Quelle jeunesse pour les « vaincus » de la compétition scolaire ?
p. 67-79
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Texte intégral
1Depuis les années 1970, le mouvement d’extension scolaire, allié aux difficultés croissantes d’insertion sur le marché de l’emploi, aboutit à une reconfiguration de la jeunesse et de ses modalités (Galland, 2001). Une jeunesse scolaire et prolongée, campée sur le modèle d’une vie lycéenne ou étudiante, s’est peu à peu imposée comme modèle dominant. Ce modèle, que l’on retrouve d’abord du côté des groupes sociaux les plus dotés, s’est aussi développé du côté des milieux populaires de plus en plus engagés dans des études longues et acquis aux thèses de leurs bienfaits (Poullaouec, 2010 ; Beaud, 2002). Là où, dans les années 1980, elles demeuraient encore l’exception, les scolarités lycéennes et supérieures des jeunes de milieux populaires se sont depuis lors développées au point que l’on peut parler aujourd’hui d’une génération universitaire des milieux populaires (Hugrée, 2008). En outre, à côté de cette nouvelle donne, les fractions de la jeunesse populaire qui, faute d’être parvenues à prendre le train des études longues, s’orientent dans les voies de l’apprentissage salarié, trouvent encore dans celui-ci, notamment par les maigres ressources financières qu’il permet, le moyen de vivre une jeunesse « lycéenne » à l’écart d’une école les ayant rejetés (Moreau, 2003). Pourtant, à côté de ces situations, certains enfants de milieux populaires, en ruptures scolaires, continuent d’échapper à l’accroissement de l’espérance de vie scolaire et aux formes de jeunesse qui lui sont liées (Millet et Thin, 2005 ; Glasman et Oeuvrard, 2004). Considérés comme des élèves parmi les plus réfractaires aux règles scolaires, que ce soit en raison d’absences chroniques ou d’entraves à l’ordre pédagogique, ils comptent au nombre des laissés-pour-compte des politiques de la massification scolaire et sont orientés aux marges du système d’enseignement. Aussi peut-on s’interroger sur les réalités vécues par ces jeunes de milieux populaires et se demander de quelle jeunesse est faite la situation de ceux qui, dans l’école massifiée, sont (devenus) des « vaincus » de la compétition scolaire (Thelot, 2004 : 42) ? Répondre à cette question suppose de rendre compte des configurations de relations d’interdépendance concurrentielles et divergentes dans lesquelles ces jeunes de milieux populaires sont placés. C’est ainsi que la jeunesse (problématique) de ces collégiens en ruptures scolaires se définit sous l’effet d’un triple lot de contraintes (Lahire, 2004 : 497) : contraintes scolaires, familiales, liées à la fratrie ou aux groupes de pairs, qui s’articulent pour créer les conditions favorables à leur parcours de ruptures scolaires1.
UNE JEUNESSE DÉSHÉRITÉE « EN HÉRITAGE »
Une précarité toujours présente
2Pour l’essentiel issues des fractions inférieures des milieux populaires, les familles des collégiens témoignent des effets du déclassement d’un monde populaire en chute sociale depuis la crise des années 1970 (Beaud et Pialoux, 1997 ; Mauger, 1998). Leur histoire socioprofessionnelle et économique est parcourue de basculements plus ou moins soudains (accidents biographiques, ratés du parcours, ruptures familiales) qui maintiennent les parents dans de grandes difficultés économiques et sociales. Certains collégiens grandissent dans des familles désaffiliées de la société salariale, vivant « au jour la journée », en dehors des scansions temporelles dominantes de la vie sociale (Millet et Thin, 2005b). D’autres proviennent de familles à la trajectoire sociale fortement déclinante, suite à un parcours migratoire ou à un accident biographique, par exemple. D’autres sont enfin issus de familles où les parents, pour l’essentiel ouvriers ou employés peu qualifiés (monteurs, agents de sécurité, maçons non qualifiés, personnels de service), se sont maintenus tant bien que mal à la suite de périodes d’instabilité et de chômage, souvent avec le sentiment persistant d’une menace de chute sociale. Les conditions socioéconomiques des familles frappent ainsi par leur fragilité. La précarité économique (RMI, chômage longue durée, « petits boulots », logement dégradé, foyer d’accueil) et l’éloignement des formes organisées du travail salarié créent un contexte familial dans lequel dominent instabilités, urgences, incertitudes, menaces, et dont les effets sur les pratiques socialisatrices familiales font obstacle aux exigences de la scolarisation.
