Les colons européens et l’école dans la région de l’Araucanía (Chili, 1887-1915)
p. 137-153
Remerciements
Ce texte est le fruit du projet DIUCT no 2003-1-02, « Flujos Migratorios, Identidad Cultural y Estructura Social de la Región de la Araucanía : Análisis del impacto sociocultural de los movimientos demográficos en la IX° Región desde la Antropología Histórica », financé par l’Universidad Católica de Temuco. Une première version en espagnol a été publiée sous le titre « Los colonos y la escuela en la Araucanía : los inmigrantes europeos y el surgimiento de la educación privada laica y protestantes en la Región de la Araucanía (1887-1915) », Universum, no 23, vol. 1, 2008. Nous remercions la Chaire des Amériques (IDA-Rennes) de l’opportunité qui nous a été offerte de revoir ce texte lors de notre séjour à Rennes et Natalia Zavala Monteiro pour le travail de préparation de cette version française. Nous remercions aussi infiniment Luc Capdevila, qui a eu la gentillesse et la patience de réviser ce texte, et Jimena Obregón Iturra dont les conseils et la lecture ont été d’un grand apport.
Texte intégral
1C’est1 sans doute dans le domaine de l’éducation qu’il est possible d’observer avec le plus de clarté les traces des processus impulsés lors de la formation de la société blanche de l’Araucanía qui agirent dans la consolidation ou au contraire dans l’effacement des différences culturelles, linguistiques, et religieuses des immigrants européens. Il est possible de distinguer encore aujourd’hui, quoique de manière moins visible, la dynamique qui s’est mise en marche, les influences et les particularités, les styles, valeurs et pratiques des immigrants européens ayant participé à la formation de plusieurs générations d’hommes et de femmes de cette région du Chili à forte population indienne, militairement occupée et intégrée au territoire national en 1883.
2Dans ce texte, nous présenterons dans un premier temps les antécédents liés à l’importance des communautés d’immigrants européens au moment de la formation de la société blanche et du développement de l’école en Araucanía ; puis nous analyserons les projets éducatifs dans lesquels les communautés d’immigrants se sont investies, pour finir sur l’histoire récente des établissements d’origine protestante.
Les immigrants européens et la question éducative de la société non indienne de l’Araucanía
Importance de l’immigration européenne en Araucanía
3Entre la fin 1883 et début 1884 cinq cents familles espagnoles, françaises, italiennes, suisses et allemandes se sont installées dans la partie nord de la région de l’Araucanía, dans des colonies à Victoria, Quechereguas, Huequen, Traiguén et Contulmo2. C’était le commencement d’un important cycle migratoire européen vers les zones rurales de la région, promu et planifié par l’État, qui s’est fortement consolidé entre 1883 et 1890, période au cours de laquelle 6 880 immigrants se sont installés en qualité de colons3.
4Si l’on additionne le nombre de colons européens enregistrés pour la période 1883-1890 (6 880), aux estimations réalisées à partir des registres des colonies rurales de l’Araucanía pour la décennie immédiatement postérieure – 1891-1900 (environ 500 colons) –, et les douze dernières années du cycle migratoire – 1901-1912 (environ 1 750) – nous obtenons un total de 9 130 Européens arrivés avec le statut de colons dans les zones rurales d’Araucanía entre 1883 et 1912. Ce chiffre est sans doute approximatif. Par ailleurs il ne prend pas en compte les immigrants européens arrivés par leurs propres moyens, sans le statut de colon.
5Après 1912, l’arrivée des immigrants européens obtenant le titre de colon – ils avaient ainsi l’assurance d’accéder à une propriété rurale – diminue fortement. À partir de la deuxième décennie du XXe siècle, seuls les anciens territoires de colonisation qui n’avaient pas pu se consolider complètement accueillirent quelques nouvelles familles d’immigrants européens, comme à Pichi-Chelle, lieu de colonisation du Budi, où entre 1924 et 1928 s’installèrent quatre familles allemandes catholiques4.
6À ce flux migratoire enregistré dans les statistiques des colonies rurales, il faut ajouter les autres immigrants qui n’ont pas pu s’établir dans ces enclaves officielles – ils sont de ce fait absents des statistiques –, leur nombre est difficile à évaluer. Dans la majorité des cas, cette immigration spontanée a été étroitement associée au développement des nouveaux centres urbains où commençaient à s ´ organiser le commerce, les services publics, les transports et les industries de la région. Cet essor des toutes nouvelles villes permit la formation de petites communautés d’immigrants de même origine ou nationalité. Tel fut le cas de la communauté juive séfarade originaire de Macédoine (Monastir à l’époque)5 et des communautés provenant des pays arabes6 installées à Temuco.
Les colons et le « problème » éducatif
7Les premiers immigrants européens installés dans les colonies rurales de l’Araucanía durent résoudre des problèmes de caractère économique, social et culturel inévitables dans tout projet colonisateur. D’une part, ils avaient besoin de créer les bases logistiques nécessaires pour habiter et exploiter les terres ; d’autre part, ils devaient construire les fondations d’une vie sociale ayant du sens, selon leurs propres références culturelles. À ce propos, il leur était vital de créer des espaces de rencontre et de conservation de leur identité et de leur vie communautaire sans pour autant négliger des instances permettant de s’insérer dans la nouvelle société, en particulier pour les enfants.
8Ainsi, très tôt les colons expriment des inquiétudes et prennent des initiatives pour construire des églises et des écoles. Le lieu de culte et l’éducation des enfants comptaient parmi leurs principales préoccupations. La pratique religieuse et l’enseignement des premières lettres ont été généralement considérés comme deux aspects d’un même processus ; rien de surprenant si l’on prend en compte l’importance du rôle éducatif assumé par les églises dans les projets de colonisation, et l’étroite relation existant entre la formation religieuse et les premières années de la scolarisation dans la tradition chrétienne.
9Il faut considérer que les familles d’une même nationalité – et dans beaucoup de cas, d’une même religion – se trouvaient relativement isolées, tout en étant suffisamment nombreuses pour envisager un projet éducatif commun. En général, il s’agissait de familles jeunes qui avaient un nombre significatif d’enfants à scolariser7.
