La raya de los pulares : institution d’une frontière indienne coloniale au sein du Valle Calchaquí (1582-1630)
p. 27-57
Texte intégral
1Les hautes vallées andines de l’ancienne province espagnole du Tucumán perdue aux confins méridionaux de la vice-royauté du Pérou ont longtemps constitué ce que l’on appelait à l’époque coloniale une « frontière », c’est-à-dire une zone dans laquelle les indiens qui y vivaient parvenaient à échapper à la sphère de domination de la couronne, et conservaient leur autonomie politique. Pendant près de cent trente ans, les indiens du corridor interandin partagé aujourd’hui entre les provinces argentines de Salta, Tucumán et Catamarca s’opposèrent avec succès à l’installation des colons espagnols, constituant une enclave insoumise particulièrement résistante, que seules les campagnes de déportation massives orchestrées entre 1659 et 1667 parvinrent à réduire définitivement. Cette enclave est passée à l’histoire sous le nom de Valle de Calchaquí1. Une nuance doit cependant être apportée à cette présentation : une partie de cette région avait déjà basculé dans l’obéissance coloniale, poussant nos sources – auteures en dernière instance de la géographie de contrôle – à l’exclure progressivement de cette zone grise où les dispositifs de domination restaient sans effet.
2L’objet de ce travail est précisément de revenir sur l’émergence progressive dans le discours historique d’une frontière physiquement marquée et politiquement signifiante, qui aurait isolé un ensemble de villages indiens vivant dans la partie la plus septentrionale du Valle de Calchaquí dès la seconde moitié du XVIe siècle : la raya de los Pulares. Cette ligne de démarcation singulariserait en effet une catégorie d’indiens, les « Pulares », dotés dans le corpus colonial et la tradition académique à la fois d’un territoire et d’une qualité propres, qui les distingueraient de leurs voisins encore compris sous l’appellation générique de « Calchaquíes » : leur plus grande docilité envers les colons, reconnaissable à l’épithète parfois accolée à leur nom de domésticos, épithète couramment employée à cette époque pour désigner les indiens soumis et intégrés aux structures coloniales.
3La question qui se pose à propos de l’apparition de cette ligne de fracture est celle de ses fondements : le changement d’attitude des indiens pulares vis-à-vis du pouvoir colonial révèle-t-il une césure beaucoup plus ancienne entre deux « groupes ethniques » déjà opposés auparavant, notamment dans leurs rapports avec une autorité antérieure – celle des Incas – ou doit-il être avant tout mis sur le compte de la nouvelle donne géopolitique induite par la pression coloniale ?
4Cette émergence est parfaitement datable, au moins pour ce qui concerne la période coloniale : elle se situe entre la fin du XVIe siècle et les deux premières décennies du suivant. Durant cette période, ces Pulares reçoivent peu à peu dans la documentation un traitement différent de celui de leurs voisins qui conservent quant à eux le qualificatif générique de « calchaquís » et « diaguitas », véritables marqueurs d’infidélité. Rompant avec l’affrontement permanent qui présidait à leurs relations avec les conquistadores du Tucumán depuis les premières années de la conquête du Tucumán, ces Pulares finissent par être intégrés dans la sphère de domination, se plient aux diverses prestations qui sont exigées d’eux (notamment économiques et militaires), et adoptent un mode de vie et une apparence conformes aux règles édictées par leurs nouveaux maîtres.
5Il ne fait guère de doute que l’adoption de cette attitude plus conciliante de la part de ces indiens s’explique en premier lieu par leur plus grande exposition à la pression coloniale et que leur séparation dans la documentation, matérialisée par le tracé d’une ligne de frontière interne au Valle de Calchaquí, est d’abord le reflet de leur changement de rôle dans l’économie de surveillance du Tucumán. Nous reviendrons brièvement sur la chronologie et les circonstances de cette séparation intimement liées à l’installation d’un fort noyau de peuplement espagnol autour de la ville de Salta dans les années 1580, et au renforcement des dispositifs de conquête qui s’en est suivi dans la première moitié du XVIIe siècle.
6Or si cette explication est généralement admise, on constate qu’elle est souvent remisée au second plan, comme le dernier avatar d’une position plus ancienne qui expliquerait le « choix de la compromission » fait par ces indiens. Ce débat se branche lui-même sur la question de la modélisation historique des relations entre groupes indiens dans la dernière période préhispanique, et en particulier sur celle de la reconstitution des modalités de domination de l’État inca à la veille de la conquête espagnole et de la désarticulation du Tawantinsuyu, période qui fait elle-même l’objet de grandes spéculations. Il s’agirait donc de savoir si ce choix de la compromission – si tant est qu’il y ait eu choix – fait par les Pulares ne serait pas la répétition d’une stratégie antérieure de négociation et de collaboration avec le pouvoir inca, qui leur aurait permis de jouir d’un statut privilégié au sein de la province de Chicoana dont ils sont réputés avoir été les habitants. Cela supposerait une remarquable permanence dans la capacité de décision politique de ces Pulares, considérés dès lors nécessairement comme une entité plus ou moins homogène, capacité qui n’aurait pas été fondamentalement altérée par les conséquences de la conquête, ce qui ne va pas sans poser quelque problème.
7On l’aura compris, à travers la remise en perspective de cette séparation Pulares/Calchaquí, nous aimerions poser la question de la détermination des données ethnographiques coloniales de l’ancien Tucumán par un impératif méthodologique qui semble subsumer tous les autres : la reconstruction de la présence et de l’organisation de l’empire inca dans la région, véritable point de fuite de toute étude sur le passé indien de la région.
8Nous commencerons par un rappel chronologique en deux temps. Nous dresserons d’abord un bref état des lieux de cette lointaine région perdue au sud du Pérou au moment des premières expéditions de conquête des années 1540. Cela nous permettra notamment de faire le point sur la perception de cette lointaine marge du Tawantinsuyu par des conquistadores formés à la réalité péruvienne. Nous poursuivrons cet état des lieux par un aperçu chronologique de l’installation progressive des dispositifs de domination coloniale sur les populations indiennes, et en particulier la mise en place d’une classification mouvante des différents groupes du Valle Calchaquí, intimement liée aux impératifs de surveillance et de mise au travail des indiens concernés. Disons-le d’emblée, c’est à notre avis ce processus qui aboutit à la création de la catégorie des domésticos pulares, à la création d’une frontière à la fois concrète et symbolique entre eux et les habitants des villages encore appelés Calchaquíes.
9Dans un second temps, nous suivrons l’émergence au sein des études archéologiques et ethnohistoriques d’une « culture » pular distincte. Nous privilégierons deux moments : le stade fondateur des premières recherches archéologiques dans la région, qui dotent la césure coloniale d’un statut scientifique, avant de nous intéresser aux reconstitutions plus récentes, menées depuis les disciplines complémentaires de l’ethnohistoire et l’archéologie. On verra que ces reconstitutions, prises le plus souvent sous l’ombre portée de l’expansion inca, accréditent en général la thèse d’une différence ethnique nette, et tendent à sous-estimer les conséquences de la situation coloniale.
Conquête et colonisation des hautes vallées andines du Tucumán
Premiers témoignages sur la conquête inca
10Les premiers témoignages espagnols dont on dispose sur cette région proviennent des participants à l’expédition de conquête du Tucumán, dirigée par Diego de Rojas, Felipe Gutiérrez et Nicolás de Heredia, qui séjourna sur place entre 1543 et 1546. Les seuls témoignages directs qui nous soient parvenus sont contenus dans l’información de servicios de Pedro González de Prado, un des rares personnages de quelque renom qui ait survécu à l’expédition et n’ait pas été taillé en pièces par Francisco de Carvajal, le bras droit de Gonzalo Pizarro, à son retour au Pérou en pleine guerre civile. Toutes les autres informations sont contenues dans les chroniques de Cieza de León (1554), Diego Fernández « El Palentino » (15712) et Pedro Gutiérrez de Santa Clara (16033). En dépit de leur manque de détails sur le monde indien ces informations sont néanmoins de toute première importance pour plusieurs raisons. En premier lieu parce qu’elles nous donnent un aperçu de la région et de ses habitants avant la conquête espagnole, et en second lieu parce que cet aperçu est orienté par l’expérience péruvienne de ces conquistadores (ils viennent tous du Pérou et ont tous, à des degrés divers, participé à la conquête du Tawantinsuyu). Leur description du Tucumán et en particulier de ses habitants originaux est de ce fait clairement informée, modelée, par un arrière-fond incaïque. C’est donc logiquement qu’ils reconnaissent tel ou tel trait culturel ou qu’ils identifient un chemin inca (camino del inca) dans le Valle Calchaquí, par exemple. Concernant plus précisément ce dernier endroit, l’ensemble des témoins rapporte l’existence de « provinces », dont plusieurs qui correspondaient sans doute à des subdivisions ou wamani du district impérial du Tucumán4 : la province de Chicoana et celle de Quire-Quire ; une troisième, Tucuma proprement dit, étant située à l’est des Andes du Tucumán, c’est-à-dire à la lisière de la plaine tucumano-santiaguègne. Naturellement, la mention ponctuelle de ces « provinces » a suscité beaucoup plus d’interrogations que de certitudes, et leur délimitation exacte constitue toujours un morceau de choix pour les archéologues5. On s’accorde cependant à considérer que la province de Chicoana, qui va nous intéresser de plus près ici, commençait dans la partie nord du Valle Calchaquí et s’étendait vers le nord jusqu’à Talina, dans l’extrême sud de l’actuelle Bolivie. Elle était limitrophe vers le sud de l’autre « province » inca de cette région inter-andine, Quire-Quire (ou Quiri Quiri) qui s’étendait pour sa part sur le reste du corridor interandin formé par les vallées des río Calchaquí et Santa María, jusqu’aux vallées de Hualfín et (peut-être) d’Abaucán, dans l’actuelle province argentine de Catamarca, ainsi que sur certaines zones des versants orientaux de l’Aconquija6. Les infrastructures mises au jour par plus d’un siècle de fouilles archéologiques ne laissent aucun doute quant à la pénétration inca sur ce territoire, même si de sérieuses interrogations subsistent quant à l’emplacement des capitales de ces provinces – en particulier celle de Quire-Quire7 –, et si leurs limites exactes sont toujours sujettes à caution. Les premiers témoignages espagnols sont d’ailleurs assez confus sur le sujet : Chicoana est ainsi tout à la fois une province (provincia), une ville et une vallée (valle). Quant à Quire-Quire, les choses ne sont guère plus claires : Cieza de León évoque ainsi un pueblo que ha por nombre Quirequire que es en el cabode la provincia e valle de Chiquana8. Enfin, la description des indiens rencontrés dans ce qui ne s’appelle pas encore le Valle de Calchaquí laisse quelque peu perplexe dans la mesure où aucun des témoins ne les rapproche véritablement des Incas. Les « seigneurs » rencontrés semblent notamment ne pas partager grand-chose aux yeux des Espagnols avec les orejones de Cuzco. Cieza rapporte notamment une rencontre entre Diego de Rojas et un seigneur et/ou cacique (il emploie indistinctement les deux termes) de Capayán, et une seconde entre Nicolás de Heredia et un cacique diaguita appelé Lindo dans lesquelles on aurait du mal à reconnaître le moindre trait péruvien9.
11Le cas de Chicoana est particulièrement mystérieux si l’on considère que les troupes de Rojas et celles d’Heredia séjournèrent longtemps et à plusieurs reprises à proximité de la ville de Chicoana10, considérée comme la capitale de la province (et généralement identifiée par les archéologues comme le site de La Paya, à quelques kilomètres au sud de la ville actuelle de Cachi11). Pour mémoire, et contrairement à d’autres endroits comme les environs de la future Santiago del Estero, à aucun moment il n’est fait mention des aptitudes quechuistes de ses habitants, alors que les conquistadores « péruviens » ne manquent jamais de le signaler. De même, contrairement aux indiens de la « province de Tucuma », au sujet desquels Cieza précise que fueron señoreados por los incas, il n’est d’ailleurs pas non plus fait mention ici d’un quelconque lien avec les seigneurs de Cuzco. González de Prado est on ne peut plus expéditif lorsqu’il évoque los indios de Chicoana, indios de guerra12. On ne peut naturellement se limiter à constater le silence de ces premières sources – dont nous venons de souligner le caractère extrêmement parcellaire – pour affirmer l’absence de tout lien avec le pouvoir cuzquénien. D’autres sources et d’autres éléments, notamment archéologiques, confirment sans l’ombre d’un doute une présence impériale dans cette partie septentrionale de la vallée. On s’étonnera tout de même qu’aucun trait culturel impérial n’ait été relevé lors du passage de ces troupes espagnoles, alors qu’il semble que quelques années auparavant Diego de Almagro, en route pour le Chili et accompagné par le frère de l’Inca Manco Paullu, avait pu bénéficier d’un accueil favorable en plusieurs endroits de l’actuelle région andine du nord-ouest argentin13. Même si l’on peut avancer l’hypothèse d’une décomposition des structures impériales consécutives à la déroute de l’Inca et au chaos qui a suivi les premières années de la conquête espagnole, cette absence reste frappante.
