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Chapitre VI. Partis et notables pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1944)

p. 209-252


Texte intégral

1La déclaration de guerre au Reich nazi le 3 septembre 1939 et la mobilisation modifient la vie politique nationale tandis que sous le choc de la défaite de mai et juin 1940, les partis politiques sont disloqués, puis bientôt interdits. Comment les élus de Bretagne, parlementaires et édiles locaux réagissent-ils d’abord à la mise en place du nouveau régime, celui de Vichy, et à sa Révolution nationale qui veut créer une « nouvelle société » française, en s’appuyant sur les élites et les notables, sous le regard de l’occupant allemand ? Qu’en est-il de l’engagement des anciens élus du suffrage universel aux côtés de Vichy ou dans la Résistance ? Quel est l’impact en Bretagne des partis collaborationnistes et du nationalisme breton d’extrême droite au sein du PNB reconstitué ? Quelles sont les forces politiques qui se restructurent dans la lutte patriotique et dans la Résistance et qui vont bouleverser les rapports de force à la Libération ?

La Parti communiste face au Pacte germano-soviétique et à la répression

2Avant même la déclaration de guerre, un choc a ébranlé les milieux politiques et l’opinion : l’annonce le 23 août de la signature du Pacte de non-agression germano-soviétique. En Bretagne comme ailleurs, les militants communistes sont choqués. Car, depuis des mois, ils dénonçaient le danger de guerre représenté par le nazisme et défendaient des positions antifascistes dites « bellicistes », et voyaient en l’URSS le principal rempart contre Hitler. Contrairement à la thèse forgée ultérieurement de la compréhension immédiate du Pacte et de la justesse du choix de Staline pour défendre les intérêts de son pays et éviter une guerre d’agression impérialiste, selon les sources préfectorales et policières les militants communistes sont saisis par le doute, « la stupéfaction », voire le désarroi, tout en répondant comme leurs dirigeants aux ordres de mobilisation. La direction du PCF défend à la fois le Pacte et sa ligne de défense nationale avant de changer brutalement de ligne politique vers la fin septembre ou le début octobre 19391.

3L’exemple des Côtes-du-Nord montre bien cette crise mais aussi les réflexes de repli en attendant que l’orage passe. Pour les cadres et les militants les plus âgés et non mobilisés, selon la culture bolchevique, il s’agit de préserver avant tout le Parti face aux mesures de répression du gouvernement Daladier qui s’abattent sur eux : interdiction de la presse communiste, puis dissolution du parti le 26 septembre 1939, perquisition du local de la Maison du peuple à Saint-Brieuc le 28 septembre, saisie de matériel de propagande. À cela s’ajoute la brève arrestation, le 5 octobre, des deux principaux responsables : Paul Le Chanoine qui a succédé comme secrétaire politique à Yves-Marie Flouriot, décédé au début septembre, et Joseph Debord. Plusieurs domiciles de militants sont perquisitionnés2. Un seul responsable, Le Chanoine, désavoue le Pacte en quittant le PCF dans ce département. Il est remplacé par Jean-Marie Le Hénaff, un vieux militant qui a adhéré au parti en 1923 et créé la cellule de Guingamp en 19263. La nouvelle ligne imposée par le Komintern dénonçant la guerre interimpérialiste et appelant à lutter pour la paix est appliquée à partir d’octobre 1939 comme en témoignent la distribution à Saint-Brieuc ou l’envoi par la poste de tracts (« Nous voulons la paix immédiate »). Une difficile et très faible agitation, surtout individuelle, est signalée pendant la « drôle de guerre » : quelques « propos défaitistes » de soldats mobilisés – Guillaume Daniel de Paule est condamné à une lourde peine de quatre ans de prison par un conseil de guerre le 10 juin 1940 pour « propos antimilitaristes » mais fait prisonnier. On signale quelques affiches et quelques tracts, parfois apportés par des réfugiés alors que plusieurs perquisitions chez des militants (à Saint-Brieuc) ne donnent rien. En revanche, des tracts sont saisis à Grâces chez J.-M. Le Hénaff, ce qui indique qu’une activité de propagande minimale se maintient, apparemment sur la nouvelle ligne « pacifiste ».

4Les réactions sont plus brutales à Concarneau dans le Finistère. Le maire PCF Pierre Guéguin, critique à l’égard du stalinisme et acceptant de discuter avec les trotskistes du POI, est depuis 1938 en butte à la méfiance de la fraction communiste de son conseil municipal. Les instances dirigeantes ont d’ailleurs imposé la présence dans l’administration municipale d’Alain Le Lay, un militant orthodoxe qui va bientôt réorganiser le PCF clandestin dans le Finistère sud4. Le 1er septembre 1939, le maire de Concarneau condamne ouvertement le Pacte en plein conseil municipal avant d’être mobilisé le 5 à Quimper. Le seul conseiller général communiste de Bretagne est alors exclu du Parti comme le précise un tract du début septembre : « P. Guéguin n’a plus rien de commun avec le parti, ni avec le communisme. » Avant d’être suspendu sur ordre du gouvernement le 19 octobre 1939, le premier adjoint Alphonse Duot, faisant office de maire, a refusé d’approuver la partie du procès-verbal désavouant le Pacte.

5Pendant la « drôle de guerre », du fait de leur approbation de la politique soviétique et de « leur pacifisme », les militants et élus communistes restés fidèles au Parti sont durement touchés par la politique répressive du gouvernement encore républicain de Daladier, même lorsque leur activité politique est des plus réduite, et parce qu’une vague d’anticommunisme et d’antisoviétisme, aggravée par l’attaque de la Finlande par l’URSS, déferle sur le pays. La fédération de Loire-Inférieure est elle aussi frappée par la répression : son secrétaire fédéral Émile David est interné à l’Île d’Yeu en décembre 1939 tandis que le trésorier fédéral Louis Œillard croupit dans un centre de séjour surveillé5. Plusieurs responsables sont sanctionnés6. À Nantes comme ailleurs, le PCF paraît moribond au moment de l’invasion allemande.

6En effet, ses rares élus en Bretagne n’ont pas été oubliés par la vaste répression qui touche durement la région parisienne. Les élus municipaux du Finistère et des Côtes-du-Nord, d’abord suspendus, ont été déchus de leur mandat en février et mars 1940 par le conseil de préfecture interdépartemental de Rennes. Sur recommandation du préfet du Finistère, Pierre Guéguin qui « n’a ni par sa démission, ni par déclaration publique répudié le parti communiste » – mais en a été exclu –, est déchu de ses mandats électifs le 11 mars 1940 (avec dix élus) malgré l’intervention des conseillers généraux socialistes. Réaffirmant sa condamnation du Pacte, il proteste de son patriotisme et de son attachement au suffrage universel auprès du président du Conseil général. Trois autres maires de la côte sud, à Beuzec-Conq, Tréffiagat et Le Guilvinec (14 élus déchus), sont remplacés à l’automne 1939 par des délégations spéciales. Au total, dans huit communes finistériennes, 47 élus municipaux communistes sont déchus. Moins nombreux, souvent élus comme radicaux ou socialistes en 1935 et ayant adhéré au PCF pendant le Front populaire dans le Centre-Bretagne, treize conseillers municipaux des Côtes-du-Nord sont frappés dans dix communes, sans se désolidariser de leur parti, mais sans non plus approuver le Pacte. Jean-Baptiste Le Corre, le seul maire PCF, de Plounévez-Moëdec, est d’abord suspendu par le préfet le 7 décembre 1939, puis déchu comme douze conseillers, presque tous du pays bretonnant. Ce n’est pas un hasard si la résistance communiste se développera précocement dans cette région. Pendant « la drôle de guerre », le bilan de la répression dans ce département breton est loin d’être négligeable : 59 perquisitions, 26 internements administratifs, 88 mobilisés signalés, 13 affectés spéciaux radiés, 13 élus déchus, 4 fonctionnaires déplacés7.

7La ville de Douarnenez qui a vu son maire rompre avec le PCF semble épargnée d’autant plus qu’une décision symbolique de Daniel Le Flanchec remet en cause les marques du passé révolutionnaire et communiste. Le maire, qui s’affirme toujours de gauche et patriote, s’est rapproché des notables radicaux du Finistère en 1938-19398. Le 27 février 1940, en réponse à un entrefilet de La Dépêche qui relate les changements de noms de rue dans les communes ex-communistes de Seine-et-Oise, Le Flanchec décide de débaptiser six rues et places de sa ville. Dans la toponymie urbaine, les anciennes appellations ou un panthéon beaucoup plus patriotique et national retrouvent droit de cité : Louise Michel doit s’effacer devant le maréchal Pétain toujours ambassadeur chez Franco ; Eugène Pottier devant Maginot ; Camélinat devant Clemenceau ; Édouard Vaillant, Lénine et Henri Barbusse sont sacrifiés tandis que l’amiral Guépratte, ancien député radicalisant qui vient de mourir, a droit à une place. C’est un spectaculaire changement de culture et de références politiques qui nourrit l’ironie des socialistes, même si Jaurès est épargné. Les défenseurs de la patrie remplacent les militants du mouvement ouvrier et les révolutionnaires. Cet exemple nous semble exceptionnel sinon unique en Bretagne.

8Il n’en reste pas moins que lors de l’invasion allemande à la mi-juin 1940, le PCF a été réduit au silence dans la région comme ailleurs. Néanmoins des cadres attendent le moment de se réorganiser. Toutes les forces politiques, déjà atones depuis la fin de 1938, ont été bousculées par la déclaration de guerre, la mobilisation, puis la défaite.

Des élus dans la guerre (1939-1940)

9Tous les parlementaires bretons votent les crédits de guerre le 2 septembre 1939, y compris les plus pacifistes d’entre eux comme le socialiste Louis L’Hévéder de Lorient. Comme 128 parlementaires français (13,7 %) sur 932 en théorie, dont 105 mobilisables car âgés de moins de 40 ans, les élus bretons les plus jeunes, parfois rappelés comme réservistes en 1938, sont mobilisés avec le grade de sous-lieutenant en septembre 19399. Ils sont souvent affectés à des garnisons en région parisienne pendant la « drôle de guerre » comme c’est le cas de Tanguy Prigent. Le député socialiste de Morlaix poursuit d’ailleurs son activité d’élu en participant à des réunions du conseil général du Finistère (mai 1940) ou de la SFIO à Paris, ou en adressant quelques articles au Breton Socialiste. Après l’attaque allemande, refusant de rester « planqué », Tanguy Prigent sollicite et obtient de Paul Reynaud le droit de monter au front et de participer aux combats de la « bataille de France » sur l’Aisne, à la tête d’un peloton de Dragons portés d’automitrailleuses. C’est au cours de la retraite qu’il est blessé le 9 juin en Champagne10. Plusieurs autres parlementaires bretons participent aux combats comme Paul Morane (URD) et Albert Le Bail (rad.-soc.) dans les Flandres ou Jean Crouan. Fait prisonnier près d’Auxerre le 16 juin, ce dernier s’évade le soir même et parvient après 450 km de marche à rejoindre Vichy le matin du 10 juillet11. Son collègue Paul Ihuel (URD) est transféré en Allemagne et il ne sera libéré qu’en septembre 1944.

10Dans la débâcle et l’effondrement de la République, le 9 juillet 1940, les 32 députés bretons présents à Vichy, de droite et de gauche, – mais sur 396 votants, il n’y a que trois contre –, votent la révision des lois constitutionnelles de 187512. Le lendemain 10 juillet 1940, sur le vote des « pleins pouvoirs » au maréchal Pétain, la situation se clarifie quand 570 députés et sénateurs votent pour, 80 contre pour 20 abstentionnistes. Cinquante des 57 parlementaires bretons présents dans le Casino de Vichy ce jour-là votent les pleins pouvoirs. Sept d’entre eux, tous Finistériens (six députés sur 10 et un sénateur sur 5), font partie des Quatre-vingts. 31 députés, de droite et de gauche de la région, ont voté les pleins pouvoirs mais cinq n’ont pas pris part au vote, de même que deux sénateurs absents. Aucun élu breton n’est associé à l’aventure du Massilia.

11Les défenseurs de la République sont les deux socialistes, Tanguy Prigent et Jean-Louis Rolland appartenant aux 29 socialistes qui ont voté non, les deux radicaux-socialistes Albert Le Bail et Jean Perrot sur 13 non, les deux seuls démocrates populaires de leur groupe sur 13 présents, Paul Simon et Pierre Trémintin, auxquels il convient d’ajouter le sénateur-maire de Brest Victor Le Gorgeu, un des 14 radicaux-socialistes ayant voté non. Le Gorgeu est le seul des vingt sénateurs bretons présents à Vichy à faire ce choix13. Ce sont donc cinq hommes de gauche pour deux de droite qui ont défendu la défunte IIIe République14. Six députés socialistes bretons (sur 87) votent les pleins pouvoirs : les quatre de Loire-Inférieure, Louis L’Hévéder par pacifisme intégral et en partisan de l’entente franco-allemande15, plus le syndicaliste paysan Philippe Le Maux. Ils seront exclus de la SFIO par le congrès de la mi-novembre 1944 parmi les 84 parlementaires socialistes épurés quel que soit leur parcours pendant la guerre. Le désarroi est souvent la clé d’explication de ce vote décisif pour des hommes dont la carrière politique est brisée par ce choix de 1940. Les députés combattants arrivés du front acceptent la demande d’armistice du Maréchal car ils considèrent que la situation militaire était désespérée. L’industriel de l’aéronautique Paul Morane le réclamait dès le 13 juin en raison « des conditions d’infériorité absolument écrasantes au point de vue des armements et du matériel » et de la domination aérienne de la Luftwaffe16. A posterori en 1945, le député du Trégor Philippe Le Maux justifie son vote de 1940 par la débâcle militaire et le gigantesque exode des populations civiles précisant : « Je n’ai pas eu le cœur de rejeter l’armistice pour une question de sentiments. » Et son camarade paysan Tanguy Prigent n’est pas loin de penser la même chose. Pourtant le 10 juillet ils ont fait des choix inverses.

12De même, les sénateurs radicaux-socialistes Alphonse Gasnier-Duparc, Pierre Michel, Paul Maulion ou l’ancien ministre Alphonse Rio ont voté pour comme Guy La Chambre ou le député Pierre Sérandour, alors que Michel Geistdoerfer est absent17. Même si le clivage gauche/droite ne joue plus dans ces journées dramatiques, la quasi-totalité des parlementaires bretons de centre droit et de droite accepte la mort de la IIIe République comme dans l’ensemble du pays. Quelques-uns rejoindront la Résistance. Les dix parlementaires morbihannais présents sur douze votent les pleins pouvoirs18. L’abbé Desgranges (proche du PDP), dans une lettre au général de Gaulle le 16 février 1945, justifie son vote en soulignant que face à l’avancée de la Wehrmacht, « c’est l’unique désir de sauver la France abattue qui domina nos âmes ». Il n’hésita pas à voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain investi de la fonction de sauveur. Mais il s’empresse de préciser : « Nous ne tardâmes pas à voir que nous avions été trompés et je me tins complètement à l’écart du régime de Vichy19. » L’abbé Desgranges participe bientôt au sauvetage des juifs et rejoindra la Résistance.

13Pour expliquer le vote des opposants du 10 juillet 1940, la culture républicaine paraît plus solidement enracinée à gauche. Dans le cas breton, le critère régional ne paraît guère pertinent, sauf en Basse-Bretagne réduite au Finistère (7 non sur 15 présents, 46,6 %), l’un des plus forts taux départementaux de refus des pleins pouvoirs avec le Var. Ce sont en effet les élus des départements du Midi de la France, plus à gauche et largement épargnés par les combats, qui ont le plus voté contre (de 22 à 33 %) alors que la Bretagne à quatre départements est en 6e position (15,5 %)20, la première de la zone occupée, mais si on rajoute la Loire-Inférieure on tombe à 12,3 % seulement21.

14Dans la débâcle de 1940 et les débuts de l’Occupation, les édiles locaux ont fait le choix de rester à leur poste, se portant souvent au-devant du vainqueur pour éviter les destructions et les pillages. Ils vont servir d’intermédiaires obligés avec les nouvelles autorités allemandes et souvent faire les frais de la « politique des otages » censée maintenir « l’Ordre nouveau » nazi. Ainsi, aux premiers incidents dès l’été 1940 et à l’initiative des commandants locaux, ils sont arrêtés tels Pierre Trémintin, maire PDP de Plouescat, pendant quelques heures, ou Tanguy Prigent à Saint-Jean-du-Doigt le 6 septembre ; il sera détenu à Morlaix jusqu’au 23. En 1940 et 1941, plusieurs maires bretons, y compris de droite, subissent le même sort ; il s’agit souvent d’hommes connus pour leurs sentiments anti-allemands.

Le choix de la Révolution nationale

15Un certain nombre d’élus, de droite ou radicaux, se rallient au maréchal Pétain et à la Révolution nationale qui est d’abord une revanche politique et sociale sur le Front populaire en même temps qu’une tentative de remodeler la société française. Mais à la différence de la zone sud dite « libre » où le régime de Vichy détient bien le pouvoir, du moins jusqu’à l’automne 1942, la zone occupée présente le visage d’une relation triangulaire entre les autorités vichyssoises départementales – des préfets aux pouvoirs renforcés – qui appliquent les directives d’un gouvernement de Vichy lointain, les notables restés en place qui représentent en principe les intérêts de la population, et les forces d’occupation allemandes dont les exigences dans tous les domaines ne cessent de s’aggraver. Du fait de la dissolution-disparition des partis politiques démocratiques dès l’été 1940, de même que de l’interdiction des confédérations syndicales (mais les structures départementales sont maintenues), les médiateurs traditionnels entre la société et le pouvoir politique n’ont plus d’existence légale. La vie politique n’a pas disparu mais elle est contrainte de prendre des formes nouvelles allant de l’acceptation de la nouvelle légalité aux formes du combat clandestin pour la minorité engagée dans la Résistance. Pour autant, la gestion des difficultés quotidiennes (pénuries, prélèvements économiques et de main-d’œuvre, répression accrue de l’occupant) ne cesse de peser sur les épaules des notables locaux placés en première ligne d’autant plus que dans le projet de société réactionnaire de Vichy, ces élites politiques et sociales constituent l’un des piliers majeurs du remodelage de la société française par ce que la propagande du régime nomme la Révolution nationale. Il convient donc d’essayer de mesurer sur le terrain, en tenant compte des différences départementales et bien sûr de la chronologie, le degré d’application de cette contre-révolution vichyssoise.

16Au-delà de l’analyse de l’évolution de l’opinion publique bretonne, qui n’est pas traitée ici22, on ne peut saisir les manifestations de la vie politique sous l’Occupation qu’à travers la mise en œuvre des politiques de la Révolution nationale sur le terrain. Comment sont-elles relayées par les notables ralliés ou nouveaux. ? D’autres vecteurs comptent comme l’Église catholique ou les organisations agricoles qui se restructurent au sein de la Corporation paysanne mise en place par Vichy de décembre 1940 à 1943. C’est un grand notable corporatiste breton, Hervé Budes de Guébriant, « patron » de l’Office central de Landerneau, dont le fils Alain est maire et conseiller général de Saint-Pol-de-Léon (Finistère), qui est placé à la tête de cet organisme national en décembre 1940. Il est aussi nommé au Conseil national créé au début 1941. Avec Dorgères comme responsable de la propagande, il va s’efforcer de généraliser son modèle d’organisation corporative et sociale à tout le pays, faisant de sa coopérative le prototype des organisations régionales. De nombreux notables politiques et socioprofessionnels, dont la fraction la plus conservatrice issue des réseaux catholiques et agricoles, se retrouvent au sein de cette institution qui incarne le mieux l’idéologie et le projet social de Vichy. Toutefois, la volonté d’emprise de la Corporation paysanne, en fait de Landerneau sur les coopératives et autres organismes du monde agricole (notamment le Crédit agricole) du Finistère et des Côtes-du-Nord se heurte immédiatement à des oppositions sur le terrain dont l’exemple le plus remarquable et le plus abouti est celui de Tanguy Prigent avec son Bulletin et la défense de sa coopérative de 1940 à 194223. Il s’agit bien là de la poursuite du combat politique entamé dans les années 1930, y compris en présence de l’occupant, et en dépit des mesures de rétorsion du préfet. La publication légale pendant près de deux ans d’un organe strictement professionnel mais clairement opposé à la Corporation vichyssoise est pour le moins surprenante.

17Plus ou moins rapidement selon les lieux et les cultures politiques, la Corporation paysanne se discrédite auprès de nombreux paysans, au moins à partir de 1942, car elle sert de relais à l’administration pour effectuer les prélèvements agricoles de plus en plus lourds exigés par les Allemands. C’est sans doute au niveau de son appareil d’encadrement, avec son réseau de syndics (régionaux, départementaux, cantonaux, communaux), que cette institution créée par Vichy paraît la plus aboutie. Elle permet l’émergence dans les campagnes de nouveaux responsables acquis au régime qui ne proviennent pas du suffrage universel, ce qui va entraîner des frictions, voire même quelques conflits avec les maires car ces syndics cherchent au début à empiéter sur leur autorité. Soulignons enfin qu’en zone occupée, à la différence de la zone sud, la Légion française des combattants qui est la véritable organisation de « masse » incarnant les valeurs et la version pétainiste de la Révolution nationale n’est pas autorisée par les Allemands24. Créée par la loi du 29 août 1940, sous l’égide du député nationaliste Xavier Vallat, un ami du député du Finistère Jean Crouan, elle est interdite en septembre par l’occupant alors qu’on a déjà songé à nommer des notables de droite comme chefs départementaux. L’absence de cette organisation fait qu’il n’est pas possible de voir l’existence d’une activité politique d’une certaine ampleur dans la région. Il faut donc d’abord passer par le prisme des notables pour se faire une idée des comportements et de leurs évolutions quand Vichy jette à bas les structures démocratiques de la IIIe République pour les remplacer par des organismes nommés. Dans le traumatisme de la défaite et de l’occupation militaire, il faut d’abord se poser la question du ralliement des élites républicaines à Vichy.