10Dans ce contexte, la religion émerge comme un facteur important au moment de faire face à l’éducation des enfants. Notamment pour les familles protestantes, car les congrégations catholiques – franciscaine et capucine – étaient les seules organisations religieuses présentes dans le système éducatif des territoires destinés à la colonisation. Ces espaces étaient aussi des lieux d’évangélisation et de scolarisation d’une population indienne de plus en plus déplacée et réduite au profit du projet colonisateur. Même si nous n’avons pas trouvé des données précises pour identifier la religion des immigrants, il est possible de déduire à partir de plusieurs éléments, qu’une bonne partie des Allemands et beaucoup de Suisses de langue allemande étaient protestants, et que les Anglais étaient sans doute anglicans.
11Par ailleurs, la question linguistique était également pour les immigrants un élément déterminant au moment de penser à un projet éducatif pour les enfants. En effet, si nous tenons compte qu’une grande partie d’entre eux provenait des pays où la langue était une marque de reconnaissance de l’identité nationale, particulièrement au moment de l’expansion coloniale des Européens, la dimension linguistique acquiert une importance encore plus forte en tant qu’elle est associée à un projet civilisateur. On le vérifie, par exemple, dans les formes de la rivalité franco-allemande, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Parler une certaine langue, devient alors un critère transcendant pour s’identifier à une nationalité et à un projet civilisateur associé à cette nationalité.
12Ces deux facteurs, le religieux et le linguistique, associés à l’absence de couverture d’enseignement accessible pour ces familles rurales, expliqueraient la création rapide de projets éducatifs autogérés par les colons eux-mêmes dans des endroits proches des lieux de résidence.
L’école au moment de l’arrivé des premiers colons
13Au début du cycle d’immigration planifiée en Araucanía, en 1883, l’éducation était dans la majeure partie du territoire entre les mains des missionnaires franciscains et capucins, qui œuvraient à l’évangélisation des indiens mapuches. Il existait également des écoles publiques dans les territoires du nord et du nord-ouest de la région, où se situaient les zones d’occupation et de concentration de population chilienne, particulièrement à Angol, Collipulli et Purén, comme le signale l’étude de Sol Serrano8.
14Dans les missions franciscaines et capucines, en complément à l’action d’évangélisation et en vue de son accomplissement, l’entreprise d’alphabétisation s’était développée ainsi que l’instruction élémentaire destinée aux enfants indiens. Les enfants des créoles et des immigrants installés dans ces territoires en bénéficiaient. L’action évangélisatrice faisait partie d’une stratégie politique majeure de subordination du peuple mapuche à l’État national chilien et de son acculturation au monde chrétien occidental. C’est pourquoi il était demandé avec insistance aux missionnaires d’assumer les tâches d’instruction et d’ouvrir des écoles dans les missions, l’État participant au financement partiel de ces activités9.
15Pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, on distingue deux territoires avec une présence missionnaire catholique dans l’Araucanía :
16En premier lieu, la partie nord de l’Araucanía et la côte d’Arauco, où les récollets franciscains10 appartenant aux collèges des villes de Chillán et Castro travaillaient à l’évangélisation. En 1859, il existait des missions franciscaines à Nacimiento, Tucapel, Rosales et Malvín11. Vers 1888, on comptait des missions franciscaines à Angol, Nacimiento, Mulchén, Collipulli, Traiguén, Lumaco, Chol-Chol, Tucapel de Cañete et Tirúa12. Certaines disposaient d’écoles auxquelles assistaient des enfants mapuches et, avec certitude, des enfants des familles chiliennes et étrangères résidentes. En particulier à Angol, on signale en 1888 l’existence d’un internat accueillant entre vingt et trente enfants mapuches13.
17En deuxième lieu, la partie sud de l’Araucanía et au nord de la province de Valdivia, où se sont installés à partir de 1848 des capucins italiens, principalement sur la côte, au sud du fleuve Impérial : à San José de la Mariquina (en 1850), Imperial Bajo (en 1850, actuel Puerto Saavedra), Queule (entre 1854 et 1855) et Toltén (en 1861). Toutes ces missions avaient des écoles vers 186514. Ces capucins avaient aussi en charge d’autres misions situées plus au sud, vers le centre de la province de Valdivia. Postérieurement, en 1896, les missionnaires italiens furent remplacés par des capucins bavarois. Ces derniers amplifièrent la tâche missionnaire couvrant le territoire des lacs andins situé dans le nord de la province de Valdivia.
18Ainsi, à l’arrivée des premiers immigrants – en dehors des activités éducatives des missionnaires catholiques et de quelques écoles publiques situées dans les lieux de peuplement les plus anciens – il n’y avait pas de système éducatif consolidé sur les territoires d’Araucanía destinés à la colonisation.
Les projets éducatifs des colons
19Entre 1887 et 1915, au moins dix-neuf établissements d’éducation, liés aux communautés d’immigrants européens, furent créés en Araucanía. Douze de ces projets furent liés à la communauté allemande, cinq à la communauté française, un à la communauté suisse, et un dernier aux immigrants anglais. Dans les deux derniers cas, il s’agit de projets liés à des missions protestantes, celle du pasteur Leutwyler et celle des anglicans de la SAM (South American Missionary Society) respectivement. Dans le cas des douze établissements allemands, au moins deux peuvent être identifiés clairement comme des écoles protestantes : il s’agit des écoles « évangéliques » d’El Salto (1894) et de Lautaro (1899).
Date de fondation | Lieu | Communauté |
1887 | Temuco | allemande |
1892 | Traiguén | française |
1892 | Ercilla | française |
1893 | Victoria | française |
1893 | Lautaro | française |
1893 | Traiguén | suisse |
1893 | Contulmo | allemande |
1894 | El Salto | allemande |
1894 | Nueva Imperial | allemande |
1895 | Purén | allemande |
1895 | Traiguén | allemande |
1898 | Victoria | allemande |
1899 | Lautaro | allemande |
1900 | Ercilla | allemande |
1904 | Quillem | allemande |
1904 | Galvarino | française |
1906 | Gorbea | allemande |
1910 | Faja Maisan | allemande |
1910-1915 | Temuco | anglaise |
Tableau 1. – Écoles liées aux communautés des immigrants, créées entre 1887 et 1915. Sources : Frey, 1910 ; BAF, 1884-1906 ; S. Venezian, 1993 ; B. Bazley [1999] ; A. Dufey, 2000.
