Chapitre IV. Les gauches au temps du Front populaire
p. 127-172
Texte intégral
1Les enjeux politiques, les tensions et les crises politiques, économiques, sociales voire de l’identité nationale bouleversent les rapports de force politiques à gauche comme à droite dans la décennie qui précède le déclenchement du second conflit mondial. La Bretagne n’échappe pas aux bouleversements politiques et sociaux nationaux dans un contexte de montée du fascisme et du nazisme en Europe et des risques de guerre. Sur le plan intérieur comme face aux questions internationales, modérés et centristes des deux camps sont conduits à choisir leur camp, surtout à partir de 1934 qui introduit une radicalisation à droite du fait de la constitution du Front populaire, cette alliance électorale qui intègre pour la première fois le Parti communiste français au sein de la gauche française, provoquant le rejet de bon nombre de notables qui campaient à la charnière du centre gauche et du centre droit. D’une certaine manière les élections législatives de 1936 imposent une clarification, en Bretagne comme au plan national, du positionnement gauche-droite qui est d’ailleurs défavorable à la gauche dans la région. En même temps, les affrontements des années 1930 entraînent une structuration des partis politiques, à gauche chez les radicaux-socialistes, comme à droite. Avec l’éclatement du « parti républicain », les grands notables qui occupent la scène politique depuis le début du siècle ou depuis 1919 doivent de plus en plus entrer dans des logiques partisanes qui ne correspondent guère à leur culture politique, ni à leurs pratiques notabiliaires et clientélistes. Des facteurs de modernisation de la vie politique sont à l’œuvre dans les années 1930 qui s’ouvrent en 1932 sur une poussée de la gauche radicale en Bretagne1.
La progression des gauches en Bretagne lors des élections législatives
2Le nombre de candidats présentés reflète indirectement l’état des forces politiques de gauche, surtout en 1932 avant les accords de Front populaire. Si les communistes présentent par principe des candidats partout, ce qui explique des moyennes très faibles, ce n’est le cas ni des socialistes, ni des radicaux-socialistes qui ne gaspillent ni leurs forces ni leurs moyens financiers. Toutefois, par rapport à 1928, ces deux partis directement concurrents à gauche présentent davantage de candidats en 1932 et 1936 (tableau 1).

Tableau 1 – Les candidats au 1er tour et les élus radicaux-socialistes et SFIO aux élections législatives de 1932 et 1936 en Bretagne2.
3Le nombre de candidats radicaux-socialistes (25) culmine en 1932 avec un net tassement en 1936 qui traduit plus les difficultés d’un parti peu présent dans les trois départements de Haute-Bretagne que des accords de Front populaire de non-présentation de candidats contre des socialistes. Le recul en voix en Bretagne est encore plus marqué puisque le Parti radical-socialiste passe d’une moyenne de 13,35 % des inscrits au premier tour en 1932 (2,5 % de moins que sa moyenne nationale) à 8,70 % en 1936, soit une baisse de 4,65 % comparable au recul général du parti (tableau 2). Avec près de 21 % des inscrits et 28,66 % des suffrages exprimés le 26 avril 1936 au premier tour, il reste néanmoins la première force politique des Côtes-du-Nord où la participation a atteint 81 % des électeurs (84,3 % au niveau national)3. La concurrence de la SFIO sur les terres radicales et bleues est évidente d’autant plus qu’elle est très présente au premier tour en 1932 comme en 1936. La nouveauté en 1936 est que le poids respectif de la représentation parlementaire s’inverse entre les radicaux-socialistes et la SFIO par un glissement de l’électorat des premiers vers les seconds. En ce sens, l’électorat breton s’inscrit parfaitement dans une évolution nationale qui fait qu’au second tour, dans la dynamique du Front populaire, la SFIO bénéficie des suffrages de toute la gauche comme les radicaux auparavant. L’apogée du radicalisme s’est produit en Bretagne en 1932 car après les reclassements des radicaux centristes elle compte 13 députés4, près du tiers des députés bretons, mais en même temps la progression de la SFIO se poursuit passant dans les zones urbaines et industrielles de trois à cinq députés. En 1936, le rapport des forces à gauche favorise les socialistes : huit députés contre six alors qu’ils présentaient deux candidats de moins (32 contre 34).
4Pourtant, dans les départements où ils sont mieux implantés, les radicaux-socialistes ont tenté au début des années 1930 de mettre en place des structures partisanes et militantes permanentes en dehors des périodes électorales dans le cadre d’une réorganisation générale du parti5. Jusqu’alors l’activité des radicaux-socialistes se confond le plus souvent avec celle des comités républicains, voire avec celle des comités radicaux-socialistes actifs dans les principales villes. Leur activité épisodique s’anime à l’approche des élections surtout lorsqu’il s’agit de désigner des candidats lors de congrès d’arrondissement ou départementaux qui réunissent les élus et les militants de gauche et de centre gauche radicaux-socialistes, radicaux-indépendants, républicains radicaux, mêlant les élus et les militants laïques les plus clairement engagés à gauche avec les modérés qui se reconnaissent dans cette sensibilité contre la droite catholique. La coloration politique et l’étiquette dépendent beaucoup de la coloration du grand notable dominant. Dans les Côtes-du-Nord, le comité de Lannion dominé par le maire Soisbault est plus modéré ; celui de Guingamp dirigé par André Lorgeré plus à gauche ; et celui de Dinan par Michel Geistdoerfer encore plus à gauche6. Mais l’essor militant et la concurrence de la SFIO, puis du PCF à partir de 1935-1936, conduisent les radicaux-socialistes bretons à apparaître plus nettement sur la scène politique, en dehors de leurs grands notables, pour exister surtout avec la mise en place du Front populaire. En Bretagne, des fédérations départementales radicales-socialistes avec des congrès, des instances élues et des responsables connus se structurent dans les années 1932-1933 à la faveur des succès électoraux aux élections législatives.
5En Ille-et-Vilaine, département modéré peu favorable à l’affirmation d’une gauche radicale bien différenciée dans le camp républicain, en janvier 1932, le président de la fédération radicale-socialiste veut clarifier la situation7. À Saint-Malo, le fief du maire Alphonse Gasnier-Duparc qui va être élu sénateur, 90 personnes constituent une section radicale-socialiste mais une majorité seulement se prononce pour la suppression du comité républicain8. L’affirmation d’une identité politique propre n’est pas facilement acceptée car elle implique une clarification politique souhaitée par les militants alors que bon nombre d’élus se contentent d’étiquettes floues à l’instar de Guy La Chambre qui n’affirme jamais son appartenance à la mouvance radicale-socialiste. Au contraire Gasnier-Duparc pousse à cette clarification. Pour pouvoir s’affirmer, le Parti radical-socialiste doit souvent imposer son choix contre ses grands notables divisés partout par des querelles de personnes, de préséance et de postes. Dès 1932 en Bretagne et surtout à partir de 1934, le radical-socialisme et ses élus sont contraints de choisir leur camp et de se positionner par rapport au Front populaire, un choix fait majoritairement par les fédérations bretonnes qui ont besoin du report des voix socialistes, voire communistes.
6Dans les Côtes-du-Nord où le radical-socialisme est plus influent et de loin le premier parti de gauche, en voix et en élus, une fédération départementale s’organise en 1933 sur la base des comités locaux existants. Celui de Saint-Brieuc, d’une centaine de membres est présidé en décembre 1931 par Gaston Lefebvre, un commerçant en meubles briochin, et Pierre Michel (vice-président), un agriculteur, maire de Trémuson et conseiller général de Saint-Brieuc nord (1928)9. Chaque année une assemblée des adhérents élit un bureau. Comme des comités radicaux se sont formés dans plusieurs cantons en 1931, il devient indispensable de fédérer toutes ces organisations après les succès des élections législatives de 193210. Appuyée par les Briochins, l’initiative est prise en mars 1933 par André Lorgeré pour l’arrondissement de Guingamp, suivie le 6 mai par les militants de celui de Lannion en présence de l’ancien ministre Dalimier. Sept parlementaires des Côtes-du-Nord (cinq députés et deux sénateurs) sont à l’origine de la fédération radicale-socialiste présidée par le député Lorgeré, assisté du sénateur Meunier, président d’honneur, et du secrétaire général G. Lefebvre11. Le Parti radical-socialiste a un véritable fonctionnement démocratique. Par exemple, le 6 avril 1933, 120 militants préparent à Saint-Brieuc le congrès de Clermont-Ferrand : ils débattent d’une réforme électorale et du mode de scrutin. Lors du congrès fédéral du 29 avril, ils appellent à l’exclusion des parlementaires de leur parti impliqués dans les scandales et à la défense des institutions républicaines contre les ligues et les entreprises fascistes. Les députés Michel et Cornu, en marge du parti depuis un an, participent à cette mobilisation militante, ce qui provoque une scission du « parti républicain » et des « élus radicaux » des Côtes-du-Nord au grand dam de Louis de Chappedelaine qui polémique avec Lorgeré12. L’ancrage à gauche du Parti radical-socialiste rejette au centre gauche, voire au centre droit, une partie des notables se réclamant jusque-là du radicalisme et cette évolution est accentuée par les événements du 6 février 1934. Mais en même temps, la nécessaire concentration républicaine après le 6 février est facteur de division et de luttes internes au Parti radical-socialiste. Ainsi Michel Geisdoerfer, dans une lettre adressée au congrès extraordinaire de sa fédération le 29 avril 1934, reproche à son collègue Lorgeré d’avoir été secrétaire d’État à l’Éducation physique avec Louis de Chappedelaine du 30 janvier au 7 février 1934. Or, ce gouvernement a été formé par Édouard Daladier, le leader du parti… Intérêts locaux et enjeux nationaux peuvent diverger alors que d’autres vieux notables (les sénateurs Even et de Kerguézec, anciens républicains-socialistes) acceptent mal la discipline partisane. En fait Geistdoerfer conteste la direction de Lorgeré sur la fédération et présente sa démission. Du coup, Lorgeré est réélu à l’unanimité par un parti qui compterait alors 1 800 adhérents et de nombreux comités. Même si ces chiffres sont exagérés, le Parti radical-socialiste est bien la première force politique organisée des Côtes-du-Nord en 1934 et c’est sans doute aussi le cas dans le Finistère. On y retrouve les courants qui agitent ce parti entre partisans de Daladier (le comité de Merdrignac) plus à gauche et partisans de Herriot et de Chautemps (le député Cornu). Dans les Côtes-du-Nord, les querelles de personnes très nombreuses jusqu’à la guerre, notamment lors des élections sénatoriales de 1938, éclipsent parfois les divergences politiques. La dynamique du Front populaire va néanmoins entraîner le Parti radical-socialiste vers la gauche alors que l’extrême gauche, ou du moins les partis perçus comme tels en Bretagne, en pâtissent parfois lors des élections législatives de 1932.
Les progrès de la SFIO et l’extrême faiblesse du PCF en 1932
7La SFIO présente 34 candidats en Bretagne qui recueillent 16,88 % des suffrages exprimés obtenant cinq sièges (quatre députés sortants) grâce à un deuxième député en Loire-Inférieure. La poussée radicale-socialiste a sans doute freiné cette progression socialiste dans le Finistère et les Côtes-du-Nord. En revanche, elle se poursuit en Basse-Loire dans un département où la SFIO (avec un candidat de plus) a gagné 5,4 % depuis 192813. À Saint-Nazaire 1, le maire socialiste François Blancho, secrétaire de la Chambre sortante, renforce son implantation en étant réélu dès le 1er tour contre un aristocrate avec 50,49 %. Le processus de renforcement électoral se concrétise à Nantes où les candidats de la SFIO gagnent 80 % des voix alors que les radicaux en perdent 25 %, le centre gauche et la droite 31 %. Eugène Leroux (1871-1958), candidat depuis 1919, directeur des Entrepôts coopératifs, adjoint au maire et conseiller général du 7e canton de Nantes depuis 1925, l’emporte dès le 1er tour à Nantes 2 (52,5 %) contre le candidat de droite Abel Durand. Il avait déjà obtenu 39,5 % au 1er tour en 1928. La captation de l’électorat « bleu », républicain laïque et radical, est en cours avec la disparition de notables de droite ou briandistes. Mais les campagnes contrôlées par les aristocrates sont toujours aussi répulsives vis-à-vis du socialisme14.
8Dans le Morbihan, la dynamique électorale enclenchée en 1930 porte aussi ses fruits en 1932 dans un contexte d’affrontement droite-gauche clairement identifié. La SFIO présente des candidats dans cinq circonscriptions (une de plus que les radicaux) mais est absente à Vannes 1. Louis L’Hévéder est facilement réélu dès le 1er tour à Lorient 1 avec 64,1 % des voix contre un radical-socialiste et un communiste15. Dans les deux autres circonscriptions de Lorient, plus rurales, Cren et Le Goff obtiennent entre 14 % et 17 % des voix, de même que l’instituteur Jean Le Coutaller à Pontivy 2 (14,4 %). Mais à Vannes 2, son collègue Jean Bouger ne recueille que 340 voix (2 %). À Lorient 2 et à Pontivy 2, Cren et Le Coutaller se désistent en faveur des députés sortants (un rad.-indép. et un rad.-soc.) permettant leur réélection contre la droite. Grâce au succès de L’Hévéder, la SFIO obtient 16 132 voix en 1932 dans le Morbihan, soit une moyenne de 22,26 % des suffrages exprimés là où elle est présente. Avec un doublement des voix depuis 1928, la progression est spectaculaire alors que le PCF a des résultats très faibles pour ses huit candidats (1 796 voix, 1,39 % en moyenne) (tableau 2).
9Dans son bastion du Finistère, la SFIO réorganisée par le nouveau secrétaire fédéral Guy Le Normand, connaît des difficultés depuis la perte de la municipalité de Brest et le départ du parti de son député brestois Émile Goude en 1929, à l’occasion des élections sénatoriales16. Depuis, Goude qui a fait amende honorable et ses partisans demandent sa réintégration mais son adversaire Hippolyte Masson s’y oppose et les choses traînent en longueur. Néanmoins, en 1932, la SFIO n’envisage pas de présenter un candidat contre lui à Brest 1 à condition qu’il défende le programme socialiste17. Les militants font campagne pour lui et avec l’entrée au Sénat du radical Le Gorgeu, il n’a pas vraiment d’adversaires de taille si bien que Goude est réélu dès le premier tour avec 56,2 % des voix. Contre P. Lohéac, son adversaire de droite de 1928, H. Masson est réélu au second tour à Châteaulin 2-Carhaix avec un écart de 447 voix comparable à celui de 1928. La SFIO conserve donc deux députés dans le Finistère (avec Goude comme apparenté) sans bénéficier de la poussée électorale de la gauche. Au contraire, même dans le Finistère sud, coincés entre les radicaux et le vote communiste, les candidats de la SFIO voient leur capital électoral de 1928 s’effriter18. Contre l’inamovible député du PDP Paul Simon à Brest 2, le maire de Landerneau Jean-Louis Rolland (1929) rassemble 22,19 % des voix malgré la présence d’un radical-socialiste et d’un communiste (1,56 %) progressant de trois points sur 1928. Et à Morlaix, ce sont les voix du socialiste Le Normand qui permettent l’élection du radical-socialiste Pierre Mazé au second tour contre le sortant Bourgot (rép.-soc.) soutenu de fait par la droite. C’est à cette occasion qu’un jeune militant paysan, Tanguy Prigent, fait ses premières armes électorales. Il va brûler rapidement les étapes.

(1) Pour les radicaux-socialistes, il s’agit du pourcentage des inscrits alors que pour le PCF et la SFIO c’est celui des suffrages exprimés.
(2) Moyenne sur les circonscriptions ayant un candidat.
Tableau 2 – Les résultats des partis du Front populaire au 1er tour aux élections législatives de 1932 et 193619.
10La situation est encore moins favorable dans les Côtes-du-Nord où, faute d’accord avec le Parti radical, les socialistes ont décidé de présenter des candidats dans toutes les circonscriptions, des hommes souvent nouveaux, peu connus ou parachutés de l’extérieur qui font des résultats insignifiants20. Le vote utile à gauche dès le 1er tour a certainement joué dans les circonscriptions disputées21. À Dinan 1, opposé à Michel Geistdoerfer le député (rad. soc.) sortant réélu dès le 1er tour, le secrétaire fédéral Guy Voisin ne recueille que 35 voix (0,29 %) et démissionne de ses responsabilités fédérales22. Avec moins de 10 000 voix dans le département (10 % de moins qu’en 1928 avec trois candidats supplémentaires), la SFIO subit un revers partout sauf à Lannion. L’agriculteur Tasset (9,2 %, - 29,6 % sur 1928) paie cette fois la présence d’un candidat radical-socialiste. Cet échec général n’est atténué que par la belle percée du militant paysan Philippe Le Maux dans le Trégor qui recueille 27,5 % des suffrages exprimés (+ 20,4 % sur 1928) talonnant le radical Yves Le Gac qui sera élu au 2e tour à Lannion grâce au désistement de Le Maux. À lui seul, Le Maux a recueilli 57,6 % de toutes les voix socialistes des Côtes-du-Nord.
11L’Ille-et-Vilaine est le département le plus difficile pour les socialistes qui ne figurent qu’exceptionnellement au second tour là où ils se présentent dans les circonscriptions de Rennes, de Saint-Malo et de Fougères. Avec 14 769 voix au premier tour en 1932, 11,58 % des suffrages exprimés (mais 19 % pour leurs quatre candidats), la SFIO gagne 4,6 % sur 1928 surtout du fait du fort recul du PCF mais sa progression en voix est très limitée23. Seul l’ancien député Aubry est présent au second tour à Rennes 1.
12En 1932, le recul est général pour les communistes de la région qui sauf dans le Finistère (5,5 %), grâce à son bastion de Douarnenez et à son implantation sur la côte sud, n’obtient en moyenne que 2,24 % des suffrages exprimés (tableau 2) et la moitié moins quand il peut maintenir ses candidats au second tour. Le PCF est réduit à une poignée de militants sur le terrain : 99 en Loire-Inférieure où presque tous les candidats ont été changés depuis 1928 et où le Parti perd près de la moitié de ses voix (2 536) ne recueillant que 1,43 % des suffrages exprimés24. Dans le Morbihan, le PCF n’obtient que 1 796 voix, 1,39 %, et 1 933 en Ille-et-Vilaine, 1,52 % (- 36,26 %)25 ; ses résultats sont très faibles là où un socialiste ou un radical réellement de gauche est candidat26. La proportion est identique dans tous les départements bretons (de 1,3 à 1,5 % des suffrages exprimés), ce qui traduit l’extrême faiblesse du Parti après les crises internes de la fin des années 1920 et l’effet désastreux de la ligne « classe contre classe ». La campagne vise la bourgeoisie de gauche et en premier lieu la SFIO et son « social-patriotisme ».
13Cette évolution est conforme au niveau national : le PCF perd 270 000 voix passant de 11,38 à 8,33 % des suffrages exprimés (6,9 % des inscrits) et il ne conserve que dix députés. Il en est bien loin en Bretagne, y compris dans les régions de tradition bleue ou rouge. Dans les Côtes-du-Nord, avec 1 652 électeurs (1,34 %), le PCF perd entre la moitié et les deux-tiers de ses suffrages de 1928. Mais à Lannion où socialistes et communistes militent ensembles dans les campagnes contre les ventes-saisies autour de La Charrue Rouge du leader socialiste Augustin Hamon, le désistement de Sevestre est envisagé pour Philippe Le Maux27. Les six candidats communistes qui peuvent se maintenir au 2e tour n’obtiennent que 0,32 % des suffrages ; l’électorat communiste ne suit pas les consignes du parti, préférant voter pour le candidat de gauche en lice (radical). Le PCF ne résiste guère que dans certains de ses bastions du Finistère. Qu’en est-il du mouvement breton encore plus minoritaire dans la société bretonne.
Du PAB à la Ligue fédéraliste bretonne : un mouvement breton de gauche ?
14Quelques militants du mouvement breton issus de la fraction de gauche du Parti autonomiste breton (PAB) vont s’intégrer dans la mouvance du Front populaire dans les années 1934-1936. La question du positionnement politique du second Emsav apparu en 1919 en Bretagne se pose d’autant plus que ses responsables rejettent les partis nationaux français et refusent se situer par rapport à l’axe gauche-droite en s’affirmant Bretons seulement. Leur slogan électoral n’est-il pas : « Na ruz, na gwenn, Breiziz hepken – Ni Rouge, ni Blanc, Bretons seulement28. »
15Le mouvement Breiz Atao, Bretagne toujours, du nom de sa publication, fondé en 1919 par une génération de jeunes militants, est l’héritier du bretonnisme du XIXe siècle très conservateur et d’un régionalisme qui prend sa source dans les idées de droite, voire contre-révolutionnaires et anti-républicaines. Mais en posant en 1919 la question des minorités nationales, certains de ses promoteurs reprennent les thèses du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes appliquées aux peuples des Empires vaincus en 1918 et aux nouveaux États indépendants d’Europe mais refusées par la République une et indivisible.
