Chapitre III. Les gauches marxistes et les extrêmes gauches dans les années 1920
p. 85-126
Texte intégral
1Relevant du mouvement ouvrier, les forces politiques se réclamant du socialisme, du communisme, et du mouvement libertaire plongent leurs racines dans l’histoire du syndicalisme et des socialismes, révolutionnaire ou réformiste, de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Compte tenu de la faiblesse de l’industrialisation de la Bretagne et d’une classe ouvrière encore peu nombreuse, ces forces politiques restent marginales avant 1914 même si quelques pôles urbains et portuaires constituent déjà des points d’appui non négligeables, à Brest, à Nantes ou à Lorient. À côté de l’enracinement militant, des prémices de conquête électorale se font sentir. Les socialistes ont enlevé la municipalité de Brest de 1904 à 1908 (fig. 16 pl. XV du cahier couleur) et ont brièvement pris celle de Saint-Brieuc de mai à juillet 1908, en alliance avec la droite, l’Alliance libérale populaire (ALP), mais une crise interne à la SFIO a conduit à la démission du maire socialiste Georges Le Mercier1. En 1909, elle conquiert Lanester mais, signe de faiblesse, la SFIO n’avait qu’un seul député en Bretagne en 1914, Émile Goude, élu à Brest en 1910. Comme dans l’ensemble du pays, la guerre de 1914-1918 désorganise et affaiblit le mouvement ouvrier, syndical et politique. Sa reconstruction en 1918-1919 s’opère dans un climat particulier d’impatiences et d’espoir révolutionnaire, nourri des succès des révolutions russes de 1917 et de la victoire de la Révolution bolchevique, ce qui se traduit en France par une scission lors du congrès de Tours. Quel est le rapport de force entre ces deux partis, SFIO et PCF, en Bretagne dans les années 1920 ?
Aux origines du socialisme breton
2Des noyaux militants socialistes se sont structurés des années 1880 aux années 1920 à Rennes, à Brest et à Nantes venant soit de l’évolution d’hommes issus du radical-socialisme républicain comme Charles Brunellière à Nantes, soit de militants ouvriers en général investis dans la lutte syndicale et ayant pu être attirés par l’anarchisme2. Les évolutions politiques des leaders sont le plus souvent complexes à l’image d’un Aristide Briand à Saint-Nazaire ou d’un Fernand Pelloutier. Dans les années 1880, les socialistes brestois et rennais sont en majorité ralliés à la tendance possibiliste de Paul Brousse, dirigeant de la Fédération des travailleurs socialistes de France (FTSF), alors que les Nantais sont favorables au Parti ouvrier français (POF) de Jules Guesde. Vers 1900, c’est le réformisme qui l’emporte dans le socialisme breton dans sa variante allémaniste, le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) d’ailleurs issu d’une scission du parti broussiste en 1890. Cette tendance domine à Rennes, à Fougères, à Brest et à Saint-Nazaire où Henri Gautier a fondé le groupe des Égaux en 1899 en s’opposant au groupe de l’Emancipation d’Abraham, autre leader socialiste venant du POF3.
3Dans les premières années du XXe siècle, des noyaux socialistes essentiellement urbains, se sont développés en Bretagne dont la plupart des militants se retrouvent dans la SFIO à partir de 1905. Alors qu’au niveau national, les socialistes sont divisés en cinq formations rivales dont l’unification a échoué au congrès de Japy à Paris en 1899, dans les cinq départements bretons ils se rassemblent précocement dans une Fédération socialiste de Bretagne (FSB). Du fait d’une forte volonté unitaire, la FSB est créée à Nantes les 3 et 4 mars 1900 sous l’impulsion du Nantais Charles Brunellière et du Morlaisien Yves Le Febvre (issu du POF) par 110 délégués représentant 23 comités socialistes (34 fin 1900) de Brest, Morlaix, Fougères, Rennes et Nantes et 63 organisations professionnelles (syndicats et coopératives implantés surtout dans la région nantaise)4. Mais lors de l’unification au sein de la SFIO en 1905, des socialistes réformistes sont restés indépendants, en dehors du parti de Jean Jaurès, et à l’instar du Nantais Aristide Briand, ils vont bientôt rejoindre le parti des républicains-socialistes. Lors du congrès de Saint-Brieuc des 7 et 8 juillet 1907, la motion du Brestois Goude est adoptée : elle prévoit au 1er janvier 1908 la partition de la fédération régionale en cinq fédérations départementales5. La préparation du congrès national de Saint-Etienne (avril 1909) est l’occasion de mesurer la faiblesse de l’implantation du Parti socialiste unifié-SFIO en Bretagne et la hiérarchie de ses fédérations dans l’ensemble national. En effet, au 31 décembre 1908, ce parti ne compte au plus que 1 222 adhérents alors que la Bretagne qui atteint son apogée démographique en 1911 a 3 271 700 habitants. Il y aurait alors 3,7 socialistes pour 10 000 habitants et encore ces chiffres très faibles sont-ils sans doute surévalués6 ?
4L’implantation électorale municipale et cantonale de la SFIO est très faible dans la région même si ses effectifs militants ont augmenté de 60,3 % de 1908 à 1913. De 1910 à 1914, elle marque quelques points dans le Finistère dans son pôle brestois et sur la côte sud8. Lors des élections cantonales de 1910, les deux principaux dirigeants fédéraux, Émile Goude et Hippolyte Masson sont élus dans les cantons de Brest 2 et Brest 39. À l’occasion d’une élection partielle, la SFIO s’empare du Huelgoat (Finistère) en décembre 1910 et du port de Concarneau en février 1911 où le commerçant Sébastien Ségalin est élu maire10. Aux élections municipales de 1912, les socialistes conservent Concarneau désormais dirigée par le menuisier François Campion, de tendance guesdiste, secrétaire de la section, et gagnent dès le premier tour Le Guilvinec, un autre port sudiste. Les luttes sociales des années 1909-1912 portent leurs fruits : marins pêcheurs et ouvriers de la conserve (les soudeurs) votent pour les socialistes. Au second tour, ils sont majoritaires à Brest où H. Masson est élu maire11 ainsi qu’à Lambézellec (maire, Jean Cloarec) et à Saint-Pierre-Quilbignon, deux communes ouvrières de la banlieue brestoise. Ce succès électoral finistérien est le fruit d’un travail militant et de la création de plusieurs sections socialistes. Le choix de Brest pour le Xe congrès national de la SFIO des 23 et 24 mars 1913 doit saluer la fédération phare de l’Ouest de la France. Mais il se déroule en pleine crise ministérielle12. H. Masson souligne la forte progression de la fédération finistérienne qui serait passée de trois conseillers municipaux en 1908 à 110 en 1912 alors qu’elle doublait le nombre de ses adhérents (tableau 1), occupant la première place en Bretagne13. En juillet 1913, 21 sections sont représentées au congrès fédéral de Morlaix alors que Goude est réélu député de Brest dès le premier tour en mai 1914. La fédération de Loire-Inférieure connaît un essor non négligeable avant la guerre mais celle d’Ille-et-Vilaine voit reculer son nombre d’adhérents tout comme celle des Côtes-du-Nord.
5En dehors du Finistère et de la Basse-Loire, l’implantation militante et électorale de la SFIO est beaucoup plus faible en Bretagne sauf dans la région de Lorient où un groupe socialiste affilié à la FSB existe dans les premières années du XXe siècle. En décembre 1903, il a organisé le quatrième congrès de la FSB. C’est au congrès de Vannes en 1907 qu’une fédération SFIO du Morbihan est constituée par les sept groupes socialistes existants dans les villes comptant 124 adhérents dont 70 dans le pays de Lorient (56,5 %), une prédominance accentuée en janvier 1914 (66,2 %) alors que la fédération dont les effectifs ont triplé depuis 1908 compte 370 adhérents14. En terme d’adhérents (138), la fédération du Morbihan était la dernière de Bretagne en 1908. Trois militants lorientais y jouent alors un rôle moteur : Emmanuel Svob, responsable d’une coopérative de consommation, l’instituteur Louis Cren et le professeur d’EPS et secrétaire fédéral de 1911 à 1914, Frédéric Bonneaud, tué au front en 1914. Avec l’érection de Lanester en commune, détachée de Caudan en 1909, une première municipalité socialiste est élue dans le Morbihan en avril 1909, appuyée sur une section d’une trentaine de militants. Les ouvriers de l’arsenal et des chantiers navals qui résident à Lanester élisent 20 ouvriers SFIO (sur 23)15. Jean-Marie Le Halpert, ouvrier du port, devient maire, réélu en 1912 jusqu’en 1919. Aux élections cantonales de 1913, Le Halpert obtient 79,9 % des voix des Lanestériens. La SFIO se taille un fief municipal et ouvrier aux portes de Lorient qu’elle va dominer jusqu’en 1941.
6Dans les Côtes-du-Nord, la crise briochine, la scission de 1908 et l’exclusion du docteur Boyer son principal responsable, cassent un processus de développement16. Les effectifs tombent de 200 à 119 en 1913, plaçant cette fédération au dernier rang en Bretagne à la veille de la guerre (77e rang en France), un handicap qu’elle aura beaucoup de mal à surmonter après la guerre (tableau 1). C’est l’écrivain et journaliste, installé à Penvenan en 1904, Augustin Hamon, et Émile Roulier de Dinan, qui s’efforcent de reconstruire un parti très divisé. Aux élections législatives de mai 1910, la SFIO présente Roulier alors que les partisans du docteur Paul Boyer n’ont que de faibles résultats17. En mai 1914, la SFIO ne présente que deux candidats aux élections législatives : l’ancien secrétaire fédéral (1908-1909) Roulier à Dinan 1 et Frédéric Trémel à Loudéac (9,7 %) face au notable républicain catholique de centre droit Eugène Mando, député depuis 1898. Cette percée socialiste dans le pays de Loudéac et le Centre-Bretagne est d’autant plus surprenante que Trémel, originaire de Plussulien, travaille en région parisienne et est élu municipal de Saint-Denis18. Cet exemple montre que déjà avant 1914, c’est par le biais de l’émigration bretonne à Paris que les idées socialistes pénètrent dans les régions rurales pauvres du Centre-Bretagne frappées par l’exode rural et l’émigration obligatoire, un phénomène qui va se reproduire pour le communisme dans les années 1930. Mais lorsque la Première Guerre mondiale éclate, les socialistes SFIO, sauf dans quelques centres urbains, n’occupent encore qu’une position marginale en Bretagne où ils sont perçus comme une force révolutionnaire par la société rurale catholique.
Des militants libertaires
7Des noyaux anarchistes et libertaires existent à Brest, à Lorient et en Basse-Loire avant 1914, le plus souvent dans l’engagement anarcho-syndicaliste au sein de la CGT. Des foyers anarchistes sont apparus à Brest et à Lambézellec dans les années 1890 (une trentaine de militants en 1894) mais ils existent aussi dans la région Nantes-Trignac-Saint-Nazaire19. Dans le Finistère, 38 militants dont deux femmes, sont bien connus des services de police pour 61 en Loire-Inférieure. Dans ce département, l’influence des idées anarchistes s’est développée dans les syndicats à partir des grandes grèves de 1893-1894. Non négligeable au début du XXe siècle à Nantes et à Saint-Nazaire, l’anarcho-syndicaliste révolutionnaire a progressivement laissé la place au réformisme au sein de la CGT. À Saint-Nazaire, la présence et la militance propre des anarchistes a décliné dans les années 1900-1914 absorbés par l’action syndicale voire par le parti socialiste20 ? De fait, ce combat agite la SFIO naissante. À Brest, en 1908, ces révolutionnaires s’opposent aux réformistes comme Goude au sein de la SFIO et sont exclus du Parti socialiste SFIO21. Ils avaient formé le groupe « les Égaux » avec Jean Vibert, Daniel Le Flanchec dit Flanchec, Martin, Castel et s’efforcent de prendre le contrôle de la Bourse du Travail. Certains comme Le Flanchec rejoignent alors le courant anarchiste individualiste animé par Hervé Coatmeur et ils diffusent le journal L’Anarchie. Mais les plus nombreux comme Roullier, Jules Le Gall et Victor Pengam militent dans les syndicats de la CGT, notamment celui de l’arsenal, en développant une rhétorique antimilitariste et de lutte des classes. Ces syndicalistes révolutionnaires dirigent la Bourse du Travail de Brest dans les années 1906-1914 : régulièrement arrêtés et poursuivis en justice, ils sont inscrits au Carnet B par le ministère de l’Intérieur. Dans les années 1900-1914, 83 militants anarchistes sont fichés dans le Finistère dont 89 % sont originaires du département et ont une moyenne d’âge de 35 ans en 191222. À Brest, Jules Le Gall anime en 1907-1909 le groupe « La guerre sociale », puis en 1911 le groupe libertaire « Les Temps nouveaux » et il préside le Comité de défense sociale, une organisation formée à Paris en 1905 pour soutenir les militants victimes de la répression23. Ouvrier à l’arsenal, Victor Pengam fonde un groupe de Jeunesse syndicaliste. Pierre Le Flaouter suit le même chemin : ce Lorientais milite d’abord à la CGT et à Jeunesse syndicaliste dans sa ville et écrit dans Le Prolétaire du Morbihan, puis il s’active à Brest à partir de 1909, écrivant comme Le Flanchec dans L’Anarchie.
8Dans les années 1900-1914, les militants anarchistes et les anarcho-syndicalistes bretons développent une propagande antimilitariste dont on trouve des traces dans la région rennaise, à Fougères, à Lorient et à Brest, souvent en relayant les campagnes de la CGT, et même pendant un temps en accord avec la SFIO dans le cadre d’un « Comité d’entente des groupes d’avant-garde24 ». À Brest en 1912, ville administrée par les socialistes, 54 militants sont inscrits au carnet B, à arrêter en cas de guerre ; ils sont particulièrement surveillés par les autorités. Cette poignée de militants libertaires joue un rôle politique et social non négligeable constituant une extrême gauche fort remuante qui conteste déjà l’évolution réformiste de la SFIO. Mais lorsque les menaces de guerre se précisent, le patriotisme paraît l’emporter et à Rennes comme à Brest, les militants se rallient à l’Union sacrée en août 1914 et partent se battre. La Bourse du travail et le syndicat de l’arsenal où les libertaires étaient influents suivent le même chemin. La Première Guerre mondiale se charge de redistribuer les cartes.
Un socialisme affaibli par la guerre
9À la fin juillet 1914, comme dans le reste du pays, la défense de la paix et l’opposition à la guerre de la SFIO et de la CGT échouent malgré des réunions et des tentatives de manifestation dans quatre villes de Bretagne (sur 61 villes de province, en plus de la région parisienne), à Brest et à Lorient le 28 juillet, à Saint-Nazaire et à Nantes25. La stratégie de la IIe Internationale et de Jaurès, la grève générale simultanée et internationalement organisée, n’est pas mise en œuvre (aucun appel en ce sens dans le Finistère). De même, la stratégie de grève générale révolutionnaire de la CGT, des anarcho-syndicalistes et libertaires n’est pas suivie par la base ouvrière. La propagande internationaliste et antimilitariste de l’avant-guerre n’a guère pénétré les milieux ouvriers et le patriotisme l’emporte surtout lorsqu’on a la perception et la conviction que c’est l’Allemagne impériale qui attaque la France républicaine.
10D’ailleurs, le gouvernement s’est donné les moyens de neutraliser les militants d’extrême gauche, socialistes ou plutôt anarchistes. En Basse-Loire où ils sont influents dans les syndicats, les militants inscrits au carnet B sont arrêtés préventivement ; ils seront relâchés au début août. Dans le Finistère, la centaine d’inscrits (66 ouvriers de l’arsenal de Brest) n’est nullement inquiétée. Il est vrai que Victor Pengam, syndicaliste révolutionnaire responsable de la Bourse du Travail part à la guerre tout comme Hervé Coatmeur. L’extrême gauche révolutionnaire ne présente donc pas un réel danger politique dans la région alors que la SFIO a évolué vers le réformisme.
11Chez les socialistes, le ralliement à l’Union sacrée, véritable trêve des luttes partisanes, est à l’ordre du jour dès le 6 août pour le conseil municipal brestois unanime, et pour la fédération du Finistère et ses leaders Goude et Masson26. La mobilisation qui s’effectue partout sans incidents en Bretagne désorganise le Parti socialiste qui suspend la publication de la plupart de ses journaux et tombe en léthargie jusqu’en 1916. Les dirigeants non mobilisés soutiennent l’Union sacrée en 1914 suivant leurs ministres Jules Guesde, Marcel Sembat, Albert Thomas dans leur participation gouvernementale ou Marcel Cachin, originaire de Plourivo (Côtes-du-Nord). Mais à partir de 1915, des militants socialistes et syndicalistes prennent leurs distances avec la ligne de l’Union sacrée. Dans les Côtes-du-Nord, une poignée de militants seulement reprend sa carte à la SFIO : aucun en 1916…
12À Saint-Brieuc, en l’absence d’Augustin Hamon parti en Angleterre, Ernest Le Guern est responsable fédéral (été 1914-5 mai 1915, date de sa mobilisation). Confrontées à un conflit bien plus long et plus meurtrier que prévu, les illusions du patriotisme républicain se dissipent progressivement et une contestation pacifiste gagne les socialistes bretons comme en témoigne la correspondance de militants des Côtes-du-Nord avec Augustin Hamon27. Le Guern entretient au printemps 1915 une correspondance avec Pierre Monatte et Alfred Rosmer, proches des minoritaires pacifistes. Augustin Hamon lui-même prend ses distances en 1916 avec la direction du parti. L’organisation a pratiquement disparu mais quelques militants à Saint-Brieuc et à Dinan, en liaison avec des camarades mobilisés, défendent nettement les thèses pacifistes qui se développent désormais dans les fédérations bretonnes. Depuis la fin 1915, Goude et les socialistes finistériens demandent des explications sur la conférence de Zimmerwald sans encore remettre en cause l’Union sacrée. Ils sont sensibles (section de Pont-L’Abbé) aux positions des minoritaires défendues par Jean Longuet et sa fédération de la Haute-Vienne. L’activité militante est relancée dans le Finistère où la fédération SFIO se réorganise au printemps 191628.
13Lors du conseil national du 9 avril 1916, les fédérations bretonnes soutiennent la minorité socialiste et la motion Longuet-Pressemane favorable à la reprise des relations internationales entre les partis socialistes (tous les mandats du Finistère, les cinq mandats des Côtes-du-Nord). Mais pour Émile Goude il ne s’agit nullement de s’associer aux socialistes oppositionnels et révolutionnaires qui se sont réunis en Suisse à Zimmerwald puis à Khiental et on ne trouve pas trace d’agitation pacifiste. À la fin 1916, la fédération finistérienne est favorable à la rupture de l’Union sacrée (motion Longuet). Et à l’issue du congrès national de Paris (fin décembre 1916), Goude siège parmi les 11 minoritaires de la nouvelle Commission Administrative Permanente (CAP), la direction du parti, à côté des 13 majoritaires. Sans que le courant révolutionnaire ne soit encore influent dans le socialisme breton, les éléments de la rupture qui vont conduire à la scission de Tours s’ébauchent dès 1916.