20La plus grande partie de ces établissements fut le fruit de projets éducatifs autogérés par les colons avec l’appui des Églises et/ou de leurs pays d’origine. Au début il s’agissait de petites écoles primaires situées à proximité des colonies regroupant les propriétés des immigrants, où promptement se sont organisés par nationalité des comités ou coopératives locales, afin de résoudre les besoins d’enseignement des enfants. Cela fut notamment le cas des colons allemands et français qui ont préféré s’organiser en fonction de leurs nationalités d’origine.
21Ces écoles de colons ont été créées principalement pour la formation des enfants des colonies rurales et ont ouvert un enseignement linguistique et culturel lié à leurs pays d’origine, d’où provenaient également la plupart des maîtres. Ces établissements étaient plutôt présentés comme des projets laïques ou interconfessionnels d’enseignement élémentaire.
Les écoles de l’Alliance française
22Les immigrants français ont pris une initiative importante en matière d’éducation en Araucanía. Entre 1892 et 1904 cinq écoles ont été créées dans les zones de colonisation au nord de la région : à Traiguén (1892), Ercilla (1892), Victoria (1893), Lautaro (1893) et Galvarino (1904). Dans le cas de Traiguén, l’école qui porte aujourd’hui le nom de lycée Luis Pasteur, s’est maintenue jusqu’à la moitié du XXe siècle comme un établissement lié sur le plan culturel, linguistique et administratif au monde français de tradition catholique.
23L’Alliance française a joué un rôle central dans le développement de ces écoles françaises. Il s’agit d’une association sans but lucratif, créée à Paris en 1883, pour diffuser la langue et la culture française dans le monde ; ceci dans un contexte d’essor des projets coloniaux des puissances européennes, lorsque chacune d’elle agissait pour assurer sa présence sur tous les continents.
24L’Alliance française s’est organisée à travers un réseau de comités locaux présents de par le monde. Ces réseaux recevaient des aides et s’articulaient à partir du siège de l’organisation situé à Paris. Les comités locaux étaient des sociétés caritatives qui s’occupaient de trouver des financements et d’assurer la gestion des écoles. Il s’agissait d’organisations laïques, mais la plupart des membres étaient de tradition catholique.
25L’histoire des écoles françaises de l’Araucanía peut être reconstituée grâce au dépouillement des bulletins de l’Alliance française conservés à Paris. Il faut signaler la rapidité et l’importance de l’action de l’Alliance française au Chili, bien que ce ne fut pas un pays situé dans l’orbite coloniale française. En effet, déjà en 1885, c’est-à-dire deux ans après sa création, un Comité Régional de l’Alliance naît à Valparaiso, la principale ville d’immigration du Chili. Puis surgirent rapidement d’autres comités dans diverses villes du pays.
26En 1891, des bulletins de l’Alliance signalent que Traiguén et Ercilla étaient deux centres importants de regroupement des colons français dans le sud chilien. Il est également précisé que la région de l’Araucanía comptait plus de cinq cents familles françaises et deux mille enfants « sans moyens pour s’éduquer15 ».
27En 1892, les premières écoles portant le nom de l’Alliance française furent ouvertes : Ercilla comptait vingt-six élèves et Traiguén en avait plus ou moins trente-huit. Selon le bulletin de l’Alliance, l’aide des colons avait été fondamentale pour fonder les premières écoles16. Vers 1894, le Chili comptait huit comités locaux de l’Alliance française : Valparaiso, Santiago, Iquique, Ercilla, Traiguén, Quino, Lautaro et Victoria. Cinq des huit comités chiliens se situaient dans la région de l’Araucanía, en particulier là où les colons français s ´ étaient établis. En 1904, l’Alliance française faisait fonctionner cinq écoles dans la région : Ercilla (1892), Traiguén (1892), Victoria (1893), Lautaro (1893) et Galvarino (1904)17.
28Même si les écoles françaises n’étaient pas destinées exclusivement aux enfants français, le projet éducatif était français et, sans aucun doute, parmi les premières générations d’élèves, prédominaient les Français et les Suisses francophones.
29À Traiguén, par exemple, il était clairement indiqué dans le règlement de l’école que seraient admis « les élèves des deux sexes, sans distinction de nationalité, ou de croyance religieuse ». Mais il était également précisé qu’y serait enseignée « de préférence la langue française18 ».
30En réalité, les élèves d’origine française et franco-suisse ont été majoritaires dans les premières décennies de vie des écoles françaises. Ainsi, en 1894 l’école de Traiguen, créée deux ans auparavant, comptait parmi ses 79 élèves : 47 Français, 16 Chiliens, 6 Espagnols, 4 Anglais, 4 Suisses et 2 Allemands19. En 1906, l’école de Victoria, créée treize ans auparavant, comptait parmi ses 108 élèves : 39 Français, 40 Suisses, 21 Chiliens, 6 Allemands et 2 Italiens20.
