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La presse clandestine polonaise, 1939-1945

p. 115-132


Texte intégral

1L’invasion de la Pologne le 1er septembre 1939 par le Troisième Reich, auquel se joignit l’URSS le 17 septembre, aboutit à l’occupation de la 2e République de Pologne pour de longues années. Le territoire polonais fut occupé par l’Allemagne et l’Union soviétique, mais aussi, pour quelques zones peu étendues, par la Slovaquie et la Lithuanie.

2L’une des règles fondamentales imposées par les occupants fut de couper les Polonais de toute source d’information fiable, les soumettant à une propagande hostile et les privant de tout contact avec les autorités polonaises en exil, qui s’étaient repliées en France puis, à partir du 2e semestre 1940, en Angleterre. À cette fin, la détention de postes de radio fut interdite et la presse polonaise liquidée.

3Les Allemands annexèrent purement et simplement une partie de la Pologne au territoire du Troisième Reich et créèrent, dans la partie restante, un Gouvernement général (General Gubernatorstwo) soumis à une occupation militaire. Dans le territoire annexé au Troisième Reich la presse polonaise cessa pratiquement d’exister2. L’occupant édita 16 journaux en langue polonaise. Dans le « vieux Reich » (l’Allemagne proprement dite), 6 titres furent publiés pendant la guerre, destinés principalement aux prisonniers de guerre et aux travailleurs requis de force.

4La situation de la presse était un peu différente dans le ressort du Gouvernement général, où les autorités occupantes publièrent en langue polonaise une presse qualifiée de « presse reptilienne » par les Polonais3. Entre 1939 et 1945, les Allemands éditèrent 75 titres en langue polonaise, dont 8 quotidiens d’information générale, 6 magazines hebdomadaires et 2 mensuels, le reste étant constitué par des journaux spécialisés (publiés à des fréquences variables). Nowy Kurier Warszawski [Le Nouveau Courrier de Varsovie] fut le quotidien le plus important : publié à compter du 11 octobre 1939, il était diffusé à quelque 200 000 exemplaires. En 1943, la diffusion totale de la presse publiée en polonais atteignait 400 000 exemplaires. À titre de comparaison, la diffusion de la presse polonaise en 1937 atteignait chaque jour en moyenne 2,1 M d’exemplaires.

5De la même manière, la presse polonaise fut liquidée dans les marges orientales [Kresy] de la IIe République de Pologne, occupées par l’Union soviétique jusqu’en juin 1941. Un nouveau pouvoir créa rapidement une presse en langue polonaise et des maisons d’éditions supervisées désormais par les autorités communistes4.

6Le Gouvernement polonais en exil, dirigé par le général Wladyslaw Sikorski et institué le 30 septembre 1939 à Paris, accordait une très grande importance à la situation en Pologne. Dès le mois de novembre 1939 le Comité des ministres pour les Affaires de l’État [Komitet Ministrów dla Spraw Krajul], chargé d’organiser la résistance polonaise, fut constitué et ses tâches définies. Dès ce même mois le Comité entreprit de publier Biuletyn Informacyjny [Le Bulletin d’information] destiné aux Polonais vivant sous l’Occupation. Les directives listant le contenu du premier numéro du Bulletin furent édictées lors d’une réunion le 28 novembre :

  • un court éditorial de portée générale ;
  • de brèves nouvelles concernant le Président de la République de Pologne ;
  • des informations sur les actions entreprises par le Gouvernement polonais en exil, sur les membres du Gouvernement et les plus importantes résolutions et décisions prises par lui ;
  • les événements de portée internationale, en mettant l’accent sur les facteurs et les détails dissimulés à l’opinion par l’occupant parce que contraires aux intérêts de l’Allemagne et de l’URSS ;
  • les affaires intérieures allemandes et russes, en relation avec les facteurs qui peuvent leur être défavorables (autrement dit les difficultés intérieures rencontrées par ces pays) ;
  • des informations sur la constitution de l’Armée polonaise (dans des limites compatibles avec l’activité des services de renseignement ennemis) ;
  • la situation politique mondiale, avec un accent particulier sur les affaires polonaises ;
  • la situation en Pologne, de façon à informer les différentes zones occupées des plus importants événements les concernant ;
  • la situation des Polonais émigrés avant et pendant la guerre, de façon à maintenir la liaison entre les Polonais de l’intérieur et ceux vivant à l’étranger ;
  • des nouvelles traitant de toutes les questions relatives à l’aide fournie au territoire polonais5.

7La publication du Bulletin était prévue pour le 7 décembre 1939. Cependant, compte tenu des nombreuses difficultés rencontrées, le premier numéro parut le 15 janvier 1940.

8Assez vite, le Gouvernement renonça à apporter cette forme d’aide au territoire occupé. Cette décision provint d’une part du fait que la presse clandestine commença à se développer rapidement en Pologne et, d’autre part, de ce qu’acheminer en grande quantité des publications imprimées vers la Pologne se révéla extrêmement difficile. Il apparut qu’il était bien plus efficace de fournir des articles déjà rédigés et destinés à une impression ultérieure dans des imprimeries clandestines.

9La direction de l’Agence télégraphique polonaise [Polskiej Agencji Telegraficznej, PAT], alors qu’elle était basée en France, tenta de créer des antennes en Pologne occupée. Cet essai fut infructueux. Cependant, en 1944, peu avant l’Insurrection de Varsovie, un groupe local de PAT put être implanté à Varsovie6.

10L’accroissement des opérations aériennes des Alliés au-dessus de la Pologne durant les phases suivantes de la guerre rendit possible l’acheminement de publications déjà imprimées. Fin 1942, on commença à préparer la publication de Zwiastun zwycięstwa [Le Messager de la Victoire], destiné à être parachuté au-dessus de la Pologne. Deux numéros imprimés à Londres sont connus : le no 1 de décembre 1942 et le no 2 de février 19437.

11Le Gouvernement polonais installé à Londres depuis juillet 1940 observa le développement de la presse clandestine en Pologne avec la plus grande attention. À intervalles réguliers, des fonctionnaires du ministère polonais de l’Information et de la Documentation (Ministerstwo Inrormacji i Dokumentajci] exprimèrent leur préoccupation devant le nombre beaucoup trop élevé de « petits journaux » publiés8. Voici les fonctions qu’ils assignaient à ce type de presse :

  • aider les Polonais à résister fermement aux Allemands ;
  • mettre l’accent sur l’obligation primordiale, pour la société polonaise, de recouvrer un État indépendant par la force des armes. La nation polonaise, après avoir recouvré son indépendance, traiterait des affaires intérieures de l’État dans le respect des principes démocratiques ;
  • exprimer ses distances avec les idées en faveur d’un soulèvement contre l’ennemi qui s’accompagnerait obligatoirement, sous quelque forme que ce soit, d’une révolution dirigée contre une partie du corps social ;
  • formuler de façon prudente, à l’exception des cas de collaboration politique ouverte avec l’occupant, les condamnations visant les Polonais collaborant avec les Allemands dans le domaine des œuvres sociales, charitables, religieuses ou de l’économie9.