14En 1917, les mutineries reçoivent un écho favorable chez les militants de l’arrière, d’autant plus qu’avec la forte inflation les conditions de vie des milieux ouvriers et populaires se dégradent. Dans les gares, au printemps et à l’été 1917, à Saint-Brieuc et à Guingamp, à Quimper et à Lorient, de nombreux incidents éclatent lors du départ au front de permissionnaires souvent enivrés. On entend des : « Vive la Révolution et à bas la guerre ! » Les socialistes finistériens et ceux des Côtes-du-Nord soutiennent toujours la minorité qui devient majoritaire en juillet 1918, tout en se démarquant du courant le plus nettement révolutionnaire dit des « khientaliens ». La sympathie en faveur de la Révolution russe et le pacifisme affirmé passent par le wilsonisme et ses 14 points beaucoup plus que par une révolution bolchevique en France. D’ailleurs, les socialistes Goude et Hervagault, maire de Brest en l’absence de Masson mobilisé, ont désamorcé en 1918 les conflits sociaux en calmant les ouvriers de l’arsenal et les ouvrières de la poudrerie de Pont-de-Buis. C’est aussi le cas des dirigeants réformistes de la CGT en Basse-Loire qui parviennent à bloquer une grève des métallurgistes. De toute manière, l’influence déjà limitée de la SFIO sur la population est fortement réduite en Bretagne pendant la Première Guerre mondiale. L’effort de guerre et industriel n’a guère été favorable à l’essor militant du socialisme et du syndicalisme.
15Les socialistes condamnent la « dictature » de Georges Clemenceau dont l’arrivée au pouvoir à la fin de 1917 est l’occasion de reprendre en main les élus socialistes. François Campion, le maire de Concarneau, est révoqué le 25 août 1918, mais plus pour ses rapports conflictuels avec les autorités, sa mauvaise gestion et son incompétence dénoncées par ses camarades que pour des raisons politiques29. Le guesdiste n’a-t-il pas organisé en juillet une grève d’une semaine des Concarnois contre la pénurie de pain alors qu’il refusait de distribuer les secours de farine de la préfecture ? De 1918 à 1919, son adjoint, le patron pêcheur Alphonse Duot, futur fondateur du PCF à Concarneau, lui succède mais les frasques de Campion discréditent le Parti socialiste pour longtemps si bien que la gauche (socialistes et radicaux) perd les élections municipales en 1919 au profit des républicains modérés30.
16En dehors des socialistes, les minorités révolutionnaires muselées à l’été 1914 n’ont qu’une existence très limitée dans la région. Toutefois, à partir de 1915, une contestation pacifiste très minoritaire s’est développée à Brest au sein des milieux libertaires de l’arsenal. Son leader Léon Capitaine, devenu secrétaire général du syndicat CGT de l’arsenal (fin 1917), appuie une propagande en faveur de la Révolution bolchevique qui se développe en 1918 au sein d’un Comité de Défense Syndicaliste (CDS) auquel participe l’UD CGT. Bientôt, en 1918 et 1919, ces petits groupes diffusent à Brest, mais aussi à Nantes, La Vague, l’organe des différentes tendances de gauche de la SFIO. Antimilitaristes, libertaires et anarcho-syndicalistes comme Barthélemy Baraille31 sont influents dans la SFIO de Loire-Inférieure en 1918-1919 où ils irriguent un courant révolutionnaire qui compte plusieurs groupuscules d’extrême gauche (CDS, Comité pour la reprise des relations internationales [CRRI], Fédération communiste anarchiste) encouragés par les meetings d’orateurs parisiens. En outre, les importantes pertes humaines de la guerre n’épargnent pas les socialistes bretons dont les cadres, plus âgés, doivent reconstruire le parti après la Victoire de 1918.
De l’essor à l’éclatement de la SFIO (1919-1920)
17La reconstruction des fédérations socialistes de Bretagne se fait d’abord à un rythme assez lent de décembre 1918 à l’été 1919, puis s’accélère avec la démobilisation des soldats et l’afflux massif de nouveaux adhérents en 1919 et en 1920. Toutefois, la région n’est pas une zone de force du socialisme en France car elle compte surtout des petites fédérations. À la fin 1918, avec 1 322 adhérents seulement, la SFIO en Bretagne est retombée à son niveau de 1908 (tableau 1). Toutes les fédérations ont été touchées par les pertes de la guerre sauf celle de Loire-Inférieure qui est devenue la 13e de France et la première de la région. La concentration des industries de guerre en Basse-Loire (cent entreprises de plus de 100 salariés en 1921), la présence d’ouvriers affectés spéciaux et la reprise des grèves à partir de 1917, souvent contre les dirigeants réformistes de la CGT Cassin et Daniel, expliquent cette progression. En un an, du 31 décembre 1918 au 31 décembre 1919, la croissance des fédérations bretonnes est forte (+ 117,7 %) mais inégale avec la palme pour celle des Côtes-du-Nord qui part de très loin. Son nombre d’adhérents est presque multiplié par quatre, puis par 4,5 encore de cette date au 1er octobre 1920 (des effectifs multipliés par près de 16 en deux ans), ce qui la place dans le premier quart des fédérations françaises ayant connu la plus forte croissance en 1920 mais elle reste encore la plus faible de Bretagne où la hausse n’est que de 44,1 % en 192032. Tombée à une centaine d’adhérents en 1918, celle d’Ille-et-Vilaine, appuyée sur ses sections urbaines de Rennes, Fougères et Saint-Malo atteint les 800 membres au 1er octobre 1920. Parti du même niveau, celle du Morbihan a vu ses effectifs multipliés par 5,5 en deux ans avec l’accentuation de la domination du pôle lorientais (le seul représenté au bureau fédéral) très présent au plan électoral. Dans la hiérarchie régionale, le Finistère retrouve sa prééminence (effectifs multipliés par près de quatre) alors que la progression de la Loire-Inférieure se tasse nettement. Au 1er octobre 1920, à l’apogée du Parti socialiste unifié (PSU), nouvelle appellation de la SFIO, les cinq fédérations bretonnes rassemblaient donc 4 150 adhérents soit 2,32 % des 178 372 adhérents en France, un poids bien faible pour peser sur les congrès nationaux.
18Lors du congrès national d’avril 1919, la question de l’adhésion à la IIIe Internationale, l’Internationale communiste que Lénine vient de créer à Moscou, est posée par le comité pour l’adhésion immédiate de Fernand Loriot. La fédération du Finistère s’y oppose, préférant par 85 mandats (motion Verfeuil) contre cinq rester pour l’heure au sein de la IIe Internationale tout en tenant un discours plus nettement de gauche, réaffirmant les principes de la lutte des classes et l’appui aux révolutions en Russie, en Allemagne et en Europe centrale.
19Mais lors des élections législatives du 16 novembre 1919, celles de la propagande antibolchevique la plus virulente – c’est à cette occasion qu’apparaît l’affiche du bolchevik le couteau entre les dents –, les socialistes SFIO cherchent à rassurer l’électorat rural des petits agriculteurs propriétaires ou fermiers. La profession de foi de la liste d’Ille-et-Vilaine s’en prend aux « grands propriétaires oisifs » mais précise qu’elle « n’a jamais voulu enlever la terre à celui qui la cultive » et on insiste partout sur l’attachement aux valeurs républicaines de justice et de laïcité. La propagande révolutionnaire n’est nullement à l’ordre du jour même si ses adversaires, de droite comme de la gauche républicaine, dénoncent dans la SFIO les tenants de « la révolution sociale » et du bolchevisme. Les candidats socialistes finistériens (Goude, Le Goïc, Hervagault, Masson) prennent bien soin dans leurs meetings de se démarquer du bolchevisme assimilé à « un régime de meurtre et de pillage » et tiennent un langage de modération33. C’est aussi le cas de l’instituteur Albert Aubry, revenu mutilé de la guerre – il était borgne – et d’Eugène Quessot en Ille-et-Vilaine34. Dans le Morbihan, l’instituteur socialiste et ancien combattant Louis Cren (2e de la liste) dénonce dans le bolchevik « un socialiste embusqué35 ». Il ne faut surtout pas effrayer l’électeur rural. Tout en refusant la poursuite de l’Union sacrée au sein du Bloc national auquel plusieurs notables radicaux participent, la SFIO ne souhaite pas rompre avec la gauche radicale laïque car son électorat pourra être utile lors des consultations locales. C’est donc un discours politique modéré qui est tenu, parfois empreint de pacifisme militant comme dans le Morbihan où la profession de foi se clôt sur : « À bas la Guerre ! Vive le socialisme ! »
20La SFIO présente en 1919 des listes souvent incomplètes dans le Finistère (cinq candidats pour onze sièges) et dans le Morbihan (cinq candidats pour huit sièges dont quatre Lorientais et un Vannetais36), ou non clairement identifiées (« liste républicaine des anciens combattants ») dans les Côtes-du-Nord (quatre candidats pour neuf sièges).
21Ces premières élections d’après-guerre permettent de mesurer le poids des socialistes dans le nouveau rapport des forces politiques. La situation des Côtes-du-Nord est particulière car avec 79 adhérents seulement en 1919, la fédération socialiste n’a pas encore été en mesure de se reconstituer totalement et « la liste républicaine des anciens combattants » n’a pas l’appui officiel de la SFIO37. Cette liste ne recueille que 3,47 % des suffrages exprimés. Les meilleurs scores sont obtenus dans les régions dinannaise et briochine et dans les communes du Centre-Bretagne et de Loudéac où militent des instituteurs, mais c’est le plus faible score de la région. Avec le scrutin proportionnel départemental, le PSU-SFIO n’obtient que trois (68 en France) des 45 députés de Bretagne mais il gagne deux sièges par rapport à 1914 : deux élus dans le Finistère avec 20,8 % des suffrages exprimés, Émile Goude réélu renforcé d’Hippolyte Masson, plus Albert Aubry en Ille-et-Vilaine38. Dans ce département où Aubry est le seul député socialiste (1919-1924) de l’entre-deux-guerres, la liste socialiste a obtenu 12,38 % des voix (11 515)39. Les progrès sont sensibles à Fougères et à Rennes. Dans le Finistère, les socialistes progressent (plus 12 000 voix par rapport à 1914) dans les cantons urbains de Brest, Douarnenez, Pont-Labbé, Quimperlé et Morlaix (entre 30 et 40 % des voix) et ils ont de bons résultats dans les zones côtières du sud Finistère et dans la Montagne centrale (Carhaix, Le Huelgoat). Par rapport à 1914, la SFIO a gagné plus de 10 % des voix dans le Finistère et en Ille-et-Vilaine, et plus de 5 % dans le Morbihan où la liste Svob obtient 7,3 % des suffrages (3 % seulement dans les deux cantons de Vannes). À Lorient, avec 35,4 % des voix, la liste socialiste arrive en deuxième position derrière la liste de centre gauche d’Union républicaine (42 %)40. Dans la circonscription de Nantes-Saint-Nazaire, la liste Gautier obtient aussi un bon résultat (17,6 %) mais elle régresse légèrement par rapport aux résultats de Loire-Inférieure de 191441 ; dans la seconde, celle des campagnes blanches et des marquis, Heas fait le score très honorable de 5,4 %, jamais atteint ensuite. La moyenne départementale de 11 % du PSU (tableau 5) n’est pas très forte en Loire-inférieure où les notables bleus, républicains laïques de centre gauche restent solidement implantés dans la région nantaise.
22En dépit de quelques progrès aux scrutins locaux, aux cantonales et aux municipales, l’implantation de la SFIO est encore très limitée. Le Finistère reste son point fort : la SFIO enlève presque tous les sièges à Brest (maire : Nardon), gagne Douarnenez (maire : Le Goïc), Audierne, et bientôt Pont-Labbé car le maire Charles Le Bastard élu comme radical-socialiste adhère au Parti socialiste42, mais perd Concarneau. Elle dirige Lambézellec et Saint-Marc (près de Brest) ainsi que Morlaix et obtient des élus à Quimperlé et au Guilvinec. Lors des élections cantonales de décembre 1919, les socialistes conservent leurs deux cantons brestois et gagnent avec Bourgot celui de Morlaix, ayant aussi trois conseillers d’arrondissement à Brest. Et aux élections sénatoriales de janvier 1920, Goude obtient les voix de 125 délégués sénatoriaux, ce qui donne une idée du poids des socialistes finistériens au sortir de la guerre.
23Les socialistes participent en 1919 à des municipalités républicaines laïques, en général à direction radicale-socialiste en Ille-et-Vilaine, à Rennes (14 élus), Fougères (neuf), Redon et Saint-Malo (six) et n’ont qu’un seul conseiller général à Rennes43. Dans le Morbihan, les socialistes conservent la cité ouvrière de Lanester, dont le nouveau maire est Rogel (ouvrier à l’Arsenal de Lorient), et ils obtiennent quelques élus (neuf à Lorient, trois à Vannes, cinq à Ploëmeur)44. Ils n’ont aucun élu dans les Côtes-du-Nord et assez peu en Loire-Inférieure en dehors de leur pôle nazairien : dix conseillers municipaux, un conseiller général et un conseiller d’arrondissement : Bernard Escurat45, plus la mairie de Trignac (maire : Julien Lambot, secrétaire du syndicat CGT de la métallurgie). Le leader syndicaliste et socialiste Henri Gautier, chaudronnier d’origine nantaise, responsable de la Bourse du travail a structuré le mouvement syndical et politique dans la région nazairienne depuis une vingtaine d’années drainant bon nombre de syndicalistes révolutionnaires de la CGT vers le socialisme, se présentant régulièrement aux élections législatives (de 1906 à 1914) et municipales (1912)46. Ces succès électoraux sont l’aboutissement d’années de luttes politiques et sociales à Saint-Nazaire. Militants et élus socialistes sont encore bien peu nombreux en Bretagne lorsque le PSU-SFIO en plein essor est confronté à des risques de scission.
La marche à la scission
24À la fin 1919 et surtout en 1920, la question principale qui agite la SFIO est celle de l’adhésion ou non à la IIIe Internationale. Au XVIIe congrès de Strasbourg, les délégués sont d’accord pour quitter la IIe Internationale mais la majorité (motion Paul Faure) qu’on va appeler les reconstructeurs, le centre du parti, refuse d’adhérer immédiatement à l’Internationale communiste (IC), position défendue par l’aile gauche (motion Loriot)47. La SFIO devient alors le Parti socialiste unifié (PSU). La fédération des Côtes-du-Nord semble majoritairement acquise à l’adhésion selon son nouveau secrétaire fédéral Paul Vaillant, mais Augustin Hamon, le mainteneur du parti pendant la guerre, est plus réservé car selon lui cette « tendance extrême-gauche de la fédération » est trop en décalage avec les mentalités du département et toute action révolutionnaire est condamnée à l’échec : « Alors les extrêmes auront recours à la violence et ils seront écrasés à cause de la paysannerie : voilà le danger48. » La fédération du Finistère s’est divisée en deux blocs avant le congrès de Strasbourg (99 mandats pour les reconstructeurs, centre et droite du parti, 93 pour Loriot)49. C’est aussi le cas en Ille-et-Vilaine alors que l’aile gauche est légèrement majoritaire dans le Morbihan (56,3 % des mandats) et en Loire-Inférieure (60 %)50.
25Le PSU-SFIO de Loire-Inférieure, dirigé par Ernest Dalby, est divisé entre la section nantaise (environ les ¾ des adhérents), acquise dès avril 1919 aux révolutionnaires (appuyés par de jeunes syndicalistes plus ou moins libertaires), et les Nazairiens plus réformistes qui votent pour le centre reconstructeur51. En août, sous l’impulsion des Nantais René Gomichon (socialiste depuis 1895), de B. Baraille, et de jeunes militants comme Jean Crémet, la fédération vote son adhésion au Comité de la IIIe Internationale (20 voix sur 24 votants). À Nantes, socialistes révolutionnaires, anarchistes de la Librairie Sociale du Quai de la Fosse et du groupe libertaire de Le Berre, membres de l’Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC) militent activement pour l’adhésion et l’appui à la Russie soviétique contre les responsables de la Bourse du travail. En juin 1920, ils voudraient selon la police prendre le contrôle de la Bourse et y installer un Conseil des Soviets mais ils sont minoritaires dans les syndicats et évincés avec l’échec des grèves du printemps 192052. La contradiction au sein des socialistes passe de plus en plus entre les aspirations révolutionnaires de la majorité des nouveaux adhérents attirés par les succès et l’utopie de la révolution d’Octobre et une réalité politique et sociale en fort décalage, sentiment renforcé chez certains cadres socialistes par la dure répression et l’échec des grèves de mai 1920.
26Après quelques mois d’une attente liée notamment au contenu des 21 conditions de l’IC, la situation s’accélère. Le 8 août 1920, dans le Finistère, le secrétaire fédéral Le Tréis adhère à titre personnel au comité brestois de la IIIe Internationale, conduisant en octobre les centristes reconstructeurs53 à créer leur propre comité. Les tentatives d’ouverture des deux députés Goude et Masson ne rejetant pas formellement l’adhésion n’empêchent pas la section de Brest de voter à l’unanimité (103 présents sur environ 400 adhérents) l’adhésion à la IIIe Internationale le 4 octobre 192054. Lors des débats passionnés qui suivent la scission opposant les notables du parti, Goude en tête, qui refusent certaines des 21 conditions, et la base militante qui les accepte en bloc, la rupture semble inévitable. Le congrès fédéral de Brest du 5 décembre 1920 donne 71 % des mandats à la motion Cachin-Frossard (26 mandats) pour l’adhésion à la IIIe Internationale contre 29 % (10 mandats) à la motion Longuet55. L’aile droite animée par Pierre Renaudel n’est pas représentée. Ce résultat est légèrement au-dessus de la moyenne nationale qui va se dégager à Tours : 67 % pour Cachin-Frossard tout comme dans les Côtes-du-Nord (75 %).
27La situation est plus confuse dans les Côtes-du-Nord où Paul Vaillant semble au cours de l’été 1920 favorable à l’adhésion alors qu’Augustin Hamon s’y oppose formellement56. Au début décembre 1920, les partisans de l’adhésion les plus mobilisés semblent l’emporter57. Le 5 décembre, une quarantaine de militants réunis à Saint-Brieuc donne une nette majorité aux partisans de la motion Cachin-Frossard (à trois contre un pour Longuet) mais contradictoirement ils souhaitent rester unifiés malgré la scission prévisible à Tours. Pourtant, au congrès de Tours la fédération des Côtes-du-Nord est portée en absence car son délégué départemental, Augustin Hamon, hostile à la mise sous tutelle de Moscou, n’y est pas allé et n’a pas transmis ses mandats58. Les majoritaires protestent après coup mais dès le 2 janvier 1921, Augustin Hamon engage la reconstruction de la SFIO.
28Le 12 décembre 1920, le congrès d’Auray a montré la division de la fédération du Morbihan avec une majorité pour les partisans de l’adhésion : 45 voix à la motion Cachin Frossard contre 18 aux centristes (Longuet) et 11 aux opposants (Blum)59. Les fédérations socialistes de Bretagne sont majoritairement favorables à l’adhésion à la IIIe Internationale mais avec des réserves et des oppositions plus ou moins fortes dans les trois départements qui donnent entre 50 et 75 % des mandats à l’adhésion à la IIIe Internationale60. Le Morbihan (16 mandats) lui en donne les deux tiers partageant le troisième tiers entre la motion Longuet et l’abstention (position de l’aile droite blumiste et renaudélienne). En revanche, l’Ille-et-Vilaine et la Loire-Inférieure ne donnent qu’un peu plus de 50 % de leurs mandats à la motion Cachin-Frossard (8 mandats sur 15 en Ille-et-Vilaine) répartissant la petite moitié restante entre Longuet-Paul Faure (4 mandats) et l’abstention (3 mandats) en Ille-et-Vilaine61, plus en faveur de Longuet et de « Reconstruction » que de l’aile droite en Loire-Inférieure.