Des conditions matérielles qui empêchent l’acquisition d’un capital scolaire
3Dans la mesure où les conditions matérielles produisent des effets de socialisation, l’expérience de la précarité (et du déclassement) a des conséquences sur la construction des dispositions sociales et cognitives des jeunes eux-mêmes. Dans le cas des familles les plus pauvres, c’est la possibilité même d’une accumulation primaire d’un capital scolaire qui se trouve entravée. P. Bourdieu (1997) rappelait combien l’école, comme loisir studieux, est le produit de la scholè et d’un faire « comme si c’était vrai » (Ernaux, 1984). À ce titre, elle présuppose la mise entre parenthèses des urgences quotidiennes, notamment économiques. Or, les conditions d’existence des collégiens observés multiplient les contraintes matérielles négatives qui forcent le rappel aux réalités immédiates et socialisent chez eux des dispositions à la discontinuité. C’est ainsi que les agents institutionnels en charge des collégiens les caractérisent par diverses formes d’instabilité. Ils associent à leurs postures corporelles non conformes le « manque d’attention », « de concentration » et la « dispersion ». Ces caractéristiques renvoient en fait au rapport des collégiens aux apprentissages scolaires et à la question des temporalités marquées par la précarité. L’absence de rythmes régulant le temps des activités familiales (temporalités du coup par coup liées aux urgences de la vie, temporalités plates des familles sans emploi ou temporalités désaccordées par les horaires d’emplois postés) entre en contradiction avec les exigences d’un temps scolaire qui « requiert des agents scolarisés […] les aptitudes à la régularité et à la ponctualité, les capacités de prévision et de planification » (Verret, 1975 : 212). L’expérience scolaire des collégiens est ainsi tramée par une série de contraintes extérieures à la scolarisation qui rappellent l’ensemble des présupposés économiques et matériels sur lesquels s’établit toute posture scolastique. En affectant directement la capacité des collégiens à se projeter dans l’avenir, et en altérant la possibilité de mobiliser les déjà faibles ressources familiales, c’est le maintien d’un effort scolaire dans la durée que leurs conditions matérielles d’existence précaires finissent par obérer.
Une dépossession économique contraire à la « culture jeune »
4Dans une société où l’accès aux biens de consommation constitue des signes de reconnaissance sociale, les questions d’argent sont parfois l’occasion de chicanes douloureuses dans les familles. Des conflits opposent ainsi les exigences de consommation des collégiens aux difficultés économiques de leurs parents qui refusent ou reportent des achats pour leurs enfants. Les tiraillements autour des questions matérielles sont d’autant plus grands que la dépossession économique contrecarre l’accès des collégiens à la « culture jeune » qui suppose, « pour être un jeune comme il faut », l’élévation des moyens consommés (équipements vestimentaires, téléphones portables, marques) (Mauger, 2001). Ces pressions consommatrices entrent ainsi en contradiction avec le chômage de longue durée et la paupérisation de certains parents qui font l’impossibilité d’améliorer les conditions d’existence quotidiennes.
« Lui il veut s’habiller comme tout le monde, il veut s’habiller comme ses copains, et, c’est les marques, c’est ça, qui coûte cher pour moi ! […] (Et comment il réagit lui, il dit quoi ?) Bah il réagit mal ! Pourquoi vous allez pas travailler ! On peut pas travailler quand on est malade, il veut pas comprendre ! Parce que quand on a 15 ans, on a dans la tête qu’on est increvable ! » (père de Mohamed, en 4e à 14 ans, mesure AEMO, père invalide, mère au chômage – aide-soignante).
