Chapitre X. De la fraude à la fronde (juin 1954-mai 1958)
p. 271-288
Texte intégral
1Les dernières années de la IVe République sont à la fois celles d’une rapide modernisation des structures économiques et sociales soutenue par l’arrivée des premières générations formées dans l’après-guerre, et celles du déclenchement de la guerre d’Algérie qui absorbe une part croissante des ressources disponibles. Elles sont aussi marquées par la confirmation de l’engagement français dans le processus de libéralisation des échanges symbolisé par la signature du Traité de Rome en mars 1957. Cette ouverture constitue un argument supplémentaire pour les entreprises qui s’opposent aux revendications d’augmentation de salaires et de charges. Elle stimule également les études économiques et sociales comparatives et favorise pour cela le recours au chiffrage public et privé.
2Ouverte par l’application de la réforme de la taxe à la valeur ajoutée à partir d’avril 1954, la période se caractérise aussi par la modernisation du système fiscal basée sur une réorganisation des régies et par la reprise progressive des contrôles fiscaux. Elle aboutit à la réforme du Conseil supérieur de la comptabilité et à la définition du plan comptable de 1957, davantage centré sur les besoins des entreprises que sur les exigences du fisc. Ces changements encouragent les entreprises qui en ont les moyens à s’appuyer sur une comptabilité normalisée et à recourir aux services de spécialistes pour fournir des déclarations cohérentes aux contrôleurs et profiter des avantages offerts par la législation fiscale. Les entreprises dépourvues de service comptable et qui restent au forfait, sont à l’écart de ces changements. La dualité du système fiscal témoigne de l’échec d’une ambition politique consistant à fonder les relations entre l’État et l’ensemble des contribuables sur des signes standardisés et impartiaux.
3La rébellion que représente le poujadisme témoigne aussi de l’échec des prétentions du CNPF à vouloir parler au nom de l’ensemble des organisations patronales. En se prononçant contre le mouvement antifiscal, le CNPF renforce ses liens avec les directions ministérielles et les administrations centrales1. Il représente désormais clairement les secteurs pour lesquels l’accroissement de la charge fiscale est rendu supportable par la très forte croissance économique et par les décisions adoptées en faveur de la productivité, de l’investissement, et des exportations, donc surtout les grandes entreprises industrielles2.
4Il convient de savoir dans quelle mesure le passage de Pierre Mendès France à la présidence du Conseil, puis celui de ses successeurs, encourage la normalisation comptable. L’impact de la brutale dégradation de la situation économique et financière entre 1956 et la chute de la IVe République, doit également être examiné. Il s’agit de comprendre comment en quelques mois, alors que l’État est au bord de la banqueroute et que le drame algérien se confirme, les projets en faveur de la normalisation comptable prennent une tournure officielle qui permettra enfin à la Ve République de les appliquer.
Le tournant Mendès France ?
5Y a-t-il un moment Mendès en matière de normalisation comptable ? Plusieurs éléments de sa biographie incitent à l’envisager. Dès 1933 en effet, il réclame des mesures de normalisation pour lutter contre la fraude, puis il défend l’orientation fiscale de la gauche privilégiant l’impôt sur le revenu, qui suppose déclarations et contrôles, au détriment de l’impôt sur la consommation3. Au moment de son investiture comme président du Conseil, Mendès s’engage à défendre une forme moderne de gouvernement aiguillée par des critères objectifs (« Gouverner c’est choisir »). La statistique publique bénéficie incontestablement de sa présidence puisque les crédits pour organiser le recensement démographique sont débloqués4. En est-il de même de la réglementation comptable ?
6Investi le 18 juin 1954, le gouvernement Mendès doit impérativement stopper la révolte antifiscale et prolonger la réforme initiée par la loi du 10 avril 1954. Le maintien du dialogue avec les assujettis et le renforcement des pénalités sont alors tentés pour réintégrer les représentants des petites et moyennes entreprises dans un consensus national. La période constitue une étape charnière pour le CNPF puisque la sortie du poujadisme exige qu’il accepte un transfert des charges des petits entrepreneurs vers les grands. Elle correspond aussi au renouvellement d’une génération de ses dirigeants après le décès de personnalités majeures de la CGPF d’avant-guerre, comme Jacques Lacour-Gayet ou Henri de Peyerimhoff, et à la montée en puissance d’une génération introduite autour de la guerre représentée par François Ceyrac (à l’UIMM depuis 1936) ou par les nouveaux venus des CO5. La présidence de Mendès France est aussi un moment assez rare pendant lequel les décisions politiques sont suivies d’effets. Elle s’achève le 6 février 1955. Sa brièveté condamne de nombreux projets, mais n’empêche pas d’impulser de profondes inflexions.