31On comprend la prédominance des descendants de Français et des Suisses francophones, dans la mesure où la mission fondamentale de ces projets d’enseignement était de garantir la pérennité de la langue et de la culture française dans les foyers d’immigration. Paradoxalement, beaucoup des immigrants français n’auraient pas suffisamment maîtrisé la langue ni la culture française officielle, car ils provenaient d’autres régions culturelles et linguistiques comme le Pays Basque, le Béarn ou les Alpes suisses et se trouvaient en situation de minorité. Les mots de Monsieur Leconte, important voisin de Traiguén, montrent cette préoccupation : « Les enfants, ignorant comme leurs parents d’ailleurs la vraie langue nationale, habitués à parler en patois ou chilien, auront bientôt perdu toute notion du français21. »
32L’idée d’une « école française » au milieu des campagnes d’une Araucanía qui représentait sûrement pour les précurseurs du projet d’immigration l’antithèse de la culture et de la civilisation, a joué un double rôle : l’un, consistant à répandre et à maintenir la culture et la langue française, et l’autre destiné à faire « plus français » ceux qui en réalité ne l’étaient pas tellement. En effet, beaucoup d’immigrants provenaient de territoires où la culture et la langue locales vivaient un processus de subordination à la langue et à la culture nationale française, à une époque de consolidation des États-nationaux européens, où les candidats au départ se trouvaient plus facilement parmi ceux qui vivaient des situations de déracinement, de persécution ou de marginalisation que ceux qui connaissaient une existence plus conformiste. Dans ce contexte, l’idée d’une école permettant de consolider le modèle linguistique et culturel idéal qui habitait les immigrants était compatible avec l’esprit d’un projet d’immigration qui se voulait civilisateur.
33Un facteur important qui a aussi incité a la concrétisation des projets locaux d’éducation française, était la préoccupation des immigrants envers l’expansion de l’influence allemande. Ainsi, un rapport de 1893 qui aborde les activités de l’Alliance française au Chili, signale : « Les comités du sud prennent de plus en plus d’extension et luttent contre l’influence allemande22. » Cette rivalité « franco-allemande » (rappelons qu’il s’agissait de pays ennemis pendant une grande partie de la seconde moitié du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle), semble s’être déplacée en Araucanía, et s’exprimait, entre autres, dans le domaine éducatif. Apparemment, les Français étaient préoccupés par le développement des écoles allemandes capables de capter les enfants des colons d’autres nationalités et des Chiliens. Cela dit, il ne s’agissait pas exclusivement d’une rivalité de « nationalités » car il était question également d’une différence confessionnelle, bien que plus discrète : le projet des Français était associé au monde catholique, alors que les écoles allemandes étaient plus proches des milieux protestants.
34Le projet français a eu un rapide et grand développement dans l’enseignement primaire, mais il n’a pas perduré dans la plupart des cas. L’école de Traiguén a été l’exception. Elle s’est consolidée et étendue à l’enseignement secondaire jusqu’au milieu du XXe siècle, garantissant une formation aux descendants des colons et aux jeunes de la ville de Traiguén et de ces environs, dans un projet clairement français. Cet établissement existe toujours. Il est connu sous le nom de lycée Luis Pasteur, « Alliance française » de Traiguén. Mais aujourd’hui il est intégré au système éducatif public chilien et n’est pas reconnu comme un établissement d’enseignement français.
Les écoles allemandes
35Au Chili, le projet éducatif des immigrants allemands a été l’un des plus solides et prolifiques parmi les initiatives issues des communautés d’immigrants ; dans l’Araucanía on observe la rapide organisation des établissements scolaires dans les principaux noyaux urbains et la continuité de leurs activités dans le temps.
36Ces établissements ont été créés à partir d’initiatives locales basées sur l’organisation des communautés allemandes (sociétés, coopératives) et sur un projet d’enseignement laïque, quoique parfois lié aux églises protestantes. De sorte que ces écoles n’étaient pas réservées exclusivement aux enfants allemands. Toutefois parmi les élèves des premières générations, la prédominance culturelle et linguistique était allemande. De plus, l’importance que les communautés allemandes donnèrent à l’école comme un moyen de préservation et de diffusion de leur langue et de leur culture a fortifié la relation entre la communauté et l’école. À ce sujet, les mots de Juan Frey, auteur d’une importante monographie sur l’état des écoles allemandes au Chili en 1909, sont très illustratifs :
« Il est souhaitable que les enfants d’origine allemande conservent leur qualité de race et de langue et contribuent à la fois à transmettre aux autres les avantages de la culture et de l’éducation allemande23. »
37La monographie de Frey permet de connaître l’état des écoles allemandes de l’Araucanía en 1909. Il existait alors douze établissements qui comptaient au total 354 élèves (en y incluant Contulmo qui, bien que située actuellement dans la région du Bíobío, fait partie du même processus historique de colonisation de l’Araucanía). Le tableau no 2 présente l’état des écoles allemandes de l’Araucanía en 1909.
Peuple | Hommes | Femmes | Total | Fondation |
Temuco | 35 | 36 | 71 | 1887 |
Contulmo | 30 | 24 | 54 | 1893 |
El Salto | … | … | … | 1894 |
Nva. Imperial | 18 | 23 | 41 | 1894 |
Purén | 14 | 18 | 32 | 1895 |
Traiguén | 23 | 19 | 42 | 1895 |
Victoria | 21 | 7 | 28 | 1898 |
Lautaro | 12 | 8 | 20 | 1899 |
Quillem | 14 | 14 | 28 | 1904 |
Gorbea | … | … | 22 | 1906 |
Quilaco-Pucón | … | … | … | 1909 |
Ercilla | 10 | 6 | 16 | 1900 |
Total | 177 | 155 | 332 + 22 |
Tableau 2. – Les écoles allemandes en 1909. Source : J. Frey, 1910.
38À partir de ce tableau, on observe que sur le total de 332 élèves en 1909, 46,7 % étaient des femmes (155), ce qui représente pour l’époque un niveau important de scolarisation féminine au sein de cette communauté. En donnant aux filles la possibilité de perfectionner l’apprentissage et la pratique de la langue dans le milieu scolaire, la communauté allemande a, sans doute, consolidé la transmission de l’allemand comme langue maternelle.
39Dès leur arrivée les colons allemands ont manifesté leur préoccupation pour l’éducation des enfants. Parfois ils attendirent plusieurs années avant d’ouvrir des écoles. Ce fut le cas de Quillem, l’une des premières colonies allemandes fondée avant 1890, mais qui ne disposa de sa propre école qu’en 1904. Avant la fondation de l’école de Quillem les membres de la colonie envoyaient leurs enfants très loin, suivre une éducation d’orientation protestante ou laïque, soit à Traiguén au foyer suisse La Providencia, soit dans les écoles allemandes des villes de Victoria ou de Temuco24.