5Du coup, ces contradictions entre le désir de consommer comme tout le monde et la dépossession économique sont toutes désignées pour favoriser, chez certains collégiens, la contestation de l’autorité parentale et la pratique de la débrouillardise (Hoggart, 1991), y compris parfois en ses versions illicites, dont il faut rappeler qu’elle constitue l’avatar du « savoir-faire-avec » des groupes les plus dominés (Passeron, 1995 : 33).
« S’il me demandait des sous tous les jours comment je ferais ? Et puis si je lui en donne pas il est capable d’aller voler, je vais faire comme au cinéma même si c’est pas vrai, il lui passe plein d’idées dans la tête. […] Et puis il aime bien les marques quand même hein, il est bien habillé, il porte pas des trucs si y a pas de marques hein, ses sœurs elles l’ont habitué à ça et puis c’est resté » (mère de Marc, en 6e à 13 ans, parents au RMI).
DE L’ATTRAIT DES PAIRS AUX SOCIABILITÉS DE CONTRE-HANDICAP
L’expérience du déracinement
6Les difficultés économiques et sociales des familles, les changements d’emploi des parents, les séparations, etc., font aussi que le parcours résidentiel des collégiens est souvent mouvementé, les conduit à changer de logement, de quartier, voire de ville. Or, ces déménagements sont souvent vécus comme un déracinement tant les collégiens se sentent arrachés à leurs sociabilités ordinaires et à l’univers sécurisant du quartier d’origine. D’autant que ces déplacements s’accompagnent généralement de changements d’école qui les projettent dans des classes dont ils ne connaissent ni les élèves ni les enseignants. Ces changements d’établissements scolaires produisent des effets particulièrement délétères sur la scolarité lorsqu’ils confrontent les collégiens à des populations mieux pourvues. Coupés des camaraderies de quartier, les plus déshérités d’entre eux font, à travers leur relation aux autres élèves, l’expérience de la distance sociale et culturelle, sources d’isolement du reste de la classe et de stigmatisation (« C’était que des intellos. […] Ils ont tout le temps des bonnes notes »). Des collégiens racontent comment ils sont amenés à vivre dans l’enceinte scolaire des situations qui les renvoient à leurs propres conditions sociales d’existence, lesquelles ne leur permettent pas d’avoir un cartable plus « branché » ou de faire l’économie du recyclage familial des vêtements :
« [Dans mon ancien collège] ils étaient tout simples, ils étaient habillés du genre tee-shirt, jean et puis personne regardait le look des autres, si y en avait un qui avait un tee-shirt taché personne n’allait lui dire “ouais regarde ton tee-shirt, tu ferais bien d’en racheter un autre”, “t’achètes que des trucs à dix balles”. Tandis que là […] il va y avoir des réflexions pas possibles… y en a un qui va mettre un tee-shirt qu’ils ont vu dans un magasin qui coûte 2 ou 3 euros, ils vont l’insulter de “pauvre”. Moi, un jour, j’ai mis un tee-shirt que ma tante m’avait offert et en fait les manches elles m’allaient trop courtes, alors pendant toute la journée il y a eu des réflexions » (Caroline, en 5e à 12 ans, mère au RMI, profession du père inconnue).
7Les collégiens qui se retrouvent dans des collèges où ils se sentent minoritaires expriment ainsi un sentiment d’isolement qui les pousse, lorsque cela est possible, à retourner dans le quartier d’origine pour y retrouver les réassurances d’un monde social maîtrisé.