16Lors de sa fondation en août 1927, le PAB avait affirmé des orientations fédéralistes et démocrates et la question de la langue bretonne et de son enseignement était posée par des instituteurs laïques comme Yann Sohier dans le Trégor29. Refusant en apparence le clivage droite/gauche, le PAB est alors dirigé par des intellectuels, des hommes très marqués à droite (Olivier dit Olier Mordrel [le] et Francis Debauvais) et des hommes de sensibilité de gauche (Morvan Marchal et Morvan Duhamel) (fig. 16 pl. XV du cahier couleur). Influencé par le modèle irlandais et le martyre de ses militants lors de l’insurrection avortée de la Pâques 1916, le mouvement breton évolue au milieu des années 1920 du panceltisme vers le fédéralisme européen, un fédéralisme des nationalités. Dans sa Déclaration de Châteaulin (1928), le PAB refuse le séparatisme pour préconiser une « autonomie administrative et politique ». Le PAB (environ 400 membres) regroupe ses sections, souvent existantes sur le papier comme Mordrel l’a reconnu dans ses mémoires, en neuf fédérations par « pays ». Celle du Trégor (quelques adhérents et sympathisants) est dirigée par Yann Sohier élu en 1929 par l’assemblée générale des sections (Tréguier, Lannion, Guingamp)30.
17En avril 1930, à l’occasion de l’élection législative partielle de Guingamp 2 qui doit pourvoir au remplacement d’Yves Le Trocquer entré au Sénat, le parti autonomiste présente pour la première fois un candidat aux élections en Bretagne. Il s’agit de Goulven Mazéas, négociant à Guingamp, candidat « républicain fédéraliste ». Dans ses affiches, il avance des revendications économiques et sociales précises, réclame « l’autonomie bretonne dans le cadre français » et se prononce pour le pacifisme : « l’entente des peuples et la Paix ». Le PAB lance toutes ses forces dans la bataille en tenant 48 réunions en quinze jours. Avec 349 voix au 1er tour (2,55 % des voix) le 6 avril, Mazéas arrive en 7e position loin derrière ses concurrents31. Son maintien au second tour (376 voix, 2,8 %) permet l’élection du candidat de la droite, le marquis Oswen de Kérouartz, qui ne l’emporte que de 67 voix sur le radical-socialiste William Loth. D’une certaine façon, le maintien du candidat breton comme généralement ceux du PCF, vient perturber l’affrontement classique droite-gauche de second tour. Or, à Guingamp 2, le PCF n’a pas présenté de candidat malgré la présence de sa plus importante cellule qui ne se réunit plus. En effet, le PCF est en crise (77 adhérents dans les Côtes-du-Nord en juin 1930) en partie du fait de l’attraction du PAB sur certains de ses militants de la région32. Selon un rapport au bureau politique d’un responsable de la région bretonne, des militants communistes auraient même rejoint le PAB quand d’autres auraient proposé le front unique avec ce parti lors de l’élection législative partielle de 1930. Il semble que c’est ce qui s’est produit, des communistes soutenant la campagne de Mazéas. C’est aussi ce transfert militant qui pourrait expliquer le gauchissement du discours et des pratiques de la Ligue fédéraliste de Bretagne dans les années 1932-1935. Le PCF qui défend alors les revendications autonomistes et linguistiques des Alsaciens, des Corses et des Bretons en fustigeant le centralisme de l’État français bourgeois a été pris au piège de son propre discours.
18Cette campagne électorale a coûté cher et le PAB au bord de la banqueroute doit arrêter la parution de son hebdomadaire Breiz Atao. Ce qui déclenche une grave crise interne à la fin 1930, la fraction fédéraliste du PAB s’opposant au courant nationaliste de Mordrel et Debauvais. Ses leaders, Marchal et Duhamel démissionnent. Au congrès de Rennes des 11 et 12 avril 1931, les tenants de la droite extrême veulent purger le parti de ses « éléments troubles », c’est-à-dire les fédéralistes33. Les fédéralistes avec Goulven Mazéas de Guingamp gardent provisoirement la direction du PAB et son journal rebaptisé La Nation Bretonne mais le parti disparaît au congrès de Guingamp en août 1931 où les nationalistes fondent une nouvelle formation, le Parti national breton (PNB) clairement positionné à droite. L’échec électoral a révélé les contradictions internes et provoqué l’éclatement de L’Emsav déchiré entre conceptions de gauche et idéologie nationaliste de droite.
19Les fédéralistes avec Mazéas, Marchal et Duhamel fondent alors la Ligue fédéraliste de Bretagne qui publie La Bretagne fédérale et va évoluer plus nettement vers la gauche. Une poignée de militants du Trégor lance en juillet 1931 une publication nationaliste, « de tendance séparatiste » qui se veut d’extrême gauche War Zao, Debout !, « l’organe du Parti Breton Nationaliste Révolutionnaire » (PBNR). Cette feuille est diffusée dans le Trégor et le pays de Guingamp et ses militants participent activement le 7 août 1932 à une intervention contre une vente-saisie à Squiffiec (Côtes-du-Nord)34. Comme cette manifestation a eu lieu le même jour que l’attentat de Rennes contre la statue symbolisant le rattachement de la Bretagne à la France, pourtant perpétré par les ultras de droite du mouvement breton, les militants du PBNR sont arrêtés et jugés à Guingamp. Ils sont défendus par un avocat de la CGPT, le syndicat paysan créé par le PCF, ce qui montre les convergences, voire peut-être la proximité politique. Depuis 1931, Marcel Cachin est en contact avec les responsables de War Zao de la région de Guingamp, dont Louis Derrien, le directeur de la publication, qu’il considère dans ses Carnets comme un militant communiste qui défend la politique agraire du PCF. On peut penser que Cachin est bien informé et que le PCF a pris le contrôle de ce groupuscule breton qui disparaît à la fin de 1932, victime de dissensions internes. Lors d’un meeting paysan à Guingamp le 7 septembre 1932, un ordre du jour a d’ailleurs protesté : « contre le régime de terreur policière qui sévit en Bretagne depuis le 7 août » (l’attentat de Rennes)35. À cette époque le PCF ne condamne pas le mouvement breton dans son ensemble et il semble même très proche de sa fraction d’extrême gauche, la question étant de savoir qui noyaute qui ?
20La Ligue fédéraliste de Bretagne, groupe de réflexion et d’influence, publie un mensuel, La Bretagne Fédérale-Breiz Kevredel36. Elle ne dépasse pas la centaine d’adhérents, c’est-à-dire moins du quart des anciens adhérents du PAB. En trois ans et demi, le journal publie 21 numéros au nom d’une organisation qui a des sections dans les villes de Haute-Bretagne et à Paris. Originalité, elle autorise la double appartenance au mouvement et à un parti de gauche (radical, socialiste ou communiste), ce qui situe son positionnement sur l’échiquier politique et montre que le mouvement breton n’échappe pas à la bipolarisation qui s’accélère en réaction au 6 février 1934. En mars 1934, l’éditorial titre : « Fascisme non. Fédéralisme, oui. » Et la manchette d’avril est encore plus explicite : « Front rouge républicain ! Front rouge prolétarien ! Front rouge minoritaire ! »
21La ligne politique a d’ailleurs évolué comme l’écrit Ryckwaert, l’un des responsables : « La Bretagne certes, mais il n’y a pas que la Bretagne. » En effet, au fédéralisme, au pacifisme et à l’anticolonialisme initial s’est ajouté en 1933-1934 l’antifascisme. Dès 1932, le journal a justifié la scission de 1931 par le refus du repli identitaire, xénophobe, nationaliste, bretocentriste et passéiste en rejetant l’attraction des chefs du PNB, dont Mordrel, pour le fascisme et le racisme nazi. Aussi, en avril 1934, La Bretagne fédérale appelle-t-elle « les travailleurs bretons » à organiser « immédiatement nos comités de défense antifasciste » afin de se battre pour la « libération nationale et sociale du peuple breton ». En condamnant sans ambages le nazisme en 1933, la Ligue fédéraliste de Bretagne tient un discours révolutionnaire marxiste qui, sous l’égide du prolétariat, condamne les deux « formes de l’hystérie politico-capitaliste : l’impérialisme français, le fascisme hitlérien »37, un discours que le PCF n’aurait pas désavoué. Des hommes de la gauche laïque militent donc au début des années 1930 dans la fraction du mouvement breton qui s’engage dans le combat démocratique avec les partis de gauche dans les comités antifascistes et au Secours Rouge international. Quand la Ligue fédéraliste disparaît en 1935-1936, certains militants rejoignent d’ailleurs ces partis comme Morvan Marchal ou Robert Ballanger qui deviendra un responsable de la résistance communiste en Bretagne, puis un député du PCF. Yann Sohier (1901-1935) lance de son côté en 1933 le bulletin Ar Falz, La Faucille, pour l’enseignement du breton à l’école primaire, qui devient un mouvement culturel38. Il se réfère explicitement au socialisme, au mouvement Brug d’avant 1914 et à Émile Masson, le socialiste de Pontivy.
22La grande crise du début des années 1930 oblige les maigres forces politiques bretonnes à clarifier leurs positions et à choisir leur camp : à gauche ou à droite. Le choc du 6 février 1934 va secouer les partis et les syndicats de gauche et d’extrême gauche encore très divisés les engageant dans un processus de rapprochement qui s’appuie, même en Bretagne, sur une forte mobilisation sociale.
Le tournant du 6 février 1934
23Les émeutes parisiennes déclenchées par les ligues nationalistes et d’extrême droite provoquent la réaction immédiate des forces de gauche pour défendre la République contre ce qu’elles perçoivent comme un coup de force fasciste. Les victimes parisiennes donnent aussi l’occasion à la fraction la plus conservatrice et cléricale de la droite bretonne d’attaquer violemment le gouvernement Daladier. Ainsi, Le Nouvelliste de Bretagne s’en prend à Guy La Chambre, le centriste ministre de la Marine marchande, en l’accusant d’avoir voulu faire intervenir « tanks et mitrailleuses pour sauver le Cartel », ce que l’intéressé et les faits – la démission du gouvernement – démentent39.
24En Bretagne, les réactions sont immédiates d’autant plus qu’à Nantes, proche de la Vendée, l’extrême droite ligueuse – les Jeunesses patriotes (JP) – a manifesté dans la soirée du 6 février, provoquant des bagarres avec des contre-manifestants de gauche. Dès le 8 février, à Lorient, la SFIO, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et la CGT appellent à une manifestation qui rassemble 6 000 personnes40. À Nantes, CGT, CGTU, et militants de gauche (SFIO, PCF) y compris la Ligue Fédéraliste Bretonne manifestent aussi (10 000 personnes). À Saint-Brieuc, le 8 une réunion unitaire a rassemblé huit organisations de gauche. Quelques cheminots CGTU et PCF ont défilé le 9 et le 11 un meeting unitaire s’est achevé sur une manifestation d’un millier de personnes contre le fascisme et la guerre41. Plusieurs milliers de personnes se mobilisent dans les villes finistériennes du 8 au 11 février (2 500 à Brest, 12 000 à Concarneau, 1 000 à Pont-L’Abbé, 1 000 à Quimper, 400 à Morlaix, 700 à Pont-de-Buis où il y a une poudrerie…)42. Au nom de la défense de la République et de l’antifascisme, les Bretons, surtout les ouvriers, les employés et les petits fonctionnaires participent à la riposte qui s’organise dans près de 300 villes de France43. Dans plusieurs villes et ports, le PCF a participé à ces manifestations unitaires avant l’appel à la grève de la CGT et la grande manifestation parisienne du 12 février. À la base, les responsables des organisations de gauche et d’extrême gauche – le PCF est encore perçu ainsi – ont préparé la riposte en commun, souvent pour la première fois depuis 1920, sauf en Ille-et-Vilaine et à Rennes où PCF et CGTU et SFIO et CGT manifestent séparément44. La grève du 12 est inégalement suivie mais de grandes manifestations unitaires de plusieurs milliers de personnes sont signalées partout : les chiffres discutables selon les sources sont supérieurs aux journées précédentes (de 6 000 à 12 000 personnes à Brest, 20 000 à Nantes avec des incidents, 15 000 à Saint-Nazaire)45.
25Cette dynamique unitaire donne naissance tout au long de l’année 1934 à des comités de vigilance antifasciste fonctionnant comme des cartels d’organisations politiques et syndicales (Nantes, Brest, Saint-Brieuc, Carhaix…), parfois avec la Jeune République (Rennes, Lorient, Vannes, Quimper). Le Parti radical-socialiste y est parfois représenté (Quimper en décembre 1934) mais le plus souvent les partis et syndicats de gauche s’en méfient (Brest) car Édouard Herriot, ministre d’État, et cinq radicaux participent au gouvernement d’union nationale de Gaston Doumergue avec des leaders des partis de droite (Tardieu, Marin, Laval) et du centre droit46. Ils vont rester au pouvoir dans les gouvernements Flandin et Laval jusqu’à la chute du gouvernement Laval provoquée par une crise interne au Parti radical et le retrait des ministres radicaux le 22 janvier 1936. Sur le terrain, des militants radicaux peuvent voir d’un bon œil le rapprochement des partis de gauche, ce qui n’est pas obligatoirement le cas des notables.
26Dans le Finistère comme dans l’ouest des Côtes-du-Nord le rapprochement entre les militants socialistes et communistes se fait dans les réunions publiques dès le printemps 1934. Des socialistes comme Guy Le Normand, Tanguy Prigent, Philippe Le Maux tiennent un discours de lutte de classes contre les dorgéristes bien accueilli par des communistes comme Valières ou Francis Marzin. L’unité d’action avec le PCF se forge précocement dans le Trégor contre le « fascisme » et les droites, dans le prolongement des luttes agraires et syndicales souvent menées en commun depuis 1931-1932 par les socialistes et les communistes, avant même la signature du pacte d’unité d’action des deux partis le 27 juillet 1934. Ainsi le 15 avril 1934, à Morlaix, un meeting antifasciste a réuni sur la même tribune deux députés : Jardel (SFIO) et Clamamus (PCF)47. Le 1er mai, les syndicalistes CGT et CGTU tiennent un meeting commun à Nantes et les militants des deux partis marxistes commémorent ensembles le 20e anniversaire de l’assassinat de Jean Jaurès le 31 juillet (700 personnes à Brest, deux réunions à Nantes).
27À la fin août 1934, les fédérations socialiste et communiste d’Ille-et-Vilaine acceptent le pacte d’unité d’action des deux partis, ce qui permet la formation de comités antifascistes à Rennes, Saint-Malo et Fougères avec la participation des syndicats et de la LDH mais sans le Parti radical-socialiste, même pour les meetings communs du 14 juillet 193548.
28Le rapprochement à gauche se fait aussi en se mobilisant contre les ligues (le 7 mars 1934 à Nantes contre une réunion des Camelots du Roy) et les Croix-de-Feu lorsque des visites du colonel de la Rocque sont annoncées. Mais les incidents qui ont éclaté à Lorient le 23 juin 1934 gênent les socialistes même si le rapprochement des forces de gauche s’ébauche ou se réalise sur le terrain. Ce rapprochement et le Pacte d’unité d’action sont diversement accueillis par certains socialistes très méfiants vis-à-vis du PCF. Dans le Morbihan, L’Hévéder et Svob sont réservés et l’accord n’est soutenu que par la minorité de La Bataille Socialiste (L. Cren et Robin)49. Refusant un tête-à-tête exclusif avec le PCF, L’Hévéder défend au Conseil national de novembre 1934 un Front commun de tous les démocrates contre le « danger fasciste » privilégiant une entente avec les radicaux. Cette fédération SFIO n’accepte le Front populaire qu’à partir du 1er juin 1935 et surtout après le succès du Rassemblement populaire du 14 juillet 193550.
29Ailleurs, en 1934-1935, des rapprochements entre socialistes et communistes se sont opérés dans des organisations comme le Secours Rouge International (SRI), à Nantes ou à Saint-Brieuc, et à l’occasion des élections cantonales d’octobre 1934. Des communistes se désistent pour des socialistes au second tour mais la base du PCF n’accepte pas toujours cette nouvelle tactique électorale comme à Saint-Nazaire51. Concarneau va plus loin puisque pour la première fois communistes et socialistes présentent un candidat commun permettant l’élection de Pierre Guéguin (PCF). Et c’est au cours d’un meeting à Doulon, près de Nantes, le 24 octobre 1934, que Maurice Thorez a lancé l’idée de Front populaire en appelant les « prolétaires radicaux » à le rejoindre. Mais il ne va se développer qu’en 1935 en particulier contre les ligues et contre la politique déflationniste et les « décrets-lois » du gouvernement de Pierre Laval.
30La dynamique du Front populaire, déjà bien engagée en Basse-Bretagne, s’affirme plus ou moins rapidement avec ou sans les radicaux-socialistes (2 000 manifestants à Lorient le 11 novembre 1935, plusieurs milliers à Nantes). En Basse-Loire où la droite conservatrice et l’extrême droite sont fortes, la mobilisation des gauches est vigoureuse : à Nantes, le 19 mai 1935, jour de la fête de Jeanne d’Arc, 4 000 personnes écoutent le nouveau maire SFIO Auguste Pageot, le communiste Jean Bruhat et le président de la LDH Gaston Veil, puis défilent en ville. Ils sont plusieurs milliers de personnes à célébrer le 14 juillet 1935 et à prêter le serment du Rassemblement républicain52.
31Héritière du catholicisme bleu et du Sillon, il est intéressant de souligner dans quelques villes de Bretagne la participation au Front populaire de la fraction de gauche de la démocratie chrétienne, la Jeune République (JR) même si elle ne compte qu’une poignée d’adhérents à Rennes et dans les autres départements. Dieulangard est son représentant dans le Morbihan et René Le Minor à Pont-L’Abbé et à Quimper53. Sillonniste, membre fondateur à Paris de la Ligue de la Jeune République en 1912, Le Minor a lancé une section dans sa ville natale de Pont-L’Abbé en 193154. En 1932, la JR se rapproche de la gauche en soutenant l’élection au second tour au conseil d’arrondissement de Le Bastard, l’ancien maire SFIO de Pont-L’Abbé, puis en rejoignant le comité antifasciste (1934) et le Front populaire (1936)55. L’action de la JR va permettre à une poignée de catholiques bretons, sans doute très peu nombreux, de voter à gauche en 1936 alors qu’une partie des radicaux-socialistes est des plus réservée.
L’évolution ambiguë du radicalisme vers le Front populaire
32À l’approche des élections législatives de 1936, le décalage entre une partie des parlementaires radicaux favorables au maintien de l’union nationale dans le gouvernement de plus en plus impopulaire de Pierre Laval et la dynamique unitaire du Front populaire est de plus en plus net. Depuis 1934, le Parti radical traverse une profonde crise politique tiraillé entre ses ministres et ses notables conservateurs et centristes et son aile gauche animée par les Jeunes-Turcs qui développent une opposition interne et veulent l’alliance à gauche56. Depuis le printemps 1935, la démarche des radicaux valoisiens est de plus en plus ambiguë car d’un côté ils poursuivent leur participation au gouvernement de droite de Pierre Laval alors que de l’autre ils acceptent d’être présents dans la Délégation des gauches reconstituée à la demande du PCF le 29 mai 193557. Le succès de la gauche souvent unie au 2e tour aux élections municipales de mai 1935 et le tournant de Staline approuvant la politique française de défense nationale permettent une évolution des radicaux qui, sous la pression de leur base, participent aux manifestations du Rassemblement populaire le 14 juillet 1935. Mais à Rennes, un comité de Front populaire n’est constitué que le 30 janvier 1936 avec la participation de la section radicale-socialiste de la ville, mais pas de la fédération départementale58.
33Après les difficultés des élections cantonales d’octobre 1934, les élections municipales de mai 1935 ont vu un léger glissement à gauche favorable au radicalisme dans les Côtes-du-Nord où il obtient 1 887 conseillers et 180 mairies59. La gauche et le centre gauche sont majoritaires dans 46 % des communes dont 19,4 % pour les radicaux-socialistes et 26,6 % pour les radicaux-indépendants, ce qui montre le poids encore important des modérés et de la droite (51,2 %) en dépit du recul des conservateurs60. Comme en 1929, les radicaux-socialistes alliés à la SFIO dirigent Saint-Brieuc61, Dinan et Guingamp alors que le radical-indépendant Le Vézouët est réélu à Loudéac, mais ils sont minoritaires à Lannion où le marquis de Kergariou (rép.-ind., droite) est réélu. Le Parti radical-socialiste dirige en outre au moins 13 chefs-lieux de canton ainsi que la plupart des communes autour des villes sauf à Lannion.
