Déplacer la capitale
p. 141-144
Texte intégral
1Un dernier phénomène caractérise les capitales à la Renaissance ; le déplacement vers une autre ville.
2Premier constat : un déménagement de capitale n’est pas seulement un transfert, mais une transformation de la ville. Turin n’est pas une nouvelle Chambéry, même si la cour et le Saint Suaire y sont transférés. C’est une ville nouvelle qui offre aux observateurs étrangers comme aux populations tout l’équipement palatial, sacral, militaire permettant de mettre en scène la figure du prince, et que ni Chambéry ni Turin n’offraient jusqu’alors. La capitale nouvelle est un théâtre de prestige et l’installation à demeure de la dynastie reconfigure l’identité de la ville et notamment sa religion civique. La présence de la cour modifie en profondeur la ville.
3Dès lors le déplacement de la cour vers une autre ville pour l’ériger en ville de cour n’est pas sans poser des questions politiques. Une grande monarchie, comme celle du roi catholique a-t-elle besoin d’une capitale permanente pour sa cour, assumant les frais de la grandeur monarchique ? Doit-elle au contraire opter pour une cour itinérante ? L’éphémère transfert de la cour de la monarchie espagnole à Valladolid au début du XVIIe siècle est l’occasion de débats où apparaissent les enjeux d’un déplacement de la capitale. D’aucuns veulent curer Madrid de son gigantisme nocif à la Castille et policer une société madrilène parasitée par la mendicité, l’oisiveté et le vice. Le roi catholique ne devrait avoir Babylone pour demeure. Mais les Cortes, les villes et Madrid elle-même ne souhaitent pas d’un déménagement qui occasionnerait pour les uns des coûts énormes et ébranlerait pour Madrid toute l’économie de la rente fondée sur la croissance de la capitale, l’investissement foncier et immobilier et sur la croissance démographique.
4Ces changements de capitale réhabilitent l’importance de la décision politique dans l’histoire urbaine. Partir à Valladolid atteste du poids du favori, valido, Lerma, dont les intérêts sont nombreux dans cette cité. Mais la décision princière est parfois commandée par la capacité qu’ont les villes à s’imposer. Trois fois plus peuplée que Chambéry, dotée d’une université capable de fournir en togati la bureaucratie piémontaise, siège d’un archevêché, Turin, avant même sa métamorphose sous l’effet de la résidence dynastique et curiale, s’est affirmée dans la hiérarchie urbaine des états savoyards au point que les princes y ont établi leur bureaucratie puis leur résidence.
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