Les écrivains dans la Résistance en Belgique francophone
p. 257-274
Texte intégral
1Les historiens s’accordent à penser que la résistance, la non-résignation face aux agressions de l’occupant, peut se manifester de manière musclée, par l’action directe, mais s’exprime également par une parole qui peut être publique ou même de l’ordre du privé (correspondance, journal…) et qui témoigne d’un état d’esprit.
2Force est de constater que les écrivains belges choisissent plutôt la première voie. En Belgique, il n’existe pratiquement pas de littérature de résistance à proprement parler : une littérature certes clandestine, mais qui n’en a pas moins une vocation publique.
3Nous voudrions ici expliciter les modalités de la résistance des écrivains belges et montrer à quel point leurs prises de positions s’articulent au contexte belge.
Contexte, chiffres et typologie
4Certains écrivains décident de « casser leur plume » pendant l’Occupation. L’activité littéraire n’est pas interrompue pour autant. Des livres et des revues continuent de paraître. Outre les textes explicitement en faveur de l’occupant, la majeure partie des publications, pour pouvoir passer à travers les mailles de la censure, relève, soit du divertissement pur, soit des organes de partisans de ce que les historiens appellent la politique du moindre mal, à savoir l’accommodation avec l’ennemi combinée avec l’affirmation voilée d’une identité ou d’une opinion propre. Dans cette mouvance, on trouve les éditions l’Essor ou du Cercle d’art, ou encore la revue L’Arc-en-ciel. Toutes ces initiatives exhalent l’identité belge (par des symboles forts tels que la peinture flamande et les corporations médiévales) et en appellent au patriotisme belge. Elles peuvent être lues comme une résistance à l’oppression ennemie mais une telle prise de position n’est jamais explicitée. En revanche, la revue L’Arc-en-ciel ne cache pas son espoir dans l’homme nouveau, qu’elle espère belge et catholique. Mais qu’en est-il de la résistance explicite à l’Allemagne nazie ?
5Grâce à la base de données sur les écrivains belges actifs entre 1920 et 1960 que le Collectif interuniversitaire d’étude du littéraire (CIEL) confectionne depuis 2002, nous avons pu comptabiliser cinquante-huit individus pour lesquels au moins une action (ou une activité) résistante est attestée1. Parmi eux, trente-cinq se sont vu décerner un statut officiel de reconnaissance nationale, donnant généralement droit à des pensions diverses (voir tableau récapitulatif en annexe). Ce statut distingue : la résistance armée, la résistance civile, la résistance par presse clandestine et les prisonniers politiques ; les statuts peuvent bien sûr être cumulés. Les statuts cumulés par notre corpus se ventilent comme suit :
Résistance armée | 25 |
6En sus, vingt-trois écrivains répertoriés dans la base de données du CIEL ont eu pendant la guerre une activité qualifiée, par eux ou par les historiographes, de résistante. Elle n’a cependant pas été reconnue officiellement, soit parce que les intéressés ont été déboutés, soit parce qu’ils n’ont pas fait les démarches nécessaires.
7Comme nous allons le voir, certaines activités relèvent de ce qu’on pourrait appeler la « résistance littéraire ». Le problème du statut de cette forme d’engagement constitue l’une des questions que nous voudrions poser ici. De manière générale, d’ailleurs, il est ardu de cataloguer les activités de résistance, non seulement parce qu’elles sont extrêmement diverses, mais aussi parce qu’elles s’inscrivent sur un continuum qui va de la collaboration à la résistance. Comme l’a rappelé François Marcot, l’on pourrait rapidement tomber dans le piège de ranger les individus dans quelques catégories rigides, alors que la réalité est tout autre : la désobéissance, l’esprit d’insoumission, l’adaptation contrainte, etc., sont autant de matérialisations différentes d’une opposition consciente à l’ennemi2. Sans prendre en compte le quidam qui aurait généreusement nourri des réfractaires de passage, nous ne nous sommes pas non plus cantonnées aux écrivains qui avaient été reconnus par les instances officielles. Les quatre formes de résistance identifiées par l’État étant extrêmement étanches, nous les avons par contre regroupées sous l’intitulé « résistance de terrain », qui nous semble recouper la situation de ces écrivains qui sortent délibérément du champ littéraire pour agir, en prenant les armes, en intégrant des réseaux de renseignements ou d’évasion, ou en participant à la publication clandestine de journaux.
La résistance de terrain
8Journalistes au Soir avant la guerre, Fernand Demany (1904-1977) et Désiré Denuit (1905-1987) s’engagent au Front de l’Indépendance, tout comme Paul-Aloïse De Bock (1898-1986), Georges Remy (1899-1974) et Charles Moisse (né en 1910). Demany y exerce les fonctions de secrétaire général, en sa qualité de cofondateur du Front, avec l’abbé Boland et Albert Marteaux. Le Front, très marqué à gauche (Marteaux et Demany sont communistes), édite 75 journaux clandestins différents. Leur coup de maître est un « faux » Soir, journal qui imite le quotidien Le Soir, censuré par les Allemands. Distribué le 9 novembre 1943, le « faux » Soir travestit la réalité en annonçant, par exemple, la capitulation de Mussolini et d’Hitler.
9Augustin Habaru (1898-1944) et Achille Chavée (1906-1969) intègrent le Parti communiste clandestin. Le futur écrivain Paul Nothomb (1913-2006), seul officier de carrière que le Parti communiste belge compte dans ses rangs, jette avec d’autres communistes les bases des Partisans armés, branche armée du parti qui se spécialise dans les sabotages. Spécialiste de chœurs parlés, Lucien André (1918-1991) exerce les fonctions de commandant de corps aux Partisans armés, sous le nom de « Claude ». Il en tirera un Roman partisan, qui ne sera publié qu’en 19863. Arrêté le 13 mai 1943, Paul Nothomb est torturé. Il livre en juin le nom de plusieurs résistants. Ses aveux se soldent par 55 arrestations, ce qui lui vaudra la dégradation militaire à la Libération. Sous le pseudonyme de François Seignaire, il publiera ensuite Le délire logique (1948), témoignage romancé dans lequel il se justifie : « pauvre masse de chair effrayante à voir et surtout complètement vide à l’intérieur de toute espèce d’armature idéologique, de conviction salvatrice ou consolatrice4 », Nothomb s’est rendu compte qu’il ne tiendrait pas devant la torture. Il a alors choisi de collaborer avec ses bourreaux, en inventant une fable délirante mais logique5.