34Le radicalisme municipal reste très minoritaire dans le Morbihan en 1935 en dépit d’une légère progression depuis 1929 : on est passé de 51 maires radicaux (19,5 %) à 63 (24,1) mais au détriment des républicains de gauche appartenant pour la plupart au centre gauche laïque : 61 en 1929 (23,4 %) mais 38 seulement en 1935 (14,5 %)62. Au total, en incluant les rares socialistes, le centre gauche laïque a reculé dans le Morbihan en passant de 43,7 % des maires en 1929 à 40,2 % en 1935. Son implantation se situe dans les villes, la région lorientaise et l’ouest bretonnant du département. Le centre gauche laïque est encore plus faiblement implanté en Loire-Inférieure, les radicaux et les socialistes ne contrôlant que quelques municipalités urbaines ou industrielles de la Basse-Loire. En Ille-et-Vilaine, par rapport à 1919, le rapport des forces municipales gauche/droite reste à peu près stable dans villes comme dans les campagnes, dans le nord du département et le long de la dorsale républicaine centrale63. Six villes restent dirigées par le centre gauche mais avec des changements : Vitré (1929) et Redon (1935, à une voix près) ont été gagnés par la droite mais une majorité radicale-socialiste contrôle Paramé et Saint-Servan depuis 1929. Pourtant, les résultats de 1935 marquent un progrès de la droite et du centre droit (à Fougères) au détriment de la SFIO. La stabilité apparente ne doit pas masquer les évolutions en cours plutôt défavorables à la gauche en Ille-et-Vilaine. Mais la dynamique du Front populaire va obliger les radicaux et les autres républicains à se positionner car le centre de gravité de la gauche française se déplace vers son aile gauche en 1935-1936.
35Dans le Finistère : le 14 juillet 1935, le député radical-socialiste Albert Le Bail a pris la parole à Châteaulin (3 000 manifestants). Quelques jours plus tôt, son collègue Pierre Pouchus est devenu président du comité de Front populaire de Quimper64. À la fin 1935 et en 1936, des comités de Front populaire – souvent il s’agit du changement d’appellation des comités antifascistes – se forment dans les villes, le Trégor (Lanmeur le 12 octobre 1935), la région de Carhaix et le Finistère sud en attirant des gens au-delà des partis65. On en recense une vingtaine en 1936-1937. Sentant à l’approche des élections législatives une dynamique politique, des notables radicaux-socialistes se joignent à un mouvement aux bases populaires, mais pas tous. Un homme comme Guy La Chambre en Ille-et-Vilaine s’en garde bien. Dans le Morbihan, le sénateur radical Paul Maulion a intégré en 1935 comme 2e adjoint un instituteur socialiste dans son conseil municipal de Mauron et en 1937 il participe à un rassemblement des jeunesses radicales-socialistes66. Dans un discours en mars 1936, il prend nettement position contre les ligues et la menace fasciste. Le sénateur radical-socialiste semble donc être en phase avec le Front populaire, du moins à l’approche des élections de 1936 où il s’agit comme toujours de faire bloc contre la droite.
36Car sous la houlette d’Édouard Daladier, les radicaux ont adhéré au Front populaire lors du congrès de Wagram (24-27 octobre 1935), ce qui signifiait à terme la chute du gouvernement Laval. Ce processus a abouti au programme assez flou du Front populaire publié le 12 janvier 1936. Ce glissement vers la gauche du Parti radical provoque de sérieux remous au sein du parti. D’octobre 1935 à janvier 1936, le gouvernement Laval ne survit que grâce à la participation radicale remise en cause par de plus en plus de députés radicaux67. Attaqué par la droite, critiqué par son aile gauche, Herriot démissionne de la présidence du Parti radical lors du comité exécutif du 18 décembre 1935, laissant de fait la place à son rival Daladier qui incarne la ligne de Front populaire et est élu président le 19 janvier 1936. Mais il faut obtenir le départ des ministres radicaux qui s’accrochent au pouvoir, refusé par l’aile modérée et anti-Front populaire du parti68. Les députés majoritaires réclament la discipline de vote : dans ces débats au sein du parti et à la Chambre, le député de Morlaix 1 Pierre Mazé joue un rôle important. Or, ce n’est pas n’importe qui car le docteur Mazé est un proche d’Édouard Daladier. Le 16 janvier 1936, il est avec Jean Zay et trois autres députés à l’origine d’un ordre du jour de défiance contre la politique du gouvernement voté par la majorité du groupe radical (63 voix contre 28)69. Le Parti radical est au bord de la scission. Pour sortir de l’impasse, le 18 janvier, P. Mazé et Perfetti (député de la Haute-Marne) prennent ce risque avec l’appui de Pierre Cot : ils convoquent une réunion séparée de la centaine de parlementaires hostiles au gouvernement et ils demandent la démission des ministres de leur parti. Le 19 janvier 1936, le comité exécutif entérine cette décision et Daladier est porté à la présidence du parti. Les ministres récalcitrants démissionnent finalement le 22 janvier.
37Ami de Daladier, Pierre Mazé, secrétaire de la fédération finistérienne, devient le secrétaire général du Parti radical-socialiste, c’est-à-dire le numéro deux, et le principal collaborateur du président70. Il va le rester jusqu’à la guerre. C’est paradoxalement au moment où le radical-socialisme décline en Bretagne, sous la poussée conjointe de la SFIO et du PCF, qu’un Breton accède à une importante responsabilité dans le parti. Albert Sarraut et les radicaux vont former un nouveau cabinet de concentration71. Toutes les tendances du Parti radical sont présentes : avec Yvon Delbos et Camille Chautemps, Pierre Mazé représente la gauche modérée ralliée au Rassemblement populaire. Il obtient son premier maroquin comme sous-secrétaire d’État aux Travaux publics. Son collègue des Côtes-du-Nord de la gauche radicale, d’ailleurs très divisée sur la participation, Louis de Chappedelaine revient comme ministre de la Marine marchande du gouvernement Sarraut72, gouvernement de transition. Des élections législatives d’avril-mai 1936 va émerger un nouvel équilibre des forces politiques à gauche défavorable au radicalisme, en Bretagne comme dans l’ensemble du pays (fig. 2 pl. II du cahier couleur).
Une redistribution des cartes à gauche en 1936 : l’échec des radicaux-socialistes
38Les partis de gauche vont séparément à la bataille électorale le 26 avril 1936 alors que leurs adversaires de droite pratiquent souvent l’unité de candidature au 1er tour (dans 29 circonscriptions sur 44). Les députés radicaux-socialistes sortants sont sur la défensive car leur attitude et leur bilan depuis 1934 sont le plus souvent critiqués par leurs alliés marxistes et certains d’entre eux sont réservés sur cette alliance électorale avec le PCF comme André Cornu ou Pierre Michel à Saint-Brieuc. La campagne de la direction nationale du parti est modeste en terme de propagande et sur le terrain bon nombre des sortants cherchent à rassurer leur électorat qui s’appuie sur les classes moyennes73. 70,6 % des radicaux qui seront élus ont évité de prendre clairement position, voire de mentionner le Front populaire dans leur profession de foi, même quand ils lui sont favorables. En réponse à la campagne très virulente de la droite, le député Jean Perrot (Quimper 2) assure que : « Le Rassemblement populaire est loin d’être un mouvement révolutionnaire comme on essaie de vous le présenter ; car aujourd’hui, les fauteurs de troubles et de guerre civile sont à droite. » Pour eux, il s’agit en fait d’un « rassemblement républicain ». Trois candidats seulement, dont Michel Geistdoerfer à Dinan, défendent des positions clairement à gauche en demandant le renforcement du pacte franco-soviétique. En Ille-et-Vilaine, seul le sénateur Alphonse Gasnier-Duparc, il est vrai non directement concerné par l’élection, prend ouvertement position pour le Front populaire74. Cet engagement va faire de lui le ministre de la Marine du premier gouvernement Blum (4 juin 1936-21 juin 1937).
39Avec 11,88 % des électeurs inscrits (moins 4 % sur 1932), le Parti radical recule nettement dans le pays au 1er tour. Avec 8,7 % sa moyenne bretonne est inférieure de trois points à sa moyenne nationale (2,5 % en 1932) mais avec une baisse de 4,65 % ce recul est un peu supérieur à la moyenne nationale. De fait, déjà faible dans les trois départements de la partie orientale de la Bretagne, les radicaux-socialistes de la Rue-de-Valois y sont en voie de marginalisation ne parvenant à présenter qu’un à trois candidats (tableau 2). Du coup, en 1936, les résultats sont très faibles : le Parti radical n’y recueille que 4,3 % des inscrits. Partout, le radicalisme a cédé le terrain à ses notables qui se situent en réalité au centre droit (dans le Morbihan) et l’espace politique ainsi abandonné à gauche a été occupé par la SFIO et même le PCF qui connaît une petite poussée. Il est vrai que le Parti radical qui compte 13 députés sortants n’a présenté que 17 candidats en Bretagne (353 en France) le 26 avril 1936 (tableau 1). Le radicalisme ne résiste que dans les Côtes-du-Nord et est en net recul dans le Finistère. Le Parti radical n’a que 21 élus au premier tour dans le pays dont deux en Bretagne75.
40La presse modérée fait pression sur les notables radicaux pour briser le Front populaire au second tour mais le 28 avril Daladier, Thorez et Séverac (pour le SFIO) décident le désistement automatique en faveur du candidat de gauche le mieux placé à deux exceptions près. Pourtant, dans le Finistère où des comités de Front populaire avec des notables radicaux semblent bien fonctionner, la consigne nationale de désistement est mal appliquée. Plusieurs radicaux-socialistes sortants sont battus même lors de leur maintien dans des triangulaires contre le candidat du Front populaire arrivé en tête de la gauche au 1er tour. En se maintenant à Quimper 1, Pierre Pouchus permet la victoire du candidat de droite Nader contre le communiste Pierre Guéguin. Il avait pourtant annoncé son éventuel désistement espérant arriver en tête à l’issue du premier tour. À Morlaix 1, le maintien plus surprenant de Pierre Mazé puisqu’il est le secrétaire général du parti et le bras droit de Daladier, n’empêche pas l’élection du jeune Tanguy Prigent.
41Le 3 mai 1936, le Parti radical-socialiste tombe à six députés en Bretagne (106 en France métropolitaine) et il est dépassé par la SFIO qui a huit sièges. Élus dans la région avec les voix de la gauche, ces radicaux-socialistes sont favorables au Front populaire contrairement au quart des députés du parti qui voit le renforcement de son aile droite, ce qui va peser lourd face à la politique des gouvernements du Front populaire.
42Les radicaux qui avaient deux députés sortants sont éliminés dans le Morbihan. À Pontivy 1, Paul Lotz ne se représente pas ce qui permet la réélection dès le premier tour de Joseph Cadic (URD) qu’il avait battu en 193276. Quant à l’autre sortant de Pontivy 2, Eugène Raude, distancé de deux points par le socialiste Jean Le Coutaller, il se désiste n’empêchant pas l’élection du candidat de droite Paul Ihuel (56,6 %)77. Le recul radical-socialiste est marqué aussi dans les Côtes-du-Nord avec des échecs qui n’avaient pas été prévus par le préfet. Les radicaux tombent de six députés en 1932 (en incluant le radical-indépendant H. Le Vézouët) à trois seulement. Si Michel Geisdoerfer est réélu de justesse à Dinan 1 dès le premier tour avec 50,1 % et Pierre Michel au second à Saint-Brieuc 1 (58,46 %) en battant le PDP Émile Le Guen, plusieurs députés sortants sont éliminés78. Le maire de Loudéac Henri Le Vézouët qui n’a rassemblé que 38,58 % est battu dès le premier tour par l’industriel (URD) Morane. À Lannion, le radical-socialiste sortant Yves Le Gac, devancé par le socialiste Philippe Le Maux, se désiste en sa faveur. Mais surtout, malgré une forte mobilisation, les sortants André Lorgeré à Guingamp 1 (48,51 %) et André Cornu à Saint-Brieuc 2 (48,85 %) sont battus au second tour par des hommes de droite, l’URD Yves Hervé et le PDP Alfred Duault. Les radicaux-socialistes n’ont qu’un succès à mettre à leur actif avec la victoire à l’arraché du jeune Pierre Sérandour à Guingamp 2 avec 110 voix d’avance (50,35 %) sur le sortant Oswen de Kérouartz. Au soir du premier tour, les candidats du Front populaire arrivaient pourtant en tête avec 45,23 % des suffrages contre 42,97 % à ceux de la droite et 11,8 % aux deux députés radicaux centristes sortants. Au second tour, dans les Côtes-du-Nord, c’est cet électorat centriste et modéré craignant l’alliance avec les communistes qui a fait pencher la balance en faveur de la droite donnant l’impression d’un basculement important après les progrès du centre gauche en 1928 et en 1932.
43L’équilibre des forces s’établit à quatre députés de gauche et quatre de droite dans les Côtes-du-Nord contrairement au « désastre radical » qui frappe particulièrement le Finistère puisque les radicaux passent de six députés en 1932 à deux seulement dans le sud en 1936. Face à Jacques Queinnec (URD) qui avait battu son père en 1928, Albert Le Bail n’est réélu qu’avec 14 voix d’avance à Quimper 3 contrairement à son collègue de Quimper 2 Jean Perrot réélu dès le 1er tour (52,85 %) contre le conservateur de la Fédération républicaine du Frétay (36 %)79. En revanche, François Cadoret, député de Quimperlé depuis 1930 est battu par Louis Monfort, le candidat soutenu par toutes les droites, à cause d’une triangulaire au second tour contre Alain Le Louédec (rad.-ind.), le fils de son prédécesseur devenu maire et conseiller général de Quimperlé. Comme dans la circonscription voisine, la gauche a perdu du fait de ses divisions car l’adhésion ou non au Front populaire et la priorité accordée à la question sociale sur la question laïque devient en Bretagne comme ailleurs la ligne de partage gauche/droite.
44Le succès national du Front populaire et le mouvement social qu’il déclenche – les grandes grèves de mai-juin 1936 et la « ruée syndicale » (Léon Jouhaux) favorable à la CGT – stimule l’activité militante du Parti radical-socialiste de 1936 à 1938 face à la radicalisation des droites. Qu’ils le veuillent ou non, les radicaux-socialistes sont assimilés à la gauche marxiste d’autant plus que Daladier est le numéro deux du gouvernement Blum. En Ille-et-Vilaine, l’assemblée générale de septembre 1937 de la fédération radicale-socialiste présidée par Oscar Leroux, conseiller municipal rennais, rassemble 115 délégués contre une vingtaine habituellement et désigne onze délégués pour le congrès de Lille80. Des sections du parti existent dans huit localités dont six villes de la « dorsale républicaine ». La clarification politique et les reclassements opérés en 1936 se traduisent par un affaiblissement du centre gauche en Bretagne.
Un centre gauche laminé en 1936
45En 1936, la bipolarisation en deux blocs antagonistes a contraint la plupart des sortants de centre gauche à choisir leur camp ; en général ils se sont prononcés contre le Front populaire. Dans le Finistère, Charles Daniélou, avec l’étiquette de radical-indépendant appartient au camp de la gauche mais c’est un notable déjà usé qui mène une campagne terne contre son jeune adversaire de droite, le notaire Jean Crouan81. Les deux candidats de droite distancent nettement ceux de gauche au premier tour, Crouan (61,6 %) battant largement Daniélou au second lequel achève sa carrière parlementaire à cinquante-sept ans82. En revanche, sans concurrent à droite, son collègue Louis de Chappedelaine est réélu avec 78,86 % dès le premier tour contre 18 % au socialiste Amiot dans son fief de Dinan 283.
46En Ille-et-Vilaine, les centristes et « transfuges » de la gauche républicaine de la région malouine, Charles Guernier et Guy La Chambre entretiennent une certaine ambiguïté sur leur positionnement politique. Proche de Daladier, La Chambre n’est pas favorable à la stratégie de Front populaire. En désaccord localement avec les radicaux-socialistes, les deux députés sortants s’en différencient pour ne pas effrayer leur électorat modéré et ménager l’avenir… ministériel pour Guy La Chambre84. Les élections passées, Guernier se réinscrit au groupe de la gauche démocratique et radicale indépendante, réduit à trois membres en Bretagne et présidé par de Chappedelaine, ainsi que Firmin Tristan (rép. de g.) réélu à Lorient 2 avec 53,7 % des voix contre le socialiste Emmanuel Le Visage85. Le vote des trois centristes contre l’investiture du gouvernement de Léon Blum le 6 juin 1936 les place pour le moins au centre droit dans le camp de la droite.
47Mais à partir d’avril 1938 et du retour de Daladier à la tête du gouvernement, ces centristes bretons vont redevenir indispensables aux gouvernements de concentration au centre appuyés par des majorités recentrées. Le premier, Guy La Chambre revient au pouvoir comme ministre de l’Air dans le 4e cabinet Chautemps (18 janvier-18 mars 1938) d’une majorité de Front populaire en sursis. Il le reste ensuite dans les gouvernements Blum et Daladier jusqu’en mars 1940, ce qui lui vaudra d’être traduit par le régime de Vichy devant la Cour de Riom parmi « les responsables de la défaite de 1940 ». Il a pourtant contribué à l’effort de réarmement et de modernisation de l’aviation française lancé dès 1936 par le Front populaire. Il est rapidement rejoint par Louis de Chappedelaine qui retrouve le ministère de la Marine d’avril 1938 au 13 septembre 193986. Il est alors remplacé à ce poste par le sénateur du Morbihan Alphonse Rio dans les cabinets Daladier et Reynaud jusqu’à l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain le 16 juin 1940. Les quinze parlementaires bretons devenus ministres pendant l’entre-deux-guerres ont appartenu au centre gauche ou au centre droit laïques ; ils ont surtout occupé des ministères techniques, en particulier la Marine marchande, la Marine de guerre ou les Travaux publics et l’aménagement des ports. À part Aristide Briand, ces ministres bretons n’ont jamais dirigé de grands ministères. Plusieurs députés centristes sont d’ailleurs menacés sur leur gauche par la progression de la SFIO.
Le succès relatif de la SFIO en 1936
48En Bretagne, la SFIO poursuit sa progression et son enracinement en présentant des candidats dans 32 circonscriptions (deux de moins qu’en 1932) qui rassemblent 21,52 % des voix au 1er tour (+ 4,64 % depuis 1932). Le glissement de l’électorat laïque de gauche en sa faveur est manifeste car au second tour la SFIO enlève huit sièges dont quatre en Loire-Inférieure.
49À Lorient 1, L’Hévéder affronte deux candidats de gauche (un PCF et son ex-camarade Le Nabec, Parti socialiste de France, USR) et un seul candidat de droite URD, le Dr Michaud. Il est réélu dès le 1er tour avec 52,14 % des suffrages, la gauche obtenant 60,39 % à Lorient 1. La concurrence d’un socialiste dissident explique le recul du député sortant. Avec un candidat de plus, le Parti socialiste recueille 22 312 voix dans le Morbihan, 20 % mais 25,8 sur les six circonscriptions (tableau 2). Cette progression s’est faite au détriment du Parti radical-socialiste qui ne présente plus que son député sortant Eugène Raude, battu à Pontivy. Désormais, dans le Morbihan, sur les décombres du radicalisme (2 670 voix), la SFIO représente la gauche laïque avec deux candidats présents au second tour : Emmanuel Le Visage (46,2 %) à Lorient 2 et Jean Le Coutaller (43,2 %) à Pontivy 2. Avec 23,7 % des voix, Le Goffa progressé de 7 % à Lorient 3 de même que Julien Le Pan à Vannes 1 (19,9 %), une circonscription où il n’y avait pas de candidat socialiste en 1932.
50Dans les Côtes-du-Nord, l’élection à Lannion du paysan Philippe Le Maux couronne à la fois la progression électorale du début des années 1930 et l’engagement des socialistes dans les luttes contre les ventes-saisies et le dorgérisme. À l’issue d’une campagne dynamique, Le Maux (25,19 %) a devancé le député radical-socialiste Yves Le Gac (18,96 %) alors que le communiste Marcel Hamon dépassait les 10 % des suffrages exprimés87. L’avance de la gauche semblait confortable, pourtant au second tour, après une très intense mobilisation en particulier du PCF, Philippe Le Maux ne bat l’ancien député de droite passé au PDP Yves Le Cozannet qu’avec 50,54 % des voix. C’est le premier député socialiste de l’histoire politique des Côtes-du-Nord.
