durée l’état de leurs affaires et leur offrir une plus grande réactivité face aux évolutions d’un marché très sensible aux variations de conjoncture. À la fin des années 1740, Linossier fait entrer son jeune beau-frère Antoine Granjean au service d’Antoine Limonas, un négociant bordelais qui pratique le commerce des Îles, où il expédie notamment des bas, des rubans et des étoffes. Pendant plusieurs années, jusqu’en 1752, Granjean sert au mieux les intérêts de son beau-frère pour le compte de qui il démarche des clients, collationne des mémoires, réceptionne et fait suivre des marchandises et, le cas échéant, récupère des créances18.
L’offre de service, une démarche parfois fructueuse
10Sur la place de Bordeaux, Jean Pellet compte, à partir des années 1720, parmi les principaux animateurs du commerce en droiture avec les Îles d’Amérique19. Pour constituer ses cargaisons à l’aller, et redistribuer ses retours des Îles, il s’appuie sur tout un réseau de correspondants établis dans les principales villes du royaume, de Rouen à Marseille via Toulouse, Montpellier et, bien entendu, Lyon. Outre Étienne Mazard, il est également en affaires sur Lyon avec la maison Ougster frères, des négociants en toileries d’origine suisse, installés à Lyon, rue sereine dans la paroisse Saint-Nizier. En juillet 1733, ce sont eux qui prennent l’initiative d’écrire à l’armateur bordelais pour lui proposer leurs services, liste de marchandises, tarifs et arguments à l’appui :
« Comme nous savons que vous faites un grand commerce dans les isles françaises, et que nous avons des articles convenables comme des bazins et linge de table de toutes sortes de façons que nous tirons de la Suisse où nous avons maison, et comme nous ambitionnons depuis longtemps à pouvoir correspondre avec vous, Monsieur, nous prenons la liberté de vous écrire la présente pour vous offrir nos services. Nous avons l’avantage d’en fournir à plusieurs maisons de chez vous de cette espèce de marchandise pour les isles, qui en sont très contentes. Si vous faites un essai [...] nous pouvons vous faire des douceurs que d’autres ne peuvent pas faire à cause que nous avons maison au pays et ici, et par conséquent de la première main, n’ayant ni commission ni provisions à payer20. »
11La démarche n’est pas vaine puisqu’en retour Pellet leur passe une première commande de quatre balles de nappes et de serviettes, pour 2 942 l.t. 13 s.21. De la même manière, en juin 1779, Bleoud, Michalet et Cie, qui viennent de fonder leur société à Lyon, adressent à Antoine Fontanilhe, négociant en produits coloniaux, un prospectus imprimé qui présente leur nouvelle activité de marchands gantiers et de commissionnaires « sur toutes sortes de marchandises, tant à l’achat qu’à la vente, expédiant dans tout le pays du royaume22 ». En juillet 1790, ce sont Pillichody et Reboul qui écrivent à Cordier et Joly, négociants en draps à Bordeaux, pour offrir leurs services, « principalement dans l’achat par commission des marchandises des manufactures [de Lyon] de tous genres », tout en se recommandant d’un « ami commun », le sieur Sablonière, également négociant à Bordeaux23. Quant au marchand chapelier Vourlat, il sollicite directement la maison bordelaise Vallet et Roger après qu’un commissionnaire lyonnais, François Lait, lui ait acheté pour leur compte une caisse de chapeaux dont ils avaient pu apprécier la qualité24 ; une démarche là encore couronnée de succès, puisque dès le mois suivant il reçoit une commande directe de grands chapeaux et de cavaliers, « des castors à forme basse et grands bords » certainement destinés aux Îles25. Le port de la Gironde est donc la place incontournable vers laquelle se tournent en premier lieu tous ceux qui, depuis Lyon, veulent se lancer dans le commerce colonial ou consolider leur intégration dans les réseaux du grand commerce maritime.
12La lecture des correspondances commerciales permet parfois de deviner l’existence, à toutes les échelles du négoce, de réseaux marchands dans lesquels les maisons de commerce s’intègrent tour à tour, et témoigne indiscutablement de la volonté de certains négociants lyonnais d’élargir leur aire commerciale aux ports de l’Atlantique, où ils savent pouvoir conclure de belles affaires, pour peu qu’ils puissent répondre aux attentes de leurs homologues ponantais. Et ceux qui réussissent peuvent ensuite parrainer des confrères en leur faisant profiter à leur tour de leur entregent. Ainsi, en 1739, les marchands-fabricants de chapeaux Mazard l’aîné et Aguetan mettent-ils en contact un de leur client bordelais, la maison Vallet et Roger, avec Pascal Cartal, un confrère qui fait commerce de mercerie26.
13Parfois aussi la sollicitation peut venir de maisons bordelaises qui, à la veille d’armer un navire pour les Îles, se tournent vers Lyon à la recherche de capitaux et de négociants susceptibles de prendre un intéressement dans leurs expéditions. C’est ainsi qu’en 1759 la maison Rey Magneval et Dumas, qui s’essaya au commerce avec la Martinique une dizaine d’années plus tôt avant de se tourner, sous la raison de Rey Magneval et Cie, vers la péninsule ibérique, Cadix et la Carrera de Indias, est démarchée par Balthazard David, un armateur bordelais qui, sentant « la paix prochaine », désire préparer le financement de ses futurs armements vers Saint-Domingue. Mais le contexte est encore délicat et la première réaction des Lyonnais est toute en prudence :
« Nous connaissons peu la nature et l’avantage de ce commerce, mais nous ne doutons point que ce ne soit par l’expérience que vous en avez fait que vous êtes déterminé à former ce projet, et que vos lumières et vos connaissances, ainsi que la position favorable de votre place pour les principaux articles, et la célérité des dits armements, rendront cette affaire très bonne pour vous et pour tous ceux qui y prendront des actions. Votre plan nous paraît très bien concerté et lorsqu’il aura lieu nous pourrons bien y prendre une action, et nous nous ferons un plaisir d’engager nos amis à en prendre aussi. Ce ne sera uniquement que dans la vue de vous obliger et non l’intérêt qui nous fera agir. Mais à vous dire notre avis, cette place [Lyon] donne difficilement dans des pareilles affaires, et aujourd’hui on en est plus dégoûté que jamais par la mauvaise réussite de presque tous les corsaires dans lesquels on a pris des intérêts. Vous nous dites que ce projet est bien différent et qu’il ne doit d’ailleurs s’exécuter que lorsqu’il n’y aura point d’ennemis à craindre. Tout cela est bien. Mais néanmoins, on ne se déterminera que très difficilement, et sur un espoir moral d’un profit honnête. On a toujours vu, dans tous les plans qu’on fait pour des affaires de cette espèce, des grandes espérances de gains. L’événement est assez souvent contraire. Nous souhaitons que le vôtre ne soit pas dans le même cas27. »
14À en croire Rey et Magneval, des Lyonnais auraient donc, pendant la guerre de Succession d’Espagne, participé au financement d’armements en course. Mais au-delà de ce fait ponctuel, la participation financière aux armements du grand commerce atlantique ne semblerait pas être très répandue à Lyon en ce milieu du XVIIIe siècle. Peu enclins à courir de risques, les négociants des bords du Rhône préfèrent donc, pour l’heure, vendre leurs marchandises à des marchands, à des commissionnaires ou à des armateurs bordelais, plutôt que de les risquer ou de miser leurs capitaux sur l’océan Atlantique. Là est certainement la principale limite à leur engagement dans le grand commerce maritime.
Un marché exigeant
15Entre 1766 et 1773, la maison Carret et Cie entretient des relations épistolaires suivies avec ses clients bordelais. Entre juillet 1767 et juin 1772, 187 lettres sont rédigées et envoyées à une trentaine de correspondants bordelais qui, en retour lui en adressent au moins 29128. Comme toutes les correspondances marchandes conservées dans les fonds lyonnais et bordelais, elles portent essentiellement sur le suivi des commandes et les modalités de paiement et nous renseignent sur les méthodes de travail de ceux qui les rédigent. Elles constituent de ce fait une source de premier ordre pour qui veut se familiariser avec les techniques et les méthodes du négoce. Habituellement, lorsque les marchands se connaissent et ont l’habitude de travailler ensemble, un simple mémoire suffit pour passer commande. Charge ensuite au commissionnaire ou au marchand-fabricant lyonnais de satisfaire son client en lui renvoyant le plus « promptement » possible les articles souhaités. Mais, hélas, il arrive parfois qu’un imprévu vienne enrayer un système ordinairement bien rôdé. Les motifs ou les couleurs voulus peuvent ne plus être disponibles, les manufactures être confrontées à une demande plus importante que d’habitude et réclamer un délai plus long pour exécuter une commande, la soie peut manquer et, de ce fait, les tarifs escomptés par le client s’envoler... Il faut alors aviser ce dernier des contraintes, le convaincre d’apporter quelques modifications à son mémoire en le guidant sur la tendance du moment et les nouvelles modes concernant les matières, les couleurs ou les motifs, ou encore l’inviter à patienter quelques semaines, ce qui n’est malheureusement pas toujours possible compte tenu de l’imminence des foires. Ainsi, en octobre 1790, Pillichody et Reboul conseillent aux négociants en draps bordelais Cordier et Joly de leur « accorder toujours sept à huit semaines dans la suite pour exécuter une commission afin [qu’ils puissent] donner aux fabricants le temps nécessaire pour faire de bonnes marchandises et, si elles consistent en velours ou autres étoffes façonnées, il [leur] faut même plus de temps29 » ; et de confirmer deux semaines plus tard :
« Aucune grande fabrique n’ayant voulu accepter la commission en rubans pour M. Mellet et Cie de votre ville à cause du peu de temps que les dits sieurs nous avaient accordé, nous en chargeâmes une fabrique médiocre, qui quoique cela fait assez de jolies marchandises quand elle veut, qui nous promit de fournir la marchandise au temps fixé et en bonne qualité. Elle nous a livré ces jours ci la commission, mais pas en entier et, outre cela en marchandise inférieure, ce qui nous a déterminé de ne pas l’accepter et de la laisser pour le compte du fabricant, préférant plutôt de perdre une provision que de fournir de mauvaises marchandises à une maison dont nous espérons de recevoir des commissions plus fortes dans la suite30. »
16Déjà, en 1786, quand Lyon fut secouée par l’émeute des « deux sous », ils n’avaient pu remplir une précédente commission de « sans-pareil noir » passée par Cordier et Joly pour le compte de Monset l’aîné, faute de temps et surtout de main-d’œuvre disponible, la Fabrique ayant été désorganisée par le départ de nombreux ouvriers qui entendaient protester contre le gel de leurs salaires31. En 1739, c’est la rareté des soies qui avait entraîné une nouvelle augmentation des prix des bas et des gants que Vallet et Roger avaient commandés à la maison Pascal Cartal et Cie, et ceci « parce que la récolte [avait] manqué de plus d’une moitié en France et parce que le Roi d’Espagne [avait] interdit d’en laisser sortir de son royaume32 ». Pénurie de matière première et délais de fabrication expliquent également que Mazard l’aîné et Aguetan n’aient pu exécuter quelques mois auparavant tout le mémoire que leur avaient adressé les mêmes Vallet et Roger :
« Nous sommes au désespoir de n’avoir pu accomplir tout votre mémoire de chapeaux. Deux choses en ont été causes. La première, c’est le manque de poil de castor dont les autres ne sont pas mieux pourvus que nous le sommes, y ayant huit mois que la Compagnie des Indes ne nous a pas délivré une once de cette matière, l’argent à la main. La seconde raison, c’est que d’attendre la fabrication des basses qualités de votre mémoire nous vous aurions exposé à ne recevoir cet envoi que les derniers jours de votre foire33. »
17Ces exigences ne sont pas spécifiques au marché bordelais. Dans tous les ports qui pratiquent le commerce avec les espaces ultramarins les contraintes sont les mêmes. Opérations d’armement et appareillages rythment toute l’activité commerciale. D’où qu’ils soient les fournisseurs doivent donc être en mesure de livrer en temps et en heure les marchandises qui leur ont été commandées. C’est ainsi, par exemple, que Bridant Randon Legendre et Chaigneau doivent décliner en juillet 1788 une commission des frères Delaye de Lorient, au motif que les marchandises commandées ne pourraient pas arriver à destination avant le départ du vaisseau sur lequel ils comptaient les charger34.
