Jeux littéraires et chants des maquis
p. 143-176
Texte intégral
1Deux types d’écrits font successivement l’objet de cette communication.
2D’abord les textes à tonalité ludique, où l’humour s’allie souvent au pastiche ou à la parodie, qui ont circulé anonymement à partir de l’automne 1940, le plus souvent sur le principe de la chaîne (recopiage de textes manuscrits ou dactylographiés), parfois via les premiers journaux clandestins ou la BBC. Les monographies régionales consacrées aux années noires les citent souvent comme un des premiers signes d’un refus de l’occupation1. Mais l’analyse de leur registre d’écriture n’a jamais fait l’objet de longs développements, car dans la perspective globale de l’histoire la contrepropagande clandestine, cette écriture ludique paraît secondaire par rapport aux autres moyens d’expression adoptés par les résistants – même si blagues ou satires continuent évidemment à exister tout au long de l’Occupation.
3Deuxième objet d’étude : les chants écrits dans les maquis ou à leur intention (et adoptés par eux) en 1943-1944. Ceux-ci émanent d’une véritable micro-société résistante qui tient par ce moyen un discours sur elle-même. On ne trouvait sur eux que des informations très partielles dans les ouvrages consacrés à un maquis ou un ensemble de maquis, jusqu’à la publication du livre de Sylvain Chimello, La Résistance en chantant, qui présente une sélection de chants écrits sous l’Occupation, issus de l’extraordinaire collection de Paul Arma conservée au Musée de la Résistance de Thionville2.
4Les jeux littéraires comme les chants des maquis émanent pour une écrasante majorité d’« écrivants » et non d’écrivains. Les auteurs des premiers resteront sans doute définitivement anonymes, ces textes signés d’aucun pseudonyme n’ayant jamais été revendiqués après-guerre. Quant aux paroliers et arrangeurs des chants des maquis, leur absence quasi-générale de prétention au statut d’auteur transparaît dans les lettres que Paul Arma reçut en 1945 quand il lança une collecte de chants de la Résistance en vue d’une série d’émissions radiophoniques. Ce n’est nullement l’originalité qu’ils revendiquent, mais au contraire, le fait d’avoir traduit de façon authentique une identité collective3. Dans un cas comme dans l’autre, jeux et chants n’existent que pour permettre une appropriation collective et non comme productions individuelles.
5Ce qui, dans le champ littéraire, serait dévalorisé comme pauvreté d’invention et usage omniprésent de poncifs, fait précisément l’intérêt de ces textes pour l’historien : leur efficacité tient à l’époque à la mobilisation de répertoires antérieurs de textes ou d’airs connus, mais dont les éléments sont repris et recomposés. Car ces corpus manifestent malgré tout de façon fondamentale un besoin d’invention : les jeux littéraires de 1940-1941 sont déjà un dépassement des citations qui font la matière de certains des tout premiers tracts4, et les chants écrits pour les maquis manifestent le besoin de dépasser la simple pratique collective de chants déjà répertoriés. L’analyse peut permettre de repérer à l’œuvre les processus de réactivation et de recomposition d’héritages culturels propres à cette période, dont les logiques ont été déjà abondamment commentées sur le plan littéraire chez les écrivains de profession, ou sur le plan des idées politiques dans la presse clandestine.
6On souhaite donc observer comment ces deux types de textes contribuent à cristalliser deux modes d’être face à l’occupation, de la réaction individuelle de « non-consentement » à l’affirmation d’une communauté clandestine, le second ne venant pas se substituer à l’autre, mais s’y rajouter dans un second temps.
7Étudier des corpus à visée représentative dépasserait les limites d’un article, en raison de l’extrême dispersion des sources concernant les jeux littéraires, et de l’ampleur de la collection de chants de Paul Arma, dont S. Chimello ne présente qu’une anthologie5. Cette étude ne prétend donc qu’à ébaucher une typologie et une problématique, à partir d’une sélection d’une soixantaine de jeux littéraires des années 1940-1941 et de 85 chants de maquis tirés de la bibliographie existante6.
Jeux littéraires des années 1940-1941
8Pour la description de ces textes, et reprenant à notre compte les critiques de Gérard Genette à l’égard de l’usage commun du mot « parodie », à connotation exclusivement comique, on s’en tiendra à la distinction purement structurale qu’il propose et on utilisera « parodie » au simple sens de transformation d’un texte, « pastiche » au sens d’imitation d’un style7. On peut distinguer dans nos textes quatre catégories : les parodies et pastiches profanes, les parodies et pastiches religieux, les poèmes à double lecture (horizontale/verticale), les allographes alphabétiques.
Les parodies et pastiches profanes
9Voici deux exemples de ces textes à tonalité pro-alliée ou dénonçant les contraintes de l’occupation, dont on trouve parfois plusieurs variantes. Tout d’abord une parodie du poème le plus connu de Heredia – ici dans la version d’un tract trouvé dans le Jura, début 19418 :
« Les conquérants
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal
Fatigués des ersatz qui nourrissent à peine
De Brême et de Hambourg, rouliers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Dont Londres et Paris gardaient leurs caves pleines
Et de brusques défis vibraient dans leurs antennes
Quand le Führer parlait au monde occidental
Chaque soir, espérant des lendemains épiques
Les rives de la Manche et les ports atlantiques
Enchantaient leur sommeil d’un mirage doré
Jusqu’au jour où, brisés dans leur noire envolée
Ils virent s’éployer dans un ciel ignoré
Signe du Jugement, la bannière étoilée.
J. M. de Heredia 1941. »
10Cette parodie circule avec des variantes mineures, tout comme celle des Ballades des dames du temps jadis de Villon qui a pour thème le rationnement. Un autre poème, Vous ne l’aurez pas le Paris glorieux, représente un cas de parodie partielle, mais ô combien évocatrice. Ce vers initial, répété à intervalles réguliers, renvoie à lui seul à tout un héritage d’affrontement franco-germanique via la poésie patriotique : le Rhin allemand de Becker (« Ils ne l’auront pas le libre Rhin allemand »…), le poème-réponse de Musset (« Nous l’avons eu votre Rhin allemand »), la chanson Alsace et Lorraine de Villemer et Delormel.
11Les parodies profanes concernent d’ailleurs aussi des chants : parodie de La Marseillaise à tonalité anti-italienne, Ptit Quinquin pro-gaulliste – sans compter une possibilité de transformation supplémentaire propre à ce mode d’expression : la création d’un nouveau texte sur un air connu, tel le Chant de la. DCA (ou de l’alerte), indiqué comme devant être chanté « sur l’air d’Auprès de ma blonde ».
12Du côté des pastiches, en voici un à la manière de Hugo, paru dans la feuille clandestine En captivité, no 35, de juillet 1941, à l’occasion du retour des cendres de l’Aiglon en France orchestré par la propagande nazie :
« Près du tombeau
Donc, un certain matin, chacun devait apprendre
Non sans étonnement, et ne pouvant comprendre,
Que le Duc de Reischtadt, Fils de Napoléon,
Revenait à Paris dans un cercueil de plomb ;
Que le Führer lui-même, accompagnant les cendres,
Près du tombeau du Père avait voulu descendre,
Il dit : “Dans le silence, en hommage à ton nom
Je te rends ton enfant bien-aimé, ton Aiglon,
Car j’ai conquis l’Autriche, et sans nulle vergogne,
Envahi la Belgique, asservi la Pologne,
J’occupe la Hollande… et la France est à moi !
L’Angleterre, gronde l’Empereur, est-elle prise ?
Non, fit tout bas Hitler, cloué par la surprise.
Alors, tu n’as rien fait, va-t-en donc et tais-toi !” »
13C’est le contempteur de Napoléon III, le Hugo des Châtiments, qui est ici en arrière-plan9. Des pastiches non littéraires à visée satirique existent aussi : un « traité des maladies contagieuses » assimilant les allemands à des microbes, une méthode de lecture syllabique dont le texte assimile Pétain au maréchal Bazaine.
14L’objectif de ces parodies et pastiches profanes est clair : charger d’une connotation politique des textes connus ou actualiser la portée politique d’auteurs anciens. Ils relèvent d’une tradition de détournement de textes en prose ou en vers à visée politique qui remonte au moins aux mazarinades10 et ne sont pas surprenants vu l’arrière-plan culturel des années 1930 : l’époque est encore marquée par la place de la poésie dans l’éloquence politique11 et du pastiche en général dans la culture scolaire12, en même temps que par l’apogée du pastiche littéraire13. Mais le plus intéressant est de comparer l’apparition de ce type de pratique aux usages en cours au même moment, durant la première année de l’Occupation, dans la presse contrôlée par les Allemands et Vichy d’une part, la BBC d’autre part. On peut faire deux observations à ce sujet.
15Du point de vue des auteurs utilisés, l’exemple de Hugo peut éclairer sur la bataille d’écriture qui s’engage autour des grands auteurs du patrimoine littéraire français que les propagandes allemandes ou vichystes ne peuvent effacer du paysage. L’actualisation du « Hugo politique » est en effet un point commun entre la BBC14 et les premiers opposants de métropole, à commencer par le PCF qui l’utilise avant juin 1941 contre Vichy15 puis, à partir de l’automne 1941 contre les fusilleurs d’otages16. L’enrôlement d’Hugo dans le camp anti-britannique par la propagande officielle semble bien plus tardif17. L’autre option qui s’offre à la presse autorisée, c’est la neutralisation politique et l’usage purement patrimonial. Le dépouillement de Paris-Soir (celui de zone occupée) tendrait à le montrer, au moins dans le cas de la grande presse : la figure de Gavroche y est bien présente, par exemple, mais sous sa forme antonomastique (« un gavroche »), comme la figure pittoresque du gamin de Paris, ou bien traitée avec dérision18 – alors que le Gavroche émeutier inspire une Française anglophile, auteur d’une parodie de sa chanson écrite en décembre 194019.
16En ce qui concerne les registres d’écritures, les pastiches et parodies sont un trait distinctif des émissions françaises de la BBC dès l’été et le début de l’automne 1940 : les pastiches de définitions de dictionnaires deviennent rapidement une des rubriques récurrentes de l’émission Les Français parlent aux Français (« La petite académie »), une parodie satirique (anti-italienne) de La jeune Tarentine d’André Chénier est lue à l’antenne20. Or, du côté de l’adversaire, la propagande radiophonique est à l’époque purement argumentative et pratique peu ou pas l’écriture par jeu verbal à visée politique. C’est vrai au premier chef, et cela le restera pendant longtemps, pour la Radiodiffusion nationale de Vichy et la presse contrôlée par l’État français21. Mais la remarque peut s’appliquer aussi en 1940 à la propagande contrôlée par les Allemands : ce n’est que dans un deuxième temps, devant les succès d’audience de la BBC, que Radio-Paris adoptera aussi une écriture plus ludique avec son émission Au rythme du temps22. Et si les tracts-dépliants de la Propaganda Abteilung comportent déjà certains jeux verbaux après l’échec des Alliés devant Dakar23, c’est à l’été 1941 que ce mode d’écriture prend vraiment son essor en réponse à des satires propagées ou répercutées par la BBC24.