51Le Finistère conserve deux sièges de député à la SFIO avec néanmoins une relève de ses notables du fait de la défaite d’Hippolyte Masson battu par l’URD Pierre Lohéac au second tour88. Contrairement aux deux scrutins précédents, le député socialiste sortant a été largement distancé par son adversaire dès le premier tour du fait de la progression de l’abstention de 4,2 % sur 193289 et il est battu au second (44,4 %) car l’électorat de centre gauche s’est reporté à droite. À Brest 1, c’est le maire de Landerneau Jean-Louis Rolland qui reprend la circonscription de Goude. Il arrive largement en tête au premier tour (45,3 %) contre le PDP Yves Jaouen (29,3 %) et Lullien (rad.), le premier adjoint du maire de Brest (19,9 %)90, et est élu au second tour avec 57,9 %. À Morlaix 1, les résultats sont beaucoup plus incertains du fait d’une triangulaire. Proposé par son ami et mentor Guy Le Normand, le jeune Tanguy Prigent, conseiller général de Lanmeur (1934) et maire de Saint-Jean-du-Doigt (1935), affronte le député radical-socialiste Pierre Mazé91. Ce dernier bénéficie en pleine campagne électorale d’un coup de pouce de ses amis radicaux et d’Édouard Daladier puisqu’il est nommé en janvier 1936 sous-secrétaire d’État aux Travaux publics dans le 2e gouvernement du radical Sarraut au grand dam des socialistes. La droite présente un candidat : l’URD Robert Debled (16,97 % au 1er tour). Avec 43,36 % le 26 avril 1936, un doublement des voix socialistes depuis 1932, Tanguy Prigent devance nettement le sortant (38,65 %)92 (fig. 18 pl. XVI du cahier couleur). Avec 83 % pour les trois candidats du Front populaire, on est bien à Morlaix 1 dans une circonscription solidement ancrée à gauche. Mais en dépit des engagements pris par la fédération radicale-socialiste du Finistère au sein du comité départemental de Front populaire, Pierre Mazé se maintient au 2e tour comme du reste son collègue Pierre Pouchus à Quimper 1-Concarneau contre le communiste Pierre Guéguin qui sera battu. Pourtant, la fédération radicale dont Pierre Mazé est le secrétaire général a appelé au désistement à gauche. Or, Mazé qui a songé à se retirer, a finalement cédé aux notables de son parti et aux demandes d’élus radicaux (24 maires et adjoints de sa circonscription). La presse radicale explique que c’est la droite qui a voté socialiste. Au second tour Debled se retire ; l’ancien député François Bourgot entre en lice avec le soutien de la presse de droite. Finalement, Tanguy Prigent remporte cette triangulaire avec 43,23 % des suffrages contre 34,16 % à P. Mazé et 22,36 % à Bourgot devenant le plus jeune député de France. Le fermier va siéger avec son camarade paysan de Lannion Philippe Le Maux qui a été bien aidé au second tour par le candidat communiste Marcel Hamon, le beau-frère de Tanguy Prigent. Alors que les candidats de gauche arrivaient en tête dans six des huit circonscriptions en ballottage, ils n’ont que quatre députés sur onze dans le Finistère, deux SFIO qui sont des nouveaux venus et deux radicaux-socialistes sortants. Les triangulaires expliquent au moins un échec mais la gauche a perdu 20 000 voix sur 1932 au 1er tour (essentiellement les radicaux-socialistes, moins 18 537 voix en quatre ans) ; les socialistes eux-mêmes ont reculé de 6 493 voix alors que le PCF en a gagné plus de 5 00093. La SFIO a limité la casse en conservant deux députés mais son érosion électorale au profit du PCF est confirmée en particulier dans le sud Finistère.
52Les socialistes n’ont aucun élu en Ille-et-Vilaine en 1936 malgré une progression non négligeable. Avec 20 048 voix et 15,61 % des suffrages exprimés, la SFIO progresse de 35,7 % en voix sur 1932 mais avec un candidat supplémentaire. La hausse en voix depuis 1919 est de 74,1 %, le double de celle du nombre de votants (plus 38,1 %), ce qui traduit un renforcement de son influence électorale94. L’effet Front populaire est sensible à Saint-Malo 1 où l’avocat Gonnon obtient 30 % des suffrages exprimés et 23 et 22 % à Rennes 1 et 2 pour Aubry et Quessot. En tête dans la ville, les deux candidats socialistes rennais sont battus au second tour par la droite malgré le désistement des deux communistes.
53Avec quatre députés sur neuf, les socialistes s’imposent en Loire-Inférieure comme les uniques représentants parlementaires de gauche contre les droites conservatrices. Alors qu’à gauche, le PCF est le parti qui a le plus progressé en Bretagne en 193695, il est victime en Loire-Inférieure de la poussée socialiste car il n’obtient que 3 495 voix au 1er tour (1,82 % des inscrits) contre 45 262 à la SFIO (28,43 % des suffrages exprimés). Le PCF a bien gagné 959 voix sur 1932 mais sans atteindre son niveau de 1928. L’extrême faiblesse du PCF en Basse-Loire transparaît dans ce résultat qui est à contre-courant de l’évolution nationale. En revanche, avec une progression de 11 331 voix depuis 1932 (+ 33,4 %), la SFIO poursuit la récupération-captation de l’héritage de la gauche républicaine laïque et radicale. Passant de deux à quatre sièges, la Loire-Inférieure est le département phare du PS en Bretagne en 1936 : François Blancho (53,8 %) et Eugène Leroux (55,3 %) ont été réélus facilement à Saint-Nazaire 1 et à Nantes 2-Chantenay dès le 1er tour. Le bastion socialiste de Saint-Nazaire s’est renforcé alors que le candidat communiste Birembault stagnait à 2,7 et 3,3 % en 1932 et 1936. Auguste Pageot (1884-1962), devenu maire et conseiller général de Nantes en 1935, et Maurice Thiéfaine (1897-1981) ont eu besoin de toutes les voix de gauche pour l’emporter au second tour à Nantes 1 et 3 (avec 54 et 52,2 %) contre les députés sortants, l’URD Merlant et le républicain de gauche Duez. À Nantes-Rezé, Maurice Thiéfaine prend la circonscription d’Aristide Briand.
54L’ancien ouvrier chaudronnier et syndicaliste CGT, François Blancho va accéder au gouvernement de Léon Blum grâce à la victoire nationale du Front populaire. Il devient sous-secrétaire d’État à la Marine militaire dans les cabinets qui se succèdent de juin 1936 à janvier 1938, puis dans le 2e cabinet Blum (13 mars-8 avril 1938). En mars 1940, Paul Reynaud l’appelle comme sous-secrétaire d’État à l’armement, poste dont il démissionne le 10 mai. Au gouvernement, il a pu défendre les chantiers navals de sa ville qui prennent leur part dans la politique de réarmement du pays. Les succès électoraux de la SFIO aux élections législatives de 1936 en Bretagne sont d’autant plus encourageants que ce parti vient de traverser une période difficile sut le plan militant.
De l’affaiblissement militant à un certain essor de la SFIO
55Le Parti socialiste SFIO a subi le contrecoup de la Grande Crise des années 1930, mais au repli succède un redressement ponctué par les réactions au 6 février 1934 et la mobilisation dans la construction puis la victoire électorale du Front populaire. Ce mouvement d’ensemble est inégal selon les fédérations, le degré d’implantation et d’engagement dans les luttes sociales en particulier à la campagne, et fonction du rayonnement militant des personnalités socialistes.

Tableau 3 – L’évolution des effectifs de la SFIO en Bretagne de 1932 à 1939 (d’après les congrès socialistes).
56En termes d’effectifs, à l’afflux du Cartel des gauches succède un déclin qui perdure jusqu’en 1929-1930. Un léger frémissement se manifeste en 1931 (où la SFIO n’est pourtant qu’à son niveau d’avant la scission) et en 1932, année de la victoire de la gauche aux élections législatives. Mais l’élection de quatre députés socialistes en Bretagne (plus Goude apparenté dans le Finistère) n’a pas d’effet sur les adhésions sauf en Loire-Inférieure. En 1933, alors que le parti recule au niveau national, il progresse encore un peu en Bretagne, surtout dans le Finistère et les Côtes-du-Nord, sans doute du fait de son action dans le monde rural de Basse-Bretagne grâce aux luttes contre les ventes-saisies et le dorgérisme animées par de jeunes militants syndicalistes paysans comme Tanguy Prigent et Philippe Le Maux. Mais l’année 1934 est désastreuse sous l’effet conjugué de l’aggravation de la Grande Dépression et de la scission néo-socialiste. La SFIO reconnaît une perte de 21 000 membres. En Bretagne, 931 adhérents ne reprennent pas leur carte (19,8 %), un sur cinq, ce qui dément les affirmations de la presse socialiste selon lesquelles la scission des néos n’aurait pas eu de conséquences. Il est exact que peu de cadres suivent les exclus mais beaucoup d’adhérents, frappés par la crise sociale, semblent en avoir profité pour s’éloigner notamment dans le Finistère et les Côtes-du-Nord alors que la fédération d’Ille-et-Vilaine dépérit. Cette chute est enrayée partout en 1935 grâce surtout à la Loire-Inférieure. Néanmoins, les mobilisations du Front populaire ont encore peu d’effet en terme de recrutement pour la SFIO (plus 13,4 %).
57En 1936, la victoire électorale du Front populaire se traduit en Bretagne par un flux d’adhésions important (+ 60,8 %) qui se poursuit en 1937 (encore + 49,1 %) alors qu’un tassement s’amorce en 1938 (moins 6,8 %) (tableau 3). Ce mouvement est perceptible partout mais il est le plus spectaculaire dans le Morbihan et dans les Côtes-du-Nord où les effectifs doublent de 1935 à 1936, ce dernier département rattrapant un certain retard. En Ille-et-Vilaine, les adhérents ont augmenté de 43,5 % en 1936 (en un an) et encore de 38,2 % en 1937, avant de diminuer de 12 % en 193896. Dans les Côtes-du-Nord, la hausse est de 46,5 % en 1937 et de 56 % en Loire-Inférieure dont la fédération n’est pas touchée par le reflux de 1938. L’année 1939 avec les divisions internes entre « pacifistes » et « bellicistes » et les menaces de guerre accentue le reflux de 1938 avec une baisse de 22,7 % sur l’année précédente, de 28 % sur l’apogée de 1937. Si on compare la situation de la SFIO en Bretagne en 1938 par rapport à 1921, la reconstruction des fédérations a porté ses fruits (les effectifs ont été multipliés par 4,2) mais par rapport à la situation avant la scission ils ont doublé et la progression du PCF a été proportionnellement plus forte.
58Le redressement a commencé plus tôt dans le Morbihan avec une forte hausse de 1930 à 1932 : de 525 à 960 adhérents, porté sans doute par les succès électoraux de la région lorientaise (deux conseillers généraux, un député). De 19 sections en 1927, la fédération est passée à 30 en 193297. Mais le désert militant de l’est du département est à peine comblé avec cinq sections seulement. Les militants socialistes sont concentrés près de Lorient (13 sections) et dans le nord-ouest bretonnant de la région de Gourin et de Pontivy (neuf). La scission néo-socialiste semble avoir eu quelques conséquences car en 1934 la fédération a perdu 109 cartes (12,2 %)98. La victoire électorale du Front populaire stimule le militantisme : dans le Morbihan, pendant l’été 1936, cinq sections nouvelles sont créées (cinq autres en 1937) et cinq reconstituées. Les adhérents affluent mais le fonctionnement démocratique laisse parfois à désirer99. Ainsi en 1937, 978 militants votent sur les motions au Congrès national alors que le parti revendique 2 450 adhérents.
59L’effet de la crise est plus fort encore dans le Finistère qui subit une perte de 395 cartes en 1934, c’est-à-dire de 31,2 % sur 1933, suivie d’un léger redressement en 1935. La scission néo-socialiste ne semble pas en être la cause directe car aucun dirigeant ne suit Marcel Déat. Néanmoins cette crise interne, aggravée par une conjoncture politique et économique défavorable, n’a sans doute par attiré de nouveaux adhérents quand des anciens ne reprenaient pas leur carte100.
60Après un recul continu, la fédération d’Ille-et-Vilaine tombe à 325 adhérents en 1934. Elle se réduit à une implantation urbaine dans les pôles rennais, malouins et fougerais car les sections dans les bourgs sont souvent éphémères. Le nombre de sections n’augmente pas de manière significative : de 10 en 1919, il passe à 14 en 1934 et à 22 ou 24 en 1938101. Les centres ouvriers des carrières de granit (Saint-Pierre-de-Plesguen, Saint-Brice-en-Coglès) ont des militants alors que les campagnes du sud, de l’est et de l’ouest du département sont restées imperméables au relatif progrès de recrutement du Front populaire qui épouse l’évolution nationale. La direction fédérale est dominée par les Rennais. En janvier 1931, Eugène Quessot a succédé à Raymond André (en fonction depuis 1927) au secrétariat fédéral et il le reste jusqu’à la guerre, inamovible délégué au Conseil national. Le travail de formation et d’éducation populaire des enseignants socialistes, instituteurs, professeurs et même de l’universitaire Armand Rébillon porte ses fruits.
61Qu’en est-il des organisations spécialisées liées à la SFIO en Bretagne ? Dans les Côtes-du-Nord, les Jeunesses socialistes (JS) sont créées en septembre 1929 et dirigées par Pierre Brilleaud, le fils du principal leader briochin du parti. Dans le Finistère, en 1936, les JS sont dirigées par Charles Foulon et deux autres Brestois. En Ille-et-Vilaine, elles sont embryonnaires jusqu’en 1935 à part un groupe qui apparaît épisodiquement à Rennes, ville pourtant universitaire. L’organe national Le Cri des Jeunes n’a que 19 abonnés en 1932 mais il n’y a plus aucun adhérent en 1933. Elles ne sont reconstituées qu’en mars 1935 lors d’un meeting à Rennes animé par Fred Zeller, le secrétaire des JS de la Seine, qui doit déboucher sur la formation d’une fédération. Cet effort militant aboutit à une dizaine de groupes en 1938 : on est passé de 20 à 280 adhérents, ce qui constitue un vivier non négligeable quand le PS compte moins de 800 adhérents. Ils apportent un certain dynamisme culturel, associatif et sportif à un moment où on prête de l’attention aux loisirs et aux fêtes102.
62Dans le Morbihan, une première section des JS apparaît à Vannes en juin 1931 (14 adhérents), suivie en 1933 de celles de Lorient et de Gourin, débouchant en mars 1934 sur la création d’une fédération dont le secrétaire fédéral est Boulay103. Plusieurs sections voient le jour dans la région de Lorient (Lanester, Keryado, Kerdual). Leur dynamisme est marqué par la participation au service d’ordre des réunions de la SFIO et surtout par l’organisation de fêtes, et même de bals pour développer la sociabilité. Mais ces sections JS vivotent le plus souvent jusqu’au coup de fouet de l’été 1936 qui réanime celle de Lanester tandis que deux nouvelles sont créées à Auray et à Locminé (15 et 30 membres). En mars 1937, elles sont au nombre de sept. L’essor est remarquable avec le Front populaire car en 1938 les JS auraient 2 022 adhérents en Bretagne (tableau 4), dont la moitié en Loire-Inférieure, constituant 21,2 % des effectifs du Parti socialiste104.
63L’effort de recrutement vise aussi les femmes qui ne représentaient que 2,9 % des adhérents nationaux de la SFIO en 1929105. En Bretagne, en 1938 elles ne sont que 175, sans le Morbihan, 1,83 % des adhérents du PS qui est bien un parti masculin malgré les efforts de quelques militantes. Il n’y aurait que dix adhérentes (0,63 %) dans les Côtes-du-Nord dont Jeanne Mazier. En 1932, l’institutrice rennaise Louise Santucci s’efforce de sensibiliser ses camarades masculins à cette question qui n’est guère prise en compte avant 1936-1937 sous l’impulsion de Germaine Labbé106, secrétaire de la fédération des femmes socialistes et responsable du groupe de Fougères. Le nombre d’adhérentes socialistes passe de 11 en 1935 à 70 en 1937 et 60 en 1938 (7,62 %). Le Rappel du Morbihan développe aussi une propagande en direction des femmes mais elles sont peu nombreuses en dehors de quelques militantes aux JS comme Camille Le Leste, secrétaire adjointe de la section de Lanester107. En 1939, selon les sources socialistes, la fédération morbihannaise semble avoir disparu. Pourtant des travaux récents ont permis d’identifier 129 militantes morbihannaises, près de 10 % de tous les adhérents, dans les années 1930108. Les principales militantes sont des épouses de responsables fédéraux, souvent enseignantes (Renée Bonneau, Renée Rollo, Olga L’Hévéder).

Tableau 4 – Jeunesses et Femmes socialistes en Bretagne en 1938109.
Sections | Mandats | Délégués | |
Côtes-du-Nord | 67 | 49 | 4 |
Bretagne | 252 | 289 | 25 |
Totaux nationaux | 7298 | 7578 | 487 |
Tableau 5 – La représentation des forces fédérales de la SFIO en 1938110.
64À la fin du Front populaire en décembre 1938, le classement des fédérations bretonnes les situe dans le milieu du tableau des plus de 1 000 adhérents à 12 timbres annuels : la Loire-Inférieure est 19e, le Finistère 40e, le Morbihan 42e et les Côtes-du-Nord 57e quand la fédération du Nord arrive en tête avec 22 850 adhérents111. L’implantation du PS est inégale sur le terrain comme en témoigne le nombre de sections à cette date, 252 soit 3,45 % du total national, ainsi que leur poids dans les congrès : 289 mandats, 3,81 % (tableau 5). Il correspond au poids des effectifs régionaux dans le PS : 3,46 %. Le rapport est de un à quatre entre l’Ille-et-Vilaine et la Loire-Inférieure et la représentation du Finistère et du Morbihan semble poser problème car la première fédération a autant de mandats que la seconde avec un quart d’adhérents en moins… Le décalage entre l’impact militant de la SFIO et son influence électorale croissante, surtout en 1936, est une des difficultés de l’implantation du socialisme en Bretagne.
Une implantation électorale locale socialiste encore limitée en Bretagne
65La relative faiblesse de la SFIO transparaît dans les divers scrutins de la première moitié des années 1930 jusqu’à la belle percée législative d’avril-mai 1936, effectuée il est vrai au détriment des radicaux-socialistes. Aux élections cantonales et aux conseils d’arrondissement, la SFIO n’a pas toujours les moyens de ses ambitions préférant ne présenter des candidats que dans les villes et quelques zones de force. Le Finistère conserve la plus forte implantation locale. Aux élections cantonales de 1931, les socialistes présentent 16 candidats, doublant le nombre de 1922 ou de 1928. Mais malgré le soutien d’Émile Goude, le sortant Guillaume Messager est battu à Brest 1 par le sénateur-maire de Brest, le radical Le Gorgeu112 ; la SFIO perd ainsi un siège dans son bastion brestois où elle conserve deux conseillers d’arrondissement.
66En Ille-et-Vilaine, Quessot est le seul conseiller général élu à Rennes sud-est de 1919 à 1940, par les quartiers de cheminots, d’ouvriers de l’arsenal et d’artisans. Dans ce canton, la SFIO conserve un conseiller d’arrondissement élu en 1928 (David, puis Commeurec). Les candidatures des responsables connus se limitent aux villes où il y a des sections actives : il n’y a que trois candidats de la SFIO au conseil général et trois aux conseils d’arrondissement en 1931 ; trois et deux en 1934113. Dans ces cantons, ils recueillent de 1931 à 1937 entre 20 et 25 % des inscrits avec une progression marquée en 1934 de Le Borgne, adjoint au maire de Saint-Malo, et d’Aubry à Rennes nord-ouest. La progression du Front populaire permet d’augmenter la présence électorale : neuf candidats au conseil général, quatre pour les conseils d’arrondissement en octobre 1937 (18,7 % des inscrits). Un socle électoral existe bien mais pendant la période 29 cantons sur 43 n’ont eu aucun candidat socialiste, ce qui montre que ce département rural et modéré reste une terre de mission.
67Cette faiblesse en Haute-Bretagne est encore plus manifeste lors des élections municipales de 1935. Les socialistes ne participent à des listes d’union avec les radicaux qu’à Saint-Malo et à Redon car ces derniers lorgnent souvent vers le centre droit. À Fougères et à Rennes, ils sont contraints de constituer des listes homogènes comme dans cinq autres communes, signe que le Front populaire ne fonctionne pas encore dans ce département114. Le recul municipal des socialistes est marqué confirmant le glissement vers le centre droit des villes républicaines. De 34 conseillers municipaux en 1929, les socialistes tombent à dix (2 à Saint-Malo, 3 à Fougères, un seul à Rennes, Quessot) avec environ un quart des électeurs inscrits dans ces deux villes115. Parti de militants laïques et urbains, la SFIO a vu son implantation locale se réduire comme peau de chagrin en Ille-et-Vilaine dans l’entre-deux-guerres victime du glissement au centre droit du radicalisme et des progrès des droites alors que ses résultats en voix se stabilisaient. À la différence de la Basse-Bretagne, l’implantation rurale est inexistante sauf dans les cantons granitiers du nord-est.
68Dans le Morbihan, en 1935, avec une liste d’Union des gauches Emmanuel Svob et la SFIO regagnent la ville de Lorient, perdue en 1929, en battant au second tour une liste d’Union nationale conduite par Duran116. Le PS contrôle en outre trois municipalités près de Lorient, passant de deux maires en 1929 à quatre en 1935 (1,5 %)117. La situation n’est pas très brillante non plus dans le Finistère. La SFIO ne parvient pas à reconquérir Brest (trois élus au 2e tour) face au sénateur radical Le Gorgeu118 et perd Audierne et Ploujean alors que Tanguy Prigent est porté à la tête de sa commune de Saint-Jean-du-Doigt. Elle conserve Landerneau et Pont-L’Abbé plus quelques élus à Morlaix et à Concarneau. On peut saisir le recul de l’implantation municipale socialiste dans le Finistère à travers leurs délégués aux élections sénatoriales : en 1929, année de la perte de Brest, la SFIO avait 148 grands électeurs (10,9 %), en 1938 elle n’en a plus que 92 (7,5 %).
