Un des premiers de l’équipe : Jean Paulhan
p. 191-208
Texte intégral
Dieux, qui tenés l’univers, dans vos mains,
Voyés les Elaemens nous déclarer la guerre :
S’il est de cupables humains,
Punissés-les par le tonnerre,
Et rendés à la terre,
Le calme & la douceur de ses premiers destins1.
1La traversée de la guerre par Jean Paulhan cumule tous les éléments d’une redoutable mise à l’épreuve : un homme de plus de cinquante-cinq ans, déterminé mais riche en harmoniques, dont la carrière est très avancée, mais classiquement liée aux arts de la paix, discret et puissant, voit toutes ses amitiés mises en risque. Pour des raisons générationnelles, son destin en 1940 ne pouvait pas être celui de Rivière en 1914 : prisonnier. Son refus de la collaboration active, dès juillet 1940 et l’absence chez lui d’esprit de parti lui ouvrent des possibilités sans lui faciliter la tâche. S’il a subi l’interrogatoire qu’il relate dans « Une semaine au secret », il n’a pas connu de très longue captivité, sinon précisément les jours dramatiques du jeudi 15 au mardi 20 mai 1941. Un numéro rouge de Mesures plaqué contre une fenêtre permit alors à Paulhan d’avertir son voisin Jean Blanzat2. De retour chez lui, rue des Arènes, Paulhan écrit à Pierre Drieu la Rochelle pour le remercier et au docteur Le Savoureux, pour information3. Mais celui qui a (presque) tout fait pour que la littérature n’eût à reconnaître aucune autre autorité que la sienne propre, et pour écarter l’Église (Isabelle Rivière), les courants (André Breton), les partis (Charles Maurras) de la revue, voit cette stratégie remise en question par une pression plus forte que celles qu’il a eu à soutenir précédemment. L’éloge de la vie quotidienne, dans Les Causes célèbres, La Patrie se fait tous les jours et La Métromanie, est une réponse à cette pression ; il en va de même de la visite des ateliers des peintres : Braque, Dubuffet, Fautrier. L’Occupation provoque a contrario un réinvestissement du grand ordinaire de la vie, dont les occupations sont une réponse partielle à la contrainte historique. L’antithèse de la résistance et de la collaboration est trop fortement taillée pour rendre compte des concerts de musique française de la Pléiade ou de la représentation de Platée de Rameau à laquelle, par exemple, assiste Paulhan. Les mêmes lieux se clivent et abritent provisoirement des destins aussi contradictoires qu’on pouvait le craindre : à la mosquée de Paris, Paulhan déjeune en 1943 avec Jean Vaudal4 – qui mourra – en 1944 avec Jean Dubuffet – qui n’a pas les mêmes raisons de s’inquiéter. Amis, tous, dans une fiducia dont Paulhan, malgré le gauchissement qu’il a fait subir à la revue, voudrait qu’elle fût purement littéraire – ou que, du moins, elle pût accueillir toutes les voix. Qu’il s’agît de La NRF ou du projet de Prométhée, jamais Paulhan n’a renoncé à l’idée d’une revue purement littéraire – ce qui ne veut dire ni aveugle ni muette. Maurice Blanchot rencontre Paulhan sur ce point, du projet d’une revue qui fût « préservée de toute politique » : « qu’entre l’ancienne nrf où la politique avait mis son empreinte et la nouvelle il y eût un écart symbolique, manifesté par un changement dans sa composition et dans la structure de sa direction5 ». De ce point de vue, peu importe que les positions idéologiques de Paulhan soient confirmées pour les unes (son hostilité au traité de Munich) mais dramatiquement vidées de tout contenu pour les autres (comment être fidèle au Front populaire en 1944 ?). Le dégoût de la Troisième République atteint son comble. Comment Paulhan aurait-il pu renoncer à cette idée, au moment où les autorités occupantes lui en interdisaient l’accès, excluant juifs et communistes de la revue ? Ce n’est pas par goût de l’engagement que Paulhan a gauchi la revue, ni pour répondre à des pulsions partisanes (encore qu’il arrive à Paulhan de marquer son goût pour la polémique, voire de déraper, ou de se laisser abuser par des analogies fallacieuses), mais en quelque sorte par nécessité extérieure, sous l’effet d’une montée des périls qui n’est plus à décrire. La tenue de son propos entre 1914 et 1918 lui donnait quelques titres pour résister à cette pression. Cette tenue de Paulhan justifie ses remontrances posthumes contre Remy de Gourmont – un « grand bonhomme » pourtant –, qui avait su faire jaillir de sa plume les pages du Joujou patriotisme, hors de la pression des événements, mais n’avait pas su tenir la position antimilitariste, Dans la tourmente, Pendant l’orage6.
2Paulhan perd sa position de directeur apparent de revue, se lance dans une activité complexe et souterraine, notamment autour des frères Émile-Paul, les éditeurs du Grand Meaulnes, dans le cercle dit des « Amis d’Alain-Fournier » (autour du 14 juillet 19407), dans le réseau du Musée de l’Homme et de Résistance (janvier-mai 1941), de La Pensée libre (février 1941), dont le site d’impression a été découvert8, du Comité national des écrivains (été 1941), des Lettres françaises (décembre 1941), des éditions de Minuit (début 1942) et des Cahiers de la Libération (février 1944). Répondant au questionnaire de Gerhard Heller, Paulhan écrit qu’il est « entré dans le réseau du Musée de l’Homme à la suite de contacts avec Vildé et Lévitzky9 [sic] ». Il appartient au Front national, après avoir refusé d’entrer dans son comité directeur10. On notera que les réseaux avec lesquels Paulhan est en contact sont plus proches des communistes et des protestants que des catholiques de Témoignage chrétien ou des Cahiers du Rhône. Mais notre huguenot continue de nourrir la revue de Drieu, souvent étique, d’un miel qui n’est ni tout à fait le sien, ni tout à fait un autre. J’ai déjà dit ailleurs11 que tous les auteurs publiés par Paulhan dans la revue de Drieu ne l’avaient pas été en toute connaissance de cause. Lise Deharme connaît ce danger, qui écrit à Paulhan, le « 9 novembre » :
« Je tiens à préciser que les textes qui vous été à plusieurs reprises apportés ne l’ont jamais été ni par moi, ni sur ma demande. Pour l’un d’entre eux il m’est parfaitement inadmissible que vous puissiez même l’apercevoir ; l’amitié la plus sûre trahit parfois sans s’en rendre compte. Il y a bien longtemps vous m’avez pour la première fois demandé d’écrire quelque chose… […] S’il est flatteur d’écrire à la N. R. F. surtout lorsqu’elle est aussi admirable que la dernière… on peut aussi avoir le tact de s’en écarter d’une façon définitive/Lise Deharme12. »
3Jacques Debû-Bridel a beau dire13, les exemples d’intervention de Paulhan sur la revue de Drieu ne manquent pas, et l’on peut les lire en série, par exemple en faveur de Marcel Béalu : « Drieu la Rochelle accepte très volontiers vos pages, qu’il n’aime pas moins que moi14 » ; « Je remets donc à Drieu la Rochelle vos nouvelles pages, en lui disant combien je les aime15 » ; « Merci des petits récits brefs. Je les remets pour la N. R. F. à Lemarchand, en lui disant combien je les aime16 ». Ne nous abusons pas : plus nous sommes en mesure d’attribuer à Paulhan la responsabilité éditoriale des sommaires de Drieu, plus recule le mérite littéraire de Drieu, pauvre détenteur intermittent d’un symbolique cut up – sans que Paulhan puisse du tout ignorer les dangers de la période.
