Chapitre I. Les droites en Bretagne dans les années 1920
p. 19-46
Texte intégral
1À la fin du XXe siècle, vue d’ailleurs et dans les médias, la Bretagne passait pour une région de droite, depuis toujours, alors que la réalité politique est beaucoup plus complexe avec sa marqueterie de « pays » et de tempéraments politiques comme André Siegfried l’avait déjà fait observer dans son Tableau politique de la France de l’Ouest, publié en 19131. En dépit de la prégnance de la religion catholique et du poids de l’Église catholique romaine, les Bretons s’étaient ralliés plus précocement qu’on ne l’a dit souvent au régime républicain et les affrontements très rudes du début du XXe siècle lors de la politique anticléricale du Bloc des gauches et du radicalisme n’avaient pas empêché la consolidation de la République à travers la maîtrise du suffrage universel, ni même la progression des gauches.
2C’est un processus de longue haleine qui n’empêche par de fortes résistances du bloc des droites qui veut maintenir une certaine hégémonie sur les milieux populaires ruraux en s’appuyant sur l’Église, sur ses assises foncières et ses réseaux. Mais des mutations, des combats et des reclassements traversent les droites bretonnes provoqués par les profondes transformations nationales politiques, économiques et sociales2. La société bretonne n’échappe pas aux effets des deux révolutions industrielles (révolution ferroviaire qui accélère les échanges et les départs, révolution agricole, intégration au marché national et à l’économie capitaliste) même si elle reste globalement à l’écart du processus d’industrialisation du XIXe siècle3. Pourtant, la bourgeoisie urbaine s’affirme dans le champ politique au détriment de l’aristocratie foncière conservatrice. Les classes moyennes et même une classe ouvrière naissante pèsent davantage grâce au suffrage universel masculin alors que la paysannerie et les ruraux tendent, à des rythmes différents selon les régions, à s’émanciper de la tutelle des élites sociales traditionnelles et du clergé. Un centre droit catholique essaie de se dégager du bloc des droites, non sans crises après 1919, tandis qu’une droite réellement républicaine cherche à supplanter l’aristocratie conservatrice dont certains leaders se rattachent encore, plus ou moins ouvertement au royalisme. En outre, des hommes venus de la gauche à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, voire des courants politiques, glissent vers le centre gauche avant 1914, puis au centre droit, voire à droite à la faveur de l’Union sacrée, de la Victoire et du Bloc national. La ligne de partage droite-gauche ne cesse de se déplacer avec la montée en puissance de la question sociale et l’émergence encore minoritaire en Bretagne du socialisme, puis du communisme. Outre la question religieuse qui a été longtemps et reste dans l’Ouest un discriminant du clivage droite/gauche, la préservation de l’ordre social dominant et la crainte du socialisme et de la révolution, avec la formation de partis politiques défendant ces idées, est un facteur de clivage et une clé du positionnement. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, cette nouvelle donne conduit des adversaires d’hier à tenter des convergences au centre de l’échiquier politique, sous couvert de la poursuite de l’Union sacrée et du Bloc national.
3À droite comme à gauche, les modérés des deux camps tentent en 1919 de franchir et de dépasser le clivage droite/gauche, catholiques-laïcs, dès lors que tous acceptent la République victorieuse, à part la frange de l’extrême droite royaliste encore puissante dans certaines campagnes blanches. Cette tentative va échouer durant l’entre-deux-guerres. En 1919, à l’inverse des résultats nationaux, les gauches modérées sortent renforcées des diverses consultations électorales en Bretagne. Nous avons pourtant choisi d’entreprendre ce tableau politique par une analyse du poids des droites dans la région pour mieux en souligner les héritages et dégager les évolutions (fig. 4 pl. IV du cahier couleur).
Les prémices de l’organisation des droites (1919-1924)
4Il est souvent admis que des années 1900 aux années 1930 les droites représentées par des notables manquent de structures partisanes organisées. Cette vision basée sur les travaux longtemps plus nombreux pour les partis de gauche mérite d’être nuancée, même si comme pour la gauche radicale les comités n’ont souvent d’activités qu’en période électorale. Car d’autres relais et de puissants réseaux permettent une mobilisation efficace de leur électorat4. De plus, commencées avant la Première Guerre mondiale, des évolutions internes traversent pendant l’entre-deux-guerres le camp de la droite catholique encore puissant en Bretagne : la fraction conservatrice issue du monarchisme et de sa branche légitimiste ne cesse de perdre du terrain au profit d’une droite républicaine et de l’émergence non négligeable d’un courant démocrate-chrétien qui cherche à se positionner au centre droit.
5En 1914, la représentation parlementaire de droite pesait encore lourd en Bretagne avec 22 députés sur 455. Toutes les sensibilités de droite se réclamant de la défense du catholicisme cohabitaient au Palais-Bourbon dans quatre groupes différents6. À l’extrême-droite de l’échiquier politique, les tenants de la tradition monarchiste, en général des légitimistes proches de l’Action française, sont encore nombreux : sept au groupe des droites élus dans les zones blanches du pays gallo7. Certains députés issus de cette mouvance, en transit vers la République8 (tactiquement ou par conviction), se retrouvent dans le groupe des non-inscrits (six) où ils siègent avec le républicain-démocrate et ancien sillonniste Paul Simon, élu à Brest en 1913, et Louis de Chappedelaine (Dinan 2) venant de l’Action libérale. La plupart sont des héritiers qui ont pris la relève de leur père du moins pour les aristocrates. Le Parti de l’Action libérale populaire (ALP), créé en 1901-1902 par Jacques Piou pour unir des catholiques sincèrement ralliés à la république, compte quatre députés en Bretagne en 19149. Enfin, quatre authentiques républicains catholiques qui appartiennent à la Fédération républicaine, parti issu du centre droit des républicains progressistes, glissent vers la droite10. Ce bloc des droites qui se retrouve lors des élections contre les gauches laïques pour la défense de l’Église et de l’école privée confessionnelle est de plus en plus traversé par des tensions internes entre les conservateurs et les libéraux. Déjà vives dans le Finistère, depuis la fin du XIXe siècle dans le Léon, entre républicains-démocrates et conservateurs, ces tensions vont éclater au grand jour dans le Morbihan après l’échec relatif des élections législatives de 1919.
6En novembre 1919, en voix, les listes de droite et de centre droit sont battues en Bretagne avec 42,6 % des suffrages exprimés mais seulement 28,6 % des inscrits, faisant jeu égal avec les listes de centre gauche de Cartel républicain : 42,4 % alors que la SFIO obtient 11,5 % ce qui traduit une nette poussée à gauche11 (tableau 1). Mais ces résultats ne se traduisent pas en sièges : avec 22 sièges sur 4512 (8 députés de centre droit partisans du Bloc national, 8 droite-URD, 6 extrême-droite, conservateurs et royalistes) les droites conservent leur situation de 191413. La volonté de rénovation politique exprimée par L’Ouest-Éclair, quotidien de sensibilité démocrate-chrétienne, ne se retrouve pas sur le terrain car l’intransigeance et le maximalisme religieux de Mgr Dubourg, l’archevêque de Rennes, rendent difficiles les convergences entre les républicains modérés, catholiques et laïques, au sein de la configuration de Bloc national alliant les droites et le centre14.

Tableau 1 – Les résultats des droites catholiques en Bretagne aux élections législatives dans les années 1920 (en % des suffrages exprimés)15.
7Cette rénovation de la vie politique paraît impensable dans les Côtes-du-Nord où les droites n’avaient déjà plus que deux députés en 1914, d’ailleurs ralliés au « parti républicain » pendant la guerre. Les ouvertures au centre gauche de l’ALP ne peuvent être suivies d’effet du fait de l’intransigeance de l’évêque de Saint-Brieuc. La liste des droites est largement battue aux élections législatives du 16 novembre 1919 par la liste d’Union républicaine. Cette liste de Restauration nationale, patronnée par le sénateur royaliste de Tréveneuc et conduite par l’avocat Rioche, est construite sur une alliance de six libéraux, se disant encore progressistes, et de trois conservateurs, trois nobles qui recueillent d’ailleurs les plus mauvais résultats. Avec 22,76 % des inscrits et 34,7 % des suffrages exprimés seulement malgré l’appui de la presse catholique, elle n’a aucun siège dans les Côtes-du-Nord16. En 1919-1920, battue à la Chambre, éliminée du Sénat, affaiblie au conseil général et dans les municipalités, la droite républicaine tente de se réorganiser au sein d’une Fédération des républicains progressistes et démocrates, dirigée par l’avocat Rioche, et à laquelle adhèrent quelques conservateurs. Dans un tract aux maires, ils prétendent incarner une « troisième voie » entre les radicaux et les conservateurs et sont sans doute proches de la Fédération républicaine, même si le terme de « démocrates » donne à penser que la sensibilité démocrate chrétienne est prise en compte.
8En quelques années, pour contrer les progrès électoraux de la gauche radicale, les droites morbihannaises ont dû elles aussi se repositionner. Royalistes, conservateurs et républicains progressistes se sont regroupés en 1911 au sein de la Fédération républicaine indépendante, la FRI, affiliée à la Fédération républicaine de France. Elle est dirigée par un comité exécutif formé des parlementaires du mouvement et s’appuyant sur quatre comités d’arrondissement regroupant des comités cantonaux et communaux. Comme pour tous les partis, cette structure légère a été mise en sommeil avec l’Union sacrée en 1914 et elle est réactivée en 1919 au sein d’une coalition d’Union nationale qui a d’ailleurs perdu beaucoup de terrain sur le plan électoral. En effet, les droites qui dominaient encore, parfois pour une poignée de voix, la scène politique départementale en 1914 avec six députés sur huit dont quatre aristocrates est réduite à trois députés sur huit le 16 novembre 1919. La liste d’Union nationale des républicains indépendants et des conservateurs n’a obtenu que 42,7 % des suffrages exprimés contre 47,5 % à la liste de centre gauche (cinq élus) dans un affrontement classique bloc contre bloc, « blancs » contre « bleus »17. Mais la nouveauté de ce scrutin est l’élimination des trois aristocrates monarchistes alors que deux députés sortants sont réélus : Ernest Lamy (ALP) et Victor Robic (républicain conservateur) auxquels s’ajoute un officier de Marine de même tendance, Alphonse Sevène. Ils s’inscrivent au groupe de l’Entente républicaine démocratique, creuset du parti de la Fédération républicaine de Louis Marin, avec cinq autres collègues bretons18.
9Dans deux départements bretons, des tentatives de rapprochement entre les républicains modérés laïques et les catholiques démocrates-chrétiens sont tentées sous la houlette de L’Ouest-Éclair au nom de la poursuite de l’Union sacrée. En Ille-et-Vilaine, des contacts se nouent entre le directeur politique du journal Emmanuel Desgrées du Loû et trois députés sortants, radicaux modérés, Louis Deschamps19, Robert-Surcouf et Charles Guernier. Deux députés de la Fédération républicaine (centre droit avant guerre) sont partie prenante : le vieux René Brice, 80 ans, président du conseil général, et Alexandre Lefas de Fougères. Un programme favorable à la liberté religieuse et scolaire est élaboré20. Un accord aboutit, ratifié par le congrès républicain malgré l’opposition des radicaux-socialistes, sur une liste d’Union républicaine centriste à la charnière du centre gauche et du centre droit21. Mais la présence de grands notables républicains laïques lui donne une tonalité de centre gauche dans l’électorat (4 élus) d’autant plus qu’aucun démocrate-chrétien n’est élu. La droite conservatrice refuse une telle évolution et présente sa liste du Comité d’Union nationale. C’est une alliance de libéraux, de conservateurs et même de deux monarchistes comme dans le Morbihan22. Elle n’obtient que trois députés sur huit avec 41,4 % des suffrages exprimés ; le royaliste Charles Ruellan entre à la Chambre23. En Ille-et-Vilaine, les droites se divisent : L’Ouest-Éclair soutient l’Union républicaine tandis que Le Nouvelliste de Bretagne appuie la liste conservatrice. C’est un avant-goût des affrontements au sein des droites durant l’entre-deux-guerres. Mais, au bout du compte, les élus de ces deux listes ne sont pas aussi éloignés que cela car certains vont se retrouver au sein du même groupe parlementaire de la droite républicaine, l’Entente républicaine démocratique émanation de la Fédération républicaine24.
10Dans le Finistère, l’alliance de républicains modérés et de républicains-démocrates avec les progressistes et les conservateurs est particulièrement payante puisque la liste Républicaine et Démocratique d’Union nationale ratisse large du centre droit à la droite extrême enlevant six des onze sièges avec 41 % des voix. Pourtant, la tentative de dépasser le clivage gauche/droite avec la formation d’une liste unique allant de la gauche radicale à la droite a échoué. L’électorat de droite se prononce en faveur des républicains les plus fermes de centre droit : trois républicains progressistes25 dont le vieux Léonard Corentin-Guyhot réélu avec Paul Simon et deux républicains-démocrates26. Comme dans le Morbihan, les conservateurs et les monarchistes ont été écartés27.