69Le seul succès important de la SFIO en Bretagne est la prise de la municipalité de Nantes en alliance avec les radicaux (17 SFIO, 3 radicaux-socialistes contre 16 élus de droite), ce qui porte Auguste Pageot à la tête de la cité des Ducs. Mais sur les 220 communes de Loire-Inférieure, les socialistes n’en dirigent que sept, des cités ouvrières (143 conseillers municipaux)119, contre quatre aux radicaux-socialistes120. La gauche n’a donc que 5 % des municipalités de ce département en 1935. Dans les Côtes-du-Nord, la progression est encore faible d’autant plus que la SFIO a perdu la ville de Saint-Brieuc toujours dirigée par Octave Brilleaud qui a suivi la scission néo-socialiste (fig. 19 pl. XVII du cahier couleur).
70En dehors des municipalités, la représentation socialiste est faible dans les conseils généraux et les conseils d’arrondissement de Bretagne avant la Seconde Guerre mondiale, d’abord parce que le parti n’a guère les moyens de présenter des candidats sauf dans le Finistère en 1931 (seize). Après 1936, ils tendent à être plus nombreux (de 3 en 1931 et 1934 à 9 en Ille-et-Vilaine). La SFIO progresse dans les conseils généraux : de 7 élus en 1931 et 1934 à 12 en 1937 (tableau 6). Avec 5,5 % des sièges en 1937, les socialistes SFIO sont la force d’appoint qui permet à la gauche et au centre gauche laïques d’avoir encore plus de sièges que les droites dans la région même si la gauche n’est plus majoritaire que dans deux départements sur cinq. Les conseillers généraux de la SFIO sont encore l’exception dans la région avant la guerre.
PCF | 1931 | 1934 | 1937 |
Côtes-du-Nord | – | – | 1 + 1 USR |
Bretagne 218 | 7 (3,2 %) | 7 | 12 (5,5 %) |
Tableau 6 – Les conseillers généraux socialistes de Bretagne de 1931 à 1940.
71En 1934, la SFIO présente cinq candidats dans le Finistère et a deux élus : Jean Julien à Brest qui reprend le siège d’Hippolyte Masson battu à Carhaix par le président du conseil général, le sénateur radical Lancien et, plus surprenant, à Lanmeur le jeune Tanguy Prigent qui n’a pas encore 25 ans bat au 1er tour (52,5 % des votants) le vieux notable radical Yves Guillemot, élu depuis 1910121. En revanche, Émile Goude le député de Brest pourtant soutenu au 2e tour par la SFIO et le PCF est battu dans le 2e canton par le PDP Yves Jaouen. La SFIO ne conserve plus que deux conseillers généraux dans le Finistère alors que le communiste Pierre Guéguin a enlevé le canton de Concarneau.
72En Loire-Inférieure, la SFIO progresse légèrement au conseil général (de deux en 1925 à quatre en 1937). À Henri Gautier (décédé) à Saint-Nazaire remplacé par François Blancho en 1925 s’est ajouté Eugène Leroux (Nantes 7) la même année, puis Auguste Pageot le nouveau maire de Nantes en 1935 (Nantes 2) et Maurice Thiéfaine à Bouaye en 1937. À la veille de la guerre les quatre députés socialistes siègent dans une assemblée départementale toujours dominée par les aristocrates conservateurs.
73Mais la progression de la SFIO en Bretagne se fait au détriment des radicaux-socialistes qui perdent du terrain dans les municipalités et même les conseils généraux. Il s’agit parfois plus d’un glissement de l’électorat du centre gauche vers les socialistes que d’une véritable progression. En 1937, le processus porteur du Front populaire s’inverse du fait des difficultés (économiques et financières), des frustrations et déceptions sociales et de la montée des tensions internationales. En Bretagne, ces incidences sont sensibles lors des élections cantonales de 1937 et des sénatoriales de 1938. Dans le Finistère, la majorité de centre gauche du sénateur Lancien au conseil général se réduit avec un fort taux de renouvellement des élus (dans 11 des 22 cantons soumis au renouvellement) ; il n’est réélu à la présidence qu’avec 22 voix contre 20. Dans les Côtes-du-Nord, la majorité radicale semble se consolider mais une motion en faveur du Front populaire n’obtient que 25 voix sur 48 élus, ce qui traduit la division entre les centristes et les élus de gauche. Dans le Morbihan comme en Ille-et-Vilaine, la droite redevient majoritaire. À Vannes, le sénateur radical-socialiste Maulion ne parvient pas à prendre la succession de son collègue Brard : il est battu au second tour (20 voix contre 15) par le Dr Guillois, le leader de la Fédération républicaine122.
74Les élections sénatoriales d’octobre 1938 confirment la reconquête du centre droit et même des droites sur les notables du centre gauche montrant que la dynamique du Front populaire est cassée. Dans les Côtes-du-Nord, lorsque le sénateur Le Troquer disparaît en 1937, c’est le radical indépendant Bedfert qui est élu avec les voix de la droite contre Le Dr Lemonnier, un radical-socialiste de gauche soutenu par le député Michel Geistdoerfer123. Le siège reste donc acquis au centre droit. Lors du renouvellement d’octobre 1938, le Parti radical-socialiste propose un congrès républicain élargi dans une situation très confuse puisque deux listes radicales, une de gauche et une modérée risquent d’être en lice. Le sortant Gustave de Kerguézec a été écarté. Lors du vote, les radicaux favorables au Front populaire sont nettement battus : le sénateur et président du conseil général Meunier, le député Geistoerderfer et l’ancien député de Guingamp Lorgeré. Seuls deux radicaux-socialistes, le sortant Pierre Even et le député de Saint-Brieuc 1 Pierre Michel qui a remplacé Geistdoerfer sont élus alors que le centre droit hostile au Front populaire enlève trois sièges124. Certes, les dissensions personnelles entre les notables radicaux-socialistes ont pesé lourd mais au-delà ce sont bien des notables centristes et modérés (centre gauche et centre droit laïques) qui s’imposent dans ce département.
75L’évolution est comparable dans le Finistère, mais plus encore en faveur de la droite. Lors de la disparition du leader radical-socialiste Georges Le Bail à 80 ans le 3 février 1937, son adversaire de droite le conseiller général de Pont-L’Abbé Jacques Quéinnec lui succède125. Et le 23 octobre 1938, les deux sénateurs sortants radicaux (hostiles au Front populaire) Le Gorgeu et Lancien (au 3e tour) sont difficilement réélus alors que la liste très marquée à droite enlève trois sièges (Quéinnec, Du Frétay, Dr Lejeune, maire de Morlaix). Au niveau local, le radicalisme s’est érodé sans que les socialistes prennent le relais. Pourtant, on avait observé une certaine résistance au niveau local en 1935. Aux élections sénatoriales de 1929, les radicaux-socialistes et les radicaux-indépendants avaient 454 délégués (33,6 %) ; en 1938, ils en ont 438 (35,6 %)126. Outre les républicains de gauche qui ont voté avec la droite, des élus radicaux bretons, hostiles ou réservés vis-à-vis de l’alliance avec les partis marxistes, ont glissé vers la droite avant la guerre. C’est le contrecoup de la progression électorale de la SFIO et même du PCF en 1936 et 1937. De toute façon, ces deux partis peu implantés localement pèsent peu aux élections sénatoriales.
76En outre, la SFIO s’est divisée depuis longtemps sur « l’exercice du pouvoir » cher à Léon Blum, et les difficultés du Front populaire en 1937-1938 ajoutées à la montée des risques de guerre ne renforcent pas l’unité du parti, bien au contraire.
Les tensions internes à la SFIO : participation gouvernementale, non-intervention en Espagne, problème de la paix et du fascisme
77Question récurrente depuis 1924 et le Cartel des gauches, la participation à des « gouvernements bourgeois » de gauche, c’est-à-dire à direction radicale, agite la SFIO au début des années 1930 car certains remettent en question la ligne du parti et la distinction de Léon Blum entre la conquête et l’exercice du pouvoir. De plus en plus, cette question recoupe celle du pacifisme et de l’acceptation d’une politique de défense nationale avec le vote des budgets, et celle de l’appui à la politique déflationniste, voire antisociale des gouvernements de gauche (1932-1934). Les réponses divergentes génèrent des tensions entre le groupe parlementaire dont la majorité est favorable à la participation et la direction du parti (CAP) qui la condamne à plusieurs reprises de 1929 à 1934. Cette opposition stratégique et de plus en plus doctrinale va déboucher sur des exclusions et des scissions, telle la scission néo-socialiste en 1933-1934, voire celle de 1938 sur d’autres enjeux. La base militante est conviée à trancher ces débats lors de plusieurs congrès, ce qui provoque la cristallisation de courants autour de motions, courants qui évoluent et se repositionnent au fil du temps.
78La question de la participation souhaitée par de nombreux députés a été reposée lors du congrès extraordinaire de janvier 1930. La majorité du parti avec Léon Blum et Paul Faure l’a rejetée. La fédération des Côtes-du-Nord a largement approuvé ce refus de participation du Conseil national mais elle a laissé la CAP en décider en écartant du même coup un amendement de la section de Dinan hostile par principe. À cette occasion une fracture s’est ébauchée entre les dirigeants briochins : Hippolyte Pasquiou souhaitait laisser les mains libres à la CAP ; Octave Brilleaud était favorable au groupe parlementaire. Ce débat rebondit après la victoire des radicaux en 1932 et la poussée de la SFIO (131 députés) et il se complexifie en 1933 avec l’affirmation de plusieurs courants dans le parti (tableau 7).
79En Ille-et-Vilaine, l’ancien député Albert Aubry s’est prononcé immédiatement pour la participation au futur gouvernement Herriot en 1932 pour que la SFIO ne soit pas rendue responsable d’un échec de la gauche comme lors du Cartel des gauches. À l’inverse, les sections brestoises auparavant très participationnistes sont réservées127. Le 29e congrès national de la SFIO doit trancher. Les fédérations du Morbihan et d’Ille-et-Vilaine se sont prononcées pour par 25 mandats contre 2, celle du Finistère aussi mais sans illusions sur la volonté radicale de partager le pouvoir avec les socialistes128. Au congrès de Paris, la participation est acceptée à la quasi-unanimité (à 96,2 %) mais le catalogue en neuf points des réformes exigées par la SFIO dans ses « Cahiers de Huygens » est tel, au moment où la Grande Dépression frappe de plus en plus durement l’économie française, qu’Édouard Herriot ne peut que refuser cette offre de service (1er juin 1932)129. La grande majorité des antiparticipationnistes, sauf quelques irréductibles, a voté pour en connaissance de cause.

(1) Motion Périgaud de l’Action socialiste (extrême gauche).
(2) Motion de la Bataille socialiste (gauche) -P. Faure.
(3) Motion Vie socialiste Renaudel.
(4) Motion Unité socialiste Auriol.
Tableau 7 – La répartition des voix et des mandats lors des congrès nationaux de la SFIO130.
80Cette unité de façade ne règle rien. Moins d’un an plus tard, en janvier et en février 1933, la majorité des parlementaires socialistes vote le 12e provisoire car le budget est en suspens, puis un prélèvement sur les fonctionnaires pour éviter la chute du gouvernement Daladier, soutenant ainsi sa politique déflationniste131. Léon Blum démissionne de la présidence du groupe, Vincent Auriol de la vice-présidence, alors que les militants demandent des comptes. Sous la houlette de Guy Le Normand, le secrétaire fédéral, et d’Hippolyte Masson, les Finistériens blâment cette politique, demandent que le groupe suive les décisions de la CAP et refusent la participation à l’unanimité132. Avec Léon Blum, vingt députés dont H. Masson ont voté contre le prélèvement voulu par le gouvernement. Ces débats ont traversé et divisés les fédérations bretonnes. En vue du congrès d’Avignon (avril 1933), les Finistériens soutiennent la motion de la gauche du parti, celle de La Bataille Socialiste présentée par Jean Zyromski et Paul Faure (122 voix) et reprise au congrès par Léon Blum contre la motion participationniste de Pierre Renaudel et Marcel Déat soutenue par la section de Landerneau (31 voix). C’est à peu près le rapport des forces au sein du parti à Avignon : les trois quarts des adhérents soutiennent la motion Blum qui propose un compromis, un rappel à l’ordre sans blâme des parlementaires. Conduits par Louis L’Hévéder, les Morbihannais ont adopté une position inverse : la section de Guiscriff s’est opposée en février au secrétaire fédéral L’Hévéder rallié à l’idée de participation. En avril, au congrès fédéral, il a défendu la motion favorable qui obtient 18 mandats sur 30 et au congrès d’Avignon la majorité de sa fédération l’a suivi en se prononçant pour la participation, en désaccord donc avec la majorité du parti133. Ensuite, le député du Morbihan a défendu le vote du budget présenté par le gouvernement Daladier car selon lui : « il faut penser à l’intérêt du prolétariat et voter le budget quand il peut contrer la Réaction » mais sans remettre en cause l’unité du parti.
81Dans les Côtes-du-Nord, le débat sur la participation recoupe un autre débat interne entre les tenants d’une ligne d’extrême gauche regroupés dans le Trégor autour du journal La Charrue Rouge et du vieux leader Augustin Hamon, et les sections briochines dont l’un des chefs au moins, Octave Brilleaud, est favorable aux thèses participationnistes des néo-socialistes134. L’Éveil Breton, le journal de la fédération, saisit cette divergence pour passer à l’offensive contre La Charrue Rouge qui revendique haut et fort son indépendance. Pierre Brilleaud, le fils du maire de Saint-Brieuc, issu des JS, est alors secrétaire fédéral. La fédération est divisée car l’instituteur Guy Voisin de Guingamp, ancien secrétaire fédéral, est partisan de la fermeté à l’égard des parlementaires du parti quand Guy Robert, le secrétaire fédéral-adjoint de Saint-Brieuc, plaide pour le compromis. Au congrès fédéral d’avril 1933, l’unité l’emporte et la direction sortante est réélue à l’unanimité. Le vote sur les motions traduit le rapport des forces entre les courants : la motion Blum-Faure obtient 43,1 % des voix (7 mandats) ; la gauche : motion Alleaume 34 % (5 mandats) ; les néo-socialistes : motion Renaudel-Déat : 19,7 % (3 mandats, 90 % dans les trois sections briochines)135. Une nette majorité se dégage en faveur des opposants à la participation : 12 ou 13 mandats contre trois au congrès d’Avignon
82Un mois plus tard, 102 députés sur 131 votent le budget contre l’avis de Léon Blum. La majorité des parlementaires socialistes (79 sur 147 députés et sénateurs) entre en rébellion contre les organismes dirigeants de leur parti. Le congrès de la Mutualité à Paris (juillet 1933) est convoqué pour statuer sur l’indiscipline du groupe. La gauche avec la motion de la Bataille socialiste soutenue par le secrétaire général Paul Faure blâme le groupe et s’oppose à la droite du parti qui, avec la motion de La Vie socialiste défendue par Renaudel, considère que cette condamnation exprime une « une volonté de scission ». Avec sa motion en position centriste, Vincent Auriol tente d’éviter la cassure. L’extrême gauche se retrouve sur la motion de L’Action socialiste. La motion de P. Faure obtient la majorité absolue des mandats (54,5 %) : elle blâme la majorité du groupe parlementaire tant au niveau national qu’en Bretagne (tableau 7)136. Avec 80,8 % des voix cette position domine dans le Finistère alors que la motion de La Vie Socialiste défendue par le maire de Landerneau Jean-Louis Rolland n’en obtient que 6,1 %. La section de Brest se situe désormais dans la majorité de la fédération, signe que l’influence d’Émile Goude, réélu député en 1932, ne pèse plus guère. L’Ille-et-Vilaine donne une nette majorité à la gauche et à Paul Faure alors que dans le Morbihan les participationnistes, partisans de Renaudel et de Déat, sont presque majoritaires, sans accepter pour autant la rupture recherchée par les néo-socialistes. Si La Bataille Socialiste de Jean Zyromski arrive largement en tête dans les Côtes-du-Nord (42,3 % des voix), l’extrême gauche forte dans le Trégor reste influente (28,6 %) et les tenants de l’unité ont gagné du terrain (24,6 %) du fait du ralliement à la motion Auriol des sections briochines. Cette évolution majeure isole les participationnistes et les néo-socialistes (4,5 %) qui se concentrent désormais à Dinan (10 voix contre 13 à la gauche)137. En Bretagne où la discipline et la volonté unitaire l’emportent, les rapports de forces ont peu évolué entre les deux congrès de 1933. Dans trois fédérations bretonnes sur cinq, la droite de la SFIO regroupée dans La Vie Socialiste est très minoritaire.
83La protestation des leaders néo-socialistes à Angoulême le 23 août 1933 contre les décisions du congrès de la SFIO rend leur exclusion inévitable. Elle est réclamée avec fermeté par les Finistériens et les militants des Côtes-du-Nord. Le Conseil national des 4 et 5 novembre 1933 exclut les chefs néo-socialistes indisciplinés qui se sont mis hors du parti mêlant les participationnistes comme Renaudel et Ramadier et les vrais néos, les vrais révisionnistes comme Marquet, Déat et Montagnon, qui veulent jeter le marxisme aux orties. Ces exclus sont suivis par leur fédération : Ramadier en Aveyron et Renaudel dans le Var, Marquet en Gironde, plus celles de Charente et des Hautes-Alpes. Les fédérations bretonnes se disent faiblement touchées par la scission néo-socialiste (1933-1934). Notons que Goude qui souhaite sa réintégration dans le parti ne suit pas son vieux camarade Renaudel et que Louis L’Hévéder comme Jean-Louis Rolland et les dirigeants briochins comme Guy Robert et Octave Brilleaud choisissent apparemment la discipline et l’unité du PS138. Pourtant, reflet de la crise politique interne et aussi sans doute de l’aggravation de la crise économique et sociale, le fléchissement des effectifs est sensible en 1933-1935 surtout dans le Finistère et le Morbihan (tableau 3).
84La scission néo-socialiste semble limitée en termes d’adhérents dans la fédération SFIO des Côtes-du-Nord. Elle a pourtant une grave répercussion sur la presse militante. En effet, Octave Brilleaud contrôle financièrement l’Imprimerie populaire de Saint-Brieuc (devenue une SA), dirigée par le conseiller municipal socialiste Pierre Le Bigaignon. Or, cette imprimerie publie L’Éveil Breton, le journal fédéral. Quand O. Brilleaud démissionne de la SFIO, la direction fédérale suspend l’impression du journal fabriqué à Morlaix. Un dernier numéro daté du 7 juillet 1934 est publié. Le lendemain, un congrès fédéral extraordinaire, présidé par le député du Finistère H. Masson, décide de lancer un nouveau titre Le Combat qui sera imprimé à Rennes139. Mais ce nouveau journal aura du mal à vivre jusqu’à l’embellie du Front populaire.
85La scission néo-socialiste a donc laissé des traces dans une fédération déjà fort divisée tout en renforçant la gauche et l’extrême gauche du Parti socialiste. En effet au début des années 1930, son fondateur et leader Augustin Hamon exprime des analyses originales dans son journal La Charrue Rouge lancé le 1er juillet 1930 par une équipe de socialistes du Trégor140. Au moment où la SFIO recule électoralement dans la région de Lannion, ils animent un journal qui va soutenir les luttes paysannes et qui se veut indépendant de la fédération qui a son propre organe, L’Éveil Breton. Cette initiative est à la limite de la dissidence car elle affiche une ligne de lutte des classes et est pour une politique unitaire avec les communistes. Dans ses articles, A. Hamon développe une analyse marxiste du monde : il est sous le charme du « mirage soviétique » perçu comme l’avenir de la civilisation141. L’intellectuel passé par l’anarchisme pourfend sans cesse le capitalisme, le cléricalisme et le fascisme. Le pacifisme, l’antimilitarisme et le marxisme conduisent l’équipe de La Charrue Rouge à militer au sein du mouvement Amsterdam-Pleyel contre la guerre impérialiste initié par les communistes. Pratiquant déjà le front unique avec eux, Augustin Hamon participe personnellement au congrès fondateur d’Amsterdam en août 1932, une initiative bientôt condamnée par son parti, lui-même étant menacé d’exclusion142. Au début des années 1930, A. Hamon a structuré un véritable courant d’extrême gauche au sein de la fédération SFIO des Côtes-du-Nord contre la direction briochine incarnée par le maire de Saint-Brieuc Octave Brilleaud, un courant qui est renforcé en 1934 par le départ d’O. Brilleaud qui rejoint les néo-socialistes. Les relations avec les communistes ne sont pourtant pas sans nuages. L’important pour la SFIO des Côtes-du-Nord est son implantation dans le monde rural à la faveur des luttes contre les ventes-saisies et l’émergence d’un responsable paysan avec Philippe Le Maux, élu conseiller d’arrondissement en 1931, puis député de Lannion en 1936. L’expérience originale de La Charrue Rouge qui disparaît au début de 1937 à la suite de difficultés internes est intéressante car elle a permis un rapprochement sur le terrain des socialistes et des communistes bien avant le tournant de 1934, à un moment il est vrai où le rapport des forces, militantes et électorales, est favorable à la SFIO. Partisan de dépasser la scission de Tours, ami de Marcel Cachin, Augustin Hamon préconise une ligne politique unitaire et d’extrême gauche qui va favoriser la construction du Front populaire et l’essor de la SFIO dans le Trégor et en Haute-Cornouaille. Une génération de jeunes militants, socialistes mais aussi communistes – les élèves à Lannion du socialiste Alain Le Lay à l’origine de La Charrue Rouge – émerge. Ce mouvement politique et social favorise un début d’implantation électorale du PCF qui va se développer à la Libération. En outre, le positionnement très à gauche d’Augustin Hamon coupe l’herbe sous le pied à une extrême gauche indépendante.