18Ce que nous venons de décrire longuement à partir de l’exemple de Bordeaux pourrait se décliner pour Nantes ou Marseille et probablement à une moindre échelle pour Saint-Malo, Lorient, La Rochelle ou Le Havre. Au XVIIIe siècle les ports du grand commerce océanique intègrent pleinement Lyon et le Lyonnais dans leurs aires d’approvisionnement, à la fois pour contribuer à la composition des cargaisons des navires du commerce de droiture et pour satisfaire une demande locale d’étoffes de luxe qui s’élargit avec l’affirmation d’une bourgeoisie marchande enrichie par la pratique de ce négoce. Ce sont certainement les besoins de cette nouvelle clientèle, mais aussi la nécessité de trouver de nouveaux débouchés aux productions d’une « Grande Fabrique » devenue élément moteur de l’économie de leur cité, qui amènent les marchands lyonnais à élargir progressivement vers les provinces de l’ouest leur aire commerciale. Depuis le XVIIe en effet, les horizons du commerce lyonnais sont redevenus nationaux et l’essor de la production, tout autant que la fragilité d’une conjoncture soumise aux aléas de la diplomatie, les législations royales en matière de consommation somptuaire et la mode, obligent à rechercher de nouveaux marchés au-delà des deux aires de clientèle traditionnelles que sont la région parisienne et le tiers sud-est du royaume, en deçà d’une ligne reliant Strasbourg à Toulouse, là où se concentre encore au milieu du XVIIIe une très grande partie de la clientèle des marchands lyonnais. Dans ce contexte, l’opportunité nouvelle que représentent l’apparition puis l’affirmation de la demande émanant des ports de l’Atlantique ne peut pas ne pas être saisie, d’autant que par l’intermédiaire de ces places ce sont, au-delà des frontières du royaume, de nouveaux horizons qui s’ouvrent devant les marchands lyonnais, permettant à leur ville de renouer avec ce grand commerce international qui lui avait autrefois permis de s’imposer parmi les capitales économiques de l’Europe.
Satisfaire la demande locale : la consommation d’étoffes de Lyon dans les interfaces atlantiques
19À Bordeaux comme dans tous les ports du Ponant qui s’enrichissent avec l’essor du grand commerce maritime, la demande en articles de Lyon est réelle au XVIIIe siècle, en particulier chez ceux qui font fortune dans les mondes de l’armement et du négoce, mais aussi dans toute la bourgeoisie de robe, dont les effectifs augmentent du fait de la place nouvelle que prennent les cités atlantiques dans l’organisation politique et administrative du royaume. Daniel Roche a eu l’occasion de montrer comment les négociants qui s’enrichissent au XVIIIe siècle ont contribué à l’accélération et à la diversification de la consommation35. Les produits de luxe, et en particulier les textiles, ont été les premiers à bénéficier de cette évolution de la demande marquée par « un affranchissement des besoins et un accroissement du superflu36 ». À une époque où le costume prétend témoigner de la position sociale et de la réussite de celui qui le porte, les marchands et les négociants les plus prospères modifient leurs habitudes vestimentaires et les plus belles étoffes, jusqu’alors apanage de l’aristocratie, apparaissent dans leurs garde-robes. Ce que Daniel Roche a mis en évidence à propos de Paris37 doit pouvoir s’appliquer à Bordeaux et dans tous les ports du royaume qui connaissent une croissance de leur économie et, par répercussion, un enrichissement de leurs négociants. Rappelons que si, dans la bourgeoisie parisienne, la part de l’habillement dans l’ensemble des biens d’usage diminue au cours du XVIIIe siècle et passe de 13 % à 8 %, la valeur moyenne des garde-robes connaît une croissance « spectaculaire » évaluée à 369 % chez les plus riches. Dans le monde de l’artisanat et de la boutique l’évolution est semblable et la valeur moyenne des garde-robes passe de 344 à 587 l.t. On constate alors que « les habits les plus abondants, souvent les plus coûteux et les plus luxueux, sont dans les armoires des groupes moyens38 ». C’est que, chez ceux qui réussissent et s’enrichissent, le paraître est fondamental et la chose est sans conteste plus vraie qu’ailleurs dans ce groupe voué au commerce, pour qui « l’air de prospérité est nécessaire au crédit39 ». Aussi les marchands ne s’habillent-ils plus exclusivement de drap et le costume masculin s’enrichit de belles étoffes, de cotonnades et de soieries, y compris dans les strates inférieures de la société mercantile, puisque les boutiquiers eux aussi se mettent à porter des gilets et des vestes de soie. Les plus aisés copient même les pratiques nobiliaires et, guidés par un souci de représentation de plus en plus affirmé, passent commande de somptueux habits de soie rehaussés d’or et d’argent, avec garnitures et boutons dorés.
20Les sources dont nous disposons ne nous présentent pas les grands ports de la façade atlantique comme des marchés de premier plan pour les soieries lyonnaises. D’ailleurs Maurice Garden n’avait trouvé que cinq créanciers bordelais, trois rochelais et trois nantais dans les 67 dossiers de faillites lyonnais qu’il avait dépouillés pour la période 1763-1771, contre une trentaine de clients marseillais40. Cependant, quelques lignes tirées du Dictionnaire Universel du Commerce confirment l’existence entre Lyon et Nantes d’un courant commercial relatif aux articles et accessoires de mode : « Les marchands de Lyon ont à Nantes des magasins d’étoffes de laine et de soie, de rubans, de dorures et de futaines, dont ils fournissent en gros les détailleurs de la ville41. » Il en est certainement de même pour Bordeaux, Rouen, La Rochelle, Saint-Malo, Lorient et Bayonne.