Les pairs comme « résistance » à l’acculturation scolaire
8S’il en est ainsi, c’est parce que les sociabilités juvéniles constituent une dimension centrale de la vie sociale de ces jeunes de milieux populaires en ruptures scolaires. Pour nombre d’entre eux, le groupe de pairs apparaît comme une ressource où se joue un lien d’identification à des semblables. Tous les collégiens interrogés se revendiquent de la « culture de rue » (Lepoutre, 1997), c’est-à-dire de styles musicaux, de pratiques langagières, de logiques comportementales, de codes vestimentaires, qui sont à la fois issus des quartiers populaires et attribués à leurs jeunes habitants. C’est ainsi que, lors des entretiens, les pratiques langagières de plusieurs collégiens mélangent des formes de verlan, des expressions portées par la musique rap, des anglicismes ou des expressions dans un arabe « argotisé » et des formes d’un jargon local toujours réinventé. De même, les relations juvéniles des collégiens impliquent parfois l’adoption de postures agonistiques et belliqueuses. Ne pas s’y conformer risque de faire perdre la face devant les autres et d’affaiblir la place occupée dans le groupe :
« S’faire respecter aussi, parce que y a des élèves qui disent des mots qui te plaît pas et tout ! Chais pas, ils arrivent vers toi : “L’autre, vers toi, il t’dit, l’autre, il t’a insulté.” Il va rapporter c’qui s’est passé, et toi, ça te plaît pas, t’aimes pas quand on parle derrière moi, ça t’fait une réputation. J’arrive vers celui qu’a dit ça, t’essaies de régler le problème et après, si l’autre aussi, il veut s’faire respecter et ben ça dégénère, après ça part en bagarre. »
9Les activités que partagent les collégiens avec leurs pairs sont en outre souvent des activités sans encadrement institutionnel ou associatif, qui privilégient le plaisir spontané d’être ensemble. « D’temps en temps on va en ville, d’temps en temps on joue au foot, on bouge, on sort, on traîne, la routine. » Cet ancrage des collégiens dans les pratiques et la « culture de rue » constitue déjà une sorte de résistance objective à l’acculturation scolaire, simplement parce qu’il tend à faire passer pour normales des pratiques non conformes à l’ordre scolaire. Lors des entretiens, par exemple, les collégiens acceptent difficilement de parler de leurs résultats scolaires mais adoptent volontiers un ton jubilatoire pour décrire les chahuts scolaires et franches rigolades qui font les bons moments passés ensemble. La relation au groupe de pairs et au quartier participe ainsi d’une tension avec les exigences scolaires et institutionnelles.
La surdétermination de l’importance des pairs par l’école
10En même temps, l’intensité et les formes de relations que ces collégiens entretiennent avec leurs pairs ne sont pas jouées avant tout rapport scolaire, et ne se traduisent pas d’emblée en opposition à l’institution et ses agents. Si les jeunes des quartiers populaires se socialisent aux normes du groupe des « jeunes de la cité » (Bordet, 1998), ce n’est pas seulement parce qu’ils partagent de mêmes espaces d’existence ou de mêmes assignations sociales. Leur adhésion aux formes de la sociabilité juvénile des quartiers populaires se construit en interrelation avec une socialisation scolaire qui, chez eux, se confond avec l’expérience souvent précoce des difficultés scolaires et des conflits avec l’institution. La question qui se pose est dès lors celle des conditions du passage de sociabilités juvéniles en tension avec certaines exigences scolaires à une influence déterminante des pairs prenant parfois la forme radicalisée de la culture anti-école. Car tous les élèves de milieux populaires qui vivent ces doubles contraintes entre socialisation scolaire et socialisation populaire n’entrent pas dans un parcours de défiance vis-à-vis de l’école. Les élèves de milieux populaires qui accomplissent une scolarité « réussie » vivent aussi ces contradictions mais parviennent à les résoudre au profit de leur scolarité, parfois au prix d’un éloignement des pairs et de leur sociabilité (Bruneteaux, 1994 : 107-120). Si l’influence des pairs peut éloigner les collégiens du travail scolaire, la proposition peut s’inverser, la dépréciation scolaire pouvant renforcer l’importance symbolique des pairs, notamment des plus réfractaires. Conséquence de leur déperdition scolaire, la solidarité aux pairs répond alors à la nécessité de mettre en place des contre-handicaps sociaux (Grignon et Passeron, 1999). La pente de la sociabilité juvénile qui éloigne du domaine scolaire se raidit à mesure que les conflits avec les enseignants s’accumulent ou que l’intérêt à fournir des efforts scolaires s’amenuise. Plus les difficultés scolaires augmentent, plus la relation aux pairs représente un rempart symbolique rassurant dont l’effet de socialisation sépare plus encore les collégiens des normes scolaires et de la scolarisation. C’est