12La presse clandestine commença à apparaître sur le territoire de la Pologne occupée en octobre 1939. Le Monitor Informacyjny Związku Powstańców Niepodległościowych [Service d’information de l’Union des insurgés pour l’Indépendance], publié à partir du 3 octobre 1939, est considéré comme le premier journal clandestin édité à Varsovie10. Avant la fin de l’année, 30 journaux clandestins étaient déjà parus rien qu’à Varsovie ; en 1940 ils étaient 14711, en 1944 le nombre de titres atteignait 33212. On estime que ce sont quelque 1 500 titres de presse qui ont été publiés sur le territoire occupé de la Pologne, toutes périodes confondues, la moitié étant fabriqués dans la capitale13. Sur les 1 174 titres conservés, le nombre de titres imprimés au sens technique du terme atteint le chiffre surprenant de 325. Il s’agit du total le plus élevé en Europe, suivant certaines estimations ; en France, il y en aurait eu 270 et en Hollande 16014.

13Le premier quotidien, Dzien [le Jour] fut publié du 21 mai 1941 jusqu’en 1944. Durant les années 1939-1944, à Varsovie – le centre d’édition le plus dynamique – on publia au total 52 quotidiens, 116 hebdomadaires, 102 bimensuels et 178 mensuels15.

14Les journaux clandestins étaient publiés par des organismes étatiques (l’Union pour la Lutte Armée – Armée de l’Intérieur [Monitor Informacyjny Związku Powstańców Niepodległościowych] et la Délégation gouvernementale pour la Pologne [Delegatura Rządu na Kraj]), des partis politiques, des organismes à vocation sociale ou politico-sociale, mais aussi grâce à de multiples initiatives individuelles ou émanant de groupes clandestins de petite taille ou « informels ». Selon l’expression du professeur Tomasz Strzembosz, « la liberté subsistant au sein de l’asservissement » eut pour résultat que quiconque détenait une machine à reproduire, du papier et de l’encre d’impression pouvait publier ce qui lui paraissait opportun, et, pour peu qu’il disposât de moyens de diffusion, répandre ses opinions. C’est pourquoi de petits groupes ou des cercles marginaux ont usé de cette possibilité et furent capables de faire entendre leur voix16.

15Étant donné l’ampleur d’un sujet tel que la presse polonaise clandestine, nous nous concentrerons sur les centres d’édition les plus importants. Au sein de l’État polonais clandestin [Polskie Państwo Podziemne], il y en eut plusieurs : la Délégation gouvernementale pour la Pologne, l’Union pour la Lutte Armée – Armée de l’Intérieur, et les partis politiques les plus importants, regroupés dans le Comité politique consultatif [Polityczny Komitet Porozumiewawczy], devenu à partir de janvier 1944 le Conseil de l’Union nationale [Rada Jedności Narodowej, RJN] : le parti paysan [Stronnictwo Ludowe17], le parti chrétien-démocrate [Stronnictwo Pracy], le Parti national [Stronnictwo Narodowe18], et le Parti socialiste polonais [Polska Partia Socjalistyczna].

16Une des caractéristiques de tous ces centres d’édition fut de recréer les modes de fonctionnement de la presse d’avant-guerre. Les plus importants de ces centres constituèrent des agences de presse ayant pour but de collecter des informations à l’usage de leurs responsables, mais aussi, et peut-être de façon prioritaire, afin d’alimenter les rédactions de certains journaux. On créa suivant des règles relativement professionnelles des services de rédaction, des centres d’impression et des réseaux de distribution.

La Délégation gouvernementale pour la Pologne

17Le département de l’Information et de la Presse [Departament Informacji i Prasy], officiellement créé le 1er mars 1941 au sein de la délégation gouvernementale pour la Pologne, fut chargé des publications. À partir du mois de juillet 1943, ce Département fut dirigé par Stanislaw Kauzik (alias « Dolega »), qui était avant-guerre à la tête de l’Association polonaise des éditeurs de quotidiens et de périodiques [Polski Związek Wydawców Dzienników i Czasopism19].

18L’organe de presse officiel de la délégation gouvernementale fut Rzeczpospolita Polska [La République de Pologne], publié du 15 mars 1941 à juillet 1945 sous la responsabilité éditoriale de S. Kauzik, Franciszek Glowiński (arrêté en février 194420) et Teofil Syga. Tadeusz Kobylański, Stefan Krzywoszewski, Marian Grzegorczyk21, Zbigniew Kunicki et Jan Moszyński faisaient également partie de sa rédaction. Kazimierz Koźniewsk la rejoignit début 1944. Rzeczpospolita eut des suppléments tels que Nasze Ziemie Wschodnie [Nos régions de l’Est] (février 1943-juillet 1944) et Ziemie Zachodnie Rzeczypospolitej [Les régions occidentales de la République] (novembre 1942-juillet 194422). Pendant l’Insurrection de Varsovie, le département lui affecta un directeur de la rédaction et deux autres collaborateurs23.

19Le premier numéro, de 12 pages, de Rzeczpospolita Polska le 15 mars 1941, comprenait les articles suivants : « La République souveraine de Pologne existe et combat », « Croyez en la victoire », « Treuga Dei en Pologne », « Cynisme, provocation et crimes », en même temps que des rubriques destinées à devenir régulières : « La Pologne en exil », « Chroniques de l’étranger », « Sur le territoire de la République24 ». La diffusion varia de 3 500 à 16 000 exemplaires. Il y eut six grandes rubriques : la première contenait les documents officiels émis par la Délégation gouvernementale et l’Armée de l’Intérieur ; la deuxième traitait des affaires politiques ; la troisième informait le lecteur des activités du Gouvernement de la République et des Forces armées à l’Ouest ; la quatrième contenait des nouvelles du monde, de nature politique ou militaire ; la cinquième traitait des territoires situés hors du Gouvernement général ; la sixième comprenait une revue de presse de la presse clandestine polonaise25. Au total, il y eut 159 numéros, dont 80 publiés avant la fin juillet 1944 et 64 pendant l’insurrection de Varsovie.