17D’un autre côté, les jeux littéraires et les plaisanteries verbales existent bien dans la presse contrôlée par les Allemands : mais dans un journal de grande diffusion comme Paris-Soir, ils sont soigneusement cantonnés à la page chargée – comme dans l’avant-guerre – de divertir les lecteurs, et en l’occurrence de leur faire oublier l’occupation. Là encore, dans cette période initiale il semble y avoir plutôt analogie avec la presse de Vichy : selon Christian Delporte, le dessin satirique à visée politique y est banni, excepté dans de petites feuilles militantes, et le dessin d’humour ne subsiste que comme pur divertissement ou pour banaliser les conséquences de l’occupation en tournant en dérision les pénuries et le marché noir25.
18Pastiches et parodies politiques apparaissent donc, en ce tout début d’occupation, comme une sorte d’alternative aux modes d’écriture dominants des presses autorisées depuis la défaite, qui séparent d’une part la rhétorique argumentative à visée politique, et d’autre part une écriture de la distanciation à but de pur divertissement.
19Un texte emblématique de la première contre-propagande clandestine en zone occupée peut nous éclairer sur la raison profonde de ces pratiques du pastiche ou de la parodie : les Conseils à l’occupé de Jean Texcier. Il est régulièrement cité pour son contenu, qui invite à une simple réaction de dignité consistant à prendre ses distances avec l’occupant. Mais on n’a pas relevé la coïncidence entre contenu et forme, entre cette idée de distanciation et une écriture elle-même distanciée du genre dont elle se réclame. Le texte relève en effet d’une écriture esthète, très travaillée ; il est composé de versets distribués en un nombre parfait (33) et culmine dans ce conseil no 32 fort peu pratico-pratique : « Voici venu l’heure de la véritable défense passive […] Civil mon frère, ajuste avec soin ton beau masque de réfractaire26. »
20Les Conseils se donnent ainsi à lire en référence aux conseils et exercices prodigués pendant la drôle de guerre sur les masques à gaz – mais une référence distanciée (« Tu souris maintenant de ces précautions ») compte tenu de la dérision a posteriori que peut susciter l’ineffectivité de cette propagande. Cette référence donne la clé de l’esthétisation du texte, qui prend ainsi ses distances par rapport à toute la lignée dans laquelle son titre le situe : celle des innombrables brochures destinées aux jeunes gens, écrites par des « aînés » à des titres divers : religieux, militaires, médecins, professeurs. Cette esthétisation est renforcée par le fait que Texcier a choisi de faire imprimer son texte de façon soignée sur le modèle des plaquettes poétiques confidentielles, avec une couverture muette assortie d’une étoile noire, mystérieuse27. À une époque où l’autorité des élites vacille comme jamais auparavant, l’écriture des Conseils, totalement saugrenue dans cet été 1940, semble comme une sorte de refus par avance d’un retour à la rhétorique autoritaire et persuasive. Texcier a d’ailleurs écarté les mots « manuel » ou « catéchisme » auxquels il songeait d’abord pour le titre28. Le choix d’une écriture ludique qui appelle par définition la complicité de lecteurs et de l’auteur, donc une relation égalitaire (« mon frère »), est déjà en soi une forme de retrait, une façon de se revêtir du « beau masque de réfractaire » par rapport aux autres formes d’écriture qui apparaissent dans la presse légale, écritures du premier degré et où justement des conseils plus impératifs sont en train de fleurir.
Les parodies gaullistes et pro-alliées de textes religieux
21Cette idée d’une alternative aux régimes d’écriture officiels peut être creusée de façon plus précise à propos des parodies et pastiches de textes religieux. L’exemple le plus répandu en est un « Notre Père » gaulliste. En voici une variante saisie par la police dans le sud-ouest, en zone occupée :
« PATER NOSTER
Notre de Gaulle qui êtes au feu
Que votre nom soit glorifié
Que votre victoire arrive
Que votre volonté soit faite sur la terre comme dans les airs
Donnez-leur leur bain quotidien
Donnez l’offensive comme l’ont donné ceux que vous devez enfoncer
Mais ne nous laissez pas sous leur domination
Et délivrez-nous des Boches. Ainsi soit-il.
Pour combattre le doryphore employez la poudre de Gaulle29. »
22Ce « Notre Père » ne peut être compris qu’en référence au début du culte de Pétain dans ce dernier trimestre 1940 : les écoliers sont invités à envoyer un poème au Maréchal30, on passe des images pieuses classiques implorant la protection de Dieu sur la France31 à celles qui appellent l’enfant Jésus à protéger le Maréchal32, René Bruyez compose un « Credo du Français » éloquent quoique peu euphonique : « Je crois en le chef aux yeux de ciel33 »…
23Le rapprochement de ce « Credo » pétainiste et du « Notre Père » gaulliste pose cependant la question des « parodies sérieuses ». Le premier en est bien une : il s’agit, en détournant un texte religieux, de s’approprier sa force supposée et non de la désamorcer ou de s’en moquer. On peut se poser la question pour le second puisque certaines lettres d’auditeurs de la BBC34 montrent qu’on peut trouver en métropole les traces d’un début de culte de de Gaulle, à la faveur de la « crise de mysticisme35 » suivant la défaite de 1940. Mais plusieurs indices permettent d’exclure l’hypothèse d’une simple proposition d’un culte alternatif à celui du Maréchal.
24Tout d’abord, l’examen des variantes : la plupart ont une connotation ludique ou satirique soit par le titre même (« Prière du matin », « Nouvelle prière ») soit par la juxtaposition de ce « Notre Père » avec un pastiche satirique clairement identifié. Dans la version ci-dessus, il s’agit d’un simple slogan d’une ligne reprenant la métaphore déjà bien répandue de l’occupant-doryphore. Dans un autre cas, le « Notre Père » est accolé à un pastiche d’annonce paroissiale – lequel circule aussi séparément sous l’intitulé « Noël 1940 ». En voici une version séparée reproduite dans une des premières feuilles clandestines pendant l’hiver 1940-1941 :
« NOËL 1940
Cette année pas de joyeux Noël.
La Sainte Vierge et le petit Jésus sont en pays « occupé »,
Saint-Joseph dans un camp de prisonniers en Allemagne.
L’étable a été réquisitionnée,
Les Anges ont été descendus par la DCA,
L’étoile a été peinte en bleu sur l’ordre du chef d’ilôt,
Les Rois Mages sont en Angleterre, La vache est à Berlin et l’âne est à Rome36. »
25Par ailleurs, la parodie gaulliste du « Notre Père » a un texte-source : celle dédiée à Joffre pendant la Grande Guerre, répandue par trois cartes postales aux versions légèrement différentes37. Certes, à première vue, ceci pourrait témoigner de l’existence d’un « culte de de Gaulle » aussi authentique que celui de Joffre, le chef militaire le plus « divinisé » en 1914-1918 par la carte postale. Mais c’est d’abord oublier la part d’ambiguïté inhérente à ce premier culte, qui s’exprimait non par des images pieuses au sens strict mais sur un support destiné à la correspondance, donc susceptible d’appropriations diverses voire de détournement par ceux qui le faisaient circuler. Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’un des trois « Notre Père » dédiés à Joffre ait joué sur un second degré par rapport au sens religieux :
« PRIÈRE DU SOLDAT. PATER NOSTER
Notre Joffre qui êtes au feu
Que votre nom soit glorifié
Que votre victoire arrive
Que votre volonté soit faite sur la terre et dans les airs.
Donnez-leur aujourd’hui votre poing quotidien ;
redonnez-nous l’offensive comme vous l’avez donnée à ceux qui les ont enfoncés,
ne nous laissez pas succomber à la teutonisation,
mais délivrez-nous des Boches.
Ainsi-soit-il
(D’après Le Radical de Marseille). »
26En se référant explicitement à un journal radical, et Joffre étant un franc-maçon notoire, le texte se plaçait dans une lignée parodique ambiguë, celle des « prières républicaines » aux lectures plurielles, tantôt sérieuses (mises au service d’un véritable nouveau culte), tantôt satiriques (jouant sur l’anti-cléricalisme)38.
27Surtout, le « Notre Père » gaulliste peut se charger d’une allusion codée pour certains des lecteurs qui connaissent le texte-source. Le rapprochement de de Gaulle avec le général de la Grande Guerre le plus popularisé par la carte postale permet de sous-entendre que de Gaulle est à Pétain aujourd’hui ce que Joffre était à Pétain en 1914-1918, c’est-à-dire un chef plus digne de l’admiration populaire39.
28Le même effet d’écho entre les deux guerres peut s’appliquer, dans notre corpus, aux prophéties diffusées par tract. La diffusion de la prophétie de Saint-Odile, pour ceux qui savent qu’elle a déjà été répandue en 1914-1918, devient susceptible d’une lecture au second degré : elle a aussi valeur de rappel de l’analogie entre le désespoir d’aujourd’hui et les pires heures de la Grande Guerre – et donc des motifs d’espérer contre tout espoir. C’est exactement le motif qu’invoque Jacques Duchesne dans la chronique qu’il lui consacre le 24 février 1941 à la BBC : « cette prophétie de la dernière guerre que je me rappelle, elle annonçait la victoire et tout de même la victoire est venue40 ». Pour la diffuser, point n’est besoin d’y croire au sens littéral.
29En fait, même si certains recopieurs du « Notre Père » gaulliste ou diffuseurs de prophéties peuvent prendre ces textes au premier degré, l’important est que ce type de tract joue avec plusieurs niveaux possibles de lectures, ce qui est évidemment exclu dans l’usage que la propagande maréchaliste fait du même répertoire à cette époque. Ces possibilités de lectures plurielles rappellent, toute proportion gardée, l’écriture des mazarinades bordelaises analysée par Christian Jouhaud, dont les auteurs entendent toucher tous les publics en jouant sur la juxtaposition ou la combinaison des registres d’écriture : le parodique pour le public cultivé, le sérieux pour le peuple41.