Un contexte délétère
7La révolte fiscale s’amplifie. Pierre Allix, directeur général de la DGI, analyse la situation en remontant à l’origine du mouvement. Il montre l’étroitesse des marges de manœuvre disponibles et suggère quelques mesures immédiates pour y mettre un terme. Dès le 24 mai 1954, Allix indique au ministre des Finances qu’il va proposer un plan pour « apaiser les esprits » et pour permettre de rétablir l’exercice normal du contrôle fiscal6. Soulignant le désarroi des agents du contrôle qui subissent de vives oppositions depuis juillet 1953, il invite les pouvoirs publics à réagir. Le mouvement s’est effectivement renforcé depuis la lettre ouverte des commerçants de Saint-Céré demandant aux parlementaires du Lot d’atténuer la charge et la complexité des impôts, d’éliminer « les tracasseries odieuses du fisc » et les injustices qui obligent à frauder. Il se diffuse dans l’Aveyron, puis en Corrèze en mars 1954 et dans le Cantal, en Haute-Loire et dans le Var. Dans un nouveau rapport adressé au ministre le 1er juin 1954, Allix propose quelques mesures pour créer un climat de détente et montrer la détermination du gouvernement à maintenir l’exercice du contrôle fiscal7. Il recommande l’intervention des préfets et l’envoi d’instructions demandant aux vérificateurs d’être très attentifs à l’égard des contribuables, et conseille de diffuser de courtes brochures détaillant les obligations des forfaitaires et rappelant à la fois la nécessité des contrôles, les voies de recours et les moyens de se renseigner auprès des services locaux. Il suggère en plus d’organiser des conférences et des cours pour « expliquer la fiscalité » et d’engager les agents du fisc à rendre visite aux assujettis en dehors des contrôles. Allix recommande enfin de créer des bureaux départementaux et un bureau national des réclamations non contentieuses qui publieraient chaque mois les demandes reçues. Ces suggestions ne sont pas retenues, mais le gouvernement s’inquiète. Edgar Faure, ministre des Finances, convoque les représentants de l’Intérieur et de la Justice le 4 juin 1954 pour décider d’une stratégie. Une première réponse au malaise fiscal est fournie par l’amendement Dorey voté le 8 juin prévoyant un assouplissement de la taxe proportionnelle et de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) pour les artisans et envisageant des sanctions pénales contre l’opposition au contrôle8. Les contacts établis entre Paul Pisson, représentant des petites et moyennes entreprises, et Henri Ulver, secrétaire d’État au Budget, doivent aussi contribuer à apaiser la grogne. Ces démarches sont interrompues par la crise gouvernementale et la chute du gouvernement Laniel.
8Le 21 juin 1954, quelques jours après l’investiture de Mendès, Allix revient à la charge en indiquant que l’expansion du mouvement anti fiscal menace « gravement » l’autorité de l’État et l’équilibre des finances publiques9. Dénonçant l’excès des charges fiscales et les inégalités « entre gros et petits » et suggérant de remplacer tous les impôts sur le commerce et l’artisanat par « un impôt sur l’énergie », il précise que ces tensions sont accentuées par une multiplicité de facteurs : la récession de 1953, qui frappe surtout les petits artisans et commerçants, la nouvelle stabilité monétaire, qui prive les forfaits conclus en 1953 et 1954 du bénéfice de la dépréciation, l’augmentation du contrôle fiscal lié à l’amnistie de 1952, l’amélioration de ses méthodes et la sévérité des sanctions retenues à l’encontre des fraudeurs de mauvaise foi. Allix distingue l’attitude de Poujade, qui poursuit « des fins personnelles », celle des unions de défense, qui « souhaitent réellement alléger les charges » des petits artisans et commerçants des départements pauvres, et celle des petites et moyennes entreprises qui ont adapté leurs revendications « aux problèmes fiscaux des entreprises au bénéfice réel ». Selon lui, la protestation contre « les prétendues méthodes » des brigades polyvalentes qui a renforcé le mouvement n’est qu’un mauvais prétexte puisque ces brigades n’existent pas dans les départements où se déroulent les incidents. Comme en mai 1954, il préconise des mesures « de fermeté et de détente » qui sont reprises par le gouvernement après des discussions houleuses lorsqu’il obtient les pouvoirs spéciaux en matière économique, sociale et fiscale10. Les mesures retenues pour réagir au malaise fiscal sont discutées à l’Assemblée le 14 août 1954. Annonçant une réforme fiscale, le projet du gouvernement rappelle la nécessité du contrôle et autorise les contribuables à se faire assister d’un conseil de leur choix à cette occasion11. Il stipule que les contribuables doivent être informés des motifs des redressements envisagés, leur accorde vingt jours pour répondre aux propositions de redressement et permet de procéder à l’évaluation d’office des bases d’imposition, si ce contrôle ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers12. Ce texte est défendu assidûment par Ulver, secrétaire d’État au Budget, qui insiste sur la double nécessité d’une réaction gouvernementale face aux refus des contrôles et d’une modernisation du contrôle, tant que les impôts resteront assis sur le système de la déclaration13. Ulver rappelle que le texte gouvernemental améliore le régime fiscal des artisans fiscaux puisqu’il rehausse de 200 000 à 440 000 francs le montant du bénéfice retenu pour appliquer le taux réduit de 9 % (au lieu de 18 %) pour l’IRPP. La loi allège ainsi la charge de l’impôt direct « pour une catégorie de contribuables » qui a toujours profité de « la sollicitude » des assemblées parlementaires. Ce discours conduit au vote de la loi, mais ne suffit pas à empêcher la persistance d’une fraude incompressible qui incite à multiplier les régimes spéciaux.