11Tel n’est pas le cas en Loire-Inférieure où le Comité de la droite, émanation des forces royalistes, bloque toute évolution politique en 1919 dans les campagnes de tradition blanche. S’il est prêt à s’allier avec des groupements catholiques urbains, dont le poids économique s’est renforcé par rapport aux campagnes, c’est sur la base d’un programme politique et religieux intransigeant soutenu par Mgr Le Fer de la Motte. L’absence de forces catholiques modérées rend tout élargissement illusoire. Ce Comité dénonce d’ailleurs le découpage en deux circonscriptions qui doit permettre aux républicains de gauche et à leur leader Aristide Briand de l’emporter à Nantes. En effet, la 1re circonscription urbaine Nantes-Saint-Nazaire n’est pas très favorable à la liste de solidarité nationale et de reconstitution économique plus ouverte à la bourgeoisie urbaine avec des progressistes, des conservateurs et des royalistes (36 % des voix, un seul élu : l’industriel René Delafoy). Mais la 2e reste un bastion des royalistes et des conservateurs : la liste d’Union nationale y obtient 58,9 % et cinq sièges dont quatre sortants28.
12Aux élections législatives de 1919, en Bretagne, au nom de la poursuite de l’Union sacrée, la fraction républicaine et démocrate de la droite a tenté de reconfigurer le paysage politique au centre en isolant les radicaux et en se coupant de la droite extrême mais elle a échoué car elle n’a pas voulu en payer le prix, à savoir un compromis sur ses revendications religieuses29. En outre, comme pour les listes de centre gauche, les députés sortants de droite sont réélus à 69,2 % ce qui limite le renouvellement du personnel politique30. Les droites catholiques se maintiennent à peu près par rapport à l’avant-guerre mais avec une évolution non négligeable : l’élimination des aristocrates monarchistes battus, sauf en Loire-Inférieure, ce qui confirme l’enracinement de la République y compris dans cet électorat. Il en ressort que l’affrontement bloc contre bloc perdure en dépit des tentatives de rapprochement au centre de l’échiquier politique. Au niveau local, les rapports de forces ne bougent guère même si les évolutions enclenchées au début du siècle se poursuivent sans éclat.
Le relatif maintien de l’enracinement des droites en 1919-1921
13À la fin 1919, après les élections législatives, ont lieu les élections municipales (30 novembre, 7 décembre), puis les élections cantonales (14, 21 décembre) suivies des élections sénatoriales dans trois départements le 14 janvier 1920 car ces assemblées n’ont pas été renouvelées depuis l’avant-guerre et des élus ont disparu (de vieillesse et à la guerre). Au niveau municipal, les droites dirigent encore de nombreuses mairies mais les enjeux sont souvent locaux et les étiquettes floues recouvrent la défense des intérêts communaux. Il n’est pas rare non plus qu’au nom de la représentation proportionnelle plusieurs tendances cohabitent sur la même liste. L’affrontement des blancs et des bleus est plus sensible dans les villes. Parfois, on note une volonté de rapprochement des catholiques modérés et des républicains laïques de centre gauche. À Nantes, le maire radical sortant Paul Bellamy refuse l’alliance proposée par la droite nantaise au 1er tour mais il l’accepte au second au nom de la représentation proportionnelle qui inclut aussi des socialistes31. Mais quand le danger socialiste menace comme à Brest, la droite urbaine s’abstient de se présenter préférant soutenir la liste des républicains très modérés patronnée par La Dépêche de Brest32 qui cherche sans succès à reprendre « Brest-la-Rouge » à la SFIO.
14Dans deux départements pour lesquels nous avons des indications, la droite recule au niveau municipal confortant l’implantation républicaine : dans le Morbihan et le Finistère, elle perd une quarantaine de communes et n’est plus qu’à peine majoritaire dans le Finistère (tableau 2), soit un recul de 22 % des communes classées à droite en 1912. Cette réalité va se traduire aux élections sénatoriales. Mais la droite résiste fort bien dans ses bastions ruraux de Loire-Inférieure où elle contrôle 62 % des municipalités.

d. s. = délégués sénatoriaux ; C = conservateur ; ERD = Entente républicaine démocratique ; URD = Union républicaine démocratique.
Tableau 2 – Le rapport de force droite/gauche dans les municipalités en 1920 et 192933.
15Entre 1920 et 1929, les droites reculent dans les communes du Finistère en devenant minoritaires alors que l’écart reste stable dans le Morbihan et que la gauche l’emporte nettement dans les Côtes-du-Nord.
16Sauf en Loire-Inférieure où elle conserve la présidence du conseil général en 1919 et son hégémonie (33 élus contre 13 comme en 1914), la droite bretonne subit une érosion dans les quatre autres conseils généraux déjà acquis à la gauche républicaine en 1914. Elle passe de 106 élus en Bretagne en 1914 à 94 en 1919 (123 pour la gauche) tombant à 43,5 %. Elle est très minoritaire dans les Côtes-du-Nord et le Finistère ne gagnant qu’un siège en Ille-et-Vilaine. Le recul engagé depuis le début du siècle se poursuit, favorisé par la modération des républicains même radicaux et la faiblesse de la SFIO parmi les notables locaux. En outre, ce sont les conservateurs, souvent monarchistes et appuyés par l’Église, qui se maintiennent dans leur canton bloquant les éventuelles évolutions. Sur les conseillers généraux de droite, 73 sont des conservateurs (77,6 % des conseillers de droite) soit plus du tiers de tous les élus de Bretagne (tableau 3)34. En Loire-Inférieure, 28 sur 33 élus de droite sont des conservateurs notoires, en général monarchistes. En 1919, le président du conseil général est le marquis de Ternay par ailleurs délégué de la Maison de France dont le prétendant est le duc d’Orléans35. Beaucoup sont des aristocrates, propriétaires fonciers solidement ancrés dans les campagnes de tradition blanche. On dénombre 49 nobles dans les conseils généraux de Bretagne, soit 22,6 % du total et 52,6 % des conseillers de droite. Ils forment 43 % des conseillers généraux de Loire-Inférieure et 26 % de ceux d’Ille-et-Vilaine, descendants de dynasties de la noblesse bretonne, en zone gallèse dans les marges armoricaines, les campagnes de Saint-Nazaire, de Vannes et de Ploërmel. C’est la prolongation dans l’Ouest du XIXe siècle nobiliaire alors qu’en Basse-Bretagne ces conservateurs nobles ont été battus. Dans les Côtes-du-Nord, leur recul est continu : ils étaient 18 sur 48 conseillers généraux en 1898 (37,5 %), ils ne sont plus que 7 ou 8 en 1919 (14,5 %), réélus dans leur canton, mais deux d’entre eux sont des personnalités républicaines de gauche (Gustave de Kerguézec) ou en train d’évoluer vers le centre gauche (Louis de Chappedelaine)36.
17Dans les départements bretons, au sortir de la guerre le Sénat est toujours une place forte des droites. Les renouvellements de 1920 et de 1921 permettent de mesurer la résistance des grands notables traditionnels et surtout des aristocrates. Contre les listes d’Union républicaine, les conservateurs qui ont perdu plusieurs sièges de députés en 1919 veulent conserver le Sénat pour poursuivre leur combat contre la République laïque, même assagie avec la victoire du Bloc national. En 1920, dans les trois départements concernés de Loire-Inférieure, d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan, les sénateurs de droite sortants (monarchistes et ralliés) détenaient 13 des 14 sièges. Contrairement aux prévisions, la poussée à gauche espérée ne se produit pas : les républicains perdent le siège qu’ils détenaient en Ille-et-Vilaine37, n’en gagnant qu’un dans le Morbihan38. Néanmoins, pour conserver leur hégémonie politique, les monarchistes et propriétaires fonciers de Loire-Inférieure prennent en compte le poids grandissant de la bourgeoisie urbaine et industrielle nantaise. Ainsi le Comité de la droite impose le retrait de l’amiral de la Jaille, pourtant sénateur sortant, pour le remplacer par Jean Babin-Chevaye, une grande figure du patronat nantais39. Les notables conservateurs soutenus par de puissants réseaux catholiques et agraires conservent donc 13 sénateurs sur 14.

C = conservateur ; ERD = Entente républicaine démocratique ; URD = Union républicaine démocratique ; DP = Démocrate populaire
(1) La répartition départementale donne 9 DP et non 11.
Tableau 3 – La répartition politique des conseillers généraux de droite en Bretagne de 1919 à 193140.
18Mais un an plus tard, le 9 janvier 1921, ils perdent les Côtes-du-Nord et le Finistère. Dans le Finistère, la liste d’Union républicaine parvient à faire élire quatre sénateurs sur cinq, ne laissant qu’un seul siège au sénateur sortant Fortin. Les droites divisées entre démocrates-chrétiens et conservateurs ont payé leur désunion au prix fort. Dans les Côtes-du-Nord, ces élections sénatoriales ont sonné le glas de la droite conservatrice qui détenait tous les sièges depuis 191241. Avec quatre nobles propriétaires fonciers (deux sortants, anciens députés à la fin du XIXe siècle) sur cinq, la liste conservatrice est battue sans appel (300 voix d’écart) par la liste d’Union républicaine. Elle était concurrencée il est vrai par trois candidats de la droite modérée se réclamant des républicains progressistes et démocrates42. Même unies, les droites n’auraient pas pu conserver le Sénat. C’est la fin d’un cycle pour la droite extrême des Côtes-du-Nord qui se reconstruit avec des républicains incontestables.
19Pourtant, l’entrée au Sénat de cinq députés élus en 1919 permet à la droite des Côtes-du-Nord une rapide revanche lors de l’élection législative partielle d’avril-mai 192143. Lors du tour unique, du fait du système proportionnel, elle n’a pas osé présenter de liste contre les républicains de centre gauche triomphants, mais un taux d’abstention trop élevé impose un second tour. La droite présente alors une liste républicaine de représentation proportionnelle qui, grâce à la mobilisation de son électorat et d’une partie du centre droit, enlève quatre sièges sur cinq, avec 29 % des inscrits et 45,71 % des suffrages exprimés. Toute la presse catholique, des conservateurs du Nouvelliste de Bretagne aux démocrates chrétiens de L’Ouest-Éclair, appelle à la mobilisation contre une liste qualifiée abusivement de « radicale-socialiste », alors que ce parti n’existe guère sur le terrain. Et la droite catholique regagne à cette occasion une grande partie du terrain perdu depuis le début du XXe siècle44. Le mouvement de balancier semble à nouveau se faire à son profit car elle a profité de la concurrence entre le centre gauche modéré et la SFIO, une fraction de l’électorat de gauche ayant fait le choix de voter pour les socialistes dans les villes et en pays bretonnant. Mais ce succès conjoncturel ne doit pas masquer les difficultés que rencontrent les droites bretonnes ailleurs.
L’accentuation des divisions au sein des droites bretonnes45
20Quelque peu distancée par le centre gauche en Bretagne, la fraction la plus conservatrice de la droite bretonne reporte ses espoirs politiques sur la victoire du Bloc national dirigé par Alexandre Millerand. Écartée du pouvoir depuis longtemps par les républicains, elle pense que l’heure de la revanche est venue. Or, Millerand choisit de former un gouvernement de large union nationale de tonalité centriste avec des radicaux et le républicain-socialiste Aristide Briand, le nouveau député de Nantes46. Il ne veut pas être l’otage de la majorité de droite du Bloc national dont les partis ne reçoivent que la portion congrue. Les droites bretonnes et leur presse laissent percer leur déception47. Encore une fois, elles se sentent en porte-à-faux par rapport à la situation nationale. Tout au long de la législature, les droites défendent un nationalisme intransigeant en politique extérieure, rejetant les tentatives de compromis avec l’Allemagne d’Aristide Briand en 1921-1922, et soutenant la fermeté de Poincaré lors de l’occupation de la Ruhr en 1923. Mais l’unité du bloc catholique breton est de plus en plus remise en question.
21Dans le Finistère, les affrontements déjà anciens entre conservateurs et républicains-démocrates qui semblaient apaisés en 1919 ont rebondi à l’occasion des élections sénatoriales de janvier 1921 et d’une élection cantonale partielle en janvier 1922. Les conservateurs détenaient trois sièges de sénateurs sur cinq à la veille de ce renouvellement48. Les républicains-démocrates de la FRDF tentent une nouvelle fois un rapprochement avec les républicains modérés mais se heurtent à nouveau à l’opposition de Georges Le Bail et des radicaux. La FRDF qui n’a guère d’élus locaux ne peut pas présenter sa propre liste et doit composer. Avec l’appui de L’Ouest-Éclair, elle tente d’obtenir une union par-dessus les deux blocs en faisant venir Ricard, le ministre de l’Agriculture du gouvernement de Georges Leygues. Il se présente en candidat isolé, refusé par l’Union républicaine, mais sans figurer sur la liste conservatrice qui n’a présenté que quatre candidats pour ne pas lui faire de l’ombre. C’est un échec pour la droite qui ne conserve que le siège du sénateur sortant Fortin. Pour Le Progrès du Finistère, proche de l’évêché, les démocrates-chrétiens sont responsables de ce fiasco. Le conflit entre conservateurs et républicains-démocrates rebondit avec l’élection cantonale partielle de Ploudiry de janvier 1922 provoquée par décès de Laurent Boucher. Paul Simon entend conforter son implantation dans ce canton de droite de sa circonscription léonarde tout en cherchant à mettre en œuvre sa stratégie de rapprochement avec les modérés laïques qui la refusent, pour isoler les conservateurs. Mais ces derniers ont une revanche à prendre et ils suscitent la candidature de Marcel Boucher, le fils de l’ancien conseiller. C’est l’occasion pour Le Progrès du Finistère « de couper l’herbe sous le pied des sillonnistes » selon le journal républicain Le Finistère. Paul Simon est battu par Marcel Boucher. La division perdure mais les républicains-démocrates sont dépendants de leur électorat catholique, ce qui rend tout reclassement impossible.