20Voici ce qu’écrivait Stanislaw Kauzik, le responsable du département :

« Le journal se composait des sections suivantes : la section Informations officielles concernait les directives, déclarations et manifestes ainsi que les discours et avertissements destinés à tous ceux qui agissaient sur le territoire polonais ; plus tard, cette section comprit les avis et manifestes du Commandant de l’Armée de l’Intérieur, ainsi que ceux de la Direction de la Lutte civile [Kierownictwo Walki Cywilnej] et de la Direction de la Lutte secrète [Kierownictwo Walki Konspiracyjnej], ainsi que – après la fusion de ces deux organismes chargés de diriger l’action de la Résistance – les avis de la Direction de la lutte clandestine [Kierownictwo Walki Podziemnej].
La deuxième section comprenait des articles politiques servant à donner des instructions, à formuler des directives concernant les affaires de l’État polonais, et des articles traitant du combat contre les occupants. Les autres sections étaient d’ordre informatif. La troisième, “La Pologne en exil”, contenait des nouvelles sur l’action des autorités polonaises (le Gouvernement et le Conseil national de Pologne) ainsi que sur les opérations militaires de nos forces armées à l’étranger. La quatrième section, “Chroniques de l’étranger”, sélectionnait des informations en provenance du monde entier, principalement sur les opérations militaires et les affaires politiques concernant les principaux protagonistes de la Deuxième guerre mondiale. La cinquième section, “Sur le territoire de la République” traitait dans ses pages des événements survenus en Pologne, en particulier ceux se déroulant dans les régions de l’Ouest et de l’Est. […] Une revue de presse de la presse clandestine polonaise, principalement des bulletins militaires et des organes publiés par les partis politiques et les plus importantes organisations clandestines, clôturait chaque numéro de Rzeczpospolita26. »

21Durant les années 1942-1944, des éditions spéciales et des suppléments furent également publiés. On consacra des numéros spéciaux illustrés à l’émigration et à l’armée ; deux numéros furent dédiés, à titre posthume, au général Sikorski ; des suppléments spéciaux comprenant des résolutions du Conseil de l’Union nationale et un supplément sur la bataille de Monte Cassino sortirent aussi27. Pendant l’Insurrection de Varsovie, Rzeczpospolita eut un rythme de parution quotidien.

22La publication d’Agencja Radiowa [L’Agence Radio] commença aussitôt après la création du département en 1941, sa diffusion atteignant, avec le temps, 5 000 exemplaires. Elle apportait des nouvelles tirées des émissions de radio. Ces informations récoltées à la radio faisaient l’objet de deux éditions quotidiennes, le matin et l’après-midi, l’édition de l’après-midi étant consacrée aux grands enjeux de la vie politique polonaise.

23En dehors des organes officiels de la délégation gouvernementale, le département édita par ailleurs ses propres périodiques ainsi que des journaux qu’il subventionnait. On peut en donner un exemple avec Agencja Radiowa APIS (Agencja Prasowo-Informacyjna Serwis) [L’Agence radio APIS], créée selon toute vraisemblance en janvier 1942 par Adam Łada-Bieńkowski. Adam Łada-Bieńkowski fut arrêté le 18 juin de cette année-là28. Le Père Witold Kiedrowski, arrêté dans les bureaux de l’Agence, fut lui aussi emprisonné29. À partir du 1er juillet 1943, Agencja Radiowa cessa d’être un journal subventionné et devint un organe en propre du département de l’Information. Il fut dirigé par T. Syga, avec la coopération d’un assistant, Marian Sterczewski, et une dactylo, Halina Barańska30. Serwis fournit des comptes rendus succincts d’émissions de radio et des revues de presse et, à partir de la mi-1944, des nouvelles de l’intérieur préparées par le CIN31. Pendant l’Insurrection de Varsovie, le département lui affecta un directeur et deux dactylos32.

24Le second journal subventionné par le Département fut Z Dnia na Dzień [Jour après jour], dont le titre fut par la suite changé en Dzień Warszawy [Le Jour de Varsovie]. La rédaction comprenait Andrzej Kobyłecki, Krystyna Wigura-Kobyłecka, Wiesław Wernic, Aleksander Czyżewski33 et Tadeusz Myśliński – responsable de la liaison avec la délégation gouvernementale. La rédaction coopérait avec Witold Giełżyński, qui à l’époque travaillait au RGO34, rue Nowogrodzka, dans les immeubles Roma. Durant l’été 1942, la rédaction cessa sa collaboration avec la délégation gouvernementale ; les numéros suivants furent publiés par T. Syga avec le nouveau titre, Dzień Warszawy35.

25De nombreux bulletins furent également publiés :

  • Tygodniowy Biuletyn Radiowy (1943-1944) [Bulletin hebdomadaire de la Radio] ;
  • Przegląd Polskiej Prasy Tajnej (1942-1944) [Revue hebdomadaire de la presse clandestine polonaise] ;
  • Życie Polityczne Kraju [La vie politique polonaise] (1941-1944). Il s’agissait d’une revue hebdomadaire de la presse clandestine, qui contenait les communiqués politiques des services de presse des principales organisations clandestines. De plus, les responsables du DI (département de l’Information] et le délégué gouvernemental recevaient des résumés des déclarations exprimant les positions des organisations clandestines à l’égard du Gouvernement de la République de Pologne et de son Délégué36 ;
  • Biuletyn Gospodarczy [Bulletin économique] (1942-1944), édité par Adam Grabowski, de la section Économie du département de l’Information37 ;
  • Biuletyn Kulturalny/Przegląd Spraw Kulturalnych, [Bulletin culturel/Revue des questions culturelles] (1943, mensuel), édité par Stanislawa Sawicka à partir, vraisemblablement, de la mi-1941 et jusqu’à son arrestation le 14 avril 1944 ;
  • Rosja a Polska (1944) [Russie et Pologne] ;
  • Sami o sobie. Przegląd tygodniowy (1943-1944) [Sur nous et par nous. Revue hebdomadaire38] ;
  • Głosy polskiej prasy emigracyjnej (1943-1944) [Les Voix de la presse de l’émigration polonaise39] ;
  • Bieżąca Informacja Polityczna (1944) [Informations politiques générales], publié seulement à un petit nombre d’exemplaires.

L’Union pour la lutte armée – Armée de l’Intérieur (ZWZ-AK]

26Le Bureau d’information et de propagande du Quartier général de l’Union pour la lutte armée [Biuro Informacji i Propagandy Komendy Głównej Związku Walki Zbrojnej, BIP] (qui deviendra en 1942 l’Armée de l’Intérieur) opérait au sein de l’organisation militaire centrale de la résistance polonaise clandestine40. Tadeusz Kruk-Strzelecki, major du cadre de réserve (alias « Dyrektor », « Szczepan ») fut l’organisateur et le premier responsable du BIP. Avant la guerre, il était employé par l’Institut militaire pour la Science et l’Éducation [Wojskowy Instytut Naukowo-Oświatowy]. Il fut le chef du BIP jusqu’en octobre 1940. Plus tard, le major Tadeusz Kruk-Strzelecki fut remplacé par le colonel Jan Rzepecki, membre avant la guerre du Bureau de l’Association pour la Science militaire [Zarząd Główny Towarzystwa Wiedzy Wojskowej].

27L’appareil de la ZWZ-AK publia environ 250 journaux clandestins qui, d’après certaines estimations, ont constitué à peu près 1/8e des titres de la presse clandestine. À eux seuls, les journaux clandestins de la ZWZ-AK ont atteint une diffusion de 200 000 exemplaires41.