donc bien toujours l’honorabilité qui est recherchée à travers les sociabilités de quartier. Mais ce qui est inédit dans ce processus, c’est la place désormais centrale qu’y prend l’école et ses verdicts. La question des sociabilités juvéniles populaires n’est plus dissociable de la nouvelle centralité de l’école (Terrail, 1997) et de la progression, jusque parmi les catégories sociales les moins scolarisées, de l’élévation des aspirations scolaires. Dans les années 1950, les sociabilités juvéniles populaires, et notamment la culture anti-école marquant la culture juvénile ouvrière, étaient davantage définies par leur relation avec la culture de l’atelier (et son anticipation) (Willis, 1978) qu’avec la culture scolaire. Elles pouvaient être envisagées de ce point de vue comme des systèmes symboliques autonomes, en dehors de tout rapport scolaire. Tel n’est plus le cas aujourd’hui, les formes radicalisées des sociabilités juvéniles populaires constituant désormais l’un des avatars des contradictions de la « démocratisation » scolaire (Millet et Thin, 2007).
UNE JEUNESSE DISQUALIFIÉE ET STIGMATISÉE
11Bien sûr, les processus de disqualification scolaire n’agissent pas seuls pour produire les pratiques de ces jeunes de quartiers populaires en ruptures scolaires. Il faut encore invoquer, pour en rendre compte, les processus de disqualification qui leur sont adjacents : la disqualification résidentielle liée au fait de vivre dans des quartiers dégradés ; la disqualification par l’origine « ethnique » dont sont victimes une partie importante des jeunes des quartiers populaires ; la disqualification familiale liée au chômage et à la précarité… Il reste que les dimensions scolaires occupent une place centrale dans ce qui détermine les conduites de cette jeunesse populaire en ruptures scolaires.
Une jeunesse scolairement stigmatisée
12Sur le plan scolaire, les collégiens étudiés cumulent souvent des difficultés scolaires d’apprentissage depuis l’école primaire, et ne produisent aucune performance de niveau collège. L’enracinement précoce de leurs difficultés d’apprentissage rejoint ce que les sociologues savent des difficultés d’une partie des enfants de milieux populaires, comme la difficile conversion des pratiques langagières issues de la socialisation familiale en pratiques langagières scolaires (Lahire, 2000). De même, la question des comportements constitue une pierre d’achoppement entre les collégiens et l’école, qui tend d’ailleurs à occulter celle des difficultés d’apprentissage scolaire dans les discours enseignants. L’analyse conduit pourtant à associer les deux dimensions. D’une part, les collégiens n’ont pas des difficultés dans les apprentissages scolaires parce qu’ils sont indociles, mais sont dissipés parce qu’ils rencontrent des difficultés cognitives. D’autre part, bien des comportements dénoncés comme perturbateurs manifestent des dispositions contraires aux dispositions qu’exige la forme scolaire d’apprentissage. Les postures corporelles des collégiens (décrits comme inattentifs, dispersés, en mouvement) révèlent par exemple le rejet de ce qu’ils vivent comme une posture passive, la posture d’écoute ou de prise de notes. Les collégiens sont ainsi confrontés, parfois très tôt, à la répétition des jugements négatifs de leurs productions scolaires et de leurs pratiques. Or, dans la mesure où les classements scolaires exercent des effets de verdicts, la multiplication des jugements dépréciatifs tend à assigner les collégiens à une place de mauvais élève qui les conduit à affronter les situations scolaires d’apprentissage ordinaires comme des situations potentiellement humiliantes. Ces processus ont bien sûr des effets sur l’économie psychique et relationnelle des collégiens, sur le rapport des élèves aux apprentissages et à l’institution. Quand les collégiens parlent de leurs résultats scolaires, c’est pour dire le sentiment de leur propre indignité culturelle dans une sorte d’intériorisation du stigmate scolaire (« on est la classe des nuls », « je suis nul », « je comprends rien », « de toute façon j’y arrive pas », « ce que je fais ça va jamais »). En outre, les effets générés par le discrédit scolaire sont renforcés par le fait que ces collégiens font à l’école l’expérience de la condamnation de leurs manières d’être. Leurs manières de parler discréditées parce que contraires au langage scolaire sont un exemple. Les postures corporelles sanctionnées comme postures relâchées et incompatibles avec le corps attentif exigé par l’école en sont un autre. Le stigmate scolaire est d’autant plus fort que les ressources familiales des collégiens pour compenser les qualifications scolaires négatives sont peu nombreuses, et que les discours familiaux reprennent parfois à leur compte les appréciations scolaires, comme cette mère déclarant devant son fils qu’« il a toujours été nul en français ».