30Les parodies du Décalogue se réfèrent, pour leur part, à une tradition bien établie et jouant sur plusieurs registres, pédagogique42 aussi bien que ludique43. Plusieurs textes entièrement différents circulent, ce qui permet d’analyser ici l’éventail des opinions qu’ils véhiculent. Tous ceux que nous avons repérés sont pro-alliés, pro-de Gaulle, contre l’occupation et la collaboration. Mais ils ne sont pas toujours explicitement pro-républicains, ne s’en prennent pas toujours expressément à Vichy ou, s’ils le font, ne citent jamais nommément le Maréchal. En voici un datant de la fin novembre ou début décembre 1940 :
« DÉCALOGUE DU FRANÇAIS
1) La guerre tu continueras
Par tous moyens petits et grands
2) L’union des Français prêcheras
Pas d’opinions, des dévouements
3) contre Laval te dresseras
S’il veut la paix séparément
4) Radio-Londres écouteras
Pour réjouir ton cœur ardent
5) Churchill le tigre applaudiras
Et son Air Force aux vols puissants
6) La fin d’Hitler tu poursuivras
jusqu’à la mort inclusivement
7) Son larbin Mussolin pendras
Au forum où l’histrion ment
8) Rien de France ne laisseras
Aux doigts sanglants des 2 brigands
9) Quant aux traîtres tu attendras
L’heure de punir patiemment
10) Pour de Gaulle prépareras
Drapeaux, fleurs, applaudissements
Groupe Saint-Odile
Apprenez et passez au voisin44. »
31C’est donc ici Laval la cible. Les textes de notre corpus, tous contenus dans les mois qui suivent Montoire, reflètent l’opinion publique de cette période, où la responsabilité de Pétain dans la collaboration d’État fait l’objet d’interrogations, puis est rapidement brouillée par le renvoi de Laval. L’usage de la parodie peut alors être interprété comme une façon détournée pour certains Français de manifester déjà un dédoublement vis-à-vis de Pétain, ne voulant pas le mettre en question, mais manifestant qu’ils refusent d’écrire comme ceux qui sont déjà confits dans le culte du Maréchal.
Les poèmes à lecture horizontale et verticale
32Avec ces textes, nous quittons l’écriture parodique, mais explorons la figure même du double jeu. Deux poèmes à acrostiches, composés par des maréchalistes, montrent comment ces jeux littéraires permettent sur le moment même d’incarner la croyance au double jeu de Pétain. Le premier, ode au Maréchal écrite par Julien Clément le 1er janvier 1941 et dissimulant un cambronnien « MERDE POUR HITLER », aurait franchi le contrôle de la censure de Vichy pour être diffusé en zone sud en regard d’un portrait du chef de l’État :
« À notre chef le maréchal Pétain
Maréchal ! Que ton nom soit gravé dans l’histoire
Et que dans tous les temps on l’entoure de gloire.
Rends à tous ces Français que tu voulus sauver
Du désastre complet qui pouvait arriver
Et l’amour du Devoir et la noble espérance
Pour que bientôt, par eux, revive notre France.
Oh ! Qu’une légion saine et forte à la fois
Unanime à répondre à l’appel de ta voix
Ranime dans nos rangs cet esprit d’autrefois.
Honneur ! Patrie ! Ces mots étaient notre devise,
Ils le seront toujours, mais sans qu’on les divise
Travail ! Famille ! doivent aussi y figurer
Liant au fier passé notre droit d’espérer
Et nous verrons, demain, la Nation nouvelle
Relever de ses maux notre France immortelle
J. Clem
St-Étienne 1.1.1941
Contrôle visa SE 225645. »
33Le second est un tract clandestin saisi par la police en zone occupée avant le 16 février 1941, dont l’acrostiche (ici souligné par la typographie) véhicule déjà la thèse du bouclier Pétain et de l’épée de Gaulle :
« P : – Pale une femme va lentement, le front bas
E : – Elle marque le sol d’une trace sanglante
T : – Tout effort qu’elle fait la rend plus chancelante
A : – Ah, va-t-elle tomber… Elle ne tombe pas
I : – Il lui faut un sauveur. Deux de ses fils sont là
N : – Nobles et fiers tous deux, tous deux ont l’âme ardente
D : – Doux vieillard, le premier la soutient dans l’attente
E : – Et le second, pour elle a repris le combat
G : – Grâce à tes meilleurs fils te voici ranimée
A : – À leur aspect divers ô mère bien-aimée
U : – Une fierté si douce a relevé ton front.
L : – L’un veut sur son passé fonder ton espérance
L : – L’autre au prix de son sang veut venger ton affront
E : – Et le monde étonné voit renaître la FRANCE46. »
34Mais dans cette catégorie, le texte ayant le plus circulé a une toute autre portée : souvent intitulé « Collaboration », il propose le « double jeu » comme modèle de comportement pour tous les Français, par sa double lecture horizontale et verticale. En voici une version sans titre circulant dans le Morbihan dans l’hiver 1940-1941 :
« Aimons et admirons
L’éternelle Angleterre
Maudissons, écrasons
Le nazi sur la terre
Soyons donc le soutien
De ces navigateurs
À eux seuls appartient
La palme du vainqueur
le chancelier Hitler,
est indigne de vivre,
le peuple d’outre-mer
sera seul à survivre
du Führer allemand
de la race maudite,
le juste châtiment
sera le vrai mérite47. »
35Ce texte a sans doute comme modèle un poème à double lecture (bonapartiste/royaliste) reproduit par Georges d’Heylli dans sa Gazette anecdotique en 1879 :
« Vive à jamais
La famille royale
Oublions désormais
La race impériale
Soyons donc le soutien
Du comte de Chambord
C’est à lui qu’appartient
La raison du plus fort
l’empereur des Français,
est indigne de vivre :
la race des Capets
est seule à lui survivre !
de ce Napoléon,
chassons l’âme hypocrite.
cette punition
a son juste mérite48. »
36La version reproduite par d’Heylli semble dater du Second Empire, mais elle reprend elle-même, en l’actualisant, un texte remontant à la Restauration49. Ce type de poème appartient à une tradition encore plus ancienne : fausse confession de foi protestante (« J’abjure maintenant Calvin entièrement »), faux ralliement d’un royaliste à la Ire République (« À la nouvelle loi Je veux être fidèle50 »).
37Ces jeux littéraires qu’on pourrait qualifier de textes cryptés entrent singulièrement en résonance avec la « poésie de contrebande » théorisée par Aragon. Mais plutôt que d’influence dans un sens ou d’un autre – les pratiques adoptées par les poètes professionnels sont évidemment bien plus sophistiquées que les textes de notre corpus – il faudrait sans doute plutôt parler de continuum entre les moyens utilisés par des écrivains, nos « écrivants », voire d’autres catégories de la population. Ils peuvent être l’indice que l’Occupation induit de nouveaux usages de la langue bien plus généraux que dans le seul champ littéraire et permettant à l’expression collective du « non-consentement » de se faire un chemin. En voici un exemple au moment de la « campagne des V » lancée par la BBC, qui pousse les Allemands à demander aux autorités françaises locales de sévir contre ces inscriptions pro-alliées :
BREST
VILLE DE BREST
Appel du maire
à la population
Ainsi que le préfet du Finistère l’a fait savoir hier à la population du département, le commandement supérieur de l’armée allemande ne tolérera plus d’inscriptions ou manifestations intempestives. Les infractions seront à l’avenir très sévèrement réprimées.
Toutes les inscriptions (V – VDG – Croix de Lorraine, mentions diverses) doivent avoir disparu le mardi 1er avril, à midi.
Le maire de Brest prie instamment les chefs d’établissements et d’administrations, les propriétaires d’immeubles et locataires de rez-de-chaussée de veiller à la stricte application de cette prescription, dont ils peuvent être tenus responsables.
En outre, le maire demande à la population de ne pas compliquer par des actes irréfléchis la tâche déjà très lourde de l’administration municipale.
Le maire, V. LE GORGEU51
38La date du 1er avril était sans doute imposée par l’occupant. Ce n’est donc pas elle qui pourrait induire un sens caché de l’affiche, quoiqu’elle ait pu inciter son rédacteur à profiter de la connivence entre lecteurs français provoquée par cette coïncidence. La singularité de ce texte réside dans la visibilité de ce qu’il déclare réprimer : les V. Non seulement le maire se donne la peine de détailler les inscriptions qu’il s’agit d’effacer, mais il signe exceptionnellement l’affiche de son nom, avec l’initiale de son prénom (Victor) – alors que d’autres avis qu’il fait afficher se contentent d’un simple « Le maire ». Le clin d’œil de Victor Le Gorgeu à ses administrés, façon de leur communiquer sa véritable opinion derrière l’injonction qu’il doit répercuter nous paraît hautement probable52.
L’allographe alphabétique
39Cette catégorie se réduit à un seul texte, très répandu, souvent intitulé « Le nouvel alphabet ». Voici la version circulant en Franche-Comté en janvier 1941 :
« La Nation ABC
les places fortes OQP
La gloire FAC
Les provinces CD
Le peuple EBT
Les Lois LUD
La justice HT
Le prix de la vie LV
La ruine HV
la honte VQ
Mais l’ESPOIR RST
Prière de faire circuler53. »
40Ce texte réunit des traits déjà rencontrés auparavant : c’est la continuation d’une tradition ludo-pédagogique attestée dans les journaux pour la jeunesse54, il peut évoquer chez certains lecteurs une référence littéraire connue chargée de sens politique55, ses variantes attestent chez ses diffuseurs-recopieurs une sensibilité tantôt purement patriotique, tantôt républicaine. Enfin, il est en consonance avec des comportements de « non consentement » face à l’occupant jouant avec les limites légales via un véritable langage corporel : on pense aux allographes pictographiques formés par les jeunes se promenant dans la rue avec « deux gaules », ou aux femmes vêtues des trois couleurs du drapeau national, véritables pictogrammes vivants.
41La diffusion de ce texte, comme d’autres jeux littéraires de notre corpus, est abondamment attestée chez les jeunes, dans ou en dehors des établissements scolaires56. Cependant, sans nier le rôle d’une certaine culture de contestation propre aux jeunes, exacerbée par la sollicitude que les nouveaux pouvoirs leur portent, le plus remarquable est bien qu’ils appartiennent aussi, par leur circulation, au monde des adultes. Leur reprise par la presse clandestine ou la BBC l’atteste, tout comme les rapports de police ou les témoignages sur leur diffusion57.