12On avancera une série de conclusions prudentes à partir de la relecture de ces premières chroniques :
13Premièrement, si l’implantation inca semble indéniable, au vu notamment des infrastructures, et notamment des réseaux de communication, les premiers témoignages de conquistadores pourtant rompus à la réalité « péruvienne » laissent perplexe quant à la présence d’une autorité représentant l’Inca. Les señores locaux mis en scène dans les premières chroniques ne partagent quasiment aucun trait avec leurs homologues de l’Altiplano.
14Deuxièmement, leur passage et leur séjour à Chicoana, notamment, ne semble pas avoir éveillé chez ces conquistadores « péruviens » de nettes réminiscences incas, contrairement à d’autres régions visitées dans ces premières années de conquête des terres australes : les témoignages cités par Cieza consignent explicitement un lien avec les Incas pour la « province » de Tucuma, et on pourrait citer d’autres cas : Gerónimo de Vivar, par exemple, souligne également ce lien chez les habitants de la province de Cuyo, dans sa chronique écrite en 1558 qui relate la traversée de la région par Francisco de Villagrá et ses hommes, en route vers le Chili14. Il s’agit là d’un élément important pour notre enquête, puisque ces habitants du Valle de Chicoana ont toujours été identifiés aux Pulares dans les sources postérieures.
15Mais n’allons pas trop vite : avant l’extrême fin du XIXe siècle, la question de la conquête inca de la région et, plus encore, de l’influence « culturelle » et politique de la domination cuzquénienne sur le comportement différencié des groupes indiens de la région ne fait pas véritablement débat. Concernant plus directement les Pulares, elle n’est même pratiquement jamais évoquée.
Des pulares indios de guerra aux domésticos pulares
16Pour bien situer le débat, nous allons maintenant retracer à grands traits l’émergence d’une ligne de séparation qui débouche sur une catégorie pular nettement différenciée dans la documentation de l’époque. Nous nous limiterons à ébaucher la trame chronologique d’un processus qui part de la dénomination d’un groupe particulier d’indiens de guerre et débouche sur l’émergence d’une catégorie coloniale d’indiens « amis ». Il s’agit en d’autres termes de suivre le retranchement progressif des Pulares d’un ensemble marqué du sceau de la désobéissance en raison de son opiniâtre et violente résistance à la colonisation effective de ces terres : l’ensemble Calchaquí15. Cette séparation des Pulares de l’ensemble calchaquí se fait en trois temps.
Les débuts de la conquête du Tucumán : 1543-début XVIIe siècle
17Dans les premières décennies de conquête et de colonisation de la région, les Pulares font partie aux yeux des Espagnols des indiens de guerre de la région des vallées interandines du Tucumán destinés à être soumis et distribués en encomienda aux conquistadores, et sont compris sous l’appellation générique de Diaguitas, par opposition aux Juríes des terres basses de l’est des montagnes. Pour être plus précis, ils sont les indiens « de guerre » du Valle de Chicoana, et comptent d’ailleurs parmi les premiers cités dans un titre d’encomienda distribué dès 155216 par le gouverneur Nuñez de Prado depuis l’éphémère ville de Barco II, située à l’intérieur du Valle Calchaquí17. À partir du soulèvement attribué par les autorités espagnoles à Juan Calchaquí, cacique de Tolombón, ils sont compris sous la catégorie de calchaquíes, et leurs terres sont considérées comme partie intégrante du « Valle de Calchaquí ». Juan de Matienzo, oídor de l’Audience de Charcas, dont dépendait la province de Tucumán, confirme cela sans aucune ambiguïté dans un document datant de 1566. Dans ce dernier, une lettre adressée au Roi dans laquelle il plaidait pour l’ouverture d’une voie de communication entre le Haut Pérou et le Río de la Plata, il inclut clairement la zone située entre « el puerto que se pasa para entrar en el Valle de Calchaquí18 » et Chicuana, pueblo de Calchaquí, dans l’ensemble Calchaquí19. Les indiens de cette région participent d’ailleurs à toutes les actions de guerre contre les tentatives de colonisation du Valle Calchaquí par les Espagnols, dont la destruction de Córdoba de Calchaquí en 1562 et celle des deux fondations avortées de San Clemente de la Nueva Sevilla en 1577. Ils sont vraisemblablement ceux qui pourchassent les survivants de Córdoba en los llanos de Salta20 en 1562, et ceux qui font échouer lamentablement la seconde tentative du gouverneur Gonzalo de Abréu de refonder San Clemente dans cette même vallée en 1577 peu de temps après avoir été délogé manu militari des environs de la première Córdoba, qu’on s’accorde généralement à situer dans les environs de l’actuel village de San Carlos21.
18C’est également en tant que Calchaquíes qu’ils subissent de plein fouet les conséquences de la première grande campagne de pacification, organisée en 1588 par le gouverneur Ramírez de Velazco pour consolider la ville de Salta, refondée en 1582 par son prédécesseur, Hernando de Lerma22, mais qui était restée sans effet véritable, les quelques pobladores y résidant n’étant pas en mesure de soumettre les indiens locaux, à de rares exceptions près23. Dans une lettre au vice-roi du Pérou d’avril 1587, Ramírez de Velasco regrettait en effet que « aunque a cinco años que se pobló [esta ciudad de Salta] no le sirve yndio24 », une situation qui durait depuis la fondation de la ville25 ; pour remédier à cet état de fait, le gouverneur entreprend une expédition de conquête de plusieurs mois à partir de cette même ville, qui se solde par plusieurs prises d’esclaves et une « pacification » au moins provisoire. Pour Ramírez de Velasco et l’ensemble des instances coloniales, il ne fait aucun doute que les Pulares font partie de l’espace calchaquí, et que leurs terres sont incluses dans le Valle de Calchaquí, dont elles constituent la porte d’entrée. Sa campagne commence par là : « Entré en este valle […] a los quatro [de abril] por indios chicoanas, ques el principio deste valle » et la pacification s’achève également au même endroit : « Bolberé el valle arriba a confirmar az y poniendo cauze en todos los asientos y pueblos y tornaré a salir por los chicoanas y pulares26. »
19C’est à partir de ce moment, du renforcement de la ville de Salta comme noyau de peuplement, que leur traitement dans la documentation espagnole s’infléchit insensiblement. On commence à souligner une différenciation dans leur comportement social et politique : contrairement aux autres indiens du Valle Calchaquí, ils remplissent leurs obligations vis-à-vis de leurs encomenderos, tous vecinos de la ville de Salta, ils se rendent à leurs tours de mita et acceptent la visite des missionnaires. Les documents relatifs aux encomiendas (titres, renouvellement) et les rapports de missionnaires (Cartas Anuas) sont d’ailleurs pour beaucoup dans la matérialisation de cette différence dans le discours colonial.
Deuxième époque : des premières années du XVIIe siècle au soulèvement de 1630
20C’est lors de cette période de transition, que l’on peut faire courir des premières années du XVIIe siècle jusqu’au début de ce qu’il est convenu d’appeler le « grand soulèvement » des années 1630-1640 que s’imprime avec le plus de force la marque du pouvoir colonial sur les populations pulares. Symptomatiquement, la partie de la vallée du río Calchaquí où se situent leurs villages est désormais retranchée du Valle Calchaquí. Alors que jusqu’à présent, comme nous venons de le voir, on y entrait en venant de Salta por Pulares y Chicoana27, l’entrée se fait désormais après les villages pulares. C’est ainsi qu’en 1622, los de sa visite dans ces vallées, l’évêque du Tucumán peut décrire son chemin depuis Salta, indiquant qu’il le poursuit « por los pueblos de los yndios pulares y chiquanas hasta entrar como entró en este dicho valle de Calchaquí28 ».
21Et pourtant, le chemin est toujours le même : de Salta, le bon évêque emprunte la même quebrada de Escoipe par laquelle était passé Ramírez de Velasco en 1588. Ce retranchement du territoire occupé par les indiens pulares de l’espace de barbarie et d’insoumission propre aux Calchaquíes à la même époque en dit long sur la profondeur des transformations qu’ils ont subies et qui les font apparaître systématiquement comme l’exemple des progrès de la foi et de la policía cristiana. Dans la littérature missionnaire notamment, ils sont systématiquement cités en contrepoint de leurs voisins encore calchaquíes, marqués du sceau de la barbarie, de l’apostasie et de la fureur sylvestre. Ces transformations affectent l’ensemble de leur existence.
22On insiste tout d’abord sur leur changement d’apparence. Ils portent tous les stigmates de l’intégration coloniale : dès les toutes premières années du XVIIe siècle, on sait grâce aux écrits des missionnaires jésuites qu’ils ont adopté l’apparence « standard » des « indiens du Pérou » (vêtements et coupe de cheveu en particulier29). Dans la géographie missionnaire, dont on connaît la dimension symbolique et exemplariste, les Pulares occupent donc le pôle positif, et ce dès les premiers pas de la Compagnie de Jésus dans les vallées interandines. Il est vrai qu’ils y sont arrivés tard, alors que les colons et encomenderos de Salta étaient déjà solidement installés. Leur vision axiologique des sociétés indiennes est donc fortement tributaire des transformations déjà effectuées30.
23Second point, déjà évoqué : contrairement aux autres indiens du Valle Calchaquí, qui sont en théorie soumis aux mêmes obligations qu’eux mais ne les remplissent pour ainsi dire jamais, ils se plient aux exigences des deux principales modalités de travail forcé qui touchaient les indiens du Tucumán : mita et encomienda. Une lettre du Père Diego de Torres, incluse dans la Carta Anua de 1609 soulignait déjà comme corrolaire à la bonne disposition de ces Pulares qu’ils remplissaient leurs devoirs coloniaux : « Habrá treinta años que salen algunos indios varones a servir a las ciudades de San Miguel y de Salta31. »
24Vingt ans plus tard, le rapport du gouverneur Felipe de Albornoz ne laisse aucun doute sur le sujet, et souligne on ne peut plus clairement qu’il s’agit là d’un trait qui les sépare de leurs voisins :
« La ciudad de Lerma del valle de Saltatiene por partidos el de los guachipas chicuanas, pulares y calchaqui en estas ciudades son gruesas las encomiendas y pueblos de los indios porque los ay de a ciento y doscientos mas hase de advertir que los mas de los indios del dicho valle de calchaqui no estan subjetos ni pagan tributo y aunque entran algunas veces los españoles es con prevención de yr armados y haciéndose escolta y en junta de veinte o más, excepto a los primeros pueblos que esos acuden a la subjeción y cargas y obligación que tienen por ordenanzas32. »
25Enfin, et il s’agit là d’un point capital qui mériterait d’être approfondi, contrairement à leurs voisins, ces indiens ont été regroupés dans des villages de réduction disposés par les Espagnols : l’auteur de la Carta Anua de 1632-1634 parle on ne peut plus explicitement de reducciones o pueblos de indios amigos33, tandis que d’autres documents laissent clairement entendre que les villages de ces indiens sont des villages de réduction. C’est notamment le cas de la reducción de San Cristóbal de los Pulares, boca de la quebrada de Escoipe34, mentionnée en ces termes en 1670, mais dont nous savons qu’elle avait déjà la physionomie d’un village de réduction au moins au début des années 163035. Il n’est d’ailleurs pas impossible que ces indiens aient été installés à cet endroit bien avant, puisqu’un document de 1586 nous indique que des indiens pulares vont s’établir – ou retourner – s’installer à cet endroit avec la bénédiction de Bartolomé Valero, qui cumule pour l’occasion sa qualité d’encomendero, ce qui suppose un lien direct de domination sur ces indiens, et celui de teniente de gobernador et justicia mayor, qui lui permet de leur attribuer une merced de tierra… dont il sera le premier bénéficiaire36. Il serait intéressant d’obtenir des renseignements complémentaires sur ces villages durant la période qui nous occupe, pour parvenir à une datation plus exacte du processus de « réduction » de ces indiens. Malheureusement, en l’état actuel de la documentation, on devra s’en tenir à cette présentation parcellaire. Tout au moins sait-on que les deux principales encomiendas « primitives » des indiens pulares, celle de Bartolomé Valero déjà évoquée et celle d’Hernando Arias Velázquez (qui comprenait les indiens atapsis, chicoanas et payogastas, tous établis au cœur du Valle de Calchaquí, vraisemblablement dans les villages du même nom37) ont donné lieu au moins en partie à un aménagement colonial de l’espace de vie de ces indiens. Cette modification profonde de la nature des villages pulares expliquerait d’ailleurs en partie pourquoi on cesse progressivement dans la documentation de les inclure dans l’espace calchaquí, et pourquoi une frontière réelle vient matérialiser la rupture symbolique opérée par leur soumission et leur intégration dans les dispositifs coloniaux.