10Charles Terlinden (1878-1972), partisan d’un régime antidémocratique de droite, dirige la Légion belge. Pour tempérer quelque peu ses idéaux autoritaires, on lui adjoint un libéral partisan d’une démocratie saine, Charles Vanderputten. Terlinden sera exclu le 16 juillet 1941 de la Légion belge, après avoir diffusé des écrits politiques susceptibles de compromettre le groupe. La poétesse Marguerite Bervoets (1914-1944), liée à la Légion belge, édite l’hebdomadaire La Délivrance. Arrêtée en 1942 et condamnée à mort à Berlin le 22 mars 1944, elle sera décapitée à Wolfenbüttel le 7 août 1944. La Légion belge modérera progressivement ses propos autoritaires et se mettra au service du gouvernement de Londres, pour devenir l’Armée secrète, que rejoindront Philippe Roberts-Jones (né en 1924), Joseph Ozer (1909-1990), Jean Paulus (1920-2000), Clovis Piérard (1896-1974), Henry Bauchau (né en 1913) – après avoir démissionné des Volontaires du travail, une organisation de jeunesse de sensibilité chrétienne et monarchiste créée en été 1940 et intégrée au rexisme entre 1943 et 1944 – et sans doute Paul Nothomb, après s’être évadé le 24 janvier 1944. Jo Gérard (1919-2006) et Georges-Henri Dumont (né en 1920), également démissionnaires des Volontaires du travail, deviennent quant à eux membres du Mouvement national royaliste.
11Plusieurs journalistes et intellectuels, parmi lesquels Edmond Kinds (1907-1992), Jean Stiénon du Pré (1905-1987), Paul Prist (1882-1953), Charles d’Ydewalle (1901-1985) ou l’éditeur Armand Henneuse (1901-1976), intègrent des réseaux de renseignements ou d’évasion, comme le Service général des agents de renseignement et d’action (S.G.A.R.A.).
12En juillet 1940, l’écrivain et commissaire au Tourisme Arthur Haulot (1913-2005) co-fonde le parti socialiste clandestin et Le Clandestin, un des tout premiers journaux à sortir clandestinement. Il publie ensuite L’Espoir, autre organe clandestin socialiste. Arrêté pour ses activités de résistance, il est déporté à Mauthausen puis à Dachau, camp duquel il reviendra en 1945. Il y fondera le Comité international clandestin des prisonniers.
La résistance littéraire
13Si un nombre significatif d’écrivains s’engage dans la Résistance puis est reconnu comme résistant par les instances nationales après la Libération, on connaît par contre très peu de textes littéraires résistants, comme le souligne Paul Bay (1887-1970), tout en s’interrogeant : « Pourquoi la Belgique ne peut-elle se comparer à la France au point de vue de la littérature clandestine ? Pourquoi n’avons-nous pas eu nos Vercors et nos Éluard6 ? » Le très patriote Georges Clair affirme, lui, plus clairement : « Il faut l’avouer, une fois pour toutes et bien haut : il n’y a pas eu de Poètes de la Résistance en Belgique7. » Cela s’explique.
14Alors que la majorité des périodiques cesse de paraître, environ un écrivain belge sur deux8 continue de publier à découvert. Il faut dire que les maisons d’édition prennent l’habitude de fournir aux services de censure préventive une simple liste des ouvrages littéraires à paraître, et non le texte lui-même. Les censeurs, qui se contentent de ces informations, ne contrôlent donc pas le contenu des ouvrages, qu’ils autorisent habituellement tous. C’est que l’occupant a décidé de favoriser le développement de la culture locale, pour contrer l’influence culturelle de la France et, dans une moindre mesure, celle des Alliés. Dans de très rares cas, l’occupant censure un ouvrage après publication, comme Les Caryatides d’Henry Carton de Wiart (1869-1951), roman paru à l’Office de la Publicité en 1942. Les périodiques, de leur côté, tombent sous le coup d’une censure plus sévère, qui implique l’envoi d’un exemplaire à la Propaganda Abteilung. Il est en outre assez malaisé d’obtenir du papier, denrée rare contrôlée dès 1941 par l’Office central du papier. Cette situation précaire justifie le fait qu’une majorité des périodiques cesse de paraître, alors que la souplesse relative de l’édition littéraire n’incite pas les écrivains à organiser une résistance littéraire (réseaux de maisons d’édition clandestines, etc.) pour accueillir leurs ouvrages9. Il faut cependant mentionner quelques rares tentatives éditoriales de publication, sans demande d’autorisation, comme la collection « Messages », fondée par Paul Février (1915-2006). Cette série comprend vingt-sept numéros, publiés sans autorisation occupante, aux éditions de La Maison du Poète de Pierre-Louis Flouquet (1900-1967). Se voulant en quelque sorte au-dessus de la mêlée, elle accueille tout aussi bien le résistant Arthur Haulot que le journaliste emboché Jean Libert (1913-1996).
15Pour s’opposer à l’occupant, les écrivains choisissent plutôt la résistance de terrain. Rares sont ceux qui font circuler des textes littéraires qui symboliseraient la lutte du pays pour la liberté. Quelques écrits existent cependant : Paul Struye (1896-1974), fondateur de la Libre Belgique clandestine et agent de renseignements au service Zéro, fait circuler anonymement les « Lettres d’un Provincial » ou les nouveaux propos du conseiller Eudoxe10. Ces pamphlets s’inspirent des billets que le conseiller De Haene – Eudoxe dans le texte – avait fait circuler durant la Première Guerre mondiale11. Sous le nom de Cléandre, Struye présente les problèmes juridiques qui se posent en temps de guerre et condamne les thuriféraires de l’Ordre nouveau. La troisième lettre, « Le Pharisien » (11 novembre 1942), traite par exemple du cas de Robert Poulet (1893-1989), journaliste emboché très impliqué dans la collaboration intellectuelle avec l’occupant. La revue littéraire Cimes signale également deux poèmes de Jean Drève (1891-1965). Ces « deux ballades vengeresses [qui] fustig[e]nt avec autant de verve que de mépris les odieux serviteurs du nazisme12 » auraient circulé sous le manteau mais restent introuvables.