4Son voisin Benjamin Fondane disparaît de la rue Rollin, dont il légende à la main un portrait photographique qu’il conserve de lui ; « Oui, la mort de Max est atroce », écrit Paulhan à Gaston Criel : « Elle a flétri quelque chose17 » ; Paulhan est encore caché lorsqu’il apprend la disparition de Benjamin Crémieux, qu’il a écarté de la revue, avant-guerre, et qui, résistant prisonnier à Marseille, joue avec ses compagnons de captivité à se remémorer les plus beaux vers de la poésie française18 ; Julien Benda, qui a dû subir des difficultés comparables à la revue, soupçonnant les préjugés antisémites du comité19, aimerait bien imiter Jean Wahl, qui, lui, a réussi20 ; conscient de « l’éventualité d’une disparition soudaine », Benda demande finalement à Paulhan s’il accepterait d’être son exécuteur testamentaire21. Drieu la Rochelle ne résiste pas à la sortie de guerre ; les Tharaud, d’abord visés par ses épigrammes, cherchent à se dédouaner ; Lucien Rebatet emprisonné à Clairvaux est fort bien défendu par sa femme.
5Mais comment oublier ceux du Musée de l’Homme, les Boris Vildé, Anatole Lewitsky, Léon-Maurice Nordmann, René Sénéchal, Pierre Walter, Georges Ithier, Jules Andrieu – ces deux derniers, déjà victimes de la Grande Guerre, le premier gazé, le second mutilé ? « L’activité de ces inculpés remonte au mois de juillet 194022. » Après celle de deux jeunes adhérents qui ronéotypaient Résistance à Aubervilliers (l’un d’eux avait une liste de 25 noms, où figurait le nom de Paulhan23), les premières arrestations ont eu lieu en janvier 1941 et se sont échelonnées jusqu’en avril 1941. Commencé le 8 janvier 1942, le procès s’est terminé le 17 février. Prévenus à 10 heures, les condamnés ont été exécutés le 23 février 1942 vers 17 heures, au Mont Valérien. Sur le parcours, ils cherchaient la meilleure définition de la mort. « Lui a échappé, il a eu bien de la chance… », déclarait Dominique Aury à Michel Butel, à propos de Paulhan24, qui écrivait lui-même à Monique Saint-Hélier : « Tout est fini pour les sept. On se sent accablé. On se dit aussi : et pourquoi pas moi25 ? » Paulhan était intervenu auprès de Paul Valéry, le 10 janvier 1942 ; il connaissait l’argumentaire adressé place Beauvau, par exemple au sujet de Boris Vildé, qu’il fallait sauver, « parce qu’il est un grand savant qu’on ne pourra remplacer et aussi parce qu’il sera – lorsque sonnera l’heure de la paix et de la pitié – un des hommes les plus capables d’aider l’union des savants et des peuples de l’Europe et à la collaboration entre la France, l’Allemagne et les pays de l’Est du Continent26 ». Quelle songerie recouvrait le geste de Paulhan, dessinant au crayon bleu, sur un buvard blanc, une paire de ciseaux, un motif que Benda garde ensuite sur son bureau, en souvenir d’un « heureux moment27 » de conversation ? Compte tenu de la précocité de ses engagements, Paulhan n’avait aucune chance de survivre s’il n’avait été protégé, en mai 1941, par ceux-là même dont il combattait le camp. Cette expérience du salut, devenue tangible tous les matins devant l’évidence de la peau et de la vie, a généré de la part de Paulhan un certain nombre de reconnaissances qui ont été considérées comme paradoxales. Mais la vie, quels paradoxes ne mériterait-elle pas ?
6On peut comprendre qu’un Claude Aveline écrive à Paulhan que s’il est « du parti de la vérité, c’est d’une vérité changeante28 », mais c’est oublier que la contradiction est comprise par Paulhan comme un facteur d’efficacité du discours ; ni le proverbe ni le lieu commun ne seraient audibles s’ils étaient platement cohérents ; un discours puise son efficacité dans les contradictions qu’il sait porter (et nous ne disons rien des campagnes électorales). S’il n’est pas vain de noter ces contradictions, les dénoncer risque fort d’être naïf. C’est oublier aussi qu’au-delà des apparences de la complexité, la position de Paulhan est d’une très grande clarté. La mise à l’épreuve a été d’autant plus redoutable que la postérité cristallise son jugement sur ces quelques années – cinq années pleines, tout de même, sans compter l’épuisante sortie de crise et les inévitables polémiques qui l’ont marquée, au point de tyranniser la lecture que nous faisons des faits eux-mêmes. Inversement, la sortie de conflit oriente vers Paulhan un mouvement de reconnaissance. Le 1er octobre 1944, Claude Morgan lui écrit :
« Vous avez été au cœur – et je dirai même le cœur de la résistance intellectuelle. Vous avez été avec Decour le fondateur des Lettres et du Comité. Ne nous laissez pas en ce moment qui est le plus difficile que le Comité ait jamais connu. Nous avons encore beaucoup de travail à faire ensemble. Ne le croyez-vous pas ? »
7Il n’est pas certain que Paulhan croie qu’ils aient encore beaucoup de travail à faire. Ce serait plutôt avec Max-Pol Fouchet :
« Il se peut que Fontaine soit une revue qui compte. Dans ce cas, elle vous le doit. J’ai fait mes classes, si j’ose dire, en lisant la N. R. F. C’est vous qui m’avez appris ce que peut être une revue. Ma dette envers vous est très grande29. »
8Paulhan capitalise alors, au creux du silence de la revue, une notoriété symbolique qui lui vient aussi de l’avant-guerre. Mais cette notoriété se mesure aussi à l’explosion de son dossier de presse, à partir de la fin de l’année 44. Et c’est la distance entre cet avant et cet après que Paulhan mesure en apprenant en Suisse, en juillet 1945, que le Prix de l’Académie française lui revient – faute de vouloir entrer tout de suite quai Conti : « J’aurais été bien surpris, si on m’avait dit cela en 3930… » On serait étonné que la relation au langage n’en reste pas marquée, non pas seulement au plan lexical (ce serait peu), mais dans son maniement le plus intime.
« C’est le langage même qui avait changé. On ne disait plus jamais les choses comme elles vous venaient. Sauf à des amis très sûrs. On n’écrivait plus jamais les choses comme elles vous venaient. Même à sa femme ; même à ses complices […]. Bref, nous avions perdu le langage. »
9La remarque est dans « Les Morts31 ». On a douté de la réalité de son engagement dans la résistance intellectuelle (mais pourquoi aurait-il été arrêté, s’il n’avait été suspect ? et comment aurait-il pu s’en réclamer, si faiblement que ce fût, y compris parmi l’Association des résistants de 194032, si ceux qui en étaient avaient su qu’il n’en était pas ?) ; faute de mieux, on a attribué à un double jeu la continuation de ses activités d’éditeur, pour La NRF, ou pour la collection de la Pléiade ; on a soumis l’histoire de l’épuration au prisme de la guerre froide. Tout cela appartient au passé et le discours que nous tenons n’est pas sans liens avec ce que nous sommes. Si je pouvais en rester à l’aphasie qui pour des raisons familiales sur ces sujets me tente33, je me contenterais de lire quelques documents d’archives. À tout silence miséricorde. Mais pour cette fois, laissons.