El « gran alzamiento38 » et le point de non-retour
26Le point de non-retour est atteint à la fin 1630 avec le déclenchement d’une nouvelle période de guerre ouverte. Les Pulares combattent contre leurs voisins dans les troupes espagnoles en tant qu’indiens amis. Tout commence avec l’attaque par un fort contingent d’indiens de l’hacienda d’un encomendero du nom de Juan Ortiz de Urbina située à l’intérieur du Valle de Calchaquí, dans un endroit appelé Acsibi (ou Accibil). Cette attaque se solde par la mort de l’encomendero, de son beau-frère, de leurs femmes, du fils du premier et ainsi que par l’enlèvement de quatre jeunes filles et la mort d’un certain nombre d’indiens de service39. Un moulin appartenant à un autre puissant encomendero de Salta, Juan de Abréu, fils de l’ancien gouverneur Gonzalo de Abréu, est également mis à sac et détruit dans la foulée40. Une expédition punitive est aussitôt lancée depuis Salta pour reprendre les quatre jeunes filles. C’est là que se produit la rupture irrémédiable : la troupe qui mène une dure répression contre les assaillants est renforcée pas des auxiliaires recrutés dans les villages pulares, ce qui déclenche une série de représailles terribles, ainsi que le décrit très clairement le gouverneur Felipe de Albornoz :
« Porque en esta facción y pelea fueron los nuestros ayudados de algunos yndios amigos, mataron sesenta y quatro piezas de cierta parcialidad dellos llamados de atapsi41. »
27D’autres attaques suivent, contre les autres villages ou réductions pulares :
« [El enemigo] dio una mañana a quatro leguas de donde yo iva marchando en un lugar que se llama Escoype, donde rrobó quanto en él había matando diez y ocho personas y llevandose más de treinta piezas cautivas quemando la casa del doctrinante y la yglesia y gran cantidad de arinas que estaba allí encostalada y recogida para el sustento del campo42. »
28La situation des alliés du gouverneur devient assez rapidement intenable, et oblige les autorités à les protéger, dans un premier temps par une garnison garantissant leurs villages du nord du Valle de Calchaquí contre de nouveaux raids :
« Y esto mismo hubieran hecho en los pueblos de los pulares y chicoanas, como hicieron en los de escoype y atapsi, a no haver prevenido el remedio con presidio de quarenta españoles que puse en los chicoanas luego que llegué a Salta para seguro y amparo de los indios amigos43. »
29Cependant, devant l’impossibilité de contenir la fureur des voisins et parents calchaquíes44 de ces Pulares, le gouverneur Albornoz se voit très vite dans l’obligation de procéder au déplacement temporaire de l’ensemble de la population des villages de ces indiens amis, qui sont provisoirement installés en dehors du Valle Calchaquí, dans une réduction établie à cinq lieues de Salta45 :
« Se recogieron los pueblos porlares, chicuanas y otros en número de ochocientos que con sus familias se salieron huyendo del dicho Valle y se vinieron a poblar al valle de Salta46. »
30Ces réfugiés durent rester plusieurs années dans ce sitio de los Pulares47 avant de pouvoir regagner leur village et reprendre un contact qu’on imagine peu cordial avec leurs voisins calchaquíes, durement éprouvés par les campagnes militaires successives menées contre eux. Il resterait à comprendre la raison des – relatifs – égards pris par le gouverneur et les autorités locales vis-à-vis des Pulares, que l’on protège, et à qui l’on accorde un traitement de faveur, puisqu’ils sont exemptés de tout tribut le temps que dureront les opérations militaires :
« Despaché luego órdenes para su buen tratamiento, y haciendo un fuerte donde asisiesen veinte españoles con su cabo para su mayor guarda y defensa, y encargando mucho al sargento don Pedro de Abrego, teniente de la dicha ciudad, que mirase por ellos sin consentir ni dar lugar a que se les hiciesse agravio ninguno, y relevándolos de tasa durante la guerra48. »
31Une exemption fiscale confirmée par au moins deux documents de justice implique deux encomenderos de ces indiens amis. Tout d’abord Andrés de Frías y Sandoval, qui venait de recevoir en encomienda une partie des Pulares réduits dans les environs immédiats de Salta49. Un cadeau empoisonné, de son point de vue, puisque cela le met en porte-à-faux vis-à-vis de l’administration, qui lui reproche de ne pas payer l’impôt qu’il doit sur cette encomienda. Il se défend, arguant que « no debe pagar ni satisfacer respecto de haber estado y estar los dichos indios y todos los demás de aquel distrito ocupados en la guerra contra el Valle de Calchaquí, aviéndose venido voluntariamente de sus tierras, como tan leales a la amistad y servicio de los españoles50 ».
32Le second document concerne une plainte déposée contre Francisco Arias Velázquez par le cacique principal de Cachi, un village pular dépendant d’un autre encomendero, Juan Silverio del Sueldo. Don Felipe Lame, le cacique en question, en appelle en effet au protecteur des indiens (protector de naturales) de Salta contre Francisco Arias Velázquez au motif que celui-ci les a forcés à travailler en violation des exemptions accordées par le gouverneur, pour solder une dette que leur encomendero avait contractée avec lui51. Le lieutenant du gouverneur de Salta, Pedro de Abréu ne peut que rappeler la décision du gouverneur et désavouer le coup de force d’Arias Velázquez, qui doit trouver un autre moyen de récupérer son dû qu’en se payant sur les indiens de son débiteur, rendus provisoirement intouchables…
33La raison de ce traitement de faveur, est assez facile à comprendre. Elle renvoie directement à la fonction spécialisée de ces indiens dans la province du Tucumán à ce moment-là. Le gouverneur Albornoz tient à les ménager :
« Por ser estos indios la mayor fuerza de amigos que hoy tiene aquesta provincia, y de cuyo seguro y fidelidad ha pendido y pende el de aquella ciudad y las de Jujui y Esteco52. »
34En d’autres termes, les indiens des villages ou réductions pulares constituent en ce début de XVIIe siècle le corps d’auxiliaires le plus important pour la défense des villes du nord et de l’est de la province et, sans doute, pour les opérations menées contre les groupes hostiles à la paix espagnole. Il a d’autant moins le choix qu’il sait que l’alliance avec eux est fragile, et qu’ils pourraient tout aussi bien rejoindre la confédération qui s’est levée contre les Espagnols, sous l’effet de sollicitations, amicales ou forcées. L’installation du fortin de Chicoana, dès le début du conflit, visait d’ailleurs avant tout à les isoler, autant pour les protéger que pour les empêcher de basculer de l’autre côté, ainsi que nous le dit le témoignage d’un certain Alvaro de Padilla Aguilera, à qui avait été confiée la responsabilité de la garnison :
« [Se halló] por orden del governador don Felipe de Albornoz en la defensa del fuerte de los chicoanas por cavo de doze soldados que le entregaron y mediante su asistencia y diligencia y cuidado amparó a los indios que estavan en aquellos pueblos y no les dio lugar a que se rebelasen con los demás enemigos que mataron a Juan Ortiz de Urbina53. »
35On aurait tort en effet de prendre au pied de la lettre l’appellation trompeuse d’indiens amis, et d’inférer de l’attitude des Pulares à l’occasion de ce conflit une relation d’alliance privilégiée avec le pouvoir espagnol. La qualité d’« amis » correspond souvent en temps de guerre à celle de domésticos en temps de paix54. En d’autres termes, il est loin d’être sûr que les Pulares que l’on retrouve dans la troupe espagnole y soient allés de gaîté de cœur et qu’ils aient même eu le choix. On remarquera d’ailleurs que les autorités espagnoles n’ont pas lésiné sur les mesures destinées à leur montrer la voie : outre l’installation dissuasive du fuerte de los chicoanas, que nous venons de voir, il est probable que la dure répression qui toucha les indiens de Luracatao, qui faisaient partie des encomiendas de Pulares, ait contribué à convaincre les autres de ne pas s’opposer à la volonté des Espagnols. Ces indiens avaient en effet pris fait et cause pour les assaillants des estancias de Juan Ortiz de Urbina et de Juan de Abréu, en dépit de l’identité calchaquí dont ils étaient réputés être porteurs, preuve supplémentaire de la relativité de ce genre de classifications, et qu’ils avaient été sévèrement « pacifiés55 ». En fait d’alliance véritable et consentie, jusqu’à preuve du contraire, il faudra donc considérer la participation des Pulares aux côtés des Espagnols comme la marque d’un rapport de forces défavorable. Les indiens de Famatina se retrouvent dans la même situation quelques années plus tard : une fois vaincus, ils sont contraints de rejoindre les troupes espagnoles56. Il en ira de même des Tolombones et Paciocas – Calchaquíes entre les Calchaquíes – au terme de la campagne de 1659 : pour sceller la paix qu’on leur « propose », ils doivent intégrer la force militaire espagnole et combattre contre leurs ex-alliés de Quilmes57, avant d’être affectés plus spécifiquement à la défense de l’est de la province contre les premières incursions des indiens mocovíes58. Le gouverneur Albornoz sait d’ailleurs parfaitement que la qualité d’« amis » peut avoir une durée de validité très courte et qu’elle est relative, ainsi qu’il l’exprime à propos de la répression menée dans les environs de La Rioja par « le […] capitán don Leandro Ponce de León que con treinta españoles y cantidad de amigos (si algunos se pueden llamar así)59 ». La participation des Pulares au soulèvement de 1658-59 illustre d’ailleurs parfaitement la fragilité de ce qui ne peut être considéré comme une alliance proprement dite60.
La « raya de los pulares »
36Il est possible que des conflits locaux aient opposé certains Pulares à certains de leurs voisins auparavant61, de même que d’autres conflits éclataient régulièrement entre groupes compris sous la même appellation calchaquí. Mais la guerre commencée en 1630, et qui allait se prolonger durant de nombreuses années, devait avoir des conséquences beaucoup plus profondes et durables, dans la géopolitique indienne du Valle de Calchaquí et dans le quadrillage de l’espace mené par les Espagnols. On a vu que la perception du territoire occupé par ces « indiens amis » s’était profondément modifiée dès les années 1620, au point de conduire nos sources à exclure leurs villages du Valle de Calchaquí proprement dit. Cet épisode institutionnalise à plus long terme une frontière territoriale et politique qui n’existait pas auparavant ou en tout cas n’était pas explicitement mentionnée comme telle dans la documentation au sein du Valle de Calchaquí. Désormais, les Pulares apparaissent systématiquement séparés de leurs voisins calchaquíes par une ligne étanche qui passerait entre le village – calchaquí – de Pompona et, le village d’encomienda – pular – d’Atapsi62 théâtre, nous l’avons vu, d’un raid particulièrement sanglant en 1630, en représailles à la participation de ses habitants aux campagnes militaires des Espagnols de Salta. Cette ligne de démarcation reçoit d’ailleurs un nom particulièrement expressif sous la plume du gouverneur Mercado y Villacorta : la raya de los pulares, une expression qui alterne avec celle équivalente de confines de los pulares63, également utilisée par le Père Hernando de Torreblanca, ancien missionnaire qui avait participé aux opérations de guerre et de déportation en tant qu’aumônier64. En effet, dans un rapport de campagne écrit fin octobre 1659, au terme de la dernière période de guerre ouverte dans la région, alors qu’il remonte le Valle de Calchaquí pour soumettre l’ensemble des factions qui avaient suivi le fameux Inca sévillan du Tucumán Pedro Bohórquez65, Mercado y Villacorta indique ainsi que la troupe se trouve a la raya de los indios pulares, dans le village de Pompona et qu’il se dispose à se rendre al pueblo de Atapsi, que es el primero de dicho balle de los pulares y dista poco más de dos leguas de este dicho sitio66. Avec ce terme de raya on a ce qui s’apparente le plus à ce qu’on entend aujourd’hui sous le nom de « frontière » : une ligne de démarcation séparant nettement deux territoires et deux populations nettement délimités67. Atapsi, logiquement se trouve [en el] Valle de los Pulares68. Selon cette géographie de contrôle dont les critères sont aiguisés par les impératifs immédiats de la guerre, le Valle de Calchaquí compte très précisément « 30 leguas de largo desde el pueblo de los Quilmes […] hasta el de Pompoma en que se acavan por aquí sus tierras y empiessan las de los indios domésticos pulares69 ».