29Dans cette fédération le courant favorable à la IIIe Internationale a même régressé entre les congrès de Strasbourg et de Tours. Pour Annie Kriegel cette évolution est peut-être liée au poids de l’ultra-gauche d’origine anarchiste et syndicaliste influente en Basse-Loire et plus méfiante à l’égard de Moscou après le 2e Congrès de l’IC62 ? En réalité, le secrétaire fédéral Dalby, après une période d’attente, a pris l’offensive contre les leaders de l’adhésion Gomichon63 et Béthus. En novembre, les votes des sections nantaises sont partagés tandis que les Nazairiens (500 présents) rejettent l’adhésion à 90 %64. Sur 950 votants, l’assemblée générale de la fédération donne 54,1 % des voix pour l’adhésion, 10,8 % pour la motion Longuet et 35,1 % pour la motion Blum et le maintien de la SFIO65. En revanche, une dirigeante importante du PSU d’Ille-et-Vilaine, Louise Bodin, qui a appartenu « au comité de défense des marins » de la Mer Noire, fait partie des 294 signataires de la résolution de novembre 1920 du comité de la IIIe Internationale avec Cachin, Rappoport et Souvarine66. Mais elle se heurte à l’opposition déterminée du député Aubry et du conseiller général de Rennes Eugène Quessot qui ont signé avant le congrès de Tours le manifeste du Comité de résistance socialiste « à la domination moscovite »67. Quessot, secrétaire du syndicat des cheminots CGT depuis la grève de mai 1920 se bat pour que les unitaires n’en prennent pas le contrôle. Quoi qu’il en soit, l’adhésion à la IIIe Internationale et la création de la Section Française de l’Internationale Communiste (SFIC) ne sont pas aussi massives qu’il y paraît en Bretagne et les ambiguïtés du congrès de Tours vont bientôt jouer en faveur des partisans de la SFIO maintenue, et ce d’autant plus que la plupart des cadres socialistes font ce choix dès les semaines qui suivent.
30Pourtant, les cinq délégués finistériens ne sont pas passifs lors du congrès de Tours. Membre de la CAP, Goude qui dès la première séance du congrès de Tours s’oppose à Treint et est battu par un vote, a déjà décidé de rester au PS. Lorsque la scission paraît jouée, Le Goïc (délégué majoritaire) tente vainement à la fin du congrès de Tours de proposer un amendement à la motion Cachin-Frossard favorisant une synthèse68. Cependant, les fédérations socialistes bretonnes n’ont guère pesé à Tours : 108 mandats (moins les 4 absents des Côtes-du-Nord) contre 721 pour le seul département de la Seine ! Tous les effets de la scission ne sont sans doute pas perçus sur le moment et il va falloir parfois quelque temps avant que la rupture devienne irrémédiable69. Dans les Côtes-du-Nord, les positions se précisent lors d’un nouveau congrès fédéral à Saint-Brieuc le 30 janvier 1921 non sans contradictions. Sur 370 adhérents, 160 seulement sont représentés et selon Paul Vaillant, les tenants du communisme et de la SFIC sont légèrement majoritaires dont la section de Loudéac, mais tous souhaitent le maintien de l’unité70. Alors que les idées socialistes amorçaient une progression électorale et militante dans la société bretonne, désormais deux partis se réclamant du marxisme vont se concurrencer et souvent s’affronter sur le terrain tout au long des années 1920.
De la reconstruction rapide de la SFIO à l’essoufflement et aux crises (1921-1931)
31Entre socialistes et communistes, la situation se clarifie au cours des premiers mois de 1921. La fédération SFIO des Côtes-du-Nord se reconstruit rapidement car les principaux cadres du PSU choisissent « la vieille maison » de Blum, Longuet et Renaudel entraînant une partie des militants avec eux : à Dinan avec Paul Vaillant, à Saint-Brieuc avec Hippolyte Pasquiou et Octave Brilleaud, dans le Trégor avec Augustin Hamon. Comme dans le Finistère, la décision de rester à la SFIO aurait été prise dès le 14 décembre 1920 lors du congrès de Saint-Brieuc71. Au début de 1921, aucun responsable ne semble prendre en main le nouveau PCF si bien que Vaillant serait toujours selon une circulaire interne le responsable d’une organisation socialiste-communiste72. Situation d’attente pour le moins curieuse qui montre que la rupture n’a pas toujours été aussi brutale et aussi nette qu’on l’a dit a posteriori.
32Cette fédération, pas encore réorganisée (une centaine d’adhérents), subit néanmoins un premier test électoral le 17 avril 1921 à l’occasion de l’élection législative partielle consécutive à l’entrée au Sénat de cinq députés de centre gauche et de centre droit élus en 1919 sur la même liste d’Union républicaine soutenant le Bloc national73. La SFIO présente trois candidats dont Vaillant, le secrétaire fédéral, contre les notables centristes alors que la droite qui est absente du combat appelle à l’abstention. Elle recueille près de 10 000 voix (trois fois plus qu’en 1919) soit, compte tenu d’une abstention de 60 %, 19,6 % des suffrages exprimés. Mais la moitié des inscrits n’ayant pas voté, un second tour est nécessaire le 1er mai 1921. La droite présente alors sa propre liste (quatre élus) contre la liste républicaine (un élu) qui, trop sûre d’elle, a décliné l’offre de bloc des gauches. L’active campagne du 2e tour (19 réunions, venue de dix des 68 députés de 1919 dont Léon Blum) fait connaître les idées socialistes et la SFIO recueille 11,1 % des suffrages exprimés (10 764 voix). Lors de ce scrutin, les communistes qui s’alignent sur les socialistes en acceptant les candidats désignés avant le congrès de Tours ne se manifestent pas en tant que tels.
33Forte de ses progrès électoraux, la fédération des Côtes-du-Nord se réorganise le 5 juin 1921 en s’appuyant sur treize sections selon L’Éveil Breton du 12 juin, puis quinze sections rassemblant 334 adhérents à la mi-septembre dans onze d’entre elles, mais ces chiffres sont très surévalués car le Parti socialiste central n’en comptabilise que 130 pour l’année 1921 (tableau 2)74. Le Parti socialiste s’est d’abord maintenu à Dinan avant que Saint-Brieuc prenne le relais. Neuf mois après le congrès de Tours, ces chiffres signifient que la SFIO des Côtes-du-Nord a rapidement récupéré ou conservé la plupart des membres de l’ancien PSU, même si l’active campagne électorale du printemps a permis de faire de nouvelles adhésions. C’est d’ailleurs confirmé par la quasi-inexistence du PCF alors que la rupture ne paraît pas encore totale avec les premiers militants communistes et que la démarche unitaire préfigure les rapprochements ultérieurs.
34La situation est bien différente dans le Morbihan où la SFIO paraît largement désorganisée75. En 1925, le secrétaire fédéral Jean Baco reconnaissait qu’au « lendemain de la scission de Tours, la plupart des sections avaient été emportées par la tourmente bolcheviste ». La scission a été définitivement consommée lors d’une réunion à Lorient le 19 janvier 1921 : lorsqu’Emmanuel Svob propose l’ordre du jour, les partisans de la IIIe Internationale quittent la salle. Pourtant la SFIO conserve six élus municipaux lorientais sur huit dont ses principaux dirigeants Svob et Cren qui conduisaient la liste du PSU en 1919. À la fin du mois, un nouveau bureau fédéral est mis en place avec à sa tête J. Baco, bientôt remplacé par L. Cren. Mais il ne resterait alors que trois sections aux effectifs restreints à Lorient, Lanester et Ploëmeur (120 adhérents au total en 1923). La réorganisation de la SFIO paraît plus lente et plus laborieuse dans le Morbihan que dans les Côtes-du-Nord où la progression est plus rapide, stimulée sans doute par l’effet Cartel des gauches. Dans le Morbihan les effectifs n’augmentent qu’en 1925 et 1926 (quadruplement par rapport à 1923).
35En Loire-Inférieure, favorable au maintien au sein de la SFIO à Tours, le parti socialiste peut s’appuyer sur ses élus et ses cadres syndicaux de la CGT et de la Bourse du travail marginalisant durablement le petit noyau de militants communistes. Dalby assure la continuité au niveau fédéral tandis qu’un nouveau leader se dégage à Saint-Nazaire avec François Blancho. Orphelin à 10 ans, apprenti chaudronnier aux chantiers de Penhoët, secrétaire des Jeunesses socialistes, Blancho est responsable après la guerre du syndicat CGT de la métallurgie. Élu conseiller municipal de Saint-Nazaire en 1919 sur la liste d’Henri Gautier, il en devient maire à 32 ans en 1925 alors qu’Henri Gautier a été réélu conseiller général en 1922. Le maintien de la section nazairienne explique sans doute que la fédération socialiste de Loire-Inférieure soit la deuxième de Bretagne en 1921. Après un tassement marqué en 1922, elle récupère le même niveau et progresse lors du Cartel des gauches mais beaucoup moins que d’autres (tableau 2).
36Les effectifs dans les Côtes-du-Nord ont presque triplé de 1922 à 1925 alors qu’ils ont doublé au niveau national de 1923 à 1925 mais ce département partait de loin. Après le maximum de 1926, la décrue est sensible jusqu’en 1929 (tableau 3). Un autre indicateur traduit la croissance rapide au début de la décennie : le nombre d’abonnés à L’Éveil Breton serait passé de 178 en juin 1921 à 835 en mars 1923 pour un tirage de 1 500 exemplaires76.
37Comment situer l’évolution des fédérations bretonnes par rapport à la tendance nationale ? De 1921 à 1931, selon les chiffres des congrès, les effectifs nationaux de la SFIO ont été multipliés par 2,6 passant de 50 449 à 130 864 adhérents. Les fédérations bretonnes sont loin du compte (tableaux 2 et 3). Passant de 2 260 à 4 181 adhérents elles n’ont pas doublé même si après la stagnation de 1928 à 1930 la reprise semble amorcée. Les différences sont sensibles selon les départements. Ainsi, dans le Morbihan, le nombre d’adhérents aurait été multiplié par 4,4 de 1923 à 1930 tout en restant inférieur au maximum atteint en 1926. Le Finistère connaît aussi un très fort accroissement de 1925 à 1926 avec l’effet Cartel des gauches. Mais le poids du socialisme breton est faible dans le parti avec seulement 5,55 % des adhérents en 1923, 4,71 % en 1926 et 3,1 % en 1930. En dépit des progrès pendant le Cartel des gauches, le recrutement des socialistes bretons est inférieur à l’évolution nationale et la tendance s’aggrave avec le net tassement des années 1927-1931. Le poids des fédérations bretonnes est dérisoire au sein du PS.
38Aux difficultés du terrain et aux effets de la conjoncture politique nationale s’ajoutent souvent les crises internes qui enrayent les efforts militants de propagande et de recrutement. Pourtant, les grands élus du parti sont régulièrement mobilisés pour des tournées de propagande (meetings, réunions de sections) dont les retombées sont limitées. À la fin des années 1920, le décalage entre les résultats électoraux de la SFIO et le nombre d’adhérents est manifeste.
39Le dynamisme de la fédération des Côtes-du-Nord animée par l’instituteur briochin Hippolyte Pasquiou, secrétaire fédéral, n’empêche pas les crises internes comme en 1924. D’abord, l’ancien secrétaire fédéral Paul Vaillant déclenche une polémique publique car il ne figure qu’en 4e position sur la liste SFIO78. De fait, le congrès fédéral du 16 mars 1924 a eu des difficultés pour désigner ses candidats avec une opposition déjà marquée entre la section de Lannion, animée par le professeur Yves Le Lay, et celle de Saint-Brieuc. Ces conflits portent apparemment sur des questions de personnes mais sans doute aussi sur des problèmes de ligne politique : le Trégor s’affirme comme plus à gauche face à des Briochins déjà plus notabilisés comme Octave Brilleaud79. À l’issue de la victoire du Cartel des gauches, la question de la participation ministérielle divise aussi le conseil fédéral : sept membres appuient la position de refus de la direction nationale de Léon Blum et Paul Faure, mais cinq y sont favorables. De même, les sections sont divisées sur le mode de scrutin (proportionnelle ou d’arrondissement).
40En Ille-et-Vilaine, la relance de la fédération a connu quelques difficultés marquées par la suspension de son journal L’Aurore d’Ille-et-Vilaine jusque janvier 192280. Contrairement aux Côtes-du-Nord, la scission a laissé des traces profondes d’autant plus que le jeune Parti communiste est animé par l’active militante Louise Bodin. En 1923, la SFIO serait retombée en Ille-et-Vilaine à environ 250 adhérents. Elle est animée par le député Albert Aubry, devenu secrétaire fédéral en janvier 1923, ainsi que par Eugène Quessot, le seul conseiller général de la SFIO élu à Rennes-sud en 191981. Bientôt, de 1923 à 1925, elle connaît une croissance spectaculaire de ses effectifs (+ 364 %) pour atteindre 1 160 membres. Comme ailleurs, des militants déçus par la SFIC reviennent, de nouveaux adhérents arrivent et surtout la dynamique du Cartel des gauches a des retombées positives avec le rejeu de l’affrontement laïques-cléricaux qui structure le clivage gauche/droite en Bretagne. Partisans de la lutte des classes, ces socialistes ont refusé l’alliance électorale avec les radicaux. En dehors des trois pôles urbains et industriels préexistants, surtout à Rennes et dans le pays fougerais, une section d’une cinquantaine de membres est fondée à Redon en 192482. Mais cet afflux est éphémère, la SFIO d’Ille-et-Vilaine retombant aux alentours de 500 à 600 adhérents de 1926 à 1930, s’inscrivant dans un déclin qui se prolonge jusqu’en 1934. La perte en 1924 du siège de député d’Albert Aubry, son principal animateur, puis son départ83, n’ont sans doute pas aidé cette fédération dirigée par Raymond André à partir de 1927. Elle traverse une crise de direction politique plus une crise financière en 1930-193184.
41Dans le Finistère, Émile Goude et Hippolyte Masson ont quitté de fait la fédération du PSU dominée par les tenants de la IIIe Internationale dès le 18 décembre 1920 et engagé la reconstruction. Avant même la scission de Tours, le 25 décembre, Le Cri du Peuple contrôlé par Goude, a annoncé la mise en place d’un « embryon du futur comité fédéral » et une opposition partout « à l’action des communistes »86. La grande majorité des élus a choisi de rester à la « vieille maison » comme en témoignent les élections sénatoriales du 9 janvier 192187. Dès la fin janvier, 14 des 28 sections de 1920 sont réorganisées, d’abord dans la région brestoise souvent avec les mêmes responsables pour marquer la continuité, puis dans le sud Finistère. Lors du congrès fédéral SFIO du 6 février 1921 qui adopte une ligne de gauche (aide à la Russie bolchevique), elles sont 20, 30 en avril, 46 en novembre. Le 23 novembre, au congrès de Morlaix, la fédération revendique 1 100 adhérents. Du fait d’un actif travail de propagande, la reconstruction de la SFIO est rapide dans le Finistère. Les effets de la scission semblent limités sauf que l’opposition avec le PC a été immédiate lors d’élections municipales partielles : toutes les tentatives de rapprochement ayant échoué, une violente polémique s’est développée avec « l’affaire Le Trocquer ». Or, dès 1922, mobilisation et militantisme retombent. Pourtant au début de 1923, avec 1 500 adhérents, la fédération du Finistère a retrouvé son niveau d’avant la scission de Tours et elle compterait même 89 sections, ce qui la placerait au 4e rang national pour le nombre de sections. Il y en aurait même 141 en mai 1924 pour 300 communes88. Un tel quadrillage territorial est exceptionnel dans la France de l’Ouest. Cette fédération est confrontée à une véritable crise de croissance nécessitant un travail de formation pour fidéliser ses adhérents.
42La période du Cartel des gauches permet un nouveau bond en avant de la SFIO qui ne s’est pourtant pas traduit dans les urnes en mai 1924. Partout, les adhésions ont afflué en 1924-1925, surtout dans le Finistère, avant de régresser à partir de 1926. Emblématique de cet essor est la création d’une section (19 adhérents) à Saint-Jean-du-Doigt par un jeune paysan de 15 ans et demi : Tanguy Prigent. Après l’apogée relative de 1926 (5 250 adhérents), le mouvement s’inverse dans toutes les fédérations bretonnes alors que la progression se poursuit au niveau national. La perte des effectifs en Bretagne est d’un tiers de 1926 à 1929. De 1926 à 1931, le parti perd plus de la moitié de ses adhérents dans le Finistère (tableaux 2 et 3), un recul aggravé par un grave crise interne (affaire Goude). On passe de 144 sections en 1926 à 56 en 1933, souvent peu actives. La situation est inverse en Loire-Inférieure où la progression électorale semble se traduire par une hausse militante assez forte. Très lié à la CGT, le parti peut aussi s’appuyer sur le bastion municipal nazairien. En 1925, François Blancho est devenu maire et conseiller général puis député en 1928. En 1930, la Loire-Inférieure redevient même la première fédération de Bretagne avant celle du Finistère comme en 1918.
43Au contraire, si on en juge par le nombre de mandats, le poids de la fédération du Morbihan fluctue assez peu dans les années 1920 (16 mandats en 1920 et en 1926, 17 en 1931)89. Là, l’impact militant du Cartel des gauches a été sensible avec un maximum de 650 adhérents en 1926 suivi d’une baisse. Lors du congrès d’Auray de janvier 1929, le nombre d’adhérents serait même tombé à 423 (460 en fin d’année). La durée de vie des sections est souvent fort brève en dépit des tentatives de réorganisation (16 en mai 1926, 19 en avril 1927). Mais, porté par les succès électoraux comme en Loire-Inférieure, dont l’élection à la députation de Louis L’Hévéder, le redressement qui s’amorce en 1930 est fort en 1931-1932 puisque les effectifs doublent. Pourtant, dans ce département conservateur ou au radicalisme très modéré, les socialistes des campagnes, souvent des instituteurs, sont en terre de mission sauf dans le pays de Lorient où se trouvent les plus anciennes (avant 1914) et les plus solides sections90. Le Parti communiste a encore plus de mal à s’implanter.
Difficiles premiers pas du communisme en Bretagne
44Dans les années 1920, la Bretagne est loin de constituer une zone de force du PCF naissant. La France de l’Ouest est bien éloignée de ce « communisme en archipel » dont les bastions aux élections législatives de 1924 se situent sur les terres « rouges » déjà anciennes en région parisienne, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Lorraine et sur la bordure occidentale du Massif Central, du Lot-et-Garonne au Cher91. Les pionniers du communisme sont une poignée de militants déterminés dirigés par quelques fortes personnalités, de Louise Bodin et Charles Tillon en Ille-et-Vilaine à Daniel Le Flanchec dans le Finistère, et à René Gomichon et Jean Crémet en Loire-Inférieure. Dans le Morbihan et les Côtes-du-Nord, aucune forte personnalité ne parvient à se détacher. Pourtant, l’émigration bretonne en région parisienne, surtout dans la plaine de Saint-Denis, contribue à former des militants bolcheviks qui de retour chez eux vont jouer un rôle majeur dans la pénétration des idées communistes, en particulier dans le Centre-Bretagne bretonnant en partie déchristianisé.
45L’évolution des effectifs du PCF traduit bien les difficultés de l’implantation des sections de la SFIC en Bretagne tout au long des années 1920, avec des situations inégales selon les fédérations mais une tendance générale à une forte baisse (tableau 4). Les premiers militants se battent bien en terre de mission, en s’appuyant principalement sur leur action syndicale au sein de la CGTU, la tendance révolutionnaire de la CGT évincée par la majorité réformiste en 1921 qui crée sa propre confédération en juillet 1922. Mais une succession de crises internes alliées à « la bolchevisation » du parti (1924-1927) et à la tactique « classe contre classe » isolent les militants du PC dans l’Ouest de la France.