40Le cas fut différent pour les Allemands brandebourgeois de la colonie El Salto. Dès 1894 ils réussirent à ouvrir une école alors qu’ils n’étaient que neuf familles25 ; sans doute parce que cette colonie s’était constituée sur la base d’un projet religieux protestant bien défini. L’école s’appelait « École élémentaire évangélique ». Elle a probablement servi aussi de lieu de culte et de réunion communautaire.
41Chaque école allemande était soutenue par une société coopérative composée26 par les colons du secteur. En 1909, ils étaient douze membres à Lautaro et de quarante-huit à Temuco27. La plupart des établissements allemands étaient des écoles élémentaires laïques ou interconfessionnelles d’orientation protestante, à l’exception des écoles d’El Salto et de Lautaro qui se présentaient plus ouvertement comme des écoles « évangéliques ». Parmi les élèves inscrits dans les écoles allemandes au début du XXe siècle on vérifie une diversité de nationalité, de religion et de langue. Mais la religion protestante et la langue allemande restaient prédominantes.
42Ainsi par exemple, dans le cas de l’école allemande de Traiguén, vers novembre 1909, sur quarante-deux élèves recensés dix-huit étaient Allemands, treize Chiliens, deux Italiens, trois Russes et six étaient Suisses. Concernant la religion de ces élèves, vingt étaient dits protestants, quinze catholiques et sept juifs. Enfin, quant à la langue, vingt-huit avaient l’allemand pour langue maternelle. Or dix-huit étaient de nationalité allemande. Ils étaient donc dix de plus à avoir comme langue maternelle l’allemand : en clair, ces derniers devaient se trouver parmi les six Suisses, trois Russes et treize Chiliens.
43En ce qui concerne à l’école allemande de Temuco, en 190928 y assistaient 71 élèves, parmi lesquels six seulement étaient signalés comme étant de nationalité allemande, les 65 restants étant de nationalité chilienne. Concernant la religion des enfants, 58 étaient protestants, douze catholiques et un juif.
44Pour ce qui est de la langue, 59 élèves étaient considérés de langue maternelle allemande, de sorte que, sans doute, la majorité des 65 élèves considérés de nationalité chilienne provenaient en réalité de foyers de langue allemande.
45Comme on peut le voir, en 1909 dans les écoles de Traiguén et Temuco il y avait une prédominance de la langue maternelle allemande et de la confession protestante parmi l’ensemble des élèves. Il en est de même, pour les neuf autres écoles, dont il existe des informations pour la même année29.
46Par conséquent, il est possible de dire que la plupart des élèves qui fréquentaient les écoles allemandes dans la première décennie du XXe siècle provenaient de famille de culture allemande et de religion protestante. Cela ce manifeste de manière évidente quand on considère le pourcentage total des élèves de religion protestante dans ces écoles pour l’année 1909. Sur un total de 332 élèves des neuf écoles comptabilisées, 81 % (269 élèves) étaient protestants, 16,6 % (55 élèves) étaient catholiques et 2,4 % (8 élèves) étaient juifs30.
47Nous n’avons pas d’autres données sur le fonctionnement de ces établissements durant les années suivantes. Sans doute, beaucoup de familles de colons ont abandonné, après quelques années, leurs lieux de résidence dans les colonies rurales pour se déplacer avec leurs enfants vers les centres urbains plus importants. De plus, l’arrivée de l’école publique dans une grande partie de la région a dû concurrencer les établissements qui avaient été fondés en tant qu’alternatives autogérées afin de palier l’absence d’instruction publique.
48En effet, après une première période de multiplication des établissements allemands, de 1887 à 1906, suit un moment de stabilité bien décrit dans l’étude de Frey de 1909, pour ensuite passer à une étape de centralisation avec des établissements plus grands situés dans des villes avec présence allemande. Du moins, cela peut être une interprétation plausible qui expliquerait la pérennité et l’importance acquise par le collège allemand de Temuco et, ultérieurement, par celui de Villarrica ; deux établissements qui constituent encore aujourd’hui dans l’Araucanía des centres prestigieux d’éducation privée, primaire et secondaire.
Le foyer suisse La Providencia de Traiguén
49Un cas particulier est le foyer suisse La Providencia situé dans un grand domaine agricole proche de la ville de Traiguén, non seulement parce que cet établissement s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui avec un certain caractère typiquement suisse et une spécialité dans l’enseignement agricole, mais aussi parce qu’il s’agit d’un projet éducatif créé par une mission protestante helvétique destinée à aider les colons suisses et leurs descendants.
50En 1893, le pasteur suisse Arnoldo Leutwyler, fonde le dénommé asile d’orphelins La Providencia. Sa première mission était la prise en charge des orphelins des colons suisses mais devait aussi plus généralement s’occuper de l’enseignement des enfants de colons. L’orphelinat fonctionnait également comme une école d’enseignement primaire mixte, accueillant des enfants en internat et en demi-pension. À partir de 1897, l’œuvre fut financée par la « Société Protectrice d’Orphelins » créée par le pasteur Leutwyler.
51Devenu par la suite le foyer suisse La Providencia, cet établissement a maintenu des liens assez proches avec la Suisse jusqu’en 194931. Dès son origine, la communauté d’immigrants suisses s’y était attachée et participait au projet. À ce propos, le foyer suisse avait les mêmes caractéristiques que les écoles françaises et allemandes de la colonie, à savoir, un projet éducatif autogéré et de caractère plutôt laïque ou interconfessionnel. Néanmoins, l’enseignement donné au foyer suisse La Providencia était beaucoup plus proche de l’enseignement des écoles allemandes que celui des écoles françaises, d’une part en raison de son orientation protestante, d’autre part en raison de la présence de l’allemand.
Les Anglicans et le collège anglais de Temuco
52La SAM (South American Missionary Society), une organisation missionnaire liée à l’Église anglicane qui concentrait ses activités en Amérique du Sud, a été l’une des premières institutions non catholiques qui joua un rôle important dans la sphère éducative de l’Araucanía. La SAM a commencé ses activités d’évangélisations sur le littoral de l’actuelle province d’Arauco, ouvrant une première mission à Lota en 1862, et une seconde à Lebu, en 186732.