La consommation de soieries à Bordeaux
21L’importance de la demande en matière d’articles de mode, jointe à l’essor des manufactures de coton après 1759, explique sûrement la concurrence sévère qui existe entre les marchands lyonnais quand il s’agit de s’implanter sur un marché aussi convoité que peut l’être une grande place portuaire comme Bordeaux, où les plus importantes mutations de la mode interviennent dans les années qui suivent le traité de Paris42, à la faveur de la reprise des affaires et de la libération du commerce des toiles peintes. Ainsi en janvier 1766, alors que de son propre aveu il regrette être arrivé « un mois trop tard pour la foire de mars », Bonaventure Carret signale à son associé la présence de « dix Lyonnais et quatre Nîmois logés au même hôtel [que lui] », une concurrence qu’il lui faut surmonter pour pouvoir placer ses propres articles43. Dans une ville « envahie par le goût du luxe et de la toilette44 » où les boutiques veulent détenir toutes les dernières nouveautés de la mode et les articles de la meilleure qualité qui soit, les marchands bordelais n’hésitent pas à mettre en concurrence leurs fournisseurs lyonnais, multipliant les « essayages », et si l’un d’entre eux ne parvient pas à satisfaire leurs exigences ou tarde à honorer une commande, alors ils se tournent vers d’autres et vont faire affaire ailleurs. Le marché bordelais est donc un marché très exigeant. Carret en fait l’amère expérience lors de son septième voyage, quand il revient à Bordeaux en décembre 1769. Plusieurs maisons bordelaises ayant été déçues par la façon dont elles avaient été servies à l’occasion de leurs dernières commandes, il doit « essuyer des reproches de tout le monde [qui a été] mal servi ». éprouvant alors beaucoup de difficultés à décrocher de nouveaux mémoires, il conjure ses associés de faire plus attention à la qualité et au prix des marchandises qu’ils envoient dans le port girondin :
« Je fais ici le voyage le plus désagréable du monde. Je vois des gens qui m’aiment mais qui craignent de se servir de moi [...]. Tout le monde se plaint des bas et des rubans dont les prix excèdent de 30 % ceux des autres [...]. Je regrette mon séjour de Bordeaux qui était forcé et j’ai fait une sottise d’y venir45. »
22À défaut d’informations précises sur les pratiques vestimentaires des Bordelais, nous connaissons à la même époque celles de leurs voisins bayonnais. Ici l’évolution la plus importante du costume masculin concerne les étoffes. Alors que les draps de laine dominent au début du siècle, de nouvelles étoffes apparaissent ensuite, des tissus plus légers comme la toile, la moire de soie ou le nankin, tandis que les vestes et les gilets se parent de broderies et de boutons d’or et d’argent46. Quant aux Bayonnaises, si elles possèdent rarement des robes de satin ou de taffetas, elles portent par contre couramment des jupes taillées dans des étoffes mêlées de soie comme la vénitienne, la grisette ou le taffetas et ornent leurs coiffures de dentelle et de gaze47. Dans le même temps, les garde-robes féminines, qui peuvent représenter jusqu’aux deux tiers de la valeur des garde-robes bourgeoises, s’enrichissent de sous-vêtements et d’une multitude d’accessoires que la Fabrique lyonnaise contribue à produire : les bas de soie, noirs, blancs ou à rayures, les rubans et les jarretières de satin qui les maintiennent, mais aussi les gants et les mitaines, les mitons de dentelle, les petites bourses de satin ou les fleurs de soie dont les plus élégantes parent leurs coiffures. Si certains de ces accessoires sont réservés aux élites les plus riches, il ne faut pas oublier que, par mimétisme, le goût de linge se répand dans toutes les couches de la société ce qui, n’en déplaise aux fabricants lyonnais, contribue largement au triomphe du coton. D’ailleurs, à Bayonne, à partir de 1740, malgré la prohibition, la toile peinte à motifs, notamment celle « à fleurs rouges sur fond blanc », puis les indiennes à fond blanc et bleu, « blanc et musq » et rouge et mordoré, connaissent un réel succès dont pâtissent certainement les soieries48. À partir de ces quelques observations, on peut donc légitimement supposer qu’à Bordeaux aussi l’usage des étoffes de soie se maintient tout au long du XVIIIe siècle mais aussi, d’une certaine façon, se démocratise en gagnant les garde-robes négociantes au travers de ces deux pièces essentielles aux habillements masculin et féminin que sont la veste et la jupe. Mais les tissus les plus beaux et les plus chers ne sont plus réservés à l’habillement féminin, et c’est pour son usage personnel qu’en octobre 1770 Billatte, négociant bordelais, commande à Carret et Cie deux habits de velours, le premier « bleu brodé » et le second « ciselé noir », ainsi qu’une veste de satin blanc brodée, alors très à la mode49. Philippe Gardey nous apprend qu’à la fin du XVIIIe siècle marchands et négociants bordelais portent des vêtements en soie « pour les grandes occasions » et qu’ils se font confectionner dans cette étoffe des gilets, des culottes, des vestes et des habits, même si le drap reste leur matière de prédilection, puisque soie et satin n’entreraient alors dans la confection que d’un vêtement de dessus sur onze environ50. Jean-Baptiste Sermensan, un marchand orfèvre très prospère devenu armateur vers Saint-Domingue au lendemain de la guerre d’Amérique, possède à sa mort, en 1795, « un habit de velours en soie violet à boutons d’or, doublé en satin estimé 15 livres », deux autres « d’étoffe de soie à mille raies de différentes couleurs estimés 12 livres », un quatrième « de taffetas gris uni estimé 15 livres [...] plus un habit en soie, rayé doublé de même étoffe fond jaune estimé 6 livres », ainsi qu’une vieille veste « de soie fond blanc brodée [...], quatre gilets de différentes étoffes en soie, de différentes couleurs estimés 6 livres [et], 15 paires de bas de soie de différentes couleurs estimées 15 livres51 ». Les garde-robes féminines contiennent quant à elles des robes (une sur quatre), des jupes, des jupons et des mantelets en soie, en taffetas ou en satin, avec une gamme de couleurs très variée52.
Le goût affirmé des Nantais pour les soieries
23À chacun de ses voyages dans l’ouest du royaume, Bonaventure Carret visite, outre Bordeaux, La Rochelle et Nantes. Si quelques trop rares affaires sont conclues dans le port de l’Aunis en 1766 et 176753, ses séjours sur les bords de la Loire ne semblent guère plus fructueux, tant en raison d’une conjoncture défavorable que du grand degré d’exigence de ses clients nantais. Arrivé pour la première fois en février 1766, il avoue à son associé Ferlat n’avoir « pas fait grand chose à Nantes où les affaires sont tout à fait mortes » : il n’est parvenu, au bout de deux jours de prospection, qu’à décrocher sept petits mémoires portant exclusivement sur du gros de Hollande, des bas de soie, des mitaines et des gants, des rubans, des bourses de soie et quelques fleurs de tête54. Lorsqu’il revient l’année suivante, le bilan est encore plus maigre, puisqu’au bout de six jours deux clients seulement, Antoine Chiron du Pavillon et Laurent Le Vacher, acceptent de traiter de nouveau avec lui, le premier pour une pièce de gros de Hollande et six paires de bas de soie et le second pour trois pièces de gros de Hollande, quatorze aunes d’étoffe brodée à galon d’argent et cinq douzaines de boutons en argent55. Si le bilan de son deuxième séjour nantais est si maigre, c’est aussi parce que tous ses clients ont eu à se plaindre des marchandises qui leur avaient été envoyées l’année précédente. Ainsi la dame Honnoraly s’est-elle dite très mécontente de la qualité des bas qu’elle avait reçus et qu’elle avait trouvés « extrêmement durs, d’un vilain noir et les coutures blanches », au point d’en exiger la reprise et le remboursement. « Il n’y a pas un seul article conforme aux échantillons que monsieur Carret me fit voir » écrit pour sa part Guillaume Guyot, lui aussi « extrêmement mécontentent de la plus grande partie des articles » et en particulier des bas et des gants pour femme, « d’une très mauvaise soie et d’un vilain blanc » ; comme sa consœur, lui non plus ne semble pas prêt à vouloir les conserver « à moins d’une grande diminution » de leur prix56. À son retour de Hollande, Carret s’arrête à nouveau à Nantes le 24 juillet 1767. Mais fatigué et malade, il ne s’attarde pas et repart dès le surlendemain en n’ayant décroché cette fois qu’un seul mémoire, des frères Carié qui lui commandent quelques étoffes, du taffetas, du satin et des florences57. Malheureusement ils se plaignent bientôt à leur tour de la mauvaise qualité du taffetas qui leur est envoyé et dont ils déplorent qu’il « n’a rien qui approche du grain et de la beauté de l’échantillon [qu’ils ont] donné » ; aussi ne souhaitent-ils pas eux non plus le garder pour leur compte, tout comme ils hésitent à garder les florences et les demi-florences qui leur ont été facturées à un prix supérieur de 13 % à celui que leur avait annoncé Carret58. Mais d’autres marchands lyonnais ont plus de chance que lui sur le marché nantais et parviennent à y faire d’assez belles affaires. C’est le cas de la maison Brun, qui pratique le commerce des étoffes et dont une partie importante de la clientèle se trouve dans l’ouest du royaume, en Bretagne principalement59. En 1744, son bilan révèle un débit de 392 387 l.t. 3 s. 9 d. Vingt-huit de ses 124 débiteurs sont des marchands nantais, pratiquement un sur cinq. Ensemble, ils doivent à Brun 137 501 l.t. 15 s. 3 d., soit un peu plus d’un tiers des créances à recouvrer (35 %). Le plus gros débiteur est André Chiron, qui doit 22 334 l.t. Deux autres marchands doivent plus de 10 000 l.t. : Denis Cottineau (11 625 l.t.) et Pierre Bordage (11 198 l.t.) ; soit à eux trois un peu plus de 10 % du total des dettes passives de la maison Brun. Huit clients nantais doivent entre 5 000 et 10 000 l.t., avec une dette moyenne de 6 321 l.t. ; et neuf doivent entre 2 000 et 5 000 l.t., avec une dette moyenne de 3 575 l.t. Le marché nantais constitue donc un marché de première importance pour cette maison lyonnaise, à la fois par la valeur globale des affaires qu’elle y conclut et, semble-t-il, par l’envergure des clients qu’il lui offre. Quatre ans plus tard, en 1748, les débiteurs nantais sont toujours aussi nombreux – 26 sur 114 – et le montant de leurs créances s’élève à 72 055 l.t. 10 s. 5 d., soit 23 % des 310 080 l.t. 11 s. 5 d. portées alors au bilan de la société. Mais la dette moyenne due par chacun d’entre eux est passée de 4 910 l.t. à 2 771 l.t., avec une échelle des créances comprise entre 367 l.t. 14 s. pour la veuve Taillefer de la Bouchardière et 10 354 l.t. 17 s. pour Denis Cottineau60.
24Si Nantes, cité prospère, grande place de négoce et porte ouverte sur l’Atlantique, a tous les atouts pour être un marché ouvert aux marchandises de Lyon, elle est aussi le point de passage presque obligé d’une partie des soieries destinées au marché breton. D’ailleurs, un certain nombre de clients nantais de la Fabrique lyonnaise redistribuent vers les villes et les foires du sud de la Bretagne une partie des articles qu’ils commandent. Tel est le cas des frères Carié qui, en 1767, écrivent à Carret et Cie pour se plaindre de la piètre qualité des taffetas qui leur ont été envoyés, au motif qu’ils vont leur rester sur les bras faute de correspondre aux exigences de leurs clients des foires de Basse-Bretagne61. D’autres se contentent d’un travail de commissionnaires ou de consignataires pour le compte de confrères à qui ils font suivre les marchandises reçues de Lyon. Nous en avons retrouvé à Lorient, mais aussi à Pontivy, à Quimper, à Brest, à Landerneau où, entre 1728 et 1730, le marchand de soieries Bernardin Garat expédie des taffetas et des dentelles, ainsi que des montres suisses, à l’adresse de Mathurin Prigent, ce par l’intermédiaire de Perrissel, un de ses correspondants nantais auprès de qui il s’approvisionne ordinairement en indigo et en cochenille62.