42La multiplicité des canaux de diffusion donne à tous ces « jeux littéraires » un statut ambigu aux yeux de ceux qui scrutent l’état d’esprit des Français de l’époque : signe de l’existence d’une opposition en même temps que de la faiblesse de ses moyens actuels. La police de l’État français les qualifie de « puérils58 » en même temps qu’elle constate que les premiers opposants les diffusent au même titre que des tracts à but pratique. La France libre utilise à plein leur potentiel, comme l’atteste le parcours du poème « Aimons et Admirons ». Il est envoyé à un Français libre par sa mère qui le présente comme inséré à la demande d’un lecteur dans Paris-Soir (celui contrôlé par les Allemands) sans que la censure se soit aperçue du double sens59. Cette anecdote – sans doute fausse – est reprise par la propagande française libre en direction des pays alliés, qui en fait un « étincelant témoignage de l’esprit de Paris60 ». Ceci n’empêche pas René Pleven, en privé, de qualifier ce poème d’enfantillage61. Mais on aurait tort de voir dans cette appréciation la preuve de l’insincérité de la propagande. D’une part, le parcours de ce poème tel que le présente la France libre est vraisemblable, du point de vue des pratiques attestées en métropole. On l’a vu avec le poème dédié au Maréchal et l’affiche du maire de Brest. D’autre part, si la Résistance extérieure se fait alors l’écho des blagues et des « tours » joués aux occupants, ce n’est pas pour l’assimiler à de la Résistance mais comme le signe qu’un terreau existe déjà d’où elle pourra naître :
« La vengeance verbale, la seule qui soit laissée apparemment à ce malheureux peuple, se donne carrière, vengeance enfantine, c’est certain, mais les enfants grandissent si vite en temps de guerre ! […] Il y a ces mots, et bien d’autres. Il y a aussi des actes, une action. Nous rapportons les mots, l’acte demande le silence. Les mots ne sont pas toujours absolument que des mots, ils peuvent être parfois la promesse et le signe d’une future action62. »
43En fait, l’écriture ludique apparaît, à cette époque, comme une tactique expérimentée par certains Français pour en impliquer d’autres dans ce qu’on peut appeler une pratique collective du non-consentement individuel, qui joue sur la connivence et l’expérience partagée, mais à un autre niveau que la rhétorique contre-propagandiste adoptée par ceux qui veulent s’organiser. Ceci n’empêche nullement qu’elle soit perçue comme une menace et réprimée comme telle63. Car la logique de cette écriture ludique réside dans la volonté de combattre l’emprise sur les esprits des régimes d’écriture officiels en mettant en circulation d’autres codes, de manifester ainsi en pratique par l’écriture la possibilité d’un autre mode d’être de la société au sein du nouvel espace public contrôlé.
Les chants des maquis
44Le second corpus étudié se compose de 85 chants composés dans les maquis ou adoptés par eux, la majorité venant de la collection de P. Arma. Sa délimitation n’est pas évidente, car la plupart des sources datent d’après-guerre Les lettres adressées à P. Arma en 1945 apportent souvent des précisions sur les circonstances de composition du chant, mais ce n’est pas le cas des publications des maquisards eux-mêmes. On peut parfois douter que certains de nos chants aient été pratiqués, voire même composés avant la Libération64. Ainsi, le journal de marche du Corps Franc de la Montagne noire est parsemé d’anecdotes sur des chants ; or, aucune ne mentionne le chant éponyme du maquis placé en ouverture du livre, qui forme une sorte de dyptique avec la conclusion lyrique assimilant rétrospectivement l’action du CFMN à un chant continuel.
45Ces publications (monographies, recueils de chants, souvenirs) participent en effet d’une économie de la reconnaissance des maquis, qui peut introduire plusieurs biais. D’une part, elles omettent sans doute certains types de chants créés au maquis : chansons d’amour, chansons gaillardes65. Enfin, nul ne sait la place, dans la vie des maquis, de ces nouveaux chants par rapport à la reprise des divers répertoires, abondamment attestée66.
46Cette diversité des chants pratiqués doit cependant être pondérée suivant le contexte. Quand le maquis se présente devant un public extérieur, il le fait en usant d’un répertoire drastiquement réduit, que ceci soit à l’initiative du chef de maquis ou spontanément. C’est avant tout la Marseillaise qu’on chante lors de la visite de supérieurs, lors de la prestation de serment de nouvelles recrues, ou bien quand le maquis se dévoile au grand jour dans les villages – parfois un autre chant patriotique connu comme Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine67. Face à l’adversaire, on reprend les mêmes chants, par exemple en Isère sous les fenêtres d’un collaborateur hébergeant le général Dentz68 – ou alors un autre répertoire tout aussi restreint : c’est L’Internationale qu’entonne un groupe du CFMN dont le camion croise par hasard des Allemands en plein bourg69. Et pourtant l’encadrement du CFMN n’est certes pas d’obédience FTP… C’est que la pratique concrète du chant, suivant les contextes, manifeste les « identités emboîtées » des maquisards. Ainsi, dans les Cévennes protestantes, la réactivation d’un héritage « résistant » remontant aux persécutions religieuses passe notamment par le chant : à Ardaillès, les maquisards locaux assistent au culte et entonnent avec l’assistance « les psaumes qui menaient au combat les bandes des camisards70 ».
47Le corpus choisi vise donc seulement à mieux connaître la façon dont les maquisards ont parlé d’eux-mêmes dans des chants écrits pour être chantés entre eux. Au préalable, il faut rappeler le contexte particulier de la pratique du chant au maquis. La principale contrainte réside dans l’insécurité des bivouacs des maquis qui, en soi, rend problématique le chant pendant les déplacements voire certaines veillées. D’où l’impossibilité de calquer sur les maquis la distinction militaire entre « chants de marche » et chants de popote » puisque le front est partout et l’arrière nulle part. D’autre part, l’enjeu principal des chants est sans doute la lutte contre le désœuvrement, pendant de longues périodes et pour nombre de maquis, voire contre la tentation chez certains de chercher ailleurs le réconfort d’autres musiques : celles des bals clandestins.
48De façon plus positive, il s’agit évidemment de renforcer les liens communautaires entre maquisards. À la veillée certains cadres tentent de promouvoir les vertus du chant choral pour souder le groupe et favoriser un répertoire « national » (chants patriotiques, folkloriques), à l’imitation des Chantiers de jeunesse. Les directives de l’École des cadres des maquis des MUR71 reflètent cette aspiration. Cela dit, en pratique, sont tout autant attestées d’autres traditions militaires du type « théâtre aux armées », avec revue, sketches voire portraits satiriques de la hiérarchie72. En fait, le chant de veillée paraît être le plus souvent une pratique spontanée, auto-régulée et de suspension des rapports hiérarchiques. C’est une occasion pour des maquisards de se mettre en valeur par la beauté de leur voix ou pour leur facilité à adapter de nouveaux textes à des airs connus73. Collectivement, des chants typiques de pays, régions, milieux sociaux différents permettent aussi à différents groupes de se connaître74. Et les maquisards n’ont pas besoin d’être guidés pour compenser la mélancolie des chansons sentimentales par les blagues de Pierre Dac entendues à la BBC75.
49Dans ce contexte, l’existence même de ce corpus de chants spécialement écrits pour les maquis est en soi significative, par rapport aux pratiques habituelles des mouvements de jeunesse ou de l’armée : elle marque un besoin d’invention de nouveaux chants et donc une insatisfaction devant la simple reprise des chants des répertoires antérieurs. Henri Bitterlé justifie ainsi l’écriture de sa Marche des FTP de la Dordogne à l’intention du groupe du capitaine Rico qu’il entendait fredonner « de piètres chansons de route » : il a voulu les doter d’une chanson « plus apte à les entraîner, à leur soutenir le moral ; une chanson à eux et pour eux, une chanson décrivant leur vie, leurs misères, leur état d’âme et exaltant leur idéal76 ».
Les chants composés pour les maquis : pistes pour une analyse textuelle
50Comme notre corpus est d’origine disparate et ne peut prétendre à une représentativité statistique, on s’est limité à repérer certains marqueurs permettant de dégager des hypothèses de lecture. Le premier atteste qu’il s’agit bien de chants identitaires propres aux maquis : 79 des 85 chants sont l’expression d’un « nous ». Or celui-ci désigne le plus souvent les maquisards, dans quelques cas seulement la Résistance ou les Français. Il arrive par ailleurs que le « nous » maquisard se présente comme parlant au nom de la France ou de la Résistance, mais très rarement. Ce « nous » est également très peu déterminé géographiquement. C’est exceptionnellement que le texte fait explicitement référence aux maquisards d’un maquis précis, ou d’une région77. Enfin, un faible nombre de chants (14) ose comparer dans leur texte les maquisards avec des prédécesseurs. On trouve seulement 6 mentions des soldats de l’an II, 3 des Poilus. Cette identité maquisarde est donc bien particulière et se construit par le chant.
51Les maquisards, lorsqu’ils décrivent leur condition (52 occurrences), se présentent le plus souvent comme des marginaux, parfois d’une façon neutre, purement géographique (ceux qui se sont retirés dans les montagnes ou les forêts : 18 occurrences), mais le plus souvent de façon négative : 21 occurrences évoquent l’exil familial, le froid, la faim ou la traque dont ils sont l’objet, 13 mentionnent leur statut de hors-la-loi et leur criminalisation par Vichy. Le rapport à l’action que révèlent leurs textes est peu valorisant : 34 n’évoquent que l’attente du combat futur (souvent liée à l’attente du débarquement), 27 parlent d’un maquis partant au combat (chants mobilisateurs du type Marseillaise) ou déjà actif mais sans que cette action soit vraiment décrite, 18 seulement décrivent le combat au présent.
52Cette observation est confirmée lorsqu’on examine les raisons d’agir des maquisards. Le désir de la gloire obtenue par la victoire, qui appartient à la rhétorique combattante, n’a qu’un statut secondaire (21 occurrences). Cette gloire peut d’ailleurs être ambiguë, associée à celle des « vieux grognards » (synonymes d’un prestige combiné à un statut social marginalisé78), ou abandonnée au bénéfice de la Nation79. La grande majorité des chants reflète plutôt cette affirmation du chant Les maquisards passent : « laissant la gloire ils veulent tous la liberté80 ». Car la raison d’agir principale tient en deux mots : la liberté de la France. Le plus souvent, le vocabulaire utilisé permet d’expliciter ce que recouvre cette notion : il s’agit avant tout de la liberté de la patrie ou du sol natal (43 occurrences), beaucoup moins celle de la république (11), encore moins la libération sociale de la France ou la liberté du monde, à travers celle de la France. Sans surprise, la référence patriotique est donc centrale, et semble se suffire à elle-même face à l’occupation totale du pays. Elle est cependant précisée dans 20 occurrences qui vont jusqu’à invoquer l’enjeu du salut de la France, qu’il s’agisse de sauver son honneur, son âme ou sa vie. Cette rhétorique, dans le contexte d’un conflit où le « salut » ne peut venir, militairement parlant, que des Alliés, politise implicitement les enjeux en liant l’avenir de la France au versement de l’impôt du sang pour la libération du territoire.
53L’aspiration à la gloire est d’ailleurs concurrencée par un troisième thème au statut ambivalent : l’unité (20 occurrences) revendiquée tantôt comme déjà présente, tantôt comme à conquérir – signe, dans tous les cas, qu’elle n’est pas donnée d’avance. Quoique minoritaire, ce thème est un indice supplémentaire de la difficulté pour les maquisards de se poser en représentants de la Résistance dans son ensemble, à plus forte raison de la Nation comme ont pu le faire les Poilus. Les indications, peu nombreuses, concernant le destin des maquisards après-guerre sont également ambiguës : elles revendiquent parfois une reconnaissance à la mesure des souffrances endurées81, tout en doutant parfois de cette reconnaissance82 et en se rabattant souvent sur le seul espoir de souvenirs partagés en privé83.