16En signe de protestation, certains écrivains choisissent aussi de « casser leur plume » pendant toute la durée de l’Occupation, plutôt que d’accepter les autorisations de publication délivrées par la Propaganda Abteilung13. Ainsi, Robert Vivier (1894-1989) refuse de publier la moindre ligne. Tout comme lui, Marcel Thiry (1897-1977) décide de ne rien publier en Belgique14. Il participe par contre à la résistance littéraire en France, où les structures, mises en place par un groupe d’écrivains réunis autour d’une même idéologie de résistance par les textes, le permettent. Par l’intermédiaire de son ami Georges Adam (1908-1963), écrivain d’origine liégeoise naturalisé français dans le milieu des années 1930, il entre en contact avec la résistance communiste. Sous le pseudonyme d’Alain Demeuse, il publie dans Les Lettres françaises et dans le second tome du recueil L’Honneur des poètes (1944), publié aux Éditions de Minuit clandestines.
17Le théâtre ne connaît pas non plus véritablement de textes résistants. Les actes de résistance se concentrent plutôt sur des intonations ou des jeux de mises en scène particulières : ainsi, insérer La Brabançonne dans la mise en scène du Mariage de Mlle Beulemans peut être interprété comme un acte de résistance15. Certains textes sont aussi réinterprétés par le public, sans avoir été écrits dans la perspective de résister à l’ennemi par la plume. Le Jeu des quatre fils Aymon d’Herman Closson (1891-1982), présenté pour la première fois le 8 décembre 1941 par la troupe itinérante des Comédiens routiers, en est un bon exemple : le combat des quatre frères contre Charlemagne est interprété, par le public, comme un symbole de la résistance des Belges face à Hitler. Il s’agit bien d’une interprétation car les symboles pourraient être compris dans un tout autre sens : le décor médiéval et la thématique du sang et de l’honneur, qui jalonnent toute la pièce, pourraient en effet intégrer les schémas nationalistes et raciques prônés par la politique culturelle allemande16. La strophe finale est d’ailleurs symbolique de cette dualité : on peut y voir à la fois la glorification du pays et la célébration de la victoire des quatre fils contre leur agresseur :
« Ardenne en fleurs, Ardenne ardente,
Pays des ciels, pays des monts,
Pays brûlants du sang wallon,
Ils sont vivants
Tes Quatre Fils Aymon17 ! »
18Les écrivains résistants participent donc d’une double dialectique : s’ils s’engagent dans la résistance de terrain, certains ne publient pas moins dans les maisons d’édition censurées, l’occupant laissant une grande latitude aux écrits littéraires. La résistance de terrain peut donc faire place à l’accommodation sur le terrain littéraire, d’autant plus, sans doute, que l’Occupation est l’occasion rêvée de publier, puisque la frontière culturelle avec la France est fermée et que les maisons d’édition de l’Hexagone n’inondent plus le marché local. Ainsi, Fernand Desonay (1899-1973) – membre du Mouvement national royaliste, qui cache des étudiants juifs et collabore à la presse clandestine –, Camille Hanlet (1893-1978) – qui accueille au collège Saint-Hadelin une trentaine d’enfants juifs sous des noms d’emprunt, héberge des déserteurs allemands, fournit de fausses cartes d’identité et des timbres de ravitaillement aux réfractaires et aux maquisards –, ou encore Max Servais (1904-1990), collaborateur à Combat, engagé dans la résistance de gauche, publient tous trois des essais et textes littéraires dans diverses maisons d’édition se soumettant à la censure préalable18.
La littérature de propagande
19Enfin, il existe bien une littérature de propagande très musclée en faveur de la résistance mais elle émane des États-Unis. Elle est l’œuvre du journaliste Robert Goffin (1898-1984). Émigré à New York ; il devient en 1941 rédacteur en chef du journal pro-gaulliste La Voix de la France, auquel collabore également Maurice Maeterlinck (1862-1949). Dans le courant de l’année 1942, Goffin se fait engager, via Paul-Henri Spaak, ministre socialiste des Affaires étrangères, au Belgian Information Center de New York, organe d’information gouvernemental, dirigé par Jan-Albert Goris (l’écrivain Marnix Gijsen, 1899-1984), en qualité de conférencier et de speaker occasionnel à la radio. Il exerce ces activités durant les trois années qui suivent dans quarante-huit des cinquante États américains. La même année, il est nommé professeur d’Histoire du Jazz à la New School for Social Research19.
20Mais l’écrivain met également sa plume au service de la propagande, ce qu’on pourrait appeler de la « résistance institutionnalisée ». Il donne aux Éditions de la Maison française de New York cinq romans d’aventures et d’espionnage, dans une collection intitulée « De cape et d’épées ». Écrits en quelques semaines, ces romans Le nouveau Sphinx (1941), Le Fusillé de Dunkerke (1941), Le Chat sans tête (1941), Sabotages dans le ciel (1942) et La Colombe de la Gestapo (1943) utilisent intelligemment le suspense et narrent les aventures enchaînées de l’espion allemand Klagenfurth, de la belle espionne anglo-américaine Carole Smith et du directeur belge de la Sûreté militaire Merchandon, sorte de Maigret rajeuni et amoureux de la belle espionne. L’écrivain y mêle plusieurs de ses sentiments, comme la haine du fascisme ou l’attachement à la France. Dans La Colombe de la Gestapo, Merchadon est sur la piste de Klagenfurth qui a réorganisé la 5e colonne aux États-Unis.