22En 1921, dans le Morbihan, la coalition des libéraux et des conservateurs éclate quand la FRI se réorganise sous la houlette du sénateur Guilloteaux. Elle lance un journal, La Liberté du Morbihan49. La FRI affirme dans un historique publié le 27 mars 1921 qu’elle reconnaît sans ambiguïté « la forme républicaine du gouvernement actuel » se différenciant des aristocrates conservateurs monarchistes qui ont été désavoués par le suffrage universel en 1919 et annonce que la coalition ne sera pas reconduite en 192450. Cherchant à se dégager d’une logique de bloc, et d’une coalition jugée trop conservatrice compte tenu de l’évolution de l’électorat, la FRI présente sept candidats aux élections cantonales de 1922 et obtient trois sièges. L’Ouest-Éclair qui veut comme dans le Finistère favoriser un reclassement politique au centre en dissociant les républicains de gauche des radicaux a appuyé cette initiative51. Les conservateurs tentent de préserver l’unité des droites pour ces élections locales ce que refuse le sénateur Guilloteaux, le président de la FRI, dans une lettre publiée par L’Ouest-Éclair.
23L’extrême droite monarchiste est elle-même divisée depuis 1910-1911 quand des orléanistes modérés ont quitté l’Action française (AF). Au début des années 1920, il existe les comités royalistes du comte de Lambilly, rattachés à l’AF, et les Comités de défense des intérêts catholiques et sociaux, issus de l’ancien Comité royaliste, présidés par le général-vicomte d’Aboville, maire de Crach (canton d’Auray). Ce second courant, plus réaliste, se drape dans la défense catholique pour attaquer le régime républicain renforcé par la guerre et la victoire de 1918. Mais la rupture est consommée lors des élections sénatoriales de 1924. La FRI présente ses propres candidats, ce qui déclenche une vive polémique avec l’AF et les comités monarchistes et une crise politique au sein des droites. Pour le sénateur (depuis 1894) Gustave de Lamarzelle, les républicains indépendants se sont ralliés au régime laïque et ont trahi la cause catholique et l’union des droites. Malgré l’appui de l’évêché, le sénateur royaliste sortant est battu dès le premier tour, ainsi que Jean Guilloteaux qui paie la facture de la scission des droites, mais la FRI conserve deux sièges sur quatre52. Dans le Morbihan, la désagrégation du bloc des droites est en cours au profit de son courant républicain. Les nobles monarchistes, parfois anciens députés comme Joseph de Gouyon battu en 1919, sont encore nombreux au conseil général du Morbihan. Ils tentent en 1924 de mettre sur pied une liste monarchiste (avec quatre conseillers généraux) mais les efforts de ces notables n’aboutissent pas car les comités d’Aboville s’en désintéressent, obligeant les comités Lambilly à renoncer53.
24Au début des années 1920, en Bretagne le conservatisme monarchiste est en net recul, sauf en Loire-Inférieure, au profit d’une droite républicaine catholique qui s’exprime par deux courants : celui des démocrates-chrétiens mobilisés par la question sociale et celui de la Fédération républicaine qui prend la relève des conservateurs traditionnels en acceptant le régime. Les facteurs de dissociation sont à l’œuvre au sein des droites mais la victoire du Cartel des gauches va ressouder pour un temps l’ancien bloc agraire et catholique.
La poussée électorale de la droite en Bretagne en 1924
25Après une certaine volonté de poursuivre l’Union sacrée en 1919, les droites bénéficient en 1924 de la forte baisse de l’abstention (moins 9 %) et de l’opposition bloc contre bloc au niveau national. L’alliance électorale des radicaux et de la SFIO dans le Cartel des gauches réactive la crainte d’une politique anticléricale qui touche l’électorat « central » et modéré, ce qui en général fait pencher la balance en Bretagne54. En outre, de 1919 à 1924, les concurrences au sein des droites ont amené des évolutions significatives dans certains départements bretons. Avec 26 députés sur 44 et 45,6 % des suffrages exprimés (35 % des inscrits), les listes de droite l’emportent nettement en 1924 en battant la concentration républicaine : 34,9 % (16 élus) et la SFIO : 13,4 % (2 élus) (tableau 1)55. La droite est majoritaire dans 104 cantons retrouvant son niveau d’avant-guerre (102 en 1910, 100 en 1914)56. Mais ses résultats varient selon les départements allant de 31,2 % dans les Côtes-du-Nord à 60,01 % des suffrages exprimés en Ille-et-Vilaine qui n’envoie que des députés de droite à la Chambre57.
26La réorganisation des structures cléricales dans la région et le renouveau de la question scolaire sur la répartition proportionnelle scolaire municipale, après l’apaisement de la question religieuse au début des années 1920 (le rétablissement de relations diplomatiques avec le Vatican), ont réactivé le clivage droite/gauche et remobilisé les droites qui se réclament du poincarisme lors de la campagne électorale58. Les républicains de gauche et les radicaux modérés ont beau jeu de dénoncer ces catholiques qui ont souvent critiqué la politique du président du Conseil sortant et attaqué son ministre breton Yves Le Trocquer. Les divisions persistent au sein des droites mais la conjoncture politique rend plus difficile les reclassements au centre tentés par les démocrates-chrétiens en 1919. D’ailleurs, en 1922, L’Ouest-Éclair a rompu avec des députés laïques qu’il avait soutenus car ils ont rejoint le camp des gauches radicales59.
27Mais, en Ille-et-Vilaine, L’Ouest-Éclair se refuse à soutenir une liste qui comprendrait le royaliste d’Action française sortant Ruellan appuyé par Le Nouvelliste de Bretagne. C’est le cardinal Charost qui impose un accord entre les deux comités concurrents, le Comité d’union nationale conservateur et le comité républicain démocratique, et sacrifie Ruellan sur la liste d’Union républicaine et de Concorde Nationale. Chacun a quatre représentants. Dans le Finistère, Mgr Duparc a fait pression dans le même sens, l’accord entre les démocrates et les libéraux étant élargi à la Fédération des groupements industriels et commerciaux qui représente le patronat60. La redistribution des cartes à droite se traduit partout, sauf en Loire-Inférieure, par la mise à l’écart des conservateurs monarchistes sur les listes de droite anti-cartellistes alors que le Cartel n’existe pas dans la région.
28Les droites remportent la majorité absolue et tous les sièges dans la 2e circonscription de Loire-Inférieure (63,6 % des voix) où les quatre marquis, désormais non-inscrits, sont réélus. En Ille-et-Vilaine, elles ont huit députés sur huit dont sept vont siéger au groupe de l’Union républicaine démocratique, URD61. Dans ce département, l’union des droites imposée par l’archevêque leur a permis d’obtenir 60,01 % des suffrages exprimés (53,5 % des inscrits) et d’éliminer le centre gauche et la SFIO62. Mais elle n’a qu’un député sur cinq sièges dans la 1re circonscription républicaine de Loire-Inférieure sur sa liste d’Union nationale républicaine (François Merlant)63.
29La démarche unitaire est aussi payante dans le Finistère où la liste de droite d’Union républicaine conserve six sièges sur 11 progressant de 5 000 voix. L’avocat Pierre Trémintin de la FRDF vient renforcer ses collègues sortants. Quatre Finistériens s’inscrivent au nouveau groupe parlementaire des démocrates tandis que deux rejoignent l’URD64.
30Dans le Morbihan, le retrait des royalistes a dégagé un vaste espace politique, de l’extrême droite au centre droit catholique, pour la FRI avide de revanche sur 1919 et sur son relatif échec des élections sénatoriales de janvier 1924. Deux congrès à Auray, le 7 février et le 23 mars 1924, entérinent les candidatures proposées par le bureau de la FRI. Les deux députés sortants, Robic et Sevène sont reconduits. Contrairement à 1919, c’est l’occasion de renouveler le personnel politique. Le 11 mai 1924, la liste de la FRI obtient 37,72 % des inscrits (plus 8,2 % des inscrits sur 1919), soit 48,8 % des suffrages exprimés et cinq sièges sur huit. Trois nouveaux députés entrent au Parlement : Joseph Cadic, cultivateur à Noyal-Pontivy, Fernand Violle, avocat à Vannes, et Pierre Le Moyne, avocat à Lorient. Les régions blanches du pays gallo constituent sans surprise les bastions électoraux de la liste de droite qui dépassent 50 % des inscrits dans les régions de Vannes et de Ploërmel65.
31Dans les Côtes-du-Nord, la droite républicaine qui a reconquis quatre sièges en 1921 présente en mai 1924 une liste nationale républicaine de protestation conduite par le député sortant Victor Le Guen, le seul à se représenter66. Elle se réclame du président de la République Millerand et de Raymond Poincaré et représente comme en 1921 les milieux socio-professionnels dominants67. Mais elle a fort à faire contre la liste centriste « officielle », axée au centre droit, du ministre poincariste Yves Le Trocquer. La liste de la droite catholique obtient 23,5 % des inscrits, 31,8 % des exprimés et deux sièges68, ne parvenant pas à s’imposer contre la liste laïque de Le Trocquer, positionnée au centre droit mais qui a beaucoup mordu sur l’électorat de gauche69. C’est ce qui explique que ces deux listes concurrentes aient recueilli 77,8 % des suffrages exprimés (57,5 % des inscrits) donnant l’impression d’un basculement à droite des Côtes-du-Nord jusqu’à la clarification des élections législatives de 1928. Les deux élus s’inscrivent au groupe de l’URD qui rassemble 17 des 44 députés bretons (39 %) et est proche de la Fédération républicaine. Dans les Côtes-du-Nord, à côté de la droite catholique émerge un centre droit laïque, hostile aux gouvernements de Cartel des gauches, mais qui ne va pas se retrouver dans la rue lors des grandes manifestations catholiques. Ces élections de combat ont ressoudé le bloc des droites et sans doute le discours anticlérical des radicaux a-t-il effrayé une partie de l’électorat républicain modéré70.
32D’ailleurs, les six républicains de gauche poincaristes mêlent leurs voix à celles de la droite catholique pour s’opposer au gouvernement Herriot71. Avec 32 députés contre 12 en 1924, la droite républicaine délestée de ses monarchistes et le centre droit paraissent dominer sans partage la Bretagne après la poussée relative du centre gauche en 1919.
La mobilisation contre le Cartel des gauches
33La politique du gouvernement Herriot va encore accentuer cette mobilisation par de grandes manifestations de rues. Or, si toutes les droites se rassemblent de 1924 à 1926 dans le combat contre la politique perçue comme anticléricale des gouvernements de Cartel des gauches, la démocratie chrétienne va se dégager progressivement de l’emprise de la droite libérale malgré la pression de la hiérarchie catholique (le cardinal Charost à Rennes, Mgr Gouraud à Vannes, Mgr Duparc à Quimper, Mgr Serrand à Saint-Brieuc) qui s’efforce de maintenir une unité catholique72. Tous sont d’accord pour encourager les grands rassemblements catholiques de 1924 et 1925. La Fédération nationale catholique (la FNC), relayée par le clergé et toute la presse catholique, joue ce rôle dans l’Ouest de la France. Le pèlerinage de Sainte-Anne-d’Auray, où sont présents les parlementaires de droite du Morbihan, les 24 et 25 juillet 1924, est l’occasion de sensibiliser les 40 000 pèlerins73. Ensuite, ces parlementaires rassemblent des auditoires importants lors de meetings hostiles au gouvernement et rejoignent la Ligue républicaine nationale fondée par l’ancien président de la République Alexandre Millerand qui a été contraint de démissionner à la suite de la crise institutionnelle qu’il avait provoquée en n’appelant pas Édouard Herriot à former le gouvernement après la victoire électorale du Cartel des gauches. Les menaces qui pèsent sur les enseignants congréganistes (174 établissements dans le diocèse de Vannes) et la volonté d’appliquer la loi de séparation de 1905 en Alsace-Lorraine mettent le feu aux poudres.