De l’indignité scolaire à l’indignité familiale
13D’un côté, les tensions scolaires récurrentes (mots à signer, courriers, appels téléphoniques) qui résultent de ces difficultés scolaires sont au principe de brouilles avec les parents qui tendent à tenir leurs enfants pour responsables de leurs ennuis avec l’institution scolaire. Les difficultés scolaires des collégiens finissent par constituer un capital d’indignité familiale, dépréciant leur place parmi la fratrie et au sein de la famille. Stigmatisés au collège, les collégiens sont encore vilipendés au sein de la famille pour les désordres occasionnés (Millet et Thin, 2007). Si les transformations de l’école génèrent des malentendus entre parents et enfants des familles populaires (Beaud, 1995), elles signent encore des lignes de clivages au sein même des fratries, entre les enfants qui réussissent et ceux qui échouent. Or ces lignes de clivages fonctionnent comme de véritables fractures lorsque l’importance des écarts dans les parcours scolaires rend mutuellement illisibles les attitudes de frères et de sœurs qui n’appartiennent plus aux mêmes mondes. Les classements scolaires ont parfois d’importantes incidences sur la distribution des positions au sein de la famille et, pour les collégiens en ruptures scolaires, peuvent se traduire par un déclassement dans la hiérarchie des statuts traditionnels (entre les aînés et les cadets, les filles et les garçons). Une collégienne explique comment ses comportements scolaires contribuent à la disqualifier au plan familial, particulièrement dans le rapport à sa sœur scolairement plus performante. La frontière qui divise familialement les deux sœurs et qui, chez la collégienne, prend la forme de couples d’opposition : « elle c’est l’ange versus moi je suis le diable », « intérieur (elle sort pas) versus moi je suis toujours dehors », « on est le jour versus et la nuit », est avant tout une frontière scolaire qui montre comment les classements scolaires contribuent à distribuer les propriétés familiales des uns et des autres et à tendre les rapports. C’est le cas de ce collégien scolarisé en classe relais qui se bagarre avec son frère cadet scolairement plus performant pour laver ce qu’il perçoit, dans la concurrence avec celui-ci, comme une indignité personnelle (« il le traite de petit génie », nous dit sa mère).
De la disqualification à la mauvaise réputation
14D’un autre côté, ces processus de disqualification scolaire débouchent sur la construction d’un capital institutionnel négatif qui rejette les collégiens hors du jeu scolaire. Les pratiques des collégiens peu conformes aux règles scolaires, les modes de régulation des comportements portés sur la sanction dans les collèges et la montée des discours sur les « violences scolaires », font que ces derniers collectionnent les sanctions. Les dossiers des collégiens finissent par fonctionner ainsi comme des casiers scolaires qui marquent durablement leur parcours institutionnel ultérieur. Capital de mauvaise réputation, le capital institutionnel négatif alimente la suspicion institutionnelle à l’endroit des collégiens. Il fonctionne comme un facteur de visibilité des conduites collégiennes, qui donne à voir et retient l’attention de ceux qui sont en charge des collégiens. Les établissements qui accueillent des collégiens à la suite d’exclusions, par exemple, héritent de cas institutionnellement instruits. Ils veillent, en conséquence, avec une vigilance particulière, aux faits et gestes des collégiens incriminés dont la visibilité est par ce biais renforcée. Même bienveillante, cette vigilance augmente la probabilité que le moindre écart de comportement soit repéré et sanctionné. Le cumul des sanctions rend ainsi peu probable l’inversion de la carrière négative construite au sein de l’institution scolaire.