9Les tentatives de l’été 1954 ne rétablissent donc pas la situation. Le plan de détente fiscale et de restauration des contrôles présenté par Allix le 17 septembre 1954 a davantage de succès14. Il envisage de faire profiter les commerçants de l’allégement fiscal accordé aux artisans durant l’été, afin de soutenir les petits revenus très nombreux dans les départements du midi où sévit la fronde. Bien qu’elle prive le Trésor de 20 milliards de francs de recettes, cette mesure est jugée essentielle à la reprise du contrôle fiscal. La répartition géographique de l’agitation montrant qu’il s’agit d’une révolte contre le poids de la fiscalité pesant sur les petits revenus, plutôt que contre les nouvelles méthodes de contrôle visant des entreprises plus importantes, Allix recommande d’alléger les prélèvements en définissant un nouveau barème15. Il suggère en outre : de diminuer les pénalités pour les contribuables de bonne foi, d’augmenter leurs garanties contre l’arbitraire, de mieux les informer de leurs droits et de simplifier la législation. Il recommande aussi de proposer une procédure facultative pour inciter les professionnels de la comptabilité et les conseillers fiscaux à être de meilleurs auxiliaires du fisc en mettant les pénalités à leur charge. Son plan prévoit également de charger les directeurs des régies financières de répondre aux demandes des chambres de commerce et de métiers lorsqu’elles réclament des cours de comptabilité et de fiscalité pour les commerçants et une information claire sur les conditions à remplir pour éviter tout rejet de comptabilité et limiter les frictions entre le contribuable et le vérificateur. Pour appliquer ce plan dans les meilleures conditions, Allix déconseille de s’appuyer sur les associations professionnelles et rejette en particulier l’aide de « la CGPME, qui ne cherche qu’à prendre le dessus sur ses adversaires syndicalistes ». Aucune allusion n’est faite au CNPF qui n’intervient pas dans ce débat. Les modalités du plan sont reprises dans une circulaire ministérielle du 20 octobre 1954. Gilbert Jules, secrétaire d’État aux Finances et aux Affaires économiques, les présente aux directeurs régionaux des impôts le 26 octobre16. Ce plan ne répond pas à tous les mécontentements. D’autres mesures soustrayant les petites et moyennes entreprises aux règles de la normalisation comptable sont alors envisagées. Les autorités politiques hésitent entre détente et contrainte. Les projets de réforme de la commission départementale des impôts formalisés par le décret du 4 novembre 1954, puis les différentes mesures conduisant à un éclatement des régimes en faveur des petits contribuables ainsi que les réformes adoptées au début de 1955 font du dualisme fiscal une réponse au poujadisme.
« Détente fiscale », resserrement des contrôles et dualisme fiscal
10Une première réforme concerne la commission départementale des Contributions directes. Elle est réclamée depuis 1953 par des députés gaullistes et par certaines chambres de commerce dénonçant l’omniprésence de l’administration dans la commission et sa capacité à y faire triompher ses vues. La DGI nuance cette critique en précisant que depuis leur création en 1926 ces commissions ne sont ni des tribunaux, ni des juridictions d’arbitrage, mais seulement des « organes administratifs au rôle purement technique ». Elle accepte cependant de renforcer la représentation des contribuables et de renoncer au rôle prépondérant du président et s’engage à réexaminer la question de la preuve en prévoyant à la fois un recours systématique aux tribunaux administratifs en cas de désaccord et la justification écrite des rehaussements opérés à la suite de vérifications comptables17. Supprimant la voix prépondérante du président et obligeant à transmettre aux contribuables tous les documents établis à l’occasion des différends, le décret du 4 novembre 1954 atténue les tensions18. Il renforce également la protection des contribuables qui font l’objet d’une vérification et il porte à trois ans au lieu de deux les délais de prescription en restitution en matière de taxe sur le chiffre d’affaires. Le décret apparaît ainsi davantage inspiré par des ambitions de détente que de sévérité et il constitue la première étape d’une série de décisions favorables aux artisans et aux commerçants19. La DGI continue à préparer une réforme d’envergure, mais peine à définir clairement ses positions20. Compte tenu des avantages offerts par le système forfaitaire, elle rejette la proposition de Raymond Boisdé qui suggère fin décembre 1954 de relever la limite des forfaits pour les artisans et commerçants exerçant à titre individuel. Elle reconnaît toutefois que le maintien des plafonds actuels ferait passer sous le régime du bénéfice réel un certain nombre de contribuables et les condamnerait à des dépenses « hors de proportion de l’importance avec leur affaire » pour établir leur comptabilité. Ce maintien entraînerait aussi une augmentation des comptabilités à vérifier, alors que le nombre des contribuables imposés au bénéfice réel augmente déjà mécaniquement avec le volume des affaires. La direction admet en outre que le régime du forfait permet souvent de retenir des bases d’imposition plus élevées que celui du bénéfice réel. Ces arguments et les difficultés des contrôles la font pencher en faveur d’un élargissement du forfait. Ses hésitations ne facilitent pas la reprise des contrôles et laissent les agents démunis.
