Quelle(s) capitale(s) pour la Bretagne (XVe-XVIIe siècle) ?
p. 71-84
Texte intégral
1La détermination d’une capitale bretonne est un sujet qui reste d’actualité, y compris sur le plan historique, si on en croit au moins certaines contributions récentes à divers ouvrages collectifs. Dans un livre sur Nantes et la Bretagne, paru en 1996, Jean Kerhervé s’interrogeait sur « Nantes capitale des ducs de Bretagne ? » et Guy Saupin évoquait « Nantes capitale de la Bretagne au milieu du XVIe siècle1 ? ». On notera la présence du point d’interrogation… Dix ans plus tard, l’Histoire de Rennes est plus affirmative : Daniel Pichot analyse la « naissance d’une capitale » aux XIVe-XVe siècles2, et la quatrième de couverture proclame : « L’histoire en a fait une capitale, puis lui a donné un illustre Parlement. » Il n’est sans doute pas inutile de sortir le sujet des cadres monographiques, pour saisir les choses à l’échelle de la province, et au-delà, puisque chaque (tentative de) promotion met de fait en concurrence plusieurs cités. La condition de capitale, entre XVe et XVIIe siècle, ne correspond cependant pas, contrairement à aujourd’hui (par exemple dans le cadre régional) à un statut institutionnel. Dans les catégories du temps, la notion de capitale est avant tout associée à un espace et non à une fonction. Dans le royaume de France, plusieurs « villes capitales » sont mentionnées, y compris à l’échelle d’une même province3. Lors de l’entrée d’Henri IV à Rennes, en mai 1598, les huissiers du conseil du roi mentionnent ce qu’ils doivent percevoir lors d’une telle circonstance, « comme ils ont faict des autres villes cappitales de ce royaulme4 ». Mais comment s’attribue et s’obtient un tel qualificatif ? Le constat est clair : il s’agit avant tout pour les villes concernées d’une conviction à faire admettre, d’une opinion sur soi ou sur autrui à imposer. Sully, toujours au printemps 1598, en est bien conscient quand il presse le roi de ne pas se contenter d’une entrée à Nantes, mais de venir aussi à Rennes, « qui s’estime la capitale » de la Bretagne5.
2À partir de là, deux orientations se dessinent. Il est tout d’abord possible de partir des discours du temps, qui ont recours à la notion de capitale, en observant en particulier les luttes d’imposition pour établir ce type de primauté. Ainsi en 1604, le procureur syndic de Rennes (de 1603 à 1606), Jérôme Chauvel des Nouettes, s’élève-t-il aux États de Bretagne « contre cette énormité d’appeler Nantes capitale de la Bretagne6 ». Il s’agit ici d’un discours de combat, par l’une des villes qui s’affrontent pour ce titre. D’où l’importance des discours émanant d’instances externes de validation, qu’il s’agisse de la monarchie et de ses agents ou des cosmographes et voyageurs. Mais, et c’est ici la seconde orientation, dans la mesure où cette appellation est généralement associée à l’hébergement de certaines institutions, il est aussi possible de raisonner à partir de l’observation de réalités institutionnelles. Ce constat « empirique » ne peut être dressé que depuis la position surplombante d’un historien qui cherche, comme ceux qui ont été évoqués au début de ce texte, quelles sont les fonctions discriminantes pour une capitale. Cette « analyse fonctionnelle », dont la pertinence peut être discutée, est à la fois compliquée et enrichie par un dernier enjeu : étudier non seulement les fonctions de la capitale, mais la fonction même de « capitalité ». Il me semble cependant que les deux approches sont légitimes, à condition de les articuler pour éviter, avec la première, le risque de se limiter aux représentations, et avec la seconde, le danger de perdre de vue certaines conceptions propres à l’époque analysée. Deux éléments peuvent être mis au service de cette articulation. Pour concourir dans la lutte d’imposition, comme dans la captation des institutions, une certaine crédibilité est nécessaire : à l’échelle ici retenue – la Bretagne –, peu de villes sont concernées, même si on va voir qu’elles ne sont cependant pas que deux. En outre, l’attention aux évolutions chronologiques est essentielle, non seulement parce que la « capitale » peut se déplacer, mais parce que la notion même de ce qu’est une « capitale » doit être historicisée.
3La synthèse qui suit met donc d’abord en évidence les mutations et ruptures qui s’opèrent à travers le passage de la Bretagne de la condition de principauté à celle de province. Elle s’attarde ensuite longuement sur le choix de la ville d’accueil du parlement, puis fait le point, pour finir, sur la situation qui émerge progressivement au XVIIe siècle. Malgré le caractère très classique du champ d’investigation, la méconnaissance – qui reste parfois étonnamment grande – de la société politique bretonne et de ses institutions pendant la première modernité oblige à rappeler qu’il reste encore en ce domaine d’importants chantiers à prospecter. De nouveaux travaux infléchiront probablement assez vite cette mise au point.