86L’exclusion des néo-socialistes en 1933 comme celle des pivertistes en 1938 aura finalement des conséquences limitées en Bretagne. Ce n’est pas le cas des débats internes à la SFIO après les accords de Munich (septembre 1938) et à la veille de la guerre. Les divisions sont alors profondes entre les « pacifistes » dirigés par Paul Faure, soutenu par le député de Lorient Louis L’Hévéder, seul Breton membre de la CAP, et les « bellicistes » menés par Zyromski auxquels Léon Blum se rallie. Au congrès de Royan, en juin 1938, L’Hévéder s’est affirmé comme un pacifiste convaincu proposant dans son discours de réviser les traités pour éviter une nouvelle guerre alors qu’Hitler a déjà procédé à L’Anschluss. Après Munich, il a fait approuver par son conseil fédéral sa position munichoise et pour un rapprochement franco-allemand143. En décembre 1938, lors du congrès national de Montrouge, dans le Morbihan, la motion Faure-L’Hévéder est majoritaire avec 38 mandats contre 24 à la motion Blum soutenue par la gauche du parti. Trois mois plus tard, lors du congrès de Nantes tenu après la violation des accords de Munich par Hitler et l’établissement d’un protectorat nazi sur la Bohème-Moravie, le rapport des forces a évolué : 21 mandats pour les pacifistes et Paul Faure contre 19 pour Léon Blum ; une motion de synthèse a recueilli 14 mandats. Au moment du congrès de Montrouge, pacifistes et partisans de la fermeté discutent sans affrontements trop virulents dans le Finistère, à la recherche d’une improbable synthèse144. Unis sur la politique intérieure et la motion Roucayrol (61 mandats), ils ont divergé en politique étrangère donnant 46 mandats à la motion Blum, majoritaire au congrès, contre 15 à la motion « pacifiste » de Paul Faure. Tanguy Prigent et les ¾ de sa fédération appuient Léon Blum qui n’a obtenu que 52,9 % des mandats au congrès de Montrouge contre 34,7 % à Paul Faure. Au fil des mois, Le Breton Socialiste finistérien est de plus en plus « belliciste » et blumiste quand Le Réveil du Morbihan de L’Hévéder défend le « pacifisme » paul-fauriste. Tanguy Prigent contribue à ce durcissement « belliciste » en entrant au comité de rédaction d’Agir de l’ancien ministre de l’Agriculture du Front populaire Georges Monnet145. La tendance ultra-pacifiste Redressement socialiste de l’universitaire Luc Zoretti, venu de la Gauche Révolutionnaire, est alors défendue dans le Finistère par Guy Lemonnier146, le gendre du Briochin O. Brilleaud, nommé professeur à Brest en octobre 1938, où elle est très minoritaire.
87La fédération des Côtes-du-Nord est davantage divisée en deux blocs de force égale : à la veille du congrès de Nantes en mai 1939, la ligne Blum-Zyromski obtient 25 mandats contre 25 à celle de Paul Faure, même si tous veulent mettre « l’unité du parti au-dessus de tout147 ». Les clivages des années 1933-1934 réapparaissent : les sections briochines animées par Antoine Mazier sont pacifistes quand le pays bretonnant défend Zyromski. Dans le Finistère, Hippolyte Masson, Tanguy Prigent et Charles Foulon, le responsable des JS, appuient la fermeté face à l’expansionnisme nazi qui recueille 102 voix contre 43 à Paul Faure, 20 à Zoretti-Deixonne et 32 abstentions. Comme au niveau national (38 % des mandats), le camp pacifiste a progressé dans le Finistère (38,2 % des voix exprimées). Mais tous souhaitent la synthèse pour éviter l’éclatement du parti.
88Cette synthèse majoritaire Blum-Faure sur la politique extérieure votée au 36e congrès de Nantes ne maintient qu’une unité de façade148. En réalité, la SFIO est profondément divisée au niveau national comme en Bretagne. Le pacifisme et l’anticommunisme de certains notables socialistes comme L’Hévéder, très lié à P. Faure et signataire de sa motion, préparent leur ralliement à Vichy quand d’autres comme Tanguy Prigent, encore attachés à la paix, prennent progressivement conscience du danger nazi, préparant leur entrée en résistance. Ce congrès a été ouvert par Albert Vinçon, le secrétaire fédéral de Loire-Inférieure et nul n’est dupe des rafistolages malgré les affirmations de la presse socialiste149.
89Durant l’entre-deux-guerres, la SFIO en Bretagne est un parti politique clairement ancré à gauche, voire à l’extrême gauche, fidèle à la lutte des classes et au combat laïque, en général plutôt réservé sinon hostile à l’alliance avec les radicaux, mais il est désormais concurrencé sur sa gauche par le PCF.
Le relatif « décollage » du PCF en Bretagne
90Jusqu’en 1934-1935, le PCF reste groupusculaire ne parvenant à sortir de son isolement que grâce à la mise sur pied du Pacte d’unité d’action avec la SFIO puis au Front populaire. C’est souvent l’arrivée (ou le retour) en Bretagne de militants et le tournant politique de 1934-1935 qui font sortir le PCF et ses quelques dizaines de militants urbains et ouvriers de leur ghetto. Une nouvelle génération de militants et de cadres brise l’isolement et le gauchisme du Parti à partir des années 1932-1934. Après la désorganisation qui a succédé à l’affaire Carré en 1929, tout est à reconstruire dans une région où le PCF ne peut plus guère s’appuyer que sur ses noyaux de la CGTU. Parmi ces nouveaux cadres, l’employé des chemins de Fer Yves Flouriot à Saint-Brieuc, Jean Le Hénaff, Francis Marzin, à Plouaret-Lannion150. Ces militants revenus au pays ont été gagnés aux idées communistes lors de leurs parcours professionnels hors de Bretagne. Dans le Morbihan, au milieu des années 1930, la fédération est dirigée par Le Bohec et par Guyot mais ses effectifs sont faibles et elle est rattachée à celle du Finistère.
91En Ille-et-Vilaine, après l’affaire Carré, la direction du PCF a nommé en mars 1929 un nouveau responsable de 29 ans, connu sous le nom de Marcel Laporte, en fait Émile Drouillas, pour réorganiser le Parti qu’il dirige jusqu’à la guerre151. Jean Bruhat, nommé professeur au lycée de Nantes, devient secrétaire du rayon ; il ne peut que constater le faible nombre et le sectarisme des militants152. Même démarche dans le Finistère où le jeune Alain Signor, né à Pont-L’Abbé, normalien à Quimper, puis instituteur, militant des JC, entre au comité régional du PC en 1929 (à 24 ans).
92Le changement de ligne n’est pas toujours facile à expliquer comme en 1935 l’abandon de l’antimilitarisme virulent au profit de l’appui à la politique de défense nationale après la signature du pacte franco-soviétique entre Staline et Laval.
93D’ailleurs, en terme d’adhésions, la nouvelle ligne d’unité d’action et de Front populaire ne porte pas immédiatement ses fruits car ce n’est qu’en 1936 que les courbes décollent (tableau 8). Il est difficile d’évaluer le nombre exact d’adhérents du PCF, y compris dans les sources communistes qui donnent le nombre de cartes envoyées et placées des années 1935-1937 (décembre 1937)153. En 1936, 5 725 cartes ont été envoyées dans les fédérations de Bretagne (Mayenne et Vendée incluses) pour 4 248 placées (74,2 %). La progression est évidente même si les chiffres annoncés à la fin de 1936 sont sans doute quelque peu surévalués (tableau 8)154. Lors d’une conférence régionale de la région Finistère-Morbihan, le 27 janvier 1936, le secrétaire régional Alain Signor déclare qu’un an auparavant, le Parti se fixait un objectif « à 1 000 adhérents et on en a eu 1 300155 ». C’est quand même un tiers de moins que les effectifs officiellement revendiqués. Même en prenant les cartes envoyées, en 1936 et 1937, les communistes bretons représentent moins de 2 % (1,97 % en 1936) des effectifs nationaux. Pourtant, en quelques mois, l’essor d’un parti jusque-là groupusculaire a été impressionnant. Le PCF est en passe de rattraper la SFIO (6 866 adhérents en 1936) mais sans la dépasser dans la région contrairement au niveau national, pas même en 1937 ni 1938.

(1) Avec la Mayenne
(2) Avec la Vendée
Tableau 8 – L’évolution des effectifs du PCF en Bretagne de 1935 à 1938 d’après les sources communistes156.
94L’exemple des Côtes-du-Nord montre l’impact de la stratégie d’alliance à gauche et de mobilisation sociale notamment dans les luttes paysannes contre les ventes-saisies avec les socialistes du Trégor. En septembre 1935, dans le cadre d’une réorganisation, les Côtes-du-Nord deviennent une région indépendante. Le PCF compte alors 84 adhérents (11 cellules) plus 71 JC : il a doublé ses effectifs depuis 1930 car ils étaient tombés à 55 en 1932157. Les adhésions n’arrivent qu’avec la victoire électorale du printemps 1936 et les grèves qui touchent le département en juin et juillet : le PCF est à 800 adhérents (fin mai) et 900 (le 21 juin) pour atteindre 1 500 au début 1937 et 1 800 ou 1 850 à la fin de l’année. Le rayon de Saint-Brieuc serait passé de 50 militants à la mi-juin 1936 à 309 le 17 octobre158. Pour gérer cet essor, important en pays bretonnant, quatre puis six sections sont créées. Le nombre de cellules passe de 19 en avril 1936 à 87 en décembre 1937, avec deux cellules d’entreprise seulement. La politique unitaire avec les socialistes, surtout dans le Trégor, et les meetings communs de Marcel Cachin avec les députés SFIO Tanguy Prigent et Philippe Le Maux portent leurs fruits. À la fin de 1936, des tournées de propagande de plusieurs députés communistes qui sillonnent les campagnes de l’est du département donnent une visibilité politique à un parti jusque-là mal connu. L’implantation rurale touche les campagnes bretonnantes mais bien peu la zone gallèse, sauf les noyaux de carriers au Hinglé et à Pléhérel. Un tassement s’amorce dans la seconde partie de 1937 et s’accélère avec les difficultés de l’année 1938 avec une forte baisse (de plus de moitié).
95Tombés en Ille-et-Vilaine à 91 militants en 1928, le PCF remonte à 320 en 1934, dépassant ses effectifs de 1923-1924 d’un bon tiers. Le redressement est ici important et régulier avec un coup d’arrêt en 1935159, suivi d’un doublement des effectifs en 1936 (650 avec la Mayenne) et d’un chiffre identique en 1937 (mais sans les Mayennais). Contrairement à l’évolution générale, la progression se poursuit en 1938 pour atteindre environ 900 personnes160. De même les Jeunesses communistes (JC) regroupent 370 adhérents, un doublement de 1936 à 1937. Des villes, l’implantation communiste s’étend vers les petits centres ouvriers : les carrières de granit du nord-est, les mines de Coësmes au sud-est, la périphérie rennaise, près des ateliers militaires de Bruz et les gares (Messac). Cette pénétration encore limitée se fait dans la « dorsale républicaine » centrale d’Ille-et-Vilaine, sans toucher les campagnes gallèses de l’est ou de l’ouest. En 1939, le PCF a des cellules dans les villes côtières (Saint-Malo, Dinard, Saint-Servan, 30 membres), à Fougères et à Louvigné-du-Désert (22 membres), à Dol-de-Bretagne et à Combourg, ainsi que plusieurs à Rennes dont deux cellules d’entreprise.
96En 1936, la progression a été tout aussi sensible dans la région Finistère-Morbihan. Selon les communistes, le rayon de Brest serait passé de 15 adhérents et une seule cellule le 1er janvier 1936 à 176 membres et 13 cellules le 27 décembre161. À Léchiagat-Tréffiagat, port communiste, on a 70 adhérents, près d’une centaine à Scaër où se trouvent les papeteries Bolloré. L’essor est marqué à Lorient (de 2 à 9 cellules et de 37 à 143 adhérents) et à Vannes (d’1 à 7 cellules, de 14 à une centaine de membres). À Lorient, le jeune comptable Louis Guiguen a adhéré en 1934 aux JC dont il devient le secrétaire en 1935 et il milite au PCF se présentant aux élections au conseil d’arrondissement en 1938 ; il sera élu député communiste en 1945162.
97C’est sur la côte sud du Finistère que ce progrès est le plus marqué. Depuis 1919, Concarneau a une municipalité de droite avec J. Toiray (RI), réélu plus difficilement en mai 1929. Or, pour la première fois à cette élection Pierre Guéguin, professeur de mathématiques à l’EPS depuis 1926, qui conduit la liste communiste, a obtenu le plus de suffrages de tous les candidats au 1er tour et il est entré avec trois camarades dans la municipalité163. Aux élections cantonales d’octobre 1931, à la suite d’un accord, le socialiste se désiste en sa faveur contre un URD élu (54 %) mais la gauche redevient majoritaire dans le port. En pleine stratégie « classe contre classe », Concarneau est à l’avant-garde du rapprochement des deux frères ennemis ce qui place Pierre Guéguin (38 ans) en porte-à-faux, sinon en désaccord avec la ligne de son parti. Il est d’ailleurs sanctionné car il est remplacé par J. Le Coz aux élections législatives de 1932. Partisan de l’union des gauches avant l’heure, P. Guéguin va incarner la nouvelle ligne du PCF après le tournant de juin 1934. Et, en octobre 1934, il est le candidat unique de Front commun dès le 1er tour164. Au second, il est élu de justesse avec 50,4 % des voix devenant le premier et le seul conseiller général communiste en Bretagne jusqu’à la guerre (fig. 20 pl. XVII du cahier couleur) et l’un des sept conseillers généraux communistes de France avant les progrès de 1937 (42 élus)165.
98La percée électorale du PCF a été forte dans la partie occidentale des Côtes-du-Nord lors des élections cantonales et aux conseils d’arrondissement d’octobre 1934 traduisant les retombées électorales de l’engagement des communistes dans les luttes paysannes166. Ils présentent des candidats communs avec les socialistes unitaires du Trégor sous l’étiquette du Bloc ouvrier et paysan (BOP) montrant une application précoce de la stratégie du Front populaire. Un début d’ancrage communiste qui va s’amplifier après 1945 apparaît dans trois cantons167. Ce vote communiste encore circonscrit peu en partie expliquer le recul radical qui s’amorce dans les campagnes bretonnantes.
99Les élections municipales de mai 1935 voient une poignée de communistes entrer dans les conseils municipaux, dans le Finistère et les Côtes-du-Nord seulement. En général, dans les villes de Bretagne, le PCF a présenté ses propres listes qui n’ont eu que de faibles résultats à l’exception du sud Finistère. À Concarneau, Pierre Guéguin conduit la liste d’union des gauches qui l’emporte à la faveur de la rivalité de deux listes de droite, celle du maire sortant et celle d’Hervé Nader. L’habile campagne de P. Guéguin se solde par la victoire de sa liste de gauche le 12 mai 1935 (15 PCF et six SFIO contre deux de droite). Le PCF enlève aussi la commune voisine de Beuzec Conq ainsi que deux ports de pêche du pays bigouden : Le Guilvinec et Tréffiagat. Ces deux ports dirigés par les socialistes depuis 1924 et 1925 élisent Marc Scouarnec qui a d’abord milité à la cellule de Lesconil et est membre du bureau régional du PC168, et Désiré Larnicol (26 ans), militant du Secours Rouge qui adhère au PCF en 1935169. Sur le littoral du Finistère sud, le vote communiste supplante le vote socialiste. Avec quatre nouveaux maires et des élus minoritaires dans six communes (fin 1937), le Parti communiste fait une vraie percée électorale dans le Finistère aux élections municipales de 1935 et il aura une quarantaine de conseillers municipaux en 1939170.
100La situation à Douarnenez est plus complexe. Au début des années 1930, le difficilement contrôlable Daniel Le Flanchec s’est rapproché de notables radicaux et son autoritarisme a provoqué des départs et des démissions dans son conseil municipal ainsi qu’une liste concurrente d’anciens communistes en 1929 et en 1935171. Face à la liste Le Flanchec, la liste officielle du PCF (17 marins ou patrons pêcheurs sur 27), s’oppose une liste PDP-droite mais aussi la liste dissidente de gauche de François Pencalet, un ancien adjoint opposé aux méthodes du maire sortant dont la liste est entièrement réélue dès le 1er tour172. Le maire de Douarnenez écrit en 1935 des articles toujours aussi virulents dans La Bretagne Ouvrière Paysanne et Maritime. Au début avril 1936, il démissionne du Parti et devient un adversaire à abattre, puis un « renégat » à l’image de Jacques Doriot qu’il soutiendra brièvement en 1937173. La rupture est consommée : la majorité communiste du conseil municipal de Douarnenez réclame en vain la démission du maire, vote contre le budget en décembre, puis démissionne en bloc174. Lors des élections municipales du 31 janvier et 6 février 1937, la liste Le Flanchec (ex-communistes, radicaux, et droite) l’emporte contre la liste de Front populaire de Jos Pencalet (PCF) qui n’a qu’un seul élu175. Daniel Le Flanchec qui semble être resté à gauche176 conserve sa mairie alors que le PCF qui a progressé électoralement perd son premier fief finistérien.
101Dans les Côtes-du-Nord, le PCF obtient quelques conseillers municipaux en 1935 dans quatre ou cinq communes dont un maire à Plounévez-Moëdec à la fin de 1937177. En 1939, il y aurait 17 élus communistes dans ce département178. Il est intéressant de souligner que certains ont été élus comme radicaux ou comme socialistes en 1935 et qu’ils ont adhéré au PCF avec le Front populaire. C’est le cas du commerçant Jean-Baptiste Le Corre, le seul maire, qui a succédé à son père et semble être le seul communiste de son conseil municipal, élu en 1935 comme socialiste à la tête d’une municipalité de droite179. C’est donc plus sa personnalité, voire sa qualité d’héritier, que ses idées qui portent Le Corre à la mairie mais dans une commune qui a un électorat ouvrier avec les papeteries Vallée180. Cet exemple montre déjà le début d’un processus de glissement, bien plus fort à la Libération, de la SFIO vers le PCF. La dynamique électorale et militante du Front populaire favorise l’attraction du PCF sur quelques élus de gauche du Centre-Bretagne (Callac, Rostrenen) et dans les communes de carriers (Paule, Plévin). Treize élus de dix communes seront déchus de leur mandat en 1940181.
102À la veille de la guerre, l’implantation municipale communiste reste encore bien mince, concentrée dans quelques cités de Basse-Bretagne, mais la progression électorale y a été sensible lors des élections cantonales d’octobre 1937. Les candidats communistes au conseil général et aux conseils d’arrondissement progressent sur 1936 : plus de 20 % des voix à Maël-Carhaix et Rostrenen dans le sud-ouest des Côtes-du-Nord et à Bégard malgré un certain tassement dans le Trégor, plus de 10 % dans la région briochine et des progrès sensibles dans la région dinannaise182. Yves Flouriot fait 14,1 % des voix à Saint-Brieuc nord et le jeune Jean Garnier 16,4 % à Dinan ouest (53,4 % dans sa commune de carriers du Hinglé). La progression électorale communiste est remarquable dans une douzaine de cantons de ce département traduisant un début d’enracinement qui se concrétisera en 1945. Elle montre d’abord que des régions au vote de gauche, des zones bleues, sont en train de passer du radicalisme au communisme. La lutte résistante ne fera qu’accélérer un processus engagé à la fin des années 1930. De plus, au sein de la gauche marxiste, la ligne unitaire impulsée par l’aile d’extrême gauche de la SFIO (A. Hamon), profite davantage au PCF qu’au PS, même si ce parti remporte encore quelques succès lors de ces élections. La progression est identique dans les bastions communistes du Finistère sud. Dans le canton de Pont-Labbé où Alain Signor avait obtenu 21,2 % des voix au 1er tour en 1936 (15,5 % sur la circonscription), il fait 28 % au conseil d’arrondissement en 1937 et obtient 46,2 % au 2e tour. En 1938, il rate de quelques voix son élection (49,4 %)183. Contrôlant déjà plusieurs ports bigoudens, le communisme prend directement la relève du radical-baillisme ne laissant aucun espace à gauche pour les socialistes.