37Le quadrillage de l’espace effectué par Mercado y Villacorta dans ses rapports de campagne est important dans la mesure où il émane du « pacificateur » en chef de tous les groupes indiens du couloir interandin, et surtout de l’architecte de leur future déportation, d’où le souci qui l’anime de bien circonscrire chacun d’entre eux, sur un plan géographique et politique. D’autre part, le regard de Mercado intervient au terme du processus d’ethnification – du moins à la période coloniale – des groupes pulares que nous suivons depuis le début de ce travail. On constate que près de trente ans après la guerre qui institua dramatiquement la rupture symbolique (et physique !) entre deux blocs de population diaguita au sein du Valle de Calchaquí, les coordonnées de ces deux ensembles n’ont pas bougé. Les Pulares réinstallés dans la réduction construite pour eux en 1632 aux portes de Salta avaient finalement pu regagner leurs villages d’origine, onze ans plus tard70, mais ils restaient marqués par leur particularité d’« indiens de paix », « amis », ou « domestiques », trois qualificatifs pratiquement interchangeables dans la nomenclature politique de la conquête. La Carta Anua de 1644 donne ainsi une présentation assez stable de cet espace intégré à l’orbite coloniale, et de ses habitants :
« En el extremo septentrional de los valles hay siete pueblos de los indios pulares, con cerca de dos mil habitantes, que sirven a los españoles y profesan la ley cristiana, aunque son muy ignorantes de ella71. »
38La vision projetée par les autorités provinciales va plus loin encore, en ajoutant une unité géographique – ici encore de nature symbolique mais tout à fait opérative – avec l’apparition d’un valle de los pulares qui ne correspond à aucune réalité :
« Allanó dicho gobernador veinte y cuatro leguas del Valle de Calchaquí y catorce del Valle de los Pulares72. »
39Nous en arrivons là au nœud de la question : l’origine de la césure que nous indiquent les sources entre l’ensemble des indiens appelés pulares et leurs voisins renvoie directement à leur position respective dans l’économie de contrôle de la province espagnole à partir des années 1620-1630. Elle n’apparaît que tardivement dans nos sources et se présente clairement comme le produit d’une transformation politique d’origine coloniale. Les Pulares cessent d’être considérés comme des indiens de guerre – et, partant, partie intégrantes de l’ensemble calchaquí, synonyme de diaguitas de guerre pour cette région depuis la guerre de 156273 – pour devenir un modèle d’intégration et de soumission. Le fondement de la séparation entre deux secteurs d’un même espace sociopolitique indien – le Valle de los pulares et le Valle de Calchaquí – est clairement une opération symbolique dont la nature opérative ne fait aucun doute74. La raya de los pulares est une frontière de guerre, un dispositif politique hétéronome qui matérialise la capacité de disciplinement de l’espace social dont dispose le pouvoir colonial. Elle n’est pas une frontière de type ethnique, elle n’exprime pas la séparation entre deux « groupes ethniques » suivant des facteurs internes ou traditionnels : cette perspective est le fruit d’une naturalisation postérieure.
40D’Atapsi vers le nord, les indiens portent la marque de la sujétion coloniale, ils évoluent dans un espace quadrillé, discipliné, ils remplissent leurs obligations, effectuent leurs tours de mita et obéissent aux sollicitations de leurs encomenderos. Ils vivent dans des villages de réduction, sont dûment enregistrés75, ont des églises, et portent jusque sur leur corps la marque de leur intégration au système colonial.
41Au sud d’Atapsi, en revanche, les effets disciplinaires cessent de s’appliquer, ou s’appliquent avec une efficacité moindre : les encomenderos ne parviennent toujours pas à mobiliser « leurs » indiens, qui ne sont pas recensés (empadronados), la Compagnie de Jésus s’est heurtée à un échec retentissant, malgré plusieurs installations permanentes, et a dû renoncer. Surtout, toutes les tentatives pour y installer une ville afin d’intégrer enfin cet espace résistant à la géographie de contrôle de la province restent vaines, et ce jusqu’aux campagnes de déportation des années 1659-1667. En d’autres termes, à la veille de ces campagnes, le Valle de Calchaquí reste une « frontière interne », au sens où les colons l’entendaient à l’époque : un espace d’insoumission où l’autonomie des groupes indiens qui y vivaient restait effective. On comprend mieux dès lors l’étanchéité affirmée de cette raya de los pulares : dès lors que les habitants des villages situés au nord de cette ligne sont identifiés à leur fonction coloniale d’indiens d’encomienda et d’auxiliaires militaires, ils ne peuvent plus faire partie de la catégorie calchaquí. Ils sont par ailleurs recensés et intégrés dans un espace parfaitement organisé, et défini en fonction de leurs liens de dépendance : sept encomiendas76 et un nombre fini de villages, qui varie de huit à neuf en fonction des documents et des études77.
42La fin de la première phase de « pacification » menée à bien par Mercado y Villacorta nous donne d’ailleurs une confirmation paradoxale de l’usage du terme de raya comme frontière absolue, ligne de démarcation, marque ultime de l’espace de souveraineté conquis par les armes espagnoles : en 1659, l’ensemble du Valle de Calchaquí est soumis, à l’exception de la portion méridionale qui s’ouvre sur les terres dominées par les indiens de Quilmes et s’achève avec celles des indiens ingamanas. En bonne logique militaire, cet espace jusque là parfaitement identifié au Valle de Calchaquí78 en est progressivement retranché, laissant apparaître une raya de los Quilmes79 qui n’était jamais apparue auparavant, mais que l’avancée de la troupe venait de matérialiser : l’espace calchaquí, désormais pacifié, ses occupants étant soit déportés soit maintenus sur place comme indiens amis concerne désormais « las veinte y siete [leguas] que ay desde los Quilmes a Pompona80 ». De même que la raya de los pulares marquait l’avancée ultime de la domination coloniale vers le sud de la vallée du río Calchaquí, de même cette raya marque le terme géographique de la campagne de 1659, qui différencie nettement deux régions définies par leurs relations respectives avec le pouvoir espagnol.
Des domésticos pulares aux chicoanas incaïques : parallèles et équivoques
L’ombre portée du Tawantinsuyu
43La généalogie de cette séparation d’origine coloniale repose donc sur une abondance de faits et il semble difficilement discutable de contester la progression d’un processus largement documenté, même si l’établissement des sources est souvent difficile étant donné leur éparpillement et leur pauvreté.
44Une autre explication est cependant généralement avancée, qui recueille la faveur d’un grand nombre de spécialistes, tant dans le champ des études ethnohistoriques que dans celui de l’archéologie historique. En effet, cette même raya de los pulares est souvent invoquée indépendamment de son contexte d’émergence comme la preuve documentaire d’une différence fondamentale entre Pulares d’une part, Calchaquíes ou Diaguitas de l’autre. Selon cette lecture, la césure entre ces deux blocs de population ne renverrait pas au nomos colonial81 mais bien à une différence profonde et ancienne, de type ethnique, et qui exprimerait une altérité radicale antérieure, apparemment résistante aux réaménagements coloniaux. La frontière absolue nommée par le gouverneur Mercado y Villacorta et ses contemporains en 1659 est notamment censée reproduire un antagonisme et une différence de comportement datant de l’époque préhispanique, au moment où cette même région était divisée entre les provinces incas de Chicoana et Quire Quire. Selon cette interprétation l’attitude conciliante des Pulares ne serait plus à mettre uniquement sur le compte d’une transformation coloniale. Elle reproduirait, à plus d’un siècle de distance ce qu’on suppose avoir été la stratégie des mêmes Pulares vis-à-vis du pouvoir inca au sein de la province de Chicoana : transiger, collaborer pour pouvoir bénéficier d’un statut privilégié, leur permettant notamment un accès aux meilleures terres82. Leur participation aux campagnes des années 1630 contre les Calchaquíes aurait d’ailleurs été motivée par la perspective d’une exemption du tribut promise par les autorités espagnoles que nous venons d’évoquer. Ils reproduiraient en l’espèce une alliance tactique dictée par leur « tradition négociatrice83 », une « tradition » qui, visiblement, avait la vie dure puisqu’elle sut résister à près d’un siècle de confrontation coloniale – avec tout ce que cela comporte en termes de perte d’autonomie politique, de conséquences démographiques, de déstructuration, etc. – en ancrant l’identité pular dans la continuité du jeu politique prêté aux représentants de l’Inca, par-delà l’intervention espagnole.
45Pour bien comprendre l’origine et la portée de cette hypothèse fondée en partie sur l’interprétation des documents de l’époque coloniale, il convient de revenir sur plusieurs points. En premier lieu sur l’ancienneté du traitement particulier accordé aux Pulares dans le corpus savant, toujours en relation avec la fameuse province inca de Chicoana. Il faut ensuite revenir sur le poids de la conceptualisation plus récente de la situation sociopolitique de la région durant la chronologie archéologique connue comme « période des développements régionaux » (periodo de desarrollos regionales) – qu’on fait généralement courir du Xe siècle à l’arrivée des Incas – qui organise en partie le discours de l’archéologie historique, ainsi que sur le rôle organisateur prêté à l’intervention centralisatrice des Incas selon cette modélisation historique.
Éric Boman et les Pulares atacameños
46La première étude portant sur le cas spécifique des Pulares est à notre connaissance un article publié par l’archéologue Éric Boman en 191684. Il serait trop long d’entrer ici dans le détail du contexte de rivalités académiques qui opposait cet auteur à l’autre grand spécialiste du passé préhispanique du nord-ouest argentin, Juan Bautista Ambrosetti autour de l’identification des civilisations précolombiennes des vallées interandines85. Disons seulement qu’au moment où cette étude était publiée, cela faisait des années qu’une polémique parfois acrimonieuse opposait les deux hommes. Alors qu’Ambrosetti affirmait l’autonomie culturelle et politique des anciens habitants de la région, qu’il appelait Calchaquíes, Boman soutenait la thèse d’une « filiation ando-péruvienne » directe86 de ces mêmes habitants, qu’il nommait pour sa part Diaguitas, dans un souci évident de démarcation de son propre champ académique.
47Dans cet article, il classifie comme « Pulares » les habitants originels des ruines de l’établissement préhispanique de Tinti (Tin Tin), au sud de la vallée de Lerma, à partir de la comparaison de ses propres relevés et de ceux effectués sur les sites de La Poma et La Paya (le site supposé de la Chicoana inca), situés quant à eux au cœur du Valle de Calchaquí, ainsi que sur différents sites de la Quebrada del Toro87.
48Ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, c’est que ce travail est le premier à établir une différenciation de type ethnique ou « culturel » entre ces Pulares et les indiens situés en aval de la vallée du río calchaquí à partir de relevés archéologiques. Il s’agit en effet de « establecer comparaciones que permiten, por decirlo así, identificar a los antiguos habitantes de este pueblo prehispánico y establecer sus afinidades con las tribus que antes de la conquista poblaron los valles de Salta88 ».
49Cette différenciation, fondée sur l’affirmation d’une origine atacamègne de ces indiens – et donc extérieure à la région des vallées interandines –, s’accompagne naturellement d’une convocation de sources historiques. Les documents coloniaux ont pour fonction à la fois de confirmer la territorialisation de la « tribu » pular et d’établir son altérité radicale vis-à-vis des Diaguitas voisins. Concernant la circonscription de leur territoire, Boman affirme que « esta región coincide con la que los historiadores dan como la ocupada por la tribu llamada pulares89 », qui correspondrait au nord du Valle de Calchaquí et à ses quebradas transversales, ainsi qu’au sud du Valle de Lerma. Pour ce faire, il reprend donc logiquement les documents de la seconde grande « révolte » des années 1630 qui, nous l’avons vu, prononcent la matérialisation dramatique du dispositif de séparation entre les Pulares « amis » – auxiliaires des troupes de pacification – et les Calchaquí, Diaguitas rebelles, objectifs de soumission d’une campagne militaire sans précédent90.