25Si Nantes ne figure pas parmi les villes avec lesquelles Lyon entretient les relations commerciales les plus importantes, elle n’en est pas moins un marché à ne pas négliger. Malgré la concurrence relative des indiennes, la demande nantaise en soieries est réelle et croît à mesure que la ville s’enrichit, ses élites négociantes adoptant, comme partout ailleurs, les codes vestimentaires de la noblesse, qui garde ici aussi une préférence marquée pour les étoffes de luxe traditionnelles et cède moins que la bourgeoisie à la mode des toiles peintes. C’est donc sur ce dernier marché, celui des petits bourgeois, du monde de la marchandise, de l’artisanat et des manufactures, que la concurrence des indiennes se ressent le plus. Et les soieries lyonnaises en souffrent plus que leurs concurrentes tourangelles, moins luxueuses. Les marchands-fabricants et distributeurs lyonnais doivent donc se montrer capables de satisfaire au mieux cette clientèle particulièrement exigeante, tant en ce qui concerne la qualité et le prix de leurs articles que leur originalité et leur accord avec la mode du moment. On le voit bien avec l’exemple de Bonaventure Carret qui, malgré trois tentatives, ne parvient pas à s’imposer sur un marché nantais des étoffes de qualité qui se mérite, et sur lequel ne peuvent réaliser de belles affaires et ne réussir durablement que ceux qui ont la capacité de faire évoluer régulièrement leur production et de proposer des marchandises toujours en harmonie avec la dernière mode et les changements de goûts qui la conditionnent, une aptitude qui demeure malheureusement un des points faibles majeurs de la Fabrique de Lyon.
26Un des résultats du dynamisme économique nantais est l’émergence, comme à Bordeaux, d’un groupe marchand riche et puissant, de « Messieurs » du commerce, armateurs et négociants, que certains ont pu comparer à leurs homologues malouins. Rien d’étonnant donc à ce qu’existe sur place une demande réelle de marchandises produites par les manufactures lyonnaises, soieries, dorures et articles de confection. Arrêtons-nous un instant sur le portrait bien connu de Joseph de La Selle, peint par Jean Ranc en 1705 et conservé au Château des Ducs de Bretagne. L’armateur nantais y est représenté vêtu d’un superbe habit de soie gris rehaussé de fines broderies dorées, porté sur une chemise blanche à manchettes de dentelles ; autour du cou il porte, dénouée, une cravate de soie bleue ; enfin, un magnifique manteau rouge orangé, vraisemblablement en velours, recouvre ses épaules. Comme nous l’avons souligné à propos de Bordeaux, ceux qui s’enrichissent alors dans le commerce maritime soignent leur apparence. Le paraître compte beaucoup à leurs yeux, surtout quand il s’agit comme ici de se faire immortaliser sur la toile afin de laisser à sa descendance une glorieuse image de soi même. La réussite et la prospérité du négociant doivent se voir sur le portrait. Aussi, quand il prend la pose devant l’artiste, il soigne son apparence et revêt sa plus belle tenue. Tous les vêtements de De La Selle, taillés dans des étoffes de luxe, pourraient fort bien être des productions de la Fabrique lyonnaise. Les exemples ne manquent d’ailleurs pas de mémoires reçus par des fabricants lyonnais dans lesquels les marchands détaillent très précisément les articles qu’ils souhaitent recevoir. En mars 1776, la maison Pineau frères commande au marchand-fabricant Fiard sept ensembles pour homme, composés chacun d’une culotte et d’une veste de soie assortie et ornée d’une bordure de satin, tous de différentes couleurs – rose, bleu, gris, vert pomme et blanc – ainsi que huit autres vestes de soie, elles aussi dans de jolis tons – gris, bleu ciel, rose, citron et chamois – « le tout d’un bon goût, en belles couleurs et d’un joli dessin ». La clientèle nantaise fortunée est en effet exigeante et le moindre défaut de fabrication peut gêner la vente d’un article, comme cela avait été le cas pour deux ou trois vestes d’une précédente commande, vestes dont les bordures n’étaient pas égales, « ce qui a occasionné quelques petits sacrifices pour les faire prendre » et, du coup, une diminution des « petits bénéfices » des frères Pineau63.
27Dans cette deuxième moitié du XVIIIe siècle, malgré la concurrence renforcée des indiennes et des mousselines, les élites nantaises semblent plébisciter les étoffes soyeuses et légères comme le taffetas, le satin et le damas, qui comptent parmi les plus beaux et les plus coûteux tissus alors fabriqués à Lyon. D’ailleurs, les quelques élégantes qui apparaissent sur les estampes de Nicolas-Marie Ozanne, se promènent sur le quai de l’île Feydeau revêtues de superbes robes en soie. Selon Laure Moreau, qui a dépouillé une centaine de garde-robes de notables nantais64, on retrouve ces robes dans près de deux vestiaires sur trois65. Les plus belles pièces sont en satin ou en damas et sont ornées de motifs à fleurs d’or ou d’argent. Dans les garde-robes masculines, où le drap l’emporte largement, les soieries, qui représentent déjà un tiers des habits dans les années 1750, gagnent néanmoins du terrain au cours des décennies suivantes. Aussi, à la fin de l’Ancien Régime, malgré la concurrence des gilets de basin ou de coton brodé, les négociants nantais apprécient particulièrement les vestes de soie brodées d’or ou d’argent66, à l’image de cet armateur peint par Négrini et qui porte une veste à fond argenté recouverte de fleurs rouges brodées assorties à la couleur de son habit.
La consommation d’articles de Lyon à Lorient et Saint-Malo
28C’est également une veste argentée, mais brodée de fils d’or que l’armateur lorientais Jean-Jacques Bérard porte sous son habit (de velours ?) brun sur un portrait datant des années 1780 et aujourd’hui exposé au musée de la Compagnie des Indes de Port-Louis. Dans cette ville entièrement vouée à la Compagnie et qui, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, compte entre 16 000 et 20 000 habitants, les promeneurs qui déambulent sur le quai de la machine à mâter portent, comme sur les dessins de Nicolas-Marie Ozanne, des robes et des habits taillés dans les plus belles étoffes du temps, qu’il s’agisse de toiles peintes ou de soieries. Parmi les marchands drapiers, les merciers et les marchand(e)s de mode qui débitent ici des articles de Lyon, retenons l’exemple de la maison Quimper qui, dans les années 1750, se pose comme « la plus belle affaire de commerce en détail en draps et soies à Lorient67 ». Spécialisée entre autres choses dans la vente d’étoffes, d’articles de mercerie et d’habits, Marie Quimper puis, après elle, son fils Georges, se procurent autant leurs marchandises de luxe à Lyon qu’à Paris. Quand on feuillette leurs livres de vente, on peut constater qu’il existe bien à Lorient une clientèle capable de débourser de coquettes sommes pour acquérir étoffes de qualité et accessoires de mode. Ainsi, au début des années 1740, le taffetas noir de Lyon se vend-il entre 4 l.t. 10 s. et 5 l.t. l’aune, prix sensiblement égal à celui du sergé de soie (5 l.t. 10 s.), mais deux fois moins élevé que celui du droguet de soie (10 ou 11 l.t. l’aune) ou du gros de Naples (12 l. t). Une paire de bas de soie coûte quant à elle de 12 à 19 l.t. – les moins chers étant d’ailleurs dits « de Paris » – et une paire de gants 9 l.t., tandis que les plus coquettes et les plus délicates des Lorientaises payent leurs jarretières de soie 1 l.t. la paire68. Virgine Gapin a pu identifier parmi leurs 140 fournisseurs « officiels » neuf Lyonnais, auprès de qui ils se fournissent en étoffes et habits de soie, dorures, articles de mercerie et chapeaux69.
Les fournisseurs « officiels » lyonnais de la maison Quimper Lorient (1748-1757)70
– André l’aîné, marchand de dorures (1748-1753) ;
– Louis Armand père et fils, marchands de soieries (1748-1753) ;
– Cassagne et Cie (1756-1757) ;
– Henri Seherel ( 1753)
– Jules Reyend et Cie (1755) ;
– Laguiard (1755) ;
– Joseph Humbert et Cie, marchand-fabricant de bas de soie (1757) ;
– Marnet, marchand de dorures (1757) ;
– une neuvième maison dont la raison sociale est inconnue et qui, elle, fournit des chapeaux de castor.
29Mais, à côté de ces fournisseurs avérés, les Quimper correspondent aussi avec d’autres maisons lyonnaises, sans pour autant que cela débouche sur des achats. Elles sont au nombre de 20 sur 70, ce qui porte le nombre total de correspondants lyonnais de la maison Quimper à 29 sur 210 (14 %). La plupart des transactions effectuées avec les fournisseurs « officiels » sont comprises entre 1 000 et 3 000 l.t., des sommes loin d’être négligeables et la plus grosse commande passée sur Lyon a été faite auprès du marchand de dorures André l’aîné : elle se montait à 9 994 l.t. 16 s.
Les fournisseurs « connaissances » lyonnais de la maison Quimper Lorient (1725-1757)71
– Dutreuil, négociant (1725-1737) ;
– Cizeron et Auber, marchands de rubans, taffetas, satin et autres articles de soie (1736-1738) ;
– Maxmeult, marchand de bas (1736-1748) ;
– Vve Fouchard et Cie, marchands-fabricants d’étoffes or et argent et de soie (1740-1745) ;
– Césao père et fils, marchands d’étoffes de soie (1740-1748) ;
– Desallemand Vincent et Cie fabricants de chapeaux (1740-1748) ;
– Marge (Toinc ?) et Laber, marchands chapeliers (1740-1748) ;
– Louis Chalenette père et fils, marchands d’étoffes de soie (1742) ;
– Henry Scherer, négociant (1748-1752) ;
– Dursaux, Charbert et Lapozade, marchands de chapeaux (1748-1752) ;
– Ribier l’aîné, marchand de soieries (1748-1752) ;
– la maison Pascal, chapeliers (1748-1757) ;
– Vve Rocoffort et fils, chapeliers ( 1752-1757)
– Étienne Henri Rolland, marchand de soierie (1752-1757) ;
– Vochez le cadet, négociant (1752-1757) ;
– Vve Vourlat et Charton, marchands de soieries, dorures chapeaux et bas (1752-1757) ;
– Jean Goutelle, marchand-fabricant de chapeaux (1752-1757) ;
– Pierre Mainfourneau et Cie, marchands de chapeaux (1752-1757) ;
– Pialla Neuvent, marchands de toutes sortes de soieries (1752-1757).