54Le dernier de nos marqueurs concerne les adversaires : l’occupant et Vichy. Quantitativement, quand les chants n’en dénomment qu’un, les Allemands l’emportent sur Vichy. Mais le plus souvent l’un et l’autre apparaissent dans le chant. Des deux, c’est Vichy l’adversaire le plus proche (le plus individualisé par des noms propres, des organisations) et celui dont la mort est la plus évoquée. Cependant, hiérarchiquement, l’occupant l’emporte d’après les qualificatifs assignés. Les vichystes n’en ont que trois (traîtres, lâches, vendus) et sont surtout trois fois moins affublés de qualificatifs que les Allemands. Pour ces derniers, le vocabulaire hérité des guerres franco-allemandes précédentes écrase tout : sur 68 occurrences, le mot nazi est employé seulement 10 fois, alors qu’on a 40 fois l’emploi de boches ou fridolins ou teutons, 10 fois hordes ou races barbares, 6 fois des termes animaliers (vampires, bête, chien, meute, cochon). Il nous semble que cette prédominance a peu à voir avec un désintérêt ou une absence de conscience de la spécificité du nazisme : elle reflète plutôt la façon dont le chant permet aux maquisards de se placer dans le sillage de leurs aînés par le vocabulaire des passions, à défaut d’oser se présenter comme leurs héritiers ou de se comparer à eux par le combat et le désir de gloire.
55On voit le décalage entre ces chants identitaires et la façon dont les maquis se présentent à la population comme les continuateurs des combattants d’autrefois, notamment lors des fêtes nationales (11 novembre 1943, 14 juillet 1944). Ce rapport au passé, qu’on n’a pu ici que dégrossir, devient surtout intéressant quand on cherche à l’affiner par l’examen des héritages littéraires convoqués dans ces chants, notamment à travers la pratique des adaptations d’airs connus.
Texte et musique : sens du recours aux répertoires musicaux
56La majorité des chants (53 sur 85) sont en effet des textes nouveaux composés sur des airs connus. Les répertoires musicaux utilisés sont dans l’ordre décroissant les chants de soldats84, les chansons à succès85, les chants patriotiques nationaux ou régionaux86, les chants révolutionnaires (souvent repris dans l’entre-deux-guerres par les mouvements de jeunesse de gauche)87, les chants folkloriques88, les chants scouts89, enfin trois parodies d’un même chant vichyste (Maréchal nous voilà). La citation musicale et, parfois, l’allusion implicite au texte d’origine sont autant de pratiques intertextuelles dont l’analyse permet d’aller au-delà de la constatation de la rareté des héritages expressément convoqués par les maquisards.
57La pratique de « l’air connu » est porteuse de multiples ambiguïtés et renvoie à une pluralité de réceptions possibles, exactement comme pour nos jeux littéraires, avec le degré de complexité supplémentaire induit par la combinaison texte-musique. D’une part la polysémie intrinsèque à l’expression musicale fait qu’un air peut très bien passer d’un texte à un autre et donc changer de répertoire sans que la connotation du texte d’origine le suive obligatoirement90. D’autre part cette force autonome de la séduction musicale ne contribue pas peu à expliquer la capacité des chants eux-mêmes – texte et musique – à migrer : bien des chansons de marches, qu’elles soient militaires, patriotiques ou révolutionnaires ont ainsi circulé, du monde combattant aux organisations de jeunesse en passant par les orphéons. La prégnance du répertoire d’origine dépend de multiples facteurs : l’écriture de l’adaptateur, la culture partagée des auditeurs, l’interprétation, le contexte d’exécution (car l’adaptation peut être aussi un moyen de faire redécouvrir et chanter le texte-source).
58Cette malléabilité sémantique inhérente à la pratique du chant se retrouve dans notre corpus. Ainsi, les trois adaptations de Maréchal nous voilà détournent le chant d’origine au service d’un texte anti-vichyste. mais de deux façons différentes. L’une joue uniquement sur la parodie satirique, mettant en scène les Vichystes face aux Alliés (« Maréchal, les voilà ! Sauv’qui peut, quittons vite la France »). Ce registre, qui rappelle l’écriture des jeux littéraires de 1940-1941, est exceptionnel dans nos chants identitaires. De fait, les deux autres sont des parodies « sérieuses » où s’exprime un « nous » anti-vichyste (« Maréchal et Laval, Vous n’avez plus notre confiance », « Des Français, en voilà »), et qui captent la force mobilisatrice de l’air d’origine. La même mélodie peut ainsi être réutilisée au service d’affects opposés.
59Cependant, la rareté de ces occurrences montre que l’enjeu véritable pour les chants des maquis n’est pas de détourner le répertoire vichyste, mais de capter un maximum de répertoires antérieurs. De fait, la diversité des héritages convoqués et de leurs modes d’appropriation est révélatrice de la capacité intégratrice du chant dans des groupes où pouvaient se côtoyer jeunes et adultes, bourgeois et paysans, français et étrangers de diverses nationalités, catholiques, protestants et juifs.
60Une première approche purement référentielle des « airs connus » permet de préciser quelques-unes des hypothèses émises d’après les marqueurs textuels. L’air le plus adapté est Quand Madelon : l’héritage écrasant de la Grande guerre est plus facilement convoqué via la musique qu’à travers le texte91. De plus, ce chant emblématique des Poilus est un « chant de popote », donc plus facilement transposable par sa thématique de référence que les chants militaires de tradition92. Parmi ceux-ci, il est significatif qu’on trouve avant tout les chants des bataillons d’Afrique : s’auto-décrivant comme marginaux, les maquisards vont chercher des univers analogues et reprennent des textes originels le style relâché. Cette marginalité assumée correspond aussi au choix de certaines des chansons à succès adaptées (Le chant du guardian, C’est un mauvais garçon), mais aussi, sur un plan purement politique, au plus adapté des chants patriotiques : Les Allobroges, hymne savoyard qui est d’abord, historiquement, une allégorie de la Liberté se réfugiant en Savoie après le coup d’État du 2 décembre 185193.
61L’intégration des répertoires antérieurs au service de l’identité maquisarde telle que nous l’avons définie se fait évidemment au prix de détournement de certains des textes d’origine. On charge d’un sens guerrier des chants patrimoniaux (chants folkloriques et chansons populaires récentes) par parodie textuelle ou/et transposition du récit : le refrain « oh oh avec mes sabots » d’En passant par la Lorraine devient « ah ah tirons dans le tas », et le héros solitaire aimé des belles du village de la Chanson du Guardian est transposé en « un brave qui part en ligne ». Parfois, cette transposition est révélatrice d’un univers masculin très typé : ainsi dans le texte de La compagnie du Layon composé dans l’été 1944, la menace sexuelle d’aller pourchasser jusqu’en Allemagne « ces vertes petites personnes qui viennent de nous quitter » reprend sur un mode mineur mais violent l’argument de la chanson adaptée, les Deux compagnons, chanson des auberges de jeunesse dont un des héros finit par épouser la fille d’une des hôtesses rencontrées. La tendance dominante est cependant de refuser l’identification à des univers de référence purement martiaux : l’expression « laissant la gloire ils veulent tous la liberté » (citée plus haut) du chant Les maquisards passent exprime sa distance avec le texte d’origine, Le rêve passe, hymne aux dragons napoléoniens qui s’en vont « chevaucher la gloire ».
62À l’autre extrémité du spectre, on dépouille les chants révolutionnaires du vocabulaire de la révolte sociale, avec toutes les nuances possibles. Hardi camarades semble ainsi être chanté dans le Vercors de trois manières : tel quel en omettant les deux derniers couplets94, ou bien en les remplaçant par deux couplets patriotiques95, ou bien en adoptant un texte à peu près entièrement nouveau96. Ce que recouvrent ces variantes ne peut être appréhendé qu’en fonction d’un contexte précis. Le chant des partisans russes (À l’appel du grand Lénine) est adapté en Chant des partisans dans un maquis FTP de la Creuse, et en Complainte du maquis cévenol par le maquis Aigoual-Cévennes. Dans le premier cas le lien avec la Révolution russe est gardé non seulement par la musique mais dans le texte : le mot partisan revient tel un leitmotiv, ni la liberté ni la France ne sont évoquées explicitement, il s’agit de chasser du pays un ennemi nommé de façon générique (l’oppresseur) et doté d’un attribut (les cravaches) préservant l’ambiguïté entre combat patriotique et révolte sociale, la référence patriotique la plus claire étant indirecte, à travers une expression (nos farouches soldats) tirée de La Marseillaise. Ceci peut donc correspondre à un particularisme cultivé par l’encadrement FTP. Dans le second cas, le nouveau texte, créé en mai 1944 par un maquisard de la Soureilhade, ne fait plus aucune référence au texte-source. Il évoque l’héritage des camisards et l’union pour la liberté de la France entre descendants des huguenots et volontaires venus d’ailleurs. C’est que sa genèse correspond à un arrière-plan syncrétique très particulier : il a été composé sous l’influence d’un jeune juif communiste d’une famille polonaise réfugiée en Lozère, Henri Zygel, qui avait appris à son groupe le Chant des partisans russes, mais dont on sait par ailleurs qu’il reçut durant la même période le baptême protestant97. Zygel quitta ensuite le maquis Aigoual-Cévennes pour un maquis FTP et fut tué en août 1944 ; de sorte que ce chant qu’il avait contribué à faire naître à très bien pu être pratiqué après son départ sans plus aucune connotation liée à l’air d’origine, mais aussi se charger après sa mort d’une valeur affective singulière pour ses anciens compagnons de l’Aigoual.