11Après la chute du gouvernement Mendès en février 1955, la crise persiste. Une note du service de la coordination de la DGI dénonce alors le climat général d’incivisme fiscal et les « manifestations de rébellion » des contribuables créant une « atmosphère » peu propice à la préparation ou à la promulgation de réformes sagement équilibrées21. Deux séries de mesures sont envisagées. L’amélioration de l’action administrative tout d’abord, qui conduit Gilbert Jules à adresser aux vérificateurs des « recommandations d’ordre psychologiques » dans une note d’octobre 1955. Le gouvernement souhaite alors confier à « des techniciens de la psychologie » l’examen attentif de toutes les méthodes administratives pour les amender. La deuxième série de mesures concerne le public qui doit être informé de la réalité des problèmes fiscaux et mis en garde contre l’illusion des « formules mirifiques » permettant de faire payer l’impôt par d’autres. La réforme de la taxe sur le chiffre d’affaires, comportant un rehaussement du plafond des forfaits et leur transformation en de véritables « pactes de non-agression » entre le fisc et le contribuable, est également prévue. Le service de la coordination propose aussi de modifier l’équilibre des charges entre l’industrie et le commerce, pour supprimer les taxes en cascade, et de diminuer fortement les forfaits. Même si elle est reconnue comme excellente puisqu’elle mettrait un terme au mouvement Poujade, cette dernière mesure doit être reportée car elle provoquerait un manque à gagner trop important.
12Le renforcement du contrôle n’est plus à l’ordre du jour après le départ de Mendès France. Les contraintes fiscales pesant sur les petites et moyennes affaires sont allégées sans qu’aucune réforme générale ne soit effectuée. Les décisions vont dans le sens de l’apaisement et elles appellent en contre partie à une application rigoureuse des pénalités contre les fraudeurs. Les vérificateurs doivent désormais motiver les rehaussements qu’ils envisagent et justifier les rejets des comptabilités. D’autres remèdes comme l’amélioration de l’information des contribuables ou l’assouplissement des pénalités en cas de bonne foi sont également retenus. La plupart de ces solutions ont été suggérées par Allix, mais il est accusé de ne pas avoir réagi efficacement à la crise, ce qui lui vaut son poste de directeur général des Impôts et son remplacement par Robert Blot le 1er avril 195522. Dans ce contexte, la progression de la normalisation comptable paraît au point mort.
Le freinage de la normalisation comptable ?
13Malgré un environnement peu favorable, plusieurs signes témoignent de la vivacité des réseaux favorables à la normalisation. Le Conseil supérieur de la comptabilité déploie une intense activité pour réunir les conditions d’une amélioration et de la diffusion du plan comptable général. Le CNPF se démarque ouvertement du poujadisme et confirme son engagement en faveur de la modernisation23. Il invite les entreprises à se rapprocher des comptables professionnels pour s’adapter aux exigences de calculs introduites par la généralisation de la réforme de la taxe à la valeur ajoutée (TVA)24. Une partie de ses responsables, influencée par des entrepreneurs mieux formés donc mieux informés, retient des mots d’ordre moins défensifs25. Dès 1955, sa commission de l’organisation professionnelle encourage les premières enquêtes statistiques sur les investissements, même si elle rejette « provisoirement » l’idée d’une obligation de réponse et condamne l’émission de questionnaires trop détaillés. La commission s’est entendue avec les administrations intéressées pour que l’enquête soit expérimentée auprès de « professions consentantes » qui participeraient à l’élaboration des questionnaires. Les renseignements réclamés concerneront le bilan et ne porteront en aucune façon sur « l’origine des fonds investis ». L’ouverture du CNPF l’incite également à rattacher à la commission de l’organisation professionnelle un groupe d’étude des réformes de structures des professions confié à Pierre de Calan à partir de 1956. Ce groupe s’engage à soutenir les efforts effectués pour s’éloigner de la comptabilité classique « d’enregistrement » et approfondir une « comptabilité d’émancipation » basée sur des normes soigneusement établies permettant de « décentraliser sans perdre le contrôle » et de gérer par la « méthode d’exception26 ». Il suit attentivement l’évolution de la formation comptable et ses conséquences pour les professions27. Le soutien du CNPF à la progression de la comptabilité privée encourage les travaux du Conseil supérieur de la comptabilité.