*
10Cette tentation de l’aphasie pourrait être renforcée par certains aspects des archives Paulhan conservées à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC). Les lettres conservées, de Dominique Aury à Jean Paulhan commencent le 23 octobre 1941, quand elle s’excuse de ne pas encore avoir rendu à Paulhan les livres qu’il lui a prêtés, notamment des noëls anciens qu’elle a relevés pour son anthologie de la poésie religieuse34. Rien dans la suite de ces lettres ne se laisse lire comme une allusion à la clandestinité – ni comme un souvenir. Aucun des protagonistes du musée de l’Homme n’a laissé de correspondance avec Paulhan. Aucune lettre de Lewitsky, de Paul Rivet – a fortiori de Sénéchal, dix-neuf ans au moment du procès – ou de Boris Vildé. Paulhan les aurait-il détruites, par prudence ? L’hypothèse est corroborée par le fait que les lettres de Jean Paulhan à Paul Rivet, elles, ont été conservées. Mais les acteurs clandestins ne se connaissaient pas toujours. Jean Cassou ignore pendant plusieurs semaines la participation de Paulhan au réseau35. C’est aussi ce que révèle Claude Aveline à Jean Paulhan, en relisant « Une semaine de secret » parue dans Le Figaro le 9 septembre 1944 :
« L’évocation que vous faites de Lewitsky est hallucinante. Une seule remarque : Cassou ne dirigeait pas Résistance. Nous rédigions le bulletin ensemble, mais c’est Vildé qui le dirigeait. Nous saurons un jour qui dirigeait l’éditorial : quoi qu’en pense Rivet, ce n’est pas Vildé./J’aurai des choses à vous dire sur l’article que j’ai publié dans les Lettres françaises/ et aussi sur la cérémonie du Musée de l’Homme de vendredi dernier. Mais ce qui importe, c’est le livre que nous ferons tous ensemble après la guerre sur Résistance36. »
11Il y a quelque chose de pathétique, dans cette volonté de tenir enfin au grand jour ce qui a été vécu à l’aveuglette, de ressaisir par la mémoire les beaux temps d’une clandestinité qui se dévouait à l’oubli. René Char, qui fréquentait volontiers ses camarades résistants, avait la chance d’être un poète ; Claude Aveline, lui, rappelle à Paulhan, au moment où la polémique menace de les empoisonner, « les beaux souvenirs » qu’il a de leur compagnonnage « au temps de Résistance37 ». Jean Cassou veut rêver encore : « Nous nous retrouverons en honnêtes résistants comme aux beaux temps clandestins, et où nous reparlerons poésie38. » Dans ces conditions, les rencontres d’après-guerre ne pouvaient plus apporter grand’chose, et risquaient de fausser gravement la mémoire d’une action étoilée et secrète.
12Autre creusement archivistique : les lettres de Vercors à Paulhan ne commencent qu’après-guerre, un vendredi de 1946 – quand on aimerait, disons-le, qu’elles apparussent quelques années plus tôt. Vercors espère que « cette correspondance resserre l’amitié, et non l’inverse », mais il craint qu’il y ait « un peu de Babel39 » entre eux : jolie formule, pour désigner l’échec de la communication qui va bientôt, Maurice Blanchot en tête, hanter les critiques de la période. Gaston Palewski ne laisse de trace au fonds Paulhan qu’au sujet de l’Académie française ; Jean Vaudal parle bois, camion et radiateur électrique en vente aux puces de Clignancourt40. Et comment ferait-il autrement ? Tout au plus s’inquiète-t-il des imprudences de Paulhan : « Mais es-tu assez circonspect41 ? »
13L’avertissement incite Paulhan à se réfugier à contre-emploi, chez Georges Batault (1887-1953), auteur en 1909 de Quatre méditations sur Nietzsche parues à la Bibliothèque de l’Occident, mentionné une seule fois dans La NRF42 et ancien ami du Spectateur, la première revue à laquelle Paulhan ait été mêlé de près. Ce ne serait rien : Georges Batault est aussi l’auteur de La Guerre absolue, du Problème juif et d’Israël contre les nations. Un maurrassien, mais aussi un antisémite, qui notait que « la renaissance de l’antisémitisme » posait au monde contemporain, « avec une acuité nouvelle, ce problème séculaire et jusqu’ici insoluble qui s’appelle le problème juif43 » et que « dans Mein Kampf Hitler a tendance à minimiser le rôle des Juifs dans l’Allemagne d’avant-guerre44 ». Ce Georges Batault, infréquentable et salvateur, est aussi le beau-frère du docteur Le Savoureux ; il n’a laissé aucune trace dans le fonds Paulhan. La disparition de mai-août 1944, souvent associée à la dénonciation d’Élise Jouhandeau – et à la contre-dénonciation d’Élise par Marcel en faveur de Paulhan – creuse à nouveau la présence de Paulhan, dans les semaines décisives. À Gerhard Heller, Paulhan écrit qu’il s’est « sauvé par la fenêtre, jusque dans une petite école (religieuse) de filles, qui donnait sur la rue Linné45 ». Julien Benda connaît par Jean Cassou ce « petit incident » qui relègue Paulhan dans ce qu’il appelle la banlieue46. Et dans la légende, se sauver par la fenêtre devient se sauver par les toits, qui semble plus aventureux. Dominique Aury écrit alors à Paulhan :
« Je savais qu’on ne pouvait plus vous rencontrer, mais je ne savais pas comment avoir de vos nouvelles, ni où vous écrire. Vous faites partie de ces disparus auxquels on pense tout le temps sans oser faire un geste pour les joindre. Maurice Blanchot aussi était disparu, quand j’ai reçu en même temps quelques lignes de lui, et votre lettre. Mais vos nouvelles étaient plus récentes que les siennes. Et lui me disait simplement qu’il se passait bien des choses dans son pays. J’espère – à voir comment cela a tourné pour lui – que là où vous êtes il ne se passe rien47. »
14Le 5 septembre 1944 encore, Henri Calet écrit à Paulhan qu’il le souhaite « en sûreté » dans sa retraite48. Ce creusement est encore prolongé par l’absentéisme de Paulhan aux réunions d’après-guerre : le vendredi 23 février 1945, par exemple, pour la cérémonie du musée de l’Homme49. Paulhan est malade, sans doute, et semi-dépressif. Mais tous le sont, Claude Aveline non moins que les autres, qui fréquente assidûment ces réunions : « Pourquoi n’allez-vous pas bien ? Vous avez tort. Je ne vais pas bien non plus en ce moment50. » Paulhan épuisé s’abstient de répondre à la demande de Calet de préfacer Les Murs de Fresnes :
« Je vais m’enhardir et vous demander, tout à trac, si vous consentiriez à faire une préface (deux, une page…) pour Les Murs de Fresnes qui doivent paraître (aux Quatre Vents) à la fin d’octobre. Vous vous souvenez peut-être de ce projet./Bien sûr, vous ne décideriez qu’après lecture des textes. Mais, je voudrais savoir seulement si vous agréez ou non mon idée. J’aimerais beaucoup que vous me répondiez oui51… »
15Neuf jours plus tard, le 14 septembre, Calet relit les épreuves ; il signe le bon à tirer le 6 novembre52. Pour Paulhan, ce sera le silence, celui qui dit non.