21Dans Passeports pour l’au-delà. Récit de l’Underground belge20, Goffin construit son récit autour du résistant Jean Buchet, de la Brigade Blanche, dont la fille meurt de tuberculose. Sa femme, atteinte de la même maladie, ira se présenter comme coupable de la mort de Dumke, un officier allemand, afin d’être condamnée à mort et de laisser la vie sauve aux otages. Buchet ne connaîtra jamais le sacrifice de sa femme car il sera mortellement blessé au cours d’une attaque nocturne au-dessus de la Belgique. Pour écrire ce récit, Goffin a bénéficié et s’est inspiré de précieux renseignements qu’il a pu glaner au Service de propagande sur la Brigade blanche et sur le maquis qu’il appelle l’« underground belge ». Dans le roman, il se venge sur le journaliste collaborationniste Paul Colin, ennemi personnel, dont il a appris l’assassinat. Il commet aussi des bévues qui lui vaudront des procès et des condamnations après guerre, par exemple en interprétant erronément l’explosion de l’usine à poudre de Tessenderloo21.
Quel statut pour la littérature « privée » écrite par des résistants ?
22Beaucoup plus problématiques quant à leur statut sont les écrits privés écrits par des résistants empêchés de s’adonner à leur art parce qu’ils sont emprisonnés. A priori, rien ne les distingue des milliers d’écrits privés et intimes produits par les anonymes de l’histoire littéraire. Comme eux, ils donnent à entendre une parole indignée et désespérée d’être privée de liberté. L’enjeu est le même : témoigner pour les générations futures. C’est un des messages fort du poète surréaliste Fernand Dumont (1906-1945) dans son recueil La Liberté. Ces vers sont publiés par ses amis après la guerre, Dumont étant décédé en mars 1945 au camp de Bergen-Belsen en Allemagne. Arrêté par les Allemands le 15 avril, il compose le poème suivant à la prison de Mons :
« Nous avons rêvé d’elle et nous en rêverons
toutes les nuits
Nous avons parlé d’elle et nous en parlerons
tous les jours
Jusqu’à ce qu’ils nous la rendent
Vous qui l’avez toujours connue
Vous qui lirez un jour ceci
songez à ce que cela représente
à ce que nous avons souffert22. »
23Si vraisemblablement, Dumont avait l’intention de publier ce texte, ce n’est pas aussi évident pour le Journal composé par son ami Achille Chavée, texte qui, lui, ne sera publié qu’en 1994.
24Chavée entre dans la résistance dès septembre 1940. Plus tard, les hommes qu’il a recrutés et lui-même diront23 qu’il s’agissait de résistance intellectuelle, mais sans vraiment détailler en quoi elle consistait. Quoi qu’il en soit, en janvier 1941, il est convoqué par la Gestapo, qui réalise des fouilles poussées chez lui cinq mois plus tard. Le 20 juin 1941, l’avocat fonde avec son ami le peintre Louis Van de Spiegele (1912-1972) ainsi qu’avec l’instituteur Léon Delmarche un Front de l’Indépendance pour le Hainaut devant grouper toutes les organisations de résistance. Sous la direction du député Jean Borremans, il participe à la rédaction du journal clandestin En Avant, dont malheureusement aucun exemplaire n’a, à notre connaissance, été conservé. Le 22 juin 1942, la Gestapo le visite à nouveau, munie d’un mandat d’arrêt, mais le poète parvient à s’échapper. Traqué, il part à Bruxelles et dans les Ardennes, mais se fait toujours repérer. Après quelques mois d’errance, il se terre à Houdeng-Aimeries dans la maison de ses beaux-parents. Il y demeurera jusqu’à la Libération, en septembre 194424.
25Le prologue du Journal nous plonge immédiatement dans cet espace-temps suspendu dont le reste du texte témoigne :
« Malgré la tentation qui est mienne d’inscrire dans ce journal certains faits symptomatiques, comme le chômage de plus en plus fréquent dans les usines, comme certains bruits qui circulent, je décide une fois pour toutes de m’en abstenir bien qu’ils soient de nature à reconstituer, partiellement tout au moins, le climat véritable qui est celui qui caractérise l’attente du débarquement anglo-américain (si il a lieu !) » (p. 7).
26Tout au long des pages qui suivent, des sentiments, peurs et souffrances reviennent d’une manière lancinante : la solitude, l’isolement total du monde (sans radio ni journaux, il recourt à son épouse pour connaître la rumeur, laquelle est souvent démentie dans les jours qui suivent), l’absence (des êtres chers mais aussi des livres ; il doit se retrancher sur des lectures de hasard), la promiscuité (qui l’enfouit dans l’enfer domestique que vivent ses proches), l’attente du débarquement et les alertes et attaques aériennes. Toutes ces questions ne sont évidemment pas l’apanage du poète hennuyer. En revanche, ce qui est singulier, c’est que cet état d’esprit marque profondément son écriture, au point de la rendre impossible. Tant il a été possible – c’était même un impératif – pour lui d’intégrer la résistance par son corps, tant sa plume est rétive à écrire dans l’isolement. L’écriture privée n’est pas réalisable non parce qu’elle n’est pas publiée, mais parce que Chavée est incapable d’écrire privé du monde. Pour lui la poésie surréaliste n’existe et n’a de légitimité qu’arrimée au monde ; il ne peut concevoir des vers qui ne soient pas intégrés dans la réalité sociale. À cet égard, la relation scrupuleuse qu’il donne de la vie des insectes qui se battent sur le mur de la cour apparaît comme allégorique de son aspiration à retrouver ses semblables.
27D’une manière symptomatique, c’est après l’une de ces observations qu’il réalise qu’il est incapable d’écrire un roman. Car il est en panne d’inspiration pour les vers (un leitmotiv du Journal) :
« Impossibilité de poursuivre en profondeur une recherche commencée, tel fut mon lot, telle fut l’irritante rigueur qui n’a cessé de m’accabler. Et pas même un bon dictionnaire sous la main !