63Reste l’interprétation musicale, porteuse de nuances et complexités supplémentaires dans l’appréhension d’un chant. On partira de la lettre envoyée à P. Arma par le FFI qui lui transmettait les paroles du Chant des volontaires créé sur l’air des Bat’d’Af dans un maquis de Loire Atlantique : « Elles ont entraîné les quelques milliers de garçons qui, presque sans armes, ont préparé la route de la poussée américaine vers la Loire en août 1944 et ont fermé jusqu’à la victoire la poche de Saint-Nazaire. Il convient de la chanter d’une manière toute différente de la chanson des Bat d’Af. La plainte du “bataillonnais” fait place à l’enthousiasme et à l’élan des volontaires de la libération98. » Cette consigne est ambiguë : ne désigne-t-elle pas autant la façon dont le chant devra être interprété dans l’après-guerre en mémoire du maquis, que l’interprétation dominante qui fut effectivement en vigueur auparavant ? Dans l’esprit de l’auteur de la lettre, on voit bien que l’interprétation musicale a ici pour fonction de perpétuer un moment inoubliable, celui de la mobilisation de l’été 1944 – en tout cas plus propre à l’enthousiasme et à l’élan que la garde qui suivit du front oublié de l’Atlantique. Mais surtout, le choix qu’il postule entre deux interprétations possibles en omet d’autres, à commencer par celle de l’auteur de l’air d’origine, Bruant, qui devant un auditoire civil faisait d’Aux Bat d’Af un chant de défi face au reste de la société. La force intégratrice du chant réside aussi dans cette capacité de la musique à privilégier, selon le contexte d’interprétation, tel ou tel affect déjà présent dans un texte aux potentialités multiples. Ce Chant des volontaires en est un exemple saisissant, où dans une même strophe se succèdent désir de la libération, volonté de sacrifice au service de la France et sentiment de marginalité :
[…]
« un jour viendra, l’aube sereine
où notre sol se libérera
ce jour verra notre victoire
gagnée du sang de nos amis
s’il nous en reste un peu de gloire
nous la voulons pour le pays
les autres s’en foutent mais pas nous99. »
*
64Tant dans le cas de la manifestation d’un courant de « non-consentement » au sein de la société française dans son ensemble, que dans le contexte de l’affirmation identitaire de cette micro-société résistante que furent les maquis, nous espérons avoir mis au jour quelques pistes indiquant en quoi l’analyse des pratiques d’écriture « populaires » peut se révéler fructueuse pour l’historien de l’Occupation. « L’adaptation, la transformation, la parodie, le collage sont bien des pratiques productrices » : cette remarque appliquée par D. Francfort aux mutations que des compositeurs comme Mahler font subir aux marches militaires, s’applique autant aux auteurs anonymes des jeux littéraires et des chants des maquis. Elles prennent surtout une importance particulière dans le contexte des années noires où le refus de l’occupation et de Vichy et l’invention par la Résistance de formes d’action nouvelles passaient aussi par la réaffirmation d’une appartenance commune et du choix d’un héritage à travers des pratiques sociales et culturelles au niveau le plus humble.
Annexe
ANNEXE I. Corpus de jeux littéraires
Abréviations :
AN : Archives nationales.
BDIC : Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine.
Ducros : Louis-Frédéric Ducros, Montagnes ardéchoises dans la guerre, tome 1,
Valence, imprimeries réunies, 1974, p. 106.
IHTP : Institut d’histoire du temps présent.
Marcot : François Marcot, Les voix de la Résistance, Besançon, Cêtre, 1989.
MRD Besançon : Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon.
PP : Préfecture de Police de Paris.
Thomas et Le Grand : Georges-Michel Thomas et Alain Le Grand, Le Finistère dans la guerre, tome 1, Brest, Éditions de la Cité, 1979, p. 121.
ANNEXE II. Corpus de chants des maquis
Abréviations :
ANFTP-Var : Chants des maquisards et réfractaires, Toulon, Association nationale des Francs-Tireurs et Partisans français – Département du Var, s. d.
Bouladou : Gérard Bouladou, Les maquis du Massif Central méridional, Nîmes, C. Lacour, 2006 (rééd.).
Brochure anonyme : Nous voulons libérer la France, sans lieu, sans éditeur, 1944 (archives Fondation de la Résistance).
CFMN : Le Corps Franc de la Montagne noire. Journal de marche, avrilseptembre 1944, Castres, Les anciens du CFMN, 1963.
Chevallot : Laurence Chevallot, Le maquis Henri Bourgogne, Saint-Brisson, Assoc. pour la recherche sur l’occupation et la Résistance en Morvan, 2003.
Chimello : Sylvain Chimello, La Résistance en chantant, Éditions Autrement, 2004.
DVD Drôme-Vercors : La Résistance dans la Drôme et le Vercors, DVD-Rom, AERI, 2007.
Golliet : Pierre Golliet et al., Glières, première bataille de la Résistance, Annecy, Association des rescapés des Glières, 1946.
Leproux : Marc Leproux, Nous sommes les terroristes, tome 1, Librairie Bruno Sepulchre, 1993 (rééd.).
Les Ardents : texte daté « St-Étienne, mars 1944 » sur un feuillet « imprimé en France malgré la Milice et la Gestapo, 2e éd. juillet 1944 » ; [cf.http://premium-wanadoo. com/lesardents/].
Les voix de la Liberté : Jean-Louis Crémieux-Brilhac (dir.), Les voix de la liberté.
Ici Londres, 1940-1944, La Documentation française, 1975, 5 tomes.
L’Histoire, no 1 : Philippe Joutard, « La Cévenne camisarde », L’Histoire, no 1, mai 1978, p. 63.
Maruejol-Vielzeuf : René Maruejol et Alain Vielzeuf, Le maquis Bir-Hakeim, éd. de Crémille, 1972.
Oriol-Maloire : Albert Oriol-Maloire, Quand les maquis chantaient, Estivareilles, Musée de la Résistance et de l’Armée Secrète d’Estivareilles, s. d.
Paroles et musiques : Thierry Barthoulot et al., Paroles et musiques. Les chansons et la Deuxième Guerre mondiale, Besançon, Musée de la Résistance et de la Déportation, 2003.
Silvestre : Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère, Les quatre seigneurs, 1978.
Titre | Sur l’air de | Source |
Sans titre [1er vers : « Ayant trahi la France, les hommes de Vichy »] | Maréchal nous voilà | Bouladou p. 266 |
Sans titre [1er vers : « Il est perché là haut Au bord d’un gai ruisseau »] | La chanson du maçon (1941, créée par Maurice Chevalier) | Bouladou p. 268 |
Sans titre [1er vers : « y a des gaulistes un peu partout »] | Avant d’être capitaine, il faut être matelot (1933) | Paroles et musiques |
Sans titre [refrain : « Makiste, sois joyeux »] | chant scout : « Frère scout, sois joyeux » | Bouladou p. 274 |
Aux armes, Francs-tireurs | Les Allobroges (1856) | Oriol-Maloire p. 7 |
C’est la bagarre qu’il nous faut | Fiesta Gaucho (1943) | Chimello p. 272 |
C’est nous les gars du maquis | Aux Bat’ d’Af’(vers 1870) | Chimello p. 249 |
C’est un air de France | Chimello p. 225 | |
Chanson de la 4205e cie, maquis Alfred Merle | Les bataillonnaires (1936) | Bouladou p. 265 |
Chanson de la Résistance | Bouladou p. 267 | |
Chanson du maquis | Brochure anonyme | |
Chanson du maquis | Chimello p. 281 | |
Chant de Bir Hakeim | Les bataillonnaires (1936) | Maruejol-Vielzeuf |
Chant de Bir Hakeim | Grand dieu que je suis à mon aise (ou : Les adieux du conscrit, trad. Berry) | Leproux p. 317-318 |
Chant de guerre du maquis | Chimello p. 255 | |
Chant de la Résistance | Chimello p. 278 | |
Chant des maquisards | Quand Madelon (1914) | Chimello p. 280 |
Chant des maquisards chauvinois | Quand Madelon (1914) | Chimello p. 259 |
Chant des partisans francs-tireurs | La jeune garde (1910) | Chimello p. 286 |
Chant des patriotes | Les Allobroges (1856) | Chimello p. 195 |
Chant du bataillon des Glières | Golliet p. 91 | |
Chant du corps franc de la montagne noire | CFMN p 13 | |
Chant du groupe de Sainte-Sigolène | La galette (1845, marche de Saint-Cyr, extrait du duo des Puritains) | Oriol-Maloire p. 35 |
Chant du maquis ou Chant des réfractaires | Les bataillonnaires (1936) | Paroles et musique ; Les Voix de la liberté, tome 4, p. 218 |
Titre | Sur l’air de | Source |
Chant du maquis | Les Allobroges (1856) | Oriol-Maloire p. 11 |
Chant du maquis | Quand Madelon (1914) | Chimello p. 245 |
Chant du maquis | Oriol-Maloire p. 15 | |
Chant des FTPF | Le mousquetaire sur cette terre [chanson des Marsouins] | ANFTP-Var |
Chant des volontaires | Aux Bat’ d’Af’ (vers 1870) | Chimello p. 275 |
Compagnons | Oriol-Maloire p. 23 | |
Espoir français | J’ai rêvé que j’habitais dans ton cœur (paroles françaises de Paul Max sur un air de V. Ursmar) | Chimello p. 194 |
France, à bientôt | Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine (1871) | Chimello p. 226 ; Silvestre, p. 85 |
Gloire aux FFI | Chimello p. 130 | |
Haut les cœurs, vive le maquis | En passant par la Lorraine (trad.) | Chimello p. 267 |
Hymne à la libération | Chimello p. 283 | |
Hymne de la compagnie du lac | Les Allobroges (1856) | Chimello p. 231 |
Hymne de la Résistance | Chimello p. 254 | |
Hymne des maquisards | Les Allobroges (1856) | Chimello p. 230 |
Jeune Sève | Hardi camarades (1897, chant répandu chez les révolutionnaires russes) | DVD Drôme-Vercors |
La chanson de marche du marquis | Chimello p. 258 | |
La chanson du maquis | C’est un mauvais garçon (1936, chanson du film Un mauvais garçon) | Chimello p. 204 |
La Charolaise | Chimello p. 262 | |
La compagnie du Layon | Les Deux compagnons (chant des auberges de jeunesse, lui-même sur l’air des Partisans blancs) | Chimello p. 257 |
La complainte du maquis cévenol | Chant des partisans russes (« A l’appel du grand Lénine… ») | Chimello p. 215 ; L’Histoire, no 1 |
La Flèche noire | Chevallot, p. 85 | |
La Madelon de la Résistance | Quand Madelon (1914) | Chimello p. 241. |
La maquisarde | À nous la liberté (1931), musique du film de René Clair | Chimello p. 224 |
La maquisarde | Chimello p. 237 | |
Titre | Sur l’air de | Source |
La marche des maquisards | Chimello p. 274 | |
La Marche du maquis | Quand Madelon (1914) | Chimello p. 197 |
La Marche du maquis | Quand Madelon (1914) | Chimello p. 206 |
La Marseillaise du maquis | La Marseillaise (1792) | Chimello p. 238 |
La Relève | Cadet Rousselle (1792) | Chimello p. 87 |
Le beau chemin | Le chemin de ma belle (chanté en 1939 par Tino Rossi) | Oriol-Maloire p. 19 |
Le chant des partisans | Chant des partisans russes (« A l’appel du grand Lénine… ») | Chimello p. 269 |
Le chant des réfractaires | Chant du Guardian (1935), chanté par Tino Rossi | Chimello p. 88 |
Le chant des suppliciés | Chimello p. 250 | |
Le chant du Groupe mobile d’opération « 18 juin » | Oriol-Maloire p. 5 | |
Le chant du maquis | Chant du Guardian (1935), chanté par Tino Rossi | Chimello p. 095 |
Le chant du maquis | Le chant du départ | Chimello p. 250 |
Le départ | Matéo. Adieu clocher de mon village | Chimello p. 116 |
Le Franc-tireur | Chimello p. 287 | |
Les Francs-Tireurs | Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine (1871) | Oriol-Maloire p. 31 |
Les Francs-tireurs et partisans français | Quand Madelon (1914) | Chimello p. 244 |
Les Gars du maquis | Chimello p. 211 | |
Les gars du maquis | Oriol-Maloire p. 17 | |
Les jeunes gars de France | C’est un mauvais garçon (19136, chanson du film Un mauvais garçon) | Chimello p. 268 |
Les maquisards | Chimello p. 246 | |
Les maquisards passent | Le Rêve passe (1906, repris en 1935 par Tino Rossi) | Chimello p. 253 |
Les réfractaires | Chimello p. 273 ; Oriol-Maloire, p. 13 | |
L’espoir des gars du maquis | Maréchal nous voilà | Chimello p. 282 |
Mam’zell’ Fifi | Chimello p. 166 | |
Marche des FTP de la Dordogne | La marche lorraine (1892) | Chimello p. 242 |
Marche du corps franc Raymond | Chimello p. 209 | |
Marchons au feu | Hardi camarades (1897, chant répandu chez les révolutionnaires russes) | DVD Drôme-Vercors ; Silvestre, p. 143 |
Maréchal | Quand Madelon (1914) | Chimello p. 093 |
Maréchal les voilà | Maréchal nous voilà | Les Ardents |
Mitraillons, mitraillettes | DVD Drôme-Vercors | |
Monsieur Hitler | Cadet Rousselle (1792) | Paroles et musique |
Nouvelle France | Un air de Vichy [air non identifié] | Chimello p. 167 |
Résistance | Chimello p. 288 | |
Si tu aimes ton pays | Au camp | Chimello p. 273 |
Tous debout | Oriol-Maloire p. 9 | |
Un chant du maquis | Chimello p. 221 | |
Voici les maquis de France | Oriol-Maloire p. 33 |
Notes de bas de page
1 L’échantillon le plus large se trouve dans François Marcot, Les voix de la Résistance, Besançon, Cêtre, 1989, p. 55-63.