14Les études sur la révision du plan comptable de 1947 et la préparation des guides comptables professionnels nécessaires à sa diffusion s’accélèrent à partir du printemps de 195428. Un rapport final sur les modifications à apporter à ce plan est publié le 17 mai et doit être soumis au Conseil supérieur réuni en assemblée plénière le 29 juin29. La veille de la séance plénière, la première section demande de faire précéder le plan comptable d’un exposé général de ses principes et de distinguer les applications obligatoires, faisant l’objet de plans particuliers, et les simples recommandations, faisant l’objet de guides professionnels. Elle réclame en outre d’assouplir davantage les dispositions retenues et d’en supprimer certaines. Compte tenu de l’importance de ces demandes, la séance plénière est annulée et l’examen du texte ajourné. Pour arrêter les divergences internes, le Conseil décide de modifier les modalités de la préparation de la réforme. Le 29 juillet 1954, il confie la mise au point de la prochaine édition du plan comptable à un comité de rédaction qui doit respecter les propositions des différentes sections30. Le Conseil accepte la suggestion de la première section de faire précéder le futur plan d’un exposé des principes et lui confie sa rédaction. Les principales orientations adoptées sont présentées dans une note préparatoire le 23 novembre 1954 : on procédera par recommandations, laissant une large initiative aux associations professionnelles compétentes et aux entreprises, sauf pour celles qui désirent contracter avec l’État ou recourir à son aide financière ; la conception de « plan particulier » sera remplacée par celle de « guide » relevant d’un comité spécial chargé d’améliorer la documentation des chefs d’entreprises, de les aider à promouvoir de meilleures méthodes de gestion et de faciliter les comparaisons31. Les travaux se poursuivent. La seconde section achève l’étude des modifications à apporter au plan comptable général en mars 195532. Le Conseil supérieur approuve ses propositions qui ne subissent plus que quelques retouches pour faire concorder les dispositions de la comptabilité générale avec celles de la comptabilité analytique et pour tenir compte de diverses propositions sur la numérotation des comptes. Il décide d’approfondir l’examen de la question de la réévaluation des bilans et de renforcer les pressions pour être reconnu par tous comme un interlocuteur incontournable33.
15La progression des travaux de comptabilité nationale depuis le début des années 1950 est également prise en compte dans le projet de refonte du plan comptable34. La sixième section fait l’inventaire de ses besoins dans une note du 6 juin 1956 et présente la nomenclature des produits retenus par le SEEF. Les études avancent lentement. Le Conseil supérieur examine le rapport de la seconde et de la sixième section sur les modifications à apporter au plan comptable général pour répondre aux besoins de la comptabilité nationale début juillet 195635. Ce rapport invite à approfondir les travaux et, pour ne pas retarder la publication de la nouvelle édition du plan comptable, il décide de ne retenir que des changements mineurs. Il encourage ainsi la décision lucide de Gruson, directeur du SEEF, qui privilégie les informations venant des institutions publiques et les données financières de l’État, et renonce momentanément aux renseignements de la comptabilité privée pour établir les premiers comptes de la nation36. Malgré les espoirs de certains économistes à l’égard des comptabilités élémentaires37, la normalisation n’est pas assez avancée pour fournir des bases solides au développement des comptes nationaux.
16La période Mendès a donc été le moment de l’approfondissement des travaux du Conseil supérieur de la comptabilité et des réflexions sur leur rôle à l’égard de la croissance. L’engagement de dirigeants du CNPF et des décisions comme celle de soustraire l’investissement de la TVA, ou bien les efforts des administrations fiscales pour retrouver la confiance des contribuables, jouent aussi en faveur de la normalisation. Le bilan du gouvernement Mendès sur la diffusion de pratiques rationnelles de chiffrages et de direction des entreprises est donc nuancé.
Vers des inflexions décisives
17L’investiture d’édgar Faure le 25 février 1955, sa démission le 29 novembre 1955 puis les législatives du 2 janvier 1956 ne dissipent pas le malaise fiscal. La nouvelle assemblée compte des représentants poujadistes et des groupes qui s’en réclament. Dans ce contexte, et malgré la prise de conscience générale de l’importance du problème fiscal, la réforme est difficile. L’hostilité à l’égard de l’État qu’exprime le poujadisme, se manifeste également à l’encontre des statistiques publiques dans la nouvelle Assemblée nationale. Le malaise fiscal persiste et ce sont moins les réformes introduites que la reprise de l’inflation qui vont l’atténuer. Les leçons de la rébellion fiscale ne sont pas complètement tirées avant la fin de la IVe République. L’échec des remèdes traditionnels oblige à envisager d’autres solutions. La réforme comptable en est une.
La recherche d’un remède fiscal à la crise
18Au début du gouvernement Faure, une mission d’information fiscale, dite du « comité des sages », est définie par l’arrêté du 14 mars 1955 pour analyser les causes du malaise fiscal et trouver des solutions. Ses conclusions sont attendues au plus tard le 31 mars 195538. Les sages organisent une vaste consultation auprès des syndicats des salariés et des représentants des chefs d’entreprises de différents secteurs d’activité qui présentent plutôt des revendications catégorielles que des réflexions constructives39. Ils s’appuient aussi sur l’abondante documentation accumulée par les services fiscaux depuis la commission Loriot. Une analyse de l’inspection générale des Finances sur les causes du malaise fiscal et les remèdes proposés présentée dans un long rapport du 30 mars 1955 complète ses sources40. L’inspection attribue les difficultés à la « prolifération anormale » des commerces de détail après la guerre condamnés par la concurrence et par la stabilisation des prix, tandis que les fonctionnaires d’exécution se sentent abandonnés face à la révolte des contribuables. Les remèdes immédiats qu’elle suggère consistent à éviter les contrôles « irritants » et à remplacer la taxe sur les transactions et la taxe locale par une taxe sur les ventes au détail « dont le produit serait affecté aux collectivités locales ». Elle recommande aussi d’appliquer le forfait aux détaillants de façon très lâche et d’élargir l’assiette de la TVA aux commerçants de gros, aux grands magasins de détail et aux magasins à succursales multiples.