46Après le 1er congrès de Marseille de décembre 1921, le PC-SFIC, puisque c’est son nom depuis mai 1921, qui aurait encore selon ses propres chiffres 109 391 adhérents en France (une perte de plus d’un tiers des adhérents de la SFIO en un an, 68 981)92, décide de réorganiser ses structures en créant une quinzaine d’interfédérations. Signe de faiblesse militante et de recul du nombre de militants, celle de l’Ouest de la France est redécoupée à plusieurs reprises. Elle ne regroupe d’abord que quatre départements bretons plus la Mayenne, puis la Loire-Inférieure y est rattachée en juillet 1923, sous la responsabilité de Paul Bazin, conseiller général de Quevilly près de Rouen et ami de Marcel Cachin. Enfin, à partir de mai 1927, elle comprend sept départements : les cinq départements bretons plus la Mayenne et la Vendée. En 1928, selon les révélations de Georges Carré, et en plein processus de déclin militant, le PCF ne conserve que 811 adhérents en Bretagne (905 pour l’interrégion), regroupés en 39 cellules locales et 12 cellules d’entreprises93. La région ne représente que 1,54 % des adhérents français et exactement 1,54 % des cellules94. Le PCF apparaît bien comme un corps étranger et marginal dans la société bretonne des années 1920, implanté presque uniquement dans les milieux ouvriers des villes, et ses effectifs n’ont cessé de se réduire depuis 1921.
47Il peut pourtant s’appuyer sur une poignée de militants dévoués et résolus qui se recrutent principalement chez les employés des chemins de fer de l’État (la compagnie de l’Ouest nationalisée), les ouvriers des arsenaux (Brest, Lorient, Rennes), les dockers, les ouvriers de la chaussure (Fougères), des marins pêcheurs et des ouvriers des conserveries (Douarnenez, ports bigoudens), des métallurgistes ou des ouvriers des chantiers navals (Basse-Loire), des carriers (Côtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine) et quelques artisans, des instituteurs ou normaliens, et des petits employés des administrations (PTT). C’est à partir de ces noyaux essentiellement urbains et prolétariens « rouges » (des entreprises d’État et des PME), de ces « matrices d’adhésion » initiales que le PCF, en Bretagne comme dans l’ensemble du pays, construit son implantation dans les années 1920 qui ne s’élargit qu’à partir de 1935-1936 après une période de réduction des effectifs liée aux luttes internes et à la ligne politique suivie.
48La SFIC du Finistère part d’un capital théorique d’adhérents de la SFIO important au début 1921 (20 sections au congrès de février) mais un an plus tard, au 1er octobre 1921, elle n’aurait conservé que la moitié des effectifs du PSU, soit 778 adhérents (600 même selon une estimation de février 1921). Elle en perd encore la moitié en 1922 : 360 en septembre puis parvient ensuite à stabiliser ses effectifs en 1928. Mais selon le responsable Louis Béors, en mai 1926 le PCF n’avait plus que 220 adhérents dont un tiers à Brest96 quand la section de Morlaix passe par exemple de trois militants en 1924 à 30 en 1929. Au début des années 1920, la fédération finistérienne défend des positions proches de celles du centre de la SFIC animé par L.-O. Frossard (43 mandats contre 7 à la motion Frossard-Souvarine au 3e congrès national de 1922), si bien qu’elle subit le contrecoup des luttes de lignes internes, notamment après la démission de Frossard hostile à la bolchevisation imposée par Moscou. En effet, des cadres issus du PSU et partisans convaincus de la IIIe Internationale communiste (IC) en 1920 quittent rapidement le Parti tels Guiban (délégué à Tours) en 1921 et Le Meur en 1923. En outre au 2e congrès de Saint-Etienne, le responsable CGTU brestois de l’arsenal Théo Kerdraon refuse de voter l’adhésion à l’Internationale Syndicale Rouge (ISR) même s’il reste au PC. L’hémorragie frappe le bastion ouvrier brestois qui n’a plus que 28 militants en 1923.
49Les relations avec les socialistes sont exécrables d’autant plus que les responsables finistériens refusent en 1922 la politique de Front unique avec la SFIO imposée par l’IC97. Daniel Le Flanchec attaque durement les élus socialistes dans Germinal. Pourtant, au printemps 1921, à la suite de l’invalidation du maire socialiste de Douarnenez, Fernand Le Goïc, pour non-résidence, le PCF enlève la municipalité au profit de Sébastien Velly98. À Lesconil, qualifiée en 1931 par une feuille de droite de « Bobigny d’Arvor », les jeunes militants critiquent les socialistes99. Lors de son 2e congrès fédéral du 11 décembre 1921, à Landerneau, onze sections étaient représentées ; elles seront douze à Douarnenez le 25 mai 1924100. Après la réorganisation liée à la bolchevisation, le Parti comptera seize cellules en 1928 dont deux cellules d’entreprise, à Brest et dans le sud Finistère (neuf). Outre Douarnenez, le PCF a conservé quelques conseillers municipaux dans le sud du département101.
50Mais auparavant un coup supplémentaire a affaibli cette fédération quand le secrétaire fédéral Jean Le Tréis, commis des Postes, a été frappé par une mutation-sanction en Meurthe-et-Moselle au début 1923. Il était très lié à L.-O. Frossard. De plus, un certain discrédit a frappé le PC finistérien lorsque l’affaire Le Trocquer a éclaté : en novembre 1921, on a appris que le secrétaire général communiste de l’UD CGT fournissait depuis des années des informations sur le mouvement ouvrier à Coudurier, le directeur radicalisant de la puissante Dépêche de Brest. Une violente polémique s’ensuit non seulement avec les radicaux mais aussi avec la SFIO. Le Troquer est exclu du PC mais surtout cette affaire provoque une vraie rupture entre les anciens camarades du PSU.
51Le départ des premiers cadres communistes du Finistère favorise l’ascension d’un nouveau dirigeant en la personne du bouillant Daniel Le Flanchec, et le glissement du centre de gravité du PC de Brest vers Douarnenez. Militant exclu de la SFIO en 1908, passé chez les anarchistes à Brest avant la guerre, ayant signé des articles dans le journal L’Anarchie, Le Flanchec a rejoint le PSU dans le climat d’agitation pacifiste, voire révolutionnaire de 1919102. Chaud partisan de la Révolution bolchevique, l’ancien charpentier, employé municipal à Lambézellec, s’est dépensé dans de nombreux meetings pour l’adhésion à la IIIe Internationale dans tout le Finistère103. Présent à Tours, il s’active ensuite pour développer le PC finistérien104. Ouvert un temps en direction des libertaires communistes, condamnant durement les socialistes réformistes, les communistes finistériens développent une active propagande mais prennent des coups : Germinal disparaît début 1923 et Le Flanchec devient secrétaire fédéral par intérim105. Cependant, la rhétorique communiste n’est pas sans effet sur les pêcheurs et les ouvriers et ouvrières des conserveries du pays bigouden. Le décès brutal du maire de Douarnenez S. Velly le 18 juillet 1924 ouvre les portes de la mairie au secrétaire fédéral qui est élu maire le 7 octobre106, réélu en 1925. Douarnenez devient alors pour les communistes et la CGTU le symbole des luttes sociales après la très dure grève des sardinières et des soudeurs de 20 usines sur des revendications salariales (novembre 1924-janvier 1925)107. Le PCF délègue ses cadres syndicalistes (Lucie Colliard, Charles Tillon, Marie Le Bosc de Nantes) ou des Jeunesses communistes (JC) (François Billoux), ses députés et son journaliste de L’Humanité avec son maire en première ligne. En dépit de l’intervention du gouvernement de Cartel des gauches, les conserveurs refusent de négocier et utilisent un commando de jaunes qui blesse grièvement Le Flanchec – une balle lui traverse la gorge. L’émotion est très forte ; le soutien aux grévistes devient national, des communistes aux socialistes et même aux députés démocrates populaires. Le 7 janvier 1925, au 46e jour de grève la fraction la plus dure du patronat doit céder. C’est un succès complet pour la CGTU et le jeune PCF qui va s’ancrer durablement dans le port de pêche et l’heure de gloire de son dirigeant finistérien Le Flanchec qui devient une sorte de martyr. En empêchant tout débordement violent, après la tentative d’assassinat de Le Flanchec, le PCF a montré sa capacité d’encadrement d’un conflit social108.
52Aussi bien à Douarnenez qu’en pays bigouden109, les femmes, ouvrières, épouses de marins ou brodeuses de coiffe jouent un rôle important dans les conflits sociaux et dans l’implantation du PCF dans les années 1920. À plusieurs reprises, ce rôle du « matriarcat breton » est reconnu par les dirigeants communistes (Lucie Colliard, Charles Tillon, Louis Béors) comme par les commissaires de police. En 1924 et 1925, des groupes des JC se forment à Douarnenez (10 membres), Pont-L’Abbé et Morlaix. La pointe de Bretagne apparaît bien alors comme le phare du communisme dans la région, mais les effectifs sont très instables tombant à 120 militants seulement en 1931. La cellule de Brest ne rassemble plus que 10 membres contre 50 en 1929 et celle de Landerneau disparaît110.
53À Nantes, la SFIC dirigée par le militant chevronné René Gomichon paraît bénéficier de bases solides. Lors de son premier congrès fédéral le 6 février 1921, elle aurait conservé 800 adhérents (11 sections) et 653 un an plus tard (39,7 % à Nantes, 4 sections, 15,9 % à Saint-Nazaire et 7,3 % à Rezé) avec une implantation exclusivement urbaine et ouvrière111. Mais la chute ensuite rapide est conforme à l’évolution nationale : en 1923, le PCF passe de 487 militants en janvier à 302 en fin d’année dont 46 % dans les quatre sections nantaises car la SFIO récupère rapidement ses anciens adhérents. Le Parti est alors dirigé par Gomichon, bientôt remplacé comme secrétaire fédéral par Jean Crémet d’Indret qui, après un voyage en URSS en 1923, devient délégué permanent à la propagande. Il est toujours animé par les Nantais Baraille, Béthus, Gosselin et Le Bis, secrétaire de la section de Saint-Nazaire, en général candidats aux élections législatives. Les masses ouvrières ne sont guère au rendez-vous et le « danger bolchevik » inquiète les campagnes. Après l’enthousiasme de 1920-1921, les tournées de propagande n’attirent plus grand monde, pas même les réunions de Crémet sur l’URSS. On se plaint de « l’absentéisme des ouvriers » et même de « l’avachissement de la classe ouvrière nantaise » ; la presse se diffuse difficilement et les difficultés financières sont récurrentes ; la pression policière est permanente (interpellations, perquisitions).
54La SFIC s’organise d’abord en Ille-et-Vilaine sous l’impulsion de son active dirigeante Louise Bodin, « la bolchevique aux bijoux », puis de Charles Tillon112. Louise Bodin (1877-1929) est une militante atypique, venue au bolchevisme par le biais du pacifisme et du wilsonisme, qui va marquer les débuts du communisme en Bretagne. Cette parisienne issue d’un milieu bourgeois est l’épouse d’un Professeur à l’école de médecine de Rennes. En 1919, elle a fait partie du « comité de défense des marins » et collabore avec le député Aubry à La Voix Socialiste, un journal fondé à Fougères en février 1920 par Louis Boudet, coupeur en chaussures fougerais favorable à la IIIe Internationale dès 1919. Au congrès de Strasbourg, elle a été élue à la Commission administrative de L’Humanité et, le 3 novembre 1920, elle a signé avec 293 autres militants (dont Souvarine, Cachin, Boudet…) la résolution du Comité de la IIIe Internationale. Son adhésion au bolchevisme vient de sa déception du wilsonisme, de son attraction de la Russie révolutionnaire et de son intérêt pour la question sociale. C’est la première dirigeante du PC-SFIC d’Ille-et-Vilaine, élue secrétaire fédérale en 1921 (jusque janvier 1924), puis membre du comité directeur en décembre 1921 au congrès national de Marseille113. La militante féministe a quitté La Voix des Femmes, le journal publié à Paris qu’elle dirigeait avec Colette Reynaud. Louise Bodin abandonne le secrétariat fédéral pour des raisons de santé, remplacée par Marcel Sevestre, mais demeure chargée de la presse au bureau fédéral dans lequel est entré Charles Tillon. Son activité militante est inlassable : propagandiste effectuant des tournées de meetings dans toute la Bretagne, seule ou avec des responsables ou élus du parti, journaliste animant les journaux régionaux communistes successifs jusqu’en 1927114. Par son charisme, Louise Bodin contribue à implanter la fédération dans les villes et les centres ouvriers du département, mais à partir de 1924 la maladie qui va l’emporter la contraint à réduire ses activités. Au côté de Souvarine, Louise Bodin appartient à l’aile gauche du parti. L’activité communiste se réduit alors à quelques villes ouvrières : Rennes, Fougères, Saint-Malo, Dinard, et aux cheminots de Messac-Guipry.
55En 1921, la SFIC a quelques difficultés à se dégager de l’ancien Parti socialiste unifié dans les Côtes-du-Nord où une sorte de « pacte de non-agression » a été conclu avec les responsables de la SFIO115. C’est pour commémorer la mémoire de Jean Jaurès que deux réunions sont organisées à Guingamp et à Loudéac à la fin juillet 1921 avec l’intervention de Raoul Verfeuil, un orateur national, sans rencontrer beaucoup de succès sauf auprès de quelques syndicalistes (enseignants, postiers, cheminots). Signe de difficulté par rapport aux fédérations voisines, le 1er congrès fédéral ne se tient à Saint-Brieuc que le 26 février 1922 ; il élit comme secrétaire fédéral un militant inconnu : Désiré Billon. En fait, l’activité de propagande vient souvent de l’extérieur : presse régionale, réunions de Paul Bazin ou de Louise Bodin pour des meetings contre l’occupation de la Ruhr ou contre le ministre du Bloc national et député-maire de Pontrieux Yves Le Trocquer. Le cheminot briochin Albert Mourocq, responsable de la CGTU, s’affirme comme l’un des principaux dirigeants de 1922 à 1925 mais en 1924 les responsables doivent reconnaître que leur fédération est « à l’état squelettique ».
56Dans le Morbihan, en janvier 1921, lorsque la scission est consommée à Lorient, une partie des militants rejoint la SFIC dont deux conseillers municipaux sur huit : Soufflet, secrétaire de la nouvelle fédération et Le Vert116. Au total, la police surveille une vingtaine de militants (8 à Lorient et 6 à Vannes) mais il est difficile d’évaluer le nombre d’adhérents.
La bataille pour le contrôle de la CGTU : communistes contre anarchistes
57Exclus en 1921 de la CGT par la tendance réformiste de Léon Jouhaux pour empêcher les comités syndicalistes révolutionnaires (CSR) presque majoritaires d’en prendre le contrôle, communistes et syndicalistes révolutionnaires se retrouvent au sein de la CGTU fondée au congrès de Saint-Etienne en juin 1922. Dès lors, deux CGT rivales vont s’affronter jusqu’en 1935-1936 et dans la CGTU la cohabitation communistes-libertaires est de courte durée. Dans l’Ouest, un conflit oppose l’UD d’Ille-et-Vilaine à l’UL de Rennes au sein de la 6e union régionale (UR) (Bretagne et Mayenne) dont le secrétaire général était l’anarcho-syndicaliste Quémerais. Fin 1923-début 1924, les communistes parviennent à prendre le contrôle des UD d’Ille-et-Vilaine (Charles Tillon) et des Côtes-du-Nord (Albert Mourocq). Le conflit se dénoue lors du congrès de Saint-Brieuc des 13 et 14 juillet 1924117. Pour trancher le conflit rennais (sur l’attribution des cotisations), l’anarcho-syndicaliste René Martin, secrétaire-adjoint de l’UD du Finistère, propose de transférer le siège de l’UR à Brest. Le débat confus et violent se solde par un vote favorable aux communistes (21 contre 11). Les minoritaires quittent alors la salle revenant deux heures plus tard pour réclamer l’annulation d’un vote selon eux antistatutaire. Devant le refus de la majorité, la scission syndicale est consommée. Charles Tillon bientôt promu délégué régional et permanent syndical CGTU anime désormais les conflits sociaux dans toute la région, notamment à Douarnenez à la fin de 1924. Les communistes dirigent une CGTU épurée de ses libertaires mais qui a perdu environ un tiers de ses adhérents. C’est aussi le cas en Loire-Inférieure où la CGTU a été créée en 1922 par deux militants communistes responsables des UL : Leray à Trignac et Le Bis à Saint-Nazaire118. À Nantes, elle est dirigée en 1923 par l’anarcho-syndicaliste René Daniel mais les communistes en prennent le contrôle en 1924 et l’UD est animée par Waret119. L’activité syndicale se réduit jusqu’à l’arrivée de Charles Tillon à Nantes en juin 1928 comme secrétaire de la 15e UR de la CGTU. Il lance le Cri des Métaux et redynamise les syndicats et les JC, organise des grèves. À Nantes, le nombre d’adhérents de la CGTU ne bouge guère : 848 en 1928, 863 en 1930 (44,2 % de cheminots de l’État). Selon la police, l’ancien mutin de « la Mer Noire » est « l’âme de l’agitation, un véritable danger public » mais le PCF ne profite guère de son action. Après le départ de Tillon, ses remplaçants Roque puis Roger Sémat n’ont pas la même aura.
58Les noyaux militants anarchistes n’en poursuivent pas moins leur existence, à Brest et en Basse-Loire. À Brest, un groupe anarchiste d’une dizaine de personnes animé par René Lochu s’est formé en 1925 où il diffuse le journal Le Libertaire120. Il s’appuie sur des syndicalistes qui ont eu des responsabilités à la CGTU : René Martin à l’UD, Jean Tréguer secrétaire du syndicat des dockers ou Jean Le Gall, secrétaire de la Bourse du travail qui s’investissent désormais dans des syndicats autonomes. En 1923, l’arsenal constituait leur bastion121. De juin 1927 à juin 1934, ce noyau anarchiste publie à Brest un mensuel « de Libre-Pensée, d’action sociale, et de combat contre le militarisme et la guerre », Le Flambeau qui aurait été tiré à 3 500 exemplaires et diffusé à 400 abonnés. En 1927, un meeting de Sébastien Faure déplace un millier de personnes. De manière originale, ce militantisme libertaire (anticlérical et antimilitariste) emprunte une voie culturelle en écrivant et en jouant des spectacles politiques. Dans les années 1930, l’influence des anarchistes diminue car ils ne comprennent pas ou même refusent la dynamique du Front populaire.
59Toutefois, chez les instituteurs, des militants non communistes sont restés à la CGTU et ont poursuivi le combat contre la tutelle du PCF, notamment dans les Côtes-du-Nord (Armand Lagain, militant socialiste) et le Finistère (les époux Cornec, Drapier). De 1926 à 1930, ces militants anarcho-syndicalistes enseignants développent même dans les Côtes-du-Nord une véritable fronde au sein de la CGTU au nom de l’indépendance syndicale vis-à-vis du PCF122. Le débat rebondit en février 1930 lors du congrès de Rennes de l’UR CGTU : les communistes ne l’emportent que par 20 voix contre 11. Une minorité anarcho-syndicaliste active, animée essentiellement par des enseignants, subsiste donc au sein de la CGTU tout au long des années 1920, contestant la majorité et la tutelle communistes. La question de l’indépendance syndicale face à l’organisation de fractions et à la thèse bolchevique de la « courroie de transmission » du parti est en effet un des enjeux de la bolchevisation du PCF.
Les effets désastreux de la bolchevisation et de la tactique « classe contre classe »
60La faiblesse militante du PCF est accentuée à partir du milieu des années 1920 par les crises internes induites par la bolchevisation et par sa ligne « classe contre classe » qui isole le parti à l’extrême gauche de l’échiquier et le transforme en secte politique malgré le dévouement et l’activisme de ses militants. Les fédérations bretonnes n’échappent pas à cette spirale.
61La bolchevisation du parti imposée par l’IC est le moyen de mettre au pas une section française quelque peu récalcitrante et encore trop marquée par la culture démocratique de l’ancien parti socialiste123. Son application en France de 1924 à 1927 correspond en URSS à l’élimination par Joseph Staline de Léon Trotsky et de l’opposition de gauche au sein du PCUS. Après le départ de Frossard, Boris Souvarine est devenu le principal dirigeant du PCF mais il est bientôt exclu (juillet 1924) et remplacé par Albert Treint imposé par les envoyés à Paris de l’IC, notamment en raison de ses sympathies pour les thèses de Trotsky qu’il a défendues lors du XIIIe congrès du Parti bolchevique en mai 1924. Une nouvelle génération militante ouvrière va prendre le relais des premiers fondateurs du PCF.