28Wiadomości Polskie [Les nouvelles polonaises], magazine bi-hebdomadaire, fut le premier journal du service de presse central de la ZWK-AK, d’abord ronéoté (à partir de 1939), puis imprimé à partir de janvier 1940.

29Biuletyn Informacyjny [Le Bulletin d’information] fut le plus important des journaux clandestins : à partir de l’automne 1940 le service central de presse de ZWZ-AK eut ainsi environ 200 000 lecteurs dans la capitale et les communes environnantes (Warsaw poviat). Un fait à mentionner ici est qu’au moins jusqu’à plus ample informé, Biuletyn Informacyjny fut le seul journal clandestin édité durant l’Occupation dont la publication reprit dans la Pologne libérée42. Au total, 317 numéros du Bulletin sont parus. Il atteignit une diffusion de 24 000 exemplaires en 1942, 25 000 en 1943 et de 42 000 à 43 000 en 1944.

30Celui qui fut le créateur du Bulletin et pendant longtemps son rédacteur en chef, le militant du scoutisme Aleksander Kamiński énonçait les principes rédactionnels suivants :

« 1) Informer, et non pas faire de l’agitation ; il n’est pas besoin d’encourager la population à résister aux Allemands ou à faire preuve de patriotisme ; privés de la radio et de la presse polonaise, les gens veulent savoir ce qui se passe dans le pays et à l’étranger ; cette information doit être la plus précise et concise possible. La façon dont l’information est apportée crée des opportunités qui peuvent être intelligemment exploitées (quoique avec prudence) afin de promouvoir les comportements, attitudes et façons de penser adéquats.
2) La guerre durera de nombreuses années. La population ne doit pas être trompée par des promesses qui ne pourront jamais être tenues ;
3) Les informations doivent être données de façon à mettre l’accent sur tout ce que les gens ont en commun, leurs problèmes, leurs besoins ;
4) En dernier lieu, j’ai toujours usé en abondance de ce que j’appelle “le principe de l’amortisseur” qui stipule que, quand les événements sont contraires, il faut, par-dessus tout, mettre en valeur les faits qui ont un effet positif sur le lecteur, tandis que lorsque la situation tourne en faveur de la cause polonaise, il n’est pas besoin de renchérir sur les motifs de satisfaction, au contraire il est vital de pointer les faiblesses dans ce tableau globalement positif afin de préparer le lecteur à une possible dégradation de la situation43. »

31Le Bureau d’information et de propagande de l’Union pour la lutte armée ne publia pas seulement des journaux au sens habituel du terme, mais aussi des titres spécialement destinés aux soldats de l’armée clandestine. Un de ces journaux fut Insurekcja [Insurrection], publié à partir de 1941 et édité par le Colonel Jan Rzepecki. Les objectifs essentiels de cette publication étaient

  1. de former le personnel de commandement, depuis le chef de section jusqu’aux officiers du rang le plus élevé ;
  2. d’influencer le comportement de ce personnel de commandement44.

32Autre périodique, publié à partir de novembre 1941 par le BIP : Żołnierz Polski [Le Soldat polonais], qualifié de « service de presse collectif et commun des soldats clandestins ».

33Des centres locaux de diffusion de la presse clandestine militaire valent également la peine d’être mentionnés. À Lvov, fut publié le Biuletyn Informacyjny Ziemi Czerwieńskiej [Le Bulletin d’information de la région de Czerwiensk], dont la diffusion atteignit 2 000 exemplaires. Et à Cracovie, il y eut Małopolski Biuletyn Informacyjny [Bulletin d’information de la région Malopolska], diffusé jusqu’à 3 000 exemplaires.

Importance de la presse clandestine

34La presse a constitué une part vitale, essentielle, de la résistance polonaise clandestine dans un contexte où les citoyens polonais étaient presque entièrement privés d’accès à des médias dégagés de l’emprise de la propagande des autorités occupantes. Son influence sur la population des territoires occupés ne doit pas être sous-estimée. La presse clandestine s’est efforcée, par tous les moyens possibles, de remplir toutes les fonctions dévolues à la presse du temps de l’indépendance polonaise.

Une fonction d’information

35La principale tâche de la presse des premiers temps de l’Occupation a été de fournir une information véridique, en particulier sur les opérations militaires des différents fronts de la Seconde Guerre mondiale. Il était très important que les Polonais fussent informés des actions entreprises par les autorités polonaises en exil et basées en France (plus tard à Londres), ainsi que des opérations menées par les Forces armées polonaises de l’Ouest. Ces tâches furent remplies par diverses Agences d’information ou Agences radio créées dès les premiers jours de l’Occupation et jouissant d’une large diffusion. Ces agences fournissaient des nouvelles émanant des radios émettant en France, Grande-Bretagne, mais aussi en Allemagne et en Union soviétique.

Un « espace » de débat politique

36En absence d’alternative, la presse devint le seul lieu d’expression d’un débat politique. Comme le gouvernement du général Wladyslaw Sikorski était constitué avec des partis politiques opposés aux autorités au pouvoir avant-guerre, il n’est pas surprenant que les actions entreprises dans l’entre-deux-guerres par le gouvernement polonais aient fait l’objet de critiques. La presse clandestine était en majorité hostile au retour au pouvoir des autorités d’avant-guerre.

37Les réformes économiques et sociales à mener à bien après-guerre, dans la Pologne indépendante, donnèrent aussi matière à un large débat politique dans ce forum que constituait la presse clandestine. Pour ce qui concerne les autorités représentant l’État clandestin polonais à l’échelon national, la Déclaration du Conseil de l’Union nationale le 15 août 1944 revêtit une importance capitale et fut plus tard abondamment répercutée par la presse clandestine ; d’une certaine façon, elle résumait les questions politiques et sociales en débat. Elle contenait par ailleurs les affirmations suivantes :

« Le système politique de la Pologne, en tant que république démocratique, devra être fondé sur les éléments suivants :
Une future constitution permettant de gouverner efficacement tout en recueillant l’accord de la majorité de la Nation polonaise.
Des règles électorales démocratiques déterminant les positions occupées au sein des pouvoirs législatif et exécutif, qui permettent ainsi de refléter les opinions véritables de la société polonaise.
La réforme du système agraire en démembrant les terres détenues par les Allemands et les propriétés de plus de 50 hectares et en donnant aux travailleurs agricoles une seconde formation adaptée aux besoins de l’industrie et de l’artisanat.
La collectivisation de secteurs-clés de l’industrie.
La coopération entre employés et travailleurs dans les domaines de la gestion des entreprises et de la supervision de la production industrielle.
La garantie donnée à tous les citoyens d’un emploi et de conditions de vie convenables.
Une répartition équitable des revenus sociaux.
La promotion de l’éducation et de la culture45. »

38Le débat politique le plus significatif eut lieu à propos des communistes, russes et polonais. À partir de 1941, quand éclata la guerre germano-soviétique, ce thème prit une place de plus en plus importante et suscita beaucoup de réactions émotionnelles. Les activités des groupes de Soviétiques tentant de survivre et, plus tard, la guérilla pratiquée par des soldats, en particulier dans les régions des marges de l’Est, provoquèrent des discussions enflammées. Par ailleurs, la création du Parti polonais des travailleurs [Polska Partia Robotnicza] à l’initiative d’un groupe venu de Moscou, constitua un défi à relever pour la Résistance polonaise.