19La philosophie de ces réflexions se retrouve dans les aménagements fiscaux introduits par la loi du 2 avril 1955 relative aux pouvoirs spéciaux en matière économique et sociale41. La loi cherche à simplifier et à moderniser le système fiscal en allégeant les charges de certaines catégories et en adoptant des mesures susceptibles d’améliorer les rapports entre le fisc et les contribuables. Elle comprend quelques dispositions sur les vérifications de comptabilité, mais jugeant illusoire de « se borner à un contrôle purement comptable » dans la plupart des cas, elle préconise plutôt de recommencer à s’appuyer sur les signes extérieurs de richesse. La loi concentre les impôts existants en matière de TCA et instaure un régime de forfait pour les petites et moyennes entreprises42. À partir de son adoption, les entreprises forfaitaires n’ont pas d’autres obligations que la tenue d’un livre d’achats ou d’un livre de recettes et la conservation des factures. Elles ne peuvent plus être contrôlées une fois que le forfait est établi. Au moment du renouvellement du forfait cependant, si un contrôle ou tout autre élément d’information montre que le forfait a été conclu sur « des bases viciées par des dissimulations ou de fausses mentions », l’administration pourra demander à une commission départementale paritaire de prononcer sa nullité et de rétablir les bases d’imposition selon le chiffre d’affaires réel. La charge de la preuve appartient à l’administration. Ces mesures s’accompagnent d’une large campagne d’explication pour désamorcer la vague poujadiste et mener à son terme la réforme de la TVA. Elles réduisent effectivement le poids de la fiscalité en diminuant les taxes sur certains produits et les impôts sur les produits exportés. L’impôt sur le revenu est également allégé et le nombre des bénéficiaires du forfait accru. En contrepartie, le taux de l’impôt sur les sociétés passe de 36 à 38 %. La réforme renforce les garanties accordées aux contribuables et réduit les pénalités. Elle intègre la possibilité de sursis et la « présomption de bonne foi » dans le code général des impôts et affermit le rôle des commissions paritaires en chargeant une commission pour la taxe sur le chiffre d’affaires de se prononcer sur les désaccords éventuels. Des commissions départementales, ou des comités arbitraux présidés par un membre du tribunal administratif, sont également appelés à examiner les demandes en remise des pénalités qui jusqu’alors relevaient exclusivement de l’administration. Ces mesures visent à « aménager » les rapports entre l’administration et les contribuables43. Elles sont complétées par la possibilité de se faire assister par un conseil fiscal devant les commissions, par la limitation de l’activité des inspecteurs polyvalents et par un renforcement de la répression des oppositions collectives à l’exercice du contrôle fiscal. Les décrets d’application s’enchaînent rapidement. La réforme de la TVA par exemple, est réalisée par une série de décrets du 30 avril 1955 qui généralisent la procédure du forfait, établi pour deux ans avec un plafond porté de 500 000 francs à 15 millions (ventes) ou 4 millions de francs (prestations de services). La loi écarte les petites et moyennes entreprises des règles de la normalisation comptable, tant pour le calcul des impôts sur le revenu que pour l’évaluation des taxes sur le chiffre d’affaires44. Les contacts entre les assujettis et les services fiscaux sont réduits et le régime forfaitaire devient le régime normal pour la majorité des contribuables45.
20La réforme de la taxe sur le chiffre d’affaires est également achevée le 1er juillet 1955 avec l’adoption de la TVA au taux de 19,5 %46. Les difficultés pratiques du passage de l’ancien au nouveau système apparaissent alors. Elles concernent en particulier les stocks détenus par les entreprises au 1er juillet qui devraient supporter une double imposition avec l’inclusion de la taxe sur les transactions dans la TVA. En effet, ces stocks qui ont déjà acquitté la taxe sur les transactions aux différents échelons deviennent passibles de la TVA au nouveau taux lors de leur vente en l’état ou sous forme de produits fabriqués. L’intervention du CNPF auprès du ministre des Finances permet d’éviter la double imposition des stocks après le 1er juillet. L’imposition de la taxe sur les transactions devient forfaitaire pour chiffrer le montant de la TVA dû par les entreprises. Malgré la complexité des calculs induits par ces dispositions, cette réponse convient au CNPF. Les entreprises concernées disposent de services comptables capables de faire ces calculs. La question des stocks intéresse moins l’opinion que celle de la réforme d’ensemble mal accueillie, malgré une importante campagne d’explications.