53Entre 1890 et 1893, la SAM étend ses activités d’évangélisation et d’éducation à l’actuelle région de l’Araucanía, créant des écoles à Quino, Chol-Chol et Maquehue Pelal33 destinées aux enfants mapuches, mais aussi aux enfants des colons de ces différents secteurs.
54Selon Venezian34, la SAM aurait fondé également une école à Temuco durant cette même période (1890-1893). Mais, nous n’avons pas pu repérer d’autres antécédents. C’est seulement en 1910 qu’apparaissent des références au sujet de la création de deux écoles primaires anglicanes à Temuco, l’une de garçons et l’autre de filles, clairement orientées pour offrir une éducation anglaise aux enfants des immigrants et des Chiliens35.
55L’une de ces deux écoles, celle des garçons, a été dirigée par la suite par le couple anglais formé par George Chaytor et d’Ethel Shilcock, son épouse. Le couple Chaytor était arrivé à Temuco pour prendre en charge cette école fin 1915, à l’initiative de la SAM. Le collège anglais de Temuco fondé en 1915 fut postérieurement acquis par le couple et géré par celui-ci pendant des nombreuses années. Aujourd’hui cet établissement se nomme « collège anglais George Chaytor » du nom de son fondateur36.
56Bien que cette école n’ait pas été le fruit de l’action directe de la colonie anglaise, elle y était initialement associée de près. D’une part en raison de son orientation religieuse anglicane, d’autre part en raison de la prédominance de l’anglais comme langue d’enseignement. Dans les premières années de fonctionnement, l’internat accueillait en moyenne soixante garçons37. Plus tard, la présence de la colonie anglaise se fit plus diffuse, du moins en ce qui concerne la nationalité des élèves. Vers 1934, la quasi-totalité des élèves était de nationalité chilienne38. Mais ce n’est certainement pas l’unique indicateur qui permet d’identifier l’importance linguistique et culturelle d’une communauté provenant de l’immigration39.
Autres projets éducatifs postérieurs d’orientation protestante
57À cette première période de genèse des écoles privées associées aux colonies d’immigrants européens de l’Araucanía suit la création des écoles par des missions protestantes. Bien que ces créations postérieures ne soient pas le thème principal de ce texte, il convient tout de même d’aborder cette question succinctement, pour une meilleure compréhension de la relation entre immigration, éducation et protestantisme.
58À la différence des premières écoles des colonies, les écoles protestantes n’étaient pas destinées prioritairement aux enfants d’immigrants, mais à la population locale en général. Néanmoins, comme l’essentiel de la population protestante de l’Araucanía des premières décennies du XXe siècle provenait des milieux immigrés, principalement allemands, anglais et suisses, il s’est produit une relation étroite entre les immigrants, leurs descendants et les projets éducatifs protestants. Il s’agissait, en général, de projets plus ambitieux que les précédents qui essayaient de couvrir plusieurs catégories de population, en particulier, la classe moyenne urbaine et la population indienne.
59Ces établissements naquirent en relation directe avec les projets missionnaires protestants originaires principalement des États-Unis. Parmi eux il faut signaler ceux qui étaient associés aux Églises adventistes, baptiste et méthodiste.
60Les adventistes commencèrent assez tôt leur activité éducative, en créant en 1905 l’école Filadelfia dans une zone rurale mapuche, et en 1906 le collège adventiste de Temuco qui fonctionne encore. D’autres écoles adventistes fonctionnent actuellement à Angol, Trovolhue, Pitrufquén et Villarica.
61Les baptistes menèrent leur projet le plus important à Temuco. Il s’agit du collège baptiste de Temuco appartenant à l’Union baptiste du Chili. Cette école a été fondée en 1922 comme une école de filles de 12 élèves sous la direction de la missionnaire américaine Agnes Graham. Cette école compta avec l’appui initial de la Convention baptiste du sud des États-Unis40. En 1923, l’école est devenue mixte et assura les enseignements jusqu’au deuxième niveau du secondaire41. Actuellement, en plus de l’école baptiste de Temuco, il y en a une à Padre Las Casas et une autre à Vilcún.
62Les méthodistes commencèrent leur mission enseignante en 1920 au nord de la région, dans les proximités d’Angol, avec l’école agricole El Vergel, sous la direction du pasteur Ezra Bauman dans l’enceinte d’une grosse propriété qui avait appartenu au fortuné agriculteur et banquier Manuel Bunster. Elle avait été acquise un an auparavant, en 1919, par la mission méthodiste42. Plus tard, en 1949, les méthodistes créèrent un établissement d’enseignement à Temuco, le collège méthodiste, administré actuellement par la première église méthodiste de Temuco. Une autre zone de développement du projet éducatif méthodiste dans la région se trouve à Nueva Imperial dans les années 1940, où comme à El Vergel, il fut question d’un enseignement agricole destiné aux enfants des paysans chiliens et des mapuches. Les activités d ´ enseignement à Nueva Imperial eurent un grand développement dans la décennie 1950, quand le Centre rural méthodiste de la Quinta « Ducan-Magnum » dirigeait vingt-huit écoles primaires, une école agricole, une polyclinique et deux coopératives43.
63Dans le cas de la ville de Temuco, les établissements adventistes, baptistes et méthodistes ont occupé (et sans doute occupent aujourd’hui), une place de premier ordre dans l’enseignent primaire et secondaire, au même niveau que des écoles catholiques prestigieuses. Cette reconnaissance et ce prestige de l’enseignement protestant dans un pays fondamentalement catholique est peut être une particularité de Temuco due à la très ancienne présence d’immigrants protestants parmi les élites et les couches moyennes de l’Araucanía.