La question de la capitale bretonne, de la principauté à la province
4Partons de la situation bretonne dans les années 1480. François II, de la dynastie Montfort, est duc de Bretagne depuis 1458. Sa principauté, spatialement homogène (hormis la situation très particulière du comté de Montfort), est de facto indépendante à cette époque. Son stade d’évolution institutionnelle est déjà bien avancé : le tableau dressé à cette date ne correspond donc nullement à un commencement. D’autre part, personne ne peut prédire alors que quelques années vont suffire pour mettre à bas la construction politique bretonne7. Celle-ci n’a pas, à son origine, de pôle urbain unique comme noyau. Et on constate en ces années, un partage des fonctions politiques entre trois villes : Rennes, Nantes et Vannes, toutes trois dotées, par ailleurs, des fonctions ordinaires de commandement des villes importantes du temps, en particulier une sénéchaussée et un évêché. François II a choisi Nantes comme principale résidence et le château ducal y fait l’objet de travaux importants. De ce fait, la ville abrite ordinairement les services du conseil et de la chancellerie de Bretagne. Depuis Pierre II (mort en 1457), Nantes est également devenue nécropole ducale. Enfin, François II a obtenu du pape en 1460 la création d’une université. Ainsi les années du milieu du XVe siècle ont-elles été décisives pour la promotion de la cité ligérienne et il s’agit donc dans tous les cas d’acquis récents8. Vannes, pour sa part, abrite depuis longtemps la chambre des comptes de Bretagne9. Elle se voit accorder, en 1485, le siège d’un Parlement sédentarisé, en charge des appels judiciaires, et qui s’y réunit pour une session annuelle de deux mois. Ainsi Vannes semble-t-elle destinée à devenir, pour user d’une expression anachronique, une « capitale du contrôle administratif », tant financier que judiciaire. Rennes enfin est avant tout la ville du couronnement, célébré dans la cathédrale Saint-Pierre. Cet élément, à la fois stable et prestigieux, paraît essentiel. Ici la fonction est ancienne, mais elle a été grandement revitalisée sous les ducs Montfort10.
5Le tribunal du sénéchal de Rennes semble cependant disposer aussi d’une fonction d’appel judiciaire depuis les tribunaux ducaux locaux (à l’exception du comté de Nantes)11. Quant aux États de Bretagne, leurs sessions ne sont liées à aucune ville.
6Certains historiens, dans ce contexte, n’hésitent pas à qualifier Nantes de capitale sous François II. À l’évidence, leur choix relève d’un modèle de hiérarchie fonctionnelle qui place au sommet la relation au Prince et les priorités résidentielles de ce dernier. Or, sous bénéfice d’inventaire, il semble bien que les textes officiels du temps réservent cette appellation à Rennes. Dans une lettre de 1485, le duc François II la désigne ainsi comme « la ville capitale du duché en laquelle nos prédicesseurs et nous avons prins et prenons des insignes de nostre principauté12 ». Le critère du couronnement paraît alors discriminant. La même année, quand François II établit la session du parlement à Vannes, il se contente de désigner la ville comme « autant et plus à cette fin propice et nécessaire que nulle autre de nostre païs13 ».
7La fin de l’indépendance bretonne entraîne entre 1490 et 1540 des transformations de premier ordre. Certaines fonctions tout d’abord sont appelées à disparaître, à commencer par l’existence même d’une cour princière autonome. La notion de capitale en Bretagne évacue désormais cette dimension, laquelle est à la fois politique et socioculturelle. Nantes est au premier chef la victime de ce déclassement. Dans la ville (et plus largement dans la province), un embryon de fonction curiale ne se retrouve qu’au temps de Mercœur et de la Ligue, mais ici ponctuellement et partiellement14. Si l’université de Nantes poursuit son existence, l’absence d’un actif soutien ducal est pour elle un handicap nouveau. Enfin un notable brassage spatial touche les principales institutions. Il est important de souligner, par-delà l’habituel discours sur l’intégration « en l’état » des principautés dans la monarchie, combien la géographie est ici bouleversée. Sans s’y attarder – le sujet mériterait d’ailleurs des recherches nouvelles – on supposera une action des villes concernées par cette redistribution, pour conserver ou attirer les diverses instances, dans un contexte politique profondément modifié.
8Vannes perd tout d’abord la chambre des comptes, déplacée à Nantes. Quant aux sessions du parlement, elles ne sont plus sédentaires : les lettres du roi qui le convoquent indiquent chaque année le lieu où il se tiendra. Vannes doit donc désormais partager les sessions à la fois avec Nantes et avec Rennes15. Nantes pour sa part perd le conseil et chancellerie de Bretagne, désormais dissocié de la cour disparue, et qui semble bien finir par siéger exclusivement à Rennes16. Par-delà les interrogations sur les logiques à l’œuvre dans la non-application des décisions royales (dont témoignent les deux dernières notes), la première moitié du XVIe siècle, phase généralement négligée de l’évolution institutionnelle bretonne, entérine le progressif déclassement de Vannes, dont la signification, tant spatiale que politique, mériterait d’être approfondie, de part et d’autre de l’édit d’Union de 1532.
Parlement et statut de capitale
9De nouvelles transformations se produisent au milieu du XVIe siècle. En effet, en Bretagne comme dans d’autres principautés absorbées, la décentralisation au niveau supérieur passe par la création d’une véritable cour souveraine de parlement qui juge désormais sans appel ; celle-ci entraîne au passage la disparition du Conseil et chancellerie de Bretagne en tant qu’institution autonome17. L’hébergement du parlement constitue, à terme, une conquête décisive pour établir une primauté à l’intérieur de la province, aussi cette question doit-elle nous retenir longuement.
10Une originalité bretonne se fait jour ici : cas qui me paraît unique en France, la cour souveraine a au départ du mal à se stabiliser. Lors de sa création en 1554, une session de trois mois est attribuée à Nantes et une seconde à Rennes, alors que Vannes est totalement hors jeu. En 1557, les deux sessions sont établies à Nantes. Mais quatre ans plus tard, c’est Rennes qui les récupère toutes les deux. Rien de net ne se dégage donc spontanément en matière de localisation, aussi la conjoncture de cette implantation disputée doit-elle retenir notre attention. Constatons tout d’abord qu’il s’agit d’un nouvel épisode, mais cette fois-ci décisif, d’une lutte déjà en cours entre les deux villes, comme en témoignaient les débats sur la localisation du conseil et chancellerie. Il faudra conduire une enquête précise pour déterminer le rôle des réseaux politiques activés par les deux cités, et la part prise par certains acteurs18. De même, l’inscription dans une conjoncture politique changeante, au cours de laquelle varie l’influence d’Anne de Montmorency, des Guises ou de la reine Catherine de Médicis, tous intéressés à des titres divers par la question, demande un examen complémentaire. Enfin les questions financières ont sûrement joué, les deux villes mettant de l’argent sur la table des négociations pour emporter la décision. Il est possible que ce dernier aspect ait finalement joué un rôle notable, mais lui aussi demande une mise au point qui n’a pas véritablement sa place ici19.