30Il semble donc, qu’à l’exception des quelques négociants qui font alors venir des soieries et des fils d’or pour les charger sur les navires du commerce libre, des commissionnaires qui agissent pour le compte des indienneurs de Saint-Gall ou du Genevois et de ceux qui se fournissent, par l’intermédiaire de Lyon, en articles de mode, par exemple pour les expédier vers les États-Unis, la plupart des clients lorientais du négoce lyonnais sont bien des marchands tenant boutique qui, à l’instar de Marie Quimper ou de Marie-Jeanne Constillier, marchande de mode en 176172, du « sieur Merinet » qui, en 1753, se fournit en chapeaux auprès de la maison Maurier et Aussenac73, ou de Louis Mailliet qui vend des mouchoirs, des éventails, des parasols, des souliers et des pièces d’orfèvrerie et de d’horlogerie, alimentent le marché local en belles étoffes, en articles de mode et en accessoires. Mais, au cours des dernières années de l’Ancien Régime, la dégradation de la situation économique est ressentie à Lorient comme ailleurs. Elle est toutefois aggravée ici à la fois par la restauration du monopole du commerce indien au profit de la Compagnie de Calonne et par les difficultés rencontrées par le commerce avec les États-Unis. Cela nuit aux affaires et les faillites semblent alors plus nombreuses que de coutume. Pour la période 1783-1789, les fonds du Consulat de Lorient contiennent 93 bilans de faillites74. Dans huit d’entre eux on retrouve la trace de créanciers lyonnais. Leurs débiteurs sont : Guillaume Guyot, marchand d’étoffes et de toiles et Louis Mailliet, marchand installé rue de Bretagne, tous deux faillis en 1783 ; la maison Richette et Cie, et le marchand drapier Joseph Cannelle qui déposent leur bilan en 1784 ; Witt Delmestre et Cie, Jean-Baptiste Félix Fontaine et une marchande de mode, la veuve Rouyer, qui font faillite en 1787 ; François Landois le jeune, marchand, qui cesse son activité en 1789. En parcourant ces bilans, on peut retrouver les raisons sociales des maisons lyonnaises auprès de qui ils se fournissent, toutes pourvoyeuses, semble-t-il, de textiles et d’articles de mode. Nous en avons recensé 38. Seules deux créances dépassent 10 000 l.t. (22 % des sommes dues) : François Landois doit 18 096 l.t. 5 s. à l’antenne lyonnaise des indienneurs suisses Plantamour et Rilliet, et Richette et Cie doit 10 103 l.t. à Maillier Monperlier et Cie. Six créances sont comprises entre 5 000 et 10 000 l.t. (35 % des sommes dues), dont quatre au passif de Richette et Cie, neuf entre 2 000 et 5 000 l.t. (26,5 %), dix entre 1 000 et 2 000 l.t. (11 %) et onze inférieures au millier de livres (5,5 %), la dette moins élevée étant de 396 l.t. 15 s. Au total les créances cumulées sur Lyon par ces marchands lorientais se montent à 128 939 l.t. 6 s., ce qui représente près de 15 % de toutes leurs dettes. Mais les situations peuvent être très variables d’une maison à une autre puisque si seulement 2 % des dettes de Jean-Baptiste Félix Fontaine courent sur Lyon (396 l.t. 15 s.), les créances lyonnaises de François Landois le jeune (38 524 l.t. 8 s.) représentent 40 % de son passif, contre 19,5 % pour celles de Richette et Cie (61 986 l.t.), 15,2 % pour celles de Louis Mailliet (10496 l.t.), 10 % pour celles de la veuve Rouyer (1032 l.t.), 7,5 % pour celles de Joseph Cannelle (3082 l.t.), 4,5 % pour celles de Witt Delmestre et Cie (13802 l.t. 3 s.) et 3,7 % pour celles de Guillaume Guyot (652 l.t.).
31Troisième grande place portuaire de Bretagne, Saint-Malo subit aussi le diktat de la mode et, comme les Nantais et les Lorientais – mais aussi les Rennais75 – les Malouins se plaisent à porter de belles étoffes. Nos sources révèlent ainsi les noms de plusieurs négociants ou marchands qui se fournissent auprès de confrères ou de fabricants lyonnais : à la fin des années 1740, Léonard Gabriel Frémont, « marchand en la ville de Saint-Malo », achète ainsi des dorures à Veuve Tollin et fils et Mongez et à Tropenat et Cie76, tandis que Le Louvetel se fournit en chapeaux auprès de Pierre Duverney et Cie77. En 1759, « la dame veuve Desclos Guimorais, marchande au dit Saint-Malo » est débitrice de Devillas et Cie pour 1 060 l.t. 10 s.78. En 1761 c’est une « dame Frémont » qui est à son tour débitrice d’un marchand chapelier lyonnais, Pierre Maisonneuve79, alors que son confrère Revel, également marchand, est débiteur de plusieurs négociants lyonnais, Palerne frères, Jonquet et Fales et Claude Imbert80. Quant à Bonaventure Carret, il séjourne brièvement à Saint-Malo au retour de son troisième voyage, le 20 juillet 1767. Il a alors le ferme espoir d’y décrocher quelques mémoires intéressants, d’autant que la ville a, à l’en croire, une réputation d’opulence et qu’il a pris la précaution de se munir d’une lettre de recommandation que son mentor, le banquier Auriol, lui avait remise à l’intention de « Messieurs Magon ». Malheureusement, les résultats sont loin d’être à la hauteur de ses espérances puisque, dans une ville où il n’entend « que parler misère », il doit se contenter d’une unique commande de satin passée par Millet l’aîné81. S’ils apprécient les soieries les Malouins semblent cependant afficher une préférence un peu plus marquée pour les toiles de coton et les indiennes. Le climat malouin y est certainement pour quelque chose... et la contrebande aussi... Néanmoins, les étoffes de soie sont présentes dans les vestiaires des élites malouines, surtout chez les plus riches. Ainsi Jean-Baptiste Bécard, un des plus riches acteurs du négoce malouin dans les années 1770, possède à sa mort une douzaine de veste de soie, en satin, en moire et en péquin, dans divers coloris – noir, gris, blanc, bleu, or, mordoré rouge, cramoisi – tandis que son épouse, Françoise Bécard Desaunais porte des jupes de légatine, de taffetas, de perse, de gros de Tours, de lampas, de péquin et de soie82. Quant à Luc Magon de la Balue, il profite d’être en affaires avec Dufau de Lyon, auprès de qui il complète ses cargaisons pour Cadix et le Mexique, pour lui commander, en octobre 1726, une pièce d’étoffe pour son épouse et une de ses deux filles, qui savent se montrer insistantes quand il s’agit de se vêtir à la dernière mode :
« Je suis tourmenté mon cher Dufau par Madame de la Balue et par Mademoiselle pour vous prier de faire l’emplette d’un habit complet pour ma fille. La misère du temps et la rareté de l’argent m’ont fait longtemps résister, mais comme elles ne se rendent pas à mes besoins ou, pour mieux dire, à mes raisons, je suis forcé de vous prier de faire cette emplette. Mais comme vous êtes plus raisonnable qu’elles, je vous prie de ménager ma bourse, le temps n’étant pas certes propre à faire de la dépense [...]. Je vous prie d’avoir quelque jolie étoffe à la mode. Comme vous achetez de grosses parties des fabricants, engagez-les à vous faire bon marché. La couleur des roses est celle qui convient mieux. Aussi je vous prie d’avoir cette étoffe couleur de rose. Il en faut seize aunes et demie pour faire l’habit complet et quatre aunes et demie pour le jupon que vous mettrez de la couleur que vous voulez. Je dis pour le jupon car pour l’habit il faut couleur de rose [...]. Comme l’argent est très rare, je compte que vous pourrez faire cette emplette à 12 l.t., mais ayez quelque chose qui ait du goût et consultez quelques dames qui vous puissent aider. Vous savez, mon cher Dufau, que les dames sont pressées, aussi elles vous prient de faire diligence et d’envoyer cet habit au plus vite83. »
32Deux mois plus tard, Dufau est chaudement remercié car, à réception, « Madame et Mademoiselle de la Balue [ont été] très contentes de la pièce d’étoffe couleur de rose » qu’il leur a choisie84. Par contre, au mois de mars suivant, après avoir commandé du satin gris souris pour sa bellemère, l’armateur doit regretter en avoir reçu d’un coloris à ses yeux « trop jeune pour une femme comme Madame de la Touche85 ». À d’autres moments il a l’occasion de passer commande de « seize aunes d’un beau damas vert broché en soie de plusieurs couleurs » pour « une dame de sa famille [qu’il] aime et honore fort86 », puis de 47 aunes de « taffetas d’Angleterre couleur vert émeraude pour rideaux » destinées à sa sœur, la comtesse de Lambilly, et de « 12 aunes d’un beau damas broché fond blanc à la dernière mode » et « de bon goût » pour sa fille aînée Laurence, devenue marquise de Lambilly87.
Rouen, débouché important pour les soieries lyonnaises ?
33Dans son article sur les aires du commerce lyonnais, Maurice Garden fait de Rouen le troisième marché urbain sur lequel les marchands lyonnais parviennent à conclure des affaires, derrière Paris et Montpellier, bien que le nombre de leurs clients y reste limité88. La plus grande partie des soieries et autres articles de Lyon écoulés sur le marché rouennais serait d’abord destinée à satisfaire la demande locale d’une élite fortunée qui, ici comme ailleurs, apprécie toujours les belles et riches étoffes de soie, d’or et d’argent. Mais les marchands rouennais contribuent aussi, par le réseau des foires, à redistribuer ces étoffes dans les arrière-pays normand et picard, comme leurs confrères nantais le font en Basse-Bretagne ou les Bordelais en Aquitaine. Enfin, bien que nous n’ayons pas trouvé dans nos sources de marchands rouennais qui, dans leur correspondance, laisseraient entendre que leurs commandes sont destinées aux marchés britannique ou hollandais, cette possibilité ne saurait être écartée, compte tenu des liens qui existent alors entre le port normand et ses voisins anglais, flamands et bataves. D’ailleurs, entre 1765 et 1768, Bonaventure Carret et ses associés utilisent à plusieurs reprises les services de consignataires rouennais, Pierre Godefroy et la maison Le Borgne et Cie, pour faire charger sur des navires hollandais des caisses de soieries destinées à des clients d’Amsterdam, Adrian Émerey, Boutre et Tumminck, et la veuve Joannes Puttman et fils89. Inversement, en janvier 1729, c’est Blatin, marchand installé rue de la Grosse-Horloge à Rouen, qui adresse à son oncle Bernardin Garat, marchand d’étoffes à Lyon auprès de qui il se fournit habituellement en taffetas, gros de Tours et damas, une « petite note » que lui a confiée un « monsieur de Flandres » qu’il entend lui recommander pour de futures affaires90.