Avoir tant de temps devant soi, et se sentir dans l’impossibilité de l’utiliser pour le mieux, certes ce fut la chose dont j’ai le plus souffert.
Le poète a écrit quelque 150 poèmes. Voilà le paquet sur ma table.
Parfois, je sais que c’est une richesse qui me prouve à moi-même que je n’ai pas vécu comme un mort, parfois cette richesse me paraît terriblement dérisoire » (p. 38).
28Ce caractère dérisoire est appuyé par l’impossibilité de réellement trouver une forme capable d’interpréter un réel ineffable :
« Ce n’est pas la poésie épique qui pourrait la [l’époque] traduire : il faudrait avoir recours à une poésie apocalyptique. Existe-t-il le poète capable de dominer ce genre qu’il faudrait inventer ! créer !
De poésie épique, à l’heure actuelle, il ne peut être question par ici. Il faudrait pour qu’elle soit possible que notre civilisation occidentale au lieu d’être condamnée à plus ou moins brève échéance, soit en pleine ascension. Mais c’est le contraire qui est vrai. C’est la désagrégation qui est évidente, c’est sa ruine prochaine qui bouche les horizons, au-delà desquels dialectiquement surgissent les hautes possibilités » (p. 81).
29Il ne peut en effet être question d’écrire comme si la guerre n’existait pas. Lisant un recueil de poèmes de Géo Norge (1898-1990), il s’interroge : « “Joie aux Ames” en 1941 ? C’est bien de l’indécence telle que devant la douleur universelle l’idéalisme peut en commettre » (p. 65). Mais le voilà lui-même dans une situation aporétique : seule est légitime une poésie en prise sur le social mais ce social étant absent, elle ne peut éclore. Il se demande un temps si la prose n’est pas la voie mais il ne sait comment manier ce genre.
« Que mettre dans un “journal” ! Combien de pages ne faudrait-il pas remplir pour fixer ces journées vides, ce temps qui coule, ces riens qui immergent. Dire l’essentiel : en quoi tient-il ? En poésie je le sais ; en prose il m’échappe en tant que hautes pensées à coucher sur du papier blanc, en tant que prétexte à la littérature.
L’automatisme délivre l’essentiel, mais un journal ce n’est pas de l’automatisme, c’est un journal jusqu’à nouvel ordre. Le nouvel ordre je le donne. J’ai trouvé ; écrire mon journal pour mieux me connaître. C’est un critère » (p. 13).
30« Mieux se connaître » signifie d’analyser scrupuleusement sa pratique littéraire.
« Il me semble qu’avec le temps, et d’une façon de plus en plus sensible, à ce rythme intérieur est venu s’ajouter un rythme extérieur qui n’est pas à dédaigner. Sans doute, ce progrès est-il dû, dans une certaine mesure, à la technique qui, de jour en jour, serait plus sûre de ses moyens et en développe de nouveaux. Mais je crois qu’il faut tenir compte aussi du genre de vie qui a été le mien depuis 3 ans, pour expliquer ce besoin inconscient de rythme extérieur que mon inspiration a senti le besoin d’emprunter et d’exprimer.
Étant privé de tous les rythmes extérieurs de la vie active, de la marche, du voyage, de la musique, il semble que ma production ait senti le besoin de combler cette lacune et de me donner en poèmes ce qui m’était refusé de tant d’autres matières – en manière d’inconsciente compensation (p. 99). »
31Chez Chavée, clairement, il ne saurait être de résistance littéraire sans résistance de terrain. Impossible de séparer son corps de sa plume. « Que reprenne la vie active, le combat quotidien ! La vie ! », s’exclame, désespéré, cet adepte de l’écriture collective. Contrairement à Dumont, l’écriture n’est pas, chez Chavée, une liberté. S’il a, d’une certaine façon, préféré le silence à la parole, ce n’est pas comme dans le cas de beaucoup, pour ne pas risquer de se compromettre avec l’ennemi, c’est parce que le silence autour de lui était assourdissant. Son Journal s’achève avec une déception :
« J’ai le regret de n’avoir pas participé à l’activité illégale du parti et cependant cette abstention était plus que raisonnable, elle était forcée étant donné l’état de santé qui ne m’aurait pas permis la vie très particulière que doit mener le militant travaillant dans l’illégalité. Demain c’est la liberté, une parcelle de cette grande réalité que toujours j’ai défendue et que toujours je défendrai » (p. 127).
32Cependant, il parvient à composer de nombreux poèmes. La plupart paraîtront dans le recueil De neige rouge en 1948. Certains témoignent d’une manière frappante de l’univers carcéral qu’il a vécu.
« Œuf
Prison d’une latente liberté
en toi
tourné vers ta mémoire phylogénique
d’oiseau futur
un seuil existe
Prenant dans son champ visuel
une première leçon de vol
Être de nobles peupliers
qui proposent en eux le thème de l’aurore25. »
33Alors que faire avec les écrits de Dumont et Chavée ? N’étant pas publiés pendant la guerre, ils ne sauraient être qualifiés de « résistants » (au sens performatif du terme). Ils ne constituent pas non plus, en tant que tels, des écrits de témoignage, comme le sont par exemple Sabotages d’André Hustin et Salut les Hommes de Georges Laurent26, dans lesquels les auteurs, héros de la Résistance, se placent en témoins directs de la barbarie, pour informer la population et tenter d’éviter une nouvelle guerre. Il n’en reste pas moins que Chavée et Dumont sont, eux aussi, des personnifications de l’action résistante et que leurs textes portent l’empreinte d’une insoumission, qui se traduisit avant tout sur le terrain…
Perspectives
34Massivement intégrés dans les réseaux de renseignement, de la résistance armée, ou de la presse clandestine, les écrivains belges pensent d’abord la Résistance comme une activité de terrain, plutôt qu’une activité intellectuelle. Cette prise de position tient sans doute au fait qu’ils n’ont pas le statut d’intellectuel que peut conférer la France. Les écrivains belges s’engagent dès lors par les armes et dans les organes de presse qui sont liés à leurs réseaux, plutôt que par la plume littéraire. Cette différence de réaction par rapport aux événements sociopolitiques aura des conséquences littéraires après la Libération : alors que la littérature engagée deviendra l’une des modalités majeures de l’écriture en France et que plusieurs plumes résistantes deviendront des pièces maîtresses de l’échiquier littéraire de l’après-guerre (l’on pense à Paulhan, Lescure, Vercors27…), c’est une littérature désengagée et néoclassique qui caractérisera la production littéraire belge, dans laquelle les résistants n’auront que peu de voix au chapitre.