11Rennes, pour emporter la décision, peut mettre en avant son héritage du temps des ducs en matière d’appel20. Son expertise judiciaire et administrative s’est accrue au cours de la première moitié du XVIe siècle, grâce entre autres aux sessions du parlement ou du conseil et chancellerie de Bretagne. Une telle montée en puissance ne peut que légitimer sa candidature. Dans le même temps, les Rennais ne manquent pas de souligner que Nantes détient déjà la chambre des Comptes, et que la réorganisation judiciaire du milieu XVIe (avec, outre la création du parlement en 1554, celle des présidiaux en 1552) a entraîné la fin du conseil et chancellerie de Bretagne21. Au final, si certains arguments finissent peut-être par convaincre le roi et son conseil, l’attribution d’un parlement de plein exercice à Rennes nécessite à son tour, aux yeux des agents du pouvoir, l’octroi de compensations à Nantes. Il est possible que le modèle d’un « équilibre » entre les villes de premier rang (parmi lesquelles figurait encore Vannes) ait déjà été d’actualité au temps des ducs. Ici du moins il est explicite puisque, dans un avis de 1560 globalement en faveur de l’établissement du parlement à Rennes, le gouverneur de Bretagne souligne qu’il serait opportun d’attribuer à Nantes « une prompte et sommaire Justice pour le fait de leur négociation22 ». Son avis est entendu puisqu’en 1564 un consulat de commerce est créé dans la ville, consulat qui est étroitement lié à une municipalité elle-même naissante23. La monarchie et ses agents, au milieu du XVIe siècle, paraissent donc se satisfaire mieux d’un équilibre que d’une polarisation. Mais les effets d’institution engendrés par la localisation du parlement vont être considérables : la cour souveraine réussit en effet à s’imposer fortement dans la province et, comme l’espace est ici homogène (il est identique pour le gouvernement, les États, la chambre des comptes…), elle parvient finalement à polariser les fonctions et à creuser, au bénéfice de Rennes, un déséquilibre dont rien ne dit qu’il était envisagé au départ par ceux qui, au plus haut niveau, ont voulu et/ou entériné ce choix. D’ailleurs, vers 1555-1560, la monarchie cherche sans doute plus à résoudre un problème politique – il faut bien trancher entre les différentes sollicitations – qu’à organiser un espace. Il faut se garder de fonder ses décisions sur une conception anachronique de l’aménagement du territoire : il s’agit plutôt d’une forme de justice, qui est rendue dans le cadre d’un arbitrage. Quant aux logiques politiques précisément à l’œuvre, on a vu qu’elles demandent un sérieux réexamen.
12Les changements de localisation laissent du moins entendre qu’il n’y a pas ici d’évidence en matière de « capitalité ». En revanche, aux yeux des historiens, dans la logique d’un regard surplombant, la question du « transfert » ou de la « fixation » de la capitale bretonne se joue avec le parlement. Faire entrer en jeu la notion de capitale ne leur est pas réservé : les contemporains lui font place, mais d’une autre façon dans leurs argumentaires : non plus comme conséquence, mais comme préalable. Or l’héritage de « Rennes capitale », tel qu’il a été évoqué plus haut, est fortement réactualisé en 1532 par le couronnement du dauphin-duc François III24. Dans leur requête du 4 août, les États de la province ont souhaité que le dauphin fasse son entrée comme duc à Rennes « qui est la chef de sa duché ». Dans sa réponse, François Ier souligne lui aussi que Rennes est « ville capitale dudit pays ». Au-delà des formulations, cette dimension est activée dans l’événement même et Rennes, « Ville Royale et cappitalle de ce pays et Duché », s’y met en scène en tant qu’incarnation de toute la Bretagne. Le lobby rennais, dans sa confrontation avec les revendications nantaises, sait bien ensuite mettre en avant ce rang de capitale pour justifier les demandes de la ville25. Si elle est « première et capitale », « première et principale » comme le répètent à l’envi les Rennais et ceux qui les appuient, il est logique qu’elle abrite le parlement, puisque c’est toujours là qu’il est établi. Le syllogisme est alors imparable : Rennes est capitale, au titre du couronnement ; le parlement, partout dans le royaume, est réservé aux capitales, ergo, Rennes doit seule héberger le parlement. Mais dans le même temps – et parfois dans les mêmes textes – les Rennais mettent aussi en avant un deuxième ordre d’argumentaire. Si Rennes n’obtient pas (ou ne conserve pas) le parlement, elle n’aura plus rien et Nantes aura tout récupéré dans la province : Rennes ne sera plus, affirme une requête de 1555, qu’une ville « en brief ruinée, désolée et champestrée ». Cette « ruyne et totalle desolation » serait d’ailleurs en cours vers 1560, « comme l’on void a l’œil grand commencement depuis que ladite court de parlement est audit Nantes ». À l’inverse, Nantes juge en 1555 que la détention des deux séances du parlement fera d’elle une ville « grande, forte, complète26 ». Au-delà des exagérations rhétoriques, on a ici une belle preuve de ce que l’appui sur la condition de capitale correspond pour Rennes à une primauté originelle d’un genre tout à fait particulier.