50En ce qui concerne l’établissement des preuves socioculturelles d’une différenciation entre Pulares et Diaguitas, Boman s’appuie sur l’un des rares textes du début du XVIIe siècle ayant connu une diffusion importante (toutes proportions gardées) dès son écriture : une lettre en italien des deux premiers jésuites (Juan Romero et Gaspar de Monroy)91 à avoir effectué des missions volantes parmi les indiens du Valle de Calchaquí, depuis la ville de Salta. Ce rapport, adressé en 1601 au procureur de la Compagnie de Jésus à Lima, le père Diego de Torres, devait être inclus par ses soins dans sa Nouvelle histoire du Pérou, un « succès de librairie » qui connut plusieurs éditions en italien et en français entre 1603 et 160492. Il s’agit d’un texte très caractéristique de la propagande jésuite, qui visait avant tout à vanter le rôle essentiel des ouvriers de la Compagnie dans les progrès de la foi parmi les indiens de l’Amérique du sud. Il met notamment en scène une confrontation on ne peut plus exemplaire entre des indiens pulares baptisés et un groupe de Diaguitas, « venus d’un village voisin », parés de tous les attributs de la barbarie et peu disposés à céder aux injonctions civilisatrices de leurs interlocuteurs. C’est ainsi qu’un vieux cacique endurci dans sa rudesse, confit dans sa superstition et fort satisfait d’une apparence qui semble épouvantable aux bons Pères se laisse aller à une bravade en réponse au sermon de l’un d’eux :
« Nosotros no hemos de dejar nuestras costumbres, ni cortarnos el pelo como los demás – dijeron eso por los pulares bautizados poco antes, que se iban cortando el pelo a imitación de los indios del Perú93. »
51Plus qu’une différence de nature, il ressort de cette citation une dichotomie entre bons indiens disposés à embrasser la policía cristiana et ses signes extérieurs. Boman, ainsi que la plupart de ses contemporains qui commentèrent ce texte, préférèrent y voir une confirmation par des témoins oculaires spécialisés – des experts – de la différence socioculturelle entre deux entités ethniques distinctes :
« Este testimonio de los PP. Romero y Monroy, en cuanto a la diferencia entre diaguitas y pulares, es importante, pues conocían a fondo estos pueblos, entre los cuales obraran como misioneros94. »
52Il faut sans doute voir ici la prévalence en ces temps positivistes du souci taxinomique, d’une pratique scientifique recherchant d’abord la mise en évidence d’objets discrets, bien délimités, ainsi que la matérialisation plus prosaïque d’une lutte de pouvoir au sein du champ académique, chacun des protagonistes s’attachant à gagner le plus de prestige possible en imposant « son » objet – les Pulares atacameños, spécimen séparé des Diaguitas ou Calchaquíes sans doute trop associés à la production de ses concurrents. Au-delà de la seule circonstance de ce débat intellectuel et cette concurrence académique, on retiendra surtout ici la mise en évidence d’une entité pular bien distincte, séparée du reste.
53Pour ce qui est de la méthode on retiendra également l’une des premières manifestations de la procédure circulaire de vérification des informations servant à établir cette identité discrète : les documents historiques de l’époque coloniale ne sont là que pour illustrer et confirmer une hypothèse archéologique. Les « données » archéologiques, quant à elles, doivent servir à parer d’une matérialité indiscutable l’interprétation des sources coloniales. Malheureusement dans ce jeu d’expertises croisées, la rigueur n’est pas toujours de mise, et il semble évident ici par exemple que les informations tirées du document convoqué ne peuvent être acceptées sans un travail de contextualisation. Il s’agit d’un morceau de bravoure tiré d’un document de propagande missionnaire, et donc nécessairement orienté par une perspective de « conquête spirituelle ». Qui plus est, le « témoignage » des bons Pères doit absolument être réinscrit dans la chronologie de la conquête tout court de ce territoire : il intervient tard, à un moment où les Pulares ont déjà basculé dans la sphère d’obéissance coloniale dont nous venons de retracer l’installation progressive.
Des « domésticos pulares » aux Chicoanas incaïques
54Il est évident que pour la connaissance des sociétés indiennes préhispaniques, on ne peut s’en tenir à l’archéologie positiviste des pères fondateurs. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts des ríos Calchaquí et Santa María depuis la controverse que nous venons d’évoquer. Après une assez longue période moins productive, les recherches archéologiques se sont développées autour d’une problématique plus fortement historicisée et plus sensibles aux dynamiques sociopolitiques. C’est le cas en particulier depuis la fin des années 1970 et plus encore depuis la fin de la dernière dictature argentine : les recherches de terrain ont pu reprendre un cours normal et ont même bénéficié de plusieurs gros programmes de recherche nationaux et internationaux. Sur le plan théorique, on assiste par ailleurs à une plus grande collaboration interdisciplinaire, qui permet une série d’échanges théorico-méthodologiques de grande importance pour la reconstruction du passé indien immédiatement antérieur à la conquête espagnole. Les moyens modernes ont permis de cerner d’un peu plus près la physionomie des infrastructures incas et d’avancer de nouvelles hypothèses concernant les réseaux de pouvoir et d’alliance tissés dans cette région. On a désormais une idée un peu plus précise de ce qu’a pu être l’occupation inca, que les dernières hypothèses, fondées sur de nouvelles datations, font remonter à une période antérieure de plusieurs décennies à celle généralement admise jusqu’ici95.
55Concernant les Pulares, on assiste à un net durcissement de la différenciation, le particularisme pular se trouvant de plus en plus accusé. Cette certitude renforce en retour la particularité historique de la province inca de Chicoana, dont le peuplement et la réorganisation semblent avoir présenté des différences notables avec celle voisine de Quire Quire96. Pour confirmer cette différence radicale qui caractériserait les Pulares préhispaniques, identifiés aux habitants de Chicoana, les archéologues qui ont travaillé récemment dans cette zone septentrionale du couloir interandin du NOA97 combinent les techniques propres à l’archéologie (reconstitution des sites, études des styles de céramique, datation des strates) et les informations collectées par leurs collègues ethnohistoriens à partir du corpus colonial, c’est-à-dire les sources écrites léguées par l’occupation espagnole.
56En l’occurrence, ils font appel aux travaux des rares spécialistes qui se soient intéressés au cas pular. Le travail qui a le premier émis l’hypothèse d’une différenciation ethnique des populations indiennes du nord des vallées calchaquies et des contreforts occidentaux de la vallée de Lerma est une longue et minutieuse étude publiée il y a plus de vingt ans98, qui n’a fait l’objet depuis lors que de rares relectures critiques99. Il s’agit d’un travail très documenté, qui se proposait, selon une perspective interactionniste barthienne assez rigide100, de rendre compte des multiples « groupes ethniques » de l’ensemble des vallées andines, segmentées en trois zones : l’extrême nord du Valle de Calchaquí (occupé par les Pulares), le centre, qui correspondrait au territoire dominé par les indiens de Tolombón et Pacioca, et le sud, contrôlé par les indiens Quilmes et Yocaviles101. Le point faible de ce travail par ailleurs fondamental (Ana María Lorandi l’a elle-même souligné dans un article paru récemment) est que les deux auteures se fondent d’abord sur les documents relatifs à la campagne militaire de 1659 destinée à mettre fin au soulèvement provoqué par Pedro Bohórquez, le fameux Inca du Tucumán. Concernant les Pulares, il s’agit donc de documents postérieurs au processus de transformation coloniale que nous avons évoqué tout à l’heure102. Même si de nombreuses autres références plus anciennes sont citées et visent à dynamiser un peu la perspective, les contours du « groupe ethnique » pular n’en apparaissent pas moins largement informés par l’action du pouvoir espagnol au moment clé, et l’enquête régressive menée dans ce travail part de fait d’une situation de subordination qui est une conséquence de près de quatre-vingts ans d’intégration effective dans les dispositifs coloniaux. Au terme de leur analyse, et en se fondant – déjà – sur des conjectures archéologiques, elles avancent l’hypothèse d’une différenciation ancienne du « groupe ethnique » pular, lançant l’idée qui fit florès que leur alliance avec les Espagnols pourrait reproduire une tactique qui s’était avérée payante d’une alliance passée avec les mitimaes installés à Chicoana pour représenter l’autorité impériale. On retrouve par exemple cette théorie dans un article récent cosigné par l’une des auteures du travail pionnier que nous venons de mentionner :
« The region’s people were moved around extensively, with some groups such as the Tucumanos and Pulares receiving notable benefits, and others, such as the recalcitrant Calchaquíes, losing the bargain103. »
57Il faut reconnaître que cette hypothèse était séduisante, dans la mesure où elle apportait une réponse au traitement particulier réservé aux Pulares par les sources ; même si, comme nous l’avons vu, ce traitement spécifique d’une entité pular distincte s’intensifiant au fur et à mesure que le processus de conquête espagnole progresse conduirait plutôt à privilégier l’hypothèse d’une production coloniale de cette différenciation. Cependant, comme toute hypothèse de travail, elle méritait d’être vérifiée et discutée, dans la mesure du possible. Ainsi que nous l’avons déjà exposé ailleurs104, plusieurs de ses présupposés méritent d’être remis en perspective. C’est le cas notamment de la maîtrise particulière du quechua qu’on prête à ces indiens, qui viendrait étayer cette hypothèse d’une fréquentation assidue des représentants de l’Inca. Cette hypothèse est fragile, elle ne repose que sur quelques rares occurrences qui semblent relever plus vraisemblablement d’un usage colonial que d’un héritage impérial. Il est notamment symptomatique que les quelques pulares que l’on voit s’exprimer en quechua soient tous associés à un contexte d’interlocution avec les colons de Salta, et toujours dans le cadre de l’encomienda dont ils sont le représentant auprès des autorités105. Un dépouillement plus systématique des sources montre sans équivoque qu’on trouve des exemples similaires dans l’ensemble de la région dès qu’il y a contact prolongé avec le monde colonial, pour la bonne et simple raison que les Espagnols avaient propagé la lengua general comme lingua franca, et qu’elle était devenue une langue de communication coloniale106. Il est de même extrêmement étonnant que les missionnaires, jésuites qui, tous, recevaient une formation de quechua et, pour certains d’entre eux, d’aymara, n’aient à aucun moment noté cette aptitude particulière des Pulares, d’autant que cela les aurait arrangés : ils se plaignaient régulièrement des difficultés qu’ils avaient à apprendre le kakan. Au contraire, les témoignages descriptifs les plus anciens dont on dispose, qui traitent spécifiquement de la question de la langue affirment que le kakan est la langue de tous les indiens, depuis La Rioja jusqu’à la Puna, et même dans les environs de Santiago del Estero :
« Acabase este valle cerca de la puna de los yndios de Caçabindo que están cerca de los chichas cuya lengua hablan demas de la suya natural ques la diaguita107. »
« La caca usan todos los diaguitas y todo el balle de calchaquí y el balle de Catamarca y gran parte de la Nueba Rioja, y los pueblos casi todos que sirven a Santiago, así los poblados en el río del Estero como otros muchos que están en la sierra108. »
58Les exemples de Pulares parlant quechua cités à l’appui de cette thèse sont également très tardifs, puisqu’ils datent des années 1632 et de 1659, soit respectivement cinquante et soixante-treize ans après la fondation de Salta, c’est-à-dire plusieurs décennies après l’incorporation effective des Indiens pulares au système d’encomienda.
59Qu’il s’agisse de leur qualité d’« amis » des Espagnols ou de leur aptitude à parler la langue générale du Pérou vers le milieu du XVIIe siècle, il nous semble imprudent de disjoindre la différenciation de ces indiens de l’action transformatrice du système colonial espagnol. Cette réserve est d’ailleurs explicitement signalée par les premières auteures qui formulèrent cette hypothèse d’une origine préhispanique de la conduite coloniale de ces indiens :
« Cualesquiera que sean las opciones que se elijan o elaboren a partir de lo anteriormente explicitado para comprender el proceso de transformación de la sociedad pular, el punto de llegada es invariable : la incorporación forzada al sistema colonial español109. »
60Malheureusement, ce qui était une reconstitution hypothétique de la géopolitique indienne antérieure à la conquête espagnole, voire à la conquête inca, reconstitution assortie de doutes méthodologiques et de tâtonnements plus ou moins prudents, s’est mué avec le temps en une sorte de « tradition », reprise sans critique par les meilleurs auteurs sans qu’ils ressentent le besoin de la vérifier.