Annexe
ANNEXE
Statuts et activités des écrivains belges francophones engagés dans la résistance à partir des dossiers de reconnaissance SDR de la direction générale des Victimes de guerre et du Centre de documentation historique des forces armées28. En italiques, les individus qui n’ont pas été reconnus ou qui n’ont pas fait les démarches de reconnaissance.
Statut national29 | Détail des activités | Date nais. | |
Alzinger Josse (Alzin Josse) | Résistance armée ; prisonnier politique. Presse clandestine (débouté) | S.G.A.R.A.30 Aumônier du maquis du sud du Luxembourg. Fonde La Fusée (1943). | 1899 |
André Lucien | Résistance armée. Résistance civile (débouté) | Armée des Partisans. S.G.A.R.A. | 1918 |
Bauchau Henry | Résistance armée | Armée Secrète (juillet 1943), maquis. Chef de peloton au Groupement BRU. | 1913 |
Bernier Armand | Presse clandestine | Rédaction et diffusion de la Belgique indépendante (La Galerie des traîtres, sous le pseudonyme de Le Taon). Membre de la Wallonie indépendante clandestine. | 1902 |
Bervoets Marguerite | Résistance armée ; presse clandestine ; prisonnière politique | Légion belge (agent de liaison, chef des services d’intendance [armes notamment]), Armée secrète. Rédaction de pamphlets et du clandestin La Délivrance. | 1914 |
Bourdhouxe Madeleine | Se charge de porter des feuillets antinazis de Paris (chez Paul Éluard et sa femme Nush) à Bruxelles. 1906 La famille Muller cache chez elle une femme juive. | ||
Champagne Élise | Signe sous pseudo de Lisy des articles dans la presse clandestine. Aide les enfants juifs et organise des conférences et des fêtes clandestines dans les écoles. | 1897 | |
Chavé Achille | Presse clandestine | Création du parti communiste clandestin dans le Centre, d’un groupe de résistants intellectuels et d’un journal. | 1906 |
D’Ydewalle Charles | Au début de l’année 1941, il met sur pied en Belgique un réseau de renseignement affilié au réseau « Musée de l’Homme ». | 1901 | |
De Bock Paul-Aloïse | Presse clandestine ; résistance civile | Membre actif du Front de l’Indépendance (service de renseignements). Organise la presse clandestine (Justice Libre). | 1898 |
De Smedt Augustin (alias Jean Sigrid) | Pour échapper au travail obligatoire, il fuit en Ardenne et aurait rejoint la résistance. | 1920 | |
de Syeres Henri (alias Jo Gérard) | Membre du Mouvement national royaliste (M.N.R.). | 1919 | |
Demany Fernand | Résistance armée ; résistance civile ; presse clandestine | Milices patriotiques. Rédacteur de Le Front. Front de l’Indépendance. | 1904 |
Denuit Désiré | Front de l’Indépendance (agent de liaison de Fernand Demany). | 1905 | |
Desonay Fernand | Résistance armée. Presse clandestine (débouté) | Mouvement national belge (M.N.B.). Rédige et diffuse La Voix des Ardennais, La Voix des Gaumais, La Voix des Luxembourgeois. Protection d’étudiants juifs. | 1899 |
Dewalhens Paul | Résistance civile | Aide des Juifs lorsqu’il est chef de service à l’hôpital civil de Tirlemont. | 1902 |
Dumont Georges-Henri | Presse clandestine (débouté) | Rédige les deux dernières parties de la brochure Étapes éditée par le M.N.B. | 1920 |
Goffin Robert | Conférencier pour le Belgian Information Center de New York ; auteur de romans de propagande. | 1898 | |
Goldstein Estelle | Prisonnière politique | Participation à un réseau d’espionnage hollandais. | 1902 |
Gyselinx Jean | Résistance armée ; presse clandestine. Prisonnier politique (débouté) | S.G.A.R.A. Distribution de La Libre Belgique. | 1898 |
Habaru Augustin | Prisonnier politique ; résistance armée | S.G.A.R.A. Parti communiste clandestin. Fusillé le 21 juin 1944 à Arbin (France). | 1898 |
Habaru Omer | Résistance armée ; prisonnier politique | S.G.A.R. A. Membre du service Clarence. | 1893 |
Statut national | Détail des activités | Date nais. | |
Hanlet Camille | Cache au collège Saint-Hadelin une trentaine d’enfants juifs sous des noms d’emprunt, héberge des déserteurs allemands, fournit de fausses cartes d’identité aux réfractaires et aux maquisards, offre des timbres de ravitaillement aux résistants. | 1893 | |
Haulot Arthur | Presse clandestine ; prisonnier politique. Résistance civile (débouté) | Affilié au Mouvement national belge. Co-fonde le Parti socialiste clandestin. Fonde Le Clandestin et L’Espoir. Organise le Comité international clandestin. 1220 jours d’incarcération. | 1913 |
Hellyn Paul | Presse clandestine ; prisonnier politique | Membre du réseau de renseignement l’Entente nationale belge. Transporte et diffuse des tracts. | 1923 |
Henneuse Armand | Prisonnier politique ; résistance armée | A.R.A. Réseau Sabot. Rédige des journaux clandestins. | 1901 |
Hublet Albert. | Résistance armée | Armée secrète, aumônier. | 1896 |
Joset Camille | Prisonnier politique ; presse clandestine ; résistance armée | Fondateur et rédacteur de La Voix des Belges. Chef du Mouvement national belge. Espionnage et réseaux de renseignement (installation de postes d’émission). | 1879 |
Kammans Louis-Philippe | Résistance armée | S.G.A.R.A. Mission Samoyède. | 1912 |