2 Né en Hongrie, P. Arma (de son vrai nom Imre Weisshaus) fut élève de Bartok puis, en Allemagne, membre du Bauhaus de Dessau avant d’être contraint par les nazis à s’exiler en France ; il fut directeur musical des Loisirs musicaux de la Jeunesse sous le Front populaire et vécut dans la clandestinité entre 1942 et 1944 tout en collectant avec son épouse 1 800 chants sous l’occupation, puis 1 300 autres en 1945 dans le cadre de l’émission de radio La Résistance qui chante (Sylvain Chimello, La Résistance en chantant. 1939-1945, Éditions Autrement, 2004, p. 12-17 ; voir aussi Yannick Simon, Composer sous Vichy, Symétrie, 2009).
3 S. Chimello, La Résistance en chantant, op. cit., p. 22-29.
4 Le tract d’E. Michelet du 17 juin 1940, composé de citations de Péguy, n’en est que le premier exemple.
5 Environ 200 chansons sur les 1 300 envoyées par les auditeurs de la radio en 1945.
6 Les corpus sont détaillés dans les tableaux en annexe, avec leurs sources.
7 Gérard Genette, Palimpsestes, Le Seuil, coll. « Points Essais », 1992, p. 39-45.
8 F. Marcot, Les voix de la Résistance, op. cit., p. 63.
9 Sans compter les tics stylistiques reconnaissables, le dialogue d’outre-tombe rappelle « L’expiation » (Châtiments, V, 13).
10 Cf. Hubert Carrier, Les muses guerrières. Les mazarinades et la vie littéraire au milieu du XVIIe siècle, Klincksieck, 1996, p. 91 et suiv. et p. 300.
11 Un exemple savoureux dans D. Cordier, Jean Moulin. L’inconnu du Panthéon, tome 2, Laffont, 1989, p. 156 : le poème intitulé « Un miracle » en hommage aux négociateurs de Munich, écrit par un avocat de Saint-Affrique, et que publie L’Indépendant millavois le 15 octobre 1938.
12 Paul Aron date des réformes de 1902 le déclin de la plupart des exercices de pastiche pédagogique (Histoire du pastiche, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 189-193). Violaine Houdard-Mérot rappelle cependant la persistance des « devoirs d’imitation » et des « textes étudiés comme modèle » dans les programmes de 1938 (La culture littéraire au lycée depuis 1880, PUR, 1998, p. 112).
13 Les À la manière de de Reboux et Muller n’en sont que l’exemple le plus célèbre. Voir Paul Aron et Jacques Espagnon, Répertoire des pastiches et parodies littéraires des XIXe et XXe siècles, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2009.
14 L’acteur Wilfred Pickles invoque, dans un speech destiné aux travailleurs français le 27 décembre 1940, le « grand poète de la démocratie » et son célèbre « S’il n’en reste qu’un je serai celui-là » (Institut d’histoire du temps présent, microfilms des scripts des émissions françaises de la BBC).
15 Trois citations de Napoléon le Petit dans L’Humanité des 5, 8 et 19 mars 1941 selon Madeleine Rebérioux in La gloire de Victor Hugo, Édition de la réunion des musées nationaux, 1985, p. 237.
16 Vers des Châtiments et de l’Année terrible les 4 sept., 2 et 10 oct. 1941, 21 mars et juin 1942 (ibidem, p. 237).
17 Le tract-citation de Hugo « La nouvelle Europe se fera dont seront exclues l’Angleterre et la Russie » est diffusé par la PropagandaStaffel fin 1942 (ibidem, p. 237).
18 Des exemples dans Paris-Soir, 20 mars 1941, p. 2 (« Nouveau spectacle à l’ABC ») et 22 avril 1941, p. 2 (« Le premier Gavroche »).
19 « On manque de pomm’s de terre c’est la faute à l’Angleterre » (S. Chimello, La Résistance en chantant, op. cit., p. 105).
20 Jean-Louis Crémieux-Brilhac (dir.), Les voix de la liberté, Ici Londres 1940-1944, La Documentation française, 1975, t. 1, p. 104 et 144.
21 Selon Dominique Rossignol, la propagande de Vichy use toujours à l’égard des Britanniques de « ce ton docte, style « leçon magistrale ». L’idée d’unité domine » (Histoire de la propagande en France de 1940 à 1944, PUF, 1991, p. 312).
22 Hélène Eck (dir.), La guerre des ondes, Armand Colin, 1985, p. 56. et 69-70.
23 D. Rossignol (Histoire de la propagande en France…, op. cit., p. 310) signale parmi les procédés adoptés alors des jeux de mots, vers et dictons.
24 Ibidem p. 306 et 315 : premier tract avec M. Lapoire, l’auditeur moyen de la BBC (juin 1941) et prospectus « Dingaulliste » (septembre 1941).
25 Christian Delporte, Les crayons de la caricature, CNRS éditions, 1993, p. 35-36 et 56.
26 Phrase absente dans Noguères, Histoire de la Résistance en France, t. 1, Laffont, 1967, p. 471 – qui reproduit sans doute un recopiage du temps de l’occupation. Car elle est présente dans la brochure imprimée en août 1940 (archives de l’Office universitaire de recherches socialistes, fonds Jean Texcier, carton 7 APO 2), dans une version dactylographiée saisie en 1940 par la police (Archives nationales, F7 15003) et dans le texte publié par Texcier après la Libération (Écrit dans la nuit, Paris, La nouvelle édition, 1945).
27 Archives de l’OURS, fonds Jean Texcier, carton 7 APO 2.
28 Cf. son témoignage recueilli le 5 juin 1946 par Odette Merlat pour la Commission d’Histoire de l’occupation et de la libération de la France (Fondation nationale des Sciences politiques, Fonds Daniel Mayer, 1 MA 7.6).
29 Archives nationales, F7 15003.
30 Henri Amouroux, La grande histoire des Français sous l’occupation. T.1 : Quarante millions de pétainistes, Laffont, p. 211.
31 Telle cette « Prière pour la France », image imprimée le 12 octobre 1940 par Le chapelet des enfants, 5 rue de l’Université, Paris (collections du Musée départemental de la Résistance du Loiret, Lorris).
32 La propagande sous Vichy. 1940-1944, Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine, 1990, p. 135.
33 Almanach de la Légion Française des Combattants 1941, Vichy, Publications de la LFC, 1940, p. 8.
34 J.-L. Crémieux-Brilhac (dir.), Les voix de la liberté, op. cit., t. 1, p. 28. La remarque vaut sans doute aussi pour certains Français libres : un médecin adresse ses vœux de nouvel an à ses confrères de métropole le 1er janvier 1941 en évoquant « notre chef, notre Guide, notre Flambeau » (IHTP, microfilms des scripts des émissions françaises de la BBC).
35 Expression d’Henri Michel, citée in F. Marcot, Les voix de la Résistance, op. cit., p. 38.
36 Résistance no3, janvier 1941, bulletin du groupe du Musée de l’Homme, citant ce texte d’après une autre feuille clandestine, La Lettre française, no7.
37 Bruno de Perthuis, « Notre Joffre qui êtes au feu », Cartes postales et collection, no196, février-mars 2001, p. 10-19 ; Marie-Monique Huss, Histoires de famille. Cartes postales et culture de Guerre, Noesis, 2000.
38 Cf. celles annexées à J.-A.-M. Bellanger, Discours prononcé au banquet organisé à Mont (Loir-et-Cher) pour célébrer le 91e anniversaire de la prise de la Bastille, Blois, imprimerie R. Marchand, 1880 : la parodie du Notre Père, justement, joue sur la satire plus que sur la transposition « sérieuse » dans des formules telles que « Notre Père qui êtes à l’Élysée national ».
39 Sur le mode sérieux, résistants et Français libres tentent aussi d’opposer dès le début les figures de Foch et Clemenceau au prestige du Pétain « vainqueur de Verdun » : on cite des passages de leurs mémoires peu flatteurs pour Pétain, on met une de leurs phrases en épigraphe de feuilles clandestines.
40 J.-L. Crémieux-Brilhac, Les voix de la liberté, op. cit., p. 193. Au début de 1941, la circulation de vieilles prophéties est assimilée par Vichy à de la propagande pro-britannique : les censeurs en interdisent la parution dans un journal de Tournon, des résistants en distribuent sur le marché à Annonay (Louis-Frédéric Ducros, Montagnes ardéchoises dans la guerre, Valence, L.-F. Ducros, tome 1, 1974, p. 106).
41 Y compris par la mise en circulation de prophéties destinées à relancer l’émotion populaire… Cf. Christian Jouhaud, Mazarinades. La fronde des mots, Aubier, 2009 (rééd.), chap. 3 : « De l’écriture à la lecture : mise en texte et réceptions. »
42 Depuis Les dix commandements del l’homme social destinés à l’instruction de la jeunesse (1793), jusqu’au sujet d’examen proposé par Irénée Carré et Léon Moy : « Dire, sous la forme de dix commandements, ce que doit être un bon écolier » (La première année de rédaction et d’élocution, Armand Colin, 1923).