61Or cette différence qui se matérialise par une frontière physique – la raya de los pulares – ressemble à s’y méprendre à une projection vers le passé du « portrait du Pular en colonisé ». En d’autres termes, cette hypothèse d’une conduite coloniale des Pulares en quelque sorte calquée sur leur position supposée sous la domination inca donne lieu à une reconstruction en miroir, leur compromission sous la domination espagnole servant à son tour à rétro-alimenter l’hypothèse archéologique selon laquelle ils auraient bénéficié d’un statut de faveur à l’époque des Incas en échange de leur alliance110.
62Il est vrai que c’est une hypothèse tentante, dans la mesure où elle permettrait de proposer à titre théorique l’extension au Tucumán d’une pratique dont on sait qu’elle avait cours dans d’autres régions mieux connues de l’empire, les Incas accordant certaines prérogatives aux populations locales alliées, afin d’asseoir leur autorité111. Elle entre également en résonance avec la conceptualisation sociopolitique de la dernière étape de la périodisation archéologique communément acceptée de la région, appelée période des « développements régionaux » (Desarrollos Regionales). D’après cette dernière, la région serait entrée vers le début du XIVe siècle dans une période de création de chefferies (señoríos) veillant jalousement sur leur territoire, se définissant en opposition nette avec leurs voisins, et marquant de claires limites territoriales par la construction d’ouvrages défensifs112.
63Les caractéristiques spatiales et sociopolitiques de cette dernière période préhispanique antérieure à l’avènement du Tawantinsuyu sont certainement intervenues en partie pour confirmer cette vision d’une « culture » pular113 en opposition structurelle avec ses voisins immédiats, d’autant que certaines hypothèses archéologiques (appuyées également sur la reconstruction more incaico de la conduite des Pulares au XVIIe siècle) font coïncider la frontière entre les provinces de Chicoana et Quire-Quire avec la raya de los pulares du gouverneur Mercado y Villacorta114. Cette conceptualisation de la dernière phase préhispanique antérieure à l’arrivée des Incas comme une consolidation territoriale de groupes en perpétuelle rivalité pour l’accès aux ressources naturelles et le contrôle du territoire est donc un argument de plus versé au dossier de l’ancienneté de l’identité pular. Elle est d’ailleurs reprise par certains spécialistes de l’expansion de l’État inca pour expliquer l’intégration tactique des Pulares dans le schéma de domination impériale : ils y auraient trouvé un moyen plus efficace qu’auparavant de s’affirmer au niveau local, les moyens de l’État cuzquénien apparaissant comme supérieurs à ceux que leur développement socioculturel antérieur à l’apparition de l’État inca leur permettait de mobiliser115.
Discussion finale
64Cette affirmation d’une altérité radicale des habitants de la partie nord du Valle Calchaquí ancienne et résistante aux changements pose une série de problèmes. Elle « traditionnalise » une césure qui nous semble fortement tributaire des changements induits par la conquête espagnole.
65Nous ne discutons pas le bien-fondé de la reconstitution (passionnante) de l’organisation des provinces inca de Chicoana et Quire Quire telle qu’elle est en train d’apparaître. On doit probablement admettre également que les indiens appelés Pulares par les Espagnols ont fait partie des habitants de la province de Chicoana. Il n’est pas impossible non plus que ces indiens aient entretenu des relations tendues avec leurs voisins à un moment de leur histoire, et qu’ils aient été une pièce du diagramme impérial inca dans la province de Chicoana. Mais de là à conclure à une frontière identitaire irréductible et immémoriale comme facteur déterminant de leur compromission coloniale, il y a un pas que l’étude des sources historiques devrait interdire de franchir.
66La reconstitution des alliances face aux premiers colons espagnols durant les premières décennies de la conquête indique sans aucun doute possible une confédération qui inclut les indiens du nord du Valle Calchaquí. Ces derniers ont participé activement à la destruction des trois villes fondées dans le Valle Calchaquí et la vallée de Lerma : Córdoba de Calchaquí en 1562 puis quinze ans plus tard San Clemente de la Nueva Sevilla, installées successivement sur le site original de Córdoba puis dans la vallée de Lerma, à l’est du Valle Calchaquí où, si l’on veut bien s’en souvenir, ces Pulares auraient eu des terres. Si la guerre des années 1630-1640 constitue une véritable rupture, on retrouve le même territoire soulevé dès 1658 : l’information donnée par le Père Hernando de Torreblanca est très claire sur ce point, le danger pour les Espagnols est présent jusqu’aux points les plus septentrionaux de la région : « Iban llegando las nuevas ya de Londres ya de Acay, ya de que se convocaban los indios para dar sobre la ciudad de Salta para llevársela116. »
67Ces alliances indiquent clairement, nous semble-t-il, qu’il y a tout lieu de nuancer l’hypothèse de la prévalence d’une « tradition » de négociation et de collaboration avec l’envahisseur qui les différencierait des autres indiens appelés diaguitas et calchaquíes. En ces premiers temps coloniaux, il ne fait aucun doute que ce qui prévaut c’est une fluidité des alliances dans tout le couloir interandin du Tucumán contre les conquistadores espagnols. On n’en conclura pas pour autant à une identité totale de tous les groupes alliés, et encore moins à la fusion de tous dans une entité politique, ce que les sources invalident on ne peut plus clairement d’ailleurs117. Il est possible en effet que ces alliances aient été une conséquence plus ou moins durable de la pression coloniale, supportée à des degrés divers par tous les habitants autochtones de la région, pression qui aurait ainsi reconfiguré les équilibres géopolitiques. Mais si l’on admet cette capacité du facteur colonial à provoquer ce genre de reconfigurations, il faudra accepter aussi son rôle déterminant dans l’imposition d’une conduite chez les indiens incorporés à son espace de domination effective.
68Nous pencherions donc pour une lecture plus nuancée de l’influence du passé préhispanique des indiens du nord du Valle Calchaquí sur leur conduite coloniale. On peut admettre à titre d’hypothèse que certains aient effectivement fait partie d’une organisation sociopolitique autonome en rivalité avec leurs voisins du sud. Même si une autonomie similaire a été constatée chez la plupart de la région, on peut éventuellement supposer également que cette autonomie correspondait en l’espèce à la position qu’ils occupaient dans la province inca de Chicoana pour des raisons conjoncturelles, qui trouvent leur explication dans l’équilibre géopolitique en vigueur à cette époque précise. En l’état actuel de la documentation historique sur la région, il nous semblerait imprudent d’aller au-delà. La conduite différenciée des indiens du nord du Valle Calchaquí, dont nous avons retracé l’émergence, est manifestement le produit d’une transformation coloniale. Il est d’ailleurs plus que probable que la catégorie exemplaire « domestiques pulares », systématiquement mise en opposition dans nos sources avec la barbarie et l’insoumission calchaquí n’ait pas recouvert exactement les contours des groupes indiens que l’on suppose avoir joué un rôle clé dans la province de Chicoana. Cette catégorie semble surtout avoir servi à désigner l’ensemble des indiens soumis habitant les villages d’encomienda de la partie septentrionale du Valle de Calchaquí et des contreforts occidentaux de la Vallée de Lerma, qui correspondaient à la juridiction de Salta.
69Le fait qu’il y ait actuellement une tendance très nette à privilégier une détermination culturelle ancienne dans la conduite coloniale des Pulares nous semble indiquer surtout une domination territoriale, dans le champ de la recherche, des travaux sur l’expansion inca aux dépens de l’étude des sources et des processus historiques coloniaux. La reprise systématique de l’hypothèse heuristique d’une détermination chicoana dans la compromission coloniale des Pulares a en effet l’avantage de fournir des éléments permettant de reconnaître au Tucumán – et singulièrement dans la province de Chicoana – une politique impériale avérée dans d’autres régions de l’empire.
70Sans sous-estimer l’intérêt de la toile de fond préhispanique de la conquête du Tucumán, qui reste encore à dévoiler, il nous semble qu’il faudrait rééquilibrer l’ensemble du tableau et tenir davantage compte des profondes mutations provoquées par la domination espagnole. Il est peu probable que les Pulares, qui comptaient parmi les plus exposés des indiens du Valle Calchaquí à la pression coloniale, aient fait exception à cette règle. C’est en tout cas ce que le suivi du processus historique de leur transformation sociale et politique en indiens « amis » sous l’effet des différents dispositifs de sujétion, de contrôle et de mise au travail propres au système colonial entre la fin du XVIe siècle et le premier tiers du XVIIe suggère fortement. La raya de los pulares serait donc avant tout un marqueur territorial qui différencierait deux espaces à la fois concrets et symboliques de la géographie coloniale.
ARCHIVES UTILISÉES
AHT | Archivo histórico de Tucumán |
AHPC | Archivo histórico de la Provincia de Córdoba |
AGI | Archivo General de Indias |
Notes de bas de page
1 Étant donné qu’il s’agit d’un territoire déterminé et délimité par son histoire et qui ne correspond pas à ce qu’on entend aujourd’hui par Vallées Calchaquíes, nous avons fait le choix de conserver la dénomination qui avait cours aux XVIe et XVIIe siècles.
2 Sa chronique date de 1571, mais l’auteur a séjourné au Pérou à partir de 1553 et a pu recueillir un certain nombre de témoignages directs.
3 Pour une présentation synthétique et claire de ces premières approches de l’espace du Tucumán primitif, voir Bixio B. et Berberián E., « Primeras expediciones al Tucumán : reconocimiento, valor del espacio y poblaciones indígenas », Andes, no 18, 2007 (en ligne).
4 Verónica Williams détaille clairement cette organisation administrative impériale : « Provincias y Capitales. Una visita a Tolombón, Salta, Argentina », Xama, no 15/18, 2005, p. 177-198. L’usage du terme provincia est assez polysémique. Quelques réflexions sur ce point dans Lorandi A. M. et C. Bunster « Reflexiones sobre las categorías semánticas en las fuentes del Tucumán colonial. Los Valle de Calchaquíes », Histórica, vol. XIV, no 2, 1990, p. 281-316.
5 Williams V., « Provincias y Capitales… », art. cit.; D’Altroy T., Lorandi A. M., Williams V., Calderari M., Hastorf C., DeMarrais E. et Hagstrum M., « Inka Rule in the Northern Calchaquí Valley, Argentina », Journal of Field Archaeology, 27, 2000 (dorénavant D’Altroy et al.), p. 1-26.
6 « La provincia de Quire Quire habría comprendido el extremo sur del valle Calchaquí, todo el valle de Yocavil y de Tafí, las vertientes orientales del Aconquija, el campo del Pucará, el valle de Hualfín y quizás el de Abaucán ». Cf. Rex González A., « Las “provincias” inca del antiguo Tucumán », Revista del Museo Nacional, 1982, vol. 46, p. 317-380 et p. 332. Pour une synthèse plus récente, D’Altroy et al., art. cit., p. 94.
7 Williams V., « Provincias y Capitales… », art. cit.
8 Cieza de León P., Guerras Civiles del Perú, t. II : Guerra de Chupas, chap. xciii, Madrid, García Rico, 1880, p. 324.
9 Ibid., p. 317-318.
10 Ibid., p. 315 sqq.
11 Plusieurs hypothèses subsistent néanmoins. Pour une discussion sur la question, cf. D’Altroy et al., art. cit., p. 94.
12 « Probanza de méritos y servicios del capitán Pedro González de Prado, 18-07-1548 » (à Cuzco), dans Berberián E., Crónicas del Tucumán. Siglo XVI, Córdoba, Comechingonia, 1987, p. 26. Voir notamment les questions XVII et XVIII de la probanza.
13 Bixio B. et Berberián E., op. cit., p. 1-2.
14 Crónica copiosa y verdadera de los reinos de Chile [1558], dans Berberián E., Crónicas del Tucumán, op. cit., p. 181.
15 Pour un suivi plus détaillé de cette évolution, voir Giudicelli C., « Encasillar la frontera. Clasificaciones coloniales y disciplinamiento del espacio en el área diaguito-calchaquí (siglos XVI-XVII) », Anuario IEHS, 2007, p. 161-212.