39La publication, dans le Biuletyn Informacyjny [Bulletin d’information] du 15 avril 1943, d’un article sur la découverte de tombes d’officiers polonais à Katyn fournit une autre matière à discussion46. Très vite, les autorités de l’URSS décidèrent de rompre les relations diplomatiques avec le gouvernement polonais de Londres. Le danger communiste, qui augmentait de mois en mois, conduisit à la création du Comité de lutte contre le communisme [Komitet do Walki z Komuną]. Ce comité social, connu généralement sou le nom de Comité social anti-communiste [Społeczny Komitet Antykomunistyczny], n’envisagea jamais de répliquer par l’action armée. Il se consacra à l’information et à la propagande. Des représentants de plus de 20 organisations clandestines, de l’Armée de l’Intérieur et de la délégation gouvernementale en firent partie. Une partie des activités d’information et de propagande se traduisit par les publications suivantes : Wolność Robotnicza [La Liberté des Travailleurs] et Głos Ludu [La Voix de la Nation], les bulletins RAK, Polska Informacja Antykomunistyczna [L’information anti-communiste polonaise], Serwis Prasowy [Les Nouvelles de la presse] ainsi que de nombreux tracts et textes en forme d’appels à la société polonaise47.

Une fonction pédagogique

40La presse clandestine a également rempli une fonction pédagogique. Elle constitua un forum où furent publiées les recommandations, interdictions, injonctions des autorités de l’État polonais clandestin. La publication le 25 juillet 1940, par la délégation gouvernementale commune [Zbiorowa Delegatura Rządu], de Nakazy chwili [Exigences du moment], réimprimée plus tard dans certains journaux clandestins, permit à une voix importante dans ces domaines de se faire entendre. Voici ce qu’on peut lire dans la cinquième partie de cette publication, « Travailler pour l’indépendance » :

« On ne peut se contenter d’une résistance passive continuelle comme le moyen que devrait utiliser la société polonaise face aux autorités occupantes et aux règlements qui lui sont imposés. Nous devrions toujours préserver l’idéal d’une Pologne indépendante et forte placée entre la sauvagerie germanique et la barbarie venue de l’Est, contribuant à l’équilibre de cette partie de l’Europe et fournissant son appui aux nations les plus faibles qui souhaitent conserver leur indépendance. »

41Dans la sixième partie, « Limites de la nécessité », on lit les recommandations suivantes :

« Les nécessités de l’existence ne doivent pas affaiblir notre résistance. Dans le domaine des relations avec les autorités occupantes, la société polonaise devrait garder ses distances autant que possible. Agir en laquais de l’occupant ou faire preuve d’excès de zèle dans ses obligations officielles n’est pas acceptable et sera considéré comme une trahison à l’égard de la Nation polonaise48. »

42Durant les années suivantes de l’Occupation, la presse clandestine donna d’autres recommandations et consignes à la société polonaise. Elle prodigua des conseils sur les mesures à prendre, définit également les limites acceptables du niveau de coopération avec les autorités occupantes, attira l’attention sur les risques encourus et encouragea la population à agir pour aider les familles persécutées ou emprisonnées ainsi que les Juifs en quête d’une cache. Władysław Bartoszewski écrit qu’« une des tâches de la presse clandestine pendant l’Occupation fut de s’efforcer de créer un code éthique spécifique qui déterminerait, entre autres, les comportements d’opposition pouvant être adoptés de façon constante à l’égard de l’occupant49 ».

43La presse clandestine formula également ce type de recommandations en publiant des déclarations et consignes de la direction de la Lutte civile. Dès 1941, elle fournit des informations sur les représentants des autorités occupantes et les citoyens polonais jugés coupables de collaboration avec l’occupant et condamnés à ce titre par les Commissions judiciaires secrètes de la direction de la Lutte civile [Komisje Sądzące Kierownictwa Walki Cywilnej] – qui prit plus tard le nom de direction de la Lutte clandestine – ou par des Cours spéciales militaires et civiles.

Une fonction de divertissement

44Les publications à visée satirique étaient nombreuses dans la presse clandestine. Dès 1940, on publia les périodiques suivants : Biały Koń [Le cheval blanc], Nowa Mucha [La nouvelle mouche], Lipa [Trucage] et Kret [La taupe] à Varsovie, Hak [Le croc] dans la ville proche de Pruszków, et Bicz [Le fouet] à Cracovie50. Comme l’écrivait Grzegorz Załęski, un des rédacteurs de la presse clandestine : « On a promu la satire au rang de défenseur du moral de la nation […]. Elle est devenue une arme puissante de la nation toute entière contre le Nazisme en façonnant les usages de temps de guerre et les comportements face aux événements. »

45Dans les journaux sérieux aussi, du reste, on pouvait trouver de petits poèmes au ton spirituel voire parfois sarcastique. À titre d’exemple, je citerai Biuletyn Informacyjny du 6 juin 1941 : « Hess, le chien est desséché comme un rondin – un bâtard comme lui devrait être expédié à Berlin51. »

Une fonction éducative

46La fonction éducative de la presse clandestine fut loin d’être insignifiante. Elle a eu un rôle important dans les territoires de l’Ouest, où la presse polonaise avait été officiellement liquidée par l’occupant, et où un nombre significatif de bibliothèques privées de citoyens polonais avaient été confisquées et brûlées. Le contact avec la langue polonaise, même sous la forme réduite de bulletins recopiés, était vital pour conserver ces régions et leur apporter un soutien52.

47Dans le territoire du Gouvernement général, où les journaux clandestins étaient plus nombreux, il y eut également beaucoup de périodiques à visée socio-culturelle. Une des publications littéraires les plus importantes fut Sztuka i Naród [Art et Nation] qui parut de novembre 1941 à juillet 194453. Ce périodique, inspiré par la Confédération de la Nation [Konfederacja Narodu], réunissait des étudiants de l’université de Varsovie clandestine ainsi que leurs professeurs, amis ou relations. Ils ne se contentèrent pas de publier 16 numéros de cette revue, mais organisèrent aussi des réunions ainsi que des matinées ou soirées littéraires consacrées à d’autres poètes et écrivains polonais.