13Comment Nantes réagit-elle face à l’argumentaire rennais ? Dans un premier temps, elle semble bien le contester frontalement. Pour contrer l’instrumentalisation rennaise qui associe – en s’appuyant sur une réelle tradition bretonne – couronnement ducal et condition de capitale, les Nantais soulignent qu’en France, Reims, ville du sacre des rois, n’a nullement été retenue comme capitale du royaume27. En 1555, Nantes défend sa propre « capitalité » en s’affirmant comme « la capitale ville et plus ancienne » de la Bretagne28. La monarchie peut d’ailleurs reprendre cette affirmation à son compte, ainsi dans un édit de 1560 : « Comme capitale de nostre pays et duché de Bretagne, y a le parlement dudit pays esté établi29. » Mais ne faut-il pas ici lire les choses à l’envers ? Nantes n’est-elle pas précisément définie comme capitale à cette date parce qu’elle est devenue la résidence unique du parlement ? Le syllogisme rennais serait ainsi à la fois validé… et retourné.
14Mais le ton change sensiblement à partir du moment où la cour souveraine quitte les bords de la Loire. Dans un mémoire de 1564, alors que sa position est fragilisée, la ville de Nantes cherche à évacuer cette dimension : « N’estoyt question de scavoir laquelle des deux villes estoyt capitalle, mais seulement laquelle estoyt plus commode pour l’assiette d’un parlement30 ». La concurrence sur le plan de la « capitalité » paraît trop rude, aussi les Nantais mettent-ils en avant – ils l’ont d’ailleurs déjà fait plus tôt – le registre de la commodité. La ville bénéficie d’une bien meilleure centralité, non pas sur le plan géographique (ici les Nantais se contentent d’affirmer que Rennes est, autant que Nantes, « à l’extrémité » de la province), mais bien sûr le plan fonctionnel. En se rendant à Nantes, les plaideurs pourront en profiter pour utiliser les autres services offerts par la ville, ce grand carrefour commercial qui abrite aussi l’université et la chambre des comptes31. En outre, les trajets vers Nantes, depuis l’essentiel de la Bretagne, sont beaucoup plus faciles grâce au rôle de la mer et de la Loire. Le débat entre les deux villes met également en avant toute une série d’autres enjeux. En matière de défense, Nantes, mieux fortifiée et dotée d’un château, serait un abri plus sûr pour les archives : elle héberge d’ailleurs non seulement le trésor des chartes ducal, mais aussi les archives des États et celles de la chambre des comptes. Rennes de son côté laisse entendre, en s’appuyant sur un argumentaire historique, que Nantes n’a jamais été que la tête du comté éponyme, lequel n’est qu’un membre annexe du duché de Bretagne dont Rennes est le chef : or une dignité ducale ne peut que l’emporter sur une dignité comtale.
15Le « compromis » des années 1560, s’il a sa pertinence en termes de politique globale, comme on l’a envisagé plus haut, ne signifie pas du tout que la lutte cesse entre Nantes et Rennes pour la détention du parlement et plus largement, des instances monarchiques. S’exprime en cela, selon l’évêque de Vannes en 1560, « l’immortelle émulation de ces deux villes » : la rivalité précède la question du parlement. Mais il n’est pas forcément acquis qu’elle soit très ancienne : n’a-t-elle pas véritablement pris forme dans le contexte nouveau créé par l’union, à partir de la fin du XVe siècle ? Nantes fait de multiples tentatives après 1561 pour récupérer le parlement, ou au moins l’une de ses deux sessions32. En 1580 cependant, la monarchie confirme la localisation rennaise. Faut-il y voir, au-delà du jeu des divers intervenants, le rôle d’un « effet de gel » ? Maintenant que le choix effectué a pour lui l’enracinement dans le temps, les autorités adhèrent à ce choix, autant et plus qu’aux raisons qui ont présidé à celui-ci. Mais tout semble remis en cause lors de la grave crise ligueuse, marquée par la scission des institutions bretonnes et par l’établissement à Nantes d’un parlement – celui du camp ligueur – par la volonté du duc de Mercœur. Mais la victoire du camp royal marque l’échec définitif – et dans les faits l’abandon – des prétentions parlementaires nantaises. Pour autant, Rennes la fidèle n’a pas non plus réussi à conserver dans ses murs la chambre des comptes, ni l’université, ni la recette générale des finances, qui repartent toutes à Nantes à la fin des hostilités33. Ce retour au statu quo paraît bien correspondre, une fois encore, à une politique d’ensemble de la part de la monarchie, dans le cadre du grand règlement de la fin des guerres de religion.
16Cependant Rennes a su procéder, entre le milieu du XVIe siècle et le début du XVIIe siècle, à un transfert interne de légitimité, directement lié aux évolutions institutionnelles. S’affirmant comme capitale, aux lendemains de 1532, en tant que ville du couronnement, elle doit s’adapter progressivement à la disparition de la fonction ducale et des cérémonies qui y sont liées. Une pétition de 1563 fait figure d’étape intermédiaire : la ville se définit alors comme capitale en tant que ville du couronnement mais aussi comme ville du parlement34. La publication en 1618, dans la troisième édition de l’Histoire de Bretaigne de Bertrand d’Argentré, du premier plan de la ville daté de 1616, permet de voir l’aboutissement du processus. Le cartouche supérieur porte en effet : « Rennes ville capitale de Bretagne et siège du parlement35 ». Le couronnement s’est effacé. Est-ce à dire qu’on passe d’une légitimité historique à une légitimité fonctionnelle ? Il ne me semble pas qu’une telle lecture soit ici pertinente. Plus probablement, dans un contexte historique qui évolue, c’est l’institution porteuse, au présent, de la légitimité maximale qui est mise en exergue. Le relais de la figure du prince par celle d’une cour souveraine dotée d’un ressort, n’a pas forcément de très grands effets en termes de spatialisation, dans la mesure où, comme on l’a déjà souligné, l’espace en jeu est durablement homogène.