16Disons tout de suite que si Paulhan s’absente ainsi, c’est sans doute que l’essentiel a déjà été dit ailleurs, dans les textes littéraires. Sur le moment, les écrivains sont à leurs affaires clandestines ; après-coup, il est trop tard pour en parler. Cette atmosphère de clandestinité se prolongera après-guerre, quand Pierre Bettencourt prendra l’initiative d’envoyer à Paulhan qui ne le lui demandait pas un certificat de résistance :
17« No 4201/Nous décernons à Monsieur/JEAN PAULHAN/la CROIX ROSE de la RÉSISTANCE/pour sa belle action ant-/faciste pendant la guerre/1940-1945/Commandant en Chef des Armées de Terre/de Mer et de Stratosphère/Pierre Bettencourt. »
18Dérisoire bricolage privé, glissé dans les interstices du discours officiel. D’autres décalages archivistiques se font jour. Quand Louis Aragon prépare la publication du Crève-cœur, il ne parle à Gaston Gallimard que du caractère « propice » de cette publication, quand on aimerait l’esquisse d’une allusion à l’actualité, le germe d’une ambivalence sémantique :
« J’attends donc le contrat du Crève-cœur. Le moment est extrêmement propice à cette publication, comme la correspondance que me valent les quelques poèmes parus à droite et à gauche me le prouve. De plus, il y a huit jours la radiodiffusion nationale (Marseille) m’a consacré un quart d’heure, avec lecture de quatre de ces poèmes, et des commentaires dans le grand genre. peut-être auriez-vous intérêt, (aurions-nous), à ce que dès maintenant vous annonciez ce livre, ces livres à André Billy, et à quelques autres, pour que des petites notes paraissent dans la zone libre, qui n’ont à un tel point rien à se mettre sous la dent dans leurs courriers littéraires53… »
19Paroles de boutiquier, avant que le public ne se saisisse du recueil et ne le fasse basculer dans la grande histoire littéraire de la France lyrique. Il faut aller chercher Édith Thomas pour que le cœur consente à battre, lorsqu’elle écrit qu’il sera « beaucoup pardonné à Aragon pour avoir écrit la sainte épine ». Ce n’est qu’en novembre 1947 que Paulhan tiendra dans ses mains l’édition « miniature (et clandestine) de “Fontaine”. Elle était parachutée dans les maquis par les soins de la R.A.F.54 ». Rares sont les allusions, dans ces correspondances, à la vie extérieure telle que l’Histoire nous les raconte, sinon ces vœux de René Tavernier à Paulhan :
« Qu’avez-vous pu faire pour le paysage tricolore ? Que cette teinte s’unit ainsi heureusement aux vœux que je vous envoie avec mes sentiments de bien déférente sympathie et mes hommages à Madame Paulhan55. »
20Ou encore sur le mode allusif : « J’ai pensé beaucoup à toi, à vous deux, ces temps-ci et de bien des manières56. » Le 9 juin 1944, Julien Benda abrège en « Jean C. » le nom de Jean Cassou blessé, et continue sur le mode personnel : « Une affection du même genre allait m’atteindre si des amis, soucieux de ma santé, ne m’avaient conseillé de changer d’air ; je me félicite de les avoir écoutés57. » La libération sera longue. Et pourtant…
21Pour précaires qu’elles soient, les archives sont déconcertantes, débordantes dans l’insignifiant, et muettes – mais comme un cri – là où on les attend. Très nombreux sont les correspondants de Paulhan qui continuent de lui écrire pendant l’Occupation. C’est le cas de Jean Vaudal, sans discontinuer, depuis 1932 jusqu’à 1944. Jacques Decourdemanche avait pris contact avec Paulhan en 1931, en lui parlant de Hölderlin, de la traduction de Babelon, et des poèmes de la folie58. Il lui exprime en 1931 sa sympathie après la mort de Frédéric Paulhan59, ignore alors encore Musil, et adresse à Paulhan, pour lui seul, des traductions : « Bien entendu, c’est pour vous que j’ai “traduit” un jour d’ennui ces Hölderlin ; je serais peiné si vous vous estimiez obligé de les publier, ce serait un reproche pour moi60. » Il est lecteur de la revue :
« Cette revue a sur moi un pouvoir magique. Quand elle est là, il faut que je la lise, même si j’ai un travail plus pressé. Elle m’excite et m’irrite. J’y trouve toujours de la viande rouge. J’en reçois une provocation à penser, un coup de fouet à l’esprit – mais le plus souvent elle me décourage d’écrire61. »
22Paulhan lui envoie le Rimbaud de Rivière en attendant celui de Renéville62 et publie son Kleist dans Mesures en 1936. Decour en plaisantait avant-guerre : « Mais ne serai-je pas fusillé si je vais en Allemagne (et ma femme confisquée)63 ? » 1940 le laisse en pleine traduction de Musil64. Paulhan lui rend hommage comme au plus lointain de ses amis résistants, les autres s’étant révélés, ou rapprochés, à la faveur, si l’on peut dire, des événements. Rien n’est plus saisissant que de lire les lettres de Jacques Decour à Paulhan, jusqu’à ce moment de 1943, où le dossier, sans s’interrompre, laisse place à d’autres lettres, où il est toujours question de lui, au passé, à la troisième personne et cette fois sous son second prénom, le plus intime, Daniel. Le dossier court désormais seul, dans le désert de la mémoire, jusqu’en 1946, alimenté par la veuve.
23Entre communisme et collaborationnisme, entre injures grossières et complaisances lettrées, la boite aux lettres de Paulhan contient la France entière. Rien n’est plus faux que de croire que Mauriac n’écrit à Paulhan qu’en fonction de ce qu’il pressent de ce que Paulhan peut accepter : entre Jean-Richard Bloch et Marc Bernard, en attendant Céline et Rebatet, Paulhan reçoit des avis, des jugements, des allusions de toutes parts. Mais d’abord des nouvelles, au moment de l’exode, où la carte se redessine violemment. L’écrivain belge Franz Hellens est près de Bordeaux ; Roger Lannes apprend que la revue est transférée à Carcassonne chez Joe Bousquet ; André Breton est à Marseille. La carte des écrivains, des revues et des maisons se redessine par force. André de Richaud et Henri Sauguet sont à Auch. La rive gauche peine à retrouver ses droits. Le bouleversement affecte jusqu’à la topographie de la revue. « On se cherche parmi les décombres et sur une terre encore brûlante », écrit Roger Lannes : « Cendre et fumée cachant l’avenir65… » C’est sa boîte aux lettres qui permet à Paulhan de construire la position que Dominique Aury décrira plus tard dans son entretien de 1984 avec Michel Butel : royaliste et communiste. Et tout est question de position, ou de positionnement, chez cet anarchiste adepte de la séparation des pouvoirs, celle qui préserve la liberté. Qui parle ? D’où parlez-vous ? Un nom ne suffit pas à synthétiser toutes les positions. Il y faut les pseudonymes et les anonymes. À Claude Morgan, Paulhan écrira qu’en septembre 1944, il n’a cherché qu’à empêcher les écrivains de se porter en corps, liste noire à la main, au ministère de la Justice. Ce ne serait donc pas contre la liste noire que Paulhan a voulu s’élever, mais contre un dévoiement de la position d’écrivain.