Une fonction de désinformation

48Disséminés parmi les journaux clandestins destinés aux Polonais, il y eut aussi des journaux destinés à intoxiquer les Allemands. L’objectif de ces publications était de créer l’impression qu’il existait une organisation allemande dynamique, opposée aux autorités de Berlin. Ces opérations d’intoxication furent dirigées à partir de 1941 par la Subdivision N [Podwydział N] du Bureau d’information et de propagande de l’Armée de l’Intérieur. Tadeusz Żenczykowski, lieutenant en second dans la réserve, qui avait auparavant travaillé à l’Agencja Prasowa, fut le responsable de cette section. En 1941-1942, on publia le périodique Der Soldat. Il « attribuait » au Feld-Marchal Walther von Reichenau le rôle de chef de l’opposition à Hitler. Cette publication dut s’interrompre après la mort du Feld-Marchal le 17 janvier 1942. Plus tard, la revue reparut d’octobre 1943 à février 1944.

49En 1942-1944, parurent les publications suivantes : Der Frontkämpfer (destiné aux opposants dans l’armée), Der Hammer (comprenant des éléments sociaux-démocrates), Der Klabautermann (journal satirique), Die Ostwache (destiné aux civils allemands du Gouvernement général), Die Zulunft – Przyszłość (pour les « Volksdeutsche »). S’y ajoutèrent plus de 70 tracts et brochures imprimés durant l’Action N54. Au premier semestre 1942, entre 24 000 et 30 000 exemplaires des différentes publications N (presse, tracts, brochures) furent diffusés par mois.

Évaluation de la presse clandestine

50Le bilan global des résultats obtenus par la presse clandestine est positif. Cette opinion n’a pas seulement été formulée par les responsables chargés de la superviser, mais aussi par les Alliés. Ils ont apprécié le travail difficile accompli dans le territoire occupé par ses journalistes professionnels et ses « reporters de guerre », ainsi que par ses imprimeurs. En mai 1944, Rzeczpospolita Polska publia un condensé de la Résolution de l’Association internationale des professionnels de l’imprimerie, siégeant aux États-Unis, qui affirmait :

« La presse clandestine polonaise constitue le principal soutien de la résistance aux occupants. Les imprimeurs polonais mettent continuellement leur vie en danger. Beaucoup d’entre eux, qui travaillent au service de la démocratie, ont connu le sort des martyrs. Nous aimerions transmettre à tous nos collègues de Pologne notre haute considération, notre amitié et l’admiration que nous inspire leur bravoure. Nous espérons que la nation polonaise n’oubliera jamais les souffrances et les sacrifices que vous endurez pour la Pologne, pour la civilisation et pour le progrès du monde55. »

51Déjà en 1943, le comité de direction de la Société américaine des éditeurs de presse avait transmis à la Pologne la résolution suivante :

« À nos collègues, Journalistes de la Presse clandestine des Pays occupés et à tous ceux qui travaillent avec eux, en aidant à fournir des informations fiables pour combattre l’ennemi. La Société américaine des Journalistes de Presse vous adresse son salut, sa haute considération et son admiration. Nous saluons en vous des collègues en journalisme. Nous vous admirons pour le travail que vous effectuez en mettant constamment votre vie en danger, le même que celui que nous accomplissons entourés de paix et de considération. Nous saluons vos efforts pour maintenir les nobles traditions de la Presse libre qui constituent le socle de la liberté des peuples. Vous le faites chaque jour au risque de votre vie, chaque jour vous apportez la vérité à des sociétés qui sont soumises à la contrainte, mais libres par l’esprit. Cette vérité que vous offrez constituera le soutien de l’esprit de liberté jusqu’au jour où les Nations Unies rendront la liberté universelle à tous les peuples56. »

52Voici ce qu’écrivit le Premier ministre de la République de Pologne à propos de la presse clandestine :

« C’est avec respect et admiration que nous accueillons ici la presse clandestine. Les numéros publiés sont montrés en conférence de presse, non seulement aux journalistes américains et britanniques, mais aussi à ceux des pays neutres. Les exemplaires de ces numéros constituent souvent la meilleure preuve, par les actes, de votre persévérance et de votre rigueur. Récemment, des publications clandestines comme le supplément pour les jeunes Biedronka [La coccinelle] du magazine féminin Żywia, ou comme le magazine Wzlot [L’envol57] ont reçu un accueil incroyablement positif et élogieux des Britanniques. Ils ont été stupéfaits de la variété de cette presse résistante, de l’importance de la vie clandestine qu’elle supposait, de la gravité des coups portés par les Allemands à la culture polonaise, du caractère extrême de leurs méthodes à l’égard de la jeunesse pour qu’il faille que la Résistance se mette à imprimer des suppléments destinés aux enfants58. »

53Pour conclure, je voudrais attirer l’attention sur le fait que la libération des territoires occupés de la Seconde République de Pologne, qui a débuté en janvier 1944, ne leur a pas apporté la liberté. L’Occupation de la période de guerre a été remplacée par un autre asservissement, cette fois-ci à l’Union soviétique. Il résulta de la Seconde Guerre mondiale que la Pologne perdit la moitié de son territoire d’avant-guerre. Dans la « nouvelle » Pologne, à l’Ouest de la rivière Bug, un régime porteur d’une idéologie étrangère s’installa. La société polonaise épuisée par cinq années d’occupation n’était pas assez forte pour l’affronter ouvertement. En dépit de cela, il continua à exister une résistance – y compris sous une forme armée – sur le territoire polonais dans les années cinquante. La presse clandestine a joué un rôle important dans ses activités. Les premiers numéros ont surgi dès 1944 dans les territoires occupés par l’Armée rouge. En partie, il s’agissait des mêmes titres que ceux qui avaient été publiés précédemment sous l’Occupation allemande. Bientôt, de nouveaux titres apparurent, publiés par les mêmes personnes – en particulier dans les premiers temps. Mais ce serait le propos d’un autre article.

Notes de bas de page

1 Parmi les nombreuses publications sur le sujet, il faut mentionner : J. Jarowiecki, J. Myśliński, A. Notkowski, Prasa polska w latach 1939-1945 [La presse polonaise en 1939-1945], Varsovie, 1980 ; J. Jarowiecki, Konspiracyjna prasa w Krakowie w latach okupacji hitlerowskiej 1939-1945 [La presse clandestine à Cracovie pendant l’occupation nazie 1939-1945], Cracovie, 1980 ; S. Lewandowska, Polska konspiracyjna prasa informacyjno-polityczna 1939-1945 [La presse clandestine politique et d’information générale en Pologne 1939-1945], Varsovie, 1982 ; M. Adamczyk, Prasa konspiracyjna na Kielecczyźnie w latach 1939-1945 [La presse clandestine dans la région de Kielce en 1939-1945], Cracovie, 1982 ; M. Wojewódzki, W tajnych drukarniach Warszawy 1939-1944 [Dans les imprimeries secrètes de Varsovie 1939-1944]. Wspomnienia [Mémoires], 2e édition, Varsovie, 1978 ; Wojna i konspiracja. Wspomnienia dziennikarzy polskich [Guerre et clandestinité. Souvenirs de journalistes polonais], édité par E. Rudziński, 2e édition, Varsovie, 1987 ; Działalność informacyjna Polskiego Państwa Podziemnego [L’action de l’État polonais clandestin dans le domaine de la presse], édité par W. Grabowski, Varsovie, 2003.