62Plusieurs dirigeants communistes de Bretagne ont alors des sympathies pour Souvarine, Trotsky et les oppositionnels de gauche tels Daniel Le Flanchec et Louise Bodin. Lors du congrès fédéral du 25 mai 1924 à Douarnenez, le débat porte selon le compte rendu du commissaire de police local sur l’acceptation des directives du Comité directeur du PCF qui le 18 mars précédent a accepté la position de « la troika » de Moscou (Staline, Zinoviev, Kamenev). Contre un envoyé du comité directeur, Le Flanchec défend Souvarine et Trotsky ; il est semble-t-il majoritaire dans sa fédération car si quatre sections votent pour le Comité directeur (motion Treint), huit s’abstiennent. Mis en cause pour son « inaction », Le Flanchec menace de démissionner mais il reste secrétaire fédéral. Son élection à la mairie de Douarnenez et son rôle dans la grève de 1924 le rendent intouchable, même si des dirigeants du Parti comme Charles Tillon trouvent qu’il mène une politique un peu trop personnelle dans sa ville124. Dès 1924, Le Flanchec affirmait qu’il voulait rester libre vis-à-vis de la direction, ce qui lui vaudra plus tard quelques ennuis. Pour l’heure, il ne va pas plus loin dans l’opposition, et ses qualités de tribun font merveille dans les meetings en Bretagne et même ailleurs.
63De même, depuis 1920, Louise Bodin appartient à l’aile gauche animée par Souvarine mais elle reste au Parti après son exclusion et la défaite des trotskistes au sein du PCF. En 1926, elle entre même en conflit avec le responsable régional Orain qui est remplacé par le dirigeant des JC Eugène Le Moign, son état de santé ne permettant pas à « la bolchevique aux bijoux » de prendre la relève125. Louise Bodin rompt avec le PCF par une lettre envoyée au Comité central le 20 novembre 1927 et publiée par la revue communiste d’opposition Contre le Courant le 30 décembre 1927. Elle y affirme son refus de l’exclusion de Trotsky du PC d’URSS, son accord avec les thèses de l’Opposition et sa fidélité « aux enseignements de Lénine ». Intellectuelle, membre de la bourgeoisie, croyant en la paix et l’idéal révolutionnaire jusqu’à sa mort le 3 février 1929, Louise Bodin marque les premières années du PCF en Bretagne, d’autant plus que c’est une femme – n’ayant pas le droit de vote – qui vit dans une ville de province comme Rennes marquée par le catholicisme bien pensant. Ce qu’elle a semé a poussé avec d’autres militants comme Charles Tillon, responsable régional de la CGTU, permanent chargé de diriger les conflits sociaux.
64La propagande du PCF et de la CGTU est souvent confondue car ce sont les mêmes militants, souvent des cheminots, qui la développent. Or, les positions antimilitaristes et anticolonialistes du PCF (contre la guerre du Rif) ne sont guère comprises des ouvriers attachés au patriotisme126.
65La circulaire sur la bolchevisation parvient à l’interfédération en juillet 1924 à un moment où elle est très endettée – on envisage de supprimer La Bretagne communiste – et où elle manque de cadres et de militants127. Mais c’est en 1925, sous la responsabilité de Marcel Cachin, que l’aspect organisationnel de la bolchevisation entre en vigueur dans les fédérations bretonnes devenues des « régions » divisées en « rayons ». Cette réorganisation imposée par le Centre accroît la baisse des effectifs (tableau 4). La « région » d’Ille-et-Vilaine compte ainsi trois « rayons » (Rennes, Fougères et Saint-Malo) ; à la base, douze cellules dont trois à Rennes et deux à Fougères ont remplacé en novembre 1925 les sections héritées du PSU128. Signe du déclin, il n’en restera que six à la fin 1928 avec 91 adhérents.
66En Loire-Inférieure, la bolchevisation est menée par un nouveau promu, Émilien Jaunet, un jeune ouvrier nantais des JC de 24 ans de l’usine de locomotives des Batignolles, formé à la fin 1924 par l’École centrale du Parti de Bobigny, nommé secrétaire fédéral129. Des cellules d’entreprises sont difficilement mises en place en 1925, à Saint-Nazaire et à Nantes, mais leur durée de vie est souvent brève à cause de la répression patronale. Pelaud, le secrétaire du rayon de Nantes, doit le reconnaître : « Aux usines des Batignolles, la cellule ne fonctionne pas car nos camarades ont peur d’être congédiés ; il en est ainsi dans toutes les usines de Nantes ». La fédération est divisée en quatre rayons mais trois fonctionnent réellement (celui de Châteaubriant est virtuel) et les douze cellules d’entreprise du rayon de Nantes n’ont que 86 militants. En décembre 1924, le PCF aurait encore 430 adhérents dans ce département (42 % à Nantes), mais la bolchevisation autoritaire comme la confusion lutte politique/syndicalisme accélère la désaffection en accentuant le poids des Nantais : 55 % des 200 militants restants en mars 1926 et mars 1927. Des vieux militants comme Pelaud qui n’accepte pas les ordres de Jaunet sont exclus ou démissionnent. Le PCF traverse une crise profonde à Nantes où les militants refusent de se présenter aux élections municipales de 1925. Les cellules ne fonctionnent pas. En Basse-Loire, la culture syndicaliste révolutionnaire pèse lourd et l’imposition des directives de l’IC aggrave l’isolement des communistes dans le mouvement ouvrier. L’activisme antimilitariste se traduit par de lourdes condamnations (peines de prison) de militants des JC, du PC et de la CGTU.
67Durant cette période, un dirigeant de la fédération de Loire-Inférieure gravit rapidement les échelons de la hiérarchie communiste. Le métallo Jean Crémet accède au bureau politique (BP) dirigé par Souvarine lors du 3e congrès du PCF à Lyon en janvier 1924. L’année suivante il est promu au secrétariat de quatre membres dirigé par Pierre Semard (secrétaire général) tout en dirigeant une commission syndicale130. En 1926, lorsque Staline et l’IC veulent imposer au parti français une direction encore plus malléable, J. Crémet est toujours dans le groupe dirigeant du BP d’une douzaine de membres avec Semard, Thorez et Doriot. Selon un rapport de juin 1926 de Jules Humbert-Droz, l’envoyé du comité exécutif de l’IC dans les pays latins pendant cette période : « Cremet convoite[rait] même le secrétariat général à la place de Semard131. » Il est alors responsable du travail du parti en province et membre du secrétariat de Comité exécutif de l’IC, en liaison donc avec les Soviétiques. Or, le 8 avril 1927, la Sûreté a arrêté des Français et des Soviétiques membres d’un réseau d’espionnage, dont Crémet était l’un des principaux responsables, chargé de collecter des renseignements industriels et militaires. Il prend la fuite et se réfugie en URSS. Le PCF est déstabilisé par cette affaire à un moment où on apprend, preuves à l’appui, qu’il reçoit des subventions de Moscou.
68La bolchevisation a marginalisé encore plus le PCF en Bretagne qui relève de trois régions : brestoise (Côtes-du-Nord, Finistère, Morbihan), rennaise et atlantique132. Paul Bazin, envoyé dans le Nord, est remplacé de mai 1925 à mai 1927 par un permanent, Louis Béors, un instructeur chargé de relancer l’action militante de la 6e Union régionale et d’appliquer la ligne du comité central (qui a remplacé le comité directeur) et du bureau politique.
69Lors du congrès régional du parti à Quimper le 30 mai 1926, (28 délégués), l’application de la bolchevisation politique et idéologique est plus que jamais à l’ordre du jour (rapport Sauvage). Le bulletin régional interne traduit bien l’affirmation du PCF comme parti bolchevique qui se veut l’avant-garde organisée de la classe ouvrière (discours, valeurs, modes d’organisation)133. Pour faire passer cette ligne, il faut faire des exemples et Daniel Le Flanchec est dans le collimateur : le maire de Douarnenez est critiqué et qualifié de « réformiste du fait qu’il consent à appliquer les règlements bourgeois au lieu de leur résister » et parce qu’il n’a pas construit de Maison du peuple. Celui-ci se défend vertement, réclame de l’argent au parti et joue sur le fait qu’il est difficilement remplaçable dans sa ville tant il connaît sa popularité chez les pêcheurs. Il n’est d’ailleurs pas délégué au 6e congrès de Lille (juin 1926) alors que Béors, proche du dirigeant du parti Treint, accède au Comité central134. On lui reproche de s’appuyer sur les patrons pêcheurs, dont plusieurs sont élus au conseil municipal, et non sur les marins. Mais en l’écartant, le PCF risquerait de perdre le fleuron du communisme breton. En outre, après la grève victorieuse, Le Flanchec n’a-t-il pas attiré dans sa cité son ami, le député de Bobigny Clamamus, et des communistes français ayant directement participé à la Révolution russe comme Jacques Sadoul ? Il ne cesse de proclamer sa foi dans « la patrie du socialisme » et y fait envoyer en 1927 la Douarneniste Catherine Gloaguen qui à son retour va porter la bonne parole dans toute la Bretagne. Le Flanchec n’en reste pas moins un individualiste rétif au léninisme discipliné et difficilement contrôlable. D’ailleurs, en avril 1930, Le Flanchec, secrétaire de la cellule, et Louis Pencalet, un conseiller municipal et trésorier de la cellule, sont exclus pour indiscipline et mollesse politique et idéologique selon La République ouvrière et paysanne, mais les conséquences en sont désastreuses pour le parti si bien qu’à la suite d’une réunion à Paris le 21 août et après autocritique, ils sont réintégrés135. Le Flanchec a certainement fait les frais de l’application draconienne de la ligne « classe contre classe » et des luttes de pouvoir au sommet de l’appareil, mais pour clore au moins provisoirement la crise Maurice Thorez vient en personne tenir meeting (1 500 personnes) à Douarnenez fin novembre 1930136.
70La réalité quotidienne est souvent bien difficile car la police surveille de près les militants les plus actifs et leur administration les sanctionne quand ils relèvent de l’État. Ainsi, avec la mutation-sanction du cheminot de Dinan Henri Guérin en 1925, l’activité politique et syndicale est d’autant plus mise à mal que la grève des carriers du Hinglé (de décembre) a échoué. Le départ en décembre 1926 du cheminot briochin Albert Mourocq pour la région nantaise accentue la désorganisation137. L’activité militante est à éclipses et le recrutement ne suit pas. Lors de leurs visites en Bretagne, les envoyés centraux comme Ernest Girault (été 1926) ou les députés ne peuvent que stigmatiser les responsables locaux pour leurs résultats médiocres.
71Achèvement de la bolchevisation qui a conduit à la perte de cadres de valeur et sans doute aussi de militants, l’année 1927 voudrait être celle de la stabilisation avec le renouvellement des directions de régions. La région Ouest est une nouvelle fois réorganisée en mai 1927 en sept départements138. De nouveaux responsables régionaux sont désignés par le Comité central à Rennes en mars 1927 : l’employé des PTT Georges Carré, secrétaire de la région Ouest, assisté de Robert Géry139. Dans les Côtes-du-Nord, où l’activité des JC se manifeste par des meetings depuis le printemps 1926, une nouvelle direction collective briochine est mise en place le 23 mai 1927 mais la propagande du parti ne rencontre aucun écho dans la classe ouvrière dans une période de relative prospérité économique et du fait de la répression patronale140. C’est alors qu’une grave crise ébranle encore plus le PCF engagé dans d’actives campagnes antimilitaristes. Georges Carré est traduit le 20 décembre 1928 devant le tribunal correctionnel pour des articles publiés dans l’hebdomadaire régional La République ouvrière et paysanne et il est accusé de « provocation de militaires à la désobéissance ». Au cours de l’audience, le principal dirigeant régional démissionne du parti en mettant en cause sa ligne et la tutelle de l’IC. Puis, il publie six articles dans L’Ouest-Éclair (décembre 1928-janvier 1929) dans lesquels il révèle l’organisation et le financement du parti et ses faiblesses militantes et organisationnelles qui reflètent l’échec de la bolchevisation, ce qui est perçu par ses camarades comme une « trahison »141. Le choc est rude : la direction est décapitée car son second Robert Géry est exclu pour n’avoir pas vu le coup venir et près de la moitié des adhérents d’Ille-et-Vilaine (une quarantaine) s’en vont le mois suivant.
72Ajoutée à la forte répression provoquée par la propagande antimilitariste, l’affaire Carré conduit à la quasi mise en sommeil du PCF dans plusieurs départements en 1929 : il serait réduit à 147 adhérents en Loire-Inférieure ; une cinquantaine en Ille-et-Vilaine (la moitié à Rennes) ; une quarantaine dans les Côtes-du-Nord. Les contacts avec le centre sont rompus. En juin 1930, dans ce dernier département, les quatre cellules comptent 77 membres dont la moitié à Saint-Brieuc-Ploufragan. Il ne reste que huit cellules et 104 adhérents en Loire-Inférieure dont 70 à Nantes sur 190 000 habitants. Le redressement prendra du temps car en 1932, selon le préfet, les communistes ne seraient plus que 99. En Bretagne comme au niveau national le PCF est bien à son étiage, quasiment rayé de la carte politique. Sa première décennie d’existence se solde dans la région par un fiasco. Tout ou presque est à refaire. La progression de la deuxième moitié des années 1930 n’en sera que plus spectaculaire. Et la faiblesse électorale du PC ne fait que confirmer son isolement dans la société bretonne et même au sein de la gauche alors que la SFIO connaît elle aussi quelques difficultés.
Débats politiques, structuration des courants dans la SFIO et « affaire Goude »
73C’est sur les questions des alliances électorales et de la participation que de 1924 à 1926 des courants se structurent au sein de fédérations socialistes jusque-là unies contre le PCF. Dans le Finistère, une aile gauche avec Guillaume Messager qui va rejoindre La Bataille socialiste de Jean Zyromski s’y oppose fermement alors que le centre (Masson et Goude) sont plus ouverts face à une aile droite participationniste (Quiniou)142. Mais, à l’issue de la période, le député de Brest Émile Goude évolue vers l’aile droite, ce qui provoque une grave crise interne. En revanche, en 1925, l’accord s’est fait sur le soutien au gouvernement sans participation (Côtes-du-Nord) et pour des listes d’union des gauches aux élections municipales sur un programme minimum laïque. À la fin de 1925, face aux difficultés du Cartel, la position évolue : les principaux leaders (A. Hamon, G. Le Normand, H. Pasquiou) se prononcent pour la participation gouvernementale mais avec des conditions draconiennes qui la rendent inapplicable, position d’ailleurs rejetée par le congrès national extraordinaire de janvier 1926. L’important pour la fédération SFIO des Côtes-du-Nord est qu’au-delà du militantisme, elle s’enracine électoralement dans les années 1920.
74De 1926 à 1929 des tensions se développent au sein de la fédération du Finistère aboutissant à la démission du député Goude en octobre 1929, de la fédération mais pas du parti, et à son exclusion. Les élections sénatoriales de 1929 font éclater une crise larvée qui oppose les deux principaux dirigeants Goude et Masson, mais reflète au-delà des questions de personnes l’affrontement entre participationnistes et ceux qui refusent l’entrée au gouvernement. D’ailleurs, une certaine fragilité se manifeste par des changements fréquents de responsables fédéraux. Surtout, l’unanimité fédérale obtenue à l’occasion du congrès de Lyon en février-mars 1927 est rompue en 1928 après les élections législatives.
75Émile Goude qui contrôle l’importante section brestoise qui domine la fédération est entré en guerre ouverte avec celui que ses partisans nomment « l’autre », c’est-à-dire Hippolyte Masson, réélu comme Goude député et conseiller général de Brest. Le 5 mai 1928 dans un article dénonçant la fraternisation du bureau fédéral avec « les bolchevistes », le député de Brest annonce que désormais Le Cri du Peuple servira son action d’élu privant ainsi la fédération d’un organe de presse143. Et ce n’est qu’en janvier 1929 que Le Breton Socialiste prend le relais abandonnant à Goude son journal. Le centre de gravité du parti va du même coup se déplacer de Brest vers Morlaix. Attaques personnelles, polémiques et exclusions de militants « goudistes » font rage. Goude démissionne alors du comité fédéral, puis de la CAP où il était minoritaire. L’enjeu est politique, Goude s’affirmant au fil des mois comme un chaud partisan de la participation au gouvernement contre la majorité de sa fédération. La rupture intervient après l’échec des socialistes, réconciliés pour la forme sur la même liste aux municipales à Brest, et la mise à l’écart de Goude lors des sénatoriales144. À la mi-octobre 1929 Goude annonce sa démission de la fédération avant d’en être exclu, exclusion confirmée par la CAP. On lui reproche son ambition sénatoriale, voire son aspiration à devenir ministre de la Marine, mais surtout sa tentative avortée de créer une fédération dissidente.
76La bataille pour le contrôle de la section brestoise est rude. De novembre 1929 à mai 1930, celle-ci est laborieusement reprise en main par la fédération mais de nombreux élus de la région brestoise restent favorables à la participation145, et donc implicitement à Goude dont Le Cri du Peuple publie des textes de Pierre Renaudel et de Marcel Déat. La dissidence est finalement contenue au prix de l’affaiblissement de la puissante section brestoise et le débat tranché au début de 1930. Par 67 % des mandats le congrès fédéral rejette la participation suivant en cela la position majoritaire de la SFIO (57 % à la motion Paul Faure contre celle de Déat). Après son échec à une élection sénatoriale partielle en septembre 1930 sous l’étiquette du Parti socialiste français146, Goude cherche à se rapprocher de la SFIO : ses partisans sollicitent sa réintégration d’abord refusée, puis acceptée par la section de Brest en janvier 1932 qui l’appuie aux législatives. Mais elle est rejetée par le congrès fédéral de Quimper147. Le congrès national de mai 1932 n’est pas hostile au retour du député de Brest réélu mais pas immédiatement. Finalement, les congrès fédéraux de janvier et juillet 1933 tranchent le débat en rejetant par deux fois la réintégration du dissident (par 55 puis 60 % des mandats). La géographie du vote des sections montre une division profonde de la SFIO affaiblie entre la région brestoise et le reste du département148. Au tournant des années 1930, l’affaire Goude empoisonne la principale fédération socialiste de Bretagne. Il s’agit désormais de rebâtir alors que le bastion brestois est durablement affaibli et que le centre de gravité s’est déplacé vers Morlaix. Quels sont dans les années 1920 les résultats électoraux du militantisme des deux partis marxistes ?
Le poids électoral de la SFIO et du PCF (1920-1925)
77Dans les années 1920, les rapports de forces électoraux sont inégaux entre les deux partis se réclamant du marxisme notamment parce que leur stratégie politique est fort différente. Resté pour l’essentiel à la SFIO, les élus issus du PSU accordent une grande importance à leur implantation électorale alors que les militants communistes voient dans les élections un moyen d’agitation et de propagande pour faire connaître leurs idées révolutionnaires. En outre, si en aux élections législatives de 1924, la SFIO présente des listes autonomes en Bretagne du fait du refus des radicaux-socialistes de faire des listes d’union, l’union des gauches joue lors des élections municipales ainsi que la discipline républicaine de désistement ou de retrait à gauche lors des élections législatives, cantonales ou sénatoriales alors que le PCF maintient systématiquement ses candidats au second tour.
78Au début des années 1920, contre la majorité de droite et du centre du Bloc national, la SFIO maintient ou améliore ses positions dans ses bastions du Finistère. En 1922, sur six candidats aux cantonales ses deux députés sont réélus dans leur canton brestois, malgré l’opposition des communistes Le Tréis et Le Flanchec149, et le parti gagne à l’été 1924 un conseiller d’arrondissement à Morlaix (Quérou) qui s’ajoute à celui de Quimperlé (Le Maigre)150.