D’anciens parlementaires dans les nouvelles institutions vichyssoises

18Des parlementaires et autres élus du suffrage universel acceptent de siéger dans les institutions politiques vichyssoises : Conseil national, commissions administratives, puis conseils départementaux remplaçant les conseils généraux dissous en 1940. Des grands notables de droite acceptent ainsi leur nomination au Conseil national élaboré par Flandin en 1941, un organisme qui doit aider le maréchal Pétain à préparer la nouvelle Constitution qui ne verra jamais le jour. Ce Conseil national compte un tiers de parlementaires tels Jean Crouan (FR-URD) dans le Finistère, nommé sans avoir été consulté, ou Alfred Duault (PDP) dans les Côtes-du-Nord25. Industriel propriétaire d’une brasserie, maire de Quintin, Duault incarne le notable de droite – il se situait avant guerre dans l’aile droite du PDP très hostile au Front populaire – rallié au régime de Vichy. En novembre 1941 comme en juin 1942, le préfet loue son « loyalisme » et son « ardent dévouement »26. Parmi ces pétainistes de droite, on rencontre quelques hommes de gauche : dans le Morbihan, le sénateur gauche démocratique et radicale Paul Maulion est un des 12 radicaux-socialistes français nommés, tout comme le socialiste Louis L’Hévéder qui a suivi son mentor Paul Faure (9 socialistes nommés) dans les allées du pouvoir par pacifisme et anticommunisme et qui siégera jusqu’en 1943, ou encore Alphonse Gasnier-Duparc, maire radical-socialiste de Saint-Malo. Dans son plaidoyer de 1945, Maulion justifiait son acceptation par sa volonté de « défendre le régime républicain » en attendant la libération du pays27. Ces hommes venus de la gauche côtoient à Vichy leurs adversaires d’hier, de droite ou d’extrême droite, comme Hervé de Guébriant, le landerniste patron de la Corporation paysanne, ou Dorgères. Sur les 77 parlementaires, il y a donc au moins cinq Bretons nommés en 1941 sans la Loire-Inférieure.

19Dans le Morbihan, l’anomalie de la nomination au Conseil national de parlementaires venus de la gauche est corrigée en 1943 par celle de Louis Le Léannec, un grand notable du monde rural28. Maire URD de Caudan depuis 1925, nommé à la commission administrative en 1941 et au conseil départemental en 1943, Le Léannec est délégué départemental de l’Union régionale corporative agricole (URCA), puis syndic régional de la Corporation paysanne. D’autres notables comme l’ancien député URD Joseph Cadic vont fort loin dans le pétainisme actif, soutenant la politique de collaboration avec le Troisième Reich. À la Libération, il sera condamné à 15 ans d’indignité nationale, mesure rapportée puisqu’en 1956, il reviendra à l’Assemblée sur la liste du Centre national des indépendants (CNI) conduite par Raymond Marcellin. Fervent partisan de la Révolution nationale, Joseph Cadic réaffirme sans ambages ses positions en 1941 quand il est révoqué par les Allemands de sa fonction de maire de Noyal-Pontivy29. Le 10 juin 1941, Cadic écrit au préfet : « Vous n’ignorez pas que de tous les maires du Morbihan, je suis peut-être celui qui a travaillé le plus pour la collaboration […] je continuerai donc, estimant que nous avons trop souffert de la finance juive et de l’égoïsme anglais, et pensant qu’un accord avec l’Allemagne assurerait la paix de l’Europe pour longtemps30. » L’ancien député agraire, proche de Dorgères dans les années 1930, est on ne peut plus clair. Comme lui, la plupart des hommes de droite ne cachent pas leurs sympathies pour le régime pendant un temps plus ou moins long.

20Le député de la Fédération républicaine de Loire-Inférieure Augustin du Tertre de la Coudre traduit bien l’esprit des nouvelles institutions vichystes quand il écrit le 14 mars 1942 dans L’Écho de Paimboeuf que « le suffrage universel était devenu pour la France une plaie mortelle ». Son collègue le marquis Henry de La Ferronnays dirige Le Journal d’Ancenis qui publie des textes toujours plus favorables à l’occupant31. L’ancien député Hervé Nader (RI), armateur-hôtelier, a été nommé dans la délégation spéciale de Concarneau après l’épuration du Parti communiste, et il en devient maire en mai 1941. Maréchaliste, son collègue Jean Crouan est aussi un pétainiste actif qui aurait été un des chefs départementaux de la Légion française des combattants si elle n’avait pas été interdite par l’occupant en zone nord. Le 12 janvier 1943, il devient le premier syndic de la chambre des notaires du Finistère32. Pourtant à l’automne 1940, Jean Crouan a refusé de participer à Morgat à l’aryanisation de biens juifs et il s’oppose aux menées des séparatistes et des régionalistes bretons. En 1942, il rencontre à deux reprises le maréchal Pétain, lors d’une session du Conseil national en mars, et à la tête d’une délégation des maires du Finistère le 6 octobre. En même temps, il semble prendre quelque distance avec Vichy en refusant d’être nommé au conseil départemental du Finistère et au Comité Consultatif de Bretagne, cet organisme qui doit rattraper auprès des notables régionalistes et conservateurs la création en 1941 d’une région bretonne réduite à quatre départements. Or, cette nomination venait de son ami, le préfet régional Quenette. Jean Crouan semble alors plus proche du PSF que de la Fédération républicaine dont plusieurs leaders des Jeunesses, comme Philippe Henriot, s’engagent à fond dans le collaborationnisme pronazi.

21Car Crouan n’est pas favorable à la politique de collaboration de Vichy avec le Troisième Reich, contrairement à d’autres notables pétainistes qui peuvent néanmoins se heurter à l’occupant et en faire les frais. Ce cas est fréquent en Bretagne où la germanophobie est fort répandue dès l’automne 1940. Avec le retour de Pierre Laval au pouvoir, sans doute par opportunisme, quelques anciens élus se rappellent au souvenir de l’ancien président du Conseil. Ainsi, le sénateur radical du Morbihan Alfred Brard, installé à Nice depuis 1936 où il vit pendant la guerre, réclame le 23 avril 1942 à la préfecture du Morbihan, la copie d’un de ses discours d’éloge de Laval prononcé en 1935 ou 1936 – il ne se souvient plus très bien de la date : « Il me serait agréable d’avoir en ce moment la preuve que je n’ai pas attendu son ascension pour manifester mon avis. » Un nombre non négligeable de grands élus de la IIIe République a soutenu la Révolution nationale. D’ailleurs, le nouveau régime n’a modifié qu’à la marge les pouvoirs locaux en place au moment de la débâcle.

Continuité municipale et épuration limitée (1940-1942)

22En Bretagne, notamment du fait du commandement allemand qui préfère le maintien des notables, l’épuration municipale de 1941 est des plus limitée. 76,2 % des maires restent en place en 1941 dans les Côtes-du-Nord et la moitié des 89 nommés pendant la guerre remplacent des édiles décédés, prisonniers ou démissionnaires. On compte 32 nouveaux maires plus neuf délégations spéciales. L’épuration municipale ne frappe que 18 communes (4,6 %) en 1940-194133. Mais dans le Trégor et dans la région de Dinan, c’est l’occasion de remplacer des élus de gauche (socialistes ou radicaux-socialistes) par des hommes de droite. De même, dans les 71 communes de plus de 2 000 habitants concernées par la loi municipale du 16 octobre 1940, on nomme 71 pères de famille et 73 femmes qui font leur entrée dans les conseils municipaux, dont 11 nobles. On a bien là une sélection notabiliaire conforme à l’idéologie vichyssoise. Plusieurs maires de gauche, radicaux ou socialistes non ralliés, sont surveillés dans le Trégor (canton de Plestin-les-Grèves) et dans la région de Dinan où les sous-préfets se plaignent de l’influence néfaste des élus du Front populaire. En 1941, quelques maires sont démissionnaires dont l’ancien député Auffray (rad.-soc.) de Plélo, suspendus (à Erquy) ou démissionnés d’office (à Ploubalay et à Plœuc à la suite d’une manifestation le 14 juillet)34. Globalement, la continuité l’emporte. Seuls les hommes les plus marqués à gauche sont éliminés localement. Toutefois, le maintien en fonction des édiles ne signifie pas obligatoirement leur ralliement au régime. Dans les cantons côtiers de Plancoët, de Matignon, et de Ploubalay, plusieurs maires radicaux-socialistes sont considérés comme « notoirement anglophiles » dès la fin de 194135. En 1941, 18 municipalités des Côtes-du-Nord ont été totalement ou partiellement frappées par l’épuration.

23En Ille-et-Vilaine, 87 communes changent de maires sous l’Occupation mais 40 seulement (11 % du total) pour des raisons politiques alors qu’il s’agit de remplacer 29 maires décédés et huit ayant démissionné. Dans les communes de plus de 2 000 habitants (touchées par la loi de Vichy du 16 novembre 1940), quelques élus sont révoqués, souvent de gauche, et remplacés par des partisans du régime et l’entrée d’une femme. Mais la plupart du temps, les maires d’avant-guerre se maintiennent ou, quand ils démissionnent, au nom de « l’âge » ou pour « des raisons de santé » lorsque le fardeau des prélèvements de toutes sortes devient insupportable, c’est en général le premier adjoint qui leur succède ne modifiant pas la couleur politique de la municipalité. Dans le Finistère, sur 106 communes de plus de 2 000 habitants, 23 nouveaux maires (21,7 %) ont été nommés par Vichy à la fin de 1943 dont la moitié dans l’arrondissement de Quimper.

24En fait, de nombreuses municipalités se rallient, du moins en apparence, au régime de Vichy. De décembre 1940 au 1er avril 1941, 253 municipalités du Morbihan (97 %) sur 261 votent une motion de confiance au maréchal Pétain, le plus souvent à l’unanimité36. Notons qu’à Inzinzac, les huit conseillers socialistes sont absents sans excuse ce jour-là. À la fin de 1941, environ 30 % des maires du Morbihan sont considérés comme acquis à la Révolution nationale alors que les autres sont réservés. Très peu d’élus démissionnent en signe de refus de l’épuration municipale. C’est néanmoins le cas en 1941 de plusieurs maires et conseillers généraux socialistes de grandes villes comme Emmanuel Svob à Lorient (27 janvier 1941), Maurice Thiéfaine à Nantes, François Blancho à Saint-Nazaire qui dans sa lettre de démission au préfet le 29 mai 1941 refuse de rejeter IIIe République37 ou le radical-socialiste de Crozon (Finistère), le Dr Henri Kéranguyader qui sera réélu en 194538. À Lorient, E. Svob a démissionné alors qu’il allait être révoqué en raison de ses origines étrangères. Parfois, ce sont les Allemands qui imposent l’éviction des maires et de leurs municipalités comme celle du radical-socialiste Michel Geisdoerfer à Dinan, notamment parce qu’il publie son journal avec des blancs montrant les articles caviardés par la censure allemande39. Il est remplacé en février 1941 par le notaire Aubry, président de la délégation spéciale. C’est aussi le cas de l’USR Octave Brilleaud à Saint-Brieuc, remplacé par E. Chrétien, un professeur du lycée retraité. L’ancien socialiste SFIO est connu comme étant un « haut dignitaire de la franc-maçonnerie », et « les sociétés secrètes » sont pourchassées et par Vichy et par les Allemands. À Douarnenez, Le Flanchec a refusé le 20 juin 1940 d’amener les couleurs nationales et de hisser le drapeau à croix gammée si bien que le 29 juin il est destitué car il a refusé de se rendre à la convocation de la Kommandantur. Il est remplacé par un maire appartenant au PPF de Doriot40.

25Le maire socialiste de Nantes Auguste Pageot est arrêté par les Allemands en 1941 pour avoir : « Dans l’exercice de ses fonctions officielles agi contre les intérêts de l’armée allemande. » La municipalité nantaise, à majorité de gauche, est remplacée par une délégation spéciale nommée par Vichy en mars 1941 et dirigée par un fonctionnaire municipal conservateur, Gaétan Rondeau. Les socialistes nantais ont refusé d’entrer dans cette municipalité de droite. Proche des idées de la Fédération nationale catholique, pétainiste mais hostile à la collaboration, Rondeau doit faire face à l’exécution des otages par les Allemands en octobre 1941 sans que ses démarches pour sauver les otages nantais aboutissent.

26Les premières suspensions et révocations d’édiles sont signalées fin 1940-début 1941. Le maire de Vannes et ancien député Maurice Marchais (centre gauche) est suspendu le 23 novembre, puis révoqué le 11 décembre 1940 pour avoir traité en privé Pétain de « vieille ganache41 ». Un général et l’ancien sénateur de droite Roger Grand se sont empressés de rapporter ces propos au préfet et au ministre de l’Intérieur42. Le nouveau maire, l’architecte Edmond Gemain (radical), n’accepte sa nomination qu’avec l’accord de Marchais et le maintien de son conseil municipal, s’engageant à lui restituer sa fonction à la Libération, ce qu’il fera. Le maire et conseiller général (1922-1940) radical-socialiste d’Hennebont, Herwegh, est révoqué parce qu’il a des parents étrangers43, de même que son premier adjoint sur dénonciation, ce qui provoque quelques remous dans la presse locale. C’est aussi le cas du maire radical-socialiste de Gourin, Jean-Louis Kergaravat, élu depuis 1919, qui démissionne le 28 janvier 1941 ; il est remplacé par un homme de la même tendance. Les maires de Kéryado et d’Arzon sont déclarés démissionnaires d’office et celui de Locoal-Mendon révoqué. Quand le socialiste Louis Cren, adjoint à Lorient, apprend en mars 1941 la nomination à la tête de la cité du médecin général en retraite Auguste Donval, un ami de Darlan, il démissionne. Les municipalités de gauche de la région sont bel et bien épurées : Lorient, Kéryado, Lanester, Hennebont, mais aussi Auray et Gourin. Au total, une vingtaine de communes (7,6 %) sont concernées en 1941 dans le Morbihan, en général les villes les plus importantes. Pourtant, au nom de l’union nationale, le préfet Piton avait initialement souhaité rééquilibrer la composition municipale en faisant entrer des gens de droite dans les communes de gauche, et des hommes de gauche « favorables au gouvernement » dans celles de droite. Cette solution irrite le grand notable agrarien Roger Grand, ancien sénateur (1927-1932), qui s’y oppose fermement. Au nom d’une revanche politique, il veut éliminer toutes les municipalités de gauche et intervient dans ce sens auprès du ministre de l’Intérieur. Dans le Morbihan, sous l’Occupation, 98 communes (37,5 % du total) connaissent un changement de maire, ce qui représente un corpus de 115 personnes car des maires nommés ont parfois démissionné. 24 ont été révoqués en 1940-1941 (les trois-quarts de gauche). Ces révocations ou démissions se font au détriment des maires de gauche (socialistes, radicaux, républicains de gauche) : 49,5 % des partants remplacés par 27,8 % d’hommes de même tendance. La droite URD est donc bien la grande bénéficiaire de cette épuration qui frappe aussi d’anciens parlementaires restés à la tête de leur commune. Ainsi, l’ancien député Eugène Raude (rad.-soc.), maire et conseiller général de Guéméné-sur-Scorff (Morbihan), est-il révoqué le 25 juillet 1942 pour appartenance à la franc-maçonnerie.

27Des radicaux-socialistes sont révoqués : Pierre Pouchus à Penhars (Finistère) et Alphonse Gasnier-Duparc à Saint-Malo (juillet 1941) qui a pourtant voté les pleins pouvoirs et a été nommé au Conseil national. Il sera réhabilité par le préfet à la Libération. Il est remplacé par le capitaine au long cours Auguste Briand. À Saint-Servan, l’ancien ministre radical Guy La Chambre a été révoqué dès avril 1941 après le maire de Fougères Rebuffé en mars44. Les notables radicaux qui avaient soutenu le Front populaire sont rapidement limogés. Quant au maire modéré de Rennes François Château, il reste en place jusqu’au 14 juin 194445.

28Cependant, d’autres d’élus de gauche, des radicaux-socialistes ralliés au maréchal, ou des socialistes pratiquant une politique de présence, sont maintenus même lorsque les autorités signalent leur réserve, voire plus à l’égard du régime. Dans le Finistère, les parlementaires qui ont voté non conservent leur mairie en 1940. À Brest, Victor Le Gorgeu devient même responsable des quatre communes de l’agglomération et accepte le remaniement imposé par Vichy ; sa démission-révocation n’intervient qu’en décembre 1941 lorsqu’il refuse de voter un second hommage au maréchal Pétain. Les deux députés socialistes restent en place beaucoup plus longtemps : à Landerneau, Jean-Louis Rolland qui ne s’est rallié que du bout des lèvres en concluant un hommage obligé de sa formule : « concorde, union, fraternité » est mis en cause par un pétainiste nommé. Il est suspendu en mars 1942 puis révoqué en octobre pour « hostilité à l’œuvre de la Révolution nationale46 ». Ses amis socialistes démissionnent. Bien qu’opposant de la première heure à la Corporation paysanne et à Vichy, Tanguy Prigent n’est révoqué qu’en janvier 1943. Au moment du durcissement du régime, il faut éliminer les adversaires politiques et entériner la revanche politique des notables de droite : le 11 janvier 1943, Charles Le Bastard, le maire socialiste de Pont-L’Abbé est révoqué et remplacé par l’ancien sénateur de droite Jacques Queinnec ; de même, le maire de Scaër Henri Croissant (rad.-soc.) doit céder son fauteuil au député « paysan » Louis Montfort.

29En effet, de nombreux notables de droite, du centre gauche ou du centre droit, bien qu’anti-allemands, n’entrent pas en dissidence car ils apprécient un régime qui veut s’appuyer sur l’Église catholique, sur les élites politiques et sociales, qui encense la famille et favorise l’école privée confessionnelle par des aides (en 1940-1941 surtout). Des notables de la gauche laïque font le même choix comme Gustave de Kerguézec qui reste à la tête de sa mairie de Tréguier et aura quelques ennuis à la Libération. En revanche, l’ancien député radical-socialiste de Guingamp André Lorgeré s’abstient de rentrer dans sa ville désormais administrée par son adjoint de droite Paul Le Jamtel. En 1942, Pétain reçoit à Vichy des délégations de maires de plusieurs départements bretons. Le 6 octobre 1942, la délégation du Morbihan comprend sept maires dont les deux nommés de Lorient et de Vannes et cinq maires de droite (URD et conservateurs) liés aux réseaux ruraux et au syndicalisme agraire. La situation est identique dans le Finistère. Mais la Révolution nationale a déjà échoué sur le terrain et la crise municipale fait sentir ses effets.

La crise municipale de 1942-1944

30À partir de 1942, les contraintes de l’Occupation qui placent les maires en première ligne face aux Allemands (prélèvements agricoles, main-d’œuvre, désignation de requis pour la Relève et les chantiers allemands, etc.) provoquent une maladie contagieuse : la « démissionnite ». Les autorités préfectorales refusent le plus souvent ces démissions présentées pour « raisons d’âge », de « santé » ou « professionnelles ». La légitimité des édiles, reconnue par la population, est précieuse pour gérer les difficultés quotidiennes et jouer un rôle de tampon entre leurs administrés et l’occupant. La plupart des maires nommés, à la suite d’un décès, d’une démission, voire même d’une révocation, assument si bien cette fonction que plusieurs seront élus en 1945. Rares sont ceux qui font du zèle en 1943-1944 comme celui de Ploumiliau (Côtes-du-Nord) qui a réussi à « avoir la peau » de Le Caer, le radical-socialiste qui était la bête noire du sous-préfet de Lannion47.

31Les critiques du conseil municipal peuvent parfois conduire à la démission du maire nommé : à Lorient, ville frappée par les bombardements alliés, Auguste Donval s’efface le 8 mai 1942 et est remplacé par un administrateur colonial retraité, Eugène Gallois-Montbrun, ancien maire d’Hanoï. La nomination n’est pas toujours un signe de longévité politique. En effet, dans la Morbihan, 34 maires nommés par le régime (29,5 %) sont révoqués ou démissionnent avant la Libération, signe des difficultés du temps. La situation municipale est instable à Nantes où Henry Orrion succède en novembre 1942 à Gaétan Rondeau lui-même nommé en mai 1941 puis démissionné par le régime48. Ce commerçant en droguerie de 51 ans, président du syndicat de la droguerie de l’Ouest et membre de la direction nationale de ce syndicat, représentant typique de ce milieu professionnel des classes moyennes, a d’abord été nommé comme adjoint, chargé du ravitaillement en 1941 s’efforçant d’organiser des cantines collectives et des restaurants municipaux pour lutter contre les pénuries. C’est pour faire face à la crise municipale que le préfet le nomme à la tête de la délégation spéciale à la fin de 1942. Henry Orrion s’affirme en organisant les secours et les évacuations lors des terribles bombardements alliés de septembre 1943 gagnant le respect de ses concitoyens.