34Dans son étude sur le commerce rouennais, construite à partir de l’analyse de 469 bilans de faillites sur une période d’un demi siècle, entre 1740 et 1791, Pierre Dardel nous montre de son côté que ce sont surtout les « marchands de tissus en général » – catégorie qu’il distingue des « marchands de tissus locaux », drapiers et toiliers – qui doivent de l’argent sur Lyon, puisque le montant de leurs créances passives s’élève à 175 434 l.t., soit 42,8 % des 409 206 l.t. dues au négoce lyonnais par l’ensemble des faillis constituant son panel91. Ces 175 434 l.t. représentent 10,4 % de l’ensemble des créances des 17 « marchands de tissus en général » qui font partie de cette étude, ce qui fait de Lyon la deuxième place sur laquelle ils doivent de l’argent, derrière Rouen mais devant Beauvais, Tours. Au total, la valeur des achats effectués sur la place de Lyon par ces marchands rouennais égale alors celle des étoffes achetées à Darnétal ou à Elbeuf, les deux grands centres toiliers et drapiers voisins.
| Nombre | Montant global des créances passives | Créances dues sur Lyon | Soit en pourcentage des créances passives |
Négociants | 111 | 13 229 069 l.t. | 100 412 1t. | 0,75 % |
Marchands se livrant au commerce intérieur | 135 | 9416 549 l.t. | 78 626 l.t. | 0,83 % |
Marchands de tissus locaux | 0 | – | – | – |
Marchands de tissus en général | 17 | 1 687 783 l.t. | 175 434 l.t. | 10,39 % |
Tableau II. – Place de Lyon parmi les créances passives du commerce rouennais (1740-1791)92
35Au premier rang de ceux qui, à Rouen, entretiennent des relations suivies avec les marchands d’étoffes lyonnais figurent certainement des marchands passementiers, des marchands merciers et des marchands de soieries et d’articles de confection. Nous en avons d’ailleurs retrouvé quelques uns dans le fonds du Consulat de Rouen. Les frères Havard sont des marchands passementiers qui déposent leur bilan en 1748. Leurs dettes s’élèvent à 339 912 l.t. 6 s. 6d. Leurs principaux créanciers se trouvent à Lyon, Paris et Morlaix ainsi qu’à Rouen et dans les environs. Ils doivent au total 158 542 l.t. 6 s. 7 d. sur la place de Lyon, ce qui représente près de la moitié de leur passif (46,6 %), et on recense, parmi leurs onze créanciers lyonnais, six des dix raisons sociales auxquelles ils doivent le plus d’argent93. Un mois avant la proclamation de la faillite, huit de ces créanciers lyonnais avaient d’ailleurs signé devant notaire une procuration en blanc pour être représentés « aux assemblées que pourraient requérir les sieurs Havard pour examiner leurs affaires et parvenir à l’arrangement d’icelles », procuration qui nous permet d’identifier en passant un douzième créancier, Joseph Sarcey et Cie94. L’année suivante, ayant appris que les frères Havard ne sont pas en mesure d’honorer la première échéance du remboursement de leurs dettes, ils envoient même à Rouen l’un d’entre eux, Jacques Sarcey, pour les représenter dans les assemblées des créanciers95.
36En 1780, Jean-Thomas Le Gouez, marchand mercier, fait faillite lui aussi. Ses dettes se montent à 47 399 l.t. 10 s. 8 d. réparties entre trente créanciers dont six Lyonnais à qui il doit en tout 11 262 l.t. 19 s. 3 d., soit près d’un quart de son passif (23,7 %)96. Deux ans plus tard, ce même marchand dépose une deuxième fois son bilan, déclarant désormais un passif de 32 684 l.t. et les mêmes six créanciers lyonnais, à concurrence de 29,5 % de ses dettes, soit 9 645 l t. 19 s. 11 d.97. Parfois, sans qu’il n’y ait de précision quant à la nature exacte des activités d’un failli, on peut supposer qu’il puisse s’agir d’un marchand de soieries ou d’articles de la Fabrique de Lyon, dans la mesure où les dettes contractées sur cette place pèsent relativement lourd dans le bilan déposé au Consulat. C’est par exemple le cas, en 1779, de Charles Rouzé qui, en qualité de « marchand », déclare 127 247 l.t. 10 s. 7d. de dettes chirographaires contractées auprès de soixante-neuf créanciers dont sept Lyonnais à qui il doit au total 22 315 l.t. 3 s., soit 17,5 % de son passif98. On retrouve également des créanciers lyonnais dans les bilans de marchands chapeliers comme Jean-Jacques Pouchet fils en 177699 ou Nicolas Abel Varin en 1783100, ainsi que dans ceux de marchands bonnetiers comme Jacques Étienne Gourdain en 1781101.
37Si l’approvisionnement du marché rouennais des soieries est d’abord l’affaire de négociants qui traitent plutôt avec des marchands de tissus spécialisés dans les articles de qualité, il ressort de l’étude de Maurice Garden que les marchands-fabricants lyonnais ne réaliseraient de leur côté que des affaires modestes à Rouen, moins importantes par exemple que celles qu’ils peuvent conclure sur la place de Bordeaux. Rien d’étonnant à cela dans la mesure où la capitale normande a considérablement développé et diversifié ses activités textiles et peut, cotonnades en tête, offrir à sa population une très grande variété d’étoffes de bonne qualité et à des prix abordables.
38Au cours du XVIIIe siècle, les ports de la façade atlantique sont donc devenus un débouché à part entière pour les étoffes et les articles de confection de la Grande Fabrique lyonnaise. Trois marchés s’y complètent : celui de la ville proprement dite et de ses élites, qui s’élargit avec la soumission progressive des mondes du négoce et de la boutique aux exigences du paraître ; celui de l’arrière-pays plus ou moins vaste que la ville-port contribue à approvisionner en produits manufacturés de toutes provenances, comme le font, par exemple, Nantes pour la Basse-Bretagne et Rouen pour la Normandie ; celui des colonies enfin, dont elle contrôle l’approvisionnement, à l’instar de Bordeaux. Dans l’ombre des « Messieurs du commerce », c’est aussi toute une corporation qui, du négociant au boutiquier et à la marchande de mode, se plait bientôt à porter des vêtements de velours, de damas, de taffetas ou de satin et à en apprécier la beauté, la légèreté ainsi que la variété des dessins et des couleurs, comme le révèlent les études qui ont pu être menées à partir du contenu de ses garde-robes. Mais, comme l’illustrent les déboires de Carret à Bordeaux et à Nantes, cette clientèle conserve des exigences à la hauteur de la connaissance qu’elle a des étoffes de qualité. Dans chacun des ports que nous venons de visiter, les exemples ne manquent donc pas de boutiquiers ou de marchands merciers ou passementiers dont les arrière-boutiques renferment des articles de Lyon, ni de marchands dont les bilans de faillite révèlent des listes plus ou moins importantes de créanciers lyonnais. Pendant longtemps, la seule étude des fonds d’archives lyonnais a certainement minimisé la place que pouvaient alors tenir les grandes places de l’Ouest dans l’aire de distribution de la soierie, de la mercerie et de la passementerie lyonnaises. Certes nous ne prétendons pas affirmer qu’il s’agissait là de marchés majeurs, mais le nécessaire rééquilibrage permis par le croisement des sources lyonnaises et ponantaises doit permettre de redonner une place plus significative à ces villes et à leurs marchés dans l’espace commercial de la « Grande Fabrique » de Lyon. Cette intégration des ports du grand commerce atlantique à l’aire de distribution des étoffes et articles de Lyon doit nous permettre d’aller au-delà des cartes établies autrefois par Pierre Léon et Maurice Garden102, lesquelles sont toujours obligeamment publiées, accompagnées de commentaires réglant de manière souvent expéditive le sort des régions atlantiques, encore rejetées sans autre forme de procès à la marge de l’espace économique lyonnais103. Les historiens de l’économie lyonnaise ont jusqu’alors sous estimé les enjeux des liaisons commerciales qui se sont établies au XVIIIe siècle entre leur ville et les régions de l’ouest du royaume et, même si les ports du Ponant demeurent des partenaires secondaires du commerce lyonnais, on ne peut ignorer la présence de toute la gamme des articles de la Fabrique de Lyon, tant dans les arrière-boutiques des détaillants de Bordeaux, de Nantes ou de Rouen, mais aussi de Landerneau ou de Pontivy, que sur les étals des foires de Bordeaux, de Normandie et de Basse-Bretagne ou encore à bord des vaisseaux en partance pour les îles de l’Amérique. Toutefois, l’accès aux marchés américains reste longtemps sous la dépendance du négoce bordelais et de ses commandes car, comme le rappellent Rey et Magneval à Balthazar David et Cie en 1759, Lyon hésite encore à courir pleinement le risque maritime et ne « donne [que] difficilement dans de pareilles affaires104 ». Pourtant, depuis près de deux décennies déjà, les horizons du commerce lyonnais se sont progressivement élargis aux colonies ultramarines et, autour de l’église Saint-Nizier, un certain nombre de maisons de négoce a pris l’habitude de traiter directement avec des commissionnaires établis à La Martinique ou à Saint-Domingue.
Notes de bas de page
1 CCIL, registre des délibérations (1749-1754).
2 En ajoutant à la valeur des marchandises lyonnaises celle des produits de Saint-Étienne, on atteint la somme de 812 373 l.t., soit 5,65 % de la valeur totale des exportations industrielles vers Saint-Domingue, laquelle se monte, pour cette année 1788, à 14 361 905 l.t. Butel. P., Les négociants bordelais..., op. cit., p. 400.