21Beaucoup prétendent que la réforme ne réduira pas le « sans facture » de façon notable et lui reprochent sa complexité, l’accusant même d’être inachevée. L’Union des industries textiles dénonce la suppression des pénalités en cas de déclaration inexacte. Le CNPF met en garde contre le risque qu’elle fasse supporter aux industriels le manque à gagner provoqué par les allégements de charges des commerçants et des artisans. Il déplore particulièrement la majoration de l’impôt sur les sociétés, reprenant les plaintes des dirigeants de grandes entreprises et de la chambre de commerce de Paris. Le quotidien économique Les Échos du 7 septembre 1955, qui interroge plusieurs personnalités du monde patronal sur la réforme, conclut qu’elle ne convient qu’aux poujadistes47. Jean Métral, président de la fédération des industries mécaniques et transformatrices des métaux, évoque la déception qu’elle suscite dans son secteur. Pierre Benaerts, délégué général du Conseil national du commerce, le relaie. Il reconnaît toutefois que l’extension des forfaits, la suppression de la taxe spéciale à l’achat et l’exonération de certains produits sont positives, mais regrette que la proposition de taxe unique de commercialisation présentée par le CNC ait été écartée et que l’on retombe dans les défauts de l’ancien système avec l’évasion fiscale et l’imposition en cascade.
22En janvier 1956, Blot est plus optimiste dans son bilan sur les réformes fiscales introduites depuis juillet 1953. Il met à leur actif les simplifications, l’allégement des charges sur les revenus individuels et l’amélioration des rapports entre l’administration et les contribuables48. Il précise que les mesures retenues ont changé l’attitude des directeurs des régies financières qui participent désormais à la diffusion de brochures et à l’organisation de cours de vulgarisation de comptabilité et de fiscalité avec les chambres de commerce et de métiers. Les conditions sont donc propices à l’organisation des comités d’arbitrage et des différentes commissions départementales devant traiter les conflits49.
23Pourtant, la réforme ne met pas un terme à l’agitation antifiscale, les résistances aux vérifications persistent. L’évolution du rythme des vérifications et des incidents montre que la situation ne s’améliore que très lentement.

Tableau 4. – Nombre de vérifications et incidents (1955-1961)50.
24La réforme ne garantit pas non plus la diminution de la fraude. Certains lui reprochent en outre d’avoir négligé la question de la formation professionnelle des experts comptables et des comptables, dont l’aide est indispensable en cas de contrôles fiscaux51. En novembre 1956, Blot déplore également que les contrôles restent limités par le nombre « chroniquement insuffisant » de vérificateurs52. Le tableau précédent montre en effet la chute du nombre des vérifications en 1956. Toutes ces insatisfactions témoignent de l’imperfection de la réforme.
Des solutions qui s’essoufflent
25Pour désamorcer l’opposition poujadiste, de nouveaux projets de réformes sont mis à l’étude. Celui du groupe socialiste que dépose Leenhardt par exemple suggère d’alléger les obligations comptables des artisans soumis au bénéfice réel53. La DGI le rejette considérant que les artisans qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions de francs, ou à 4 millions s’ils sont prestataires de services, et qui sont de ce fait imposés au bénéfice réel, n’ont aucune raison d’être dispensés des obligations des autres industriels ou commerçants. Le projet socialiste vise à alléger la charge des petites entreprises, notamment des sociétés familiales qui n’ont pas les moyens de rémunérer le personnel comptable nécessaire à l’exploitation des possibilités de déduction offertes par la loi. Comme l’indique Blot en février 1956, le gouvernement est convaincu de l’inégalité des entreprises face aux tâches comptables. Il considère toutefois que les dérogations ne suffisent pas puisque le problème ne s’explique pas uniquement par l’incapacité des petites sociétés à profiter pleinement des avantages offerts par la législation, mais par le fait que de nombreuses sociétés n’y trouvent aucun intérêt54. A contrario, la décote ou la dotation sur stock a été plus largement utilisée malgré sa complexité. Ce point incite donc à chercher les motifs de l’attitude des entreprises moins dans l’inégalité de l’accès aux services de comptables que dans la structure même du tissu économique national.