16 « Encomienda otorgada a Juan Bautista de Alcántara por el gobernador Juan Nuñez de Prado. 08-01-1552 » (dans la ville de Barco II) : « Atento que vos Juan Bautista de Alcántara soys persona hijodalgo e os hallastes conmigo con solos catorze hombres en el valle de Chicoana quando los yndios pulares me dieron a medianoche una guaçabara… » (Levillier R., Probanzas de méritos y servicios de los conquistadores, Madrid, 1919, t. I, p. 350-351).
17 « Carta del capitán Alonso Díaz Caballero 21-01-1564 », dans Jaimes Freyre R., El Tucumán colonial, Buenos Aires, Coni hermanos, 1915, vol. 1, p. 37.
18 Ce passage ne serait pas le col de l’Acay (actuel « Abra el Acay »), mais serait situé un peu plus au sud, d’après Vitry C., « La ruta de Diego de Almagro en el territorio argentino : un aporte desde la perspectiva de los caminos prehispánicos », Revista Escuela De Historia, Revista 6, année 6, vol. 1, no 6, 2007, p. 325-351.
19 « Carta a S.M. del licenciado Juan de Matienzo, oídor de la Audiencia de Charcas, 02-01-1566 », dans Jaimes Freyre R., op. cit., p. 53-72.
20 « Carta del capitán Alonso Díaz Caballero 21-01-1564 », loc. cit., p. 39.
21 « Continuación y fin de la probanzade los servicios del capitán Tristán de Texeda, yerno del capitán Hernán Mejía Miraval, uno de los fundadores de Córdoba. La presenta su hijo Hernando », dans Levillier R., Nueva crónica de la conquista del Tucumán, III, Buenos Aires/Varsovie, 1926, p. 385-410, question no 17.
22 « Auto hecho por el gobernador Hernando de Lerma, fijando los límites de la ciudad de Lerma en el Valle de Salta », 14-04-1582, dans Levillier R., Nueva crónica de la conquista del Tucumán, III, op. cit., p. 321. Sotelo Narváez P., « Relación geográfica de las provincias del Tucumán », dans Levillier R., Nueva crónica de la conquista del Tucumán, III, Buenos Aires/Varsovie, 1926, p. 324-332.
23 Un document relativement ancien témoigne de l’inclusion précoce des indiens les plus proches de Salta dans le régime de l’encomienda : « Calibay, cacique de los indios pulares encomendados pide y obtiene para su tribu las tierras donde vivieron sus antepasados. 01-02-1586 », dans Cornejo A. et Vergara M., Mercedes de tierra y solares, 1583-1589, Salta, Imprenta San Martín, 1938, p. 198-199.
24 « Carta del gobernador D. Juan Ramírez de Velasco al virrey del Perú, conde del Villar, 06-04-1587 », dans Levillier R., Papeles de los gobernadores, Madrid, éd. Juan Pueyo, 1920, vol. I, p. 209-213.
25 Sotelo Narváez P., « Relación geográfica de las provincias del Tucumán », art. cit.
26 « Carta del gobernador del Tucumán J. Ramírez de Velasco participando el resultado que hasta entonces tenía su expedición a las rancherías de Calchaqui. 19-04-1588 », dans Levillier R., Papeles de los gobernadores, op. cit., vol. I, p. 240-246.
27 Ibid.
28 « Expediente de la visita que hizo el obispo de Tucumán, Dr Julián Cortázar al Valle Calchaquí 06-10-1622/25-11-1622 », dans Levillier R., Papeles eclesiásticos del Tucumán, Madrid, éd. Juan Pueyo, 1920, vol. 1, p. 308-323.
29 « Relación breve del Padre Diego de Torres acerca de los frutos que se recogen en la tierra y de los indios calchaquies. 23-06-1601 », dans Levillier R., Nueva crónica de la conquista del Tucumán, op. cit., III, p. 365-369. Voir infra notre commentaire sur ce texte utilisé par Éric Boman.
30 Outre le document déjà cité de 1601, on consultera les Cartas Anuas de 1609 (Documentos para la historia de Argentina, Buenos Aires, Instituto de Investigaciones Históricas Dr Emilio Ravignani, FF y LL, UBA, t. XIX, p. 41 et 75-82), 1612 (ibid., p. 95-98), 1613 (ibid. p. 196-201).
31 « Carta del padre Diego de Torres, 17-05-1609 », ibid., p. 75-76.
32 « Carta del gobernador don Felipe de Albornoz 28-12-1628 », dans Jaimes Freyre R., op. cit., p. 153-169.
33 « Carta Anua de 1632-1634 », Cartas Anuas de la provincia jesuítica del Paraguay, Academia Nacional de la Historia, Buenos Aires, 1990, p. 51.
34 Archivo Histórico de Tucumán (AHT), Documentación complementaria, Protocolos, caja XIV bis, no 44, « Testimonio de la encomienda que recibe don Pedro Bazán Ramírez de Velasco ». Ce dernier reçoit à cet endroit l’encomienda des indiens Aconquijas des mains du gouverneur Mercado y Villacorta, le 17-03-1670.
35 Quemando la casa del doctrinante y la yglesia y gran cantidad de arinas que estaba allí encostalada y recogida para el sustento del campo. « Carta del gobernador Felipe de Albornoz al rey 29-04-1631 », dans Larrouy A., Documentos del Archivo de Indias para la historia del Tucumán, Santuario de Señora del Valle, Buenos Aires, L. J. Rosso y Cía, 1923, vol. 1, p. 414.
36 « Calibay, cacique de los indios pulares encomendados pide y obtiene para su tribu las tierras donde vivieron sus antepasados, 01-02-1586 », loc. cit. On a parfois eu tendance à considérer ce document comme la preuve d’une alliance entre les Espagnols et ces indiens, en ne tenant pas compte de la nature du lien qui unissait les parties. Il nous semble qu’il faut nuancer fortement cette vision quelque peu irénique.
37 Cornejo A. et Vergara M., op. cit., p. 181 ; Lloveras de Arce G. et Medardo Ontivero D., « Estudio de dos familias de elite en Salta durante el periodo colonial : el caso de los Arias Velázquez y Arias Rengel », Revista Escuela de historia, Revista 3, année 3, vol. 1, no 3, 2004 (en ligne).
38 On conserve en général dans l’historiographie le nom donné par Montes A. à la période de guerre ouverte quasi permanente des années 1630-1640 : « El gran alzamiento diaguita », Revista del Instituto de Antropología, no 1, Rosario, Universidad del Litoral, 1961, p. 81-159.
39 « Carta del gobernador Felipe de Albornoz, 09-11-1631 », dans Larrouy A., op. cit., p. 60-63.
40 « Carta del gob. Felipe de Albornoz, al rey 29-04-1631 », dans Levillier R., Nueva crónica de la conquista del Tucumán, op. cit., vol. III, p. 412.
41 Ibid.
42 « Carta del gob. Felipe de Albornoz, al rey 29-04-1631 », dans Larrouy A., op. cit., p. 414.
43 Ibid.
44 Carta Anua de 1632-1634, op. cit., p. 51.
45 Archivo Histórico de la Provincia de Córdoba (AHPC)-Escribanía I-71-exp. 6, suivant une déclaration de leur encomendero Andrés de Frías y Sandoval datant d’avril 1633 reproduite en partie dans Montes A., Encomiendas de indios diaguitas documentadas en el Archivo Histórico de Córdoba, Córdoba, 1986, p. 25 (on notera que la référence donnée par cet auteur dans cet ouvrage est fausse et ne correspond pas à la cote que nous indiquons ici).
46 « Carta del gob. Felipe de Albornoz, 01-03-1633 », dans Larrouy A., op. cit., p. 92.
47 Archivo General de Indias (AGI) Charcas 101/N. 54/2/4r°, 07-07-1632 « Padrón de los dichos yndios del pueblo de los pulares encomendados en el alférez Andrés de Frías y Sandoval » : En el sitio de los pulares donde se an trasladado los que salieron a valerse de los españoles.
48 « Carta del gob. Felipe de Albornoz, 01-03-1633 », dans Larrouy A., op. cit., p. 92.
49 AHPC-Escribanía I-71-exp. 6, f. 166r°, Andrés de Frías y Sandoval encomendero de los yndios pulares que fueron de Francisco de Francisco de Valdenebro.
50 AHPC, Escribanía I, Legajo 72, no 5, publiée en partie par Montes A., Encomiendas…, op. cit., p. 24-25. Il s’agit d’un dossier qui comprend entre autres choses le document cité en note 44.
51 AHPC, Escribanía I, Legajo 71, no 6, f. 181 r° -186 r°, « Juan Silverio de Sueldo contra Francisco Arias Velázquez a petición de Fernando Mexía, protecto de naturales de la ciudad de Salta, 25-08-1632 ».
52 « Carta del gob. Felipe de Albornoz, 01-03-1633 », dans Larrouy A., op. cit., p. 92.
53 AGI Charcas, 56, « Certificación de los servicios de Alvaro de Padilla Aguilera por el maese de campo Pedro de Olmos de Aguilera y el capitán don Alonso de Ribera sargento mayor y Martín de Pardiñas alcalde ordinario de esta ciudad y fuerte de Nuestra Señora de Guadalupe », 12-06-1631. C’est nous qui soulignons.
54 Sur ce sujet, cf. Giudicelli C., « Indios amigos y normalización colonial en las fronteras americanas de la Monarquía Católica (Tucumán, Nueva Vizcaya, s. XVI-XVII », dans Ruiz Ibanez J. J. (dir.), Las milicias del rey de España. Sociedad, política e identidad en las Monarquías ibéricas, Madrid, Fondo de Cultura Económica, 2009, p. 349-377.
55 Carta del gob. Felipe de Albornoz, 01-03-1631, dans Larrouy A., op. cit., p. 80. On y retrouve la liste des villages soulevés, qui montre une alliance qui ne tient aucun compte des logiques d’inscription coloniales.
56 Carta Anua de 1632-1634, op. cit., p. 70-72.
57 AGI Charcas, 58, « Autos contra don Pedro Bohórquez, Tercer cuaderno », f. 129 v° -130 r° ; De Torreblanca H., Relación histórica de Calchaquí, Buenos Aires, AGN, 1999 [1696], p. 79-80.
58 Giudicelli C., « Una milicia de vencidos : los calchaquíes frente a las primeras “invasiones mocovíes” (final del s. XVII-principios del xviii). Los pródromos de la guerra en la frontera chaqueña del Tucumán », dans Marchena J. et Lavallé B., El primer siglo XVIII americano. Problemas y perspectivas (1700-1750), Madrid, Casa de Velázquez, 2011 (sous presse).
59 « Carta del gobernador Felipe de Albornoz, 01-01-1633 », dans Larrouy A., op. cit., p. 90.
60 AGI Charcas, 58 ; Aunque los dichos pulares salieron a ver a V. Ssa han estado y están en pie levantado, f. 147 v° ; « Auto para que se vaya a empadronar y sacar los indios pulares », « Autos sobre Don Pedro Bohorques. Tercer Cuaderno », f. 185 v° -186 r°. Mercado y Villacorta ordena empadronar a los Pulares « que delinquieron de nuevo confederándose con los Calchaquies después de aver sido indultados por el Sr oidor D. Juan de Retuerta ». Sa décision finale est claire : il s’agit de « sacarlos de la idolatria de sus montañas y que bajaçen a poblarse en el sitio a que voluntariamente se binieron en las guerras passada » (f. 196 r°).
61 La Carta Anua de 1612 rapporte ainsi l’attaque d’un village pular, mais la cause semble avoir relevé d’une affaire d’honneur. Documentos para la historia de Argentina, op. cit., t. XIX, p. 95-98.
62 Williams V., « Capitales… », op. cit., situe ces deux villages dans les environs de l’actuelle Molinos.
63 AGI Charcas, 58, « Autos sobre Don Pedro Bohorques. Tercer Cuaderno », f. 172 r°-175 r°.
64 De Torreblanca H., op. cit., p. 72.
65 De Torreblanca H., op. cit. Pour une version plus romancée, voir Piossek Prebisch T., La rebelión de Pedro Bohorquez : el Inca de Tucumán, 1656-1659, Tucumán, Magna Publicaciones, 1999 [1976]. Une étude un peu plus large, voir Lorandi A. M., De quimeras, rebeliones y utopias, Lima, PUCP, 1997.