32Entre épuration et départs volontaires, le mouvement des édiles a pu être important. Dans l’arrondissement de Quimper : 12 conseils municipaux ont été remplacés par des délégations spéciales, 67 modifiés, 13 intégralement maintenus ; si 50 maires de 1935 ont traversé la guerre, 42 ont été remplacés dont 10 démissionnés d’office49. Mais 25 ont démissionné volontairement. En revanche, dans le très conservateur arrondissement de Vannes (123 communes), la continuité des maires maréchalistes est forte en 1940-1942 : sept maires révoqués, trois par Vichy dont celui de Vannes, quatre par les Allemands50. Dans l’arrondissement de Brest constitué du Léon conservateur ou démocrate chrétien, la stabilité des notables l’emporte également en dehors de l’agglomération brestoise et de Landerneau. Après la démission-révocation de Le Gorgeu à Brest, c’est le maire de droite Eusen de Saint-Pierre-Quilbignon qui est nommé en janvier 1942 à la tête de la délégation spéciale. Les deux seuls maires socialistes, Michel Hervé à Lambézellec et Jean-Louis Rolland à Landerneau sont révoqués (fin 1941 et en octobre 1942). Sur 85 communes, cinq maires des 24 communes de plus de 2 000 habitants ont démissionné pendant la guerre (deux en 1941) ; 15 dans les petites communes51. C’est le cas dès 1941 du député de droite, l’URD Vincent Inizan52.

33Dans le Morbihan, sur les 115 maires qui ont changé dans 98 communes sous l’Occupation, 67 ont démissionné (58,2 %), dont 35,8 % de gauche et le reste de droite53. C’est un taux totalement inhabituel qui traduit bien la crise municipale. La question se pose de savoir si Vichy a fait émerger de nouveaux notables ? En réalité, le régime puise largement dans le vivier des élus municipaux de droite. Ainsi, 54,7 % des 115 nouveaux maires nommés dans le Morbihan sont déjà conseillers municipaux.

La tentative de création de nouvelles institutions locales

34Vichy s’est empressé de suspendre (loi du 12 octobre 1940), puis de supprimer les conseils généraux et les conseils d’arrondissement, ces représentants de la démocratie locale et du suffrage universel de la IIIe République. L’objectif est de dégager de nouvelles élites en puisant dans le vivier des notables, essentiellement à droite, mais aussi en nommant quelques membres des milieux socio-professionnels. Ces nouvelles institutions pétainistes valent moins par leurs pouvoirs, somme toute très limités car consultatifs auprès des préfets, que par ce qu’elles révèlent du positionnement des notables vis-à-vis du nouveau régime et de l’évolution du rapport de forces entre la gauche et la droite. Elles traduisent la volonté de dégager des élites soutenant la Révolution nationale et de trouver des relais entre un pouvoir autoritaire de plus en plus fascisant et une société qui s’en détourne de plus en plus nettement. Naturellement, l’occupation allemande et son durcissement ne favorisent guère un pouvoir d’esprit « notabiliste » qui s’enfonce dans une politique de collaboration54. Néanmoins, en 1940, Vichy cherche à jouer la carte du « notabilisme » et bon nombre d’élus du suffrage universel de la IIIe République s’y prêtent de bonne grâce, du moins pendant un temps plus ou moins long. On peut s’interroger sur le degré de renouvellement des notables dans les institutions créées par le régime.

35Les commissions administratives (huit à dix membres) qui remplacent les conseils généraux à l’hiver 1940-1941 voient la nomination d’hommes de droite et de quelques notables radicaux ralliés au régime, sous la présidence de conservateurs peu ou prou monarchistes. En Ille-et-Vilaine, sur 8 membres nommés, elle compte quatre anciens conseillers généraux de la mouvance conservatrice55. Dans le Finistère, la présidence est assurée par Stanislas de Taine, ex-conseiller général de Saint-Renan. Dans les Côtes-du-Nord, c’est Paul de Robien, un battu du suffrage universel aux élections législatives de 1932 qui est nommé à la tête d’un organisme de neuf membres composé de six élus (quatre conseillers généraux, dont deux radicaux-socialistes56 et cinq maires). Le sénateur-maire de Lannion, Edgar de Kergariou (rép. ind.) en fait partie jusqu’à sa nomination comme ambassadeur de Vichy en Bulgarie en 1943. Même si le préfet cherche à s’appuyer sur des notables, la droite est majoritaire dans cet organisme consultatif.

36Dans le Morbihan, la continuité est remarquable puisque le Dr Guillois, ancien sénateur (1920-1932) et ancien député URD de Ploërmel (1932-1936), président du Conseil général depuis 1937, est nommé à la tête de la commission administrative, puis du Conseil départemental57. Il est accompagné de l’ex-conseiller général du PDP de Vannes est, l’avoué Jean Camenen. Parmi les neuf membres de la commission administrative, on trouve un radical qui représente le syndicalisme rural républicain et de centre gauche, l’ancien député radical (1910-1919), Joseph Le Rouzic, toujours maire et conseiller général de Carnac. Il y côtoie le député de Lorient 2 Firmin Tristan (1934), hostile au Front populaire, et le notable de droite Louis Le Léannec. Ces nominations respectent le rapport des forces politiques de l’ancien Conseil général avec trois URD, trois radicaux, un républicain de gauche et un PDP. Hormis les socialistes, mais le député SFIO L’Hévéder a accepté de siéger au Conseil national, à travers leurs notables, toutes les forces politiques de droite comme de centre gauche du Morbihan se rallient au régime de Vichy en 1941.

37Après le retour de Pierre Laval au pouvoir, la loi du 7 août 1942 dissout les commissions administratives départementales pour les remplacer par des conseils départementaux nommés et installés par les préfets en mai 1943. Par cette opération, Pierre Laval aurait tenté de récupérer d’anciens notables républicains. En Bretagne, cette assertion est plus que discutable, car la droite la plus conservatrice est plus que majoritaire dans ces conseils départementaux nommés. Vichy a sélectionné dans le vivier des notables locaux surtout des hommes de la droite catholique, plus quelques radicaux modérés déjà situés au centre, voire passés à droite par hostilité au Front populaire. Ainsi dans les Côtes-du-Nord où plusieurs battus du suffrage universel sont nommés dont son président Paul de Robien. Partout, les anciens élus socialistes sont écartés, ainsi que la quasi-totalité des radicaux-socialistes, c’est-à-dire les laïques clairement de gauche. Les présidents des commissions administratives de 1941 restent en place.

38Dans les Côtes-du-Nord, où la majorité radicale de gauche était plus marquée avant-guerre, il est plus difficile de trouver des volontaires. Sur 47 nommés (pour 48 cantons) il y a trois démissionnaires et plusieurs absents lors de la première séance, sans oublier deux prisonniers de guerre en Allemagne dont on attend peut-être la mise en congé de captivité ? Sept n’ont jamais siégé dont cinq anciens conseillers généraux et 38 % n’ont assisté à aucune séance58. En réalité, seul le bureau fonctionne avec Paul de Robien, assisté des maires nommés de Saint-Brieuc (Chrétien) et de Guingamp (Le Jamtel). Ils sont entourés de cinq secrétaires dont au moins deux responsables de la Corporation paysanne tel Le Croizer, maire de Glomel et seul activiste déclaré. Le corpus comptait pourtant une belle brochette de notables : deux sénateurs (de Kergariou et le radical-socialiste Pierre Michel qui n’a jamais siégé), trois anciens députés (Duault), dont deux battus (de Kéranflech-Kernezne en 1928 et de Kérouartz en 1936), 13 conseillers généraux et 6 conseillers d’arrondissement, 34 maires. Le nouveau préfet Lahillonne qui arrive du Var d’où il a été déplacé à la suite des pressions de la Légion des combattants est forcé de constater le positionnement « très nettement orienté à droite » de la nouvelle assemblée composée « d’un nombre important de membres de la haute aristocratie bretonne qui ne reflète pas l’opinion d’avant-guerre ». On relève en effet neuf noms à particule, 19,1 % du total. Sur les douze conseillers généraux effectifs59, on trouve trois conservateurs, trois URD, quatre radicaux-indépendants et deux radicaux-socialistes. Le glissement à droite et la rupture politique et sociologique sont assez marqués dans ce département à majorité radicale et de gauche avant la guerre. Au reste, 17 membres nommés sur 45 n’auraient jamais siégé dont cinq conseillers généraux sur douze, soit 38 %, ce qui traduit bien l’échec y compris chez les notables de la Révolution nationale et le discrédit du régime au printemps 1943 après l’instauration du STO. L’institution tourne à vide et seul le bureau se réunit épisodiquement. D’ailleurs, de Kéranflech-Kernezne soutient la Résistance – il sera le seul notable de droite réélu à la Libération –, et de Kérouartz fait des démarches auprès des autorités allemandes pour obtenir des libérations lors de la grande rafle de Pâques 1944 à Callac. Dans les Côtes-du-Nord, la volonté de réorganisation politique du régime de Vichy appuyée sur les notables se solde par un échec.

39Dans le Finistère, la continuité avec l’avant-guerre est assurée par quinze conseillers généraux URD et indépendants de droite. Sur 42 membres nommés, il y a 29 maires, trois adjoints au maire et cinq conseillers municipaux pour cinq non élus seulement et huit aristocrates. Le pouvoir vichyste cherche à s’assurer une légitimité politique même si la plupart des nommés sont conservateurs ou URD. Trois anciens sénateurs (Halna du Frétay, Queinnec et le Dr Le Jeune) et un ancien député (Montfort) figurent dans la liste ainsi qu’Alain Budes de Guébriant, maire de Saint-Pol-de-Léon et fils d’Hervé, le dirigeant national de la Corporation paysanne. Les maires des principales villes sont présents dont Victor Eusen, le président de la délégation spéciale de Brest, et Yves Jaouen, le maire PDP de Saint-Marc, futur dirigeant du MRP et maire de Brest à la fin des années 1950. Notons aussi la nomination de l’ancien responsable socialiste de Morlaix, Guy Le Normand, le mentor de Tanguy Prigent, très engagé dans la résistance. Mais, contrairement aux Côtes-du-Nord, nous ignorons qui a réellement participé aux réunions de ce Conseil départemental dont le secrétariat est assuré par le maire de Lannilis Audren de Kerdrel. Plusieurs membres de cette assemblée seront réélus maire et conseiller général en 1945.

40En Ille-et-Vilaine, dans son rapport du 9 novembre 1942 proposant la liste des nominations au Conseil départemental, le préfet régional émet les avis suivants : 24 sont classés dans la catégorie « dévotion envers le chef de l’État ou le gouvernement » ; 16 dans celle « loyauté envers le chef de l’État ou le gouvernement » ; 9 dans celle « favorable ou approuve le gouvernement60 ». Il n’y a que six mentions moins élogieuses pour le régime et sa politique du genre « attitude correcte, impartiale » (deux cas) ou sans appréciation (quatre) traduisant des réserves. En fait, sur ces six anciens conseillers généraux, deux appartiennent à la résistance des réseaux et cinq sur six sont des hommes du centre gauche laïque (radicaux-indépendants ou républicains de gauche). L’un d’eux démissionne rapidement. En Ille-et-Vilaine, la nomination de 39 membres au Conseil départemental le 2 mai 1943 pour 43 cantons renforce la domination des droites61. La nouvelle assemblée est formée de 19 anciens conseillers généraux, souvent maires de leur commune, 13 anciens maires élus, 3 anciens conseillers municipaux élus et un maire nommé par le régime de Vichy, celui de Saint-Malo Auguste Briand. Tous ne sont pas des maréchalistes militants, certains ayant seulement « une attitude correcte » selon le préfet.

41Dans le Morbihan aussi la droitisation par rapport au Conseil général de 1937 est marquée. D’abord, on n’a nommé que 32 conseillers départementaux « oubliant » six cantons représentés par des élus de centre gauche (deux républicains de gauche à Groix et à Belle-Île) et de gauche (quatre radicaux-socialistes)62. Peut-être n’y a-t-on pas trouvé de notables assez représentatifs pour être acceptés par la population ? Onze conseillers généraux et 17 maires sont nommés. Quand l’ancien conseiller général est décédé, on a fait appel à un homme plus à droite. La mouvance de la gauche radicale n’a plus que 6 membres, 18,7 % contre 34,2 % en 1937. Les centristes (républicains de gauche et PDP) n’ont plus qu’un siège chacun contre 5 et 2 auparavant alors que l’URD (dix-huit, plus sept) et les conservateurs (six, plus deux) en raflent les trois-quarts. On y trouve des responsables de la Corporation paysanne et les anciens députés Joseph Cadic et Pierre Gillet ainsi qu’un prêtre63. La droite revient dans le Morbihan à son niveau du début du siècle. De juin à septembre 1943, quatre conseillers départementaux démissionnent (trois radicaux et un URD) dont Jean-Marie Allanic, conseiller général radical de Vannes ouest, qui siégera au CDL à la Libération.

42Partout, ce sont les anciens élus les plus à droite qui sont nommés dans ces institutions vichystes. Il ne fait pas de doute qu’en Bretagne, et c’est sans doute aussi le cas en Loire-Inférieure, le régime de Vichy est l’occasion d’une revanche politique de la droite parlementaire – de la Fédération républicaine qui se disait républicaine –, associée à la droite la plus conservatrice. Ses notables acceptent de bafouer le suffrage universel. À la Libération, ces conseils départementaux sont dissous, leurs membres révoqués de leurs mandats électifs sauf ceux qui ont participé ou aidé la Résistance.

43Si chez certains notables même anti-allemands, un certain attentisme prévaut, d’autres vont choisir l’engagement. Des militants plus jeunes se forgent dans le combat résistant ; ils vont jouer un rôle important après la guerre en renouvelant les élites en place.

Les laborieuses évolutions du PCF vers la résistance

44Frappé par la répression et désorganisé en 1939-1940, le PCF est assurément le premier parti politique à se réorganiser dans la clandestinité en Bretagne dès l’automne 1940. Pourtant, le régime de Vichy a aggravé la surveillance et la répression des communistes connus en recourant à l’internement administratif, souvent à la demande de l’occupant. L’anticommunisme comme la volonté de revanche politique du nouveau régime sont évidents.

45En Bretagne, quelques dizaines de communistes restés fidèles au Parti s’efforcent de renouer les fils chacun dans leur coin à partir de l’automne 1940, sans suivre les méandres et les fourvoiements de la politique de « la direction parisienne » de l’été 1940. Dans les Côtes-du-Nord, en septembre 1940, une cérémonie à Ploufragan en mémoire de l’ancien secrétaire fédéral Yves-Marie Flouriot, décédé un an plus tôt, est l’occasion d’une reprise de contact dans la région briochine. Démobilisé, Pierre Le Queinec, appuyé de Pierre Petit, joue un rôle majeur dans cette réorganisation qui se traduit par les premières traces de propagande communiste (inscriptions, tracts, journaux clandestins, manifestation le 11 novembre 1940). Des noyaux agissent à Guingamp, à Callac et dans le Trégor, ce qui inquiète les autorités et la police qui multiplient les perquisitions et bientôt les internements64.

46À Nantes, le PCF se réorganise à partir de l’été 1940 en s’appuyant sur des cadres plus âgés comme Henri Gomichon qui tient chez lui les premières réunions clandestines et qui va héberger Marcel Paul, l’instructeur envoyé du Centre pour reprendre en main le Parti et surtout imposer la ligne de guerre interimpérialiste de 1939. Car, comme la population, les militants bretons sont d’abord antiallemands, à Nantes, à Brest ou à Rennes65, n’entrant guère dans les subtilités de la ligne de la troisième Internationale. Basé à Nantes, Auguste Havez est le responsable régional de l’Ouest de septembre 1939 à décembre 1940. Il sera remplacé par l’interrégional Robert Ballanger et son adjoint Venise Gosnat. Havez renoue les liens et diffuse en juillet 1940 un tract « À la population nantaise » à la tonalité antifasciste (2 000 exemplaires). Mais le second, rédigé après l’arrivée de Marcel Paul, rectifie le tir : il applique la ligne centrale anti-impérialiste (hostile aux Anglais, à Vichy et à de Gaulle) de l’Appel dit du 10 juillet de Jacques Duclos. Auparavant, selon son témoignage confié à Pierre Daix en prison en 1943, Auguste Havez aurait quelque peu « trié » le matériel de propagande venu du Centre pour ne pas heurter la sensibilité anti-allemande des Bretons66. Cette relative latitude dans l’application de la ligne du responsable régional communiste expliquerait la spécificité des tracts nantais sur laquelle on s’est beaucoup interrogé jusqu’à la reprise en main de Marcel Paul. Notons que cette tonalité antifasciste est développée au même moment par un autre Breton, Charles Tillon, dans son appel de Bordeaux du 18 juin 1940. Cet état d’esprit a certainement favorisé l’entrée en résistance des communistes de la région d’autant plus que des inflexions se font sentir dans la propagande à l’automne 194067.

47À Brest, un appareil clandestin a été mis en place à l’automne 1939 avec Jeanne Goasguen-Cariou comme pivot et la rotation de plusieurs cadres quand les militants des JC sont mobilisés ou d’autres démobilisés. Dans les villes, des cadres plus âgés (cheminots, ouvriers des arsenaux) et des jeunes promus appuyés par des femmes réorganisent le PCF clandestin au second trimestre de 1940 (une douzaine de groupes dans le Finistère), en liaison avec Marcel Paul, affecté spécial à Brest. Alain Le Lay s’occupe du Finistère et du Morbihan. En Ille-et-Vilaine, en janvier 1941, JC mais aussi Jeunesses socialistes (JS) forment les premiers groupes de l’Organisation spéciale (OS) à Rennes, Saint-Malo et Fougères (60 membres en juin). À Nantes, fondée en septembre, l’OS ne sera opérationnelle qu’en décembre 194168. Dans les Côtes-du-Nord, Pierre Le Queinec prend contact avec Marcel Cachin, retiré dans sa maison de Lancerf en Plourivo près de Paimpol, mais il est coupé du Centre. Trois émissaires venus de Paris proposent à Cachin de passer dans la clandestinité (fin 1940-début 1941), ce que refuse l’ancien responsable de L’Humanité.

48Lors de la débâcle (à Brest) et en juillet (Nantes, Saint-Nazaire), on a récupéré des armes abandonnées par l’armée française sans avoir l’intention de s’en servir immédiatement69. La lutte armée n’est pas encore à l’ordre du jour mais pour l’heure à l’intensification de la propagande communiste signalée dans plusieurs villes (L’Humanité, La Terre, des journaux locaux : La Voix de l’Ars(enal) à Rennes, la reparution de La Bretagne Ouvrière à Brest en mars-avril 1941). Cette activité s’accompagne d’agressions de soldats sur le port de Brest (fin 1940) et des premiers sabotages à la SNCF (Rennes) et dans les arsenaux (Brest, Lorient), ce qui inquiète les autorités françaises et allemandes au point de provoquer l’internement par Vichy de militants connus, à la demande des Allemands, au printemps 1941 (région de Guingamp-Callac, Nantais), au Croisic et à Choisel-Châteaubriant. Des communistes bretons sont entrés en résistance avant l’invasion de l’URSS le 22 juin 1941 et la région a bien constitué dès l’automne 1940 « l’un des môles les plus importants de la Résistance communiste » en France occupée70. Il n’est pas toujours aisé de déterminer la ligne politique suivie mais, après l’orientation antifasciste du début de l’été 1940, l’arrivée de Marcel Paul et la reprise de contacts plus réguliers avec le Centre grâce aux cheminots, permet de penser que la ligne centrale est appliquée. Restés à l’écart des errements politiques « centraux », les communistes bretons vont être directement concernés et frappés par l’entrée du PCF dans la lutte armée à l’automne 1941.

Attentat de Nantes, exécution des otages (octobre 1941), débuts de la lutte armée

49La répression de Vichy ne s’embarrasse par des détails : elle frappe aussi des communistes qui ont rompu avec le Parti au moment du Pacte. Démobilisé le 31 juillet 1940, mis en quarantaine par ses anciens camarades, l’ancien maire de Concarneau Pierre Guéguin est muté arbitrairement hors de Bretagne (peut-être à la demande de l’ancien député de droite Nader qui sera nommé maire de la ville en 1941 ?), et révoqué de son emploi de professeur le 2 octobre 194071. Il doit vivoter en donnant des leçons particulières. Rempli d’espoir par l’entrée en guerre de l’URSS, Pierre Guéguin appelle à la lutte contre l’occupant dans un café de sa ville et est arrêté par la gendarmerie le 2 juillet 1941 avec d’autres militants comme son ami trotskiste Marc Bourhis et les communistes Alain Le Lay (qui mourra à Auschwitz) et Joseph Le Coz qui parvient à s’évader. Sans doute y a-t-il eu dénonciation ? De toute façon, ces opérations policières entrent dans la politique anticommuniste et de collaboration d’État de Vichy et du ministre de l’Intérieur Pierre Pucheu consistant à frapper le PCF dans l’ensemble de la zone nord pour détruire une résistance en cours d’organisation.