79Les élections législatives du 11 mai 1924 sont l’occasion pour le PCF de se faire connaître en présentant partout des candidats au nom du Bloc ouvrier et paysan. Ce premier test législatif révèle la grande faiblesse électorale du PCF en Bretagne, 1,70 % des suffrages exprimés, 2,1 % pour les têtes de liste (tableau 5) alors qu’en France il a recueilli 875 812 voix, 9,5 % et obtenu 26 députés151. Tactiquement, au nom du front unique, la direction du PCF a bien proposé une alliance électorale à la SFIO, mais sur ses positions, et en sachant qu’elle serait rejetée152.
80En revanche, à l’approche des élections législatives, en 1923 et 1924, des rapprochements s’opèrent à gauche entre les socialistes et les radicaux, voire des notables de centre gauche, notamment par le canal d’organisations laïques (comité de défense laïque du Finistère, cartel des fonctionnaires des Côtes-du-Nord, organisations laïques d’Ille-etVilaine) mais sans aboutir à des accords de Cartel des gauches souhaités pourtant par les socialistes (Goude dans le Finistère154) pour battre les droites et le Bloc national sauf dans le Morbihan. Socialistes et communistes vont séparément à la bataille, ce qui permet pour la première fois de mesurer leur poids électoral respectif (tableau 5).
81Avec une moyenne arithmétique régionale de 12,2 % des voix (mais 14,86 si on rapporte les résultats des têtes de liste aux suffrages exprimés), la SFIO l’emporte sur un PCF perçu comme un groupuscule d’extrême gauche avec 1,7 % des voix. Le PCF ne frôle les 3 % que dans le Finistère et en Loire-Inférieure. Au sein d’une France où le Cartel des gauches l’a emporté, les deux partis marxistes divisés n’ont recueilli que 14 % des suffrages en Bretagne (ou 17 % pour les têtes de liste). La gauche laïque y est encore représentée par des notables radicaux ou de centre gauche.
82Parfois, le secrétaire fédéral conduit la liste du Bloc ouvrier et paysan (BOP) comme Daniel Le Flanchec dans le Finistère ; elle recueille en moyenne 2,90 % des suffrages exprimés (4 480 voix), le meilleur score en Bretagne, mais bien loin de la SFIO155. Dans les Côtes-du-Nord (cinq listes en présence dont trois de gauche), c’est le mécanicien des chemins de fer Mathurin Audren de Saint-Brieuc qui conduit la liste qui recueille une moyenne de 1 187 voix, 0,79 % des inscrits, 1,07 % des suffrages exprimés. Composée de sept ouvriers et un représentant de commerce de Guingamp, tous syndiqués à la CGTU, la liste du BOP compte trois candidats travaillant en Ille-et-Vilaine, dont deux ouvriers de la chaussure de Fougères (2e et 5e) et un électricien de Rennes (3e), sept militants et un sympathisant métallurgiste à Guingamp156. Cet apport extérieur traduit bien la faiblesse de la fédération départementale. Les meilleurs résultats (+ de 3 % des voix) sont obtenus dans le sud-ouest du département (cantons de Rostrenen et de Maël-Carhaix) et autour de Dinan, surtout dans des communes où il existe des noyaux de carriers (ardoisières et granit)157.
83Dans le Morbihan, département pourtant plus ouvrier, la liste du BOP de François Le Roux (sculpteur à Vannes) n’obtient en moyenne que 1 275 voix (1,13 % des suffrages exprimés ; 0,88 % des inscrits). Son meilleur score, bien faible, est atteint dans l’arrondissement de Lorient (1,51 % des inscrits). Elle comptait cinq ouvriers (trois à l’arsenal, un cheminot et un métallurgiste), un petit patron pêcheur et un employé de commerce (six à la CGTU)158. Mais c’est la SFIO qui recueille le vote de la gauche socialiste dans la région lorientaise159. Les résultats communistes en Ille-et-Vilaine, fédération apparemment plus dynamique et bien encadrée, sont encore plus faibles car ils n’atteignent que 0,57 % des suffrages exprimés (526 voix)160. La situation est un peu différente mais guère meilleure en Loire-Inférieure divisée en deux circonscriptions. Si dans la 1re circonscription qui inclut Nantes et Saint-Nazaire, c’est-à-dire les zones urbaines et industrielles, la liste conduite par le dessinateur et ancien libertaire Jules Grandjouan obtient 3,95 % (2 839 voix), dans la seconde, rurale et dominée par les droites conservatrices, la liste de Moreau ne recueille que 1,8 % (1 362 voix) mais elle devance celle de la SFIO (1,28 %), soit une moyenne départementale en Loire-Inférieure de 2,85 %. Sur le plan électoral, la Bretagne avec une moyenne de 1,71 % des suffrages exprimés en mai 1924 est bien une terre de mission pour le jeune Parti communiste car le militantisme le plus actif n’a pas obligatoirement des retombées électorales. Et, la forte présence de la SFIO explique largement la faiblesse électorale de l’extrême-gauche communiste.
84En effet, la SFIO a pour l’essentiel recueilli et maintenu l’héritage de l’ancien PSU (tableau 5) et elle l’a parfois fait fructifier. On peut mesurer son impact lors des élections législatives de mai 1924 en Bretagne où elle présente des listes autonomes et complètes – c’est une obligation – car les accords de Cartel des gauches ont été refusés par les radicaux. Dans le Morbihan, les radicaux ont formé une liste d’Union républicaine, en position de centre gauche, qui a refusé le Cartel des gauches. En réponse, le 2 avril 1924, une liste du Bloc des gauches – le terme de Cartel n’est pas utilisé dans la profession de foi – est formée par quatre radicaux-socialistes à l’initiative du Dr Roux, conseiller municipal de Lorient, et quatre socialistes, presque tous de Lorient161. L’alliance repose sur la défense de la laïcité et le rejet du communisme, mais chaque parti défend son propre programme dans les réunions électorales. Le 11 mai 1924, le radical-socialiste J. Camper, chef de bureau au ministère de l’Agriculture qui conduit la liste cartelliste recueille 9 552 voix, 8,49 % (7,98 % en moyenne)162. Avec une progression de 1,2 % sur 1919, le moins que l’on puisse dire est que l’alliance avec les radicaux-socialistes de gauche n’est pas très payante. Dans son bastion lorientais, la SFIO obtient 36 % des voix, le même pourcentage qu’en 1919 contre 38,4 % à l’Union républicaine, ne gagnant que 3 % à Vannes.
85En concurrence avec une liste communiste et une liste laïque radicale ou radicalisante, la progression sur 1919 est beaucoup plus sensible dans les Côtes-du-Nord où la liste Pasquiou a plus que doublé ses voix (8,35 %), en recul toutefois sur le résultat exceptionnel du printemps 1921 (11,1 % au 2e tour). En Ille-et-Vilaine, avec près de 12 % des voix, elle a pratiquement maintenu son résultat de 1919 en pourcentage, même si Albert Aubry a perdu son siège. Dans le Finistère, la liste Goude-Masson recueille en moyenne 20,2 % des suffrages exprimés (31 217 voix, un gain de 1 657 suffrages sur 1919), soit près de sept fois plus que la liste du PCF, conservant ses deux députés sortants ainsi que ses zones de force de 1919. La moyenne de 12,5 % des voix pour la SFIO est trompeuse en Loire-Inférieure, au niveau de l’Ille-et-Vilaine mais loin derrière le Finistère. En effet, dans la 1re circonscription à Nantes et en Basse-Loire, la liste du Nazairien Gautier a obtenu 21,75 % (15 615 voix), malgré la présence de la liste d’Aristide Briand, qui se dit plus ou moins cartelliste, plus de cinq fois plus que le PCF (moins de 4 %), alors que dans les campagnes blanches de la seconde circonscription la liste de Julien Lambot n’a eu que 970 voix (1,28 %), devancée même de près de 400 voix par la liste communiste. Dans la future circonscription de Saint-Nazaire, avec 34,3 % la SFIO a maintenu son score de 1919 face à un PC à 4,1163. D’ailleurs, la déception est vive et le bilan négatif en Bretagne puisque la SFIO perd un député sur les trois sortants alors que la dynamique du Cartel des gauches vivifie ses fédérations.
86Lors des élections municipales de mai 1925, les listes du BOP (PCF) n’obtiennent que de piètres résultats dans quelques villes (3 % à Saint-Brieuc) sauf celle de Daniel Le Flanchec réélue triomphalement à Douarnenez au 1er tour164. La grande grève des pennsardin a permis l’enracinement du PC et de son leader. Le PCF a au moins un second maire dans le Finistère avec Le Floch au Huelgoat. En revanche, l’initiative des socialistes bretons de former avec les radicaux des listes d’union des gauches cartellistes permet leur entrée dans plusieurs municipalités (douze dans le Finistère) et la conquête de quelques grandes villes. Non seulement la municipalité Nardon est réélue en entier à Brest, mais la SFIO gagne Rennes, Lorient et Saint-Nazaire ainsi que Kéryado dans la banlieue ouvrière de Lorient, et conserve Lanester (maire Rogel) et Trignac en Basse-Loire (maire : Julien Lambot)165. À Lanester, les socialistes sont en situation hégémonique avec plus de 90 % des voix contre la liste communiste (7 %, trois conseillers sortants)166. À Rennes, la municipalité de gauche est dirigée par Carle Bahon ; celle de Lorient par Emmanuel Svob et celle de Saint-Nazaire par François Blancho qui commence une longue carrière politique167. À Nantes, des socialistes participent à la municipalité dirigée de 1910 à 1928 par le radical Paul Bellamy.
87Le cas de François Blancho traduit bien l’implantation ouvrière de la SFIO dans le département le plus ouvrier de Bretagne, alors que le PCF décline rapidement. Ouvrier chaudronnier des chantiers navals, il devient en 1921 responsable de la CGT (UL, puis UD de Loire-Inférieure) s’opposant avec succès à la CGTU lors de la scission. Abandonnant ses mandats syndicaux, il entre dans l’arène politique en 1925 devenant conseiller général succédant en février à Henri Gautier décédé, puis maire de Saint-Nazaire (en mai) jusque 1941, puis député en 1928.
88À Lorient, la campagne électorale de la liste cartelliste Svob (SFIO, radicaux-socialistes, radicaux) est très suivie168. Elle se fait contre la liste du député-maire radical centriste Labes. La liste cartelliste l’emporte avec 528 voix d’avance (18 élus socialistes)169. La politique municipale de E. Svob (habitat populaire, protection de l’enfance, appui au patronage laïque) devient la vitrine du socialisme morbihannais. Parmi les conseillers municipaux, le jeune Louis L’Hévéder (26 ans), l’aîné d’une famille paysanne nombreuse du Trégor, incarne une nouvelle génération militante170. C’est un Normalien (Normale supérieure), agrégé de mathématiques, ami de Marcel Déat, qui a été nommé à Lorient en 1924. Dès lors, il va s’affirmer jusqu’à la guerre comme l’un des principaux dirigeants de la fédération.
89Face aux communistes, et grâce à leur politique d’alliance avec les radicaux-socialistes, les socialistes élargissent leur implantation locale à la faveur des élections municipales de 1925. Ils entrent dans quelques municipalités des Côtes-du-Nord (à Lannion, Guingamp, et dans plusieurs communes du pays bretonnant), avec une trentaine de conseillers municipaux et au moins un maire à Lanrivain171. C’est encore bien peu. Alors que dans le Finistère, la progression se poursuit lors des élections cantonales avec quatre élus sur 43 (les trois cantons brestois et Morlaix)172.
1928-1929 : avancées et reculs des partis marxistes
90En pleine tactique « classe contre classe », imposée par l’IC en 1927 et faite de violentes attaques contre les « sociaux-fascistes » de la SFIO, les résultats du PCF marquent en Bretagne comme dans le reste de la France une progression quelque peu paradoxale lors des élections législatives d’avril 1928 du moins dans les Côtes-du-Nord et en Ille-et-Vilaine (tableau 5), ce qui montre que l’électeur ne se prononce pas seulement sur un programme et un discours politiques. Contrairement à la SFIO, le PCF présente des candidats dans toutes les circonscriptions et en principe les maintient au second tour refusant la « discipline républicaine » traditionnelle à gauche, c’est-à-dire le désistement pour le candidat le mieux placé173. Les partis de gauche deviennent la cible principale des communistes lors de cette campagne174. Pourtant, les progrès électoraux sont sensibles dans les Côtes-du-Nord où le PCF avec 3,32 % des suffrages exprimés (3 771 voix) et 2,47 % des inscrits triple ses voix de 1924175. Désormais tous les candidats sont des ouvriers ou des artisans du département dont trois cheminots. Charles Carnet frôle les 5 % à Saint-Brieuc 1 et l’ouvrier des lignes PTT Jean Nicolas recueille 8,4 % à Guingamp où en l’absence de candidat radical-socialiste, la SFIO obtient 38,8 % des voix. Le PCF consolide son influence électorale dans la région briochine, autour de Guingamp et dans le sud-ouest du département. Deux candidats se retirent au second tour dont l’ouvrier granitier Joseph Adam176, ce qui permet l’élection du radical-socialiste Geitsdoerfer à Dinan mais, à Saint-Brieuc 2, Nicolas Le Gall a fait de même avant d’avoir obtenu l’aval des dirigeants et est menacé d’exclusion en cas de récidive. C’est là le signe d’une incompréhension à l’égard des directives centrales. De toute façon, là où les communistes se maintiennent au second tour (dans trois circonscriptions), ils ne sont pas suivis par leur électorat et perdent entre la moitié et les deux tiers de leurs voix.
91Les progrès sont aussi sensibles en Ille-et-Vilaine où le PCF progresse de 476 % passant de 526 voix en 1924 à 3 033 en 1928177. Son implantation en milieu ouvrier s’est élargie alors que les votants augmentaient d’un tiers ; le PCF a aussi bénéficié de l’action du nouveau secrétaire fédéral Georges Carré, peut-être d’une application floue de la tactique « classe contre classe » et d’un mouvement général. Dans le Finistère, D. Le Flanchec, conseillé par « l’agitateur Tillon » (selon le préfet), affronte le député sortant du PDP Jean Jadé, un socialiste, et Albert Le Bail, le fils du grand notable radical-socialiste178. Sa campagne en milieu rural est difficile mais avec son électorat douarneniste il risque d’arbitrer le second tour. Au premier tour, le maire communiste recueille 17,2 % des voix, le meilleur score de Bretagne, et est largement en tête dans sa ville. Malgré ses états d’âme, Daniel Le Flanchec se maintient conservant 8 % des voix mais contribuant sans doute à la réélection du démocrate populaire. En pays bigouden, le PCF fait même chuter le vieux cacique radical-socialiste Georges le Bail. À Quimper 3, un menuisier de Beuzec-Conq près de Concarneau, Félix Dubessy, d’ailleurs libéré de sa prison pour faire campagne – il a été emprisonné pour son opposition à la guerre du Rif et l’incitation de militaire à la désertion –, recueille 17,3 % des voix dans le canton de Pont-L’Abbé (après 11,4 % en 1924). Et son maintien au 2e tour explique l’échec de G. Le Bail179. Avec 33,3 % au Guilvinec, 36,9 % à Tréffiagat et 23,7 % à Plobannalec-Lesconil, le vote des marins pêcheurs signale l’émergence de « ports rouges » au détriment des socialistes. Cet électorat passe directement du radical-baillisme au communisme anticipant un mouvement qui touchera les campagnes du Centre-Bretagne à la Libération.
92Le Flanchec est lui aussi solidement enraciné dans son bastion portuaire : en octobre 1928, il ne rate que de 14 voix contre un conservateur un siège au conseil d’arrondissement et en 1929, il est aisément réélu maire de Douarnenez180. Mais l’implantation municipale communiste est bien faible comme en témoigne l’élection sénatoriale partielle de septembre 1930 dans le Finistère : présent aux trois tours, Le Flanchec recueille de 15 à 17 voix, exactement comme la liste communiste en 1921.
93Avec 2,79 % des suffrages en moyenne dans les 9 circonscriptions, le même score qu’en 1924 (6 voix en plus seulement), les résultats du PCF ne sont pas brillants en Loire-Inférieure. Ses militants ne dépassent les 5 % qu’à Nantes 2 et 3, obtenant 4,8 % à Saint-Nazaire 2 mais très peu de voix contre Blancho à Saint-Nazaire 1181.
94Avec le retour au scrutin d’arrondissement, la SFIO présente des candidats aux élections législatives de 1928 dans les circonscriptions où elle est le mieux implantée (une trentaine). En Bretagne, le parti socialiste obtient 13,84 % des suffrages pour 18 % en moyenne nationale (tableau 5). Certains départements ont de bons résultats témoignant d’un ancrage électoral réel. Dans le Finistère, les dix candidats recueillent une moyenne de 19,13 % des suffrages exprimés. Mais, si on ajoute les voix du dissident de Morlaix 1 François Bourgot, conseiller général, qui n’a pas accepté d’être écarté au profit du maire de Morlaix Guillaume Châtel (candidat SFIO en 4e position en 1924), soutenu par les radicaux-socialistes, les voix socialistes atteignent 20,27 %, c’est-à-dire le même niveau qu’en 1924. Le recul est donc lié à une crise interne qui prive la SFIO d’un troisième député dans le Finistère182. Légèrement devancé au soir du premier tour, Châtel (30 % des suffrages) se maintient dans une triangulaire au second et est nettement battu par Bourgot (31,6 % au 1er tour) qui recueille des voix de droite et du centre. En revanche, Émile Goude est aisément réélu au second tour dans son bastion brestois contre le candidat des droites Le Goc et le communiste Campiglia, grâce au report d’une partie des voix (environ 40 %) du radical Victor Le Gorgeu. Dans la circonscription de Châteaulin 2, du Centre-Bretagne, l’autre sortant Hippolyte Masson est plus difficilement élu (446 voix d’avance) face au candidat des droites Pierre Lohéac, en bénéficiant d’une partie des voix du communiste Le Floch, maire du Huelgoat, qui s’est retiré. Mais en dehors de ces trois points forts, la SFIO est en position de faiblesse dans le Léon catholique, ce qui n’est guère surprenant, mais surtout dans le sud Finistère, ce qui est plus inquiétant pour elle. Dans cinq circonscriptions, ses candidats, hommes peu connus ou venant de l’extérieur, n’ont obtenu que de 6 à 10 % des voix et, dans le sud, ils ont même été dépassés par les candidats du PCF.
95Avec 16,3 % des suffrages exprimés, la fédération de Loire-Inférieure arrive en deuxième position183. Elle a progressé de près de quatre points depuis 1924. La SFIO obtient un troisième député en Bretagne avec l’élection au second tour à Saint-Nazaire 1 du maire de la ville François Blancho (35 % au 1er tour) à la faveur d’une triangulaire avec 45,45 % des voix. Elle retrouve le nombre d’élus de 1919 et ouvre des perspectives d’essor en Loire-Inférieure où elle a recueilli 24 065 voix au 1er tour (16,3 %). À Nantes 2, Eugène Leroux a obtenu 39,5 % et Dalby 25,3 % à Nantes 1. Ne laissant qu’un maigre espace électoral à l’extrême gauche communiste, la SFIO capte à Nantes et à Saint-Nazaire une fraction de l’électorat républicain laïque de centre gauche avant même la disparition d’Aristide Briand. En Ille-et-Vilaine, avec 11,45 % des voix (14 119), les socialistes régressent légèrement en pourcentage malgré une progression en voix de 27,7 %, très inférieure toutefois à celle du PCF et même à la progression du nombre de votants (+ 33,1 %)184.