66 AGI Charcas, 58, « Autos contra don Pedro Bohórquez, Tercer cuaderno », f. 171 r°, 1652-1659. Auto y marcha del ejército desde Pompona a Atapsi, 30-10-1659.
67 C’est d’ailleurs ce terme qui est encore régulièrement utilisé pour désigner la ligne de frontière qui sépare l’Espagne du Portugal, une dénomination par ailleurs des plus courantes dans l’histoire de la Reconquista, et qui matérialisait la limite de l’avancée des armées chrétiennes sur le territoire de leurs voisins musulmans.
68 Ibid., f. 171 v°.
69 Ibid., « Carta del gobernador Mercado y Villacrota al Virrey, 30-10-1659 » (desde Pompona), f. 181 r° -181 v°.
70 AGI Charcas, 58, f. 194 r°, « Autos sobre Don Pedro Bohorques. Tercer Cuaderno ».
71 Carta Anua de 1644, Instituto de Geohistoria Regional no 13, Conicet, Resistencia/Chaco, 2000, p. 41.
72 « Informe del gobernador Luca de Mendoza y Figueroa », 11-1662, dans Larrouy A., op. cit., p. 259.
73 « Carta de la Audiencia de los Charcas al Rey, 30-10-1564 », dans Jaimes Freyre R., op. cit., p. 46-53.
74 Nous sommes ici aux antipodes d’une vision postmoderne. L’analyse critique du discours colonial vise au contraire à en rechercher les implications opératives, afin de traquer dans les catégories qu’il produit l’expression de ses applications concrètes. Refuser toute analyse du discours en partant du principe qu’il se substitue à l’analyse des faits historiques et sociaux (comme le fait Lorandi A. M., « Los estudios andinos y la etnohistoria en la universidad de Buenos Aires », Chungará. Revista de Antropología Chilena, vol. 42, Arica, juin 2010, p. 271-281), conduit bien souvent à produire un discours préformaté, informé par les catégories analytiques employées.
75 AGI Charcas, 101/N. 54/2/4r°, 07-07-1632 « Padrón de los dichos yndios del pueblo de los pulares encomendados en el alférez Andrés de Frías y Sandoval ».
76 AGI Charcas, 24, « Real Cédula. El Rey al virrey del Perú, 15-05-1679 ». Una parcialidad de indios pulares que desde su población reconocieron obediencia y sirvieron divididos en siete encomiendas. Mercado Y Villacorta disait cependant à leur propos, au moment de leur déportation que « se componen de las ocho encomiendas antiguas »(AGI Charcas, 122, Informe del estado presente de esta provincia del Tucumán, 21-02-1660).
77 Carta Anua de 1644, op. cit., p. 40, Quintián Juan Ignacio, « Articulación política y etnogénesis en los Valles Calchaquíes : Los Pulares durante los siglos XVII y XVIII », Andes, p. 299-325 (en ligne).
78 Un important conseil de guerre est ainsi tenu le 28 août 1659 « en el sitio y real de los Quilmes, Valle de Calchaquí (AGI Charcas, 58, tercer cuaderno de los Autos contra don Pedro Bohórques, f. 139 v°).
79 Torreblanca, op. cit., p. 88.
80 AGI Charcas, 122, f. 261 r°, « Informe del estado presente de esta provincia del Tucumán que hace d. Alonso de Mercado y Villacorta, 21-02-1660 ».
81 « Nomos vient du verbe némo qui veut dire opérer une division, un partage ; on le traduit d’ordinaire par “la loi”, mais c’est aussi, plus précisément, ce que j’appelle le principe de vision et de division fondamental qui est caractéristique de chaque champ » (Bourdieu P., conférence : « Le champ politique », Propos sur le champ politique, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2000, p. 63).
82 Lorandi A. M. et Boixadós R., « Etnohistoria de los Valles Calchaquíes », Runa, no XVII-XVIII, 1987-1988, p. 263-420 ; D’Altroy et al., op. cit. ; Quintián J. I., op. cit.
83 Quintián J. I., op. cit.
84 Boman E., « Las ruinas de Tinti en el Valle de Lerma », Anales del Museo de Historia natural de Buenos Aires, t. XXVIII, Buenos Aires, Imprenta y casa editora de coni hermanos, 1916, p. 521-540.
85 Pour une vision synthétique des premiers temps de l’étude des « antiquités » de l’ancien Tucumán, voir Giudicelli C, « Lectura de las ruinas. La fabricación de antepasados aceptables en el noroeste argentino » (siglos XVI-XVII/ siglo XIX) », dans Bernabéu S. et Langue F., Fronteras de las sensibilidades, Séville, Doce Calles, 2011 (sous presse). Pour une vision plus spécialisée, on consultera Haber A., « Un Siglo de Arqueología de Catamarca », Revista de Humanidades, année 5, no 5, Catamarca, 1995 ; Nastri J., « Aproximaciones al espacio calchaquí », Anales nueva época, Göteborg, no 6, 2003, p. 99-125 (en ligne).
86 Boman E., Antiquités de la région andine de la République Argentine et du désert ďAtacama. 2 vol. , Paris, Imprimerie nationale, 1908, vol. I, p. 187 sqq.
87 Une bilocalisation de ces indiens dans le Valle Calchaquí et sur les contreforts occidentaux de la Vallée de Lerma en partie confirmée d’ailleurs par l’ensemble de la documentation coloniale.
88 Boman E., « Las ruinas de Tinti en el Valle de Lerma », op. cit., p. 524.
89 Ibid., p. 538.
90 L’Audiencia de La Plata envoya même un corps expéditionnaire pour renforcer cette opération. Le gouverneur Francisco de Albornoz se plaint d’ailleurs d’avoir été circonvenu à cette occasion. « Carta del gobernador Felipe de Albornoz, 01-03-1633 », dans Larrouy A., op. cit., p. 96-99.
91 Le fameux Alonso de Barzana fut le premier jésuite à entrer dans la province du Tucumán, grâce notamment au gouverneur Ramírez de Velasco, qui en fit son aumônier lors des campagnes de « pacification ». Mais il ne s’attela pas à des tâches missionnaires proprement dites.
92 Boman E., « Las ruinas de Tinti en el Valle de Lerma », op. cit., p. 538, note no 2.
93 Noi altri non habbiamo da dismettere le nostre usanze, nè tagliarci i capelli come gli altri/questo dissero per i Pulari, & Chubani battezzati poco prima, Che s’andauano tagliando li capelli ad imitatione de gl’Indiani del Perú, traduction de l’auteur. « Relación breve del Padre Diego de Torres acerca de los frutos que se recogen en la tierra y de los indios calchaquies ». Santiago del Estero, 23-06-1601 », dans Levillier R., Nueva crónica de la conquista del Tucumán, op. cit., vol. III, p. 365-369. Il s’agissait là apparemment beaucoup plus que d’une question esthétique : d’après les missionnaires jésuites, la coupe de cheveux pouvait constituer un véritable casus belli. Lors des négociations en vue de la reddition des principaux groupes calchaquíes en 1659 le père Hernando de Torreblanca dut insister expressément auprès du gouverneur Mercado y Villacorta pour qu’il renonce à les obliger à couper leur cheveux, afin de ne pas compromettre l’issue de la négociation. De Torreblanca H., Relación histórica de Calchaquí, op. cit., p. 71.
94 Boman E., « Las ruinas de Tinti en el Valle de Lerma », op. cit., p. 538.
95 Selon cette chronologie corrigée, l’arrivée des Incas dans la région remonterait à la première moitié du XVe siècle, alors qu’on admettait jusqu’ici qu’elle ne se serait produite qu’à partir des années 1470-1480. Williams V., D’Altroy T. et Lorandi A. M., « The Inkas in the Southlands », dans Burger R., Morris C. et Matos Mendieta R., Variability in the Expressions of Inka Power, Washington DC, Dumberton Oaks Recherch Library and Collection, 2006, p. 85-134 et p. 91-93.
96 Williams V., « Provincias y capitales… », art. cit., évoque une différence culturelle entre le nord et le centre du Valle Calchaquí.
97 En particulier le PAC, Proyecto Arqueológico Calchaquí, un projet américano-argentin.
98 Lorandi A. M. et Boixadós R., op. cit., p. 227 ; un deuxième travail complète cette étude : Lorandi A. M. et Bunster C., « Reflexiones sobre las categorías semánticas en las fuentes del Tucumán colonial », ibid., p. 221-262.
99 Giudicelli C., « Encasillar la frontera. Clasificaciones coloniales y disciplinamiento del espacio… », op. cit.
100 Lorandi A. M., « Los Valles Calchaquíes revisitados », Anales nueva época, Göteborg, no 6, 2003, p. 273-285.
101 Lorandi A. M. et Boixados R., op. cit., p. 306.
102 Lorandi A. M., « Los Valles Calchaquíes revisitados », art. cit., p. 274.
103 Williams V., D’Altroy T. et Lorandi A. M., « The Inkas in the Southlands », art. cit., p. 95.
104 Giudicelli C., « Encasillar la frontera. Clasificaciones coloniales y disciplinamiento del espacio », op. cit.
105 Por lengua de don Felipe Colca, cacique principal y gobernador de estos indios y la suya del inga que habla e yo entiendo (AGI Charcas, 101, no 54-4, f. 5 r° « Testimonio del padrón de los indios del pueblo de los pulares encomendados en el alferéz Andrés de Frías Sandoval », 07-07-1632) ; Martín, alcalde del pueblo de Atapsi, encomienda del capitán Tomás Castellanos, ladino en la lengua general del Cuzco (AGI Charcas, 58, « Autos contra don Pedro Bohórquez », Tercer cuaderno, 1652-1659), Alonso, indio natural de Paiogasta, encomienda del capitán Luís Arias Velázquez, en el Valle de los Pulares, ladino en la lengua general del Cuzco (AGI Charcas, 58, « Autos contra don Pedro Bohórquez, Tercer cuaderno, 1652-1659 »).
106 Une pratique que l’on retrouve d’ailleurs en Nouvelle Espagne avec le náhuatl et dans les terres basses de l’Amérique du sud avec le guaraní.
107 « Relación de las provincias del Tucumán que dio Pedro Sotelo Narváez, al licenciado Cepeda, presidente de la Audiencia de los Charcas, 1582, dans Levillier R., Nueva crónica de la conquista del Tucumán, op. cit., vol. III, p. 328.
108 « Carta del padre Alonco de Barçana al padre Juan Sebastián, provincial, 08-09-1594 », Monumenta Peruana, Rome, institutum historicum Societati Iesu, 1966-1986, t. V, p. 571.
109 Ibid., p. 310.
110 Examination of their history indicates that they sometimes acted independently of their nieghbors in relation with outside powers and also used Quechua more extensively than other groups, D’Altroy et al., op. cit., p. 14-15.
111 Williams V., D’Altroy T. et Lorandi A. M., « The Inkas in the South Lands », op. cit.
112 Selon le principal concepteur de cette périodisation, « Cada parcialidad (Santamaría, Humahuaca, etc.) conforma verdaderos señoríos que tienden a expandir sus fronteras territoriales y su dominio efectivo sobre la tierra y sus recursos, reemplazando la forma de intercambio propia del formativo. El germen de las luchas estaba dado », Núñez Regueiro V., « Conceptos instrumentales y marco teórico en relación al análisis del desarrollo cultural del Noroeste argentino », Revista del Instituto de Antropología, no 5, 1974, p. 183.
113 Pour une vision critique de la construction des identités ethniques dans la pratique de l’archéologie du nord-ouest argentin, voir Páez M. C. et Giovannetti M., « Tipologizando identidades. Reflexiones sobre la construcción de identidades étnicas en la Arqueología del NOA », Avá (Posadas), no 13, juillet 2008 (en ligne).
114 Pucará de la Angostura [Pompona] pudo ser un marcador territorial étnico de una frontera interna. Williams V., « Provincias y capitales… », op. cit.
115 « When the Inkas first appeared in the Calchaquí Valley, therefore, they found settled, agrarian communities with links to the herders of the nearby puna ». D’Altroy et al., op. cit., p. 7.
116 De Torreblanca H., op. cit., p. 54.
117 Les sources espagnoles ne manquent jamais de mentionner les conflits internes aux groupes calchaquíes, comme preuve de leur manque de civilisation.
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