24Surabondants aussi, contre toute attente, les textes écrits ou parus pendant une période qui n’est nullement, pour Paulhan, un moment de stérilité. Libéré de la responsabilité directe d’une revue mensuelle, Paulhan vit plus que jamais dans le réseau des revues, des maisons et des galeries qui lui sont chères, assez loin du silence tenu d’un Tristan Tzara, de Pierre Reverdy, d’un Jean Guéhenno ou de René Char. Cette sorte de silence a tout de suite été refusée par lui, comme relevant de la « politique du pire ». Julien Benda jouit d’abord de cette situation, « écrire sans aucune préoccupation de publication66 », mais cède bientôt aux demandes des éditeurs, et par exemple de René Tavernier, qui lui demande, pour les Trois Collines, un texte intitulé Du poétique. Pour Paulhan, l’année 1940 est de loin la moins productive depuis longtemps : un texte à Buenos Aires, en février, sur le langage sacré, une prière d’insérer, pour Ma Vie sans moi d’Armand Robin, mais « L’Espoir et le silence », publié en juin dans le dernier numéro de la revue dirigé par Paulhan, avant celui de janvier 1953. « L’Espoir et le silence » ne passe pas inaperçu. Les amis de Paulhan lui écrivent jour après jour : Marius Leblond dès le « dimanche/2. 6. 40 » : « Je ne vous ai jamais embrassé avec tant de joie. Je viens de lire votre article du no arrivé ce matin. Parfait. » Puis Julien Benda, le 3 juin : « Excellent : “L’espoir et le silence.” Et votre tour : “la violence, mais l’hypocrisie”, qui supprime l’insupportable et inutile “non seulement” (puisque mais = magis). À nous le style, surtout en temps de guerre. » Enfin Jean Denoël, le « 12 juin [1940] » : « Votre message en tête de votre revue m’est réconfortant, consolant même. Vous avez raison. Silence et prière : c’est ça. » Libre au lecteur de se saisir de ce mot, espoir, pour comprendre que rien ne sera jamais perdu. L’année 1914 avait été réduite à « L’innocence utile », mais Paulhan au front écrivait, ne publiait pas ; comparables au plan quantitatif les années 1933, 1934, 1935, apparemment très peu productives, mais pendant lesquelles Paulhan achève la première version des Fleurs de Tarbes. Jean Vaudal est sensible à ce silence, qu’il compare à celui de Valéry :
« Votre courage, votre long silence – et au bout, les Fleurs – je ne sais rien qui me paraisse plus beau dans notre temps. Le silence de Valéry, dont on a tant parlé, on voit bien, à côté du vôtre, que c’était affaire de circonstances et non de nécessité67. »
25Le même Vaudal, avant que l’on perde sa trace dans les camps, jugera « nécessaire » que Paulhan reprenne la revue des mains de Drieu la Rochelle68. Paulhan ne rentre vraisemblablement à Paris que le 1er ou le 2 octobre 1940, après presque un an d’absence ; il s’installe début novembre rue des Arènes. L’année 1941 est inaugurée par deux textes clandestins parus dans Résistance, « La mort d’Henri Bergson » et « La Nouvelle Revue française », qui apparaissent dans la bibliographie du numéro d’hommage de la revue, en mai 1969. Si l’on reconnaît assez peu la plume de Paulhan, dans le premier de ces textes (alors que Paulhan tente en vain d’amener à la Pléiade les œuvres de Bergson promises à Félix Alcan), la forme du collage de citations signe plus sûrement le second que l’absence de son pseudonyme attendu : Jean Guérin. Devant Joe Bousquet, Paulhan se défend tardivement, un « mercredi » de 1943 :
« Autre ennui : j’apprends que l’on m’attribue une note, publiée dans une revue clandestine, sur l’histoire de la nrf, évidemment dans un sens anti-Drieu – cependant pleine d’erreurs et de ragots. Cela peut être dangereux. »
26Mais plusieurs textes se sont perdus, dont un sur le Congrès de Weimar.
27Culminent Les Fleurs de Tarbes, mises en vente le 29 août 1941, qui restaurent les liens, et font émerger la figure critique de Maurice Blanchot, dont les articles suscitent chez Paulhan la vive sensation, pour une fois, d’être compris. Aucun texte répertorié ne paraît, semble-t-il, dans la presse clandestine en 1942, une année au cours de laquelle émergent en revanche les noms de Duranty et de Georges Braque. Outre les deux textes sur Jacques Decour avec la femme de qui Paulhan reste en contact, ce deviendra la préoccupation majeure de Paulhan en 1943 et 1944, que de porter les noms de trois peintres, Braque, Dubuffet et Fautrier, chapeautés par la figure aiguë de Félix Fénéon, qui meurt le 29 février 1944 – le jour même de l’achevé d’imprimer du numéro des Cahiers de la libération dans lequel paraît « L’Abeille ». Ce n’est pas à dire que la peinture soit un art de la paix – Les Otages de Fautrier suffiraient à écarter cette hypothèse. Un certain « Charles Guérin » signe dans Poésie 43 un violent article contre Vlaminck : Pierre Seghers croit savoir que cet article, dont le manuscrit en effet est de la main de Paulhan, a été un temps promis à La NRF de Jacques Lemarchand69. Si les correspondances reçues par Paulhan sont abondantes concernant les livres signés de lui, et si ses amis sont nombreux à rechercher pour lui des informations sur Duranty ou Fénéon, les textes clandestins, non signés, ont très bien pu passer inaperçus. Ils ne seront révélés au public qu’après-guerre. Seul parmi les correspondants de Paulhan, Jean Blanzat réagit, et violemment, au texte non signé paru dans Les Lettres françaises sur Karl Heinz Bremer. D’abord parue dans Messages en janvier 1944, après avoir été promise à plusieurs revues, Clef de la poésie resurgit en volume en octobre et clôt une période faste de la poésie lyrique française, au cours de laquelle Paulhan s’est rapproché des surréalistes (Éluard et Lise Deharme, Aragon et Elsa Triolet notamment).
28Il faut compter avec les épigrammes, ces poèmes, le plus souvent anonymes, publiés dans les gazettes et les petites revues satiriques, de tradition orale, et rarement réunis en recueil70. Le mot avait déjà été employé par Paulhan à propos des haiku japonais dont Paul-Louis Couchoud avait retrouvé la voie sous la forme des « épigrammes lyriques au Japon ». Érudition littéraire ? En 1924, Julien Benda, qui ne fréquentait pas encore La Vallée-aux-Loups, avait fait les frais d’un « Haï-kaï/sur un malade imaginaire » que Paulhan transmet tardivement au docteur Le Savoureux « le 12. XII. [1940]71 », au moment même où Maurice Garçon va défendre Georges Mandel. Paulhan ne se fait pas faute de transmettre, en décembre 1940, cinq de ses épigrammes. Ces premiers textes clandestins de Paulhan sont longtemps restés manuscrits, et n’ont connu l’impression qu’en 1946. Ils rétablissent l’idéal d’une littérature en libre circulation, dont l’éditeur s’est retiré, et dont se saisit, ou non, le premier venu. Cela commence par l’armistice :
« Serments trahis, Empire à vau l’eau, peur, scandale,/Tel était l’armistice. On n’y connut que d’ale./(Sont-ils fous ? Sont-ils lâches ? Ou qui fut si vénal ?)/Laval se montre enfin. Aussitôt tout s’éclaire. Par Laval en effet chacun connaît l’affaire/Mais par l’affaire aussi chacun comprend Laval72. »
29Un « Regret sur la mort de M. Ch. » (c’était le 27 novembre 1940) est envoyé au docteur Le Savoureux : « Chiappe n’est plus. Ce nom, que la France redoute/Cette voix même, se sont tus./Laval, toi qui savais les périls de sa route/Ah, que ne l’accompagnais-tu73 ! » Et Paulhan de commenter : « Il me semble que c’est assez émouvant. Je l’ai envoyé à Laval (à cause de la confiance qui y est marquée dans sa bonne étoile) mais je n’ose espérer qu’il le lise. » On voit Vichy brimer la France, traquer l’instituteur et chasser mille savants. « On m’a dit que Laval du coq se défaisant/Sur les armes de France a fait peindre un faisan74. » Un rien masochiste, le cheval : « Pourquoi donc t’arrêter ? demandait un cocher./Es-tu mort ? Es-tu las ? faut-il que je t’implore ?/– Homme, dit le cheval, songe qu’on collabore./J’attendais mon coup de fouet75 » – le thème du coup de fouet était déjà présent dans les haiku : le cheval réclame son coup de fouet. On y voit aussi la surenchère, assez réussie : « Tandis qu’Abel Bonnard lèche notre vainqueur,/Abel Hermant l’évente, & pose quelques fleurs/Sur son ventre ou ses pieds. On se demande enfin,/Voyant de tels Abels, ce que font les Caïns76. » Ou bien : « Béraud comme Tharaud, Gaxotte avec Lecomte/En mâchant nos malheurs s’engraissent à bon compte77. » Ou encore : « Jeanson, cet auteur invendable,/S’est encore une fois vendu78. » Une épitaphe pour terminer : « Ci-gît, qui d’un grand nom fit un mauvais usage/Chateaubriant, plus fou que sot, plus sot que sage79. » « Pour une Justice80 », sur son feuillet mauve, n’est pas sans faire songer au pseudonyme « Juste », première signature de « L’Abeille ». On aurait tort de ne voir que textes de circonstances, dans ces textes courts, pas si éloignés des haiku de 1920. Et Paulhan n’est pas seul.