3 Ibid., p. 34.
4 Ibid., p. 103.
5 Les autres créanciers lyonnais de Dalpuget et Petit sont Desandré frères et Cie (10 955 l.t. 14 s.), André Chantre (10 838 l.t. 17 s. 6 d.), Jean-François Fayet (8 634 l.t. 8 s.), Bonnafond et Monlong (8 259 l.t. 17 s. 6 d.), Étienne Creput (6 733 l.t. 6 s. 3 d.), Regny et Cie (6 643 l.t. 10 s.), Gabriel Aymard (6 087 l.t. 9 s.), Pillonchery fils et Cie (5 610 l.t. 5 s.), Foray frères (5 406 l.t. 7 s. 6 d.), Veuve Allard et Cie (4 345 l.t.), Sainte Guette et Jouvenc (3 643 l.t. 2 s. 6 d.), Charles Claude Briasson (3 262 l.t. 10 s.), Bertholet (3 129 l.t.), Jean-Baptiste Moulin (2 779 l.t. 5 s.), Marin Thouves et Cie (2 609 L.), Louis Perrier et Perrin (2 150 l.t.), Claude Michel Évial (2 065 l.t.), Brissardon et Giraud frères (1 366 l.t. 9 s.), et Antoine Coste (1 332 l.t. 3 s. 3 d.). ADR, Actes notariés, 3E 6802b, Claude Firmin Pachot, fo 426, procuration des créanciers lyonnais de Dalpuget et Petit à Darvieu, 25 novembre 1750 ; fo 462, procuration de Antoine Coste à Darvieu, négociant à Bordeaux, 17 décembre 1750.
6 ADR, 8B 876-22, Fiard, faillite Dubreuil Chazamel et Cie de Bordeaux, 1779.
7 Butel s’appuie ici sur le rapport d’un inspecteur des manufactures daté de 1757 ; Butel P., Les négociants bordelais..., op. cit., p. 148.
8 « Ces archives sont extrêmement précieuses, d’une part par le témoignage qu’elles nous offrent de la réussite rapide, mais éphémère, d’une entreprise originale, d’envergure européenne, qui utilise des méthodes neuves, mais dont les marchés se situent dans les aires traditionnelles du commerce européen et lyonnais [...], d’autre part par tous les renseignements qu’elles fournissent sur la France et l’Europe du XVIIIe siècle, à travers une correspondance de premier ordre par son contenu, qui dépasse le cadre élémentaire des préoccupations mercantiles » ; Léon P., Papiers d’industriels et de commerçants lyonnais ; Lyon et le grand commerce au XVIIIe siècle, Lyon, 1976, p. 86-87.
9 ADR, 8B 730-23, Carret, carnets de voyages ; 8B 730-12, corresp. Carret – Ferlat, 1765-1767 ; 8B 730-13, corresp. Carret – Ferlat, 1769-1770.
10 ADR, 8B 730-12, Carret, corresp. Carret – Ferlat, 24 janvier 1766.
11 Ibid., 18 et 29 août 1767.
12 Ibid., 3 janvier 1767.
13 Butel P., La croissance commerciale bordelaise dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, thèse doct., Lille, 1973, p. 434 et Les négociants bordelais..., op. cit., p. 103.
14 ADG, 7B 1801, Pellet, Lyon, Mazard, 21 septembre 1728.
15 Ibid., 2 juin 1729.
16 Ibid., 9 juillet 1729.
17 Ibid., 6 septembre 1729.
18 Vial P., Un négociant français à Cadix : Antoine Granjean (1752-1775), mém. DES, Lyon, 1964, 191 p.
19 Cavignac J., Jean Pellet, commerçant de gros, 1694-1772 ; Contribution à l’étude du négoce bordelais au XVIIIe siècle, Paris, 1967, 406 p.
20 ADG, 7B 1801, Pellet, Lyon, Ougster frères, 25 juillet 1733.
21 Ibid., 18 septembre 1733.
22 ADG, 7B 1365, Fontanilhe, Lyon, Bleoud Michalet et Cie, 4 juin 1779.
23 ADG, 7B 1220, Cordier et Joly, Lyon, Pillichody et Reboul, 23 juillet 1790.
24 ADG, 7B 2183, Vallet et Roger, Lyon, B. Vourlat, 1er juin 1737.
25 Ibid., 27 juillet 1737.
26 Ibid., Mazard l’aîné et Aguetan, 17 février 1739.
27 ADG, 7B 1252, Balthazard David et Cie, Rey Magneval et Dumas, 12 mai 1759.
28 ADR, 8B 730-21, Carret, reg. copies de lettres (1767-1772) ; 8B 730-4, corresp. Bordeaux : près d’un tiers de ces lettres (91) sont adressées à Carret et Cie par Fégers frères.
29 ADG, 7B 1220, Cordier et Joly, Lyon, Pillichody et Reboul, 1er octobre 1790.
30 Ibid., 19 octobre 1790.
31 ADG, 7B 1220, Cordier et Joly, Lyon, Corderier et Cie, 31 janvier 1787.
32 ADG, 7B 2183, Vallet et Roger, Lyon, Pascal Cartal et Cie, 23 juillet 1739.
33 Ibid., Mazard l’aîné et Aguetan, 17 février 1739.
34 ADM, E 2395, Delaye frères, carton 2, lettre B, Bridant Randon Legendre et Chaigneau, 21 juillet 1788.
35 Le négociant est présenté comme « un des principaux acteurs urbains de l’accélération de la consommation » ; Roche D., Histoire des choses banales. Naissance de la consommation, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, 1997, p. 55.
36 Ibid., p. 271.
37 Roche D., La culture des apparences. Une histoire du vêtement, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, 1989, 549 p.
38 Ibid., p. 106.
39 Ibid., p. 107.
40 Garden M., « Aires du commerce lyonnais... », op. cit., p. 288.
41 Savary des bruslons J., op. cit., t. I, p. 116.
42 Butel P., Vivre à Bordeaux sous l’Ancien Régime, Paris, 1999, p. 306.
43 ADR, 8B 730-12, Carret, corresp. Carret – Ferlat, 24 janvier 1766.
44 Butel P., Vivre à Bordeaux..., op. cit., p. 306.
45 ADR, 8B 730-13, Carret, corresp. Carret – Ferlat, 6 et 15 janvier 1770.
46 Duhart F., Habiter et consommer à Bayonne au XVIIIe siècle. Éléments d’une culture matérielle urbaine, Paris, 2001, p. 210-213.
47 Ibid., p. 214-216.
48 Ibid., p. 214-215.
49 ADR, 8B 730-21, Carret, reg. copies de lettres no 2 (1769-1772), Billatte, 24 octobre 1770.
50 Gardey P., op. cit., p. 519-520 et 691.
51 Ibid., p. 521.
52 Ibid., p. 522 et 696.
53 Les marchands rochelais démarchés par Carret sont Gareau et fils, Raboteau l’aîné, Huas, Thuard, J. J. Vatable et les demoiselles Brisson, qui lui commandent du gros de Tours, du satin, du velours, des galons, des gants, des bourses et des mouchoirs de soie ; ADR, 8B 730-12, Carret, corresp. Carret-Ferlat, 15 février 1766, 22 janvier et 31 juillet 1767.
54 Ces commandes sont passées par Antoine Chiron, Courrault frères, Laurent Le Vacher, la dame Honnoraly, Aubert fils, Guyot et Huron Durochet ; Ibid., 15 et 20 février 1766.
55 Ibid., 27 janvier 1767.
56 ADR, 8B 730-3, Carret, Bretagne, Honnoraly, 27 mai 1766 ; Guyot, 31 juillet 1766.
57 Carret a contracté la jaunisse : « L’inquiétude que j’ai essuyée de trouver si peu de choses à faire dans la Bretagne, y venant trop tard, jointe à la fatigue continuelle m’ont tellement miné que la bile s’est répandue dans la masse de mon sang et que j’ai l’avantage d’avoir troqué ma blancheur contre la couleur des cocus. Je suis jaune comme du safran et n’ai dans tout mon corps de blanc que la denture ». ADR, 8B 730-12, Carret, corresp. Carret – Ferlat, 31 juillet 1767.
58 Négociées auprès de Carret pour 2 478 l.t. 4 s., les 4 pièces de taffetas d’Angleterre, les 20 aunes de florence gris, les 2 demies pièces de mi-florence et les 40 aunes de satin sont facturées 2 730 l.t. lors de leur expédition un mois plus tard. Les associés de Carret se justifient en évoquant une récente augmentation respective du prix « des florences et demy-florences » de 5 sous et de 4 sous. ADR, 8B 730-3, Carret, Bretagne, Carié frères, 26 septembre 1767 ; 8B 730-21, reg. copies de lettres (1767-1769), Carié frères, 24 août et 10 septembre 1767.
59 ADR, 8B 713, Brun, liste des débiteurs recensés au début de l’année 1744.
60 ADR, 8B 713, Brun, liste des débiteurs recensés au début de l’année 1748.
61 ADR, 8B 730-3, Carret, Bretagne, Carié frères, septembre 1767.
62 ADR, 8B 909, Garat, reg. copies de lettres (1727-1729) ; Mathurin Prigent, Landerneau (1728-1730).
63 ADR, 8B 876-5, Fiard, Bretagne, Pineau frères, 27 septembre 1775 et 19 mars 1776.
64 Moreau L., Les notables nantais et la mode vestimentaire dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, mém. maîtrise, Univ. Nantes, 2001, 176 p. Cette étude s’appuie sur le dépouillement de 121 garde-robes de notables nantais réparties sur deux décennies, 1749-1759 et 1780-1789.
65 58 % des robes à la française inventoriées entre 1749 et 1759 sont en soie, de même que 76 % des robes à la française et 52 % des robes à la polonaise répertoriées entre 1780 et 1789 ; ibid., annexes 80 et 81.
66 Un tiers des hommes du corpus sur lesquels a travaillé Laure Moreau pour les années 1780 possèdent au moins une veste de tissu or ou argent ou de soie brodée or ; ibid, p. 51.
67 Gapin V., La famille Quimper et l’histoire d’un commerce lorientais au temps de la Compagnie des Indes (1725-1760), mém. maîtrise, Univ. Lorient, 1999, t. 1., p. 10.
68 ADM, 11B 102 et 11B 103, Consulat de Vannes, Veuve Quimper et fils, reg. de comptes, 1740-1742.
69 Parmi les relations d’affaires de la maison Quimper, V. Gapin distingue les fournisseurs « officiels » (au nombre de 140, elle les définit comme « ceux pour lesquels nous retrouvons la trace d’un échange de valeurs ») des fournisseurs « connaissances » (au nombre de 72, ils sont ainsi qualifiés « lorsqu’il n’y a pas de traces de transactions entre eux et la boutique »). Gapin V., op. cit., t. 1, p. 113 à 115.