34Les réseaux et les Union catholiques départementales en plein essor ainsi que les organisations d’action catholique (ACJF, ligues féminines…)74 servent de relais lors de grandes manifestations diocésaines de la Fédération nationale catholique (FNC), convoquées et présidées par les prélats en présence des élus de droite. Des conférenciers ont préparé les esprits. Le clergé encadre les fidèles qui défilent par milliers dans les rues. Sur 32 rassemblements de plus de 10 000 personnes en France de juillet 1924 à avril 1925, 12 se tiennent dans l’Ouest dont six en Bretagne : Quimper et Le Folgoët (20 000 et 50 000 les 7 et 8 décembre 1924), Saint-Brieuc (30 000 le 1er février 192575), Rennes (45 000 le 15 février), Nantes (80 000 le 1er mars), Vannes (45 000 personnes le 29 mars76)77. Relayée par le clergé et la presse catholique, la capacité de mobilisation des droites est considérable en Bretagne quand une partie de l’opinion pense que les libertés religieuses et scolaires sont en jeu.
35Cette offensive cléricale sous la houlette du clergé, qui semble conforter les droites provisoirement réunifiées, se fait au nom de la défense d’une identité catholique et bretonne, d’une sorte « de guerre sainte » qui remet en cause la laïcité, attaque violemment l’école publique et ses maîtres et affirme un intransigeantisme catholique78. Cette évolution et ce durcissement ne peuvent que faire échouer les tentatives de convergences avec le centre droit laïque qui combat lui aussi le Cartel des gauches.
36Les tentatives de rapprochement avec les républicains laïques, en particulier avec Yves Le Trocquer dans les Côtes-du-Nord, sont remises en cause par les manifestations de la FNC. À la fin 1924, ce dirigeant de l’ARD poursuit son glissement vers la droite en adhérant à la Ligue républicaine nationale (LRN) d’Alexandre Millerand et en participant à son comité directeur, ce qui ne peut que réjouir les milieux catholiques79. Cependant, en novembre 1925, il revient à une position plus centriste en votant la confiance au gouvernement cartelliste de Paul Painlevé. À Nantes, soutenue par Le Phare de la Loire qui a évolué à droite, la LRN se développe : plus de 1 000 adhérents au début de 1925. La bourgeoisie républicaine modérée s’y retrouve avec la bourgeoisie catholique quand la Fédération républicaine y adhère contre le Cartel ainsi que la FRI du Morbihan. Une convergence semble alors s’opérer au sein de la LRN en Bretagne entre les droites catholiques (y compris les démocrates-chrétiens) qui ne veulent pas revenir à l’alliance avec les conservateurs et les droites laïques. Mais la hiérarchie épiscopale brise ce rapprochement qui gêne aussi bon nombre de républicains laïques. L’affrontement bloc contre bloc lui semble plus porteur et elle préconise le soutien de la FNC et non l’entrée dans la LRN considérée par l’évêque de Nantes comme une union « anticatholique ». L’Assemblée des cardinaux et archevêques (ACA) condamne elle aussi ces rapprochements en mars 1925. La LRN qui pouvait établir une passerelle entre les deux camps décline rapidement dans la région et disparaît avec le retour de Poincaré au pouvoir en 1926.
37Les élections municipales de mai 1925 se déroulent dans ce climat de mobilisation des deux blocs80. Il pousse à gauche à des listes d’union cartelliste. Non seulement, la gauche conserve la plupart des grandes villes qu’elle dirige mais elle poursuit son enracinement local dans le Finistère, dans le Morbihan et dans les Côtes-du-Nord. Les droites sont déçues des résultats car leur radicalisation politique et religieuse a provoqué un sursaut militant du camp adverse, d’autant plus que des républicains modérés sortants ont souvent été battus. La déclaration du 10 mars 1925 de l’ACA contre les lois laïques a contraint les milieux républicains modérés à se tourner vers la gauche, en particulier à Nantes. À Nantes et à Rennes les listes républicaines anticartellistes sont battues81.
38Ce durcissement du discours et des pratiques politiques, impulsé par la fraction le plus conservatrice de l’Église catholique et de la FNC, n’est pas sans gêner aux entournures les démocrates-chrétiens qui avaient joué sur l’apaisement des querelles religieuses et scolaires et la modération depuis la fin de la guerre82. Dans le fracas des manifestations, ils n’en poursuivent pas moins leurs efforts de structuration.
L’émergence de la démocratie chrétienne : le rôle pionnier des républicains-démocrates du Finistère
39Les années 1920 voient des mutations se produire au sein des droites bretonnes avec l’affirmation du courant démocrate-chrétien qui gagne son autonomie politique au prix de combats électoraux parfois fratricides au sein du camp catholique. Créée par d’anciens sillonnistes qui n’ont pas suivi Marc Sangnier à la Jeune République, la Fédération républicaine démocrate du Finistère (FRDF) a montré la voie à partir de 1911 en organisant une structure partisane solide et en faisant élire l’avocat Paul Simon député de Brest en 1913. Au niveau régional, cette démocratie chrétienne bénéficie du soutien actif de L’Ouest-Éclair, le premier quotidien régional imprimé à Rennes. Le Finistère va devenir le principal point d’appui en Bretagne de la « dissidence démocrate-chrétienne »83 qui remet en cause l’hégémonie des conservateurs sur la droite catholique.
40Le Finistère présente aussi la particularité, dans le Léon, d’avoir eu trois députés ecclésiastiques depuis 1877 (deux prélats et l’abbé Gayraud), élus contre des aristocrates monarchistes. Le clergé intervient directement dans la vie politique locale. En 1919, dans une lettre au député sortant Paul Simon, l’abbé Guéguen souhaite poursuivre cette tradition mais Mgr Duparc refuse la candidature d’un de ses prêtres84. En outre, ces démarches se heurtent au refus des milieux politiques et d’une fraction de la droite locale, clairement républicaine (libéraux et républicains-démocrates), qui penche pour un rapprochement avec les républicains modérés et même le centre gauche. Les républicains-démocrates souhaitent se dégager d’une union des droites par une large alliance au centre sur la base du programme de l’Alliance républicaine démocratique (ARD) pour contrer le « péril socialiste ». Les Finistériens des deux rives vont-ils franchir le Rubicon sous couvert de la poursuite de l’Union sacrée pour enlever tous les sièges ? En septembre et octobre 1919, des négociations sont engagées entre les députés républicains laïques de centre gauche et même les radicaux et les républicains-démocrates pour une liste unique. On se met d’accord sur la répartition des sièges : cinq pour les républicains, cinq pour les catholiques, plus une personnalité indépendante choisie en commun. Mais le processus coince sur le choix des personnalités quand les catholiques proposent Alain de Guébriant85, le fils du dirigeant de l’Office Central de Landerneau. Trop marqué comme monarchiste, la gauche s’y oppose ; de Guébriant serait prêt à se retirer à condition que le député radical-socialiste Georges Le Bail, le plus marqué par son passé anticlérical, en fasse autant. Pour le centre gauche même modéré, il est impossible d’écarter ce notable bigouden qui est, selon le préfet, le représentant « de l’idée républicaine et laïque » et de surcroît très hostile à cette alliance avec la droite. Les opinions des deux camps ne sont pas prêtes à franchir le pas et Mgr Duparc est hostile à une telle union car « parmi les radicaux proposés [il y a] des noms qui font horreur86 ». Les milieux cléricaux se réjouissent de l’échec des négociations. Le Progrès du Finistère souhaite une liste libérale de « toutes les fractions catholiques du département » divisées depuis l’avant-guerre. Et c’est ce qui se fait.
41La FRDF a été à l’avant-garde de cette négociation car elle s’était rapidement réorganisée lors de son congrès de Landerneau (14-18 août 1919) et dispose d’un bulletin mensuel, Le Petit Démocrate du Finistère. Cette précocité de réorganisation est remarquable car, avec la banlieue parisienne, la FRDF est « un des deux noyaux qui seront le môle de fondation du PDP87 ». Le courant démocrate-chrétien du Finistère animé surtout par d’anciens sillonnistes, en ayant un rôle moteur, cherche à se situer en position charnière au centre de l’échiquier politique. Et, il ne pâtit pas de l’échec des négociations puisqu’il obtient, même sur une liste des droites et du centre droit, trois députés et un sympathisant en 1919. Mais l’impossibilité d’un accord entre centristes laïques et catholiques met fin aux espérances de rénovation politique pour transgresser le clivage gauche/droite en Basse-Bretagne88. Pourtant, au niveau national, les trois députés républicains populaires du Finistère s’inscrivent au groupe parlementaire des républicains de gauche, celui de l’ARD qui regroupe des laïques modérés qui se situent au centre droit sur l’échiquier politique. Leur colistier Charles Daniélou appartient à ce groupe ainsi que le ministre poincariste de l’ARD des Côtes-du-Nord, Yves le Trocquer. En Bretagne, il comprend des élus encore perçus comme de centre gauche. Au congrès de la FRDF de Morlaix de juin 1920, Paul Simon explique ce choix car le groupe de l’Entente républicaine démocratique (ERD) est trop à droite et il ne voulait pas « faire respecter [son] républicanisme89 ». Ce positionnement qui franchit la frontière entre les deux blocs ne peut qu’être rejeté par la hiérarchie de l’Église bretonne, la fraction la plus conservatrice de la droite et de nombreux électeurs catholiques. Ce faisant, les républicains-démocrates du Finistère tentent de mettre sur pied un courant de centre droit autonome, voire indépendant de la droite. En 1920, ils ont une douzaine de sections, surtout dans le Léon, et un peu moins de 200 adhérents. Mais la FRDF échoue à prendre le contrôle de la Dépêche de Brest, ce qui la contraint à s’appuyer sur les structures et les moyens matériels de L’Ouest-Éclair pour lancer en août 1920 son hebdomadaire Le Petit Breton, édité à Rennes, et dirigé par Olivier Berthou à Quimper90.
42Ce courant politique tente de se structurer lors d’un congrès régional à Rennes en octobre 1921 qui révèle une implantation très inégale dans la région. Si des groupes se forment dans les villes d’Ille-et-Vilaine avec l’appui du quotidien rennais, les militants sont dispersés dans les Côtes-du-Nord et très peu nombreux dans le Morbihan et en Loire-Inférieure. Les députés de la FRDF aspirent à la création d’une organisation nationale et s’investissent dans la Ligue nationale de la démocratie (LND)91 qui échoue rapidement. Emmanuel Desgrées du Loû souhaite lui aussi la création d’un parti national par le regroupement des diverses forces démocrates-chrétiennes, surtout après l’échec des contacts avec l’aile droite de l’ARD lors des élections de 1919.
La naissance du Parti démocrate populaire (PDP)
43Après les élections législatives de 1924 qui ont réactivé l’affrontement droite/gauche, ce mouvement d’autonomisation et de déconfessionnalisation débouche sur la constitution à la Chambre d’un groupe des démocrates, présidé par le député du Finistère Victor Balanant. C’est le point de départ de la formation d’un nouveau parti, le Parti démocrate populaire (PDP) lors du congrès constitutif de Paris (15 et 16 novembre 1924)92. Parisiens, Alsaciens et Bretons pèsent lourd dans ce nouveau parti politique issu du regroupement de plusieurs courants, unis dans l’opposition forte au Cartel des gauches. C’est le Finistérien Paul Simon qui avance la solution de compromis en proposant le nom de « Parti Démocrate Populaire » adopté à la majorité93. Dans les discussions, les hommes de L’Ouest-Éclair, l’abbé Trochu, Emmanuel Desgrées du Loû et Des Cognets, jouent un rôle important avec les Finistériens Paul Simon et Pierre Trémintin. Le bureau (10 membres) de la Commission exécutive (CE) (24 membres) compte deux Bretons parmi les cinq vice-présidents : E. Desgrées du Loû et P. Simon mais la puissante fédération du Finistère est déjà sous-représentée face aux Parisiens et aux Alsaciens. À la CE siègent deux anciens sillonnistes modérés, députés du Finistère (P. Simon et P. Trémintin), avec Desgrées du Loû, représentant de la « Seconde Démocratie Chrétienne ». Le Conseil national de 88 membres, élu par le congrès, compte 14 représentants (15 pour Paris) venant de quatre départements bretons (sauf des Côtes-du-Nord) : sept du Finistère94, trois d’Ille-et-Vilaine, deux du Morbihan, deux de Loire-Inférieure95. Présent au congrès, mais sceptique sur l’avenir du nouveau parti, le futur député de Vannes 2 en 1928, Ernest Pezet a refusé d’entrer au Conseil national. La Bretagne occupe une position non négligeable dans le PDP naissant qui tient à son enracinement déjà ancien et à son poids parlementaire (fig. 5 pl. V du cahier couleur).
44La lutte contre le Cartel des gauches montre la puissance de mobilisation des droites mais en même temps elle masque les recompositions déjà à l’œuvre avec le surgissement des démocrates-chrétiens. En Bretagne, l’apparition sur la scène politique de ce nouveau parti n’en fait nullement un parti du centre comme le souhaiteraient ses fondateurs. En effet, L’Ouest-Éclair et l’abbé Trochu (fig. 6 pl. VI du cahier couleur), le 2 novembre 1924, s’opposent frontalement au gouvernement de gauche en appelant les citoyens catholiques à ne pas souscrire à un emprunt lancé par l’État en raison d’une politique jugée comme anticléricale. Le PDP se positionne donc bien à droite, et même en pointe au sein de cette droite. Pourtant au niveau national, l’organe des républicains-démocrates Le Petit Démocrate, ne s’associe pas « à cette campagne et à cette forme de chantage à l’épargne catholique » (J.-Cl. Delbreil).