30Dans le genre des épigrammes, Julien Benda fait un billet de ses préoccupations politico-alimentaires : « O/couscous !/ou le pouvoir-des-mots./Et jusqu’où…/Ce tas grenu le dit,/par les mots-du-Pouvoir interdit./G.A.81. » Un autre billet de Benda, à l’encre violette, fait allusion aux Fleurs de Tarbes et proclame « Alerte ! LES JARDINIERS SONT MORTS82 ». Et José Corti envoie à Paulhan la nouvelle de la libération de Jean Wahl : « Jean Wahl passant le seuil jadis mal fréquenté/entouré des soldats qui composaient sa garde/a relevé d’humour son vœu de liberté !/que Dieu me Kirkegarde83 ! » Les haiku avaient été pour Paulhan, en 1920, la forme poétique de la démobilisation intellectuelle ; les slogans reprennent le vieux rêve du langage efficace, celui du proverbe, de l’assassin pour vingt francs ou de la réclame pour Bébé Cadum. Mais cette fois, l’efficacité est douteuse. Cette résistance intellectuelle ne veut pas, en 1946, se donner le rôle du triomphe.
31Plus significatives seront les contradictions du langage qui se laissent discerner durant la période. Paulhan emploie le substantif résistance en mai 1940, dans un texte publié en juin, mais en un sens inattendu, celui de la résistance du régime nazi à son éventuelle défaite. Le mot patrie revêt tantôt la puissance d’une norme qui justifierait les formes les plus arbitraires de l’autorité, tantôt l’énergie renouvelée, non pas d’un retour, mais d’une aspiration à la liberté. Entre ces deux pôles, toutes les nuances. Collaborateur, collaboration, ces mots qui désignaient l’amitié de la revue84 perdent d’un coup leur valeur de sympathie et désignent le consentement actif à la présence de l’occupant – et secondairement, la participation à une revue. Dénoncer, dénonciation : à la noble dénonciation de l’injustice vient se substituer une autre pratique, la dénonciation des confrères compromis dans la collaboration. Le second sens a-t-il été facilité par la diffusion du premier ? Juger, jugement : est-ce à dire porter un jugement critique, comme on le fait dans les journaux ou la conversation, ou prononcer soi-même un jugement de valeur réductible à une sentence ? Est-ce reconnaître l’inévitable présence d’un jugement (mettons, au mieux : au sens kantien) ou accepter que la structure judiciaire contamine la formulation de toute pensée ? « Nous passons notre temps à être juges, dès l’instant que nous choisissons nos amis85. » « Refuser d’être juge, c’est refuser d’être homme », lit-on (un peu étonné tout de même) dans la presse. Paulhan a autre chose à l’esprit, qui est un cri : « Mais de qui ne juge pas, qui irait imaginer/oserait supposer/qu’il s’est trompé86 ? » Et Les Fleurs de Tarbes, dont les deux dates de parution, en 1936 et 1941, marquent successivement le Front populaire et l’Occupation allemande, n’ont visiblement pas suffi. Elles ont échoué à ce que l’on s’entende, ne serait-ce que sur les mots. Paulhan se veut moins dupe que bien d’autres devant les adjectifs à la mode : authentique chez Édith Thomas, fraternel chez Jean Cassou, par exemple. Il suffit. Celui qui recherchait par son langage, une efficace, n’a obtenu qu’un imperceptible effet, sur la conscience de quelques-uns. Mais pour la luciole de la conscience, que ne ferait-on pas ?
*
32Faut-il conclure ? En 1940, Marc Bernard écrivait à Paulhan : « Comme tu avais raison d’écrire à Chardonne que nous faisons une expérience effrayante87. » Le 30 juin 1940, Boris Vildé note pour lui-même que « le danger est une épice qui relève le goût de la vie la plus fade88 ». Ce n’est pas justifier ce que l’on a subi. Mais les survivants ne conservent pas que de mauvais souvenirs. « Je n’aurai peut-être jamais aussi bien travaillé que depuis ces quatre ans. Je continue89 », écrit Benda, grand adepte de la « vie de couvent90 » et qui, bien chauffé, prend ses repas chez les franciscaines91. Jean Cassou trouve des mots justes pour nommer bonheur l’étrange existence du clandestin : « De toutes les façons et sur tous les plans la raison humaine était constamment en défaut. Et de même la déraison92. » Et Paulhan :
« J’ai passé, somme toute, à peu près quatre ans, à attendre mon arrestation. Je dois dire, était-ce une perversion, que cela ne m’était pas tout à fait désagréable : rendu à la vie, à la vie en ce qu’elle a d’essentiel, à la vie inévitable, où chaque pas engage, met en danger93. »
33Julien Benda a laissé chez le docteur Le Savoureux du linge et un pyjama qui lui rendraient le plus grand service. Mais les hôtes se taisent, obstinément94. Les effets lui reviennent, sans le pyjama, qui était tout neuf95. Après guerre, grâce à Victoria Ocampo, on se répartira du café, du sucre – et du linge, à nouveau. Ceux qui sont morts « étaient du côté de la vie. C’est qu’ils aimaient des choses aussi insignifiantes qu’une chanson, un claquement des doigts, un sourire96 ». Les divertissements ne sont pas absents, parfois sérieux, parfois moins. Jean Vaudal décrit une illusion d’optique qui consiste en une spirale dont certaines parties sont en gros traits, et le reste effacé. On croit avoir affaire à des cercles concentriques, mais si l’on en joint les fragments, on voit que c’est une spirale qui se dirige vers le centre. Jean Vaudal veut y voir l’image de tout ce que Paulhan écrit97. Et Jean Cassou, à propos du ceux du musée de l’Homme, s’insurge contre le lieu commun de l’engagement : « Engagés, eux ? Non. Dégagés au contraire. Détachés. Méprisants ? Non. Mais ironiques, et fatidiques. légers, réduits à leur seule liberté98. » Paulhan n’ignore ni les gitons99 ni les zazous qui hantent les marges de la collaboration. Le 2 juin 1944, Paulhan clandestin, inconnu, conduit les Guéhenno ni plus ni moins qu’à Luna-Park100. Si ce n’est pas aimer la vie… Après sa mort, Wladimir Weidlé écrit à Dominique Aury : « Vers la fin de l’Occupation, à la faveur d’un congrès aux environs de Paris, nous sommes allés à deux faire quelques tours sur des chevaux de bois au carroussel [sic] d’une fête foraine101. » Est-ce une image de la philosophie de l’histoire, comme on en rencontre chez Raymond Queneau ? Pas le moins du monde. Julien Benda tient que Paulhan ne touche à « la pleine réalisation » de son être que lorsqu’il joue aux boules102. Que cela ne nous empêche pas de le lire.