70 Ibid., p. 114-115.
71 Ibid.
72 ADR, Actes notariés, 3E 6918, fonds Patrin, fo 21, procuration en blanc de Duvernet et Cie, 7 février 1761.
73 ADR, Actes notariés, 3E 3211a, fonds Cabaret, procuration de Maurier et Aussenac à Calmet, 26 juin 1753.
74 ADM, 12B 28, Consulat de Lorient, Faillites, bilans et liquidations, 1783-1791.
75 Signalons à ce propos quelques travaux universitaires portant sur les garde-robes rennaises au XVIIIe siècle : Timonnier S., Les garde-robes rennaises d’après les inventaires après décès de 1688 à 1720, Rennes, 2002, 283 p. ; Sabin F., Les garde-robes rennaises de 1750 à 1759, Rennes, 2001, 252 p. ; Turck S., Les pratiques vestimentaires des Rennais d’après les inventaires après décès de 1779 à 1789, Rennes, 1998, 275 p. ; Andrieu L., Les pratiques vestimentaires des Rennais d’après les inventaires après décès de 1790-1800, Rennes, 2002, 275 p.
76 ADR, Actes notariés, 3E 4697, François Durand, procuration de Veuve Tollin et fils et Mongez à Julien Corbillé, négociant à Saint-Malo, 2 janvier 1750 ; 3E 3210, Jacques Cabaret, procuration de Tropenat et Cie à Ferdinand Ohier, marchand à Saint-Malo, 8 juin 1752.
77 ADR, Actes notariés 3E 2871a, Bertholon père, procuration de Pierre Duverney et Cie à Métrée Onfray, 10 avril 1750.
78 ADR, Actes notariés, 3E 3217a, Jacques Cabaret, procuration de Devillas et Cie à Millet l’aîné, négociant à Saint-Malo, 10 mars 1759.
79 ARD, Actes notariés, 3E 3219b, Jacques Cabaret, procuration de Jeanne Chardon à Me Rufflé, procureur à Rennes, 18 août 1761.
80 ADR, Actes notariés, 3E 6918, Patrin, procuration collective en blanc, 3 juin 1761.
81 ADR, 8B 730-12, Carret, corresp. Carret – Ferlat, 20 juillet 1767.
82 Leneveu E., Les pratiques vestimentaires à Saint-Malo de 1780 à 1789, d’après les inventaires après décès, mém. maîtrise, univ. Rennes, 2000, p. 55 et 44.
83 ADIV, 11J 8, Magon de la Balue, reg. copies de lettres (1726-1727), Dufau, 19 octobre 1726.
84 Idid., 12 décembre 1726.
85 ADIV, 11J 9, Magon de la Balue, reg. copies de lettres (1727), Dufau, 9 mars 1727.
86 Ibid., Dareste et Bona, 30 juillet 1727.
87 ADIV, 1F 1900, Magon de la Balue, reg. copies de lettres (1737-1739), Jacques Lambert, 21 février et 27 juillet 1738. Hélène Magon de la Lande, sœur de Luc, a épousé en 1701 Pierre de Lambilly, conseiller au Parlement de Bretagne et, en 1734, Laurence Magon de la Balue, sa nièce, fille de Luc, épouse à son tour le marquis Pierre Laurent de Lambilly, également conseiller au Parlement ; Lespagnol A., op. cit., t. 2, p. 841-843.
88 Garden M, « Aires du commerce lyonnais... », op. cit., p. 298.
89 ADR, 8B 730-3, Carret, Rouen, Pierre Godefroy, 13 septembre et 5 octobre 1766 ; Le Borgne et Cie, 25 septembre 1765, 21 juillet 1766, 24 mai 1767 et 6 juin 1768.
90 « Comme c’est un homme qui fait beaucoup en soieries, vous pourriez faire de très jolies affaires ensemble. C’est un homme avec lequel ma bourgeoise fait des affaires, et lui ayant dit que c’était des environs de Lyon que j’avais des oncles auxquels je pourrais m’adresser, c’est ce qui fait que dans la note ci-incluse il me prie de m’adresser à mon oncle. » ADR, 8B 909, Garat, Rouen, Blatin, 25 janvier 1729.
91 Dardel P., « Les courants du commerce extérieur et intérieur de Rouen au XVIIIe siècle », Annales de Normandie, 1954, no 2, p. 153-163.
92 Ibid.
93 Les créanciers lyonnais de la maison Havard frères sont Sarcey et Cie (45 637 l.t. 10 s. – 2e créancier derrière Gaudin de Paris à qui ils doivent 51 653 l.t. 2 s.), Prevel (38 793 l.t. – 4e créancier après Gervaise de Rouen à qui ils doivent 39 415 l.t. 12 s.), Floris et Mongirod (19 758 l.t. 5 s. 6 d. – 5e créancier), Melchior Cherb (12 962 l.t. 14 s. – 6e créancier), Pautrier père et fils et Cie (9 765 l.t. 18 s. – 8e créancier), Fabre père et fils et Cie (6 545 l.t. 1 s. 3 d. – 10e créancier), Delaval et Cie (6 476 l.t. 9 s. 4 d.), Cizeron père et fils et Cie (5 567 l.t. 1 s.), Laugier et Mongirod et Cie (5 295 l.t. 17 s. 6 d.), Aubert et Cie (4 228 l.t.) et veuve Lafonte et Cie (3512 l.t. 10 s.). ADSM, 201 BP 523, Consulat de Rouen, bilans de faillites, 1748 : Havard frères, marchands passementiers à Rouen, 12 novembre 1748.
94 ADR, Actes notariés, 3E 2869, Bertholon, procuration conjointe des négociants Pautrier père fils et Aubert, Joseph Sarcey et Cie, Floris et Mongirod, Laugier et Mongirod, Melchior Cherb et Cie, Delaval et Cie, Antoine Fabre père et fils, et veuve Delafond et fils, 8 octobre 1748.
95 ADR, Actes notariés, 3E 2870, Bertholon, procuration commune à Pautrier père fils et Auber, Joseph Sarcey et Cie, Floris et Mongirod, veuve Delafond et fils, Delaval et Cie, Laugier et Mongirod et Cizeron père fils et Cie, 25 juin 1749.
96 Les six créanciers lyonnais de Le Gouez sont Robin père et fils (5 329 l.t.), Menard père et fils (2 461 l.t. 6 s. 9d.), Piallat Martin et Cie (2 087 l.t. 7 s. 6 d.), Pierre Teisserenne, Bedos et Grassot (701 l.t. 15 s.), Leguez et Berthelot (441 l.t. 10 s.) et Martin frères (242 l.t.). ADSM, 201 BP 548, Consulat de Rouen, bilans de faillites, 1780, no 1 : Jean-Thomas Le Gouez, marchand mercier, 8 janvier 1780.
97 Cette fois Le Gouez déclare devoir 4 796 l.t. 2 s. à Robin père et fils, 2 001 l.t. 18 s. 3 d. à Menard père et fils, 1 669 l.t. 12 s. à Martin Piallat et Cie, 631 l.t. 11 s. 6 d. à Pierre Teisserenne, Bedos et Grassot, 353 l.t. 4 s. à Leguez et Berthelot et 193 l.t. 12 s. à Martin frères. ADSM, 201 BP 54, Consulat de Rouen, bilans de faillites, 1782, no 119 : Jean-Thomas Le Gouez, septembre 1782.
98 Ce marchand doit 6 803 l.t. à Benet Lafonte, 6 407 l.t. 10 s. à Tesseran, 4 312 l.t. à Caminet frères, 2 332 l.t. à Allambert frères, 989 l.t. 9 s. à Vuliet et Durand, 880 l.t. 4 s. à la veuve Neuimberg et 591 l.t. à Teste neveu. ADSM, 201 BP 547, Consulat de Rouen, bilans de faillites, 1779, no 104 : Charles Rouzé, marchand, 15 mai 1779.
99 Ce marchand déclare deux créanciers lyonnais, Pascal et Barrault, à qui il doit 800 l.t. et 550 l.t., soit 19,7 % des 6 841 l.t. de dettes qu’il a contractées auprès de dix-huit créanciers. ADSM, 201 BP 544, Consulat de Rouen, bilans de faillites, 1776, no 9 : Jean-Jacques Pouchet fils, marchand chapelier, 13 janvier 1776.
100 Varin doit 5 836 l.t. 5 s. à neuf créanciers dont deux Lyonnais, Seriziat et Chabert et Bubaton, à qui il doit respectivement 1 129 l.t. et 300 l.t. 5 s., soit 24,4 % du total de ses dettes. ADSM, 201 BP 551, Consulat de Rouen, bilans de faillites, 1783, no 130 : Nicolas Abel Varin, marchand chapelier, 22 novembre 1783.
101 Gourdain déclare 19 646 l.t. 5 s. 6 d. de dettes chirographaires réparties entre 19 créanciers parmi lesquels deux maisons lyonnaises, Gimet et Germain à qui il doit 1 615 l.t. et Martel à qui il en doit 1 908, ce qui représente au total 17,9 % de ces créances. ADSM, 201 BP 549, Consulat de Rouen, bilans de faillites, 1781, no 187 : Jacques Étienne Gourdain, marchand bonnetier, 29 novembre 1781.
102 Léon P., Papiers d’industriels..., op. cit. ; Garden M., « Aires du commerce lyonnais... », op. cit.
103 « Dans le royaume les Lyonnais sont partout, mais Paris est au cœur de leur trafic (45 %) ; les grands ports atlantiques ou méditerranéens sont très éloignés de ce score. Toutefois, Lyon règne largement sur une vaste zone délimitée par Besançon, Clermont-Ferrand, Toulouse, Perpignan, Montpellier, Marseille et Grenoble. La vallée de la Saône et du Rhône, une grande partie de la Provence et du Languedoc sont sous sa coupe ». Pelletier A., Rossiaud J., Bayard F., Cayez P., Histoire de Lyon des origines à nos jours, Lyon, 2007, p. 493-495.
104 ADG, 7B 1252, Balthazar David et Cie, Lyon, Rey Magneval, 12 mai 1759.
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