45La fédération PDP du Finistère, issue de la FDRF, se développe rapidement de 1924 à 1926, attirant de nombreux élus locaux au sein d’une Association des élus démocrates présidée par Pierre Trémintin. En 1925, elle revendique six conseillers généraux. Au congrès de 1926, le secrétaire général de la fédération, Olivier Berthou, annonce 67 sections et 1 200 adhérents, ce qui en fait un parti politique influent car Le Petit Breton tire à 20 000 exemplaires96. En 1928, le parti déborde sa zone d’influence issue du Sillon du Léon pour s’étendre au sud du département dans les villes et les ports à mesure que l’influence directe du clergé se fait moins forte et que l’action politique tend à se substituer à l’action religieuse. La décléricalisation du mouvement permet son élargissement géographique et politique vers des républicains modérés.
46La fédération d’Ille-et-Vilaine est le second pôle de développement du PDP mais l’omniprésence des dirigeants de L’Ouest-Éclair – Desgrées du Loû est aussi président de la fédération – peut prêter à confusion97. Le premier congrès constitutif se tient à Rennes le 15 mars 1925 en présence de députés, de dirigeants nationaux et de 350 militants et sympathisants venus de Rennes, de la région malouine et de Fougères, la plus grosse section. La continuité avec l’implantation du Sillon et l’action des abbés démocrates depuis le début du siècle, dont celle de l’abbé Bridel en milieu ouvrier, est évidente. Mais le PDP attire aussi des personnalités situées plus à droite comme Étienne Pinault, député de l’ALP de 1906 à 1910, réélu à Rennes 1 en 1928 jusqu’à la guerre. L’activité du PDP, dirigé en 1930 par Charles Jacquart, n’est guère celle d’un parti de militants mais plutôt de notables car il paraît s’activer essentiellement en période électorale98. Face à une droite conservatrice encore puissante, le rayonnement du PDP d’Ille-et-Vilaine est plus limité qu’il n’y paraît en dépit (ou à cause ?) de l’influence de L’Ouest-Éclair.
47Dans le Morbihan, une fédération des républicains-démocrates s’est formée le 17 mars 1924, avant même les élections législatives, appelant à voter pour la liste de la FRI. En février 1925, cette nouvelle formation laisse la place au PDP dont une section est fondée à Vannes par l’abbé Trochu. Les rapports sont encore bons avec la FRI qui a remplacé sa Liberté du Morbihan par Le Morbihan, une édition départementale de L’Ouest-Éclair. En outre, l’espace politique à droite est assez limité même si le dirigeant de la section de Lorient Gaultier de Kermoal cherche à s’en démarquer à partir de la fin 1926. Quelques personnalités locales se rapprochent du PDP morbihannais comme Louis Dubois, candidat sur la liste de la FRI en 1924 et responsable de son programme social99. En 1927, il devient le président du comité départemental du PDP. De même, le nouveau député Joseph Cadic est proche de ce courant en 1925. Malgré l’élection de deux députés PDP en 1928, ce nouveau parti peine à s’imposer comme organisation militante dans ce département comme d’ailleurs dans les Côtes-du-Nord.
48Au début de 1925, des comités du PDP apparaissent dans les Côtes-du-Nord avec l’appui des deux fédérations voisines du Finistère et d’Ille-et-Vilaine, notamment sous l’action de l’ancien maire de Guingamp Louis Le Goffiic. La fédération départementale, présidée par Camille Huet, est formée en 1926 avec une douzaine de sections mais elle a du mal à se développer, ne retrouvant pas l’impact du Sillon d’avant 1910. Dans cette terre de gauche, elle manque de personnalités marquantes. L’exemple des hésitations du notable de droite de Minihy-Tréguier Yves Le Cozannet est symptomatique des difficultés du PDP dans ce département. Cet ancien sillonniste choisit de représenter les intérêts de l’Office central de Landerneau qui s’oppose à l’essor en 1927-1930 des « cultivateurs-cultivants ». En avril 1930, lors d’une élection législative partielle, Yves Le Cozannet (49,3 %) bat de 249 voix au 2e tour le radical-socialiste Yves Le Gac reprenant la circonscription de Lannion à la gauche100. Il est alors considéré comme le candidat du « parti agraire », s’inscrit au groupe des républicains indépendants et il ne rejoint le PDP que plus tard.
49La situation est encore plus difficile en Loire-Inférieure. Une section de 275 membres est formée à Nantes en juin 1925 avec trois responsables venant de la droite conservatrice dont son président Georges Ganuchaud101. La fédération marquée à droite colle à la culture politique et aux rapports de forces du département et elle n’hésite pas à entrer en conflit avec L’Ouest-Éclair quand il s’en prend aux monarchistes. L’active propagande conduit à la création à Nantes de cinq comités à la fin de 1926 mais la section nantaise perd bientôt la moitié de ses adhérents (en 1927) en raison de tensions internes et de la concurrence à droite. Le PDP de Loire-Inférieure est à la remorque de la droite républicaine urbaine dont il soutient les candidats en 1928 (Merlant à Nantes). En 1929, le nouveau président, le docteur Chevallier, tente de recentrer le parti qui entre en léthargie car il ne parvient pas à s’imposer à droite.
50Dans la deuxième moitié des années 1920, l’implantation locale du PDP est encore faible voire déclinante. En 1925 et 1928, le PDP a attiré quelques conseillers généraux déjà en place : 6 dans le Finistère102, 3 dans les Côtes-du-Nord103, 2 en Ille-et-Vilaine104, 1 dans le Morbihan105 et en Loire-Inférieure106 mais il a très peu de nouveaux élus (tableau 3). Quelques-uns disparaissent en 1928 ou en 1931 traduisant une implantation locale somme toute limitée (une dizaine sur 217 conseillers généraux), y compris dans les conseils municipaux. Le 20 octobre 1929, le PDP présente pour la première fois deux candidats aux élections sénatoriales dans le Finistère en recherchant un accord avec les autres forces de droite dont la Fédération républicaine mais c’est un échec107. Dans ce département, le PDP se veut un parti de militants plus que de notables et il développe une activité politique plus soutenue que la FR ou les conservateurs qui jouent sur leurs nombreux réseaux108. Mais le recrutement sociologique montre les limites d’une implantation populaire car les ouvriers, les employés et les agriculteurs semblent peu nombreux (4,2 % des dirigeants). Sur 48 dirigeants du PDP, 75 % appartiennent aux classes moyennes urbaines dont la moitié aux professions libérales pour 10,4 % de salariés. Mais on retrouve une composition identique chez les radicaux.
51En Bretagne, trois courants politiques se sont dissociés à droite dans les années 1920 : un courant conservateur plus ou moins monarchiste éliminé de la scène parlementaire, une droite républicaine plus modérée proche de la Fédération républicaine et le PDP se réclamant du christianisme social qui veut se situer au centre droit. Tous se retrouvent sur la défense des valeurs chrétiennes mais ces composantes vont entrer en conflit ouvert à partir des élections législatives de 1928, dès lors que la gauche radicale a été éliminée du pouvoir et ne présente plus une menace électorale109. Auparavant, l’extrême droite est affaiblie par la condamnation de l’Action française qui bouleverse le champ politique breton.
L’extrême-droite : Jeunesses patriotes et effets de la condamnation de l’Action française
52L’agitation politique des milieux catholiques favorise la constitution d’une extrême droite ligueuse dans quelques villes : Rennes, Lorient mais surtout Nantes. Les Jeunesses patriotes et le groupe de la Légion expriment leur hostilité militante au modèle républicain. La Légion se forme à Nantes en mai 1925 lors d’un meeting de son chef Antoine Rédier avec Henri de la Tullaye, un adjoint au maire de Nantes, battu sur la liste de droite en 1924110. L’attraction du fascisme italien est sensible sur une fraction de la petite et de la moyenne bourgeoisie catholique en voie de radicalisation. La Légion qui compte 430 adhérents à Nantes en août 1925 se regroupe au plan national avec les Jeunesses patriotes (JP) de Pierre Taittinger. En décembre 1925, les deux chefs déplacent 3 500 personnes à Nantes, ce qui traduit un impact important. Les JP s’organisent en dix secteurs à Nantes en 1926 revendiquant l’année suivante 800 adhérents et 1 200 ligueurs. Mais en 1928, leur activité décroît. Ce militantisme reflète le durcissement antirépublicain d’une fraction non négligeable des droites catholiques de Loire-Inférieure, plus ou moins instrumentalisée par les notables monarchistes qui conservent leur mainmise.
53D’ailleurs, lors du Cartel des gauches la critique du régime républicain voire l’antiparlementarisme récurrent de la fraction la plus conservatrice du catholicisme breton, conduisent à chercher du côté du fascisme italien et d’un État fort des solutions à la crise française. Eugène Delahaye, le patron du Nouvelliste de Bretagne, ne cache pas en 1926 son intérêt pour le Duce. Mais ce courant politique, encore influent au sein des droites bretonnes, va être durement touché par la condamnation pontificale de l’Action française la même année111.
54Dans les années 1920, le poids de la Ligue d’Action française (AF) est relativement faible en Bretagne. L’AF se réorganise et développe son activité dans la région à partir de 1923 sous la houlette de son président Bernard de Vesins et du secrétaire régional, le commandant Ariès, domicilié à Brest, qui va diriger les trois départements de l’Ouest breton alors qu’André Feildel va s’occuper de la partie orientale plus du Maine-et-Loire. Les quelques sections urbaines en léthargie sont réveillées par la victoire du Cartel des gauches. Les sections repliées depuis 1914 sur quelques villes s’animent avec le lancement d’un hebdomadaire en mai 1924 : La Gazette de l’Ouest. Dans les Côtes-du-Nord, il reste deux sections à Saint-Brieuc et à Dinan plus quelques groupes112. La principale section se situe à Nantes avec ses organisations spécialisées113 et sa capacité d’attirer près de 4 000 personnes lors d’un meeting de Léon Daudet le 10 mars 1926. Cette section aurait alors plus de 400 ligueurs et une centaine de femmes quand celle de Saint-Brieuc compterait une cinquantaine de membres et celle de Rennes une centaine. Au total, les 15 sections recensées en Bretagne en 1926-1927 rassembleraient entre 1 500 et 2 000 ligueurs et alliés pour une organisation nationale comptant 142 sections et environ 30 000 militants114. Avec 700 membres, la Loire-Inférieure constitue son principal pôle, soit de 35 à 45 % des effectifs bretons. Les dirigeants de l’AF appartiennent à l’aristocratie légitimiste (dans 7 sections sur 15) dont trois officiers de carrière. Le recrutement dans ces milieux est important. Les femmes s’investissent dans les œuvres catholiques115. Mais la grande bourgeoisie patronale nantaise et nazairienne fournit aussi des adhérents. La petite bourgeoisie se retrouve dans les sections urbaines de Saint-Malo, Saint-Brieuc, Douarnenez et Quimper ainsi que des étudiants à Nantes et à Rennes.
55Si les militants royalistes sont peu nombreux en Bretagne, l’influence de l’AF irrigue encore une fraction non négligeable de la notabilité catholique. Les liens entre le légitimisme et l’AF s’affirment dans une sociabilité aristocratique et mondaine (bals, banquets) qui est source de financement pour la Ligue de Charles Maurras. En Loire-Inférieure, les députés monarchistes participent aux activités de l’AF et siègent dans le même groupe que Léon Daudet et il existe des liens étroits avec les comités royalistes116. Le délégué régional de la Maison de France en Bretagne, le colonel du Guiny, préside la section AF de Saint-Brieuc. Et le marquis de l’Estourbeillon, député du Morbihan battu en 1919, et fondateur de l’Union régionaliste bretonne, se reconnaît tout à fait dans le nationalisme intégral de Maurras, le traditionalisme et le provincialisme de l’AF. En outre, l’influence régionale du Nouvelliste de Bretagne, qui apparaît à beaucoup de lecteurs comme l’organe officiel de la hiérarchie catholique et de Mgr Charost, permet de diffuser une idéologie contre-révolutionnaire proche de celle de l’AF au nom de l’unité du monde catholique et des droites117. La proximité du journal et de l’AF n’échappe à personne118. Ce journal cherche à élargir son audience pour mieux combattre les conceptions républicaines de L’Ouest-Éclair, ce qui montre bien que l’unité affichée des droites et des catholiques contre la politique du Cartel des gauches masque des conflits politiques et des affrontements électoraux à venir dans les régions blanches.