Comment « capitaliser » l’avantage acquis ?
17Dans ce cadre, Rennes s’impose donc progressivement en jouant la carte royale, en assumant pleinement son rôle de relais de la monarchie. La formule employée en 1532 par Michel Champion, procureur des habitants de la ville, était déjà signifiante : Rennes, « Ville Royale et cappitalle de ce pays et Duché », accueillant dans ses murs son nouveau duc, qui serait sans doute un jour son roi, plaçait sa promotion provinciale sous les auspices d’une sujétion royale. Au début des années 1540, la ville met directement les deux aspects en relation : « Est nécessaire que en chacun pays y ait ville capitalle pour plus grande obéissance et auctorité du roy et de monseigneur [le dauphin-duc] tout ainsy que en ung royaulme y a un cheffde ville capitalle36. » L’autorité royale doit donc s’appuyer sur des relais qui sont en priorité les diverses « villes capitales » telles qu’évoquées au début de ce texte. Sur ce plan, le parlement joue un rôle à la fois décisif et très progressif. La lente construction d’une nouvelle forme de primauté a sa traduction dans la pierre, puisque l’édification du palais du parlement n’est entamée à Rennes qu’en 1618 – l’année même où parait le plan de la ville – et achevée en 1655 seulement. Cette affirmation a des conséquences variées, ainsi quand l’évêque de Rennes veut présider en 1651 les États qui se tiennent à Nantes au motif qu’il est l’évêque de la capitale de la province37.
18Mais cette position « capitale » connaît encore au XVIIe siècle bien des aléas, y compris justement aux États de la province. Le contexte de parution du premier plan de Rennes est particulièrement intéressant : il est en effet publié alors que Rennes lutte contre Nantes, et contre les autres villes représentées aux États, pour savoir à qui doit revenir la présidence du Tiers38. À partir des États qui siègent à Rennes en 1598, dans un contexte qui lui est évidemment favorable, la ville est parvenue à faire reconnaître par eux son « privilège » en matière de présidence. Mais les Nantais sont à l’origine de nombreuses remises en cause. Dans un mémoire offensif de 1619, Nantes dénie à l’occasion à Rennes son rang de capitale et se pose comme telle, à travers le passage en revue de diverses fonctions. À titre d’exemple, Nantes se présente comme la mère nourricière de la province, y compris de sa rivale et l’apostrophe : « Et vous Rennes, depuis quand, je vous prie, estes vous devenu la capitale de vostre mère ? » ; il faut donc au final « recongnoistre [Nantes] comme capitale et métropole39 ». La contestation est énergique, et elle a une traduction politique. Ainsi, les villes du Tiers imposent alors de pouvoir voter pour élire leur président, et elles choisissent en 1618 un Nantais et en 1619 un Vannetais40. S’agit-il d’une forme de résistance face au poids politico-administratif croissant de Rennes ? Est-ce que s’exprime une animosité des villes bretonnes contre la « ville royale » par excellence, en fonction de motifs divers (contentieux hérité du temps de la Ligue, marginalisation…) ? Rennes d’ailleurs fait elle-même allusion dans des remontrances de 1620 aux jours sombres de 1589, quand elle resta seule fidèle au roi (avec Vitré) dans une Bretagne rebelle. L’animosité contre elle est sans doute d’autant plus forte que, malgré l’argumentaire nantais – dont l’exemple alimentaire montre au passage la faiblesse –, la reconnaissance du « statut » de capitale est de plus en plus générale41. Dans son Itinéraire de 1636, Dubuisson-Aubenay accorde à Nantes le qualificatif élogieux de « ville antique », mais réserve à Rennes celui de « ville capitale de toute la Bretagne42 ».
19Cependant la situation rennaise prend un tour nouveau et dramatique en 1675 lorsqu’à la suite de la révolte du Papier timbré, la ville perd son parlement, non pas au profit de Nantes, qui s’est également soulevée, mais en faveur de Vannes, où la justice, selon le roi, pourra s’exercer au calme43. Ce choix prend-il en compte l’héritage administratif du temps des ducs ? Est-il combiné à une position de centralité géographique désormais plus discriminante, une fois Nantes et Rennes écartées ? Pour la cité des Vénètes, du moins, c’est une divine surprise, après les espoirs, vite déçus, des débuts de la Ligue44. Pour Rennes, le risque de déclassement est grand car le transfert est conçu comme définitif (ce n’est pas un simple exil) ; selon la marquise de Sévigné, la ville, sans son parlement « ne vaut pas Vitré »… Mais au bout de quatorze ans, la cour revient à Rennes. Des questions de sécurité ont pu jouer : à l’heure de la guerre contre Angleterre et Provinces Unies, les villes côtières sont menacées de descentes. Mais ce retour se fait sans doute au prix de l’acceptation par la cour de l’installation d’un intendant en Bretagne, auquel elle s’opposait jusque-là45. Rennes ensuite récupère tout… même si les intérêts des acteurs sont divergents : parlement comme États ne voulaient pas d’un intendant, mais Rennes en tant que ville a intérêt, s’il est finalement établi, à ce qu’il vienne demeurer chez elle.