Kinds Edmond | Résistance armée ; résistance civile | S.G.A.R. A. Faux papiers, sabotage en tant que chef de district à l’inspection du ravitaillement. Héberge un réfractaire, réseau de renseignement Zéro. | 1907 |
Lambrichs Georges | Grâce à son poste à l’agence Dechenne, il publie L’exercice du silence, un numéro de Messages, revue résistante dirigée par Jean Lescure. Lambrichs perd son travail suite à cet épisode. | 1917 | |
Lejeune Léo | Prisonnier politique ; résistance civile ; presse clandestine ; résistance armée | Adjoint au chef national du Mouvement national belge. Faux-papiers, passeur. Rédacteur de La Voix des Belges, Les Voix des patriotes, La Voix des Liégeois. | 1896 |
Leloir Léon | Prisonnier politique. Résistance armée (non reconnu) | Armée secrète. Aumônier divisionnaire (maquis des Ardennes françaises et belges). Il fut aumônier des groupes réfractaires et partisans en Belgique et dans le nord de la France. | 1907 |
Lempereur Émile | Presse clandestine. Résistance civile (débouté) | Membre de Wallonie libre clandestine, distribue des tracts, La Wallonie libre et La Wallonie catholique. | 1909 |
Levaux Léopold | Aide la résistance estudiantine qui s’oppose au travail obligatoire. Héberge, pendant plus de 2 ans, une intellectuelle juive dont le mari a été arrêté. | 1892 | |
Linze Georges | Presse clandestine ; résistance armée | Milice patriotique. Rédaction et diffusion de La Vérité, La Libre Belgique et La Meuse. | 1900 |
Loescher Hubert (alias Hubert Juin) | Maquis ardennais. | 1926 | |
Lombard Laurent | Résistance armée ; presse clandestine | S.G.A.R.A. Fondateur du service de renseignements Clarence. Fonde, dirige et diffuse Cœurs belges. Participe à La Belgique nouvelle, L’Écho de Belgique, La Libre Belgique, et Le Coq victorieux. | 1900 |
Lyr René | Groupe de résistants de « la Sapinière », éditeurs d’un journal clandestin. | 1887 | |
Moisse Charles | Presse clandestine ; résistance armée | Milice patriotique. Diffuse La Libre Belgique, Radio-Moscou, Drapeau rouge, La Lutte syndicale. Membre du Front de l’Indépendance. | 1910 |
Nothomb Paul | Selon le dossier conservé au Centre de documentation historique des forces armées, a déclaré avoir fait partie de l’Armée Secrète (août 1941) ; organisation de groupes de sabotage et de formations militaires antiallemandes ; aucun dossier de reconnaissance de l’Armée Secrète ; dégradation Militaire après-guerre. | 1913 | |
Nougé Paul | Agent de liaison, passe des messages codés, fait le guet, transporte une valise de tracts à travers Bruxelles. | 1895 | |
Ozer Joseph | Résistance civile (débouté) | Aide à des réfractaires au travail obligatoire. Membre de l’Armée secrète. | 1909 |
Paulus Jean | Résistance armée ; prisonnier politique | Agent secret (Armée secrète) : transport de munitions, d’équipement sanitaire, renseignements d’ordre politique et militaire et distribution de journaux clandestins. | 1920 |
Piérard Clovis | Résistance armée ; prisonnier politique ; presse clandestine | S.G.A.R.A. Commandant, pour le Hainaut. Rédacteur de l’Espoir, Coup de queue, La Voix des Belges, La Libre Belgique. Armée secrète. | 1896 |
Prist Paul | Il fait partie du réseau de renseignements mis notamment sur pied par Georges Thone, Maurice Firket et Georges Truffaut. | 1882 | |
Remy Georges | Résistance armée. Résistance civile (débouté) | Milice patriotique. Front de l’Indépendance. Distribue l’argent du fonds « Aide aux artistes ». | 1899 |
Rigot Fernand | Résistance armée | S.G.A.R.A. | 1894 |
Roberts-Jones Philippe | Membre de l’Armée secrète. | 1924 | |
Saeyeys Marie-Magdeleine | Emprisonnée à la prison de Saint-Gilles pour faits de résistance. | 1885 | |
Servais Max | Résistance armée ; presse clandestine ; résistance civile ; prisonnier politique | S.G.A.R.A. Distribution de tracts et de La Voix des Belges. | 1904 |
Stiénon Du Pré Jean | Résistance armée | A.R.A. | 1905 |
Struye Paul | Presse clandestine | Réseau Zéro | 1896 |
Terlinden Charles | Légion belge. Dirigeant. Sera exclu le 16 juillet 1941 de la Légion belge, après avoir diffusé des écrits politiques susceptibles de compromettre le groupe. | 1878 | |
Thiry Marcel | Collabore aux Lettres françaises clandestines. | 1897 | |
Van der Elst Emmanuel (alias Jean de Vincenne) | Résistance armée | A.R.A. Auxiliaire du réseau Janvier. | 1894 |
Verheyden Florimond (alias Jean Drève) | Il fait circuler sous le manteau des ballades fustigeant les nazis. | 1891 | |
Wilmet Louis | Mouvement national belge. | 1881 |
Notes de bas de page
1 [http://www.ciel-litterature.be].
2 François Marcot, « Résistance et autres comportements des Français sous l’Occupation », dans François Marcot et Didier Musiedlak (éd.), Les Résistances, miroir des régimes d’oppression. Allemagne, France, Italie, Presses universitaires de Franche-Comté, 2006, p. 47-59.
3 Lucien André, « Roman partisan. Proses poétiques pour Récitants et Chœurs parlés », Rue des usines. Résistance culturelle, 1986, p. 171-219.