50Des communistes bretons sont internés comme politiques au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Inférieure) où ils retrouvent des cadres et des militants parisiens arrêtés par la police française à l’automne 1940. Ils ont été les victimes des directives du Komintern (IC) et de Maurice Thorez qui ont imposé à l’été 1940 une ligne « légaliste » dans le prolongement du Pacte et de la ligne « pacifiste ». En effet, des cadres et des élus communistes qui avaient plongé dans l’illégalité à l’automne 1939 pour échapper à la répression réapparaissent au grand jour ; ils réoccupent leur mairie, leur permanence et militent ouvertement dans la rue après avoir été libérés ou élargis lors de l’arrivée les Allemands au grand dam des autorités et de la police françaises qui se sont livrées de bon cœur à la répression anticommuniste72. Cette attitude bienveillante de l’occupant correspond à la brève période de l’appel dans l’Humanité clandestine à « la fraternisation » avec les soldats allemands (17 juin 1940) et surtout à la phase de négociations des principaux dirigeants du PCF, dont Maurice Tréand et Jacques Duclos, avec Otto Abetz et les Allemands pour obtenir la reparution légale de L’Humanité73. Entreprises en juin 1940, ces démarches appliquent les directives de l’IC (3 juillet 1940) jusqu’au coup d’arrêt du 5 août 194074. Bien sûr, les militants éloignés du Centre ignorent tout de ces tractations avec l’occupant mais cette ligne « légaliste » débouche sur un désastre pour le Parti : l’arrestation et l’internement entre septembre et novembre 1940 par la police française de dizaine d’élus, de cadres et de syndicalistes du PCF et de la CGT. Internés à Aincourt, puis en « centrales » (Fontevrault, puis Clairvaux), des dizaines de dirigeants communistes et un total de 222 détenus sont transférés au centre de séjour surveillé de Châteaubriant en avril et mai 194175.

51À son arrivée au camp Pierre Guéguin, tout comme Marc Bourhis, est tenu à l’écart pendant un temps avant d’être contacté au nom du Parti par Eugène Kerbaul, son jeune camarade brestois. Le 23 septembre 1941, les deux militants bretons sont regroupés avec 16 autres camarades (des élus et des intellectuels communistes, médecins et enseignants) dans la baraque 19, ce qui leur confère un « statut d’otages76 ». Elle fournira l’essentiel des « 27 otages » de Châteaubriant, après l’exécution du Feldkommandant Hotz à Nantes à l’aube du 20 octobre 1941 par de jeunes communistes envoyés de Paris77. Si Otto von Stülpnagel a totalement revendiqué la désignation des 48 otages de Nantes et de Châteaubriant sur ordre d’Hitler, il n’en reste pas moins que Pierre Pucheu, le secrétaire d’État à l’Intérieur de Vichy et son cabinet sont intervenus pour substituer une liste d’otages composée de communistes internés à Châteaubriant afin selon eux de « sauver de bons Français78 ». Les deux Concarnois qui sont fusillés avec 25 camarades le 22 octobre 1941 deviennent des martyrs de la Résistance communiste en dépit de leurs démêlés avec le Parti.

52Ils paient le passage à la lutte armée du PCF réclamée par Staline et mise en œuvre par quelques petits groupes de jeunes militants des JC ou de la MOI, la Main-d’œuvre immigrée, une organisation communiste regroupant des militants étrangers, notamment des anciens de Brigades Internationales. Pour appliquer la politique qui consiste à abattre des officiers allemands, au risque de provoquer de lourdes représailles, le 2 août 1941, Albert Ouzoulias, un communiste aguerri, est nommé à la tête des Bataillons de la jeunesse79. Il est secondé par Pierre Georges, le « futur Fabien », un ancien brigadiste, le véritable chef opérationnel, qui abat le premier Allemand, l’aspirant Moser, dans le métro à Paris le 21 août 1941. Les Bataillons de la jeunesse se recrutent parmi les JC de la région parisienne ; ils sont composés de trois groupes, soit une quinzaine de membres sur un total recensé de 36 combattants. Après de nombreuses opérations ratées et de cafouillages en région parisienne, la direction militaire du PC décide de frapper un grand coup en envoyant trois commandos des Bataillons de la jeunesse qui doivent frapper en même temps (abattre un Allemand et faire dérailler un train) à Rouen, à Nantes et à Bordeaux.

53La cité des Ducs devient à son corps défendant le champ d’expérimentation de la lutte armée communiste dont le retentissement politique et psychologique, en France, à Berlin et à Londres va en être considérable. Il provoque une rupture dans la politique répressive nazie, dans la politique de collaboration de Vichy comme dans la prise de conscience d’une résistance en gestation. À Nantes, les communistes locaux qui ignorent leur mission doivent prendre en charge le groupe mixte OS-Bataillon de la jeunesse composé de Spartaco Guisco, le chef, Gilbert Brustlein et Marcel Bourdarias80. Le 20 octobre au matin, cherchant vainement un Allemand à abattre, accompagné de Guisco dont le revolver s’est enrayé, Gilbert Brustlein exécute le Feldkommandant Hotz, sans savoir qu’il s’agit du chef de la place de Nantes81. La ville jusqu’alors paisible est frappée de stupeur, l’attentat unanimement condamné y compris par les communistes locaux. Le terrible engrenage des représailles ordonnées par Hitler se met en branle : 50, 100, 150 otages, d’autant plus que le lendemain un autre Allemand est exécuté à Bordeaux. Le 22 octobre, 48 otages sont fusillés : 21 à Nantes et à Paris, originaires de la région, 27 dans une sablière à Châteaubriant. Le choc dans l’opinion publique est tel que le PCF ne revendique pas ces deux attentats, au contraire même sur le moment il en nie la responsabilité. Les polices françaises concurrentes, police judiciaire, Renseignements généraux et police municipale parisienne vont rivaliser de zèle pour retrouver « les assassins » et bientôt démanteler les Bataillons de la jeunesse (début 1942), dont le relais va être pris par les FTP82. En Bretagne, les communistes entrés en résistance vont payer un lourd tribut à la lutte clandestine. C’est la seule force politique clandestine réellement organisée à la fin 1941.

Les mouvements collaborationnistes français

54Alors que Vichy supprime et interdit les partis politiques, expression de la vie démocratique, pour imposer un pouvoir autoritaire appuyé sur les notables, les Allemands comprennent tout l’intérêt qu’ils peuvent tirer de partis politiques à leur solde. Déjà, à l’été 1940, Abetz a instrumentalisé la demande de négociation du PCF clandestin. Les Allemands ont habilement laissé les militants communistes se découvrir, surtout en région parisienne, pour les faire ensuite arrêter et interner par Vichy. De plus, ils vont s’appuyer en zone occupée sur des fascistes français déçus par la fin de non-recevoir de Pétain et de son gouvernement.

55En effet, lors de la naissance de l’État français, l’ancien socialiste Marcel Déat s’est précipité à Vichy pour tenter de créer un parti unique qui aurait servi de base à un fascisme français. Pétain et Laval ont rejeté cette formule et les ultras de l’extrême-droite, de plus en plus fascinés par Hitler, se sont repliés sur Paris où ils développent des relations suivies avec les cercles politiques nazis. Ces mouvements d’extrême-droite français forment au printemps 1941 des partis collaborationnistes dits « partis nationaux autorisés83 ». D’abord, pour développer leur propagande en faveur de « l’Europe nouvelle », c’est-à-dire sous la botte nazie, leurs chefs vont publier des journaux et organiser des meetings sous le regard bienveillant de l’occupant : Le Cri du Peuple de Jacques Doriot et L’Œuvre, un titre que Marcel Déat a confisqué. Une dizaine de groupuscules collaborationnistes français, rivaux entre eux, vont rassembler sans doute moins de 100 000 adhérents pendant l’Occupation, soit environ 0,25 % de la population84. Les deux principaux partis, le Rassemblement National Populaire (RNP) de Marcel Déat et le Parti Populaire Français (PPF) de Jacques Doriot, qui prolongent des partis existants avant guerre n’ont sans doute guère dépassé les 20 000 membres chacun. Moins extrémiste, le groupe Collaboration qui regroupe des pétainistes issu des milieux bourgeois aurait eu 6 000 membres. Soulignons qu’à partir de juin 1941, ultras et vichyssois se retrouvent ensemble au sein des Amis de la Légion des Volontaires français contre le bolchevisme (LVF) pour recruter des volontaires envoyés combattre l’Armée rouge sur le front de l’Est aux côtés des Allemands. L’antibolchevisme est un ciment qui permet de lancer des passerelles entre les collaborationnistes parisiens et les pétainistes. Pétain lui-même patronne la LVF, devenue la Légion tricolore en 1942. Sur son ordre, elle est soutenue dans les départements par les préfets. Ces groupuscules urbains tentent d’utiliser les malheurs des temps pour imposer leur idéologie totalitaire. À Nantes, les cinq partis collaborationnistes présents distribuent des milliers de tracts en septembre 1943 pour exploiter les deux bombardements très meurtriers des Alliés (16 et 23 septembre). Quel est l’impact en Bretagne de ces « partis autorisés » par l’occupant en février-mars 1941 ? Y a-t-il continuité des hommes avec l’avant-guerre ?

56Les chiffres glanés dans les sources préfectorales et policières qui les surveillent de près, et les listes souvent partielles dressées lors de l’épuration, font apparaître la faiblesse en Bretagne des partis collaborationnistes français rejetés massivement pas la population (tableau 1). Il existe de fortes fluctuations d’une année sur l’autre. En outre, les principaux groupuscules : RNP, PPF, Mouvement social français, le MSR d’Eugène Deloncle et Parti franciste de Marcel Bucard sont en rivalité ouverte. En effet, tous se disputent la même clientèle militante et font de l’entrisme dans les organismes para-officiels de Vichy (Amis de la LVF, COSI, etc.). Et la double ou la triple appartenance des militants les plus actifs minore encore les effectifs de ces partis fascistes français qui rejettent le principal mouvement régional, le Parti national breton (PNB) qui est pourtant le plus implanté.

57Le maximum des effectifs est atteint entre 1941 et 1942 car lorsque le vent tourne, nombreux sont ceux qui « oublient » de reprendre leur carte. En 1944, il ne reste que les ultras, les chefs et quelques jeunes (JNP, JPP) qui s’engagent dans des groupes parapoliciers ou paramilitaires et se mettent directement au service de l’occupant dans la chasse des résistants et des maquisards. En Ille-et-Vilaine, sur un total cumulé de 580 adhérents, ils seraient passés de 178 membres à l’été 1941 à 69 en 1943 et 159 en avril-mai 1944. Mais à part le PPF qui maintient ses 13 adhérents, il ne s’agit plus que de jeunes miliciens engagés sous l’uniforme allemand. Les effectifs cumulés sur quatre ans (de 588 à 850 selon les départements) reflètent, sauf pour le PNB, l’extrême faiblesse numérique de ces partis fascistes (moins de 0,15 % de la population totale, moins de 0,50 % de la population adulte en Ille-et-Vilaine) (tableau 1). Ces partis « français » dits « nationaux » recrutent surtout dans les villes, chez les hommes d’âge mûr, dans les classes supérieures et moyennes. Dans les Côtes-du-Nord, le taux de féminisation est d’environ 20 % quelles que soient les formations, le recrutement se faisant sur une base familiale. Leurs effectifs ne dépassent jamais quelques dizaines de personnes et leur existence tient à l’activisme de quelques militants et au soutien de l’occupant, d’où leur rejet par la population et le fait que leurs locaux et leurs chefs deviennent des cibles de la résistance communiste et des FTP.

Côtes-du-Nord

Finistère

Ille-et-Vilaine

Morbihan

Paramilitaires du PPF

30 à 50 (1943)

60 à 140 (1942)

27 12 à 20

15 (1943)

RNP

30

300 ? (1941)

76 (1941)

7

JNP

31

 ?

12

MSR

45 (1942)

40 (1941)

28 (1941)

4

Francisme

10

Échec

23 (1943)

99 (1941)

Collaboration

250 à 300

 ?

15 (1941)

Engagés LVF

11

53 (1943)

73 (de 1941 à 1944)

8

Amis de la LVF

182 (1941-1943)

 ?

 ?

32

Milice française

 ?

79 (1944)

1

Waffen SS

22 (1944)

Cercle d’études nationales-socialistes

10 (1944)

PNB

100 à 200

200 (1941)

28 (1941)

555

Milice Perrot

 ?

 ?

26 (1944)

 ?

Total cumulé de 1941 à 1944

633 à 833

723

588

681

Tableau 1 – Estimation des adhérents des partis collaborationnistes en Bretagne (1941-1944)85.

58Malgré l’activisme, la propagande débordante (tracts, papillons, réunions souvent privées), la possession de permanences dans plusieurs villes – parfois des biens juifs aryanisés comme pour le RNP à Saint-Brieuc en 1941 –, les partis collaborationnistes français, en dehors du PNB un peu plus étoffé, n’attirent d’une clientèle très restreinte et ne touche nullement l’ensemble de la population. Ce sont les meetings de leurs chefs (Déat, Doriot) et surtout la projection de films nazis et antisémites (Le juif Süss, Le jeune hitlérien…) qui déplacent quelques centaines de personnes dans les grandes villes, pour certains sans doute plus par curiosité que par adhésion idéologique ? À l’occasion, les militants des diverses organisations ultras tentent de recruter, ou plus souvent de débaucher les militants et sympathisants des mouvements concurrents. La durée de vie des sections de ces partis est souvent éphémère. Mais le plus grave pour les milieux résistants, c’est que les divers services de police nazis vont recruter des délateurs et des agents rémunérés dans ces formations d’extrême-droite. En 1944, les plus ultras vont mettre sur pied des milices, squelettiques, mais directement au service de l’occupant.

PPF, RNP et autres

59Le PPF du « grand Jacques », l’ancien communiste Jacques Doriot, faiblement implanté avant guerre, réapparaît en 1941 mais il ne fait nullement recette en Bretagne, bien que son chef vienne faire de brefs séjours sous bonne garde dans la villa de sa mère au Val-André (Côtes-du-Nord). En Ille-et-Vilaine, c’est la section de Dinard qui est la plus active86. Le 19 avril 1942, elle organise une conférence au théâtre de Rennes où Doriot échappe à un attentat (une bombe lancée par un FTP qui ne fait qu’un blessé). Une section est créée à Rennes à cette occasion mais elle végète. À son apogée, en décembre 1942, le PPF atteint 20 d’adhérents en Ille-et-Vilaine pour un total cumulé de 58 personnes. La situation du PPF n’est guère plus brillante dans le Morbihan où trois secrétaires fédéraux se succèdent de 1941 à 194387. Les réunions à Lorient et à Vannes n’attirent jamais plus de 20 à 30 personnes88. L’évacuation de Lorient en 1943 n’arrange pas les affaires d’un parti qui n’a aucun relais dans la population du Morbihan et dont la propagande n’est signalée qu’à Vannes et Hennebont. Ce parti ne compte jamais plus de 15 à 20 personnes en même temps, des hommes de plus de 40 ans, presque tous Lorientais. Son audience est aussi très limitée en Loire-Inférieure en dehors de Nantes.

60Le PPF ne connaît un relatif succès que dans le Finistère, sans doute parce que certains cadres d’avant-guerre lui sont restés fidèles, à Brest et à Douarnenez. C’est le cas de l’armateur Eugène Carn, nommé maire de Douarnenez (jusqu’en 1943) après l’éviction de Daniel Le Flanchec. À notre connaissance, c’est l’un des rares édiles bretons membres d’un parti collaborationniste89. Au total, entre Douarnenez et Quimper, le PPF attire une quarantaine d’adhérents dont des transfuges du MSR. Le PPF est toujours actif en 1943 dans la région brestoise où il a été relancé par un individu venu de Toulon90. Il ne s’adresse nullement aux Brestois hostiles mais aux ouvriers de l’Organisation Todt (OT) qu’il réunit d’ailleurs dans un camp allemand en juillet 1943. Une feuille ronéotée très antivichyssoise, L’Alerte, « bulletin de combat de la région bretonne du PPF » est diffusée en mai 1943, et un bureau fédéral s’organise au 1er mai 1943, ce qui montre la faiblesse organisationnelle du mouvement auparavant. La section brestoise serait alors passée de 20 à une centaine d’adhérents. Mais à Morlaix et à Quimper, les permanences du PPF n’attirent pas grand monde surtout depuis que la résistance attaque les locaux collaborationnistes. Certains PPF ou JPN se mettent au service des polices allemandes sous couvert d’un « service social des chantiers Todt ».

61Dans les Côtes-du-Nord, le PPF se reconstitue en juin 1941 sous la houlette de l’architecte Corlouer de Saint-Quay-Portrieux, son ancien responsable départemental. Se voulant pétainiste et anticommuniste, il bénéfice d’un relatif appui des autorités (du préfet Feschotte) alors que, paradoxalement, en 1942 il se rapproche du PNB pourtant très hostile à Vichy91. En fait, chaque groupuscule tente de noyauter ses concurrents tant le vivier est étroit et l’hostilité de la population vive. En perte de vitesse en 1943, le PPF se réorganise sous la houlette de trois nouveaux dirigeants, le capitaine Ragon (marine marchande), le commerçant briochin Besret qui sera exécuté par la résistance en 1944 et le comptable Pottier92, ami personnel de Doriot qui travaille chez Corlouer. Comptant une trentaine de militants actifs plus quelques jeunes des JPP, le PPF a deux sections (Saint-Brieuc et Saint-Quay-Portrieux) mais des conflits internes conduisent à la disparition de la section briochine à la fin de 1943. Pottier s’investit alors dans le COSI qui se veut une association d’aide aux sinistrés. En 1942, un rapprochement s’opère au niveau des chefs entre le PPF et le PNB car Doriot tente de séduire les nationalistes bretons en promettant l’autonomie à la Bretagne lors de son arrivée au pouvoir (discours du 5 novembre 1942)93. Les militants bretons, qui se bagarrent parfois avec les Francistes (Saint-Brieuc) ou les hommes du RNP, restent très méfiants.

62Le RNP de Déat est un nouveau parti qui aurait atteint 300 adhérents dans le Finistère en 1941 avant de disparaître en avril 1942. En réalité, ces effectifs revendiqués ne correspondent pas à la réalité sur le terrain car l’assistance aux réunions est dérisoire. Aucun militant socialiste connu ne semble l’avoir rejoint94. C’est le MSR d’Eugène Deloncle, natif de Brest, qui tente de s’y implanter en 1941 sous la houlette de Gaston Mallet, chassé du parti en 1942 pour prévarication95. En avril 1942, un employé à l’arsenal, Hippolyte Masson, – un homonyme qu’il ne faut pas confondre avec l’ancien maire de Brest et député de la SFIO –, tente de relancer le MSR par des réunions privées avec un responsable national, puis le responsable régional venu de Rennes, l’avocat Jean Perdriel-Vaissière, un ancien des Jeunesses patriotes96. Promu inspecteur de son parti, Masson s’installe bientôt à Saint-Malo si bien que le MSR disparaît du paysage brestois sans qu’il y ait de traces du RNP.

63De même, le RNP est quasi inexistant dans le Morbihan, ce qui montre que le ralliement à Vichy de l’ancien député L’Hévéder aurait préservé les socialistes et même les néos de l’attraction de Déat ; beaucoup d’entre eux s’engagent dans la résistance. En 1941, un dénommé Oswald Montelle a créé une section du RNP à Lorient (sept membres) qui a disparu avec son départ en avril 1942. Le groupe de Rennes du RNP qui s’est constitué en mars 1941 recrute 76 adhérents en 1941 mais, après la scission de l’automne 1941, il est concurrencé par le MSR qui a une forte section à Dinard, ne conservant qu’une vingtaine d’adhérents. Le MSR disparaît en 1942 lorsque ses adhérents rejoignent le RNP sans regonfler ses troupes pour autant (32 en décembre). Le RNP aurait rassemblé au total 123 membres en Ille-et-Vilaine.

64Dans les Côtes-du-Nord, constitué par des inconnus sur le plan politique en juin 1941, le premier RNP est absorbé par le MSR du cagoulard Deloncle à la fin de l’année. En fait, Déat et Deloncle ont fait cause commune en 1941 jusqu’à leur rupture le 13 octobre 1941. Les rares militants briochins du RNP passent alors au MSR, ce qui témoigne sans doute d’une origine d’extrême-droite mais dégage la voie pour un second RNP venu des rangs néo-socialistes ou socialistes97. Le MSR est lui-même phagocyté par le PPF doriotiste en décembre 1942.