34Les livres de leur côté dessinent de curieux motifs. Dans la solitude d’un foyer militaire, Gaston Criel a eu la joie de découvrir une collection complète de La NRF, dont les six premiers numéros, ceux de 1909, sur papier Japon103. Gaston Criel les envoie à Paulhan, le 5 avril 1940, et lui demande – en échange, si nous comprenons bien – Les Hain-tenys dédicacés, Donner à voir de Paul Éluard et Alcools d’Apollinaire. C’est donc au printemps 1940 que Paulhan voit resurgir, et sous sa forme la plus précieuse, le passé le plus ancien d’une revue qu’il va quitter. On trouve un écho des remerciements de Paulhan dans la lettre de Criel qui suit : « Rien ne m’est plus agréable que de savoir le plaisir donné par les Revues104. » Julien Cain, dont la bibliothèque parisienne a été emportée dans le saccage de Louveciennes, demande à sa femme, qui le transmet à Paulhan, « le Molière de la Pléiade105 ». En 1942, Julien Benda réclame « les œuvres de Mallarmé,/le tome II de La Fontaine/le Moyen-Âge », en Pléiade, mais aussi les ouvrages de Gourmont, dont Paulhan lui a parlé106. Imprudent, par paresse plutôt que par stoïcisme, Benda « rumine » toute la journée dans sa petite chambre, avec les livres que lui envoient les universités de Toulouse et de Montpellier107. La veille de son arrestation, Louis Martin-Chauffier glisse un tract contre Philippe Henriot dans les dernières pages non coupées du Proust de Fernandez108. Mais je laisse le dernier mot au père Jean Auguste Maydieu, qui a été arrêté par les Allemands en mars 1944 : Jeanne Gardet, sa correspondante à Annecy, transmet à Paulhan sa demande : le père Maydieu désirerait lire du Balzac, du Diderot, du Flaubert : « Le Père vous demande si vous auriez quelque chose à lui envoyer109… »
35C’est à ce monde-là qu’appartient Paulhan, un monde où les lieux communs n’ont pas toujours tort, où les escaliers se regardent à l’envers, et où les pères dominicains, lorsqu’ils sont en prison, réclament à lire Flaubert, Balzac et Diderot.
Notes de bas de page
1 Platée. Ballet bouffon en trois actes, précédé d’un Prologue, représenté devant le Roi, en son château de Versailles, le mercredi 31 mars 1945, de l’imprimerie de Baillard, MDCCXLV, p. 17. Voir le témoignage de Maurice Toesca, Cinq ans de patience (1939-1945), Paris, Émile-Paul, 1975, p. 214-215.
2 Réponse de Paulhan au questionnaire de Gerhard Heller, Doucet ms 31748.
3 Lettre de Jean Paulhan au docteur Le Savoureux : « Mardi./Mon cher ami,/Merci./Je suis rentré tout à l’heure rue des Arènes./Avec l’affection de/Jean Paulhan » (Doucet Ms 962 39).
4 Lettre de Jean Vaudal à Jean Paulhan, « Lundi [1943] ».
5 Lettre de Maurice Blanchot à Jean Paulhan, « Lundi ».
6 Lettre de Jean Paulhan à Noël Arnaud, « Paris, 17 février 1960 ».
7 Pierre Seghers, La Résistance et ses poètes, Paris, Seghers, 1974, p. 63. Voir p. 95 à propos de Résistance.
8 Jacques Debû-Bridel, Les Éditions de Minuit. Historique, Paris, Éditions de Minuit, 1945, p. 17.
9 Questionnaire de Gerhard Heller à Jean Paulhan, avril-mai 1962, Bibliothèque Doucet, ms 31748.
10 Jacques Debû-Bridel, La Résistance intellectuelle, Julliard, 1970, p. 53.
11 Bernard Baillaud, « Direction Paulhan : une empreinte sur la revue », dans : La Place de La NRF dans la vie littéraire du XXe siècle. Les Entretiens de la Fondation des Treilles, Paris, Gallimard, 2009, p. 410-413.
12 Lettre de Lise Deharme à Jean Paulhan, « Paris – ce 9 novembre ».
13 Jacques Debû-Bridel, « Jean Paulhan citoyen », in Jean Paulhan, Œuvres complètes, tome 5, Paris, Cercle du livre précieux, 1970, p. 488.
14 Lettre de Jean Paulhan à Marcel Béalu, « II - XI [1941] ». Ce seront les « Proses » publiées dans La NRF, en octobre 1942, p. 421-424.
15 Lettre de Jean Paulhan à Marcel Béalu, « samedi [cachet du « 23 VI 43 »] ».
16 Lettre de Jean Paulhan à Marcel Béalu, « le 19 juin 1943 ».
17 Lettre de Jean Paulhan à Gaston Criel, « le 5 mai [1944] ».
18 Lettre de François Hitter, « Le 12 février [19] 98 » à « Mon cher Lucien ». Fonds Paulhan. Dossier Crémieux. IMEC.
19 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 24.4 ».
20 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 1-8 [1942] ».
21 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 14 juillet 1943 ».
22 Pour les dates qui suivent, voir les notes allographes sur le Procès de Boris Vildé et du Musée de l’Homme. Fonds Paulhan. PLH 27.2.
23 Pierre Seghers, La Résistance et ses poètes, Paris, Seghers, 1974, p. 97.
24 Entretien de Dominique Aury avec Michel Butel, novembre 1984, f° 16.
25 Lettre de Jean Paulhan à Monique Saint-Hélier, « mercredi [25 février 1942] ».
26 Notes allographes sur le Procès de Boris Vildé et du Musée de l’Homme. Fonds Paulhan. PLH 27.2.
27 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 22 mai 1942 ».
28 Lettre de Claude Aveline à Jean Paulhan, « L’Île-aux-Moines/31.8.47 ».
29 Lettre de Max-Pol Fouchet à Jean Paulhan, « 10 janv. 1945 ».
30 Lettre de Jean Paulhan à André Dhôtel, « Le 9 août [1945] », dans Cahiers André Dhôtel, no 2, 2004, p. 53.
31 Jean Paulhan, « Les Morts », – « Les Morts », Circulaire no 1 de la Fédération du spectacle. Confédération générale du Travail, novembre 1944, p. 1-2.
32 « Paulhan Germaine, 5 rue des Arènes, Paris (5e)/Paulhan Jean, 5 rue des Arènes, Paris (5e) », Le Résistant de 1940, no 2, mars 1947, p. 7 [seconde liste des membres de l’association des résistants de 1940].
33 Mon grand-père maternel, Camille Loichot, qui a été arrêté en février 1944 à Besançon, à deux pas du lieu où se tient le colloque, et d’abord emprisonné dans la même ville, est mort du typhus après la libération des camps.
34 Dominique Aury, Anthologie de la poésie religieuse, Paris, Gallimard, 1943, 341 p. « Ô nuit, heureuse nuit », p. 33-34, est extrait de La grande Bible des Noëls tant anciens que nouveaux, Tours, L.M.F. Lagier, s. d., 144 p. [Troyes, P. Garnier, 1738].