Conclusion
64Dans la période comprise entre 1883 et 1915, les principales communautés d’immigrants européens se sont consolidées sur les territoires de colonisation de l’Araucanía. Parallèlement, ils ont occupé les secteurs urbains, soit parce qu’ils se sont déplacés vers les villes, soit parce que des nouveaux immigrants non-colons se sont incorporés aux activités urbaines en augmentant ainsi la présence de chaque communauté.
65Une bonne partie de ces immigrants, notamment allemands, suisses et anglais était protestante ou anglicane, ce qui a posé la question de la liberté de culte et d’enseignement non catholique dès le départ du processus de colonisation de l’Araucanía, dans la période de configuration de la société blanche dans une région jusqu’alors fondamentalement indienne.
66D’une certaine manière, l’éducation a été un terrain propice dans lequel chaque communauté d’immigrants a pensé et a mis en œuvre des stratégies pour conserver son identité d’origine et se projeter vers le futur. Deux facteurs fondamentaux ont justifié le développement de projets éducatifs distincts : la langue et la religion.
67Cela a été particulièrement vrai à propos des immigrants allemands et français, puisque l’école fut l’expression de deux projets éducatifs d’orientation différente : l’un de langue allemande et de tradition protestante, et l’autre de langue française et de tradition catholique. Cela dit, l’école eut un caractère plutôt laïque ou interconfessionnel et ouvert, bien qu’elle devînt un lieu de reconnaissance identitaire, au niveau linguistique et culturel, pour les enfants fils d’immigrants ou leurs descendants.
PERSONNES INTERVIEWÉES ET CONSULTÉES
68Nos plus sincères remerciements aux personnes ci-dessous signalées pour leur précieuse et généreuse collaboration.
69M. Armando Dufey, directeur du lycée agricole La Providencia de Traiguén, descendant de colons, 2004.
70M. Armando Lefenda, habitant de Faja Maisan, descendant de colons, historien local, 2004.
71M. Juan Salinas, professeur d’histoire et de géographie au collège baptiste de Temuco, 2005.
72M. Daniel Mardones, pasteur de la Société Evangélique du Chili à Temuco, 2005.
73M. Josef Hund Hund, descendant de colons de Pichi Chelle, 2005.
74M. Armando Fuentes, pasteur de l’Église anglicane de Temuco, 2006.
75M. Daniel Martínez, directeur du lycée agricole méthodiste « La Granja », chargé de l’Œuvre Rurale Méthodiste, 2006.
76M. Daniel Campos, pasteur de l’Église méthodiste d’Angol, 2006.
77Mme Rhoda Cullen Cox, professeure au collège Georges Chaytor, 2007.
78Mme Irene Hermosilla, professeure au collège Georges Chaytor, 2007.
Notes de bas de page
1 Ce texte est le fruit du projet DIUCT no 2003-1-02, « Flujos Migratorios, Identidad Cultural y Estructura Social de la Región de la Araucanía : Análisis del impacto sociocultural de los movimientos demográficos en la IX° Región desde la Antropología Histórica », financé par l’Universidad Católica de Temuco. Une première version en espagnol a été publiée sous le titre « Los colonos y la escuela en la Araucanía : los inmigrantes europeos y el surgimiento de la educación privada laica y protestantes en la Región de la Araucanía (1887-1915) », Universum, no 23, vol. 1, 2008. Nous remercions la Chaire des Amériques (IDA-Rennes) de l’opportunité qui nous a été offerte de revoir ce texte lors de notre séjour à Rennes et Natalia Zavala Monteiro pour le travail de préparation de cette version française. Nous remercions aussi infiniment Luc Capdevila, qui a eu la gentillesse et la patience de réviser ce texte, et Jimena Obregón Iturra dont les conseils et la lecture ont été d’un grand apport.
2 Memoria Anual del Ministerio de Relaciones Exteriores (MRREE), 1884, p. 135-158.
3 Le cadre juridique fondamental qui réglemente le processus de colonisation de l’Araucanía à propos des immigrants européens est donné par les lois de colonisation du 4 décembre 1866 et du 4 août 1874. Les territoires destinés à la colonisation ont été divisés en hijuelas (terres résultantes de la division), sous la forme de parcelles agricoles de 100 à 300 hectares environ. Elles étaient données gratuitement à ceux qui obtenaient sous certaines conditions la qualité de colons.
4 Il s’agit de quatre familles composées de 22 personnes (cf. entrevue avec Josef Hund).
5 En 1916 environ 25 familles résidaient à Temuco, elles étaient originaires de la ville de Bitolj en Macédoine (ancienne Monastir). En 1928 une école hébraïque fut inaugurée à Temuco. Elle fonctionna jusqu’à la moitié du XXe siècle (cf. Cohen J., Los judíos en Temuco, RIL Editores, Santiago, 2002, p. 48).
6 En 1920 la population arabe en Araucanía comptait 469 personnes, 445 en 1930. Elle était concentrée principalement à Temuco (cf. Rebolledo A., La integración de los inmigrantes árabes en la vida nacional : Los sirios en Santiago, Tesis licenciatura en Historia, PUC, Santiago, 1991, p. 78-79). Les nationalités présentes en 1920 étaient par ordre d’importance : saoudienne (207), syrienne (104), palestinienne (91), turque (66), égyptienne (1).
7 Les familles de colons comptaient cinq personnes en 1890 en moyenne (MRREE, 1890, p. 490).
8 En 1858 il y avait 22 écoles publiques (20 fiscales et deux municipales) dans la province d’Arauco : 12 étaient situées dans le département de Laja, 6 dans celui de Nacimiento et 4 dans l’Arauco (Serrano S., « De escuelas indígenas sin pueblos a pueblos sin escuelas indígenas. La educación en la Araucanía en el siglo XIX », Revista Historia, vol. 29, 1995-1996, p. 453). Vers 1879, dans le territoire de colonisation d’Angol il y avait 15 écoles (5 publiques, 8 privées et 2 missionnaires) : 6 étaient localisées à Angol, 5 à art. cit., p. 457).Collipulli, les autres étaient situées à Purén, Tijeral et Lumaco (ibid., art. cit., p. 457).