65Ce second RNP pose davantage de problèmes. Selon les sources administratives et policières, quelques néo-socialistes briochins et même des socialistes SFIO de la tendance pacifiste ont subi l’attraction du RNP de Déat en 1942-1943 avant d’en être écartés en 1943, à cause de leur modération à l’heure d’une militarisation qu’ils récusent. Il s’agit avant tout d’une affaire familiale qui touche la famille Brilleaud, le père Octave, pourtant révoqué par Vichy de la mairie de Saint-Brieuc en 1940 à la demande des Allemands, et son fils Pierre, ainsi que le dirigeant syndicaliste cégétiste Théo Hamon98. En réalité, c’est un actif militant de la tendance redressement socialiste, ancien secrétaire des JS d’Ille-et-Vilaine, professeur à Brest en 1938-1939, qui est à l’origine de la dérive collaborationniste de quelques notables venus du socialisme. Ce militant c’est Guy Lemonnier99, nommé professeur au collège de Dinan en octobre 1940 après sa démobilisation, le gendre et le beau-frère d’Octave et de Pierre Brilleaud, qui sont eux davantage maréchalistes que collaborationnistes. Pacifiste, très anticommuniste, fervent partisan du rapprochement franco-allemand même après l’accession d’Hitler au pouvoir100, Lemonnier adhère au RNP le 10 mars 1941. Secrétaire de la section de Dinan, il recrute une trentaine de jeunes dont sept jeunes filles pour les JNP. Ayant fait la connaissance pendant la « drôle de guerre » de Georges Lefranc et de Georges Albertini, un proche collaborateur de Marcel Déat, Guy Lemonnier part les rejoindre à Paris en septembre 1943. C’est un cadre dirigeant du RNP jusqu’en août 1944, responsable des enseignants et de la formation, dans une période où le RNP se veut le porte-parole d’un fascisme français101. Comme Déat ou Zoretti, l’ancien leader du courant Redressement socialiste de la SFIO, il est séduit par l’utopie d’un « socialisme européen102 » qui justifie leur adhésion au national-socialisme, même si Lemonnier est mal à l’aise avec le traitement radical de la « question juive » par les nazis, c’est-à-dire l’extermination103. Toujours est-il que son départ porte un coup fatal à la section dinannaise constituée de commerçants, de médecins et d’un militaire, et au RNP dans le département. Quand Déat accède au gouvernement de Vichy au début de 1944, un nouveau chef du RNP tente de relancer le parti dans les Côtes-du-Nord, mais sans aucun succès. Dans le Finistère, le RNP est représenté en 1943-1944 par Gaston Déat, le frère de Marcel ; il cherche vainement à recruter des volontaires pour l’organisation Todt (OT).

66Exception faite du Morbihan, le Parti franciste de Marcel Bucard, un parti mussolinien devenu très antisémite lancé en 1933 et interdit en 1936, ne s’est pas implanté en Bretagne avant (une seule section) et pendant la guerre, car son idéologie séduit davantage une clientèle urbaine et industrielle104. Développant une idéologie proche mais mieux adaptée à une clientèle rurale, le dorgérisme aurait empêché son implantation dans la région avant-guerre105. Sous l’Occupation, y aurait-il eu un transfert tout relatif dans le Morbihan (99 adhérents en 1941) de ce pôle d’agitation dorgériste, ou a-t-il recruté dans la population ouvrière venue travailler sur les nombreux chantiers du Mur de l’Atlantique ? Seules des listes d’adhérents permettraient de répondre à ces questions. Dans les Côtes-du-Nord, la continuité du Parti franciste (10 membres) semble établie par l’entremise de son le chef Le Méhauté, un coiffeur briochin, le seul militant connu dans les années 1930. Malgré leur isolement, cadres de la LVF et Francistes briochins tentent de recruter des miliciens et de mettre sur pied en 1944 un groupe de soutien à la Milice française de Joseph Darnand qui arrive en Bretagne.

67S’adressant à une clientèle bourgeoise et conservatrice, le Parti franciste ne s’est développé que dans le Morbihan, à partir d’un comité lancé à Lorient en juillet 1941 et animé par le chef départemental R. Fontaine qui rassemble bientôt une centaine d’adhérents. Les francistes lorientais sont en liaison avec des nazis hollandais travaillant sur des chantiers de l’OT. Dispersé en 1943, le parti de Marcel Bucard cherche à se réorganiser à Vannes sous la direction du chef départemental Pierre Rivière, rédacteur à la préfecture. Mais comme l’activité décline au printemps 1943, le chef régional de la jeunesse franciste, René Chavannes, expédie de Rennes des commandos de jeunes propagandistes. Cette poignée d’individus (une vingtaine de membres en Ille-et-Vilaine fin 1942-1943) va faire beaucoup de bruit avec des opérations symboliques et violentes dans le Morbihan pour prouver que le francisme existe encore. Dans plusieurs villes (Vannes, Kéryado, Ploërmel Auray…), les Francistes tentent d’enlever les bustes de Marianne encore présents dans les mairies ou défilent en « chemises bleues », l’uniforme du parti, et en armes106. Ces opérations s’effectuent sous la protection de l’occupant à l’initiative du chef régional Gallas107. Elles sont signalées dans la région de Quimperlé (Finistère sud) où une poignée de jeunes francistes s’agite sans parvenir à recruter. Le 21 février 1944, Rivière qui vient de démissionner de ses fonctions dans le Morbihan est exécuté chez lui par la résistance, sur ordre du Délégué militaire régional (DMR). Il s’agit d’exécutions ciblées qui visent les chefs des mouvements collaborationnistes et les militants autonomistes bretons les plus en vue en 1943 et 1944. En 1944 les adhérents se sont raréfiés dans tous ces groupuscules d’extrême-droite.

68En réalité, en dehors du PNB, ce sont les mouvements officiellement soutenus par le régime de Vichy, le groupe Collaboration présidé au niveau national par l’écrivain Alphonse de Châteaubriand, et les Amis de la LVF, qui attirent les milieux bourgeois où ils côtoient les ultras de la collaboration qui tentent d’en prendre le contrôle. Dans les Côtes-du-Nord, un négociant en pneus André Huvey et un autre en tissus, par ailleurs industriel, Louis Bogrand, dirigent le groupe Collaboration à Saint-Brieuc de 1942 à 1944. Ce mouvement qui se situe « à la charnière du pétainisme et du collaborationnisme » (Yves Durand)108 rassemble des gens « pondérés et estimés », « honorables » et « bien pensants » de la « classe moyenne et commerçante » (rapports du préfet), en un mot des partisans de la Révolution nationale et de la politique de collaboration d’État de Pétain, Darlan et Laval, issus des milieux de droite. Avec 250 à 300 adhérents à l’été 1943, selon le nouveau préfet, dont la moitié à Saint-Brieuc, Collaboration est le principal mouvement collaborationniste des Côtes-du-Nord. Déjà les démissions sont nombreuses et les adhérents « oublient » de se réinscrire : en 1944, ils ne sont plus que sept ! Le vent a, il est vrai, quelque peu tourné… En fait, il s’agit davantage d’un regroupement de notables que d’une organisation militante qui tombe « en léthargie » à l’automne 1943. Ni dans le Morbihan (à Lorient sous la houlette de Brazier, le censeur du lycée qui dirige aussi en 1942 le bureau de la LVF), ni en Ille-et-Vilaine (une trentaine de membres au total109), ni dans le Finistère où trois commerçants quimpérois sont recherchés à la Libération, le groupe Collaboration ne parvient à s’implanter durablement. À Rennes, il est animé par Jean Perdriel-Vaissière, un homme d’extrême-droite avant guerre (AF, JP) dirigeant régional du MSR en 1942110. La continuité est ici marquée. En revanche, c’est l’organisation la plus nombreuse en Loire-Inférieure et à Nantes (400 adhérents). Le 11 juillet, elle a invité Fernand de Brinon, l’un des plus fervents partisans de la politique de collaboration de Vichy. Le Parti de l’Europe Nouvelle est signalé à Nantes en 1944 avec les autres groupuscules qui s’agitent contre les Alliés.

69Avec la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF) créée en juillet 1941, l’objectif est de passer de la collaboration politique à la collaboration militaire. Ainsi contre le bolchevisme, les milieux pétainistes bien pensants de la bourgeoisie se retrouvent dans les Amis de la LVF avec les ultras de la collaboration. L’essor ce mouvement dans les Côtes-du-Nord en 1942-1943 tient à la fois à l’appui du préfet et au zèle d’un ancien officier de Marine originaire d’Erquy, Adrien Zeller, ancien Croix-de-Feu et ancien PSF111. Engagé dans la LVF en 1941, ami de Doriot, il s’efforce à son retour de Russie de recruter pour la LVF, sans succès. Embauché par l’Abwehr à la fin 1943, il cherche à infiltrer la résistance dans le Finistère et le Morbihan112. Le recrutement en 1942 de délégués de la LVF parmi « des gens peu recommandables » (préfet des Côtes-du-Nord) ou pronazis accentue le rejet de ce mouvement dans la population bretonne. Dans le Finistère, « le directeur » de la LVF est aussi un officier de Marine en retraite, le capitaine de corvette Paul Le Roux, dirigeant du PPF, secondé à Quimper à partir de l’été 1942 par le lieutenant Louis Denis, un ancien sous-officier de l’armée d’Afrique qui a gagné ses galons d’officier sur le front russe au côté des Allemands113. En 1943, Denis est remplacé par un autre aventurier qui obtient abusivement quelques engagements de très jeunes gens. À la fin de l’année, 53 engagements à la LVF auraient été souscrits dont sept par des Français. La plupart sont des ouvriers nord-africains des chantiers Todt qui s’engagent dans la « Phalange Africaine », espérant peut-être ainsi pouvoir rentrer chez eux ? Le PPF contrôle la LVF du Finistère. Malgré l’ouverture de centres de recrutement dans les villes et la débauche de propagande des militants des partis collaborationnistes, les résultats sont limités en Bretagne (environ 150 engagés dans la LVF en 1942 et 1943). Les motivations sont diverses : parfois c’est pour toucher la solde, parfois pour échapper à une condamnation judiciaire114.

70En revanche, quelques dizaines de délateurs, de supplétifs et de miliciens, agents rétribués des Allemands, sont recrutés au sein des mouvements collaborationnistes115. À l’été 1944, ils vont combattre résistants et maquisards et occasionner des ravages considérables ; ainsi du Groupe d’action pour la justice sociale (GAJS) du PPF (27 membres) et du Cercle d’études nationales-socialistes basé à Rennes, un organisme d’autodéfense lié à la Milice française de Joseph Darnand116. Ces hommes sont en liaison directe avec le chef du SD de Rennes, une police nazie, le colonel SS Pulmer. Dans le Finistère et à Nantes, des activistes du PPF essaient de créer au printemps 1944 des groupes armés d’autodéfense pour les intégrer dans la Milice française. En Loire-Inférieure, le colonel Boudot en prend le commandement117. En réalité, depuis 1943, les Allemands ont organisé en Bretagne un service de renseignement secret qui a recruté ses membres dans ces partis dits nationaux alors que le SD de Rennes et de Nantes utilisaient des dizaines d’indicateurs (140 à Rennes). À Nantes, la LVF a même mis sur pied son propre service secret qui coopère avec les Allemands.

71Les Amis de la LVF comme le COSI, le Comité ouvrier de secours immédiat créé en 1942, deviennent des lieux de l’affrontement des divers partis collaborationnistes qui tentent d’y recruter des militants. Sous couvert d’aide aux sinistrés des bombardements, le COSI crée de nombreux comités dans les villes bretonnes si bien que l’assistance à leurs réunions ne signifie nullement l’acceptation des présupposés politiques des animateurs collaborationnistes. D’ailleurs de nombreux comités disparaissent rapidement (Morbihan). Plusieurs notables – des maires – président souvent ces comités locaux du COSI ou leur servent de prête-noms tout en étant en liaison avec la Résistance. Il en est de même du mouvement Prisonnier que des ultras tentent de noyauter dans les Côtes-du-Nord.

72Au total, quelques individus pas toujours recommandables jouent un rôle majeur dans le fonctionnement de ces partis collaborationnistes sous l’Occupation sans jamais parvenir à entraîner l’adhésion de la population ni même des élites, sauf pour la petite frange qui suit le PNB. Les effectifs de ces partis n’ont rien à voir avec ceux des partis démocratiques d’avant-guerre. Très peu de responsables politiques bretons connus, de droite comme de gauche, se sont compromis dans ces mouvements dont les chefs viennent de l’extérieur et qui comptent pour recruter sur les brassages de population (réfugiés, déplacés, milliers d’ouvriers sur les chantiers allemands). Ces activistes, toujours les mêmes du fait des double ou triple appartenances, vont payer le prix de leur engagement avec l’occupant lors de l’épuration118. En attaquant les locaux, puis les hommes, la résistance, surtout communiste, mène un combat politique contre le fascisme et pour la liberté. Soulignons que l’exemple des Côtes-du-Nord montre que le PPF n’a attiré aucun ouvrier, ni aucun militant communiste, et que l’engagement au RNP de quelques néo-socialistes est extrêmement marginal, ne touchant que quelques cadres et nullement la base, ni la population socialiste, ce qui confirme l’analyse nationale de Marc Sadoun119. Les Bretons n’ont nullement été sensibles aux sirènes de l’extrême-droite ni du fascisme, même dans sa variante bretonne, bien au contraire. L’attachement aux valeurs républicaines, le sens de la modération, l’influence du catholicisme rejetant le paganisme nazi, tout comme l’antifascisme des partis de gauche et des syndicats dans les années 1930, expliquent ce rejet des partis ultras même si des pétainistes ont pu faire un bout de chemin avec eux. Beaucoup d’habitants de la région ont apporté leur appui à la Résistance ou s’y sont engagés. Pourtant « la question bretonne » a durablement marqué la mémoire de cette période.

Emsav et PNB

73La fraction d’extrême-droite du mouvement breton, appelée Emsav, acquise au fascisme avant la guerre, du moins pour la poignée de cadres et de militants restée fidèle au PNB, va immédiatement choisir le camp de l’Allemagne nazie, soit par idéologie (Mordrel, Debauvais), soit par expédientisme120, c’est-à-dire comme les Irlandais de l’Armée Républicaine Irlandaise, l’IRA, l’avaient fait contre les Britanniques pendant la Première Guerre mondiale. Ils tentent de profiter de la défaite française en jouant la carte allemande pour obtenir l’indépendance de la Bretagne ou au moins une certaine autonomie (les frères Delaporte).

74Quand la guerre éclate en septembre 1939, les deux chefs du PNB, Debauvais qui vient d’être libéré de prison et craint d’y retourner, et Mordrel, ont jugé plus prudent de quitter la France, d’abord pour la Belgique (fin août), puis l’Allemagne (29 août)121. Leurs amis nazis les prennent en charge et les installent luxueusement à Berlin. Ce choix de lieu d’exil n’est pas anodin : ce n’est pas l’Irlande pays neutre mais l’Allemagne. Ils vont d’ailleurs travailler pour un poste de propagande nazi, Radio Breiz, qui émet à partir de la Moravie. En outre, un autre activiste, Fred Moyse, agent de L’Abwehr, s’en va à Londres nouer des contacts avec l’IRA. Le 20 octobre 1939, un mois après le PCF, le PNB est dissous. D’Allemagne, ses deux chefs ripostent par un manifeste et « une lettre de guerre », mais on se demande qui a bien pu en avoir connaissance ? Le texte du 1er janvier 1940 est on ne peut plus clair : « Nos ennemis de toujours et ceux de maintenant sont les Français. Ce sont eux qui n’ont cessé de causer de tort à la Bretagne. » Le 7 mai 1940, le tribunal militaire de Rennes condamne à mort par contumace les deux fuyards qui vont rentrer avec les vainqueurs dans les fourgons de l’occupant (fin juin, début juillet). À Berlin, chez lui, Mordrel alias Otto Morhi, a proclamé en mai un « gouvernement breton » (Bretonische Regierung). Avant leur retour, Mordrel, Moyse et André Geffroy de Carhaix ont obtenu des Allemands de regrouper les prisonniers de guerre bretons dans plusieurs camps. Ils font la tournée de ces camps promettant la libération à ceux qui accepteraient de soutenir leur cause. Pour rentrer chez eux, entre 300 et 600 prisonniers au maximum122 acceptent ce marché ; nombreux sont les Bretons qui refusent cette offre s’en prenant parfois aux chefs séparatistes. Ils devaient constituer l’embryon de cette « armée bretonne » dont rêve Laîné ; la plupart s’évaporent dans la nature à la première occasion123.

75Ces ultras du PNB espèrent obtenir de leurs protecteurs l’indépendance et la reconnaissance d’un État breton dans la « Nouvelle Europe » hitlérienne. Mais en raison de rivalités entre cercles nazis, de cafouillages et d’annonces contradictoires en juillet 1940, et surtout des raisons stratégiques et militaires, leurs espoirs sont rapidement déçus. Toutefois, en les soutenant plus ou moins ouvertement, militaires, politiques et celtisants allemands vont instrumentaliser le PNB reconstitué pour affaiblir Vichy, voire à terme disloquer la France. Au début juillet, Mordrel, Marcel Guieyesse (1881-1967), l’un des fils de l’ancien député radical-socialiste de Lorient, et Laîné, le chef du Kadervenn, le groupe paramilitaire du PNB d’avant-guerre, sorti de prison, forment le Comité exécutif du Conseil national breton (CNB), présidé par Debauvais. Le 3 juillet, une centaine de séparatistes, dont une trentaine de prisonniers libérés, se réunissent en congrès au château des Rohan à Pontivy pour entériner ce CNB et proclamer dans un programme la naissance d’un État breton que les Allemands n’acceptent pas, préférant jouer la carte de Pétain et de l’État français bientôt demandeurs d’une collaboration (après Montoire) (fig. 25 pl. XXII du cahier couleur). Malgré la protection allemande, des habitants de Pontivy manifestent contre les séparatistes et leur pseudo-pouvoir breton montrant combien ces hommes sont isolés dans la population. Car, ce CNB ne représente que lui-même, et les Allemands le comprennent vite, en dépit du lancement d’un journal de propagande L’Heure Bretonne, imprimé le 14 juillet 1940 sur les presses de L’Ouest-Éclair réquisitionnées à Rennes.

76Des oppositions aux nationalistes bretons se font jour : la presse de droite comme Le Nouvelliste du Morbihan, l’Église – Mgr Roques à Rennes, Mgr Duparc à Quimper – mettent en garde contre les séparatistes. Malgré son journal et sa propagande, le CNB n’obtient aucun écho dans la population et n’est pas vraiment une force politique. Au contraire même, partout la population réagit vivement, manifestant contre lui à nouveau à Pontivy le 29 juillet – Laîné et ses hommes occupent encore le château –, et prenant à partie les diffuseurs de L’Heure Bretonne, y compris à la sortie de la messe (à Quimper). Les autorités françaises ont cherché à interdire ce journal mais les Allemands s’y sont opposés. À l’automne 1940, une crise en deux temps secoue le mouvement. Le 20 octobre, Mordrel réunit le grand conseil secret, le Kuzul Meur : mettant en veilleuse le CNB, il devient le vrai « chef du Parti » en écartant son rival de toujours Laîné. Soulignons que le régionaliste Yann Fouéré, ancien sous-préfet (brièvement) de Morlaix, siège alors dans cet organisme. Mordrel veut restructurer le PNB en nommant Fred Moyse comme secrétaire général et six chefs départementaux – le sixième « chef des Bretons à l’étranger », c’est-à-dire à Paris –, qui devront être relayés par des chefs d’arrondissement et de canton. Le modèle est bien celui du parti unique de type totalitaire fonctionnant sur le Fuhrerprinzip. La ligne politique développée par Mordrel dans L’Heure Bretonne relève bien d’un fascisme raciste et antisémite.

77Mais, lors d’une réunion à Rennes le 8 décembre 1940, sur décision des Allemands – le Kuzul Meur s’est réuni à Paris –, ces chefs départementaux renversent Mordrel et Debauvais, envoyés quelques mois en résidence en Allemagne124. En désignant les frères Delaporte de Châteaulin, Raymond, le chef, assisté de son frère Yves, des hommes venant de la mouvance catholique bretonne, il s’agit de donner une image plus « modérée » et plus présentable d’un PNB totalement discrédité dans l’opinion. Pourtant la nouvelle ligne développée dans les discours du chef et dans le journal reste tout aussi hostile à la France et à Vichy, raciste, antibritannique et proallemande. Jusqu’en 1943 au moins, L’Heure Bretonne et les congrès du PNB se reconnaissent dans « l’ordre nouveau » nazi (fig. 26 pl. XXIII du cahier couleur). Moins extrémistes, les Delaporte vont s’efforcer d’obtenir de Vichy des avancées concrètes (l’enseignement du breton), quittes à se contenter d’une autonomie dans un premier temps. Ces nouveaux responsables autonomistes viennent de la droite catholique bretonne conservatrice125. Le nouveau chef, le pennrenner Raymond Delaporte, avocat à Châteaulin, avait pris en 1938 la tête du Bleung Brug fondé et animé par l’abbé Perrot126. René Bourdon, un instituteur libre d’Ille-et-Vilaine devient secrétaire général et trésorier du parti. C’est cette équipe qui dirige le PNB jusqu’à l’été 1944. À Rennes, ils sont relayés par des intellectuels proches d’eux comme Roparz Hemon, responsable des émissions en langue bretonne de Radio-Rennes, et par des membres de l’Institut Celtique de Bretagne (présidé par le même homme), outil pour l’occupant pour attirer des intellectuels et des artistes bretons127.