35 Jean Cassou, Une vie pour la liberté, Paris, Robert Laffont, 1981, p. 140-141.
36 Lettre de Claude Aveline à Jean Paulhan, « le 25 février 1945 ».
37 Lettre de Claude Aveline à Jean Paulhan, « L’Île-aux-Moines/31.8.47 ».
38 Lettre de Jean Cassou à Jean Paulhan, « Toulouse 20-4 [1945] ».
39 Lettre de Vercors à Jean Paulhan, « Vendredi [1946] ».
40 Lettre de Jean Vaudal à Jean Paulhan, « Enghien Mercredi [1940] ».
41 Lettre de Jean Vaudal à Jean Paulhan, « Samedi [1944] ».
42 Ses Crépuscules d’amour, publiés à la Bibliothèque de l’Occident, font partie des « livres reçus » dans La NRF d’avril 1909.
43 Georges Batault, Le Problème juif, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1921, p. 18.
44 Georges Batault, Israël contre les nations, Paris, G. Beauschesne et ses fils, 1939, p. 109-110.
45 Réponse de Paulhan au questionnaire de Gerhard Heller, avril-mai 1962, BLJD ms 31748.
46 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 9 juin 44 ».
47 Lettre de Dominique Aury, « le 25 juillet [1944] ».
48 Lettre de Henri Calet à Jean Paulhan, le « 5. IX. 44 ».
49 Lettre de Claude Aveline à Jean Paulhan, « le [dimanche] 25 février 1945 ».
50 Lettre de Claude Aveline à Jean Paulhan, « 10.3.45 ».
51 Lettre de Henri Calet à Jean Paulhan, « Paris, le 14. IX. 45 ». Le livre de Calet paraît en effet à la fin de l’année 1945.
52 Je remercie Michel Schmitt qui m’a procuré cette information.
53 Lettre de Louis Aragon à Gaston Gallimard, [1941], un seul f° au fonds Paulhan.
54 Lettre de Max-Pol Fouchet à Jean Paulhan, « 25 Novembre 1947 ».
55 Lettre de René Tavernier à Jean Paulhan, « Lyon, le 27 Décembre 1943 ».
56 Lettre de Jean Vaudal à Jean Paulhan, « Dimanche 8-II-43 ».
57 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 9 juin 44 ».
58 De Tübingen, carte postale de Jacques Decourdemanche à Jean Paulhan, « 30. III. 31 ».
59 Lettre de Jacques Decour à Jean Paulhan, « Les Roches/St Laurent du Jura [1931] ».
60 Lettre de Jacques Decourdemanche, « 13 septembre [1935] ».
61 Lettre de Jacques Decourdemanche à Jean Paulhan, « Les Roches/St Laurent du Jura ».
62 Lettre de Jacques Decourdemanche à Jean Paulhan, « Reims lundi [1935] ».
63 Lettre de Jacques Decourdemanche à Jean Paulhan, « vendredi [1932] ».
64 Lettre de Jacques Decourdemanche, « lundi [1940] ».
65 Lettre de Roger Lannes à Jean Paulhan, « Auch, le 17 Août 1940/(L’Apocalypse selon Milosz) ».
66 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 26 oct. 43 ».
67 Lettre de Jean Vaudal à Jean Paulhan, « Paris Jeudi 24-IV-41 ».
68 Lettre de Jean Vaudal à Jean Paulhan, « Enghien 14 - III - 42 ».
69 « Commentaires/Portraits avant décès, par Vlaminck », Poésie 43, 4e année, no XV, juillet-août-septembre 1943, p. 56-60.
70 Paulhan cite le précédent du recueil de Pierre Charron, Les Épigrammes du siècle, Éditions du Siècle, Bourquin, 1924, d’où il extrait le « Hai-kai/sur un malade imaginaire » qui visait Julien Benda : « Ci-gît Benda/Qui sut se plaindre/Sans souffrir » (p. 21). D’autres épigrammes du même recueil visent Béraud, Claudel, Cocteau, Fels, Louis de Gonzague Frick, Gide et al.
71 Lettre de Jean Paulhan au docteur Le Savoureux, « le 12. XII. [1940] ». Doucet Ms 962 75.
72 « I. Armistice », dans : Slogans/pour les jours sombres, ms.
73 Lettre de Jean Paulhan au docteur Le Savoureux, « lundi ». Ms 962 34.
74 « IV./ Le faisan gaulois », dans : Slogans/pour les jours sombres, ms.
75 « XV./ La Collaboration », ibid.
76 « Trop d’Abels », ibid.
77 « Zone libre », ibid.
78 « X. D’un autre personnage », ibid.
79 « VI./ Epitaphe », dans : Slogans/pour les jours sombres, ms.
80 Archives de la vie littéraire sous l’occupation, Paris, Tallandier, 2009, p. 266.
81 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, s. d. [1943 ?].
82 « Obstinément,/Obstinément », billet de Julien Benda à Jean Paulhan, s. d. [1945 ?].
83 Lettre fictivement datée « nuit du 4 Août [1941] ».
84 Le mot, par exemple, est employé par Julien Benda dans sa lettre à Paulhan du « 25.4.39 » : « Je crains que la cause ne soit les attaques des Berl et consorts (Drieu, par exemple) sommant sans doute (je dis sans doute, car je ne les ai pas lus) G. de ne pas tolérer un collaborateur qui écrit, ailleurs que dans la Revue, (dans l’Ordre, notamment) ce que j’y écris, et je crains que G. ne soit très sensible à ce genre de mise en demeure. »
85 Lettre de Vercors à Jean Paulhan, « Vendredi [1946] ».
86 D’un feuillet 18,7 x 10,7 cm, dossier « Notes sur le langage et la mystique ».
87 Lettre de Marc Bernard à Jean Paulhan, « Nîmes. Vendredi [1940] ».
88 Boris Vildé, Journal et lettres de prison, Paris, Allia, 1997, p. 19.
89 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 9 juin 44 ».
90 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 18.7.44 ».
91 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 22 déc. 44 ».
92 Jean Cassou, Une vie pour la liberté, Paris, Robert Laffont, 1981, p. 211.
93 Lettre à Marcel Jouhandeau, « Lundi [29 août 1944] ».
94 Lettres de Julien Benda à Jean Paulhan, les « 15 oct. 42 » et « 26 X 42 ».
95 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 4 nov. 42 ».
96 Jean Paulhan, « L’Abeille », Cahiers de la libération, no 3, février 1944, n. p., [p. 7-9].
97 Lettre de Jean Vaudal à Jean Paulhan, « Dimanche 9-1-44 ».
98 Jean Cassou, Une vie pour la liberté, Paris, Robert Laffont, 1981, p. 227.
99 « VIII./ De quelques personnages », dans : Slogans/pour les jours sombres, ms, porte sur Boulenger, Bonnard et Hermant.
100 Jean Guéhenno, Journal des années noires, Gallimard, coll. « Folio », 2002 (rééd.), 3 juin 1944, p. 412.
101 Lettre de Wladimir Weidlé à Dominique Aury, « 11 X 68 ».
102 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 31. III. 45 ».
103 Lettre de Gaston Criel à Jean Paulhan, « le 16 mars 1940 » puis « le 5 avril 1940 ».
104 Lettre de Gaston Criel à Jean Paulhan, « Le 17 Avril 1940 ».
105 Lettre de Lucienne Julien Cain à Jean Paulhan, « 14 mai 1941 ».
106 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 22 mai 1942 ».
107 Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, « 26 oct. 43 ».
108 Lettre de Louis Martin-Chauffier à Jean Paulhan, « le 18 juillet 1945 ».
109 Lettre de Mademoiselle J. Gardet à Jean Paulhan, « Annecy, le 4 avril ». En 1949, Paulhan obtiendra les pouvoirs pour remettre au père Maydieu les insignes de Chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur.
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