9 Ibid., p. 435.
10 L’importance des franciscains dans l’éducation se vérifie dans la présence toujours actuelle des écoles relevant de l’ordre de Saint-François dans les principales villes d’Araucanía. Parmi les écoles les plus anciennes figurent celles de Temuco (1885), d’Angol (1889) et de Lautaro (1895) [information de la Fondation éducationnelle de la conférence épiscopale du Chili, 2006].
11 Serrano S., art. cit., p. 447-448.
12 MRREE, 1888, p. 57-61.
13 MRREE, 1888, p. 57-61, 103.
14 Serrano S., art. cit., p. 442.
15 Bulletins de l’Alliance française (BAF), Paris, 1891, no 38, p. 129.
16 BAF, 1892, no 40, p. 68.
17 BAF, 1904, no 98, p. 308.
18 Revista Centenario, Corporación Alianza Francesa de Traiguén, Traiguén, 1991, p. 3.
19 BAF, 1894, no 51, p. 188.
20 BAF, 1906, no 105, p. 310.
21 BAF, 1892, no 41, p. 101-102.
22 BAF, 1893, no 45, p. 181.
23 Frey J., « Los colegios alemanes en Chile », dans Sociedad Científica Alemana de Santiago, Los Alemanes en Chile, t. 1, Editorial Universitaria, Santiago de Chile, 1910, p. 357.
24 Ende P., « Los colonos brandeburgueses en la Frontera », dans Sociedad Científica Alemana de Santiago, Los Alemanes en Chile, t. 1, Editorial Universitaria, Santiago de Chile, 1910, p. 67.
25 Ibid., p. 68.
26 Frey J., art. cit., p. 358-359.
27 Ibid., p. 360-361.
28 Ibid.
29 Ibid.
30 Ibid.
31 Jusqu’à cette date (1949) cette institution maintenait une étroite relation avec la Suisse. Un enseignement suisse germanique d’orientation protestante s’y était développé. Même s’il s’agissait d’une école laïque, le directeur de l’établissement et les professeurs provenaient des milieux protestants helvétiques. Par la suite, l’école s’est détachée progressivement des descendants de colons en s’ouvrant sur l’ensemble de la région. Elle s’est alors orientée vers l’enseignement technique professionnel axé sur la formation secondaire agricole des garçons, ce qui était en cohérence avec les caractéristiques économiques du lieu où elle était implantée. Depuis 1985, la spécialité forestière a été ajoutée à l’enseignement agricole. À présent l’établissement se nomme « lycée agricole et forestier suisse La Providencia » (cf. entrevue avec son directeur M. Dufey en 2004, et la documentation interne facilitée par lui).
32 Venezian S., Misioneros y maestros : la educación inglesa y norteamericana en Chile en el siglo XIX, Tesis licenciatura en Historia, PUC, Santiago, 1993, p. 23.
33 Venezian S., op. cit., p. 269; Bazley B., Somos Anglicanos, Iglesia Anglicana, Temuco, [1999], p. 105.
34 Venezian S., op. cit., p. 269.
35 Bazley B., op. cit., p. 105.
36 Jusqu’en 1984, Ethel Shilcock, déjà veuve de George Chaytor, continue d’être responsable de l’établissement. Cette année-là, elle en transféra l’administration au Centre des Parents et Tuteurs. La société immobilière Nueva Escocia a alors été créée avec des actions acquises par les parents. Cette société réalisa la construction d’un nouvel établissement et dirigea l’administration de ces biens immobiliers. À partir de 1990 l’école s’est développée, l’enseignement primaire étant complété par le secondaire. Dans les deux cas il s’agit d’un enseignement mixte (notice historique officielle du collège George Chaytor, 2006 ; et entrevue avec les professeures Irene Hermosilla et Rhoda Cullen, 2007).
37 Martínez M. et Arriagada Z., Antecedentes para una historia de la educación en Temuco, Seminario para optar al título de profesor de Estado en Artes Plásticas, Universidad de Chile, Sede Temuco, 1976, p. 41.
38 Ibid.
39 Mme Cullen, la plus ancienne enseignante du collège Georges Chaytor, fille d’immigrants installés à Temuco vers 1930, signale que déjà durant son enfance Temuco ne comptait pas avec une réelle communauté britannique.
40 Eddinger R., Historia del Colegio Bautista de Temuco 1922-1992, Colegio Bautista, Temuco, 1992, p. 38.
41 Ibid., p. 39-40. Aujourd’hui le collège baptiste de Temuco dispose d’un enseignement mixte primaire et secondaire reconnu par l’État et donne une importance spéciale à l’enseignement de l’anglais. Aux alentours de mille élèves ont été inscrits en 2005.
42 La grande propriété « El Vergel », domaine agricole de 1500 hectares, a été transformée en un important centre méthodiste d’enseignement agricole et de production. En plus de l’école agricole, fonctionnait un établissement « vocationnel » féminin (Vergara I., El protestantismo en Chile, Editorial del Pacífico, Santiago, 1962). Aujourd’hui seule fonctionne l’école agricole en qualité de lycée mixte avec enseignement secondaire, c’est-à-dire de la seconde jusqu’à la terminale. El Vergel dispose aussi d’un magnifique parc et d’un musée avec des pièces archéologiques et ethnographiques d’une grande valeur, ce qui témoigne de l’activité scientifique et intellectuelle réalisée par Dillman S. Bullock, professeur anglican arrivé au Chili des États-Unis en 1902, et converti au méthodisme.
43 Vergara I., op. cit., p. 64-65. À partir des années 1960, l’activité méthodiste enseignante dans la région a commencé à diminuer. La majorité de ces écoles a été incorporée dans l’enseignement public. Aujourd’hui, l’Œuvre Rurale Méthodiste maintient dans la région trois établissements classés dans la catégorie « privé subventionnés par l’État » : deux dans la zone de Nueva Imperial, le lycée agricole méthodiste La Granja (créé en 1993) et l’école primaire Rulo no 118 (créée vers 1945), et le dernier dans les environs de Loncoche : l’école primaire Lolo-Ruka no 22 (cf. entretien avec Daniel Martínez, 2006).
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