103D’ailleurs, suivant en cela la progression nationale, « le décollage » militant du PCF en Bretagne se poursuit en 1938 comme le montre le tableau 9, avant la crise de Munich, l’échec de la grève générale de la CGT du 30 novembre 1938 et la répression anti-ouvrière. Les régions bretonnes progressent encore en 1938 (plus 4,7 %) alors que le reflux est déjà bien entamé en Loire-Inférieure (moins de 1 000 adhérents en 1939). Du fait des risques de guerre, le recul est marqué au début 1939.

Tableau 9 – L’évolution, par ensemble régional, des effectifs des régions du PCF (1937-1939)184.
Les dissidences et scissions des partis de gauche et les extrêmes gauches : PUP, USR, PPF, PSOP, POI
104Dans les années 1930, scissions et dissidences de droite et de gauche frappent davantage la SFIO que le Parti communiste ou le Parti radical-socialiste. Les effets politiques et sociaux de la Grande Dépression et l’attitude à adopter face à la participation au pouvoir et à montée du fascisme en Europe provoquent des débats internes suivis d’exclusions ou de scissions.
105L’affaire Goude dans le Finistère a anticipé d’une certaine manière la scission néo-socialiste qui ne touche qu’inégalement les fédérations bretonnes de la SFIO en 1933-1934. En effet, celles d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan estiment ne pas avoir été très affectées par cette crise185. En Ille-et-Vilaine, un seul rédacteur de L’Aurore signant ses articles H. S. en 1933-1934 est favorable aux néos186. Lors du congrès extraordinaire de 1933, dans cette fédération un seul mandat contre 13 s’est porté sur la motion Déat-Renaudel (tableau 7). En 1932-1933, le débat est double : il porte à la fois sur la participation et sur les analyses de Déat qui, dans la crise, prône une alliance de la classe ouvrière avec les classes moyennes et un socialisme national, ce qui remet en cause la doctrine marxiste de la SFIO. En Ille-et-Vilaine comme dans les Côtes-du-Nord, c’est le courant participationniste très minoritaire fidèle à Renaudel et à sa « conjonction des gauches » qui s’exprime avant et après l’exclusion.
106En revanche, dans le Morbihan ce courant était quasiment majoritaire derrière son député L’Hévéder. Pourtant, la discipline et la volonté unitaire l’emportent. L’Hévéder condamne les scissionnistes affirmant le 18 novembre 1933 que sa fédération, « fidèle à l’esprit de synthèse jaurèssien », n’est pas touchée. Cette affirmation qui vise à rassurer les hésitants est contestable car, effet de la crise, en 1934 la SFIO du Morbihan a perdu 12,2 % de ses adhérents de 1932. L’Hévéder a pourtant approuvé l’exclusion de son ami Déat dont il partageait une partie des analyses (participation, alliance avec les classes moyennes) mais son attachement au Parti socialiste a été le plus fort. N’ayant pas de député, ni de leader très influent, la fédération d’Ille-et-Vilaine n’est que marginalement touchée.
107Dans les Côtes-du-Nord, l’exclusion n’a pas eu d’effet immédiat sauf dans la section de Trégastel187. Mais après le 6 février 1934 et les manifestations unitaires, l’extrême gauche de la fédération a cherché à pousser son avantage. Non seulement Augustin Hamon a prôné l’amnistie des militants de L’Action Socialiste exclus pour leur appartenance au mouvement Amsterdam-Pleyel qu’il appuie, mais il réclame l’envoi à Moscou d’une délégation « pour étudier les moyens de réaliser l’unité ouvrière », c’est-à-dire la réunification de la SFIO et du PCF (congrès du 13 mai 1934). C’en est trop pour le maire de Saint-Brieuc Octave Brilleaud qui annonce le 30 juin 1934 sa démission de la SFIO « avec plusieurs amis » et son adhésion au Parti socialiste de France (PSdF) pour y « suivre son vieil ami Renaudel dont il a toujours partagé les tendances » selon le commissaire de police de Saint-Brieuc. La scission intervient donc avec quelque retard.
108En effet, les néo-socialistes avec Déat, Marquet et Renaudel ont créé en décembre 1933 le Parti socialiste de France (PSdF) qui deviendra l’Union socialiste et républicaine (USR). Cette nouvelle formation rassemble essentiellement des élus (27 députés, 7 sénateurs) et des notables. Elle sera partie prenante du Front populaire. Ce parti n’existe pas en Ille-et-Vilaine. Dans les Côtes-du-Nord, il est représenté par Octave Brilleaud réélu maire de Saint-Brieuc en mai 1935 à la tête d’une liste d’union des gauches (radicaux et socialistes SFIO). Profitant de la dynamique du Front populaire, en octobre 1937 il devient conseiller général de Saint-Brieuc Midi188. Dans le Morbihan, un seul militant lorientais connu, Le Nabec, a adhéré au PSdF. Mais la dissidence à Lorient n’est pas négligeable car aux élections municipales de 1935, le PSdF présente six candidats sur la liste d’union des gauches d’Emmanuel Svob189.
109Moins puissant, plus jeune, le PCF paraît moins concerné en Bretagne par les crises nationales et les exclusions. L’exclusion de Jacques Doriot en 1934 ne semble guère avoir de conséquence. En outre, la création de groupes du Parti populaire français (PPF) en 1936-1937 n’est pas le fait d’anciens militants communistes, en particulier dans les Côtes-du-Nord. Réélu maire de Douarnenez contre le PCF, Daniel Le Flanchec flirte brièvement avec Doriot en participant à un meeting électoral à Saint-Denis le 19 juin 1937190. En effet, Jacques Doriot vient d’être révoqué de sa mairie pour sa gestion. L’enjeu électoral de ce bastion détenu par un leader passé du communisme au national-communisme, c’est-à-dire à l’extrême droite, est de taille. Le Flanchec a pour mission de fidéliser l’électorat breton nombreux à Saint-Denis au profit du « Grand Jacques » en pleine dérive fasciste191. Doriot est d’ailleurs largement battu par la gauche dans son fief. Cette unique intervention de Le Flanchec lui vaudra durablement des accusations de « doriotiste » démenties par son attitude pendant la guerre.
110De même, et sous réserve d’inventaire, la dissidence « pupiste » ne concerne que quelques individus totalement isolés. Ce Parti d’unité prolétarienne (PUP) est né de la fusion du Parti communiste-socialiste créé par Frossard en 1924 et du Parti ouvrier et paysan fondé le 22 décembre 1929 par six conseillers municipaux de Paris emmenés par Louis Sellier (secrétaire général du Parti en 1923-1924) et Louis Garchery, exclus du PCF pour « opportunisme », c’est-à-dire pour avoir dénoncé la ligne gauchiste de la nouvelle direction issue du VIe congrès (mars-avril) et du durcissement imposé par le Komintern192. Le PUP veut se situer à la charnière du PCF et de la SFIO. Un groupe pupiste, dirigé par le cheminot Henri Guérin, ancien candidat du PCF aux élections législatives de 1924, existe à Dinan en 1934-1936. En octobre 1934, un candidat s’est présenté aux élections cantonales sous cette étiquette ; en décembre, une section d’une douzaine de membres est formée à Dinan193. L’active cellule communiste des années 1925-1928 semble avoir suivi son leader mais la scission reste limitée à la ville. Louis Garchery, le président du parti « pupiste », est même annoncé à Dinan en janvier 1935. Certaines sources de police laissent entendre que le député-maire radical-socialiste Geitsdoerfer aurait suscité la création de ce groupuscule pour faire contrepoids à la section SFIO avec laquelle il est souvent en conflit ? D’ailleurs, trois ou quatre conseillers municipaux « pupistes » sont élus sur sa liste d’union des gauches en mai 1935. Mais lorsque Guérin se présente aux élections législatives d’avril 1936, il recueille royalement trois voix194.
111Qu’en est-il de l’impact en Bretagne de la fraction d’extrême gauche de la SFIO conduite par Marceau Pivert ? Appartenant à La Bataille socialiste, ce dirigeant de la fédération de la Seine a créé en octobre 1935 son courant la Gauche révolutionnaire (GR), trotskisante, après l’exclusion du PS des trotskistes qui y avaient fait de l’entrisme. Durant l’été 1936, Pivert a développé contre Blum et Thorez des positions d’extrême gauche sur le thème : « tout est possible » puis a contesté la politique de non-intervention en Espagne. Lors de la préparation du 34e congrès national de la SFIO de Marseille (juillet 1937), la motion Pivert (GR) très anticapitaliste et prônant la défense de l’école laïque a été défendue par Jaffrézic, un militant de Morlaix, mais elle est minoritaire dans le Finistère195. C’est aussi le cas en Ille-et-Vilaine (1 mandat sur 19) et dans le Morbihan où le secrétaire fédéral L’Hévéder a critiqué vertement la GR en 1937 en mettant en garde contre « des partis dans le parti »196. Mais si la majorité de la fédération appuie le gouvernement Blum au congrès d’Auray (février 1937), une minorité se prononce pour la motion de la GR (quatre sections, 7,8 % des votants). Le 6 mars, Marceau Pivert anime une réunion publique à Keryado, près de Lorient. La fédération est beaucoup plus divisée en juillet sur la motion majoritaire sur la paix et l’aide à l’Espagne adoptée à 53 % seulement. On peut évaluer le rapport des forces en novembre 1937 : 32 mandats pour la ligne Blum-Faure favorable à la poursuite du gouvernement de Front populaire contre 6 mandats à la GR.
112Au printemps 1938, alors que la direction de la SFIO refuse de participer au gouvernement Daladier, les critiques de plus en plus virulentes de la GR depuis la « pause » décidée par Blum, et surtout un acte d’indiscipline de la pivertiste fédération de la Seine (un tract adressé à toutes les fédérations sans l’accord de la direction et condamnant la tentative de Léon Blum de former un gouvernement au moment de l’Anschluss), conduit à la dissolution de ladite fédération. Le congrès fédéral de Saint-Pol-de-Léon adopte de justesse (178 mandats contre 164) la motion Tanguy Prigent qui préconise l’amnistie générale sans accepter pour autant l’appel des militants sanctionnés. La gauche du Parti, forte dans le Finistère, ne souhaite pas l’exclusion de l’extrême gauche mais le congrès national de Royan (juin 1938) en décide autrement197. Ce n’est pas le cas du Morbihan où l’exclusion est approuvée par une majorité de militants (931 voix contre 438). Le paul-fauriste L’Hévéder tient solidement en main sa fédération dans laquelle la gauche et l’extrême gauche du parti sont minoritaires. Faiblement représentée en Ille-et-Vilaine, la GR divise une fédération où la gauche est majoritaire sur la question des sanctions. Lors de la préparation du congrès de Royan, en juin 1938, la motion de la GR ne recueille que 3 mandats sur 27 mais il y a 10 abstentions198. Dans ces trois départements bretons, l’exclusion des pivertistes de la Gauche révolutionnaire pour laquelle votaient environ 30 000 adhérents socialistes au niveau national, n’a pas de trop graves conséquences militantes pour la SFIO.
113En effet, à Royan les délégués pivertistes ont aussitôt constitué un nouveau parti : le Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP) qui compte 7 à 8 000 militants, dont la moitié en région parisienne199. Lors de sa réunion constitutive les 16 et 17 juillet 1938 à Paris, le nouveau parti d’extrême gauche annonce des délégués de 56 départements, 40 fédérations et bientôt 280 sections. On n’en trouve guère de traces en Bretagne où La Bataille socialiste regroupe les militants de l’aile gauche de la SFIO. En Ille-et-Vilaine, un seul militant connu, l’ancien secrétaire fédéral Raymond André démissionne du parti mais il ne semble pas que la création d’une section du PSOP annoncée par son organe national juin 1936 ait réellement fonctionné. La scission épargne une nouvelle fois la fédération de ce département, sans doute parce qu’isolés dans leurs bastions urbains et en milieu assez hostile, les militants préfèrent se serrer les coudes. Plusieurs responsables du Morbihan quittent la SFIO entraînant avec eux au moins deux sections à Plouray et à Kerdual en Quelven. Dans ces deux cas, des instituteurs secrétaires de section, Louis-Marie Le Coutaller et Joseph Kerbellec, rejoignent le PSOP avec une vingtaine et une quarantaine de militants200. Ce n’est pas anodin car depuis 1933, ils se sont investis dans les luttes paysannes, notamment contre les ventes-saisies, et ont contribué à implanter la SFIO dans le Morbihan. En outre Louis-Marie Le Coutaller est le frère de Jean, le candidat de la SFIO aux élections législatives de 1936 à Pontivy.
114Pourtant, à partir de septembre 1938, le PSOP essaie de se structurer quand Cazenave, son délégué à la propagande, organise une tournée dans la région. Ses réunions dans plusieurs villes des Côtes-du-Nord possédant des sections SFIO sont annulées faute de participants, sauf à Matignon201. À Saint-Brieuc il doit affronter des responsables socialistes et communistes. Une institutrice de Pleubian aurait accepté de faire fonction de secrétaire générale du PSOP, signe d’un effort de structuration. L’activité de ce nouveau parti d’extrême gauche est très faible : quelques affiches placardées et une réunion de Marceau Pivert à Saint-Brieuc le 8 juillet 1939 (80 personnes), peu de temps avant son départ pour New-York. Le dirigeant du PSOP expose les positions pacifistes de son parti, son opposition au rappel des réservistes au moment de la crise de Munich en septembre 1938 ainsi que la critique du vote des crédits de guerre par les autres partis. Au moment où l’opinion publique est plus que jamais consciente des risques de guerre provoqués par l’Allemagne hitlérienne, les positions pacifistes de Pivert, sans reprendre le pacifisme intégral d’une fraction du PSOP202, sont en porte-à-faux. Le PSOP va sombrer avec la guerre.
115Auparavant, le PSOP qui accepte l’adhésion individuelle des militants trotskistes du Parti ouvrier internationaliste (POI) à la suite de débats épistolaires entre Marceau Pivert et Léon Trotsky (fin 1938-début 1939), voit l’arrivée de quelques militants en Bretagne comme Marc Bourhis à Concarneau. Marc Bourhis, instituteur à Trégunc, est le fils de Charles, ami et adjoint de Pierre Guéguin, le maire communiste de Concarneau203. Ce dernier l’a fait adhérer au PCF en 1930. C’est un actif militant de la branche enseignante de la CGTU où il anime le courant minoritaire de l’École émancipée, opposé à la majorité communiste du syndicat, et qui s’intéresse de près à la pédagogie de Célestin Freinet. Opposé au stalinisme, Marc Bourhis quitte le PCF en 1933 et adhère en 1934 ou 1935 au POI, le groupuscule trotskiste, ce qui lui vaut d’être considéré comme un traître par les communistes même si Pierre Guéguin lui garde son affection et débat fréquemment avec lui. En effet, lors du Front populaire, Marc Bourhis développe un actif groupe du POI dans la région de Concarneau. Le 29 décembre 1937, il y préside un important meeting du POI qui critique Thorez et la ligne du PCF défendue par Guéguin au moment où les purges de la Grande Terreur frappent en URSS. La direction du PCF n’apprécie guère cette complaisance du maire de Concarneau (le prêt d’une salle), ce qui en fait un suspect mis à l’écart du Parti, pour « sympathies trotskistes », prélude à son exclusion en 1939. Il faut dire que la tension est vive entre communistes et trotskistes du POI à Concarneau. En juin 1938, le trotskiste Cotten qui soutient le Parti ouvrier d’unité marxiste (POUM) espagnol, aux prises aux liquidations physiques des staliniens, aurait agressé physiquement le militant communiste Alain Le Lay selon La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime. Les noyaux trotskistes finistériens du POI, à Concarneau et à Brest, sont peu nombreux mais très actifs quand en 1939 ils adhèrent au PSOP. Leur leader Marc Bourhis sera bientôt interné à Châteaubriant avec les communistes et il sera l’un des 27 otages fusillés le 22 octobre 1941 avec son ami Pierre Guéguin.
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116La crise et les mutations profondes, nationales et internationales, des années 1930 ont bouleversé le paysage et les rapports de forces au sein de la gauche bretonne. Le radicalisme apparemment conquérant en 1932 est rapidement mis en difficulté par les scandales et les événements du 6 février et de plus en plus concurrencé par la montée en puissance électorale de la SFIO devenue un acteur majeur de la vie politique nationale à gauche. Le Front populaire a sorti de sa marginalité le PCF qui a tiré profit des alliances de Front populaire mais aussi de son engagement dans les luttes paysannes, puis dans les grèves de 1936. En outre, les notables centristes laïques qui étaient les principaux représentants de la gauche bretonne dans les années 1920 ont été contraints de choisir leur camp en 1935-1937, ce qui a souvent provoqué leur glissement et leur reclassement au centre droit ou à droite. En effet, si la dynamique militante des partis de gauche s’est développée, les résultats électoraux n’ont pas suivi car on a surtout assisté en 1936 à une redistribution des cartes au sein des gauches en faveur des partis marxistes et au détriment du radicalisme. Une fraction de l’électorat centriste, inquiet de l’alliance avec les communistes, a préféré voter pour les adversaires du Front populaire donnant la victoire en sièges à la droite en Bretagne en 1936. Localement, l’implantation de la gauche tend à s’effriter de 1936 à 1939, alors que les droites affaiblies en 1928 et plus encore en 1932 se réorganisent en se radicalisant contre le Front populaire.
Notes de bas de page
1 Voir le chapitre II.
2 Serge Berstein, Histoire du Parti radical-socialiste, op. cit., t. 2, p. 196-199 et 428-431 et les travaux déjà cités.
3 Christian Bougeard, Le choc de la guerre dans un département breton, thèse citée, p. 439-441.
4 Pour les résultats détaillés de 1932, voir le chapitre II.
5 Serge Berstein, op. cit., t. 2, p. 80.
6 Christian Bougeard, thèse citée, p. 374.
7 Jacqueline Sainclivier, L’Ille-et-Vilaine 1918-1958, op. cit., p. 94-96.
8 Sur 85 votants, 59 sont pour, 26 contre.
9 Christian Bougeard, thèse citée, p. 287. Rappelons que les deux hommes s’affrontent dans une primaire aux élections législatives de 1932, le comité radical-socialiste n’ayant pas voulu choisir en décembre 1931. Lefebvre est l’ancien président du comité républicain, ce qui montre la confusion des structures, et il a représenté le parti au congrès national de Paris de novembre 1931.
10 Id., p. 374-380.
11 Le sénateur de Kerguézec est absent mais il doit participer au congrès extraordinaire.
12 Les manœuvres du centre droit qui tendent à écarter Meunier de la présidence du conseil général échouent.
13 Informations de François Prigent et notices de Claude Geslin, cédérom du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français.
14 Dans cinq circonscriptions le candidat de la SFIO recueille moins de 6 % des voix (1,59 % à Châteaubriant, 0,22 % à Ancenis).
15 Martine Dufresne, Les campagnes électorales des élections législatives de 1932 et 1936 dans le Morbihan, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1996, p. 97-100.
16 Voir le chapitre III.
17 Pierre Brigant, La fédération socialiste SFIO du Finistère (1908-1969), op. cit., p. 259-267.
18 À Quimper 1, l’instituteur retraité Damalix, militant laïque et de la LDH, conseiller municipal d’Ergué-Armel n’a obtenu que 4,6 % des voix ; il démissionne aussitôt de la présidence du comité cantonal de défense laïque. À Quimper 2, l’ancien maire SFIO de Pont-L’Abbé Le Bastard a eu moins de 10 %.
19 Sources : Serge Berstein, op. cit., t. 2, p. 196-199 et 428-431 ; Christian Bougeard, op. cit., p. 293, 297, 454, 462 ; Pierre Brigant op. cit., Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 37 ; Martine Dufresne, op. cit. ; Pascale Le Corre, op. cit., p. 80-82. Nous remercions François Prigent de nous avoir transmis les résultats de la SFIO en Loire-Inférieure.
20 Christian Bougeard, thèse citée, p. 291-294.
21 Dans les deux circonscriptions de Saint-Brieuc, les socialistes ont perdu les deux tiers des voix de 1928 et à Saint-Brieuc 1, le communiste Carnet devance toujours le socialiste.
22 Un professeur de Dinan, candidat à Loudéac, obtient 0,32 %.
23 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 38-39 et Jean-Yves Rolland, Le Parti socialiste SFIO en Ille-et-Vilaine dans les années 1930, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1991.
24 Pascale Le Corre, op. cit., p. 80-82. Moyenne calculée sur 8 circonscriptions sans celle d’Ancenis qui n’a pas de candidat.
25 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 38.
26 Martine Dufresne, op. cit., p. 97-98.
27 Christian Bougeard, thèse citée, p. 294-299. Une réunion de Sevestre attire 400 à 500 personnes à Lannion alors qu’il recueille 129 voix au 1er tour et 80 au second.