43 Marie-Monique Huss (Histoires de famille, op. cit., p 142), remarque qu’il s’agit du « texte sacré qui a inspiré le plus de versions fantaisistes » durant la Grande Guerre.
44 Tract saisi par la police, circulant en région parisienne et dans le nord, Archives nationales, F7 15003.
45 Cf. site [http://musique.as.ffi.free.fr] (souvenir de la musique de l’AS de la Loire). L’état d’esprit de l’auteur n’est pas isolé puis qu’au début de l’année 1941 des cartes postales de Poulbot, « jugées injurieuses pour M. le chancelier Hitler », sont saisies par la censure de Vichy (Christian Delporte, Les crayons de la caricature, op. cit., p. 36).
46 Archives nationales, F7 15004.
47 Roger Leroux, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Mayenne, imprimerie de la Manutention, p. 81.
48 Gazette anecdoctique littéraire, artistique et bibliographique publiée par G. d’Heylli, Paris, Librairie des Bibliophiles, 4e année, tome II, no 19, 15 octobre 1879.
49 Archives nationales F7 6706, poème trouvé à Paris en décembre 1827, cité par Anne M. Wagner, « Outrages. Sculpture and kingship in France after 1789 », in Ann Birmingham et John Brewer (dir.), The consumption of culture 1600-1800, Routledge, 1997 (rééd.), p. 316, note 33. Classé à l’époque comme « séditieux », donc à lecture bonapartiste cachée (verticale).
50 Ces deux textes sont abondamment reproduits sur des sites internet, mais sans source permettant de préciser leur datation et surtout leur usage. Que cette tradition soit attestée dès les guerres de religion est tout à fait vraisemblable : les poèmes à double lecture font partie des jeux pratiqués par les grands rhétoriqueurs. Voir Paul Zumthor, Anthologie des grands rhétoriqueurs, coll. « 10-18 », 1978, p. 38 et 244.
51 Affiche reproduite dans Albert Vulliez, Brest au combat 1939-1944, Les éditions Ozanne, 1950.
52 Il est par ailleurs un des 80 parlementaires ayant voté non à Pétain, est révoqué par Vichy à la fin de l’année 1941 et sera Commissaire régional de la république à la Libération.
53 F. Marcot, Les voix de la Résistance, op. cit., p. 62.
54 Cf. les jeux consistant à décrypter des allographes alphabétiques. Exemples dans Le petit Français illustré, no 33, 12 octobre 1889, p. 408, « histoire de la belle Hélène » ; Le journal de la Jeunesse, supplément au no 2032, 11 novembre 1911, « La Lettre d’Afrique ». Desnos puise au sein de cette tradition, dans l’entre-deux-guerres, avec ses poèmes « P’oasis » et « Art rythmé ; tic » (Œuvres, Gallimard, coll. « Quarto », 1999, p. 525-526).
55 En l’occurrence, la société secrète républicaine « Les amis de l’ABC » dans Les Misérables, de Hugo (t. 3. livre IV) : « L’Abaissé, c’était le peuple. On voulait le relever. Calembour dont on aurait tort de rire. Les calembours sont quelquefois graves en politique » […] « Les amis de l’ABC étaient peu nombreux. C’était une société secrète à l’état d’embryon » […] « La plupart des amis de l’ABC étaient des étudiants, en entente cordiale avec quelques ouvriers. »
56 Voir par exemple F. Marcot, Les voix de la Résistance, op. cit., p. 43.
57 Ainsi, « Aimons et admirons » est diffusé par un percepteur (E. Martres, Le Cantal de 1939 à 1945, De Borée, 1993, p. 116), la « Prière à de Gaulle » par deux cheminots auprès de leurs camarades de la gare de Caen (Jean Quellien, Opinions et comportements politiques dans le Calvados sous l’occupation allemande, Presses universitaires de Caen, 2001, p. 68 note 155).
58 Cf. par exemple dans Archives nationales, F7 15003.
59 Lettre de René Pleven à son épouse le 27 avril 1941, citée in Français en Résistance. Édition établie et présentée par Guillaume Piketty, Laffont, coll. « Bouquins », 2009, p. 988.
60 Bulletin radio-presse du Comité de Gaulle de Buenos Aires, no 12, 10 mai 1941, p. 4 ; même version reprise, aux États-Unis, dans Howard Rice, France 1940-1942. A collection of documents and bibliography, Cambridge (Mass.), Harvard Cooperative Society, 1942, p. 126. Un dépouillement rapide de Paris-Soir sur six mois n’a pas permis de repérer ce poème ; le courrier des lecteurs de ce journal ne donne d’ailleurs jamais la parole à des partisans ouverts de la collaboration ; il est consacré à des récriminations contre l’incurie de l’État français face aux pénuries.
61 « Je vais l’envoyer aux enfants qui devraient être amusées » (Français en Résistance, op. cit.).
62 La France libre, no 14, 15 décembre 1941, p. 156.
63 On arrête les diffuseurs… et les récitants, tel Raoul S., qui déclame la « Prière à de Gaulle » et « Pas de Joyeux Noël » dans une file d’attente (Dominique Veillon, Vivre et survivre sous l’occupation, Payot, 1995, p. 129).
64 Sur les 85 chants de notre corpus, 27 d’entre eux ne peuvent dater avec certitude de la période de l’occupation. Certains existent en deux versions, la seconde datant de l’après-libération (avec verbes au passé ou ajout d’un couplet, etc.).
65 Cf. La couenne dans Jean-Pierre Chabrol, Un homme de trop, Gallimard, coll. « Folio », 1972 (rééd.).
66 Voir par exemple dans Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère, Grenoble, Éditions des 4 Seigneurs, 1978, p. 85, 128 ; ou Jacques Guttières, Le chemin du maquis. Journal de marche d’un médecin, Paris, 1972, p. 23.
67 Gérard Bouladou, Les maquis du Massif central méridional, Nîmes, C. Lacour, 2006 (rééd.), p. 261.
68 P. et S. Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère, op. cit., p. 147.
69 Le Corps franc de la Montagne noire. Journal de marche avril-septembre 1944, Castres, Les anciens du CFMN, 1963, p. 91.
70 G. Bouladou, Les maquis du Massif central méridional, op. cit., p. 259. Il s’agissait en particulier des psaumes 43 et 46 : le psaume des batailles et le cantique de Luther (Lettre d’Odile de Rouville à l’auteur).
71 Cf. Magali Kiene, Les chants contestataires sous Vichy ou l’utilisation politique des chants, mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, Université de Franche-Comté, 1999.
72 Le Corps franc de la Montagne noire, op. cit., p. 94.
73 Cf. le témoignage de Julien Helfgott sur les Glières (in Pierre Golliet et al., Glières, première bataille de la Résistance, Annecy, Association des rescapés des Glières, 1946, p. 90).
74 Ibidem.
75 Ibidem.
76 S. Chimello, La Résistance en chantant, op. cit., p. 242.
77 Ce qui relativise les dédicaces de chants à tel ou tel maquis dans le titre ou par une épigraphe. Un même chant peut d’ailleurs facilement circuler d’un maquis à l’autre : le Chant des partisans francs-tireurs de la Nièvre, sur l’air de La Jeune garde, passe dans le Cher, dans la Bresse et en Saône-et-Loire (Ibidem, p. 286). Les deux chants adaptés de Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, l’un attesté au Vercors (France à bientôt), l’autre en Haute-Loire (Les Francs-tireurs), sont des variantes d’un même texte.
78 « Tels de vieux grognards vous serez plein de gloire » (Hymne des maquisards ; ibidem, p. 230).
79 « S’il nous en reste un peu de gloire/nous la voulons pour le pays » (Chant des volontaires ; ibidem, p. 275).
80 Ibidem, p. 253.
81 Ibidem, p. 209 (« la France remerciera l’humble maquis »), p. 230 (« vous aurez tous petits et grands égards qui vous paieront de vos nombreux déboires »).
82 Albert Oriol-Maloire, Quand les maquis chantaient, Estivareilles, Musée de la Résistance et de l’Armée secrète d’Estivareilles, s. d., p. 5 (ils « sauront faire valoir leurs droits ») ; S. Chimello, La Résistance en chantant, op. cit., p. 221 (« quand la France sera libre il ne faudra pas qu’elle oublie le maquis »), p. 195 (« braves couchés aux tombeaux glorieux/je garderai de votre fier silence/Le souvenir pour l’opposer aux propos calomnieux »).
83 Ibidem, p. 269, 278, 280.
84 15 occurrences : Quand Madelon (8), Les bataillonnaires (3), Aux Bat d’Afs (2), La galette, Le mousquetaire sur cette terre.
85 11 occurrences : des airs popularisés par des films (À nous la liberté, C’est un mauvais garçon [2]), des airs créés ou repris par Tino Rossi (Le chemin de ma belle Le chant du guardian [2], Le rêve passe), La Chanson du maçon, J’ai rêvé que j’habitais dans ton cœur, Fiesta gaucho ; Matéo est parfois présenté comme créé au maquis, mais attribué par S. Chimello à Edouard Barno.
86 10 occurrences : Les Allobroges (5), Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine (2), La Marseillaise, Le Chant du départ, La Marche lorraine.
87 5 occurrences : Hardi camarades (2), Chant des partisans russes (2), La jeune garde.
88 4 occurrences : Cadet Rousselle (2), En passant par la Lorraine, Grand dieu que je suis à mon aise.
89 3 occurrences.
90 Cf. les remarques de Didier Francfort sur la fragilité de la notion même de « musique militaire » (« Pour une approche comparée des musiques militaires », Vingtième siècle, no 85, 2005, p. 85-101).
91 6 des 8 adaptations recensées de La Madelon ne font aucune allusion dans le texte aux Poilus.
92 Par exemple Le mousquetaire sur cette terre, qui fait référence aux « traditions guerrières » et au « passé éclatant » des Marsouins. Par contraste, le texte de La Madelon de la Résistance dit bien dans quel registre (consolateur et non guerrier) se situe la reprise de l’air d’origine : « Oui Madelon, Madelon de la Victoire, toi qui tuas le cafard de nos poilus […] aujourd’hui, dans la Résistance, tes filles sont là à leur tour » (S. Chimello, La Résistance en chantant, op. cit., p. 241).
93 Ce chant est adapté au maquis non seulement dans les Alpes, mais aussi dans le Massif central et le Nord.
94 Joseph La Picirella, Témoignages sur le Vercors, Lyon, 1973, p. 43.
95 Marchons au feu.
96 Chant de la Jeune Sève.
97 Philippe Joutard, « La Cévenne camisarde », L’Histoire, no 1, mai 1978, p. 63 et Patrick Cabanel, Philippe Joutard et Jacques Poujol (dir.), Cévennes terre de refuge, 1940-1944, Montpellier, Presses du Languedoc, 1994, p. 188-189.
98 S. Chimello, La Résistance en chantant, op. cit., p. 275.
99 Ibid.
Auteur
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