20Ainsi, entre 1689 et 1735, une polarisation sans ambiguïté se manifeste à Rennes : au parlement et à l’intendance s’ajoutent bientôt la quasi-totalité des sessions des États, le siège de leur commission intermédiaire et même la faculté de droit, déplacée depuis Nantes. Peut-on parler alors d’une forme d’institutionnalisation du « rang » de capitale ? À défaut d’un véritable statut, il y a là un vrai succès, mais dont les conséquences de 1789 et de la départementalisation souligneront la fragilité. Nantes ne fait plus guère figure, dès le XVIIe siècle, de capitale au sens géographique… si ce n’est pour le « pays nantais ». Mais les bases de sa réussite en tant qu’organisme urbain sont plus solides : devenue l’un des premiers ports de France, la ville dépasse de loin Rennes sur le plan démographique au XVIIIe siècle. Sa forme de primauté est fondée sur d’autres fonctions : elle est « capitale » commerciale, mais ici dans une acception actuelle, et non suivant les logiques du temps. La comparaison avec Rennes rejoint ainsi la définition d’Arnold Toynbee : « La capitale […] est ex officio la ville la plus importante de l’État au point de vue politique, mais pas nécessairement la plus importante à d’autres égards. Par exemple ce n’est pas nécessairement la plus grande ville, ou la plus importante du point de vue économique ou culturel46. » Il n’en reste pas moins que, vue depuis la Basse Bretagne, l’attraction nantaise est la plus forte : si on en croit le témoignage révélateur de la gwerz, Rennes est certes la ville de justice, mais c’est Nantes qui fait figure de « grande ville » dans la province47. En outre, être une capitale n’est pas seulement un atout : c’est aussi une contrainte. Il faut en effet supporter une tutelle monarchique plus forte sur le plan local, via l’intendant et le parlement. Rennes finit par devenir le lieu d’une véritable polarisation politique et d’une politisation sans équivalent, au point qu’en 1785 l’intendant en vient même à caresser l’idée de déménager à Nantes, politiquement plus paisible48. Reste pour finir qu’il faut, dans ce type d’analyse, se garder de toute réification : Rennes comme Nantes n’existent pas… en tant qu’actrices historiques. Dans cette première esquisse, il s’est donc agi avant tout de poser des bases qui permettront ultérieurement de parvenir à une construction historique qui fasse plus résolument place aux acteurs sociaux, et en particulier aux stratégies des groupes dirigeants. Mais pour eux comme pour les autres individus et milieux concernés, les discours et les institutions, dont on a cherché à mettre en évidence le rôle, ne peuvent être tenus pour de simples illusions ou simulacres.
Notes de bas de page
1 Guiffan J. et Guyvarc’h D. (coord.), Nantes et la Bretagne. Quinze siècles d’histoire, Morlaix, Skol Vreizh, coll. « Nantes Histoire », 1996, p. 63-78 et 79-92.
2 Aubert G., Croix A. et Denis M. (dir), Histoire de Rennes, Rennes, Apogée/PUR, 2006, p. 67.
3 En Champagne à la fin du XVIe siècle, un texte évoque les villes « qui ne sont frontières ny capitalles de ladicte province » et cite comme villes capitales, Troyes, Reims et Châlons (Barbiche B., « Les commissaires députés pour le régalement des tailles en 1598-1599 », Bibliothèque de l’École des Chartes, vol. 118, 1960, p. 92).
4 Archives municipales de Rennes (désormais AMR), AA 7, 2e partie.
5 Barbiche B. et Dainville-Barbiche S. de, Sully, Paris, Fayard, 1997, p. 83. Coulet N., Aix-en-Provence, espace et relations d’une capitale, milieu XIVe-milieu XVe siècle, Aix-en-Provence, 1988, t. I, p. 49, cite à propos d’Aix au XVIIe siècle le propos de Jean-Pierre Coste : « Le trait qui frappe le plus dans cette ville : c’est la conscience qu’elle a d’être capitale. »
6 Cité par Kerviler R. et al., Répertoire général de bio-bibliographie bretonne, Rennes, Plihon et Hervé, 1897 (rééd. 1978), t. V, p. 81.
7 Leguay J.-P. et Martin H., Fastes et malheurs de la Bretagne ducale, 1213-1532, Rennes, Éditions Ouest-France, 1982 ; Le Page D. et Nassiet M., L’union de la Bretagne à la France, Morlaix, Skol Vreizh, 2003.
8 Sur la résidence fréquente des ducs à Vannes et autour de la ville dans la première moitié du XVe siècle : Leguay Jean-Pierre, Histoire de Vannes et de sa région, Toulouse, Privat, 1988, p. 62.
9 Dès 1369, avec une stabilisation sous le duc Jean V (1399-1442) : Kerhervé J., L’État breton aux XIVe et XVe siècles. Les Ducs, l’Argent et les Hommes, Paris, Maloine, 1987, t. I, p. 345-347.
10 Elle remonte au XIe siècle, mais les chroniques bretonnes la mentionnent bien plus tôt : selon Bouchart A., Grandes croniques de Bretagne, (livre II, chap. 5, § 1), Paris, CNRS Éditions, 1986, t. 1, p. 206, les rois de Bretagne sont couronnés à Rennes dès la fin du IVe siècle. Cet ancrage historique est sans doute renforcé par la présence dans la ville de communautés bénédictines liées à la famille ducale aux XIe-XIIe siècles : l’une masculine (Saint-Melaine), ancienne mais revitalisée, et où est enterrée la femme du duc Alain IV et l’autre féminine (Saint-Georges), directement fondée par Alain III et dont la sœur Adèle est la première abbesse. On ne trouve rien de semblable à Nantes, ni à Vannes.
11 Kerhervé J., « Nantes capitale… », op. cit., p. 69.
12 Cité par Leguay J.-P., Un réseau urbain au Moyen Âge. Les villes du duché de Bretagne aux XIVe et XVe siècles, Paris, Maloine, 1981, p. 79.
13 Morice Dom H. et Taillandier Dom C., Mémoires pour servir de preuves à l’Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Paris, 1746, t. III, col. 479.
14 Buron E. et Méniel B. (dir.), Le duc de Mercœur. Les armes et les lettres (1558-1602), actes du colloque de Rennes (octobre 2005), Rennes, PUR, 2009.