28 Jean-Jacques Monnier, Histoire de la Bretagne et des pays celtiques, t. 5, 1914-1945, Morlaix, Skol Vreiz, 1994, p. 171-180.
29 Alain Deniel, Le mouvement breton de 1919 à 1945, Paris, Maspéro, 1976, 1re partie.
30 Id., p. 92-96. En octobre 1928, la section de Lannion compte cinq ou six adhérents et une trentaine de sympathisants.
31 Christian Bougeard, thèse citée, p. 177-178.
32 Alain Prigent, Histoire des Communistes des Côtes-du-Nord (1920-1945), op. cit., p. 78-79.
33 Alain Deniel, op. cit., p. 96-103.
34 Alain Prigent, op. cit., p. 85-86.
35 Alain Deniel, op. cit., p. 167.
36 Christian Guyonvarc’h, La ligue fédéraliste de Bretagne-Breiz Kevredel (1931-1935). Aux origines du bretonnisme de gauche, maîtrise d’histoire, UBO, Brest, 1989.
37 Jean-Jacques Monnier, « Des militants bretons dans la Résistance », Christian Bougeard (dir.), Bretagne et identités régionales pendant la Seconde Guerre mondiale, Brest, CRBC-UBO, 2002, p. 104-107.
38 Sur la mémoire de son père et l’ambiance, voir Mona Ozouf, Composition française. Retour sur une enfance bretonne, Gallimard, 2009.
39 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 106.
40 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 62-64. Ce sont les chiffres de la police ; la SFIO annonce 10 000 personnes.
41 Christian Bougeard, thèse citée, p. 339-346.
42 Jean-Paul Sénéchal, Images du Front populaire. Finistère 1934-1938, Morlaix, Skol Vreizh no 7, avril 1987, p. 30-33.
43 Danielle Tartakowsky, Les manifestations de rue en France. 1918-1968, Paris, Publications de la Sorbonne, 1997.
44 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 106.
45 Ces chiffres qui proviennent de la presse militante sont sans doute surévalués. À Pont-L’Abbé, 2 200 manifestants ont accueilli 300 ouvrières de Lesconil venues à pied drapeau rouge en tête.
46 Serge Berstein, op. cit., t. 2, p. 289-291 et 407-412.
47 Le Breton Socialiste annonce 3 à 4 000 personnes.
48 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 106. Il y a 2 000 personnes à Rennes mais 200 seulement à Fougères et à Saint-Malo.
49 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 64-67. Par exemple, en octobre 1934 un meeting commun est annulé.
50 Selon Le Réveil du Morbihan, il y aurait eu 12 000 personnes à Lorient et 1 000 à Lanester.
51 Pascale Le Corre, op. cit., p. 86-87. Contre le maire socialiste sortant Blancho, la cellule veut maintenir son candidat Birembault.
52 Pascale Le Corre, op. cit., p. 89. Les estimations vont de 10 à 30 000 personnes à Nantes.
53 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 67 et Laurent Paubert, op. cit., p. 253-256.
54 Elle compte trois ou quatre adhérents mais une vingtaine de sympathisants, ce qui montre la faiblesse de ce mouvement. Son influence dans l’Amicale des anciens élèves de l’école catholique Saint-Gabriel de Pont-L’Abbé provoque en 1935 une polémique avec des leaders des forces de droite. Le parti a fait circuler son exposition « Guerre et Paix » à Morlaix, Carhaix et Pont-L’Abbé à la fin 1931, initiative saluée par Le Citoyen de G. Le Bail.
55 Le dirigeant du PCF Signor s’y est d’abord opposé mais le secrétaire fédéral de la SFIO Le Normand, abonné au journal, a obtenu la participation de la JR. En riposte, le président du Finistère de la Conférence de saint-Vincent-de-Paul dissout la section de l’organisation caritative car elle est dirigée par la JR.
56 Serge Berstein, op. cit., p. 298-336.
57 Ibid., p. 354-362.
58 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 107.
59 Christian Bougeard, thèse citée, p. 349-351
60 Voir le chapitre V.
61 Le maire Octave Brilleaud (PsdF) est réélu avec 6 SFIO ; les radicaux-socialistes sont 11 ; le centre droit 9.
62 Christophe Rivière, Approche de la légitimité politique des notables bretons, DEA, UBO, Brest, 2002, p. 150-151. Parfois, comme dans la région de Dinan (Côtes-du-Nord), il s’agit du même homme qui a changé d’étiquette.
63 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 70-72.
64 Pierre Brigant, op. cit., p. 288-293.
65 Jean-Paul Sénéchal, op. cit., p. 40. Au début 1936, ces comités rassemblent 178 personnes au Guilvinec, 118 à Quimperlé, 80 au Huelgoat, 60 à Lanmeur…
66 Jean-Pierre Huet, op. cit., p. 61 et 25.
67 Serge Berstein, op. cit., p. 399-412.
68 Le 14 janvier 1936, il y a encore 37 députés radicaux « lavalistes » pour soutenir le gouvernement.
69 Mais en même temps, 41 députés contre 40 refusent la discipline de vote, ce qui revient à ne pas remettre en cause les ministres radicaux du gouvernement Laval.
70 Serge Berstein, op. cit., t. 1, p. 230.
71 Id., t. 2, p. 413-416.
72 Jean Pascal, op. cit., p. 415-416. Il avait été ministre de la Marine militaire dans le très bref cabinet Daladier (30 janvier-7 février 1934). Pezet, le député PDP du Morbihan, a refusé un maroquin. Des hommes de droite (Mandel) y participent ainsi que l’USR Déat. Ce gouvernement est investi à une large majorité avec les voix de la SFIO. Les dix communistes s’abstiennent.
73 Serge Berstein, op. cit., t. 2, p. 424-445.
74 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 73.
75 Serge Berstein, op. cit., t. 2, carte 6, p. 444. Cette carte comporte une erreur car elle attribue deux députés radicaux au Morbihan, dont un élu au 1er tour alors que ce parti n’a plus d’élu.
76 Martine Dufresne, op. cit., p. 101-104. Le républicain de gauche a eu 43 % et le socialiste SFIO 5,2 %.
77 Avec 49,8 % des voix, Ihuel avait frôlé l’élection dès le 1er tour alors que le socialiste avait obtenu 25,2 %.
78 Christian Bougeard, thèse citée, p. 438-452.
79 Jean Pascal, op. cit., p. 495.
80 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 95-96.
81 Patrick Gourlay, op. cit., p. 167-170.
82 Daniélou n’a recueilli que 22,2 % des suffrages au 1er tour ; les trois candidats de gauche 37,9 %.
83 Christian Bougeard, thèse citée, p. 446.
84 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 38.
85 Martine Dufresne, op. cit., p. 101-104 et 115. Au 1er tour, deux candidats républicains de gauche se sont affrontés dans une primaire remportée par Tristan.
86 De Chappedelaine démissionne pour des raisons de santé et disparaît le 9 décembre 1939.
87 Christian Bougeard, thèse citée, p. 446 et 453-459.
88 Pierre Brigant, op. cit., p. 298-302.
89 Il y a un candidat du PCF et un USR.
90 Le communiste Le Roy a eu 5,2 %.
91 Christian Bougeard, Tanguy Prigent, op. cit., p. 62-67 et 72-74.
92 Le communiste n’obtient que 1 % des voix.
93 Jean-Paul Sénéchal, Images du Front populaire, op. cit., p. 44.
94 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 37-39.
95 Il a presque doublé ses voix à Lorient.
96 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 97-99.
97 Nathanaëlle Moisan, op. cit., carte p. 32.
98 Chiffres du Rappel du Morbihan du 1er février 1934.
99 Id., p. 81-82 et 30. Par exemple, la section du Faouët a 120 adhérents.
100 Des informations contradictoires sont publiées dans Le Breton Socialiste : en février 1934, la fédération serait passée de 54 à 70 sections.
101 Jean-Yves Rolland, La Parti socialiste SFIO en Ille-et-Vilaine, op. cit. Cartes et p. 21-23.
102 En 1938, un groupe des Faucons rouges est créé à Fougères. Voir chapitre VIII, les réseaux socialistes.
103 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 59-61.
104 XXXVIe congrès national du PS (Nantes, mai 1939), Paris, Librairie populaire.
105 Tony Judt, Le marxisme et la gauche française, Paris, Hachette, 1987, 145 p.
106 Elle est déléguée au congrès de la SFIO en 1939.
107 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 56-57.
108 François Prigent, « Un réseau d’un autre genre. Les femmes socialistes dans le Morbihan (1907-2007) », Atala, no 11, mars 2008, p. 331-344.
109 Rapports du XXXVIe congrès national du PS (Nantes, mai 1939), op. cit.
110 Id.
111 Id. Ce classement ne comporte que 58 fédérations (les moins de 1 000 adhérents dont l’Ille-et-Vilaine n’y figurent pas) et ne correspond pas exactement au nombre d’adhérents officiels qui ne prennent pas tous 12 timbres par an. Ainsi, le Finistère est classé avant le Morbihan.
112 Pierre Brigant, op. cit., p. 259-260.
113 Jean-Yves Rolland, op. cit., p. 58-64.
114 Il existe des listes SFIO à Saint-Servan, Saint-Pierre-de-Plesguen, Louvigné-du-Désert, Saint-Marc-le-Blanc.
115 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 70-73.
116 La liste Svob comprend 18 SFIO, 6 PSdF, 8 radicaux et indépendants de gauche. Le PCF s’est désisté en sa faveur.
117 Christophe Rivière, DEA cité, p. 151 et 156. Il s’agit de Lanester, Kéryado et Locmiquélic.
118 La liste compte ⅔ de SFIO et ⅓ de sympathisants « goudistes ».
119 Nantes, Saint-Nazaire, Trignac, Montoir, La Montagne, Basse-Indre, Saint-Jean-de-Boiseau, Pascale Le Corre, op. cit., p. 89. Ils ont perdu Couëron en 1934.
120 Dont Rezé et Sainte-Luce.
121 Christian Bougeard, Tanguy Prigent, paysan ministre, op. cit., p. 62-65. Invalidé, Tanguy Prigent est réélu le 3 mars 1935 avec 58,3 %.
122 Jean-Pierre Huet, op. cit., p. 11. Maulion n’a pas fait le plein des voix car au 1er tour, sur 37 votants, il avait obtenu 16 voix contre 17 au Dr Guillois et 2 au socialiste Svob.
123 Christian Bougeard, thèse citée, p. 551-554. Il a eu 644 voix au 2e tour contre 577 à Le Monnier.
124 Bedfert est réélu. Le Dr Bouguen, soutenu par de Kerguézec, et le maire de Lannion de Kergariou entrent au Sénat. Lors de l’élection législative partielle de mars-avril 1939 à Saint-Brieuc 1, le radical-socialiste F. Auffray l’emporte avec 58,7 % au second tour.
125 Erwan Crouan, Jean Crouan, op. cit., p. 38-40. Quéinnec a obtenu 750 voix contre 415 au radical et 115 au socialiste.
126 Dans le Finistère, on est passé de 1 350 à 1 228 grands électeurs.
127 Jean-Yves Rolland, op. cit., p. 66-69 et Pierre Brigant, op. cit., p. 267-273.
128 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 49-50.
129 Georges Lefranc, Le mouvement socialiste sous la troisième république, t. 2, op. cit., p. 292-294. Il comprend la réduction des dépenses militaires, la semaine de 40 heures, la nationalisation des chemins de fer et des assurances.
130 Pour le Finistère, nous avons les votes aux congrès fédéraux et non la répartition des mandats aux congrès nationaux. Christian Bougeard, op. cit., p. 390-392.
131 Sollicités, les socialistes ont refusé de participer.
132 La motion Blum hostile a obtenu une nette majorité au Conseil national.
133 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 51-52 et Le Rappel du Morbihan du 8 juillet 1933.
134 Christian Bougeard, thèse citée, p. 383-395.
135 Avec 3,1 % la motion Monnet-Spinasse obtient un mandat.
136 La motion Auriol a recueilli 24,3 %, celle de Renaudel 18,6 % et L’Action socialiste 2,6 %.
137 Au congrès national, la motion Renaudel n’obtient qu’un mandat contre 11 et 4 abstentions.
138 G. Robert n’accepte pas la scission mais souligne qu’il suivra les efforts des participationnistes « avec quelque sympathie ».
139 Il deviendra ensuite Le Combat Social.
140 François Prigent, Un socialisme d’extrême-gauche dans le Trégor, La Charrue Rouge d’Augustin Hamon et Philippe le Maux (1930-1937), maîtrise d’histoire, Rennes 2, 2000, p. 7-12.
141 Id., p. 30-50.
142 Id., p. 73-83.
143 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 88-90.
144 Pierre Brigant, op. cit., p. 325-335.
145 Il y retrouve de jeunes socialistes, futurs résistants comme Pierre Brossolette et Daniel Mayer ou André Philip.
146 Il sera militant du RNP de Déat à Dinan sous l’Occupation.
147 Christian Bougeard, thèse citée, p. 513.
148 Dans le Finistère la motion de synthèse Blum-Faure a recueilli 46 mandats à Nantes, celle de la gauche de Zyromski qui la refuse 5, contre 7 pour Redressement socialiste.
149 Cahier et Revue de l’Ours, Histoire du Parti socialiste SFIO (20e partie). De janvier à mai 1939, no 121, juin-juillet 1981. Le Rappel du Morbihan comme Le Travailleur de l’Ouest (Nantes) se réjouissent que la scission annoncée n’a pas eu lieu à Nantes, p. 59.
150 Christian Bougeard, thèse citée, p. 499-510 et Alain Prigent, op. cit., p. 80.
151 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 104-105.
152 Jean Bruhat, Il n’est jamais trop tard, Paris, Albin Michel, 1982.
153 Brochure du IXe congrès d’Arles (décembre 1937). Dans les Côtes-du-Nord, sur 1 800 cartes livrées en 1936, 1 331 auraient été placées (74 %).
154 Voir Christian Bougeard, op. cit., p. 503-504.
155 Eugène Kerbaul, Chronique d’une section communiste de province (Brest, janvier 1935-janvier 1936), Bagnolet, chez l’auteur, p. 77.
156 Sources internes du PCF et presse militante ; congrès d’Arles pour les années 1935, 1936, 1937. Il s’agit des cartes livrées mais pas obligatoirement placées avec des chiffres rectifiés. À la fin 1938, il s’agit de sources policières peut-être plus proches de la réalité. Au niveau national, chiffres de Philippe Buton. Pour la Bretagne, Christian Bougeard et Jacqueline Sainclivier dans Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost et Jean-Pierre Azéma (dir.), Les communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), Paris, PFNSP, p. 327.
157 Alain Prigent, op. cit., p. 103-104.
158 Christian Bougeard, thèse citée, p. 499-504 et Alain Prigent, op. cit., p. 117-118. Le 24 septembre 1936, le préfet annonce 150 adhérents pour la section de Saint-Brieuc alors que la Bretagne maritime, ouvrière et paysanne en donne 309 en octobre.
159 Des cellules sont reconstituées comme celle de Dinard qui publie Le Pionnier Rouge.
160 C’est le chiffre avancé mais le décompte par cellules ne donne que 793 adhérents, chiffre plus plausible.
161 Eugène Kerbaul, op. cit., p. 76-77.
162 DBMOMS, t. 6, 2010, Christian Bougeard, notice « Louis Guiguen ».
163 Marc Morlec, op. cit., p. 39-51. C’est le maintien de la liste d’Union des gauches (rad.-SFIO) contre celle du PCF qui permet la réélection de la droite.
164 Marc Morlec souligne l’intérêt de Guéguin pour Trotski qui préconise cette démarche unitaire et le poids de sa famille : un frère socialiste, un autre radical-socialiste. En avril 1933, Guéguin persiste et signe dans un article du Bulletin du syndicat unitaire de l’enseignement laïque du Finistère en soulignant « l’excellente analyse de Léon Trotski sur la naissance du fascisme allemand », ce qui le conduit à déplorer celle de l’IC et du KPD. On a sans doute songé à l’exclure mais son influence à Concarneau n’est pas négligeable.
165 Il bat l’URD R. Rolland, président de la criée au thon, avec 53,5 % à Concarneau.
166 Alain Prigent, op. cit., p. 96-97.
167 N. Arzul obtient 37,7 % à Bégard ; Le Falher 35,2 % à Plouaret ; Marcel Hamon, 24,8 % à Plestin-les-Grèves ; Flouriot 11,4 % à Saint-Brieuc-Midi et Quilgars, 8,4 % à Guingamp.
168 En 1931, il a été candidat au conseil d’arrondissement à Pont-L’Abbé.
169 Laurent Paubert, op. cit., p. 180-186.
170 Le PCF passe de 15 grands électeurs aux élections sénatoriales de 1929 à 30 (2,4 %) en 1938 malgré la perte de Douarnenez.
171 Jean-Michel Le Boulanger, op. cit., p. 189-213.
172 La liste Le Flanchec a en moyenne 1 175 voix ; celle de droite, 807 ; la liste de gauche 248.
173 D’après la presse locale, cette démission est provoquée par le refus de la cellule, et donc de certains conseillers municipaux, de voter une subvention au comité des fêtes présidé par un usinier. En fait, Le Flanchec a été écarté par le PC aux élections législatives et est de plus en plus contesté par de jeunes militants communistes (P. Moalic) et socialistes (Leyer) pour ses méthodes, son enrichissement relatif, sa vie avec une comtesse. Le PC paie cher sa mise à l’écart : en 1936, G. Goujon d’Audierne perd les ¾ du capital électoral de Le Flanchec. Le 6 juin 1936, dans un meeting de 2 000 personnes, Le Flanchec qui dénonce désormais les « moscoutaires » est mis publiquement en cause.
174 15 PC démissionnent ; 6 conseillers suivent Le Flanchec.
175 Soutenus par la presse catholique du Finistère et L’Ouest-Éclair, Le Flanchec a fait liste commune avec plusieurs mareyeurs dont Carn, très à droite, qui sera maire PPF de Douarnenez sous l’Occupation. La liste de gauche comprend 13 PCF, 11 RS, 3 SFIO.
176 Voir l’analyse précise de Jean-Michel Le Boulanger lors des sénatoriales de 1938, p. 220-221.
177 Christian Bougeard, thèse citée, p. 355-357. IXe congrès du PCF, Arles. D’après les sources départementales, en 1935, il y a des élus à Ploufragan (3 dont Flouriot), La Méaugon, Le Hinglé (deux).
178 Selon les RG en 1945.
179 D’après une enquête cantonale de 1941, reprenant les étiquettes de 1935, la municipalité de Plounévez-Moëdec est alors composée de 10 PDP, 2 URD, 7 rép. de gauche, et 2 socialistes.
180 Il a été élu maire au 1er tour par 20 voix sur 21. Le Corre a participé aux actions contre les ventes-saisies et a un frère au PC dans la région parisienne.
181 Carte de Alain Prigent, op. cit., p. 140.
182 Id., p. 121-123.
183 Laurent Paubert, op. cit., p. 181-186. L’élection de l’élu de droite A. Glehen a été invalidée.
184 Philippe Buton, Les communistes français, op. cit., p. 24-25.
185 Jean-Yves Rolland, op. cit., p. 27 et 68-72 et Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 53-56.
186 Id. Jean-Yves Rolland émet l’hypothèse qu’il puisse s’agir de l’historien Henri Sée qui collabore au journal pendant cette période mais sans aucune certitude.
187 Christian Bougeard, thèse citée, p. 394-397.
188 Id., p. 354. Pierre Brilleaud, le fils, reste pour un temps à la SFIO mais il n’est plus secrétaire fédéral à la fin de 1934.
189 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 56.
190 Jean-Michel Le Boulanger, op. cit., p. 213-218.
191 Philippe Burrin, La dérive fasciste. Doriot, Déat, Bergery 1933-1945, Paris, Points/Le Seuil, 2003, chap. IX, p. 314.
192 Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, op. cit., p. 102.
193 Christian Bougeard, thèse citée, p. 420-421.
194 Le sous-préfet lui prédisait dix voix le présentant comme : « Exclu de tous les partis, demi-fou pas pris au sérieux. »
195 Pierre Brigant, op. cit., p. 313-314.
196 Jean-Yves Rolland et Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 83-86 et 84-90. Le rappel du Morbihan du 2 janvier 1937.
197 Pierre Brigant, op. cit., p. 320-323. La motion Hérard de la GR n’a obtenu que 1 430 mandats.
198 Jean-Yves Rolland, op. cit., p. 84-86.
199 Jacques Kergoat, Marceau Pivert, « socialiste de gauche », Paris, éd. de l’Atelier, 1994, p. 139.
200 Christophe Rivière, « Luttes paysannes et implantation socialiste dans l’arrondissement de Pontivy dans les années 1930 », Recherche Socialiste, no 42, mars 2008, p. 69-84.
201 Christian Bougeard, thèse citée, p. 512-513.
202 Jacques Kergoat, op. cit., p. 147-157. Le PSOP est très divisé sur l’attitude à adopter en cas de guerre.
203 Marc Morlec, op. cit., p. 68-70.
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