78À partir de 1941, le PNB s’efforce de se développer avec ses chefs départementaux : Marcel Guieyesse, puis le photographe Christian Le Part de Rochefort-en-Terre dans le Morbihan ; Jacques de Quélen dans les Côtes-du-Nord128 ; les Delaporte, notamment Hervé, et Jean Le Berre (Yann ar Beg) dans le Finistère ; Paul Gaignet en Ille-et-Vilaine129. Ces cadres signent plus ou moins régulièrement des articles dans L’Heure Bretonne, parfois sous des pseudonymes130. Le PNB a son siège régional à Rennes, mais il attire bien peu de militants (28 en Ille-et-Vilaine en 1941, 42 au total). Le maximum est atteint dans le Morbihan avec un total de 555 adhérents du fait de l’activisme de ses chefs, mais certaines adhésions sont plutôt de convenance131. En 1943, le PNB pratique aussi le noyautage, parfois « à leur insu » selon la police, de membres de cercles celtiques ou folkloriques. Encore une fois, on rencontre Yann Fouéré à la croisée du nationalisme et du régionalisme bretons. Le 16 février 1943, il vient créer un cercle celtique à Vannes132. Dans les Côtes-du-Nord aussi, c’est un moyen de gonfler les effectifs revendiqués : le PNB atteint ainsi 250 à 300 adhérents à l’été 1943. Bien que plusieurs cadres importants du PNB delaportien soient finistériens, le parti ne fait guère recette dans ce département n’enrôlant que 200 personnes en 1941 (tableau 1). Ils ne sont pas très nombreux non plus en Loire-Inférieure. Les chiffres avancés par plusieurs auteurs de 3 000 à 6 000 militants actifs ont été récemment revus à la baisse et on avance désormais le chiffre de 1 200 à 1 500 militants dont 250 à 300 très actifs133. Les anciens acteurs et la presse partisane (L’Heure Bretonne) ont toujours tendance à gonfler leurs effectifs, or cette estimation est corroborée par les archives de police de l’Occupation et l’enquête minutieuse du Comité d’histoire de la deuxième guerre mondiale.

79À son apogée en 1942, le PNB aurait eu 69 sections actives selon son journal ; parfois ces sections ne comptent en réalité qu’une poignée de militants très actifs propagandistes134. Dans les Côtes-du-Nord, l’activité du PNB de 1940 à 1944 est plus forte dans les régions de Saint-Brieuc et de Lannion mais faible en pays gallo et en Haute-Cornouaille. Une enquête communale de la fin 1941 dans le Trégor fait apparaître deux noyaux actifs : à Lannion avec un avocat Me Le Toiser (une douzaine de militants) et à Perros-Guirec (une dizaine), plus quelques militants isolés. Dans l’arrondissement de Lannion, là où il est le mieux implanté, le PNB compte une trentaine de militants actifs et sans doute moins de cinquante adhérents alors que dans celui de Guingamp il est quasi-inexistant, sauf un petit groupe à Bourbriac dirigé par un vétérinaire135. La section de Dinan qui a un local voit défiler deux responsables en 1941 (une douzaine d’adhérents fin 1941). Avec de Quélen et des jeunes, le noyau briochin est sans doute le plus actif. Il est vrai que les autorités vichyssoises entravent les activistes en les arrêtant et en les traduisant en justice136. Et la libération des condamnés à la suite d’une intervention allemande ne joue guère en leur faveur auprès de l’opinion. En fait, ce sont toujours les mêmes cadres qui se retrouvent dans les congrès du parti (200 à Kerfeunteun en décembre 1941). Il n’y a certainement pas 500 cadres au congrès de Rennes en 1942 comme le proclame abusivement L’Heure Bretonne. De même, un congrès à Saint-Brieuc au printemps 1942 est bien loin de réunir les 250 personnes annoncées.

80Il est plus difficile d’évaluer le cercle des sympathisants et l’influence réelle de LHeure Bretonne. Si le journal tire à plusieurs milliers d’exemplaires en 1940 et peut avoir un lectorat important notamment parce qu’il publie des informations sur les prisonniers de guerre, le tirage est réduit à 8 000 en mai 1941. La vente à la criée par les militants provoque dès 1940-1941 des incidents avec la population dans plusieurs villes (Quimper, Dinan…). Le nombre d’abonnés paraît souvent bien faible : 400 dans le Finistère à la fin de 1941 selon le préfet du Finistère137. Financé en 1940 par L’Abwehr comme Mordrel l’a reconnu dans ses mémoires, il conserve une aide non négligeable de la Propaganda Staffel, même quand les Allemands décident à la fin de 1940 de jouer la carte des régionalistes de Yann Fouéré qui prépare le lancement de son journal La Bretagne car l’occupant préfère garder deux fers au feu138.

81Organisés de manière pyramidale sur les découpages administratifs français, les chefs du PNB doivent quadriller tout le territoire régional. Dans les Côtes-du-Nord, au printemps 1942, il existe des chefs d’arrondissement et neuf chefs cantonaux (sur 48 cantons)139 ; le Finistère semble plus avancé dans sa structuration140. À la Libération, les chefs d’arrondissement de Quimper et de Brest sont recherchés, ainsi que trois chefs de cantons ; neuf militants sont à « arrêter en deuxième lieu » et cinq chefs cantonaux « à surveiller141 ». D’après une liste nominale de 1944, les principaux noyaux militants du PNB se situaient à Châteaulin, Douarnenez (Ploaré et Tréboul) et Carhaix. Dans le Morbihan, après l’évacuation de Lorient, le PNB se replie sur Vannes sous la houlette du chef d’arrondissement Noël Le Nestour. Partout en Bretagne sa propagande contre les Alliés vise les évacués et les réfugiés des villes bombardées (Brest, Lorient, Saint-Nazaire…).

82Le PNB se dote d’une organisation de jeunesse dirigée par le sculpteur nazairien Yann Goulet qui devient aussi le chef du service d’ordre chargé de protéger les réunions du parti autorisées par l’occupant, les Bagadou Stourm. Obéissant aux rituels militaires des mouvements fascistes (uniforme, brassard, salut, défilés…), ce service d’ordre s’inscrit dans la lignée du Service spécial de Laîné sans s’y fondre totalement. Goulet rassemble ses troupes dans des camps d’entraînement encore en 1943 et 1944. Un seul exemple, celui de jeunes Nazairiens (9 PNB et 6 sympathisants), montre que des militants du PNB choisissent le camp de la Résistance : il s’agit du groupe Liberté créé à partir de mars 1943, base d’un maquis de la région de Pontchâteau (Loire-Inférieure) qui participe aux combats de la Libération, puis de la poche de Saint-Nazaire en 1944-1945. Leur origine ouvrière dans une ville anglophile explique sans doute un engagement qui reste exceptionnel142.

83À partir de 1943, le PNB delaportien s’efforce de prendre ses distances avec ses encombrants protecteurs allemands sans rien renier de ses orientations nationalistes. La propagande affirme que : « Les Bretons ne sont les valets de personne ! Ni des Allemands, ni des Anglais, ni des Français, ni de la finance internationale », dénonçant les « radoteurs de Vichy » comme « les coups de gueule des gaullistes », « pour que la Bretagne soit saine et en paix » selon un tract. En janvier 1943, Jos Jaffré écrit dans L’Heure Bretonne qu’il faut débarrasser la Bretagne « de l’emprise des chauvins, des jacobins agressifs, des maçons et des juifs ». La fraction la plus dure regroupée derrière Célestin Laîné ne l’entend déjà plus de cette oreille. Rivalités de chefs et divergences stratégiques conduisent à l’implosion du PNB à la fin de 1943. Tout à son rêve délirant « d’armée bretonne », Laîné fait manœuvrer les maigres troupes de son Service spécial, en forêt de Boquen, en Plénée-Jugon (Côtes-du-Nord), sous le regard bienveillant du prieur Dom Alexis Presse qui rebâtit la vieille abbaye, et surtout d’une active militante de Penguilly, Mme du Guerny143. En septembre-octobre 1943, la rupture est consommée entre les deux chefs. Laîné décide de quitter le PNB, trop mou à son goût, pour recréer un mouvement Breiz Atao pur et dur, c’est-à-dire « d’esprit national et socialiste » (tract du 16 octobre), clairement nazi. Hermann Bickler, l’autonomiste alsacien, ami de plusieurs dirigeants de L’Emsav avant guerre (Mordrel, Debauvais, Fouéré), devenu colonel SS, tente une ultime conciliation. Il convoque à Paris Lainé, Raymond Delaporte, Marcel Guieyesse et Yann Fouéré, ce qui montre bien les liens étroits du « régionaliste » Fouéré avec les nationalistes du PNB et avec les divers services policiers nazis. L’entrevue échoue ; la scission est inévitable. Le 19 décembre 1943, un congrès des cadres « delaportiens » décide d’exclure les scissionnistes. Plusieurs chefs suivent Laîné au second Breiz Atao dont les chefs du Morbihan Marcel Guiyesse, remplacé par Le Nestour, et Christian Le Part. Très malade, soigné dans une clinique de la Waffen SS à Colmar où il meurt le 20 mars 1944, de plus en plus admirateur de l’Allemagne nazie, Fransez Debauvais apporte son appui total à Laîné, dont il fait son successeur, et à ses sbires. Un nouveau PNB est créé par Laîné le 20 mai 1944, groupuscule de plus en plus militarisé qui rassemble l’aile dure du PNB dont plusieurs chefs départementaux.

84Célestin Laîné et son second Ange Péresse peuvent désormais se lancer dans une collaboration militaire totale, sous l’uniforme et le commandement allemand, en étant rattachés au SD. Laîné devient d’ailleurs officier de la SS. En effet, dès le début décembre 1943, avec 33 miliciens, il a formé dans une caserne rennaise le Bezen Kadoudal, ou « compagnie bretonne en guerre contre la France144 », bientôt grossie de jeunes venus des Bagadou Stourm. Après l’exécution de l’abbé Perrot le 12 décembre 1943 par les FTP, cette milice bretonne prend le nom de Bezen Perrot regroupant environ 70 membres en 1944 dont 26 proviennent d’Ille-et-Vilaine. Ces miliciens vont participer avec les Allemands aux rafles contre la population bretonne, notamment dans le Centre-Bretagne, à l’attaque des maquis (Broualan, Ille-et-Vilaine) et à la traque des parachutistes SAS et des FFI après la destruction du maquis de Saint-Marcel (Morbihan)145. Avec la montée au maquis après le 6 juin 1944 et la situation insurrectionnelle de certaines zones du Centre-Bretagne, les gours (soldats) du Bezen Perrot et les autres commandos se déchaînent participant pleinement au paroxysme des violences et des crimes de guerre de l’armée allemande, y compris contre des civils, parfois avec les hommes de la Milice française de Darnand… Ils se livrent aux rafles d’otages, à la torture et aux exécutions sommaires (Bourbriac, région de Carhaix et de Locminé à l’été 1944). Les chefs et leurs familles et les miliciens les plus compromis s’enfuient avec les Allemands au début août 1944 et se réfugient en Allemagne, puis au pays de Galles et en Irlande146. La boucle est bouclée.

85Cette poignée d’ultras devenus des nazis bretons a, avec le PNB delaportien et même les « régionalistes » à la mode Fouéré, contribué à discréditer l’Emsav pour une longue période. La grande majorité des Bretons est restée attachée à son identité régionale et à sa langue mais, face à l’Occupation allemande, l’ambiguïté n’était pas de mise et l’identité nationale et le rejet de l’occupant l’ont emporté sur la seule identité régionale. La fraction d’extrême droite du mouvement breton n’a pas compris cet emboîtement des identités car elle a fait le choix d’une unique identité bretonne contre l’identité française, quitte pour les ultras à choisir en réalité l’identité allemande et nazie147. C’est ce qui explique leur rejet immédiat par les Bretons et des enjeux de mémoire conflictuels jusqu’à nos jours. En effet, rapidement une importante partie de l’opinion bretonne se tourne vers la France libre et les Alliés, et soutient les résistants non sans parfois quelque ambivalence et les craintes de la répression.

Des résistants de gauche et de droite

86Dans la Bretagne occupée, les forts sentiments anti-allemands de l’ensemble des notables comme de la population transcendent souvent le clivage gauche/droite conduisant une minorité à entrer en résistance et de larges secteurs de la société à soutenir leur action à mesure que le rapport des forces militaires évolue en défaveur du Reich hitlérien. Sauf pour le PCF clandestin et les partis collaborationnistes autorisés, les autres formations politiques semblent avoir disparu. À notre connaissance, on ne trouve pas de traces d’activité politique partisane organisée (journaux politiques), ce qui ne signifie pas que les militants des partis d’avant-guerre aient mis leurs convictions dans leur poche. L’engagement dans la résistance d’élus, de militants et de syndicalistes est d’abord un choix individuel mais qui passe souvent par des réseaux politiques et associatifs préexistants. Dans les réseaux et plus encore dans les mouvements de résistance, des sensibilités politiques sont repérables, car le recrutement se fait souvent par relation amicale, professionnelle et partisane148.

87Par exemple, à Libération-Nord, on trouve de nombreux socialistes et cégétistes mais aussi des démocrates-chrétiens qui vont fonder le MRP après la Libération. En Bretagne, les socialistes sont sans doute les plus nombreux, notamment parce que Tanguy Prigent est l’un des premiers organisateurs, en 1941, dans le Finistère et en Bretagne, de ce mouvement149. Il est en liaison avec des fondateurs et des dirigeants nationaux de Libération-Nord et il recrute d’abord ses camarades socialistes et syndicalistes agricoles dans le Trégor. Dans les villes, à Brest (le futur préfet de la Libération Aldéric Lecomte), Rennes (l’imprimeur Honoré Commeurec), Lorient, Saint-Brieuc, en 1942-1943 les cadres de Libération-Nord viennent de la SFIO. Le mouvement recrute ensuite dans les milieux de droite, à la fin 1943 et en 1944 quand il est chargé de mettre en place l’Armée secrète (AS) dans la région, en liaison avec des gens de l’Organisation Civile et Militaire (OCM). La recherche de cadres militaires, officiers d’active ou de réserve, explique cet élargissement politique150. La situation est variable selon les départements. Ainsi, dans le Morbihan l’ancien maire de Vannes révoqué, Maurice Marchais (centre gauche), lance le mouvement151. Au début 1943, il est contacté par M. de Carville, l’adjoint du général Zarapoff, responsable militaire de Libération-Nord. Il accepte de développer le mouvement en faisant appel à six personnalités qui ne viennent pas de la mouvance socialiste et recrute souvent des sous-officiers chargés de former l’AS. Parallèlement l’instituteur Joseph Rollo d’Auray s’appuie sur le SNI et les réseaux socialistes dont Jean Le Coutaller dans le nord-ouest du département pour structurer Libé-Nord.

88Dans ses témoignages, Tanguy Prigent se présente comme l’un des réorganisateurs du Parti socialiste clandestin issu du Comité d’action socialiste (CAS) en zone nord. C’est fort probable car dès l’automne 1940, l’ancien député finistérien noue des contacts réguliers, lors de voyages à Paris, avec des responsables socialistes. L’engagement résistant des socialistes se paie parfois d’un lourd tribut. En Loire-Inférieure, la plupart des membres du bureau fédéral ont été fusillés avec leur secrétaire fédéral Albert Vinçon152. Des résistants socialistes comme Jean Guitton et Ludovic Constant vont assurer la relève du parti en s’appuyant Libération-Nord.

89Mais si les socialistes s’investissent fortement dans les réseaux – l’ancien député Jean-Louis Rolland participe à partir de 1942 au réseau Jade-Fitzroy – et les mouvements – il appartient à Libération-Nord –, ce dont témoigne leur forte présence dans les comités départementaux de la Libération (CDL) en 1944, on ne trouve pas de traces dans les archives d’une propagande et d’une activité autonomes de la SFIO durant l’Occupation. Et c’est là une différence majeure avec le PCF clandestin qui occupe le terrain depuis 1940 en valorisant ses actions. Le PCF investit la Résistance en créant en 1941 son mouvement, le Front national (FN) qui se développe en Bretagne en 1942-1943 en élargissant son recrutement et qui va devenir un vivier dans lequel le Parti recrute des militants dans la clandestinité et surtout après la Libération. En même temps, le PCF conserve ses structures partisanes et sa propagande propre, ce qui renforce sa visibilité politique et lui permet d’occuper le terrain dès les premiers jours de la Libération en mettant en avant son action et ses martyrs, ce que les autres forces politiques ne feront qu’avec retard.

90Or, si le Front national est bien créé par le PCF, si les FTP en 1942, voire en 1943, sont essentiellement des communistes, on y rencontre des hommes et des femmes d’autres sensibilités politiques. À la faveur des vagues répressives qui affaiblissent le PCF en 1942 et 1943, et de la volonté d’élargissement, des non communistes peuvent accéder à des postes de responsabilités. Dans les Côtes-du-Nord, Jean Devienne, un instituteur venu du Nord est un ancien responsable des Jeunesses socialistes. Certes, pendant la guerre, il est très proche du PCF au point de relever les cotisations du Parti, mais en 1945 lors de l’affrontement PCF-SFIO il choisit de revenir au bercail socialiste. Toutefois, dans l’ouest bretonnant des Côtes-du-Nord, des militants socialistes combattent dans le Front national et les FTP alors qu’à Saint-Brieuc et dans la partie gallèse ils se retrouvent à Libération-Nord153. L’antériorité du FN sur le terrain et le charisme de Jean Devienne, qui publie dix numéros du Patriote des Côtes-du-Nord de septembre 1943 à août 1944, expliquent peut-être cet engagement. Les pratiques unitaires des années 1930 ne sont sans doute pas étrangères à ce rapport de forces qui va favoriser l’essor considérable du PCF à la Libération. D’une certaine manière, on retrouve chez les socialistes, dans la coupure FN-Libération-Nord, l’ancienne coupure du syndicalisme agricole de gauche : CGPT-CNP. Les choix politiques de certains socialistes à la Libération n’en seront que plus douloureux.

91Démocrates-chrétiens et modérés se retrouvent davantage dans les mouvements OCM et Défense de la France qui se développent en Bretagne (surtout dans le Finistère et les Côtes-du-Nord) à partir de 1943. De nombreux démocrates-chrétiens, ainsi que des catholiques, en particulier de jeunes prêtres, s’engagent dans le combat et vont adhérer au MRP après la guerre. Pour ne prendre que l’exemple des Côtes-du-Nord, l’abbé Vallée, parti à Paris, anime en 1941 une feuille de résistance spirituelle Veritas qui met en cause l’attitude de la hiérarchie de l’Église vis-à-vis de Vichy ; il mourra en Allemagne. À Saint-Brieuc, l’abbé Fleury dirige avec Jean Métairie Défense de la France et il est même un temps sollicité pour devenir l’un des chefs militaires des FFI en formation, ce qu’il refuse. Ces deux hommes sont fusillés par les Allemands le 10 juillet 1944. Le MRP et Ouest-France vont pouvoir s’appuyer sur cet engagement résistant de démocrates-chrétiens et de catholiques pour s’enraciner en Bretagne.

92L’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA) s’implante plus tardivement en s’adressant à des militaires de carrière, en général de l’armée d’armistice dissoute à la fin de 1942, et à des hommes de droite, voire d’extrême droite, quelque peu déçus par le pétainisme et sa politique de collaboration. Plusieurs officiers issus de la noblesse bretonne s’engagent dans ce mouvement, relativement peu implanté (Finistère sud, région de Dinan-Lamballe, Loire-Inférieure), et dans l’Armée secrète. De même, des organisations locales jouent un rôle important dans la Résistance comme le Mouvement de la France combattante organisé dans le Morbihan en s’appuyant sur le réseau des gendarmeries. Le commandant de gendarmerie Guillaudot, muté à Vannes pour avoir refusé de réprimer une manifestation patriotique à Rennes en juin 1941 dirige cette organisation. Après la guerre, on le retrouvera dans des mouvements d’extrême droite qui complotent pour renverser la République.

93À droite, quelques pétainistes convaincus qui ont voté les pleins pouvoirs peuvent entrer en résistance par rejet de l’occupant tout en acceptant la philosophie et la volonté de contre-réforme du régime de Vichy. Ainsi, en 1940 et 1941, Jean Crouan qui a une influence certaine sur les maires de son arrondissement est dans le collimateur des Allemands qui le traitent de « Führer » des maires de la région154. Démobilisé et de retour chez lui, le maire de Quéménéven accepte de jouer les médiateurs entre ses administrés et l’occupant tout en utilisant des prisonniers de guerre français internés à Quimper (dix se cachent et obtiennent des papiers officiels) et en facilitant l’évasion vers la zone sud d’environ 75 tirailleurs algériens. L’occasion de servir la Résistance se présente à la fin janvier 1943 quand sept aviateurs américains sont récupérés, dont plusieurs cachés par ses amis de Poulpiquet sur sa commune, avant d’être pris en charge par le réseau d’évasion Pat’O Leary. Un Français travaillant pour l’occupant a infiltré ce réseau dont plusieurs membres sont arrêtés par la police allemande le 29 mars 1943 et jugés à Quimper les 1er et 2 juin. 14 personnes sont condamnées dont cinq à mort. Parmi elles, Jean Crouan. Les autorités politiques et religieuses se mobilisent jusqu’à Vichy et les peines sont commuées ouvrant le chemin de la déportation en Allemagne. Crouan reviendra de Dachau en 1945 et reprendra sa carrière politique.