CONCLUSION : UNE JEUNESSE EN PANNE D’AVENIR ?
15La jeunesse de ces collégiens demeurerait incompréhensible si l’on ne tenait compte par ailleurs des effets liés à la reconfiguration des catégories de perception des difficultés scolaires des jeunes de milieux populaires. Depuis les années 1980, sous la double impulsion de l’émergence du « problème des banlieues » et du « chômage des jeunes », s’affirme un discours sur les « jeunes en difficulté » situé au croisement des préoccupations de l’insertion sociale et du souci de protection de l’ordre public. D’un discours de lutte contre les inégalités sociales, on passe, dans les années 1990, à un discours de prévention de la « violence » et des « désordres » scolaires (Douat, 2007). Là où, avec les Zones d’Éducation Prioritaires, il s’agissait de pratiquer une discrimination positive pour compenser les désavantages socioéconomiques dont pâtissaient les jeunes « en difficulté » issus des fractions populaires (Glasman, 1999), il s’agit désormais d’encadrer des élèves de plus en plus perçus comme fauteurs de troubles et « inenseignables ». Ces transformations dans les catégories d’appréciation des problèmes de scolarisation dans les milieux populaires se sont trouvées au fondement de nouvelles pratiques d’affectation, maintenant les collégiens aux marges du système d’enseignement. Comme le révèle l’analyse des classes relais2 créées pour remédier aux ruptures scolaires, la prise en charge des collégiens, qui intervient comme dernière chance d’un maintien dans le cadre scolaire, relève d’une externalisation des difficultés scolaires des collégiens : par les établissements scolaires au nom de la préservation de l’ordre scolaire ; par un traitement des difficultés scolaires des collégiens à l’écart des classes « ordinaires » et en lien avec d’autres institutions de socialisation et d’encadrement (Kherroubi, Millet et Thin, 2005). Or, en étant situés aux marges de l’institution scolaire et en judiciarisant les formes les plus bruyantes « d’échec scolaire » (signalements, mesures éducatives, etc.), ces pratiques d’affectation favorisent l’émergence de « solutions » à l’écart des voies valorisantes de la scolarisation et/ou en dehors de la scolarisation. Elles contribuent ainsi au maintien d’un lien institutionnel de type socioéducatif et judiciaire dans le cadre d’une déscolarisation encadrée (Millet et Thin, 2003), au détriment d’une remédiation scolaire dans le cadre d’un processus de scolarisation. Une relecture détaillée des enquêtes officielles3 sur le devenir des collégiens six mois ou un an après leur passage dans une classe relais montre que les retours des collégiens vers la scolarisation qui laisse ouverte l’obtention de certifications protégeant de la « galère » sont loin d’être majoritaires : si, un an après leur sortie d’une classe relais, 36 % d’entre eux sont en collège ou dans des formations potentiellement qualifiantes (dont 13 % en CAP, BEP ou apprentissages), 49 % sont dans des voies non qualifiantes et/ou précaires (classes de l’enseignement spécialisé, sans formation, petits boulots, structures d’aides, prison) (Millet et Thin, 2003).