56L’influence maintenue de l’AF tient aussi aux sympathies de l’épiscopat breton et d’une partie non négligeable du clergé pour les thèses maurassiennes119. Dans les Côtes-du-Nord, le diocèse de Mgr Serrand proche de l’AF, en 1925 112 prêtres sur 900 sont abonnés au journal dont 28 des 84 prêtres-enseignants120. L’influence maurrassienne est très forte en Loire-Inférieure et en Ille-et-Vilaine, et dans des institutions de formation comme le grand séminaire de Rennes121. La condamnation de l’AF par Pie XI et la mise à l’Index de son journal en décembre 1926 vont provoquer pendant plus de deux ans troubles et déchirements au sein du clergé breton avec des conséquences politiques importantes122. Elle réactive et durcit les luttes au sein des catholiques entre le courant conservateur plus ou moins ouvertement monarchiste et le courant démocrate chrétien qui a contribué à cette condamnation du Pape et qui y voit une sorte de revanche sur la condamnation du Sillon par Pie X en 1910.
57L’obéissance aux décisions de Pie XI est bien difficile pour les cinq prélats exerçant leur ministère en Bretagne car tous éprouvent une sympathie plus ou moins avouée pour les idées contre-révolutionnaires et pour la cause monarchiste. D’août à décembre 1926, les divers textes émanant de Rome sont publiés avec quelque retard par la presse des évêchés alors que bon nombre de ligueurs font leur soumission à l’Église catholique romaine. Avant la condamnation de Pie XI, le 20 décembre 1926, le cardinal Charost publie les 27 novembre et 4 décembre 1926 dans La Semaine Religieuse de Rennes une déclaration publique qui prend explicitement la défense de l’Action française en faisant l’éloge de la pensée maurrassienne et qui est reprise comme telle par la presse monarchiste. Les prélats des cinq diocèses réagissent ensuite en ordre dispersé en fonction de leurs convictions tout en finissant par se plier à la discipline romaine. À Quimper, Mgr Duparc qui ne cache pas ses sympathies passées pour une Restauration mais pense que ce n’est plus possible, est le premier à réagir avec fermeté en appliquant dès février 1927 les interdits pontificaux. À Vannes, Mgr Gouraud suit le même chemin, de même que Mgr Serrand à Saint-Brieuc mais avec beaucoup plus de réticences et de résistances. À Nantes, Mgr Le Fer de la Motte, placé sous surveillance par la nonciature et par Rome, louvoie jusqu’à sa mort appuyant discrètement l’importante association de Saint-Louis très favorable à l’AF. Surtout, en 1927 il délivre à 385 fidèles des autorisations sine die de lecture de L’Action française mais il finit par se soumettre123. Le cardinal Charost a longuement hésité avant de suivre le même chemin : son voyage à Rome s’est très mal passé et il finit par se soumettre à la fin de 1927 et à condamner les réfractaires de l’AF. Déclenchée par une question politique, la crise est profonde au sein de l’Église bretonne et elle ne sera vraiment tranchée que par la nomination d’une nouvelle génération d’évêques qui vont se recentrer vers l’action pastorale, à Vannes, à Rennes et à Nantes.
58Les conséquences de la condamnation de l’AF sont politiques : elle va conforter le ralliement à la République des catholiques ainsi que l’émergence d’une droite catholique républicaine et surtout du PDP, l’ennemi juré des monarchistes. C’est évidemment dramatique pour les catholiques monarchistes bretons contraints de choisir entre leur foi et leurs convictions politiques. La presse catholique conservatrice se soumet. Les députés monarchistes de Loire-Inférieure, proches de l’AF mais disposés à obéir à Rome, tentent d’abord de trouver une solution d’apaisement avec le Vatican en concertation avec Charles Maurras à l’initiative du marquis de la Ferronnays124. 23 parlementaires français (dont 7 de Loire-Inférieure) ont envoyé une missive au Pape le 17 décembre 1926 mais la condamnation de l’AF trois jours plus tard a changé la donne. L’AF répond par le Non Possumus et les réactions de Rome rendent plusieurs solutions de compromis impossibles. Déchirements pour les uns, victoire pour les autres dont leurs adversaires de L’Ouest-Éclair qui restent prudents pendant la crise mais font jouer leurs réseaux à plein, à Rome et à Paris.
59Toutefois, en 1927, le conflit permanent avec Le Nouvelliste de Bretagne se durcit. Au nom de l’union des catholiques et de la lutte contre le laïcisme, les députés monarchistes de Loire-Inférieure essaient d’obtenir une condamnation des démocrates-chrétiens par l’ACA en mars 1927. Dans les Côtes-du-Nord, des catholiques conservateurs qui s’expriment dans Croix des Côtes-du-Nord proche de l’évêché considèrent que le moment est venu de relancer l’ALP en liaison avec Jacques Piou et d’anciens responsables du parti125. Ce serait un moyen de prolonger sur le terrain politique l’action de la FNC tout en contrant le PDP mais cette éventualité fait rapidement long feu.
60Que reste-t-il de l’AF en Bretagne à l’issue de cette crise ? La Ligue maurrassienne évolue entre désarroi et relance de son activité politique126. Les cadres s’efforcent de maintenir la cohésion du mouvement, mais dans les campagnes bon nombre de ligueurs de base se soumettent et plusieurs centaines arrêtent leur abonnement au journal notamment en Ille-et-Vilaine où la section rennaise résiste. L’intensification des réunions publiques de 1928 à 1931 à Nantes et à Rennes ne parvient pas à enrayer le déclin de l’extrême droite d’Action française. En outre, à la fin de 1929, les élites monarchistes et aristocratiques de Loire-Inférieure préfèrent soutenir financièrement la Maison de France plutôt que l’AF et essayer de s’organiser en dehors d’elle127. L’aristocratie bretonne se replie prudemment à part quelques personnalités qui prennent pour cible le clergé128. Les insoumis auraient entraîné derrière eux de 1 500 à 2 000 personnes.
61Le conflit religieux a pris une dimension politique au sein des droites bretonnes tant les enjeux sont importants pour les deux camps du catholicisme régional à l’approche des élections législatives de 1928. Ce tournant majeur modifie le rapport des forces car le bloc agraire reposant sur l’alliance politique et sociale d’une partie du clergé et de l’aristocratie en sort fragilisé.
Combats fratricides et recul des droites en 1928
62Les élections législatives d’avril 1928 se font dans le prolongement de la politique de concentration républicaine et d’union nationale de Raymond Poincaré mais avec le retour au scrutin d’arrondissement qui favorise les notables. Les conservateurs veulent maintenir une stratégie d’union des droites en s’appuyant sur les Unions catholiques et paroissiales alors que le PDP veut en découdre129. Dans le Finistère, Mgr Duparc fait savoir à ceux qui voudraient s’y opposer que les députés PDP n’ont pas démérité pour couper court aux risques de divisions. En outre, après les affrontements virulents de 1924 à 1928, le rapprochement des modérés catholiques et laïques n’est pas à l’ordre du jour en Bretagne à une ou deux exceptions près130.
63En 1928, les droites catholiques sont présentes dans 38 circonscriptions sur 44 où elles présentent 43 candidats pas toujours affiliés à un parti. La Fédération républicaine a 20 candidats ou sympathisants dont quatre conservateurs plus ou moins monarchistes qui s’en sont rapprochés131. Le PDP quant à lui présente 11 candidats dont cinq députés sortants. Les royalistes affichés sont aussi cinq dont quatre sortants. Lors de la campagne, la droite catholique privilégie les problèmes économiques et financiers en minorant volontairement ses revendications religieuses. Des divergences se font jour en politique étrangère entre ceux qui acceptent la politique de réconciliation franco-allemande de Briand, comme le PDP, et ceux qui restent attachés à un nationalisme de fermeté.
64Dans six circonscriptions, les démocrates-chrétiens et les conservateurs s’affrontent. À Rennes 2 et à Quimperlé, ils sont éliminés dès le 1er tour. Les risques sont moindres dans des régions acquises à la droite. À Vannes 2, Ernest Pezet, dirigeant du PDP, vient se présenter à la demande d’E. Degrées du Loû contre le jeune comte Georges de Chabannes, un grand propriétaire foncier lié à l’AF, soutenu par Le Nouvelliste. La configuration est identique à Ploërmel où André Bahier, sympathisant du PDP, s’oppose au comte Jean du Plessix de Grenédan. Les démocrates-chrétiens affirment leurs convictions républicaines et catholiques tout en remettant en cause la domination sociale des aristocrates dans des polémiques virulentes. Une fraction du clergé étant disposée à soutenir les conservateurs, Mgr Gouraud doit lui rappeler la neutralité en cas de conflit entre deux candidats catholiques. Bahier arrive en tête et bat un radical au 2e tour. À Vannes, devancé par le conservateur de 32 voix, Pezet ne l’emporte au second tour que grâce au retrait du candidat radical. Des affrontements se retrouvent en Ille-et-Vilaine à la différence près qu’il ne s’agit pas de soutenir des hommes du PDP. À Saint-Malo, L’Ouest-Éclair soutient le républicain laïque Charles Guernier ce qui suscite l’opposition des milieux conservateurs qui présentent au dernier moment le sénateur Brager de la Villemoysan soutenu par le Comité diocésain de l’Union catholique dont l’initiative est désavouée par le cardinal Charost. Le second conflit éclate à Vitré lorsque le quotidien rennais suscite la candidature du républicain modéré anticartelliste Robert Bellanger contre le candidat proche de la droite conservatrice Marcel Rupied dans une région où elle tient de nombreuses municipalités. À chaque fois la dimension sociale des rivalités politiques au sein du monde catholique implique les deux quotidiens rennais rivaux. Le résultat est serré, Rupied devance son adversaire de moins de 300 voix au premier tour, mais Bellanger l’emporte au second avec des voix de gauche.
65En Bretagne, 33 députés sur 44 se réclament de la majorité de Poincaré qui gagne les élections. Mais la droite catholique recule en sièges de 26 élus en 1924 à 18 dont 11 dès le 1er tour. En voix, elle a obtenu 43 % des suffrages exprimés (34,7 % des inscrits) et perdu 2,6 % sur 1924 (tableau 1). Elle n’est plus majoritaire que dans 93 cantons sur 218 (moins 11 sur 1924) et en sièges qu’en Loire-Inférieure, à égalité dans le Morbihan (4 sur 8). En Ille-et-Vilaine, la droite obtient 37,48 % des suffrages exprimés et le centre qui émerge avec le PDP 6,21 %132.
66Les campagnes de Loire-Inférieure demeurent le bastion des royalistes sortants même si Ginoux-Defermon est battu à Châteaubriant par Ernest Bréant (rép. de g.)133. Mais à Vannes 1, le chanoine Desgranges proche du PDP a battu le député sortant Maurice Marchais (centre gauche). Les bastions de droite (Léon134, bordure orientale et sud d’Ille-et-Vilaine135) réélisent leurs sortants dès le 1er tour. Dans le Finistère, le PDP remporte un succès à Quimper 2 : l’avocat Jean Jadé est réélu au second tour (48,88 %) en battant le radical-socialiste Albert Le Bail, le fils de Georges, du fait du maintien du maire communiste de Douarnenez Daniel Le Flanchec136. En revanche, à Quimperlé, la rivalité à droite entre le PDP Victor Balanant (29,51 %) et l’URD François Cadic (16,05 %) favorise la réélection dès le 1er tour du Jules Le Louédec (rad.-soc.), le maire de la ville. Le PDP perd une personnalité importante de sa fédération. De même, le vieux Georges Le Bail est battu à Quimper 3 par le notaire URD Jacques Queinnec, là aussi du fait du maintien du candidat communiste au 2e tour.
67Le rapport des forces au sein de la droite catholique est rééquilibré : les trois blocs étant de force à peu près comparable137. Les monarchistes et conservateurs sont réduits à trois (en Loire-Inférieure)138 ; le PDP passe de cinq à six députés139 ; l’URD dont 8 sortants ne se représentaient pas et deux sont battus recule de 17 à 8140. En 1928, un processus de relève et de redistribution des cartes est en cours au sein de la droite catholique bretonne. La mobilisation et l’activisme des forces catholiques de 1924 à 1926 n’ont guère été payants car elles ont contraint les modérés du camp laïque à réagir. Et dans les duels droite/gauche de second tour dans 18 circonscriptions, les droites ne l’ont emporté que dans cinq cas de justesse et souvent à cause du maintien du communiste141. À Saint-Brieuc 2, Victor Le Guen n’est réélu contre le radical Meunier que par 50,7 % des suffrages alors qu’Épivent, l’autre URD sortant est battu de 155 voix142. Le député sortant poincariste Armand Waron (ARD), distancé au 1er tour (10,8 %), a préféré se désister pour le candidat de centre gauche Jean Laurent (rép. rad.) plutôt que pour l’URD. Le clivage gauche/droite est réactivé avec le scrutin d’arrondissement et des hommes comme Le Trocquer se repositionnent au centre droit en s’inscrivant même au groupe de la gauche radicale qui compte 8 députés en Bretagne143. Dans la région de Saint-Malo, Guernier et Guy La Chambre, venant du camp laïque, se situent à la charnière du centre gauche et du centre droit en 1928 et ils sont élus avec l’appui de L’Ouest-Éclair contre des candidats plus à gauche144.