94De même, Hervé Nader, le maire nommé de Concarneau, a rejoint en 1941 le réseau de renseignement Johnny du BCRA qui organise près de Quimper des liaisons radios précoces. La trahison d’un « pianiste » (opérateur radio) amène à son arrestation le 16 février 1942, puis à sa déportation à Mauthausen. En 1945, il reprendra aussi sa carrière politique à Quimper. Des démocrates populaires sont en liaison avec les milieux résistants, notamment Yves Jaouen, maire de Saint-Marc près de Brest, encore considéré au début 1942 comme « loyal » envers le maréchal et nommé en 1943 au Conseil départemental. L’ancien député PDP du Morbihan Ernest Pezet, qui a voté les pleins pouvoirs, participe dès septembre 1941 à des éditions clandestines et est membre de l’OCM. Il est arrêté deux fois par les Allemands en 1940 et 1943. En relation avec Georges Bidault, successeur de Jean Moulin à la tête du CNR, et Pierre-Henri Teitgen, E. Pezet est présent en janvier 1944 à une réunion chez Raymond Laurent, député de la Loire, qui réfléchit au lancement d’un parti à la Libération, le futur MRP. Trois autres parlementaires morbihannais ont choisi le camp de la Résistance dont l’abbé Desgranges, Firmin Tristan et l’ancien ministre radical Alphonse Rio, ministre de la Marine des cabinets Daladier et Reynaud en 1939-1940. L’abbé Desgranges contribue d’abord au sauvetage de juifs dans le Dauphiné. Partisan de la France libre, fournissant des renseignements aux Alliés lors du siège de la poche de Lorient, A. Rio sera relevé de son inégibilité après la libération et réélu.

95Des hommes et des femmes de centre gauche s’engagent dans les réseaux faisant du renseignement tel le maire de Quimperlé, Alain Le Louédec (rad.), considéré dès 1941 comme « anglophile et gaulliste ». Membre du réseau Johnny, il est arrêté en octobre 1942 et déporté. Ces notables finistériens connaissent les prisons allemandes et les camps : Dachau et Mauthausen. De même, la veuve de Georges Le Bail (rad.-soc.) qui travaillait pour l’Intelligence Service est arrêtée le 9 septembre 1942 et déportée à Ravensbrück. Dans les Côtes-du-Nord, Pierre Sérandour « rachète » rapidement son vote du 10 juillet en s’engageant dans le réseau de renseignement Praxitèle. Michel Geistdoerfer qui a perdu sa mairie de Dinan et réside souvent à Paris rejoint le mouvement OCM qu’il représentera au CDL des Côtes-du-Nord à la Libération. À Vannes, Maurice Marchais qui est à l’origine de la fondation du mouvement Libération-Nord en est un responsable important. C’est chez lui que les bases du CDL clandestin sont jetées par Tanguy Prigent et le Briochin Heurtier. Il propose à la présidence son ami l’avoué Prosper Chubert de Libé-Nord. Le premier CDL clandestin comprend quatre anciens conseillers généraux, dont Jean Camenen (Jeune République) qui avait été nommé par Vichy dans les assemblées départementales155, Valentin Vignard (PDP) et deux radicaux. Les résistants les plus actifs, notamment ceux de la mouvance FN-PCF, sont absents alors que les notables d’avant-guerre sont surreprésentés. Dès la fin février, Chubert et Marchais sont arrêtés et Camenen devient le président d’un CDL qui ne sera élargi qu’à la mi-août 1944.

96Quelques hommes politiques d’avant-guerre participent même aux combats de la Libération au sein des FFI comme Tanguy Prigent qui commande près de 200 hommes dans la région de Morlaix ou Firmin Tristan, passé dans la clandestinité en juin 1944, qui est présent dans le Morbihan à un parachutage d’armes pour les parachutistes SAS156. Un rapport du préfet du Morbihan du 27 septembre 1941 le jugeait « trop modéré et trop anglophile » pour le placer sur la liste des candidats au Conseil national157. De même Victor Le Gorgeu, passé dans la clandestinité à la fin de 1943, joue un rôle dans la préparation des nouveaux pouvoirs en installant avec Tanguy Prigent les premiers CDL clandestins bretons (début 1944), car il a été nommé Commissaire de la République de Bretagne. Il prendra ses fonctions à Rennes le 4 août 1944, le jour de la libération.

97La transition des pouvoirs à la libération est préparée de longue date et elle va parfaitement bien fonctionner en Bretagne puisqu’en deux ou trois jours les nouvelles autorités chargées d’assurer l’ordre et de reconstruire un État républicain s’installent dans les villes, les préfectures et sous-préfectures. Ainsi, lorsque les troupes américaines entrent dans les villes libérées, sauf à Brest, à Lorient et à Saint-Nazaire où les troupes allemandes se sont repliées dans des bases fortifiées, les nouveaux pouvoirs sont en place : à Rennes le 4 août, à Saint-Brieuc le 6, à Vannes, à Quimper et à Nantes. Le rétablissement de la légalité républicaine se fait en quelques jours.

98Avant même la reconstruction de la République et de la démocratie se pose la question de l’épuration des partis collaborationnistes et des notables qui ont été vichyssois (examinée dans le chapitre suivant) car elle est partie prenante de la reconstruction de la vie politique nationale. Ardemment souhaitée par l’ensemble de l’opinion publique, cette épuration dénommée « châtiment des traîtres » a été envisagée de longue date tant à Londres et à Alger que par la résistance intérieure. Il convient donc de dresser le bilan de l’épuration politique à la libération, et non de l’ensemble du phénomène, qui a commencé sous l’Occupation et se poursuit en 1945 et 1946 sans être achevée pour autant.

L’épuration des partis collaborationnistes

99L’épuration extrajudiciaire frappe en Bretagne de septembre 1943 à 1945. Quelques élus pétainistes sont exécutés par la Résistance, mais c’est plutôt rare. On relève trois cas sur 243 exécutions sommaires dans les Côtes-du-Nord dont le maire de Glomel Le Croiser, conseiller départemental, le maire de Ploumiliau qui a dénoncé des résistants à la gendarmerie et celui de Quessoy158. Dans le Finistère, le cas de Guy Le Normand, conseiller général SFIO de Morlaix, est plus dramatique. Il a certes été maintenu comme conseiller municipal de Morlaix et a sans été pendant un temps rallié au régime de Vichy, mais comme interprète requis par la Kommandantur il a rendu de nombreux services à ses concitoyens et à la Résistance. Il a certainement protégé son ami Tanguy Prigent. Le 26 mars 1944, il se trouve chez son frère l’amiral Le Normand, ancien commandant de la base de Brest, lorsqu’un commando FTP survient. Alors qu’il n’est sans doute pas visé, l’ancien secrétaire fédéral de la SFIO est exécuté avec son frère.

100Les militants des partis collaborationnistes français et breton sont un peu plus nombreux : 12 dans les Côtes-du-Nord159, la plupart du temps des responsables160. Les militants politiques représentent 6,2 % des exécutions extrajudiciaires de ce département. Le PNB ou des gens considérés comme proches sont des cibles emblématiques de la résistance, en général des FTP. Dans le Finistère, c’est le cas de Yann Bricler, le cousin d’Olier Mordrel, abattu dans son bureau à Quimper par trois résistants le 4 septembre 1943161. C’est le premier nationaliste breton abattu par la Résistance. Deux mois plus tard, à la fin novembre, Yves Kerhoas, du Service spécial de Lainé, est tué à la sortie d’un bal à Plonévez-du-Faou.

101L’exécution de l’abbé Jean-Marie Perrot à Scrignac le 12 décembre 1943 par un FTP communiste est plus symbolique encore. À travers Perrot qui n’est pas membre du PNB mais incarne le mouvement breton dans son croisement du combat politique, linguistique et culturel c’est l’ensemble de L’Emsav qui est visé162. Sa mort violente va servir de justification a posteriori à la radicalisation violente de la fraction la plus dure du PNB. Les exécutions sommaires ont frappé une dizaine de militants du PNB de septembre 1943 à 1944 : cinq victimes dans le Morbihan, trois dans les Côtes-du-Nord, sept sur 110 exécutions extrajudiciaires dans le Finistère163. Une quinzaine de militants connus du PNB périssent auxquels il faut ajouter une dizaine de sympathisants ou considérés comme tels164. Dans le Morbihan, Christian Le Part qui a choisi de suivre Laîné et les ultras de l’Emsav dans le nouveau PNB et Breiz Atao est abattu le 26 mai en rentrant chez lui, tout comme Rivière, le chef des Francistes l’a été le 21 février précédent165. De même, dans le Finistère, le chef du PPF Le Folcalvez, fonctionnaire du Ravitaillement général, est exécuté en janvier 1944. Quelques responsables collaborationnistes ont payé de leur vie leur engagement jusqu’au bout aux côtés de l’occupant mais il ne s’agit nullement de « la légende noire » et du « bain de sang » véhiculés par certains milieux après la guerre alors qu’il y a eu 581 exécutions sommaires dans les quatre départements bretons. En 1944, le dernier carré des ultras s’engage dans des milices et des groupes de combat qui pourchassent les résistants en dressant des listes noires (en mars 1944 dans le Finistère). Loin d’être une guerre civile car ces hommes n’ont aucun soutien dans la population, cet affrontement franco-français s’inscrit dans les combats de la libération de la Bretagne et de la France, ce qui n’exclut pas quelques bavures, dérapages et excès. D’ailleurs, les chefs des partis collaborationnistes ont souvent été condamnés lourdement par les tribunaux à la Libération et parfois fusillés (Pottier dans les Côtes-du-Nord). Ceux qui étaient en fuite ou en exil, condamnés par contumace, ont échappé à l’exécution. Parfois, ils ont été rejugés quelques années plus tard et ont bénéficié de verdicts plus cléments à la faveur de la guerre froide.

102Dans les Côtes-du-Nord, 103 personnes (9,9 % du total), dont 10 femmes, sont internées après la libération pour leur appartenance à un parti collaborationniste. Et parmi eux on compte 58 membres ou sympathisants du PNB arrêtés lors de la rafle Allard de novembre et décembre 1944 déclenchée du fait de la surestimation du danger « de maquis blancs », plus 16 PPF et 13 RNP. 142 autonomistes bretons (9 femmes, 8 ecclésiastiques) sont alors internés au camp Margueritte à Rennes dont plusieurs personnalités du mouvement culturel breton rapidement libérées. Certains seront jugés par les tribunaux. Dans le Finistère, à la libération, 14 cadres et militants actifs du PNB doivent être arrêtés « en second lieu » et 53 autres placés sous surveillance166. D’après les chiffres d’adhérents des partis en 1943, un collaborateur sur sept ou sur huit a bien été interné dans les Côtes-du-Nord en 1944-1945.

103Les responsables et les militants les plus compromis sont traduits devant les tribunaux, cours de justice et chambres civiques, après la libération. Les cours de justice jugent les cas les plus graves, pour une collaboration politique et militaire effective et non en raison des opinions politiques des individus. Le bilan de cette épuration judiciaire des collaborationnistes est désormais bien connu167. Parmi les 1 299 personnes traduites devant la cour de justice de Rennes, on a recensé 70 nationalistes bretons (5,38 % du total) et 77 PPF, RNP, MSR et Francistes (5,92 %)168. Neuf activistes du PNB sont condamnés à mort et fusillés alors que sont prononcées douze condamnations à mort par contumace – les principaux chefs et certains miliciens qui vivront paisiblement en Irlande ou en Argentine – et une peine de mort est commuée. Sur une vingtaine de gours du Bezen Perrot, deux sont fusillés. Les plus jeunes sont restés en France, parfois sur ordre, quand leurs chefs s’enfuyaient. Deux des quatre miliciens d’une formation nazie et sept des 17 miliciens du groupe Action du PPF sont aussi exécutés. Sans indulgence, les condamnations sont prononcées avec discernement. Sur 2 222 accusés traduits devant les chambres civiques des quatre départements bretons, on dénombre 117 militants ou sympathisants du mouvement breton169 (du PNB surtout), 5,26 % du total, contre 119 PPF, 99 Francistes et 236 MSR/RNP avec leurs organisations de jeunesse et leurs miliciens. Avec 454 prévenus (20,43 %), les partis collaborationnistes français ont été proportionnellement plus touchés par ces cours qui condamnaient à l’indignité nationale et à des amendes.

104Une épuration politique a bien eu lieu en Bretagne à la Libération, les collaborationnistes français et bretons représentant 11,3 % des accusés des cours de justice et 25,69 % de ceux des Chambres civiques. Elle a été conséquente mais la « légende noire » et la victimisation colportée par une fraction de l’Emsav après la guerre, parfois jusqu’à nos jours, n’a pas lieu d’être. Avec environ 200 militants jugés, soit 13 à 16 % des militants du PNB (sur 1 200 à 1 500 adhérents), ce taux de jugement est inférieur à celui des collaborationnistes d’un département modéré voisin comme le Maine-et-Loire170. Les exécutions sommaires des militants les plus engagés expliquent aussi une moindre épuration judiciaire (nombre de condamnés à mort fusillés). En outre, l’étude des procès montre qu’il n’y a pas eu d’acharnement particulier contre ces militants. Le traumatisme vient autant de cette répression judiciaire que de la pression de la société alors très hostile aux « collabos ».

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105La guerre et l’Occupation ont profondément bouleversé la vie politique nationale. Placés en zone occupée, les Bretons ont manifesté immédiatement des sentiments antiallemands et une forte britannophilie, mis à part une poignée de collaborationnistes rejetés par leurs concitoyens. À l’égard de Vichy, les milieux sociaux ont suivi les mêmes évolutions que celles de la France, avec des différences selon les lieux (villes-campagnes-côtes) et selon les milieux, mais aussi en fonction des cultures politiques héritées. En Bretagne, l’indifférence à l’égard de la Révolution nationale est relativement rapide et elle conduit au rejet d’un régime de plus en plus lié à l’occupant. De ce fait, les hommes et les forces politiques les plus favorables au régime (droite conservatrice, catholiques) prennent leurs distances plus ou moins rapidement. Certains notables basculent dans le camp de la résistance même si, à côté d’initiatives locales, les organisations mettent un certain temps à se structurer. Le projecteur a été volontairement braqué sur les élites et les responsables politiques en négligeant les évolutions de la société. Le PCF et la SFIO se sont rapidement engagés dans la lutte résistante, suivis de démocrates chrétiens et d’hommes de droite, ce qui va dessiner un nouveau paysage politique régional à la Libération. Au-delà des responsables politiques et syndicaux, le combat résistant a été un apprentissage à la citoyenneté de beaucoup d’hommes mais aussi de femmes dans une région où le phénomène a été précoce, multiforme et important. De nouvelles générations politiques vont émerger dans la reconstruction de la démocratie républicaine.

Notes de bas de page

1 Jean-Pierre Azéma, Antoine Prost, Jean-Pierre Rioux (dir.), Le Parti communiste français des années sombres 1938-1941, Paris, Le Seuil, 1986.

2 Christian Bougeard, thèse citée, p. 558-573 ; Christian Bougeard et Jacqueline Sainclivier, « Terres rouges et blanches de l’Ouest. La Bretagne », Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost et Jean-Pierre Azéma (dir.), Les communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), Paris, PFNSP, 1987, p. 329-331 ; Alain Prigent, Histoire des communistes des Côtes-du-Nord, op. cit., p. 136-142.

3 Alain Prigent, op. cit., p. 251 et 224.

4 Marc Morlec, Filets bleus et grèves rouges, op. cit., p. 70-74.

5 Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, Le sang des communistes. Les Bataillons de jeunesse dans la lutte armée. Automne 1941, Paris, Fayard, 2004, p. 127-128.

6 Comme Jules Lambert, trésorier des Amis de l’URSS, ou Henri Percevault.

7 Alain Prigent, op. cit., p. 142.

8 Jean-Michel Le Boulanger, Flanchec, op. cit., p. 241-242.

9 Olivier Wieviorka, Les orphelins de la République. Destinées des députés et sénateurs français (1940-1945), Paris, Le Seuil, 2001, p. 29-32.

10 Christian Bougeard, Tanguy Prigent, paysan ministre, Rennes, PUR, 2002, p. 99-104.

11 Erwan Crouan, Jean Crouan 1905-1985. Un notable finistérien dans la tourmente du XXe siècle, maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 2001, p. 50-56.

12 Dix parlementaires bretons, absents ou pas encore arrivés, n’ont pas pris part au vote.

13 Trois sénateurs n’ont pas pris part au vote. Stourm (Ille-et-Vilaine) est considéré comme absent.

14 Voir la liste détaillée dans Olivier Wieviorka, op. cit., p. 141-153.

15 Au congrès de la SFIO à Montrouge, en décembre 1938, ce partisan de Paul Faure défendait encore « une politique d’entente franco-allemande », après Munich et la « nuit de cristal ».

16 Olivier Wieviorka, op. cit., p. 45-46.

17 C’est aussi le cas des députés de centre droit ou de droite Le Pévédic, Inizan, Ihuel, de Lyrot et de deux sénateurs. De Lyrot est, semble-t-il, déjà parti aux États-Unis avec son épouse qui craint les menaces racistes de l’occupant.

18 P. Ihuel est prisonnier et J. Le Pévédic n’a pas pu gagner Vichy à temps.

19 AD Morbihan. 2 W 13209.

20 Olivier Wieviorka, op. cit., p. 46-48.

21 Neuf députés et trois sénateurs de Loire-Inférieure (Gautherot, Linyer, de Juigné) ont voté pour Pétain. Deux sénateurs n’ont pas pris part au vote : de Dion et F. Saint-Maur.

22 Jean-Pierre Azéma et François Bédarida (dir.), Vichy et les Français, Paris, Fayard, 1992. Voir Christian Bougeard, « L’opinion. La Bretagne », p. 535-544.

23 Christian Bougeard, Tanguy Prigent, paysan ministre, op. cit., chap. VI.

24 Jean-Marie Guillon, « La Légion française des combattants, ou comment comprendre la France de Vichy », Annales du Midi, t. 116, no 245, janvier-mars 2004, p. 5-24.

25 Duault est nommé dans la seconde vague le 2 novembre 1941, après le négociant briochin Le Bigot.

26 Christian Bougeard, thèse citée, p. 633.

27 Olivier Wieviorka, op. cit., p. 178.

28 Christophe Rivière, Approche de la légitimité politique des notables bretons, « Les maires du Morbihan de 1929 à 1959 », DEA, Brest, UBO, 2002, p. 172.

29 Christophe Rivière, Notables municipaux et élus départementaux en Morbihan (1932-1959), maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 1998, p. 66. Cadic aurait tenté de faire passer du courrier en zone sud.

30 AD Morbihan. 2 W 13224 et Olivier Wieviorka, op. cit., p. 192.

31 Olivier Wieviorka, op. cit., p. 251.

32 Erwann Crouan, op. cit., p. 63-76.

33 Christian Bougeard, Le choc de la guerre dans les Côtes-du-Nord 1939-1945, Paris, éd. J.-P. Gisserot, 1995, p. 24.

34 Christian Bougeard, thèse citée, p. 638-645. Le conseiller général radical-socialiste de Perros-Guirec Émile Le Gac est révoqué du conseil municipal ; le conseiller d’arrondissement socialiste de Ploëzal Yves Henry surveillé.

35 Par exemple, le Dr J. Lemmonnier, ex-conseiller général de Ploubalay, a été démissionné d’office le 26 novembre 1941 pour « opposition à l’œuvre de rénovation nationale ».

36 Roger Leroux, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Mayenne, Floch éditeur, 1978, p. 47-48. 9 communes ne l’ont pas encore fait (3 de droite, 2 PDP, 3 rad.-soc.). Seul le maire URD de Bangor l’a refusé pour raison politique : la condamnation à mort de De Gaulle et de Larminat, mais il finit par s’y plier.

37 Il conclut ainsi sa lettre : « Administrer, agir avec discipline, soit ; dans le reniement, non. »

38 Christian Bougeard, « Les notables de l’Ouest breton (Finistère – Côtes-du-Nord) des années 1930 aux années 1950 », Élites et notables en Bretagne de l’Ancien Régime à nos jours, Kreiz, no 10, Brest, CRBC-UBO, p. 243-255.

39 Christian Bougeard, Le choc de la guerre, op. cit., p. 23-25.

40 Jean-Michel Le Boulanger, op. cit., p. 244. Retiré à Ploulec’h dans les Côtes-du-Nord, D. Le Flanchec est arrêté par les Allemands le 15 décembre 1941 sur dénonciation de sa maîtresse, condamné par un tribunal militaire le 31 mars 1942 à deux ans de prison, déporté à Buchenwald où il meurt le 11 mars 1944.

41 Roger Leroux, op. cit., p. 48.

42 Christophe Rivière, DEA cité, p. 162-169.

43 Ibid., p. 164-165. Né en Roumanie de parents suisses, naturalisé en 1884. Son fils a été tué en 1940 et son gendre est prisonnier. Son recours est rejeté.

44 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 236-238.

45 Le conseiller municipal socialiste E. Quessot reste aussi en fonction mais ne participe plus aux réunions à partir d’octobre 1943.

46 Benoît Kermoal, La carrière politique de Jean-Louis Rolland de 1919 à 1946, maîtrise d’histoire, UBO, Brest, 1995.

47 Christian Bougeard, thèse citée, p. 645-649.

48 Rondeau aurait été limogé pour avoir refuser de condamner l’attribution à la ville de Nantes de la Croix de la Libération par le général de Gaulle à la suite de l’exécution des otages. Cette thèse est discutable car elle intervient un an après.