15 En 1500 l’ordonnance de Melun confirme que le parlement est établi à Vannes, mais cela n’est pas toujours respecté ; ainsi en 1530 siège-t-il à Rennes : De La Martinière J., « Le parlement sous les rois de France de 1491 à 1554 », Annales de Bretagne, vol. XXXVI/2, 1924-1925, première partie, p. 282 ; Catalogue des Actes de François Ier, Paris, Imprimerie nationale, 1887-1908, t. II, p. 726, no 7274-75. En 1534 de nouveau, François Ier rétablit le parlement à Vannes de façon perpétuelle, mais la disposition reste aussi lettre morte puisque dès 1538, une session se tient à Nantes : Catalogue… ibid., t. II, p. 763, no 7448 ; t. VI, p. 378, no 20838 ; t. VIII, p. 204, no 31142.
16 Et ce malgré une ordonnance de 1531 qui établit le partage entre deux sessions : celle d’hiver à Nantes et celle d’été à Rennes, suivant un modèle qui annonce la première répartition des séances du parlement : ibid., t. II, p. 78, no 4231. Mais ici encore, la décision ne semble pas respectée, à suivre les récriminations nantaises : voir Archives municipales de Nantes (désormais AMN), II, 2 et 3. Pour J. de la Martinière cependant, le conseil siège à Nantes autour de 1550 : « Le parlement sous les rois de France de 1491 à 1554 », Annales de Bretagne, vol. XXXVII/1-2, seconde partie, p. 123.
17 Sur la relation Parlement/Conseil en Bretagne entre 1491 et 1554, voir De La Martinière, op. cit.
18 Sur le rôle possible du premier président au parlement André Guillart en faveur de Nantes, voir Ropartz S., « L’Otium Semestre de Jean de Langle conseiller au parlement de Bretagne », Bulletin archéologique de l’Association bretonne, classe d’archéologie. Procès verbaux du congrès de Vitré (1876), Saint-Brieuc, 1877, p. 184 ; sur celui du duc d’Étampes, gouverneur de la province, qui aurait joué la carte rennaise, voir par exemple ses arguments en faveur de la ville dans Morice et Taillandier, Mémoires, op. cit., col. 1256.
19 On l’a compris : la question de l’implantation du parlement de Bretagne est un sujet à reprendre. Pour s’en convaincre, il suffit d’ouvrir les dernières synthèses sur la Bretagne. J. Cornette (Histoire de la Bretagne et des Bretons, Paris, Le Seuil, 2005, t. I, p. 447) se contente ici de reprendre ce qu’écrit Alain Croix dans L’âge d’or de la Bretagne, 1532-1675 (Rennes, Éditions Ouest-France, 1993, p. 33) pour expliquer le transfert de Nantes à Rennes : « Les magistrats du parlement se plaignent de la difficulté de trouver à Nantes des logements convenables. » Ils plaideraient alors en faveur de Rennes et cette « banale question d’intendance » aurait été décisive selon A. Croix. En fait, il s’agit ici d’une mauvaise interprétation d’une phrase, il est vrai ambiguë, de Marcel Planiol (Histoire des institutions de la Bretagne, t. V : Le XVIe siècle, Mayenne, 1984, p. 216) qui évoque à propos du transfert la « volonté du corps des magistrats qui s’étaient trouvés mal logés à Nantes ». Mais il renvoie à Nicolas Travers (Histoire civile politique et religieuse de la ville et du comté de Nantes, Nantes, Forrest, 1837, t. II, p. 351) dont la lecture lève l’ambigüité : le problème de logement concerne, non les parlementaires, mais bien le siège même de la cour : les magistrats, logés aux Cordeliers, demandent en avril 1559 à la municipalité nantaise de leur faire aménager ou construire un palais. Quand on sait par ailleurs que, lors de son installation à Rennes en 1561, la cour s’établit durablement, aux… Cordeliers, on peut d’ailleurs douter du caractère décisif de ce paramètre pour la faire quitter Nantes. Sur ce dossier voir de nouvelles pistes dans Pouessel K., Rennes au début des Guerres de religion (1561-1564), mémoire de master 2, P. Hamon (dir.), Rennes, 2010.
20 Voir un exemple de cette argumentation (dès les années 1540) en AMR, FF 248.
21 Morice et Taillandier, Mémoires, op. cit., t. III, col. 1124 (lettre des Rennais au duc d’Étampes, gouverneur de Bretagne, 1555). Un édit de Henri II de novembre 1552 confirme l’attribution des compétences de la chancellerie et conseil aux présidiaux, malgré la demande des États, qui souhaitaient l’érection d’un parlement ordinaire, mais en même temps l’annulation de l’édit sur les présidiaux : ibid., col. 1084-1088. En 1549 encore, le roi accroissait les effectifs des maîtres des requêtes de la chancellerie et conseil qui avait obtenu sous François Ier la connaissance des appels
22 Ibid., col. 1256.
23 Saupin G., Nantes au XVIIe siècle. Vie politique et société urbaine, Rennes, PUR, 1996, p. 15.
24 Sur cet événement, Hamon P., « Rennes, 1532 : le dernier couronnement ducal », dans Pic A. et Provost G. (dir.), Yves Mahyeuc (1462-1541). Rennes en Renaissance, Rennes, PUR, 2010, p. 325-342. criminels entre les sessions du parlement (alors d’une durée de 35 jours) (ibid., col. 1063). Sur les variations de la politique d’Henri II, voir De La Martinière, op. cit., seconde partie, p. 114-128.
25 En mars 1555, Rennes réclame les deux séances du parlement « comme ville cappitalle de nostredit duché et en laquelle noz predecesseurs ducz de Bretaigne auroient de tout temps acoustumé de prendre et recevoir leurs intersignes ducaulx et faire les premiers actes de leur principaulté et grandeur » (AMR, FF 248). L’argument est repris lors de l’enquête de 1560 sur la localisation du parlement, par exemple par la dame de Montejean, favorable à Rennes : Morice et Taillandier, Mémoires, op. cit., t. III, col. 1255.