2 K. Woźniakowski, Polskojęzyczna prasa gadzinowa w tzw. Starej Rzeszy (1939-1945) [La presse « reptilienne » en Pologne dans le « Vieux Reich »], Cracovie, 2001 ; K. Woźniakowski, Prasa – kultura – wojna. Studia z dziejów czasopiśmiennictwa, kultury literackiej i artystycznej lat 1939-1945. Seria druga [Presse, culture, guerre. Études sur le journalisme et la culture littéraire et artistique en 1939-1945. Deuxième série], Cracovie, 2005.

3 W. Wójcik, Prasa gadzinowa Generalnego Gubernatorstwa (1939-1945) [La presse « reptilienne » dans le Gouvernement général (1939-1945)], Cracovie, 1988 ; K. Woźniakowski, Niemiecka polskojęzyczna prasa „gadzinowa” czasów II wojny światowej 1939-1945 (próba syntetycznego spojrzenia) [La presse allemande « reptilienne » en polonais pendant la Deuxième Guerre mondiale 1939-1945 (essai d’analyse synthétique)], « Studia Bibliologiczne » [Études bibliographiques], (Kielce), 2004, tome 8.

4 Bernacki, « Najostrzejsze narzędzie naszej partii… ». Okupacja sowiecka północno-wschodnich ziem Drugiej Rzeczypospolitej (1939-1941) w świetle polskojęzycznej prasy « gadzinowej » [« L’instrument le plus effilé au service de notre parti… ». L’occupation soviétique des régions du Nord-Est de la Seconde République de Pologne (1939-1941) à la lumière de la presse « reptilienne » en polonais], Toruń, 2009.

5 Protokoły posiedzeń Komitetu dla Spraw Kraju [Les protocoles des réunions du Comité pour les Affaires de l’État], première partie : 1939-1941, édité par W. Grabowski, Varsovie, 2008, p. 79-80.

6 W. Grabowski, Polska Agencja Telegraficzna 1918-1991 [L’agence télégraphique polonaise 1918-1991], Varsovie, 2005, p. 242, 315-327.

7 Instytut Polski i Muzeum im. Gen. Sikorskiego w Londynie [Institut polonais et Musée du général Sikorski de Londres] (désormais abrégé infra en IPiMS), A.9.II/11. Le no 1 comprenait 32 pages, le no 2, 8 pages.

8 Ils étaient préoccupés du fait que la présence d’un trop grand nombre de journaux clandestins à Varsovie aurait pour résultat : a) d’exposer plus facilement au danger la vie des clandestins et leurs organisations ; b) d’inciter l’occupant à utiliser la répression ; c) de désorienter la société politique polonaise ; d) d’abaisser la qualité des journaux politiques clandestins ; e) de rendre plus dangereuse l’organisation de leur distribution – IPiMS, PRM 118, recueil 168.

9 IPiMS, PRM 118, recueil 169.

10 A. K. Kunert, Ilustrowany przewodnik po Polsce Podziemnej 1939-1945 [Guide illustré de la Pologne clandestine 1939-1945], Varsovie, 1996, p. 20.

11 Il y eut plus de 250 titres publiés sur l’ensemble du territoire occupé par les Allemands en 1940 ; S. Salmanowicz, M. Ney-Krwawicz, G. Górski, Polskie Państwo Podziemne [L’État polonais clandestin], Varsovie, 1999, p. 44.

12 S. Lewandowska, Prasa okupowanej Warszawy 1939-1945 [La presse dans Varsovie occupée 1939-1945], Varsovie, 1992, p. 135.

13 W. Bartoszewski, « Oblicza kultury polskiej w konspiracji 1939-1945 » [Visages de la culture polonaise pendant la clandestinité 1939-1945], in W. Bartoszewski, Pisma wybrane [Choix d’articles], tome 3 : 1969-1979, édité par A. K. Kunert, Cracovie, 2008, p. 273.

14 G. Mazur, Biuro Informacji i Propagandy SZP-ZWZ-AK 1939-1945 [Le Bureau pour l’information et la propagande SZP-ZWZ-AK 1939-1945], Varsovie, 1987, p. 376.

15 S. Lewandowska, Prasa okupowanej Warszawy 1939-1945 [La presse dans Varsovie occupée 1939-1945], op. cit., p. 136. Au total, il y eut 578 titres de presse clandestine en 1939-1944.

16 T. Strzembosz, Rzeczpospolita podziemna. Społeczeństwo polskie a państwo podziemne [La République clandestine. La société polonaise et l’État clandestin 1939-1945], Varsovie, 2000, p. 152.

17 B. Golka, Prasa konspiracyjna ruchu ludowego 1939-1945 [La presse clandestine du Mouvement du Peuple 1939-1945], Varsovie, 1975.

18 M. Orlowski, Prasa konspiracyjna Stronnictwa Narodowego w latach 1939-1947 [La Presse clandestine du Parti national entre 1939 et 1947], Poznań, 2006.

19 W. Grabowski, Delegatura Rządu Rzeczypospolitej Polskiej na Kraj 1940-1945 [La Délégation gouvernementale pour le territoire polonais 1940-1945], Varsovie, 1995, p. 100-107, 218-219.

20 Franciszek Głowiński (1894-1944), journaliste, mort au camp de Gross-Rosen ; cf. W. Gielżyński, « Głowiński Franciszek », in Polski Słownik Biograficzny (désormais abrégé en : PSB), tome VIII, p. 130-131.

21 Marian Grzegorczyk (1887-1945), journaliste, fit paraître du 10 au 25 septembre 1939 Wspólna Gazetę [La Gazette publique] dans Varsovie assiégée, et travailla en 1945 pour le Tygodnik Warszawski [L’hebdomadaire de Varsovie]. Il mourut le 24 décembre 1945 ; cf. « Grzegorczyk Marian », PSB, tome IX, p. 80-81.

22 J. Cieślakiewicz, H. Falkowska, A. Paczkowski, Polska prasa konspiracyjna (1939-1945) i Powstania Warszawskiego w zbiorach Biblioteki Narodowej. Katalog [Catalogue de la presse clandestine polonaise de 1939 à 1945 et de la presse de l’insurrection de Varsovie dans les collections de la Bibliothèque nationale], Varsovie, 1984, p. 106, 195.

23 Archiwum Akt Nowych (désormais abrégé en : AAN) [Archives centrales des fonds récents], 202/III-4, recueil 20, Estimations budgétaires pour le mois de septembre 1944. Un autre document énumérait, en plus du rédacteur en chef, un éditorialiste, un responsable des reportages, une secrétaire de la rédaction : AAN, 202/III-4, recueil 43, Liste de personnes employées par le département pour l’Information et la Presse. Estimations budgétaires [Preliminarz budżetowy] pour le mois d’octobre 1944.