96Au contraire, dans les Côtes-du-Nord, la SFIO fait une nette percée aux élections législatives d’avril 1928, atteignant 15,68 % des suffrages exprimés (10 655), et ce d’autant plus qu’elle ne présente que cinq candidats pour huit circonscriptions185. Mais le doublement en pourcentage par rapport à 1924 (8,35 %, 9 261 voix) ne correspond qu’à un gain de 1 600 voix. Il faut relativiser cette progression car à Saint-Brieuc 1 et 2, les résultats restent médiocres, 4,4 et 6,1 % ; à Saint-Brieuc 1, le communiste Charles Carnet devance même le socialiste Théo Hamon, secrétaire de l’UD CGT, de 61 voix. Ils atteignent 7,1 % à Lannion mais la percée est remarquable à Guingamp 1 et 2. En pays bretonnant, à Guingamp 1, le professeur Guy Le Normand recueille 22 % des voix au 1er tour ; il se désiste en faveur du radical-socialiste Lorgeré qui est élu au second, en vertu de la discipline républicaine. Avec 38,8 % des voix en Haute-Cornouaille, l’agriculteur Tasset atteint un score inespéré qui s’explique par l’absence d’un candidat de la gauche radicale contre le grand notable sortant perçu comme de droite Yves Le Trocquer, réélu dès le 1er tour. Ce résultat est donc exceptionnel. Le premier tour de l’élection législative partielle d’avril 1930 donne d’ailleurs une image plus conforme à la réalité des forces dans cette région : 26,3 % pour le radical-socialiste William Loth, pourtant parachuté, 13,3 % pour l’avocat socialiste Bertho (sans candidat communiste)186. Toutefois, un début d’enracinement local est perceptible dans cette région bretonnante avec l’élection de deux conseillers d’arrondissement SFIO : Jean-Louis Le Lay à Callac187 et Yves Augel à Guingamp, un actif militant paysan.
97La SFIO présente ses principaux dirigeants dans les trois circonscriptions de Lorient (L’Hévéder, Svob et Le Goff) et à Vannes 1 (J. Baco) en menant une campagne de proximité très ciblée en direction de l’électorat populaire188. À Lorient 1 où Louis L’Hévéder, élu conseiller d’arrondissement de Pont-Scorffla même année, obtient 28,8 % des voix et à Vannes 1 (triplement des voix), la progression électorale paraît sensible mais dans le Morbihan la SFIO ne recueille que 6,63 % des voix, une quasistagnation par rapport à 1924 (+ 0,46 %)189.
98Pourtant, les élections municipales de 1929 traduisent une implantation municipale encore limitée de la SFIO en Bretagne et même des échecs retentissants car elle perd plusieurs grandes villes : Rennes, Brest et Lorient. Le plus souvent, c’est une politique d’union des gauches qui est pratiquée lui permettant d’obtenir quelques conseillers municipaux comme dans les principales villes bleues d’Ille-et-Vilaine : à Rennes, Fougères et Saint-Malo. Mais le nombre d’élus municipaux est bien maigre avec 34 conseillers municipaux seulement dont quatre adjoints190. À Rennes, la SFIO a 15 élus mais elle perd la municipalité présidée depuis 1925 par Carle Bahon car les radicaux ont voté pour Jean Lemaistre et non pour le conseiller général de Rennes sud-est Eugène Quessot. Dans les Côtes-du-Nord, elle n’a qu’entre 40 et 50 conseillers municipaux191 conservant quatre élus à Lannion, entrant dans la municipalité de Dinan (quatre)192, et progressant (de deux à huit) dans celle de Saint-Brieuc où l’industriel Octave Brilleaud devient le premier adjoint de Henri Servain, auquel il succédera en 1931. Elle prend avec le menuisier Briand la tête du Hinglé, la commune des ouvriers granitiers au sud de Dinan. Mais dans le Finistère, ces élections municipales sont marquées par la perte de l’emblématique bastion brestois, ce qui aggrave la crise interne. La municipalité sortante de Léon Nardon est sèchement battue dès le premier tour par la liste des radicaux et des modérés de Victor Le Gorgeu, en particulier sur des problèmes de gestion municipale et de pression fiscale exagérée pour mener une politique sociale193. Les divisions politiques internes ont sans doute aussi pesé lourd. Le député Masson est battu au Huelgoat. Les résultats sont mitigés dans le reste du département : la SFIO gagne cinq communes dont Landerneau grâce à Jean-Louis Rolland mais en perd deux, dont Brest et Morlaix194, et elle n’est plus présente que dans six majorités cartellistes au lieu de douze en 1925195. Au total, il y a 291 conseillers municipaux SFIO dans le Finistère en mai 1929 soit un peu moins de 6 %196. Mais Brest et Quimper n’ont plus d’élus socialistes. Une évolution s’opère avec un glissement des villes vers les communes rurales. Le recul semble marqué par rapport aux progrès de 1925 et traduit une stagnation par rapport à 1921 : aux élections sénatoriales, la SFIO est passée de 79 délégués à 107 en 1929.
99Les socialistes dirigent la liste d’union des gauches à Lorient (19 SFIO, 9 rép.-soc., 4 rad.-soc.). Mais c’est la liste radicale de Legrand (44,4 % des votants), s’appuyant sur la droite, qui l’emporte contre la gauche arrivée en tête au 1er tour. Comme à Brest, les radicaux ont joué la droite contre les socialistes. La SFIO conserve Lanester et pour la première fois a six élus sur 27 à Vannes. Ainsi, lors d’une élection partielle à la suite du décès de radical Bouligand, Louis L’Hévéder, devenu en 1929 conseiller général de Pont-Scorff(le 1er socialiste au conseil général du Morbihan), est élu le 4 mai 1930 à la Chambre apportant une quatrième député socialiste en Bretagne. Il a affronté Gaultier de Kermoal (droite) et le radical-socialiste Maulion dont le parti est en pleine crise et l’a emporté avec 57,8 % des suffrages exprimés197. Le secrétaire fédéral est rejoint au conseil général par l’ancien maire de Lorient Emmanuel Svob élu en 1930 dans le canton de Lorient 2. Dans le pays de Lorient, le travail militant depuis un quart de siècle se traduit par un ancrage électoral de ses leaders : le socialisme prend la relève d’un radicalisme fort modéré dans la seconde moitié des années 1920 en occupant l’espace politique à gauche. Au tournant des années 1930, la SFIO du Morbihan élargit son audience en s’appuyant sur les ouvriers et les fonctionnaires de la région lorientaise, bousculant ou prenant la relève des notables radicaux et républicains laïques déportés vers le centre de l’échiquier politique. La perte de la municipalité de Lorient en 1929 n’a pas cassé l’essor contrairement à la perte de Brest qui a aggravé les divergences dans la fédération du Finistère.
100C’est à l’occasion des élections sénatoriales d’octobre 1929 que la crise larvée éclate quand Goude, qui avait obtenu 205 voix lors de l’élection partielle de septembre 1927, est écarté au profit de Masson. Goude démissionne alors du Parti socialiste. Dès lors, la liste de la SFIO n’obtient qu’entre 118 et 102 voix, soit sa stricte représentation, ce qui n’est pas toujours le cas et se désiste pour la liste républicaine élue en entier au 2e tour. Dans les Côtes-du-Nord, les élections sénatoriales d’octobre 1929 mettent en valeur une audience électorale à gauche qui dépasse l’implantation municipale socialiste en jouant sur un clair clivage gauche/droite. La liste conduite par Octave Brilleaud dénonce « la cuisine électorale » du congrès républicain qui n’a désigné qu’un seul radical-socialiste réellement de gauche : son leader obtient 115 voix au 1er tour, 9,3 % des votants, puis se désiste pour de Kerguézec et les notables républicains de centre gauche198. L’effet notable avec Goude ou Brilleaud est sensible et explique un rayonnement qui déborde le strict cadre du Parti socialiste.
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101À la fin des années 1920, en Bretagne, le rapport des forces militantes et électorales entre les deux partis se réclamant du marxisme penche largement en faveur de la SFIO. Le Parti socialiste, appuyé sur ses élus, est parvenu à se reconstruire rapidement, et il a progressé grâce au Cartel de gauches avant de connaître un affaiblissement militant à partir de 1926-1927, provoqué parfois par des difficultés internes. Mais, solidement ancrée sur son socle électoral, un début d’implantation urbaine et ses réseaux, la SFIO incarne l’héritage socialiste dans la société bretonne. À côté, totalement isolé et secoué par une succession de crises internes et la rotation de ses cadres, le PCF-SFIC fait figure de groupuscule d’extrême gauche. Son activisme militant (antimilitarisme, anticolonialisme), notamment dans les grèves par le biais de la CGTU, n’est pas négligeable. Pourtant force est de constater qu’en dehors de quelques noyaux urbains et portuaires, le communisme naissant n’est encore perçu par les Bretons que comme un corps étranger, ce qui va se modifier dans les années 1930.
Notes de bas de page
1 Histoire de Saint-Brieuc et du pays briochin, Claude Nières (dir.), op. cit., Christian Bougeard, p. 211-212 et Alain Prigent, Histoire des Communistes des Côtes-du-Nord (1920-1945), Saint-Brieuc, imprimerie Jacq, 2000, p. 31-36. Le docteur Boyer, leader socialiste briochin qui pensait devenir maire, bloque le conseil municipal, change de camp et rallie les républicains laïques permettant au centriste de l’Alliance républicaine Henri Servain de récupérer son fauteuil. Boyer devient un adversaire du mouvement socialiste, des syndicats et de la Bourse du travail.
2 Claude Geslin et Jacqueline Sainclivier, La Bretagne dans l’ombre de la IIIe République (1880-1939), Rennes, éd. Ouest-France, p. 32-37, p. 69-73.
3 Ancien docker, conseiller municipal, Abraham a évolué vers les radicaux-socialistes et à même soutenu le candidat de droite élu lors des élections législatives de 1898.
4 Claude Geslin, Le syndicalisme ouvrier en Bretagne jusqu’à la première guerre mondiale, thèse d’État, éd. Espace-Écrits, Saint-Hyppolite-du-Fort, 1990, t. III, p. 690 et Claude Geslin, « Les premiers pas du PSU-SFIO en Bretagne (1905-1914) », Christian Bougeard (dir.), Un siècle de socialismes en Bretagne : de la SFIO au PS (1905-2005), Rennes, PUR, 2008, p. 19-38. En 1900, Charles Brunellière a rassemblé environ 300 adhérents dans la fédération socialiste nantaise.
5 Pierre Brigant, La fédération socialiste SFIO du Finistère (1908-1968), thèse d’histoire, université Rennes 2, 2002, p. 16-19.
6 La question des effectifs des partis politiques et des syndicats est toujours difficile à trancher selon qu’il s’agisse des chiffres des organisations (congrès, presse militante) et de ceux des services de police. Il faut aussi distinguer les cartes adressées aux fédérations de celles effectivement placées. Ainsi dans les Côtes-du-Nord, la SFIO annonce 200 cartes en décembre 1908. Or, selon Alain Prigent, op. cit., courbe p. 38, qui a croisé trois sources différentes, la SFIO aurait atteint 100 adhérents en 1907 pour retomber à 70 en 1909, 37 en 1911 et remonter à 91 en 1912, 113 en 1913 et atteindre un apogée de 136 adhérents en 1914.
7 Sources : pour 1908, sources de la SFIO ; pour 1913, 1918, 1919, 1920, Jean Charles, Jacques Girault, Jean-Louis Robert, Danielle Tartakowsky, Claude Willard, Le congrès de Tours, Paris, Éditions sociales, 1980. Effectifs au 31 décembre et en 1920 au 1er octobre. Les chiffres des archives sont parfois supérieurs : en Loire-Inférieure, en octobre 1919, la SFIO aurait 1 100 adhérents dont 750 à Nantes.
8 Une première municipalité socialiste, dirigée par Benjamin Huet, a été élue dans le vignoble à Moisdon-sur-Sèvre (Loire-Inférieure) en 1892. Le maire est réélu en 1896, battu en 1900, réélu de 1908 à 1910. Claude Geslin, Un siècle de socialismes…, op. cit., p. 35-36.
9 Le socialiste Philippot devient conseiller d’arrondissement du canton de Brest 1. Pierre Brigant, op. cit., p. 33-36. En 1912, lors d’une élection partielle, il enlève le 1er canton (centre-ville) et entre au conseil général mais est battu en 1913 en faisant campagne contre la loi des trois ans.
10 Marc Morlec, Filets bleus et grèves rouges. Concarneau : de la Grande guerre au Front populaire, Morlaix, Skol Vreizh, no 52, 2003, p. 7-8. La municipalité conservatrice de Billette de Villeroche a démissionné lorsque l’administration a rejeté son septième projet d’aménagement du port. Lors d’une élection partielle en août 1912, la SFIO gagne trois sièges.
11 Le député Goude a refusé le poste de maire.
12 Le ministère Briand vient d’être renversé par le Sénat en plein débat sur la loi des trois ans, si bien que les principaux ténors de la SFIO, Jean Jaurès, Jules Guesde et Marcel Sembat n’ont pas fait le déplacement, au grand dam des socialistes bretons.
13 Pierre Brigant, op. cit., p. 49-50.
14 Nathanaëlle Moisan, La fédération SFIO du Morbihan durant l’entre-deux-guerres suivant Le Rappel du Morbihan, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1999, p. 7. En 1907, les sept groupes socialistes sont implantés à Lorient, Hennebont, Vannes, Pontivy, Caudan, Cléguérec et Locminé.
15 Jean-Noël Retière, Identités ouvrières. Histoire sociale d’un fief ouvrier en Bretagne 1909-1990, L’Harmattan, 1994, p. 24-26, p. 54-59.
16 Alain Prigent, op. cit., p. 35-38. Deux congrès concurrents se tiennent en août 1908.
17 Boyer obtient 1 % des voix à Saint-Brieuc, son bras droit briochin l’imprimeur Frédéric Courtel, 4,2 % à Loudéac. Mais Poirrier frôle les 10 % à Guingamp 2. Aux élections cantonales de 1910, l’instituteur Mathurin Boscher, sans doute le seul candidat de la SFIO dans les Côtes-du-Nord, obtient 8,8 % des voix dans le canton de La Chèze près de Loudéac et il est élu maire de Saint-Barnabé en 1912.
18 Alain Prigent, « Le socialisme dans les Côtes-du-Nord avant 1920, origines et paradoxes d’une implantation », Un siècle de socialismes en Bretagne, op. cit., p. 39-51.
19 Vivien Bouhey, Les Anarchistes contre la République (1880-1914), Rennes, PUR, 2008, p. 166, 169, 173.
20 En 1900 et 1906, 24 et 28 Nazairiens sont fichés comme « anarchistes ou révolutionnaires » ainsi que 7 et 9 militants de Trignac.
21 Jean-Michel Le Boulanger, Flanchec (1881-1944) ou l’étrange parcours d’un insoumis, Douarnenez, Mémoire de la Ville, 1997, p. 24-38.
22 Vivien Bouhey, op. cit., p. 365-366.
23 Voir les notices de Pengam, J. Le Gall, P. Le Flaouter dans le CD-Rom du Maitron. Il existe aussi à Brest et à Lorient des sections du Groupe révolutionnaire des Écoles, une organisation anarchiste née en 1905 à Paris au Quartier latin.
24 Olivier Moreau, Expression de l’anarchisme en Bretagne (1870-1918) : anarchisme traditionnel et spécificité bretonne, maîtrise d’histoire, université Rennes 2, 1987, p. 80-95.
25 Jean-Jacques Becker, Comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, PFNSP, 1977, et Christian Bougeard, La Bretagne d’une guerre à l’autre 1914-1945, Paris, éd. J.-P. Gisserot, 1999, p. 13-14. H. Masson soutient « l’action pacifiste indéniable » du gouvernement lors du meeting de 3 à 5 000 personnes à Brest. Pourtant, une manifestation d’une centaine de jeunes contre la guerre est dispersée ; à Lorient 3 à 500 personnes se rassemblent le même jour. Un meeting prévu le 30 juillet à Saint-Nazaire ne semble pas avoir eu lieu et la manifestation interdite de Nantes le 1er août est un échec.
26 Le Cri du Peuple, 8 août 1914. Le conseil municipal de Brest « estime qu’à un moment aussi grave pour la Nation les dissensions politiques et les querelles de parti doivent disparaître pour faire place à l’union de tous les Français » et il appelle « à défendre l’intégrité de notre territoire », la France et la République.
27 Alain Prigent, op. cit., p. 39-42. Dans des lettres de 1914 et 1915, Augustin Hamon réaffirme des positions internationalistes et révolutionnaires et s’interroge sur la participation gouvernementale des socialistes.
28 Pierre Brigant, op. cit., p. 65-75.
29 Marc Morlec, op. cit., p. 7-9.
30 Le départ de nombreux ouvriers soudeurs a aussi modifié la sociologie du corps électoral.
31 Cédérom du Maîtron. B. Baraille, cheminot révoqué avant 1914, arrêté en 1914 car inscrit au Carnet B, milite à la Bourse du travail de Nantes, il est partisan de Zimmerwald et un des fondateurs du CRRI et du Comité de la IIIe Internationale de Loriot.
32 Annie Kriegel, Aux origines du communisme français, Paris, Flammarion, 1969, chap. XIII et tableau I.
33 Pierre Brigant, op. cit., p. 87-94.
34 Noëlline Castagnez, Socialistes en République. Les parlementaires SFIO de la IVe République, Rennes, PUR, 2004, p. 237-238.
35 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 10.
36 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 7-12.
37 Christian Bougeard, Le choc de la guerre dans un département breton, op. cit., p. 208-211. Selon le préfet, deux « socialistes modérés » dont Frédéric Courtel qui conduit la liste, réintégré dans la SFIO dont il préside la section briochine, cohabitent avec deux « extrémistes », dont Paul Vaillant, responsable national d’une association d’anciens combattants. En réalité Vaillant devient secrétaire fédéral de la SFIO en décembre 1919.
38 An niveau national, la SFIO passe de 1,4 million de voix en 1914 à 1,7 million en 1919 mais perd des sièges : de 102 à 68.
39 Jacqueline Sainclivier, L’Ille-et-Vilaine 1918-1958, op. cit., p. 36-39.
40 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 11.
41 Jean Pascal, Les députés bretons de 1789 à 1983, op. cit., p. 442-445 et Annie Kriegel, op. cit., carte p. 131. La SFIO a reculé dans 20 départements.
42 Laurent Paubert, La vie politique en pays bigouden entre les deux guerres, Quimper, éd. Hantérion, s. d., p. 124. Le garagiste Le Bastard est conseiller rad.-soc. depuis 1901, 1er adjoint en 1908.
43 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 70-72. Ils ont entre 38 % (à Rennes) et 22 % (à Saint-Malo) des élus.
44 Jean-Noël Retière, op. cit., p. 58-60 et Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 8 et 12.
45 François Prigent, notice Bernard Escurat dans le cédérom du Maitron, t. 5, 2009.
46 Études et documents sur Saint-Nazaire et le mouvement ouvrier, t. 1, de 1848 à 1920, L’Aremors, 1980.
47 Il existe aussi une aile droite avec Renaudel hostile à l’adhésion.
48 Alain Prigent, op. cit., p. 46-47 et notice Augustin Hamon, cédérom du Maitron.
49 Pierre Brigant, op. cit., p. 101. Goude et Masson soutiennent les reconstructeurs ; Guiban et Le Flanchec, Loriot. Tous militent dans la région brestoise.
50 Annie Kriegel, op. cit., carte no 3, p. 133, et p. 128-138.
51 Pascale Le Corre, Le Parti communiste en Loire-Inférieure pendant l’Entre-deux-Guerres, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1993, p. 12-19. En avril 1919, la motion Loriot obtient 98 voix sur 114 votants à Nantes.
52 Une intersyndicale révolutionnaire créée en novembre 1920 regroupe une centaine d’adhérents seulement.
53 Il s’agit de l’ancien maire de Brest Hervagault et de son successeur Nardon.
54 Pierre Brigant, op. cit., p. 104-108.
55 Id., p. 116-126. Le climat est tendu et Daniel Le Flanchec s’en prend durement aux reconstructeurs et à Goude. À Tours le vote définitif est de 25 contre 11.