16Un suivi en cours de réalisation, opéré à partir du devenir de 338 collégiens passés par une des classes relais des régions rhodanienne et poitou-charentaises, confirme cette tendance et semble même devoir conduire à la formulation de conclusions plus tranchées4. La dernière affectation connue des collégiens l’année scolaire suivant leur passage par une classe relais permet de dire que si 20,4 % sont en collège et 17,1 % dans des formations professionnelles (CAP, BEP, apprentissages), 29,6 % sont dans des structures d’aide (Centres d’éducation renforcée, Instituts éducatifs thérapeutiques et pédagogiques, cycles d’insertion professionnelle par alternance, Mission générale d’insertion…), 17,1 % dans des classes de l’enseignement spécialisé (Section d’enseignement général et professionnel adapté, 3e d’insertion, 4e d’aide et soutien, Unités pédagogiques d’intégration…), 14 % sont sans formation et 1,2 % sont dans la vie active (petits boulots ou chômage). Deux ans plus tard, 10,7 % sont en collège ou lycée et 24,8 % dans des formations professionnelles, mais 28,5 % sont en structure d’aide, 20 % restent sans formation, 10,7 % sont dans l’enseignement spécialisé et 5,2 % dans la vie active. À trois ans, 9 % sont en collège ou lycée, 27 % dans des formations professionnelles, 22,3 % demeurent sans formation, 19,3 % sont dans des structures d’aide, 17,3 % sont dans la vie active et 5 % dans l’enseignement spécialisé.

Dernière situation connue des ex-collégiens à N+1/+3 années scolaires suivant le passage dans les classes relais enquêtées.
17Une partie des collégiens en ruptures scolaires parvient donc à se maintenir dans des classes ordinaires de collège ou de LP (et, dans un certain nombre de cas, il en aurait été autrement sans une prise en charge spécifique). Mais ces retours vers les classes « ordinaires » s’avèrent en réalité souvent fragiles et s’accompagnent d’absences à répétition et de retraits scolaires. D’autres collégiens passent par les classes spéciales pour les élèves réfractaires aux apprentissages et à l’ordre scolaire, qui constituent souvent une déscolarisation différée tant elles se caractérisent par un grand nombre d’abandons prématurés de la scolarité. Reste ceux enfin qui sortent sans formation et entrent directement dans la « vie active », et ceux qui sont affectés à des dispositifs relevant des institutions judiciaires, médico-psychiatriques, etc., chargés de l’action sur les adolescents « en danger » ou « dangereux ». Quelle que soit la voie considérée, une part importante de ces collégiens, « vaincus » de la compétition scolaire, semble ainsi en panne d’avenir (Baudelot et Establet, 2007) et avoir toute chance de venir grossir les rangs des surnuméraires.
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Notes de bas de page
1 Ce texte constitue la reprise partielle des résultats de plusieurs études conduites sur la question des ruptures scolaires. Dans une première recherche (Millet et Thin, 2005), le parcours d’une vingtaine de collégiens a été étudié à travers une centaine d’entretiens menés auprès d’eux-mêmes, de leurs parents, de leurs enseignants et éducateurs, et l’étude de leurs dossiers social et scolaire. Dans une seconde étude (Kherroubi, Millet et Thin, 2005), qui s’intéresse aux relations entre les familles et les dispositifs de rescolarisation que sont les classes relais, cinq dispositifs ont été enquêtés, des observations de rencontres entre agents institutionnels et les familles ont été conduites, et une cinquantaine de familles ont été interviewées. Enfin, la troisième recherche en cours de réalisation, conduite avec Daniel Thin, contribue au suivi des parcours institutionnels et socioprofessionnels d’ex-collégiens en ruptures scolaires, ceci à partir du dépouillement des dossiers d’élèves de deux classes relais, d’un suivi téléphonique mené auprès des établissements fréquentés après leur passage dans une des deux classes relais enquêtées et de la réalisation d’entretiens biographiques avec ces derniers.
2 Les classes relais ont pour objectif officiel la prise en charge des collégiens en situation de rupture scolaire, considérés comme les plus perturbateurs de l’ordre scolaire (circulaire 98-120 du MEN du 12 juin 1998).
3 On pense notamment à l’étude conduite par l’Institut National de la Recherche Pédagogique et aux notes d’évaluation 03-02 & 04-08 de la DEPP.
4 Les chiffres et le tableau présentés ci-dessous sont issus de la recherche en cours de réalisation avec Daniel Thin sur le devenir des collégiens en ruptures scolaires.
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