49 Hélène Conan, La transition des pouvoirs à la Libération dans l’arrondissement de Quimper (août 1944-septembre 1945), maîtrise d’histoire, UBO, Brest, 1997, p. 35-41.

50 Christophe Rivière, maîtrise citée, p. 20.

51 Virginie Quintin, Élus municipaux et cantonaux de l’arrondissement de Brest (1934-1951), op. cit.

52 Nous en ignorons la raison.

53 Christophe Rivière, DEA cité, p. 167-169.

54 Vichy et les Français, op. cit. Voir Yves Durand, « Les notables », p. 371-381.

55 Ibid., Jacqueline Sainclivier, « Les notables en Ille-et-Vilaine », p. 382-388.

56 Christian Bougeard, Le choc de la guerre…, op. cit., p. 23-24. L’un d’eux, prisonnier en Allemagne, ne siège pas…

57 Christophe Rivière, maîtrise citée, p. 63.

58 Christian Bougeard, thèse citée, p. 649-651.

59 Le 13e le radical-socialiste Louis Morel, déjà nommé en 1941, est toujours prisonnier.

60 Une même personne peut faire l’objet de deux appréciations.

61 Vichy et les Français, op. cit., Jacqueline Sainclivier, p. 384-386 et Jacqueline Sainclivier, L’Ille-et-Vilaine 1918-1958, op. cit., p. 236-237.

62 Ce sont les cantons de Gourin, La Trinité-Porhoët, Mauron et Guéméné-sur-Scorff. Christophe Rivière, maîtrise citée, p. 64.

63 L’abbé Louis-Marie Allanic, conseiller municipal de Pluneret. Il sera fusillé comme otage par les Allemands le 4 août 1944 à Sainte-Anne-d’Auray.

64 Christian Bougeard, thèse citée, p. 949-984.

65 Pierre Daix, J’ai cru au matin, Paris, Robert Laffont, 1976, p. 24. Il est khâgneux en 1939-1940.

66 Pierre Daix, op. cit., p. 79. Havez aurait dit à Daix : « Tu connais nos Bretons ? Leur distribuer des tracts défaitistes ? Il ne serait rien resté du parti. »

67 Voir un tract retrouvé à Nantes (25-27 novembre 1940) : « Ni le capitalisme anglais et ses de Gaulle, ni le capitalisme allemand et ses Doriot-Gitton. »

68 Guy Haudebourg et Franck Liaigre, « La Résistance communiste en Loire-Inférieure (juin 1940-juin 1944) », Christian Bougeard (dir.), Bretagne et identités régionales pendant la Seconde Guerre mondiale, Brest, UBO-CRBC, 2002, p. 89-102. L’OS est dirigée à Nantes par Jean Vignot-Ballous, un ancien responsable des JC.

69 À Nantes, Gomichon cache plusieurs armes dans sa cave récupérées par trois FTP en avril 1942.

70 Henri Noguères, Histoire de la Résistance en France, t. 1, juin 1940-juin 1941, Robert Laffont, 1967, p. 198.

71 Marc Morlec, op. cit., p. 73-74.

72 Sur l’attitude du PCF et de la police, notamment en région parisienne, voir Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, op. cit., chap. I et VII.

73 Roger Bourderon, La négociation, été 1940, crise du PCF, Paris, Syllepse, 2001. Cette récente mise au point clarifie des années de débats et de polémiques sur cette question.

74 Les textes échangés sont aujourd’hui accessibles : Moscou, Paris, Berlin. Télégrammes chiffrés du Komintern 1939-1941, Paris, Taillandier, 2003.

75 Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, op. cit., p. 28-44. Sur ordre du Parti, quatre membres du comité central s’en évadent les 18-19 juin 1941 (Fernand Grenier, Léon Mauvais, Eugène Hénaff, et Henri Raynaud), ce qui provoque un durcissement des conditions de détention jusqu’alors correctes.

76 Ibid., p. 54-61.

77 Marc Morlec, op. cit., p. 75-82.

78 Sur ce dossier complexe et ses suites judiciaires, voir Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, op. cit., chap. III, p. 70-92.

79 Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, op. cit., chap. IV et V.

80 Les deux derniers, des JC, campent dans un champ près de chez Gomichon, ce qui montre que les mesures de sécurité et le cloisonnement ne sont guère respectés.

81 Pour une analyse détaillée appuyée sur les sources policières, voir Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, op. cit., chap. VI.

82 Seul Gilbert Brustlein parvient à gagner la zone sud et l’Angleterre. Le PC, après l’avoir planqué, aurait essayé de l’éliminer car on le rend responsable de plusieurs chutes. Ibid., p. 140-147.

83 Stanley Hoffmann a distingué « la collaboration d’État » du régime de Vichy « du collaborationnisme avec les nazis », c’est-à-dire « la volonté avouée de coopérer avec le régime allemand et de l’imiter ». « Vichy et la collaboration », Preuves, 219-220, juillet-septembre 1969, p. 61.

84 Henry Rousso, « Collaborer », L’Histoire, Résistants et collaborateurs, no 80, été 1985, p. 58-59.

85 Pour les Côtes-du-Nord qui servent d’exemple et une analyse exhaustive, voir Christian Bougeard, thèse citée, 2e partie, chap. III, p. 770-867 dont le tableau p. 779. Pour les autres départements, enquêtes sur la collaboration des correspondants du Comité d’histoire de la deuxième guerre mondiale : G.-M Thomas et A. Le Grand (Finistère), M.-H. Butler (Ille-et-Vilaine), R. Leroux (Morbihan). Jacqueline Sainclivier, L’Ille-et-Vilaine 1918-1958, op. cit., p. 245-250.

86 Jacqueline Sainclivier, La Bretagne dans la guerre 1939-1945, Rennes, éd. Ouest-France, p. 72-78.

87 Roger Leroux, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Mayenne, J. Floch éd., 1978, p. 142-143 et 265-269. Il s’agit de Le Nabec, de l’entrepreneur Émile Le Pichon, puis de Charles Sinquin.

88 Le congrès fédéral de juillet 1943 présidé par un membre du bureau politique ne déplace que 15 personnes, 35 à un meeting.

89 Notons aussi la présence d’un ancien conseiller d’arrondissement (rép. de gauche élu en 1937), le seul notable connu du PPF dans la région de Lannion. Carn a encore assisté au congrès du PPF à Paris en novembre 1943.

90 Georges-Michel Thomas et Alain Le Grand, Le Finistère dans la guerre, t. 1, L’Occupation, Brest-Paris, Éd. de la Cité, 1979, p. 359-361. Ce chef PPF sera exécuté par la résistance.

91 En 1943, L’Heure Bretonne publie le manifeste du PPF. Le PPF diffuse sa propagande dans Le Paimpolais.

92 Pottier est condamné à mort par le cour de justice de Saint-Brieuc et fusillé le 20 décembre 1944. C’est l’une des cinq exécutions effectives après jugement dans ce département.

93 Texte publié par Marie-Hélène Butler, « La collaboration dans la préfecture régionale de Rennes », Revue d’histoire de la deuxième guerre mondiale, no 117, janvier 1980, p. 3-31.

94 Georges-Michel Thomas et Alain Le Grand, t. 1, op. cit., p. 356.

95 André Kervella, Brest rebelle. Chronique de guerre (1939-1945), Morlaix, éd. Skol Vreizh, 1998, p. 193-199.

96 70 à 80 personnes invitées se déplacent mais sans adhérer pour autant. Un attentat vise sa permanence dans la nuit du 12-13 juillet 1942.

97 Selon le préfet, les deux dirigeants du RNP en 1942 sont des gens peu recommandables : d’abord, un escroc « notoirement taré » protégé par les Allemands, puis une ancien fonctionnaire de l’inspection du travail suspendu pour incompétence, violence « notoirement déséquilibré ». La recherche du pouvoir et l’intérêt semblent motiver de tels individus.

98 Théo Hamon apparaît selon les RG dans plusieurs organigrammes en 1942-1943 (CGT de Belin, bureau départemental du RNP, groupe Collaboration, COSI) jusqu’à sa démission en mars 1944 de toutes ses fonctions. Mais il est sans doute en liaison avec la résistance car après la Libération il reste un des dirigeants de la CGT, même après sa prise de contrôle complète par les communistes. La fédération du Livre CGT qui n’a pas suivi la scission de FO est restée à la CGT en 1948.

99 Cédérom du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, notice de Jean Maitron.

100 Lemonnier partage l’analyse de certains cercles venus de l’aile droite de la SFIO ou de la CGT selon laquelle l’Allemagne nazie aurait atteint un régime « intermédiaire » non plus capitaliste mais présocialiste.

101 G. Lemonnier refuse de suivre son chef en Allemagne. Arrêté à Paris en avril 1945, il est condamné le 20 mai 1947 à quatre ans de prison par la cour de justice de la Seine, mis en liberté conditionnelle le 11 novembre 1947, amnistié en 1951. Avec Albertini, sous le nom de Claude Harmel ou de René Milon, Lemonnier participe jusqu’aux années 1980 aux officines de propagande anticommunistes qui se développent avec la guerre froide.

102 Bernard Bruneteau, « L’Europe nouvelle » de Hitler. Une illusion des intellectuels de la France de Vichy, Monaco, éd. du Rocher, 2003, p. 293-307.

103 Philippe Burrin, La dérive fasciste, op. cit., p. 452. Le 4 décembre 1943, Lemonnier écrivait dans Le National-Populaire : « Nul ne demande que la race hébraïque soit jetée hors de l’humanité, et les voix les plus autorisées de l’Allemagne ont proclamé à maintes reprises que la seule solution au problème juif était dans la création d’une nation israélite qui rassemblerait les Hébreux et les arracherait à leur vie parasitaire. » Ignore-t-il ou feint-il d’ignorer que « la solution finale » est mise en œuvre depuis plusieurs mois par les nazis ?

104 Alain Déniel, Bucard et le Francisme, Paris, éd. Jean Picollec, 1979. Ce parti fasciste aurait compté de 8 000 à 10 000 adhérents en France avant la guerre.

105 Ibid., p. 62-63.

106 À Ploërmel, le 4 mai 1943, ils se heurtent au maire, l’ancien sénateur et député de la Fédération républicaine, le Dr Guillois, et au chef de la gendarmerie. La foule les prend à partie. Les notables et les villes de droite rejettent les ultras de la collaboration.

107 Des Francistes arrêtés par la police à Vannes sont libérés sur intervention allemande.

108 Yves Durand, « Bilan provisoire de l’enquête sur la Collaboration », CHDGM, 1976.

109 Collaboration aurait 190 sympathisants à Rennes et en Ille-et-Vilaine en mai 1943.

110 Georges Cadiou, op. cit., p. 96.

111 Christian Bougeard, thèse citée, p. 781-783.

112 En juin 1944, il pourchasse les parachutistes SAS après la destruction du maquis de Saint-Marcel. Il sera fusillé le 17 juillet 1946. À l’été 1942, il a obtenu des Allemands la démission du maire de Loudéac. Un autre délégué de la LVF est identifié comme un ancien malade de l’hôpital psychiatrique de Dinan.

113 À Brest, chassé du MSR, Mallet devient le responsable de la LVF en 1942.

114 En 1942, 50 hommes s’engagent dans la LVF en Ille-et-Vilaine dont plusieurs Algériens de l’OT. En 1944, 22 hommes résidant en Ille-et-Vilaine rejoignent la Waffen-SS.

115 M.-H. Butler a retrouvé une liste de 13 agents français au service du SD venant du RNP, du PPF et du PNB.

116 En représailles de l’exécution de Philippe Henriot par la Résistance à Paris, ces individus assassinent trois personnalités rennaises et en blessent une quatrième dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 1944.

117 Marcel Baudot, Libération de la Bretagne, Paris, Hachette, 1973, p. 44-49.

118 Dans les Côtes-du-Nord, sur l 240 internés en 1944-1945, 24 % le sont pour collaboration politique ou militaire dont 103 (9,9 %) pour appartenance à un parti collaborationniste.

119 Marc Sadoun, Les socialistes sous l’Occupation, Paris, PFNSP, chap. II, p. 105-106.

120 L’expression est de Michel Denis dans une mise au point magistrale : « Le mouvement breton pendant la guerre. Un bilan », Christian Bougeard (dir.), Bretagne et identités régionales pendant la Seconde Guerre mondiale, Brest, UBO-CRBC, 2002, p. 151-166.

121 Mobilisé, Laîné est arrêté et condamné à 5 ans de prison.

122 C’est le chiffre avancé par Georges Cadiou, op. cit., sans préciser sa source.

123 Roger Leroux, Le Morbihan en guerre, op. cit., p. 56-67. Selon Le Nouvelliste du Morbihan, 93 PG ont été rapatriés en car le 29 juin 1940.

124 Fréminville, rédacteur en chef du journal, et Moyse démissionnent de leurs responsabilités.

125 Le nouveau rédacteur en chef de L’Heure Bretonne, Jos Jaffré, vient du Nouvelliste du Morbihan.

126 Il est secondé par ses deux frères, Yves qui a participé à la fondation du PNB en 1931, et Hervé, médecin.

127 Pour une mise au point récente sur ces questions, voir Ronan Calvez, La Radio en langue bretonne. Roparz Hemon et Pierre-Jakez Hélias : deux rêves pour la Bretagne, Rennes, PUR-CRBC, 2000 et les communications de Michel Denis, Daniel Le Couédic, Ronan Calvez, Lionel Boissou dans Bretagne et identités régionales, op. cit.

128 De Quélen est un proche de Laîné qui a appartenu à Gwenn ha Du et au Kadervenn

129 En Loire-Inférieure Yves Favreul-Ronarc’h démissionne rapidement et est remplacé par Germain Breton. Albert Guillou dirige les Bretons dits de l’étranger (hors de Bretagne). En fait Fravreul-Ronarc’h a fait scission pour fonder une section nationale-socialiste, « Brezona ». Hervé Le Boterf, auteur de La Bretagne dans la guerre, publiée de 1969 à 1971, a milité au PNB à Nantes.

130 Bertrand Frélaut, Les Nationalistes bretons de 1939 à 1945, Braspart, Beltan, 1985.

131 Roger Leroux, op. cit., signale le cas d’un boulanger qui adhère à la demande de son minotier. Or, en ces temps de pénuries, être ravitaillé en farine est indispensable.

132 Roger Leroux, op. cit., p. 269-271.

133 Kristian Hamon, Les nationalistes bretons sous l’Occupation, Le Relecq-Kerhuon, éd. An Here, 2001.

134 C’est par exemple le cas de Plessala, près de Loudéac, où Paul Gaïc qui écrit parfois dans le journal s’agite beaucoup mais est bien seul. Il est exécuté par la résistance en 1944. Aussi l’indicateur retenu par Bertrand Frélaut, op. cit., du nombre de comptes rendus parus dans le journal pour classer l’activité des sections ne doit pas faire illusion. Ce n’est en aucun cas un reflet de l’implantation militante réelle. Voir Christian Bougeard, thèse citée, p. 793-803.

135 De façon significative, en janvier 1941 à Carnoët, un clerc de notaire qui a organisé une réunion de sympathisants est accueilli par un jet de pierres de femmes de prisonniers.

136 Ainsi, à Lannion, André Geffroy du Service spécial de Laîné est condamné en 1941 à 45 jours de prison pour avoir déposé un bidon explosif devant la gendarmerie de Carhaix pour protester contre la création par Vichy d’une région Bretagne à quatre départements.

137 Georges-Michel Thomas et Alain Le Grand, Le Finistère dans la guerre, op. cit., p. 364. On est loin des 5 000 à 6 000 abonnés annoncés par Jos Jaffré, l’ancien rédacteur en chef, dans son témoignage recueilli par B. Frélaut… Un fichier de 1 500 abonnés a été retrouvé par Alain Le Grand.

138 Henri Fréville, Archives secrètes de Bretagne 1940-1944, Rennes, éd. Ouest-France, 1985. Plusieurs documents des archives allemandes du Majestic précisent la stratégie de l’occupant. Dans une lettre du 13 décembre 1940, au moment de l’éviction de Mordrel, le baron von Tiesenhausen recommande le soutien à « l’organisation extrémiste » – le PNB – pour que « l’organisation modérée soit efficace », celle de Y. Fouéré.

139 Christian Bougeard, thèse citée, p. 795.

140 Alan al Louarn est le chef de la région de Quimper, secondé par les deux frères Le Berre.

141 AD Finistère. 31 W 389. Liste nominale non datée des individus à arrêter immédiatement, en second lieu et à surveiller.

142 Jean-Jacques Monnier, « Des militants bretons dans la Résistance », La Bretagne et les identités régionales, op. cit., p. 101-118.

143 Elle sera exécutée par la résistance en 1944. Son château sert aussi de lieu d’entraînement des miliciens bretons.

144 Pour les Allemands, cette formation s’appelle : Die Bretonischer Waffenverband der SS.

145 Voir la récente mise au point de Kristian Hamon, Le Bezen Perrot, Fouesnant, Yoran Embanner, 2005. D’autres groupes participent à la traque des résistants : le groupe Vissault de Coëtlogon et le Kommando de Landerneau comptant des militants bretons extrémistes. Voir Georges Cadiou, op. cit., p. 217-227.

146 Dans cette fuite, trois miliciens bretons au moins participent avec les Allemands à l’exécution de 49 résistants, sortis de la prison de Troyes, et fusillés dans la forêt de Creney.

147 Voir le colloque Bretagne et identités régionales, op. cit., en particulier nos conclusions, p. 393-406.

148 Il n’est pas question de refaire ici l’histoire de la Résistance, mais de voir le rôle des hommes et des forces politiques. Voir Christian Bougeard, Histoire de la Résistance en Bretagne, Paris, éd. Jean-Paul Gisserot, 1992. Pour les problématiques, voir François Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, Robert Laffont, 2006.

149 Christian Bougeard, Tanguy Prigent, op. cit., chap. VII.

150 Sur la sociologie de la résistance, voir les concepts d’intentionnalité et de fonctionnalité forgés par Fr. Marcot, et les travaux de P. Laborie, op. cit.

151 Roger Leroux, op. cit., p. 321-324.

152 Noëlline Castagnez, Socialistes en République. Les parlementaires SFIO de la IVe République, Rennes, PUR, 2004, p. 38.

153 Ainsi Yves Henry, représentant de la CGA au CDL, député de la SFIO aux deux assemblées constituantes vient du FN.

154 Erwan Crouan, op. cit., p. 68-85.

155 Roger Leroux, op. cit., p. 406-407. Camenen avait battu Marchais aux cantonales à Vannes est en 1937.

156 Tristan a hébergé des parachutistes SAS pourchassés après la destruction du maquis de Saint-Marcel et il assure des liaisons entre les bataillons FFI. Il obtient le grade de commandant FFI.

157 Christophe Rivière, maîtrise citée, p. 67-68.

158 Christian Bougeard, thèse citée, p. 1564-1569.

159 Dont quatre PPF, un RNP, trois PNB.

160 Au début août, deux chefs du PPF sont exécutés : Bérest à Saint-Brieuc et le colonel Taton à Saint-Quay-Portrieux. Ils sont soupçonnés de délation de résistants.

161 Thierry Guidet, Qui a tué Yann Vari Perrot ?, Brasparts, éd. Beltan, 1986. Bricler est un des fondateurs de Breiz Atao en 1919 et un administrateur de Stur. On trouve dans son coffre-fort une liste de 200 résistants finistériens adressée à Mordrel qui était chargé de la transmettre « à qui de droit », c’est-à-dire aux Allemands. Selon R. Leroux, l’ordre d’exécution serait venu de Londres, p. 270. L’enterrement se déroule sous protection militaire allemande pour éviter tout incident avec des Quimpérois hostiles et peu affectés par cette mort violente.

162 Le maréchaliste Mgr Duparc préside les obsèques en présence de nombreuses personnalités de toutes les composantes du mouvement breton. Au-delà de son combat culturel, l’abbé Perrot incarne un catholicisme breton traditionaliste, très anticommuniste et hostile à la Résistance. Cela n’en fait pas un collaborationniste pour autant – dans des lettres il dénonce la dérive païenne et militariste de Laîné – mais sa proximité avec des nationalistes du PNB venus de son mouvement Feiz ha Breiz en fait une cible symbolique. Le cas Perrot provoque de multiples controverses. Dans les années 1980, des résistants communistes ont avancé qu’ils avaient reçu l’ordre d’exécution de Londres par un agent du BOA.

163 Il y aurait eu deux frères tués à Nantes.

164 Mordrel dans ses Mémoires cite 31 noms.

165 Roger Leroux, op. cit., p. 266 et 286.

166 AD Finistère 31 W 389. Liste nominale citée.

167 Luc Capdevila, « Le mouvement breton face à l’Épuration », Bretagne et identités régionales, op. cit., p. 337-351.

168 Nicolas Blottière, Trajectoires de la collaboration radicale en Bretagne (1940-1948), maîtrise d’histoire, Rennes 2, 2001, p. 32-40.

169 51 à Quimper, 32 à Vannes, 19 à Saint-Brieuc, 15 à Rennes. À Vannes 10 sur 32 sont acquittés ou relaxés mais 2 sur 51 seulement à Quimper.

170 Marc Bergère, Une société en épuration. Épuration vécue et perçue en Maine-et-Loire. De la Libération au début des années 1950, Rennes, PUR, 2004, chap. III.

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