56 Alain Prigent, Histoire des communistes des Côtes-du-Nord, op. cit., p. 47-49. Lettre du 20 juillet 1920 à P. Vaillant.
57 Id. Alain Prigent a éclairci ce point grâce aux archives d’Augustin Hamon conservées à Nantes. 18 voix sur 19 pour la motion Cachin-Frossard à la section de Loudéac qui compterait 70 membres. La correspondance d’Augustin Hamon, notamment avec P. Vaillant, et ses archives éclairent une situation auparavant confuse.
58 Sachant l’adhésion à l’IC déjà jouée, il écrit à P. Vaillant le 24 décembre : « Je connais assez les Bretons du Parti pour savoir que ce sont des révoltés impatients de tout joug. Et ils vont en majorité à une Internationale autocratique ! Ils vont se mettre sous le joug. C’est stupide. Ils sont pipés par les mots : Révolution… et ils agiront comme si l’adhésion à Moscou n’existait pas. »
59 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 14.
60 Annie Kriegel, op. cit., p. 391-392. Trente-trois fédérations sont dans ce cas.
61 La motion Cachin-Frossard a obtenu 61 voix, celle de Longuet 31, celle de Blum 27.
62 Annie Kriegel, op. cit., p. 399.
63 Le Nantais Gomichon vient de l’anarchisme.
64 Pascale Le Corre, op. cit., p. 20.
65 À Tours, il y a 20 voix pour l’adhésion et 17 contre (13 pour la motion Blum, 3 pour Reconstruction).
66 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 99.
67 Noëlline Castagnez, op. cit., p. 237-238.
68 Les délégués opposés du Finistère règlent des comptes à Tours et sont rappelés à l’ordre par Longuet.
69 Par exemple, la section de Dinan vote le 31 décembre 1920 un ordre du jour proclamant sa volonté de maintenir l’unité du parti malgré la scission.
70 Alain Prigent, op. cit., p. 49.
71 Christian Bougeard, thèse citée, p. 232-237. D’après L’Éveil Breton du 8 mai 1921.
72 Alain Prigent, op. cit., p. 49-50.
73 Voir le chapitre II.
74 Christian Bougeard, op. cit., p. 235 et Alain Prigent, op. cit., carte p. 50. Les effectifs sont inconnus dans quatre sections dont celle de Lannion. La hiérarchie des sections selon la circulaire no 8 serait la suivante : Dinan, 89 adhérents ; Loudéac, 70 ; Saint-Brieuc, 65 ; Guingamp, 44.
75 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 14-16.
76 Christian Bougeard, op. cit., p. 192-196 et 236.
77 Sources : Congrès de la SFIO. Chiffres aimablement transmis par Gilles Morin et Frédéric Cépède de l’OURS. Les données des feuillets (cartes) sont arrondies et sont parfois différentes des timbres placés dans les fédérations. Ces données homogènes divergent parfois avec les données locales fournies par la presse militante. Ainsi la SFIO des Côtes-du-Nord revendique 334 adhérents à la fin 1921 pour 130 en réalité et 1 000 en 1925 pour 440. Christian Bougeard, thèse citée ; Pierre Brigant, thèse citée ; Jacqueline Sainclivier, op. cit. ; Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 30.
78 Christian Bougeard, op. cit., p. 239. Il est remplacé par Guy Le Normand et son exclusion pour indiscipline est proposée.
79 La divergence porte sur la place de Marcel Ruedel, un Parisien récemment installé à Étables, directeur des Annales coloniales. Il figure finalement en 2e position.
80 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 96-99.
81 Jean-Yves Rolland, Le Parti socialiste SFIO en Ille-et-Vilaine dans les années 1930, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1991, p. 25-30. Les universitaires rennais Henri Sée et Armand Rébillon sont restés à la SFIO.
82 Une autre apparaît à Saint-Servan en 1930.
83 Aubry est inspecteur primaire en Indochine de 1926 à 1931.
84 Jean-Yves Rolland, op. cit., p. 27.
85 L’OURS. Congrès de la SFIO.
86 Philippe Abaléa, Le Parti Communiste à Brest, 1920-1934, maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 1982, p. 12-15.
87 La liste Goude-Masson obtient une moyenne de 77 voix au 1er tour alors que celle du PC n’en a que 16. Dès le second tour la SFIO appelle à voter pour les candidats républicains laïques. Pierre Brigant, op. cit., p. 129-132.
88 Pierre Brigant, op. cit., p. 150, 163, 172, 178. Au congrès fédéral de Brest du 3 mars 1924, 100 sections ont envoyé un représentant, 106 en février 1925.
89 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 30-32.
90 C’est le cas à Port-Louis, Lanester et Caudan, Ploëmeur, Hennebont et Inzinzac-Lochrist.
91 Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, Paris, PUF, 1995, p. 81 et carte électorale de 1924 (par cantons), p. 83.
92 Annie Kriegel, op. cit., p. 404-420 et Philippe Buton, « Les effectifs du Parti communiste français (1920-1984) », Communisme, no 7, 1985.
93 Alain Prigent, op. cit., carte p. 76 d’après les déclarations de Georges Carré à L’Ouest-Éclair. L’interrégion serait passée de 700 membres en 1927 à 905 à la fin de 1928, ce qui représenterait environ 600-620 adhérents pour les cinq départements bretons en 1927.
94 Philippe Buton, art. cité et Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, op. cit., p. 106. Le calcul prend en compte le nombre de 3 308 cellules en 1927 ; il est réduit à 1 703 en 1930.
95 Sources : Ille-et-Vilaine : Jacqueline Sainclivier, op. cit. ; Côtes-du-Nord : Christian Bougeard, thèse citée et Alain Prigent, op. cit., p. 133 ; Finistère : Philippe Abalea, op. cit. ; Loire-Inférieure : Pascale Le Corre, op. cit. En novembre 1926, selon une source interne, la région bretonne aurait 400 adhérents, mais il s’agit sans doute de la région brestoise formée des trois départements de l’Ouest breton.
96 Jean-Paul Sénéchal, Histoire du Front populaire dans le Finistère, thèse en cours de rédaction.
97 D’une guerre à l’autre… Bretagne 1914-1945, Histoire de Bretagne et des pays celtiques, t. 5, Morlaix, Skol Vreizh, 1994, Claude Geslin, chap. 36, p. 94-97.
98 Jean-Michel Le Boulanger, op. cit., p. 62-63.
99 Laurent Paubert, La vie politique en pays bigouden entre les deux guerres, Quimper, éd. Hantérion, p. 143.
100 Philippe Abaléa, Le PC à Brest de 1920 à 1934, op. cit.
101 Id., p. 144-145. Ainsi 4 élus à Pont-L’Abbé où Joseph Poulain qui a démissionné de son poste de 2e adjoint, attaque violemment le maire SFIO Le Bastard en 1922, ce qui provoque des remous internes. Le PC a aussi quelques conseillers municipaux à Concarneau, Beuzec-Conq, Lanriec, Le Guilvinec, Tréffiagat.
102 Jean-Michel Le Boulanger, op. cit., p. 21-67.
103 Dans son style violent, il a accusé le député Goude de ne pas payer ses cotisations au parti socialiste.
104 Il est délégué aux premiers congrès nationaux du PCF et est devenu marchand ambulant après avoir été licencié par la municipalité de Lambézellec.
105 Provocateur et tribun à la fibre populiste Le Flanchec use de la violence : des réunions se terminent parfois en bagarre.
106 Jean-Michel Le Boulanger, op. cit., p. 79-84. Il faut trois réunions car les socialistes minoritaires refusent de siéger. Il est suspendu, invalidé pour non-résidence et réélu.
107 Jean-Michel Le Boulanger, op. cit., p. 87-104.
108 Lors d’un débat agité à la Chambre des députés le 15 janvier 1925, le socialiste Masson félicite ironiquement le PCF pour son réformisme.
109 Laurent Paubert, op. cit., p. 150-152.
110 Jean-Paul Sénéchal, thèse citée.
111 Pascale Le Corre, op. cit., p. 21-25. Les chiffres proviennent des rapports du préfet et des sources policières.
112 Charles Tillon, On chantait rouge, Paris, Laffont, 1977, p. 27-95 et Colette Cosnier, La bolchevique aux bijoux : Louise Bodin, éd. Pierre Horay, 1988, p. 123-126.
113 Sur 4 424 suffrages exprimés, elle n’a obtenu que 2 673 voix.
114 Jacqueline Sainclivier, L’Ille-et-Vilaine 1918-1958, op. cit., p. 99-102.
115 Alain Prigent, op. cit., p. 54-55. Il y a même des réunions communes socialistes et communistes comme à Pontrieux.
116 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 16.
117 Christian Bougeard, thèse citée, p. 262-265.
118 Pascale Le Corre, op. cit., 30-31 et 76-77.
119 En septembre 1924, l’UL de Nantes a 639 syndiqués.
120 Jean-Paul Sénéchal, thèse citée.
121 Une source policière donne une liste de 150 noms « d’anarchistes » ou de sympathisants dans le Finistère dont 60 à l’arsenal. C’est très surestimé.
122 Alain Prigent, op. cit., p. 73-74.
123 Stéphane Courtois et Marc Lazar, op. cit., p. 85-93.
124 Jean-Michel Le Boulanger, op. cit., p. 78 et 139.
125 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 101-102.
126 Par exemple à Dinan, à l’automne 1925, l’appel à la fraternisation avec les Rifains provoque le départ de la plupart des ouvriers.
127 Alain Prigent, op. cit., p. 62-63. D’après un rapport du Rennais Marcel Sevestre à la direction, Bibliothèque Marxiste de Paris (BMP).
128 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 101.
129 Pascale Le Corre, op. cit., p. 42-52.
130 Stéphane Courtois et Marc Lazar, op. cit., p. 79, 94-99.
131 Jules Humbert-Droz, De Lénine à Staline. Dix ans au service de l’Internationale communiste 1921-1931, Neuchatel, éd. La Baconnière, 1971, p. 268.
132 La région bretonne aurait 400 adhérents en novembre 1926. Les cellules sont souvent des coquilles vides. À Pont-L’Abbé, il y aurait trois cellules en décembre 1924 dont une cellule d’entreprise dans une scierie (2 adhérents), une autre (6 membres), une 3e (3 instituteurs).
133 Alain Prigent, op. cit., p. 64-68.
134 Jean-Michel Le Boulanger, op. cit., p. 140-142. Béors est exclu du parti en 1928 avec Treint et S. Girault après que le PCF eût approuvé l’exclusion de Trotsky et de Zinoviev du CC du PCUS en novembre 1927.
135 Id., p. 155-160. Le journal communiste n’annonce l’exclusion que trois mois après, le 25 juillet 1930. La réintégration est le résultat d’une réunion au Comité central des responsables régionaux et du maire de Douarnenez.
136 Le 6 et 7 octobre, L’Humanité a publié un reportage sur les réalisations de la municipalité communiste.
137 L’instituteur Arsène Coutard prend le relais. Il y aurait 200 à 230 adhérents dans les Côtes-du-Nord selon la préfecture, un chiffre sans doute surestimé qui comptabilise les membres de la CGTU qui ne sont pas tous au PC.
138 Les cinq départements bretons plus la Mayenne et la Vendée, deux départements tenus par les droites.
139 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 103.
140 Alain Prigent, op. cit., p. 68. Elle comprend l’ébéniste P. Carméné, secrétaire politique, Charles Kermarrec et le cheminot Charles Carnet. Employé aux mines de plomb argentifère de Trémuson, près de Saint-Brieuc, Ch. Kermarrec est licencié à la fin de 1927. En mai 1929, Carméné est arrêté avec deux anarchistes pour avoir collé des papillons antimilitaristes.
141 La presse communiste l’accuse d’avoir eu peur de la prison, voire d’avoir détourné les fonds du journal tout en reconnaissant son manque de contrôle de Carré. De Nantes, Guérin adresse dès le lendemain un rapport sur Carré au BP. Alain Prigent, op. cit., p. 75-77.
142 En janvier 1924, le centre et la droite de la fédération se retrouvent sur une motion commune (267 mandats) face à la gauche (20 mandats) ; en mars 1924, la motion favorable au Cartel (socialistes-radicaux-modérés laïques) obtient 308 mandats contre 48.
143 Pierre Brigant, op. cit., p. 199-207 et 217-238.
144 Il souhaitait constituer une liste de Cartel des gauches refusée par les radicaux.
145 C’est le cas des maires de Lambézellec et de Landerneau, Michel Hervé et Jean-Louis Rolland.
146 Il se présente au second tour mais n’obtient que 20 voix.
147 Par 167 mandats contre 70 et 5 abstentions.
148 Voir la carte de Pierre Brigant, op. cit., p. 236.
149 À Douarnenez, l’ancien maire SFIO Le Goïc se désiste au 2e tour pour le radical-socialiste contre Badina, un mutin de la Mer Noire présenté par le PCF. En 1923, il remplace le maire de Brest Nardon comme secrétaire fédéral.
150 Il est élu au 2e tour contre un candidat républicain de gauche.
151 Stéphane Courtois et Marc Lazar, op. cit., p. 81.
152 Le congrès de l’interfédération à Lorient le 3 février 1924 a décidé de présenter des listes partout.
153 Jean Pascal, op. cit., 1983, p. 458-459 et les maîtrises d’histoire citées. Il s’agit de moyennes indicatives avec deux modes de scrutin différents. Si le PCF présente des candidats partout, ce n’est pas obligatoirement le cas de la SFIO à partir de 1928 lors du retour au scrutin d’arrondissement à deux tours. La comparaison avec 1924 est alors faussée.
154 La présence de l’amiral Guépratte sur la liste proposée par le centre gauche semble avoir fait échouer les négociations.
155 Il est suivi du maire de Douarnenez S. Velly et de G. Cossec. Le PCF fait de bons résultats dans les ports du Finistère sud (Concarneau, Beuzec-Conq, Le Guilvinec) et à Pont-l’Abbé, parfois mieux que la SFIO.
156 Christian Bougeard, thèse citée, p. 217-221.
157 Alain Prigent, op. cit., carte p. 60. Le PCF n’obtient aucune voix dans la moitié des communes situées surtout en pays gallo.
158 Laurent Le Bar, Les élections législatives du 11 mai 1924 dans le Morbihan, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1990, p. 16-17, 20-21, 76-77. Deux ouvriers de l’arsenal sont conseillers municipaux : L. Soufflet à Lorient et J. Maurice à Lanester.
159 Le PCF (21,5 % des inscrits) ne devance le Bloc des gauches (rad.-soc.-SFIO, 19,6 %) que dans le canton de Pont-Scorff.
160 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 38.
161 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 19-21 et Laurent Le Bar, op. cit., p. 13 et 76. Les socialistes semblent à la remorque des radicaux-socialistes sur la liste (Baco 4e, Svob 5e, Le Goff6e, Rogel 8e).
162 François Prigent donne 6,17 % des voix aux candidats de la SFIO. Voir Recherche socialiste 42, mars 2008, p. 105.
163 La Loire-Atlantique des origines à nos jours, Fabrice Abbad (dir.), Saint-Jean d’Angély, éd. Bordessoules, 1984, p. 396.
164 Contre une liste de droite et une liste de Cartel des gauches. Quatre libertaires auraient été écartés de la liste communiste contrôlée par Charles Tillon élu (26 élus sur 27). Y figure la syndicaliste Joséphine Pencalet, une élue qui n’a pas le droit de vote… Dix femmes sont élues en France sur les listes du PCF. Tillon invalidé sera réélu en 1926.
165 Histoire de la Bretagne, t. 5, Claude Geslin, op. cit., p. 98-99.
166 Jean-Noël Retière, op. cit., p. 58.
167 La municipalité compte 20 socialistes, 8 radicaux-socialistes et 4 modérés.
168 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 22-24.
169 Le 1er adjoint est le socialiste Léopold Le Bourgo.
170 Jean Pascal, op. cit., p. 482.
171 Christian Bougeard, thèse citée, p. 244-246.
172 La SFIO gagne aussi deux conseillers d’arrondissement à Brest et à Audierne.
173 Cette tactique est difficilement adoptée par le Comité central en novembre 1927 et souvent mal acceptée à la base.
174 Par exemple le 16 juin 1928, La République ouvrière et paysanne dénonce : « Le reniement de la gent croassante SFIO, dernier rempart de la bourgeoisie. »
175 Christian Bougeard, thèse citée, p. 226-231.
176 Avec l’accord de la cellule de Dinan selon Alain Prigent, op. cit., p. 71.
177 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 38-39.
178 Jean-Michel Le Boulanger, op. cit., p. 142-149.
179 Laurent Paubert, op. cit., p. 154-156.
180 Sa liste complète l’emporte au 1er tour contre la liste de droite et la liste SFIO-communistes dissidents. Lors des élections cantonales de 1931, Le Flanchec obtient 45,2 % au 2e tour contre Du Frétay.
181 Calculs d’après Pascale Le Corre, op. cit., p. 79-80. Dans les campagnes tenues par les aristocrates, il s’agit de candidatures de témoignage (19 voix à Châteaubriant, 60 à Ancenis où le socialiste Giron n’a que 39 voix…).
182 Pierre Brigant, op. cit., p. 252-259. Il n’y a pas de candidat à Quimperlé contre le radical-socialiste Le Louédec. Radical-socialiste, Bourgot a adhéré au PSU en 1919 mais il est considéré comme un « arriviste » et a déjà été écarté en 1924. Il a été exclu de la SFIO avant les élections et va siéger comme républicain-socialiste.
183 Nous remercions François Prigent de nous avoir transmis les résultats de ce département.
184 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 36-40.
185 Christian Bougeard, thèse citée, p. 246-250. La SFIO soutient le radical-socialiste de gauche Michel Geistdoerfer qui est élu à Dinan et elle ne présente pas de candidat contre le candidat radical laïque Le Vézouët à Loudéac.
186 Id., p. 177-178.
187 Mais Le Lay est exclu de la SFIO par le congrès fédéral de juin 1930.
188 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 37-39.
189 Selon les chiffres de François Prigent, op. cit., p. 105. La situation n’était guère favorable à Vannes où le secrétaire de section a été exclu en 1927 pour être parti avec la femme d’un camarade en abandonnant sa famille. Il a été remplacé par un Lorientais parachuté.
190 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 70-73 et Jean-Yves Rolland, Le Parti socialiste SFIO en Ille-et-Vilaine dans les années 1930, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1991, p. 58.
191 Christian Bougeard, thèse citée, p. 251. Cette faiblesse apparaît aux élections sénatoriales partielles de 1931, avec 17 délégués SFIO sur près de 900.
192 Mais une crise interne touche la section de Dinan à la fin 1929 : deux élus démissionnent.
193 Pierre Brigant, op. cit., p. 207-214. Les socialistes y voient le succès d’une coalition des radicaux avec la droite catholique et le PCF.
194 Le maire de Morlaix Châtel a démissionné après son échec législatif de 1928 et c’est son adversaire Bourgot qui a emporté la mairie. La SFIO conserve Pont-L’Abbé et Audierne mais a perdu Saint-Marc.
195 En 1925, dans la municipalité cartelliste de Quimper la SFIO avait dix élus mais il n’y a pas eu d’accord en 1929. Elle n’a plus d’élus à Châteaulin ni à Quimperlé.
196 Ils sont surtout dans le Finistère sud : 230 dans les arrondissements de Quimper et de Châteaulin (11 % du total) montrant le décalage entre l’enracinement local et les résultats aux élections législatives de 1928.
197 Nathanaëlle Moisan, op. cit., p. 41-42.
198 Christian Bougeard, thèse citée, p. 252. Les quatre autres candidats ont de 93 à 48 voix.
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