26 Morice et Taillandier, Mémoires, op. cit., t. III, col 1124 ; AMR, FF 248.
27 L’argument est présent dès un mémoire de 1541 environ : Saupin G., « Nantes capitale… », op. cit., (note 1) p. 82 ; on le retrouve encore dans une autre requête nantaise, non datée mais postérieure à 1564, conservée aux AMN, II, 6, et publiée dans Laschon F., Gouverneurs et gouvernement en Bretagne au XVIe siècle (1492-1589), thèse Rennes 1, histoire du droit, 2006, t. II, p. 89-96.
28 AMR, FF 248 ; l’inversion (capitale ville au lieu de ville capitale) n’est-elle pas cependant signifiante ?
29 Morice et Taillandier, Mémoires, op. cit., t. III, col. 1241, dans l’acte de création d’une mairie nantaise.
30 Cité dans Saupin G., « Nantes capitale… », op. cit., note 1, p. 91.
31 Morice et Taillandier, Mémoires, op. cit., t. III, col. 1253 (avis de Philippe du Bec, alors évêque de Vannes, en 1560).
32 Voir par exemple la mobilisation des années 1572-1574 évoquée dans AMN, BB 11 (emprunt de 30 000 livres pour poursuivre les démarches) ou dans BB 15 les opérations des années 1579-1580.
33 Sur cette question voir Hamon P., « Rennes au temps de la Ligue : pouvoir municipal et pouvoirs dans la ville », L’exercice du pouvoir municipal de la fin du Moyen Âge à 1789, actes du colloque de Rennes, P. Hamon et C. Laurent (dir.), février 2010, à paraître.
34 AMR, GG 343.
35 Publiée par exemple dans La Bretagne d’après l’Itinéraire de monsieur Dubuisson-Aubenay, Rennes, PUR-SHAB, 2006, p. 93.
36 AMR, FF 248.
37 Salomon H., « La Fronde en Bretagne », Revue Historique, 14e année, t. 40, mai-août 1889, p. 6.
38 Sur cette affaire, voir Saupin G., « La construction identitaire nantaise dans sa rivalité avec Rennes au début du XVIIe siècle », dans Belissa M., Bellavitis A., Cottret M., Croq L. et Duma J., Identités, appartenances, revendications identitaires XVIe-XVIIIe siècles, actes du colloque de Paris X Nanterre, 2003, Paris, Nolin, 2005, p. 235-249.
39 Ibid., p. 245.
40 Le roi ordonne, le 31 août 1619, qu’aux prochains États (ceux de Vannes) on tranchera le différent au fond, mais que par provision Rennes y présidera le Tiers « comme étant notoirement la capitale de Bretagne » mais sa décision n’est pas suivie d’effet : AMR, AA 240. Par un arrêt du 7 septembre 1620, le Conseil du roi prévoit d’accorder la présidence aux présidents et sénéchaux des villes présidiales dans le ressort desquelles se tiennent les États, ou de procéder à une élection en l’absence de tout juge royal : AMR FF 257. Ce dossier est analysé dans Pichard M., Pouvoir municipal et société, Rennes de 1620 à 1630, mémoire de master 2, G. Aubert et P. Hamon (dir.), Rennes 2, 2010, chapitre ix. En 1624 on voit la ville de Rennes demander à ses députés aux États de s’opposer au processus mis en place et réaffirmer : c’est « une novalité et entreprinse contre les droitz et immémorialle position de ceste communaulté de preceder comme ville capitalle de la province les aultres communaultez au rang et presidance ausditz estatz » (AMR, BB 510, fo 104 vo).
41 On note que, lors de la « querelle de l’escabeau » aux États tenus à Nantes en 1614, le sénéchal et maire de Nantes, Louis Charrette, finit par lâcher « qu’il recognoist la ville de Rennes capitalle a cause du parlement de ce pays » ; mais il s’empresse d’ajouter que Nantes n’en est pas moins « l’une des capitalles et plus belles [villes] de l’Europe » (AMR, AA 240 [18-8-1614]). Une fois encore (cf. note 28), le jeu sur la position du mot capitale paraît net. Mais la reconnaissance du « statut » rennais, et de son origine, ne l’est pas moins.
42 Op. cit., p. 91 et 513.
43 Pour la déclaration du roi transférant le parlement : AMR, 1 003/8.
44 Pour un témoignage qui montre que des Vannetais espèrent en 1589 obtenir de Mercœur le rétablissement du parlement à Vannes : Joüon des Longrais F., « Information du sénéchal de Rennes contre les ligueurs (1589) », Bulletins et mémoires de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, t. XLI, 1991, p. 128-129.
45 L’intendant Pomereu est établi dès le début de 1689 alors que le retour du parlement à Rennes n’est effectif que fin 1689 (Fréville H., L’intendance de Bretagne, 1689-1790, Rennes, 1953, t. I, p. 48 et 56). On peut cependant supposer que des négociations antérieures se sont produites. Merci à Gauthier Aubert pour ses remarques sagaces sur ce point comme sur plusieurs autres aspects de cette contribution.
46 Cité par Coulet N., op. cit., p. 587.
47 Guillorel E., La complainte et la plainte. Chansons de tradition orale et archives criminelles : deux regards croisés sur la Bretagne d’Ancien Régime, thèse Rennes 2, P. Hamon (dir.), décembre 2008, tome III, p. 519-520, 533-534 et 586-587 (à paraître aux PUR).
48 Fréville H., op. cit., t. 3, p. 173-176. Il paraît aussi nécessaire à l’intendant de séparer les États du parlement : la commission intermédiaire le suivrait à Nantes, et les sessions plénières des États ne seraient plus réunies à Rennes.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008