24 AAN, 202/III-174, recueil 2, Rapport sur les activités du département de l’Information [Sprawozdanie z działalności DI] ; A. K. Kunert, Guide illustré de la Pologne clandestine 1939-1945, Varsovie, 1996, p. 78.

25 S. Lewandowska, Polska… [La presse clandestine politique…], op. cit., p. 60-61.

26 S. Dołęga-Modrzewski [S. Kauzik], Polskie Państwo Podziemne [L’État polonais clandestin], Londres, 1959, p. 81-82.

27 AAN, 202/III-174, recueil 3-3a, Rapport sur les activités du département de l’Information, [Sprawozdanie z działalności DI].

28 Exécuté le 15 octobre 1942 ; cf. W. Bartoszewski, Warszawski pierścień śmierci 1939-1944 [L’anneau de mort de Varsovie 1939-1944], Varsovie, Interpress, 1970, p. 204, 210.

29 L. Wanat, Za murami Pawiaka, [Derrière les murs de la prison de Pawiak] p. 396.

30 AAN, 202/III-34, recueil 152-153, Budget mensuel. Le travail technique était effectué par Aleksander Koc (« Czarny ») et Witold Matuszewski (« Słoń »). La rédaction fut située au 6 rue Solna, puis 10 rue Dobrojowa, 3 rue Miedziana, 8 rue Śniadeckich ; cf. F. Wojciechowski, Polska Niepodległa organizacja konspiracyjna [L’organisation clandestine de la Pologne indépendante], 2e édition, Varsovie, 1997, p. 130. Il vaut la peine de mentionner que Tadeusz Myśliński, plus tard chef de l’unité de Sécurité de la délégation [Komórka Bezpieczeństwa Delegatury] a coopéré avec Adam Łada-Bieńkowski et la rédaction de Serwis pendant quelque temps ; cf. T. Myśliński, « Curriculum vitae », mps, page 3, copie détenue par l’auteur.

31 Bureau central d’information, au sein du département de l’Information et de la Presse.

32 AAN, 202/III-4, recueil 20, Estimations budgétaires [Preliminarz budżetowy] pour le mois de septembre 1944 ; recueil 43, Liste de personnes employées par le département pour l’Information et la Presse. Estimations budgétaires pour le mois d’octobre 1944.

33 Mort pendant l’été 1942.

34 RGO [Rada Glowna Opiekuncza] : conseil général de protection, organisme d’aide sociale.

35 K. Wigura-Kobyłecka, « Jak redagowaliśmy gazetkę podziemną » [« Comment nous avons édité un journal clandestin »], in Wojna i konspiracja. Wspomnienia dziennikarzy polskich [Guerre et clandestinité. Souvenirs de journalistes polonais], édité par E. Rudziński, 2e édition, Varsovie, 1987, p. 274-277.

36 AAN, 202/III-174, recueil 1a, Rapport sur les activités du département de l’Information.

37 A. Grabowski, Kilka wspomnień i refleksji więźnia z lat 1948-1956 [Quelques souvenirs et réflexions sur mes années de prison 1948-1956], Varsovie, 1981, p. 25, mps.

38 AAN, 202/III-86, recueil 15, no 8-10 du 31 décembre 1943.

39 AAN, 202/III-85, recueil 1, 52, 91, 113.

40 G. Mazur, Biuro Informacji i Propagandy SZP-ZWZ-AK 1939-1945 [Le Bureau d’information et de propagande SZP-ZWZ-AK 1939-1945], Varsovie, 1987.

41 Ibid., page 375.

42 Ibid., p. 58.

43 Ibid., p. 58.

44 Ibid., p. 170.

45 Armia Krajowa w dokumentach 1939-1945 [L’Armée de l’Intérieur à travers les documents 1939-1945], tome IV : juillet-octobre 1944, Londres 1977, p. 117.

46 Studium Polski Podziemnej w Londynie (désormais abrégé en SPP) [Études sur le mouvement clandestin en Pologne (1939-1945)], MSW, tome 52, item 63, télégramme de S. Korboński du 15 avril 1943.

47 W. Grabowski, Polska Tajna Administracja Cywilna 1940-1945 [L’adminisration civile secrète polonaise 1940-1945], Varsovie, 2003, p. 139-140.

48 Armia Krajowa w dokumentach 1939-1945 [L’Armée de l’Intérieur à travers les documents 1939-1945], tome I, Londres, 1970, p. 271-273, « Nakazy Chwili » [« Exigences du moment »].

49 W. Bartoszewski, Na drodze do niepodległości [Sur le chemin de l’indépendance], Paris, 1987, p. 182.

50 W. Bartoszewski, « Konspiracyjne czasopiśmiennictwo kulturalne w kraju w latach 1939-1945. Zarys informacji », in W. Bartoszewski, Pisma wybrane [Choix d’articles], tome 2 : 1958-1968, préparé par A. K. Kunert, Cracovie, 2007, p. 111.

51 Przegląd Historyczno-Wojskowy [Revue historique et militaire], 2001, no 1 spécial, p. 515. À l’origine, il s’agissait d’un petit poème accroché aux grillages en Pologne : « Zginął pies – zwie się Hess. – Odprowadzić sukinsyna za nagrodą do Berlina. »

52 D. Siepracka, J. Wróbel, « Działalność informacyjno-propagandowa konspiracji w Łódzkiem w latach 1939-1945 », in Działalność informacyjna Polskiego Państwa Podziemnego [L’action d’Information et de Propagande de la Résistance dans la région de Łódz en 1939-1945], édité par W. Grabowski, Varsovie, 2003, p. 58-81.

53 J. Tomaszkiewicz (éd.), Portrety twórców „Sztuki i Narodu” [Portrait des créateurs de Art et Nation], Varsovie, 1983.

54 Akcja dywersyjna „N”. Dokumenty i materiały z archiwum Tadeusza Żenczykowskiego [L’Action N de la Résistance. Matériaux et documents des archives de Tadeusz Żenczykowski], préparé par G. Mazur, Wrocław, 2000.

55 Rzeczpospolita Polska [La République de Pologne] no 7 (78), 3 mai 1944, p. 7.

56 SPP, MSW, tome 4, recueil 108, L.dz.K. 5501/43.

57 Selon le professeurTomasz Strzembosz, il se voulait un antidote à la fascination pour les performances des pilotes de l’armée allemande : T. Strzembosz, Rzeczpospolita podziemna. Społeczeństwo polskie a państwo podziemne 1939-1945 [La République clandestine. La société polonaise et l’État clandestin 1939-1945], Varsovie, 2000, p. 153.

58 SPP, MSW, tome 1, recueil 343.

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