4 [Paul Nothomb], Le délire logique, Paris, Gallimard, 1948, p. 14.
5 Pour davantage d’informations, voir José Gotovitch, Du Rouge au tricolore. Les communistes belges de 1939 à 1944, Bruxelles, Labor, coll. « Archives du futur », 1992, p. 294-311.
6 Paul Bay, Le Thyrse, no 5, 1945, p. 121.
7 Georges Clair, « La poésie en Belgique occupée », dans La Patrie, 21 juin 1945.
8 Environ la moitié des écrivains actifs juste avant l’invasion de la Belgique publie au moins un ouvrage sous l’Occupation. Ce pourcentage représente un chiffre très élevé pour une période de quatre ans. En effet, il peut arriver, en temps normal, qu’un auteur ne publie aucun texte durant quatre ans. Que la moitié des écrivains actifs ait publié durant la guerre témoigne d’une activité littéraire et éditoriale à peine réduite (Étude statistique réalisée, à partir de la base de données du CIEL, sur un échantillon de 419 écrivains, dont plus de 200 publient sous l’Occupation).
9 Sur l’édition belge durant la Seconde Guerre mondiale, voir Michel Fincœur, Contribution à l’histoire de l’édition francophone belge sous l’Occupation allemande 1940-1944, thèse de doctorat inédite, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, 2006.
10 [Paul Struye], « Lettres d’un Provincial » ou les nouveaux propos du conseiller Eudoxe, Bruxelles, Bruylant, coll. « Le Rond-Point », no 8, série « Essais et Documents », no 2, 1944, 140 p.
11 Pamphlets publiés en 1919 : [De Haene], « Lettres d’un Provincial » ou les propos du conseiller Eudoxe, Bruxelles – Paris, G. Van Oest et Cie, 1919, 191 p.
12 Albert Toetenel, « La guerre, ses peintres, ses écrivains, ses poètes », dans Cimes, no 1, avril 1945, p. 11.
13 Déterminer avec exactitude quels écrivains ont réellement décidé de casser leur plume pose problème : tout auteur du champ n’ayant rien publié sous l’Occupation a potentiellement « cassé sa plume ». Ainsi, beaucoup d’écrivains se vanteront d’avoir « cassé leur plume », sans qu’on puisse affirmer qu’il ne s’agit pas d’une reconstruction a posteriori.
14 Il décline par exemple l’invitation de Pierre-Louis Flouquet de participer à L’Anthologie de la décade, pour avoir « décidé de ne rien publier pendant la guerre » (Lettre de Marcel Thiry à Pierre-Louis Flouquet, 10 janvier 1942, Archives Marcel Thiry, bibliothèque des Chiroux-Croisiers, dossier « Polémiques »).
15 Rue des usines. Résistance culturelle, 1986, p. 38-40.
16 Paul Aron, La Mémoire en jeu, Bruxelles, Théâtre national de Belgique/Ante Post, 1995, p. 181.
17 Herman Closson, Le Jeu des quatre fils Aymon, Bruxelles – Paris, Éditions de la Toison d’or, 1943, p. 256.
18 Fernand Desonay, « Le Grand Meaulnes » d’Alain-Fournier, Bruxelles, éditions des Artistes, 1941 ; Ange (roman), Bruxelles, Librairie Encyclopédique, 1942 ; Les littératures étrangères du XXe siècle, Bruxelles, Casterman, 1943-1944, 2 vol.
Camille Hanlet, Maurice Maeterlinck. Les dangers d’une œuvre littéraire, Liège, La Pensée catholique, 1942 ; Camille Lemonnier. Le Zola belge, Liège, La Pensée catholique, 1943 ; Initiation aux fables de La Fontaine, Bruxelles, Office de la Publicité, 1943.
Max Servais, Tempête dans le port. Roman, Bruxelles, A. Beirnaerdt, coll. « Le Jury », 1943 ; La Sainte-Vehme. Roman, Bruxelles, A. Beirnaerdt, coll. « Le Jury », 1944 ; La Gueule du loup. Roman, Bruxelles, A. Beirnaerdt, coll. « Le Jury », 1944.
19 Gilles Tirriard, Robert Goffin et la propagande belge aux États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale, Liège, Université de Liège, mémoire de licence inédit, 2000-2001, p. 50 sq.
20 New York, Éditions de la Maison française, 1944.
21 Condamnation, en juillet 1947, à un dédommagement financier (100 000 francs) et moral (publication du jugement dans seize journaux belges et trente journaux étrangers) envers la fabrique (Francis Balace et al., Jours de guerre, Bruxelles, Crédit Communal-Dexia, vol. 10, 1994, p. 108).
22 Fernand Dumont, La liberté. Poèmes, Prison de Mons, cellule 193, juin 1942, Mons, Éditions de la Haute Nuit, 1948.
23 Voir Fonds Achille Chavée, Archives de la Ville de La Louvière, dossier « Deuxième Guerre mondiale ».
24 Ibidem.
25 Achille Chavée, « Œuf », De Neige et de sang, dans Œuvre, 1947-1950, t. 2, La Louvière, Les Amis d’Achille Chavée, 1978, p. 95.
26 André Hustin, Sabotages, Wemmel – Bruxelles, Éditions Draps, coll. « Le Voilier », 1945 et Georges Laurent, Salut les Hommes, Liège, Georges Thone, [1947].
27 Voir Gisèle Sapiro, La Guerre des écrivains (1940-1953), Paris, Fayard, 1999.
28 Nous tenons à adresser nos plus vifs remerciements à Monsieur B. Delcourt pour l’aide très précieuse qu’il nous a apportée.
29 Nous mentionnons les statuts nationaux accordés, ainsi que les demandes déboutées (il arrive souvent que le demandeur soit débouté pour l’un des statuts, mais qu’il obtienne les autres). Nous ne signalons rien si aucun dossier n’a été introduit.
30 Abréviations utilisées dans le tableau : S.G.A.R.A. (Service général des agents de renseignement et d’action) et A.R.A. (Agent de renseignement et d’action).
Auteurs
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