68Les élections législatives de 1928 posent la question du positionnement politique et de la perception du PDP. Au niveau national, le nouveau parti veut se présenter en force républicaine centriste transcendant le traditionnel clivage droite/gauche. Force est de constater qu’en Bretagne, c’est rarement le cas à deux ou trois exceptions près145. La plupart du temps, le PDP a soutenu les députés sortants de la droite républicaine (URD) en se plaçant dans le camp des droites146. Et, là où il a présenté des candidats, c’est toujours contre des candidats de gauche radicaux147, radicaux-socialistes148, voire républicains de gauche149. À la fin des années 1920, le PDP n’est nullement parvenu à transcender les clivages traditionnels du champ politique breton en dépit de son soutien, aux côtés des républicains modérés, des gouvernements de Raymond Poincaré. Même s’ils s’opposent durement aux conservateurs monarchistes et au cléricalisme, les démocrates-chrétiens sont perçus par l’électorat laïque de centre gauche comme appartenant à la droite catholique. L’opposition bloc contre bloc demeure la réalité électorale dominante en Bretagne même si elle s’est atténuée depuis le début du siècle. Tout au plus, les démocrates-chrétiens peuvent-ils se présenter comme une force de renouvellement de la droite bretonne sans parvenir à se différencier vraiment de la Fédération républicaine. D’ailleurs, plusieurs notables un temps sympathisants du PDP vont choisir cette formation moins contraignante et moins avancée socialement.
69Dans le camp des droites divisées, Le Nouvelliste de Bretagne reconnaît l’échec des conservateurs en 1928 et un rapport des forces plus favorable aux démocrates-chrétiens qui voient dans leurs succès une « campagne de libération » et de victoire de la République150. Après la crise de l’AF, ce relatif échec des droites est lourd de conséquences car il déclenche une grave crise au Nouvelliste provoquant l’éviction en juin 1928 d’Eugène Delahaye, son directeur politique151. Les actionnaires majoritaires prennent acte de l’échec de la ligne dure et souhaitent des relations moins conflictuelles avec L’Ouest-Éclair. Le changement d’équipe et de ligne politique est d’ailleurs entériné par le cardinal Charost et l’épiscopat breton qui soutiennent ce journal depuis près d’un quart de siècle152. C’est le signe d’une rupture définitive entre l’Église bretonne et l’AF. Dès la mi-juillet, Delahaye lance un nouvel hebdomadaire, La Province qui doit s’appuyer sur un groupe politique l’Alliance nationale de l’Ouest (ANO) pour poursuivre son action en regroupant toutes les forces de droite contre le PDP153. Le monde catholique conservateur et traditionaliste, de plus en plus écarté de la scène politique bretonne et mis à l’écart par l’épiscopat, se regroupe derrière ce nouveau journal pour poursuivre son combat politique.
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70Au début des années 1930, la rupture est désormais consommée entre les forces républicaines et les forces conservatrices du catholicisme breton témoignant de l’éclatement du bloc agraire et des droites aux intérêts divergents. Dans ses zones de forces, l’aristocratie foncière voit son hégémonie politique, économique et sociale remise en cause d’autant plus qu’elle ne peut plus compter sur l’appui de l’Église. L’enrichissement relatif de la paysannerie dans les années 1920 conduit à l’émergence, à droite et au centre droit, de nouvelles élites plus modernes issues du monde rural qui gravissent les échelons de la notabilité élective (maire, conseiller général, député). La société du XIXe siècle qui avait pu perdurer après la Première Guerre mondiale avec le maintien de ses notables dans certaines campagnes de l’est breton vole en éclat. Cette recomposition à droite favorise la montée en puissance des classes moyennes, voire de la paysannerie, en affaiblissant l’aristocratie qui se replie sur ses cantons et ses mairies, même si son influence socio-culturelle reste encore forte localement. En outre, dans les années 1920, une partie des républicains laïques modérés évolue vers le centre droit par le canal du poincarisme tout en recueillant encore un électorat de gauche. Cette situation ambiguë va se clarifier au cours des années 1930. Les droites vont elles-mêmes se restructurer et se réorganiser dans les crises politiques, économiques et sociales, et idéologiques de cette décennie.
Notes de bas de page
1 André Siegfried, Tableau politique de la France de l’Ouest, Paris, A. Colin, 1913. Réédition de l’Imprimerie nationale, 1995.
2 L’analyse très complète des évolutions et des luttes au sein des droites de David Bensoussan dans sa thèse nous dispense de longs développements. Elle a été publiée sous le titre : Combats pour une Bretagne catholique et rurale. Les droites bretonnes dans l’entre-deux-guerres, Paris, Fayard, 2006.
3 Notre analyse qui porte essentiellement sur la sphère du politique laisse volontairement de côté les dimensions économiques et sociales qui sont des facteurs explicatifs essentiels des mutations politiques aux XIXe et XXe siècles.
4 Voir le chapitre VIII sur la presse de droite, les réseaux agricoles et les réseaux catholiques.
5 On peut inclure dans ce camp, au centre droit, Léonard Corentin-Guyho, gauche démocratique, membre de l’Alliance démocratique républicaine (ARD), réélu à Quimperlé en 1914 après deux mandats en 1876-1877 et 1878-1885. C’est un authentique républicain qui a fait partie des 363 en 1877 mais qui n’a pas accepté la politique anticléricale du Bloc des gauches. En 1914, en position centriste, il bat le député radical sortant Jules Le Louédec qui avait succédé en 1909 à James de Kerjégu, rallié à la République et président du conseil général du Finistère depuis 1880. Voir Laurent Paubert, Formation de l’opinion politique, politisation et structuration des identités politiques en Bretagne au 19e siècle, thèse, université de Bretagne occidentale, Brest, 2003, p. 623-625.
6 Jean Pascal, Les députés bretons de 1789 à 1983, Paris, PUF, 1983, p. 429-435.
7 Ils sont trois en Loire-Inférieure : les marquis Henri de la Ferronnays (1906, date de la première élection) et Jacques de Juigné (1906), et Hubert de Montaigu (1910) ; deux dans le Morbihan : le comte Joseph de Gouyon (1914) et le duc Josselin-Charles de Rohan (1914), tué à la guerre en 1916 ; deux en Ille-et-Vilaine : le marquis Jacques de Kernier (1910) et Maurice du Halgouët (1893).
8 Le marquis Jules de Dion (1902) et le comte Charles Ginoux-Defermon (1898) en Loire-Inférieure ; Arthur Espivent de la Villesboisnet (1914), élu local de Loire-Inférieure qui reprend le siège de son beau-père le comte Paul-Henri de Lanjuinais (1881) à Pontivy 1 ; le baron Robert Robert-Surcouf (1898) à Saint-Malo.
9 Ernest Lamy (1902) et le marquis Régis de l’Estourbillon de la Garnache (1893) dans le Morbihan ; le comte Albert de Mun, figure du Ralliement, passé de Pontivy (1876) à Morlaix 2 en 1898 ; André Porteu de la Morandière (1910) en Ille-et-Vilaine.
10 René Brice (1871) et Alexandre Lefas (1902) en Ille-et-Vilaine ; François Soubigou (1910, Finistère) ; Victor Robic (1914, Morbihan).
11 David Bensoussan, Les Droites en Bretagne dans l’entre-deux-guerres, thèse de l’IEP de Paris, 2002, vol. 7, fig. 5, 6, 7 publiée en 2006 sous le titre Combats pour une Bretagne catholique et rurale, Paris, Fayard.
12 En tenant compte des inscriptions dans les groupes parlementaires car les listes de droite d’union nationale n’ont eu que 18 élus sur 45.
13 La gauche et la SFIO ont 21 députés et il y a deux non-inscrits.
14 David Bensoussan, thèse citée, p. 117-123 et 130-138.
15 Ibid., p. 506 et annexes vol. 7. Soulignons qu’en 1928, il n’y a pas de candidat dans sept circonscriptions sur 44. Pour 1924, ces chiffres posent problèmes dans au moins deux départements. Dans les Côtes-du-Nord, la liste de droite obtient 31,8 % des suffrages exprimés et 60,01 % en Ille-et-Vilaine. Christian Bougeard, Le choc de la guerre dans un département breton : les Côtes-du-Nord des années 1920 aux années 1950, thèse d’État, Rennes 2, 1986, p. 109 et Jacqueline Sainclivier, L’Ille-et-Vilaine 1918-1958. Vie politique et sociale, Rennes, PUR, 1996, p. 37.
16 Christian Bougeard, thèse citée, p. 86-89.
17 Jean Pascal, op. cit., p. 439-453. Les calculs de David Bensoussan donnent 43,3 et 47,8 à ces deux listes, op. cit., vol. 7, annexe 6.
18 Conduisant la liste républicaine d’Ille-et-Vilaine, de centre gauche, René Brice réélu s’inscrit dans ce groupe ce qui montre la complexité des positionnements politiques lors du Bloc national.
19 Il appartient au gouvernement de 1919 à 1921 dont celui de Clemenceau (décembre 1918-novembre 1919).
20 David Bensoussan, thèse citée, p. 145-148.
21 Deux membres de l’Alliance démocratique (ARD) et un candidat proche des démocrates populaires complètent la liste Brice.
22 Elle se compose d’un républicain modéré, trois libéraux, quatre conservateurs acceptant la République et deux royalistes d’Action française dont le marquis de Kernier député sortant.
23 Il siège au groupe des indépendants avec les cinq royalistes de Loire-Inférieure et est élu avec le sénateur de La Riboisière et Poussineau.
24 René Brice et Fernand Marçais (U. Rép.) et le comte Ferdinand de La Riboisière (député depuis 1881) et Gustave Poussineau.
25 Charles Daniélou et Vincent Inizan proche de la FDRF. Daniélou est en train d’évoluer vers le centre gauche. Voir le chapitre II.
26 Paul Simon est rejoint au Palais-Bourbon par Victor Balanant et Jean Jadé.
27 Alain de Guébriant, L. Boucher, M. Derrien et Georges Saint-Yves.
28 Ce sont de grands propriétaires fonciers : des légitimistes, les marquis de Juigné, de la Ferronnays qui devient le président du Comité de la droite en 1920, Jean Le Cour Grandmaison (nouveau député), et deux anciens bonapartistes, le marquis de Dion (industriel de l’automobile) et le comte Ginoux-Defermon.
29 David Bensoussan, thèse citée, p. 149.
30 Ibid., p. 170.
31 David Bensoussan, thèse citée, p. 173-177.
32 Ce journal publie le 30 novembre un appel des députés de droite et de deux des députés de la liste de concentration républicaine. Les convergences contre le socialisme considéré comme révolutionnaire sont claires.
33 David Bensoussan, op. cit., p. 510.
34 David Bensoussan, thèse citée, p. 179.
35 Il sera remplacé à la présidence par Adolphe Jollan de Clerville.
36 Christian Bougeard, thèse citée, p. 91-92.
37 C’est le siège de René Le Hérissé, un républicain rallié au boulangisme.
38 Alfred Brard, battu aux législatives, entre au Sénat avec l’appui d’une fraction de la droite (les démocrates-chrétiens de L’Ouest-Éclair) en battant l’ancien député monarchiste de Gouyon. L’évêché s’en désole. Gustave de Lamarzelle est réélu ainsi que Louis Guillois élu avec le président de la FRI Jean Guilloteaux.
39 Sénateur de 1920 à sa mort en 1936, Babin-Chevaye est un dirigeant des Ateliers et Chantiers de la Loire, membre du Comité de la droite, animateur de la Confédération de l’intelligence et de la production française qui sert de relais à l’Action française dans les milieux patronaux.
40 David Bensoussan, thèse citée, p. 508. Dans son ouvrage publié, l’auteur donne 94 conseillers généraux de droite en 1919 alors que sa répartition par département n’en comptabilise en fait que 93, un de moins dans le Finistère et en Ille-et-Vilaine (tableau p. 61), mais il établit le rapport de force droite/gauche à 95 contre 122 pour la gauche (p. 173). C’est ce second tableau que nous utilisons.
41 Christian Bougeard, thèse citée, p. 93-95
42 Leur meilleur résultat : le vote de 12,7 % des délégués sénatoriaux.
43 Christian Bougeard, op. cit., p. 101-103.
44 À Saint-Brieuc, elle fait élire l’architecte Victor Le Guen, un transfuge de la gauche (rép.-soc. en 1919) et permet au conservateur Hervé de Kéranflec’h-Kernezne, battu au Sénat, d’entrer à la Chambre.
45 Nous reprenons ici l’analyse de David Bensoussan, thèse citée, p. 183-200.
46 Jean-Jacques Becker et Serge Berstein, Victoire et frustations 1914-1929, Paris, Points-Le Seuil, 1990, p. 197-198.
47 David Bensoussan, thèse citée, p. 201-212 et Combats pour une Bretagne catholique et rurale, op. cit., p. 62-63. Les députés se réclamant du Bloc national se sont abstenus sur le vote de confiance du 23 janvier 1920 ; cinq des six monarchistes ont voté contre.
48 Ils en ont perdu un en janvier 1920.
49 Laurent Le Bar, Les élections législatives du 11 mai 1924 dans le Morbihan, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1990, p. 6-10.
50 David Bensoussan, thèse citée, p. 191-196.
51 Dans une lettre au Briochin Octave Aubert du 31 mai 1922, E. Desgrées du Loû explique la manœuvre : « Nous n’avons que deux espèces d’adversaires irréductibles : les conservateurs, ennemis du régime, et les radicaux, ennemi de la liberté. »
52 Louis Guillois est réélu et le député libéral de Lorient 2 depuis 1902 Ernest Lamy entre au Sénat. Il redevient le président de la FRI.
53 Son poids électoral est encore estimé à 15 000 voix, 13,3 % des suffrages exprimés en 1924.
54 Laurent Paubert, « Électorat “du centre” et modération politique en Bretagne sous la IIIe République : l’exemple du Finistère et du Morbihan », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 111, 2004, no 1, p. 65-90.
55 David Bensoussan, thèse citée, vol. 7, fig. 9.
56 Ibid., p. 507.
57 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 37.
58 David Bensoussan, thèse citée, p. 207-228.
59 Ibid., p. 230-245. Marchais à Vannes ; Deschamps et Guernier en Ille-et-Vilaine.
60 Les démocrates ont trois députés sortants plus P. Trémintin et V. Inizan, un proche ; les conservateurs trois mais sans nobles ; le patronat trois.
61 Deux sortants réélus plus six nouveaux députés. Les sept URD sont Ameline, Bret, Lefas, Marcillé, Poussineau, La Riboisière, Thuau. Seul Le Douarec rejoint le nouveau groupe des démocrates.
62 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 37.
63 Jean Pascal, op. cit., p. 455-464.
64 Vincent Inizan, réélu, et le cultivateur Jean-Louis Henry.
65 Et même plus de 60 % dans cinq cantons. Laurent Le Bar, op. cit., p. 87.
66 Christian Bougeard, thèse citée, p. 107-109. Les tentatives de rapprochement de Le Trocquer ont échoué car il ne veut pas sacrifier les deux députés les plus à gauche, Henri Avril et Pierre Even.
67 Élément significatif d’une modernisation des droites, il n’y a plus de nobles. Ils ne sont plus que 13,6 % des candidats de droite en 1924.
68 Le 2e député est Jean Épivent, cultivateur à Pordic.
69 Voir le chap. II.
70 Le taux de participation dépasse les 80 % et parfois les 90 % dans les régions blanches du pays gallo et du Léon ; il est plus faible dans les régions de la gauche modérée.
71 Cinq députés des Côtes-du-Nord et Maurice Sibille (Loire-Inférieure). 31 ont soutenu Millerand quand il a voulu former un gouvernement minoritaire, ainsi que deux sénateurs (rép. de g.) des Côtes-du-Nord (Mando et Servain).
72 Voir Frédéric Le Moigne, Les Évêques français de Verdun à Vatican II. Une génération en mal d’héroïsme, Rennes, PUR, 2005.
73 Laurent Le Bar, op. cit., p. 181-186.
74 David Bensoussan, thèse citée, p. 263-291.
75 La presse catholique annonce 30 000 mais d’autres sources donnent 13 000.
76 Id., 45 000 au lieu de 20 000.
77 Franck Le Tallec, Le réveil des catholiques en France : la manifestation de Rennes du 15 février 1925, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1990 ; Denis Cloarec, La défense religieuse dans le diocèse de Quimper et Léon (1924-1932), maîtrise d’histoire, UBO, Brest, 1994 ; David Bensoussan, op. cit., vol. 7, fig. 10 et 10 bis.
78 Ibid., p. 292-305. À Quimper, l’abbé Madec dénonce les « 70 000 instituteurs socialistes et 15 000 instituteurs bolchevistes » de l’école publique.
79 David Bensoussan, thèse citée, p. 326-330.
80 David Bensoussan, thèse citée, p. 316-329.
81 L’archevêché a une nouvelle fois imposé aux conservateurs l’union avec les démocrates-chrétiens.
82 Les républicains-démocrates du Finistère sont très engagés dans les manifestations, ceux d’Ille-et-Vilaine un peu plus réservés, car elles remettent les conservateurs sur le devant de la scène.
83 C’est le titre du chapitre X de David Bensoussan, Combats pour une Bretagne catholique et rurale, op. cit., p. 314-344.
84 David Bensoussan, thèse citée, p. 138-144.
85 Il va être élu maire et conseiller général de Saint-Pol-de-Léon.
86 Lettre à Paul Simon du 9 octobr 1919.
87 Jean-Claude Delbreil, Centrisme et Démocratrie Chrétienne en France. Le PDP des origines au MRP 1919-1944, Paris, Publications de la Sorbonne, 1990, p. 99-100.
88 David Bensoussan, thèse citée, p. 144.
89 Ibid., p. 188. Il justifie aussi son choix par un assouplissement des républicains de gauche sur la laïcité : ils ont remplacé « le maintien des lois laïques » par « le maintien de la laïcité de l’État ».
90 Il est rémunéré par L’Ouest-Éclair comme secrétaire de la FRDF.
91 En 1920, Le Petit Breton utilise cette référence en dessous de son titre.
92 Jean-Claude Delbreil, op. cit., p. 31-40.
93 Avec cette appellation le PDP ne sera ni un parti catholique, ni un parti officiellement démocrate-chrétien.
94 Parmi eux, quatre républicains-démocrates : Balanant, Simon, Trémintin, Berthou.
95 Louis-Alfred, directeur des services parisiens de L’Ouest-Éclair appartient à la CE.
96 Jean-Charles Floch, Les républicains démocrates du Finistère (1911-1940), maîtrise d’histoire, UBO, Brest, 1990, p. 95. Le PDP organise 180 réunions en 1926.
97 L’abbé Trochu et Charles Frédouët, secrétaire général de la direction, se lancent dans la création de sections locales à la fin de 1924.
98 Le Petit Démocrate a 257 abonnés dans le département en 1930.
99 C’est un ancien président de l’ACJF bretonne et le conseiller général d’Allaire. Il est battu par un conservateur en 1928.
100 Christian Bougeard, thèse citée, p. 184-185. Il sera battu en 1932.
101 Lors de l’affaire Dreyfus, il a dirigé la Ligue patriotique antisémite nantaise.
102 L’industriel Jean Hénaffbat le député radical-socialiste Georges Le Bail en 1925 mais il s’éloigne ensuite du PDP. Pierre Mocaër, élu à Ouessant, est un des dirigeants de la FRDF qui a présenté trois candidats en 1925.
103 Le Dr Ménard (Matignon), le Dr Gautier (Dinan-ouest).
104 Les deux députés du PDP, Armand Le Douarec, battu aux cantonales de 1931, et Étienne Pinault.
105 Jean Camenen est élu à Vannes-est en 1928.
106 Georges Ganuchaud est élu à Nantes 3 en 1928.
107 Jean-Charles Floch, op. cit., p. 119-121.
108 Voir le chap. VIII.
109 Une élection sénatoriale partielle dans le Maine-et-Loire a provoqué une véritable rupture dans le catholicisme breton. Léon Daudet, le leader de l’AF est battu par un candidat soutenu par L’Ouest-Éclair ce qui a donné lieu à de virulentes polémiques au sein des droites.
110 David Bensoussan, thèse citée, p. 342-346 et la thèse de Jean Philippet, Le temps des ligues. Pierre Taitinger et les Jeunesses Patriotes (1919-1944), thèse de l’IEP de Paris, 2000.
111 David Bensoussan y consacre un chapitre détaillé : « La condamnation de l’Action française », p. 353-442.
112 Jacques Daboudet, La section d’Action française de Saint-Brieuc à travers les papiers personnels d’Alain Raison du Cleuziou, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1973. L’Action Française n’a que 370 abonnés. 33 % sont des nobles, 30 % des ecclésiastiques pour 5 % de cultivateurs. Les commerçants et les professions libérales sont aussi présents.
113 Plusieurs groupes : camelots du Roy, Jeunes filles royalistes, Dames royalistes, cercle d’étude.
114 Eugen Weber, L’Action Française, 1962, Fayard, éd. Pluriel, 1990, p. 291-295.
115 Au congrès de mars 1925 à Rennes, 57 % des participants au banquet de clôture sont des nobles.
116 En 1920, la nomination par le duc d’Orléans du marquis de la Ferronnays à la présidence du Comité royaliste de Loire-Inférieure est souhaitée par l’AF.
117 Contre L’Ouest-Éclair, ce journal soutient Léon Daudet lors d’un sénatoriale partielle dans le Maine-et-Loire en 1926.
118 En 1925, Le Nouvelliste publie une rubrique de l’Union des corporations françaises (AF) antiparlementaire, corporatiste et xénophobe. Le député royaliste de Vendée, le marquis de Baudry d’Asson entre dans le capital du journal au début 1927 pour mieux combattre L’Ouest-Éclair. Le conseil d’administration compte 11 royalistes sur 13.
119 La condamnation par Rome du modernisme et du Sillon avant guerre va dans le sens des idées de l’AF.
120 Jacques Daboudet, op. cit., p. 114.
121 Des prêtres formés par le séminaire français de Rome affichent des idées intégristes et des sympathies pour l’AF.
122 Pour une analyse de l’épiscopat et des réactions, voir David Bensoussan, thèse citée, p. 378-408.
123 Sur cette question controversée, David Bensoussan a exhumé un carnet de 385 noms aux archives diocésaines de Nantes avec 158 patronymes nobles. L’évêque de Nantes retire ces autorisations au début de 1930.
124 Ibid., p. 409-424.
125 Ibid., p. 432-434.
126 Ibid., p. 434-442.
127 175 personnes seulement acceptent de financer modestement l’AF et elles viennent des villes. Le marquis de la Ferronnays lance un cercle Cathelineau à Nantes à la fin de 1928.
128 Les évêques interdisent aux catholiques de participer aux manifestations royalistes au champ des Martyrs près d’Auray.
129 David Bensoussan, thèse cité, chap. VII, « Le tournant des élections législatives de 1928 », p. 443-497.
130 C’est le cas à Nantes 1 où le député sortant François Merlant (URD) obtient le soutien d’Aristide Briand contre son colistier sortant Paul Bellamy. À Nantes 2, la droite soutient l’autre républicain modéré sortant Sibille contre la SFIO.
131 De Kéranflec’h à Loudéac et de Ponbriand à Dinan 2, du Plessis de Grenédan à Ploërmel, de Montaigu à Saint-Nazaire, Rupied à Vitré et Bret à Redon.
132 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 37-38.
133 Ses candidats ont entre 50 et 60 % des inscrits. Jean Le Cour Grandmaison est réélu avec 90,9 % des suffrages exprimés.
134 Les deux PDP Simon (50,09 % contre quatre adversaires) et Trémintin (54,89 %) et Inizan.
135 Lefas à Fougères et Bret à Redon.
136 Jean-Charles Floch, op. cit., p. 119.
137 Jean Pascal, op. cit., p. 472-482.
138 Ils ne s’inscrivent dans aucun groupe de même que deux nouveaux députés du Morbihan : le chanoine Desgranges qui a des contacts avec le PDP et Le Pévédic. Six candidats de cette mouvance sont battus dont cinq nobles.
139 Les sortants Balanant et Le Douarec sont battus. Ce dernier à Monfort par A. Barbot (rép. ind. de centre droit). Mais il a trois nouveaux députés : Pezet et Bahier dans le Morbihan et Pinault à Rennes 1 qui prend la circonscription de R. Brice. À Vitré, Bellanger évoluera vers le centre gauche.
140 Six sortants, plus Queinnec et de Montaigu.
141 David Bensoussan, thèse citée, p. 479-482. Aux quatre cas cités nous rajoutons Quimper 3.
142 Christian Bougeard, thèse citée, p. 151.
143 Le retrait des socialistes permet l’élection de laïques de centre gauche ou de centre droit contre des catholiques.
144 Guernier s’inscrit avec Le Trocquer au groupe de la gauche radicale et La Chambre chez les Indépendants de gauche.
145 Dans les deux circonscriptions du Morbihan gagnées sur des conservateurs.
146 David Bensoussan, thèse citée, p. 905-927. À Redon, Ch. Frédouët n’est pas autorisé à se présenter contre G. Bret (FR) ni Thomas à Loudéac contre le conservateur de Kéranflec’h-Kernezne.
147 À Lorient 1, son candidat élimine au 1er tour, Édouard Labes, le député-maire sortant de Lorient au profit d’un radical
148 Trois cas dans le Finistère plus Rennes 1, Guingamp 1 et Pontivy 1.
149 À Vannes 1, Marchais est battu par le chanoine Desgrange.
150 L’Ouest-Éclair, 6 et 9 mai 1928.
151 David Bensoussan, op. cit., p. 485-497. Par solidarité les dirigeants royalistes, le général de Lesquen et de Baudry d’Asson, démissionnent du conseil d’administration du journal.
152 L’abbé Jallier est nommé à la tête du journal ; l’épiscopat appelle les catholiques à le soutenir financièrement.
153 Le journal soutenu par l’aristocratie légitimiste (45 % de nobles parmi les 508 actionnaires) recueille près de 10 000 abonnés en six mois.
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