26Les projets de réformes qui se succèdent sont passés au crible par Ribière, des Contributions directes55. La suggestion de l’impôt sur la fortune formulée par Leenhardt par exemple, est rejetée car elle pose non seulement des problèmes d’assiette et de contrôle qui ont toujours fait reculer l’administration mais aussi parce qu’elle risquerait de décourager les investissements productifs. Réagissant au lendemain de la formation du gouvernement de Guy Mollet, Ribière précise de surcroît que cet impôt « affecterait » l’opinion des classes possédantes « déjà inquiète » par l’arrivée des socialistes au gouvernement. Il accepte cependant de retenir l’idée d’un impôt grevant le capital des sociétés ou bien celui des entreprises industrielles et commerciales, à la condition qu’il ait un taux assez faible calculé sur l’actif net tel qu’il ressort du bilan, ce qui supposerait de rendre obligatoire sa réévaluation. Cet impôt aurait l’avantage de taxer la contrepartie de nombreux postes du passif, comme les provisions ou les amortissements, que les sociétés cherchent à gonfler abusivement pour réduire leurs contributions. Il ne défavoriserait pas les sociétés qui investissent par rapport à celles qui distribuent une plus forte proportion de leur bénéfice car les dirigeants des grandes sociétés limitent les distributions de bénéfices. Ribière conclut qu’un tel impôt vaudrait sans doute mieux qu’une majoration pure et simple de l’impôt sur les sociétés et suggère d’augmenter les droits indirects et d’alléger progressivement le barème de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés pour les quatre ans à venir. Considérant que l’impôt sur la dépense restera la source principale des recettes fiscales en attendant d’améliorer la répartition de la fiscalité directe, il réclame la suppression de la notion d’artisan fiscal dont les « trop nombreux » bénéficiaires sont exclus de l’exonération de TVA, s’opposant ainsi à Leenhardt qui réclame toujours d’augmenter le nombre de ces artisans. En matière de contrôle fiscal et d’organisation administrative, il propose au gouvernement de provoquer « un effet psychologique important » en s’engageant à réduire fortement et rapidement le nombre des déclarations exigées du public par les administrations fiscales ou parafiscales et d’améliorer la gestion des conflits. Jugeant très positive la décision de créer un service des relations publiques à la DGI, il appelle au renforcement des sanctions et critique l’excessive réduction des pénalités introduite par les réformes de mai 1955 en matière de Contributions directes
27Ces remèdes peinent à porter leurs fruits. Les contrôles fiscaux restent limités par les résistances des contribuables et par les craintes des agents du fisc jusqu’à décembre 195856. Du fait de l’augmentation des contraintes budgétaires, le gouvernement Mollet cherche pourtant à dégager de nouvelles recettes. Il bénéficie de la reprise de l’inflation, qui restaure les marges des petits commerçants et des artisans et fait tomber la fièvre poujadiste. L’augmentation de la concentration contribue également à freiner la hausse de l’effectifs des forfaitaires et à augmenter le nombre des entreprises au bénéfice réel prolongeant la tendance engagée au début des années 1950. La baisse du nombre des entreprises qui se mettent au forfait pour des activités d’appoint atteste également du regroupement des activités comme le montre le tableau suivant.

* Le forfait moyen correspondant à des activités d’appoint n’est déterminé qu’à partir des bénéfices de 1949.
Tableau 5. Nombre d’entreprises au forfait (1948-1955)57.
28Malgré la forte opposition du CNPF aux projets de réformes du gouvernement en 1956, ce contexte encourage les travaux des praticiens de la comptabilité et des institutions chargées du plan comptable et leur garantit de nouveaux clients58.
La réforme comptable, une solution ?
29Au terme de la période, les travaux du Conseil supérieur de la comptabilité aboutissent à l’élaboration d’un nouveau plan comptable général approuvé par l’arrêté ministériel du 11 mai 1957. Le Conseil national de la comptabilité (CNC), qui succède au Conseil supérieur en février 1957, est chargé de le généraliser et d’affirmer la coordination des points de vue économiques et comptables59. La réforme répond aux besoins des nouveaux organismes, comme la commission de vérification des comptes des entreprises publiques ou bien le comité chargé de la comptabilité nationale qui réclament des outils spécifiques et obligent à reconsidérer sa composition et certaines de ses fonctions. Elle permet de surmonter la plupart des difficultés techniques rencontrées pour évaluer les principaux éléments du diagnostic comptable, comme le calcul des amortissements ou l’évaluation des stocks ou pour établir une comptabilité de gestion.
30La présidence du CNC est confiée à Closon et sa vice-présidence à quatre anciens membres du Conseil supérieur de la comptabilité, dont Benoit et Henri Montet60. Lauzel assure le secrétariat général. Le CNC se dote d’un secrétariat technique qui est un bureau d’études comptables et qui peut être consulté par tous. Le secrétariat sera rattaché au Service de l’expertise économique à compter du 1er juin 1957. Comme son prédécesseur, il reste un organisme consultatif collectant les informations, donnant son avis sur la réglementation et proposant des mesures comptables destinées aux entreprises et aux groupements professionnels ou servant à établir des statistiques nationales ou des comptes et budgets de la nation61. Le CNC accorde une plus large place aux techniciens que son prédécesseur puisqu’il en compte vingt-sept, contre vingt-trois auparavant. Les chefs d’entreprises et les utilisateurs de la comptabilité sont aussi fortement représentés. Le poids du secteur privé est plus important dans le nouveau Conseil que celui des ministères ou de l’administration. La rupture apparaît à travers l’orientation délibérée du CNC qui élimine le terme contrôle des textes dont il est responsable pour « ne valoriser que les actions persuasives ». Son but essentiel consiste à réaliser progressivement la rationalisation des comptabilités. Il s’inspire pour cela des principes du nouveau plan comptable général dont les objectifs distinguent nettement l’exercice de contrôle administratif ou la défense des intérêts des tiers de l’amélioration de la gestion des entreprises et de celle de l’information professionnelle. Sur le plan technique, il sépare aussi comptabilité générale et comptabilité analytique d’exploitation. Enfin, sur le plan des moyens, il différencie la réglementation comptable et les cas où l’action en faveur du progrès comptable peut et doit s’exercer sous forme de recommandations. Le CNC fonctionne comme son prédécesseur confiant les questions en suspens à des sections spécialisées composées d’une poignée de spécialistes. En juillet 1957 par exemple, une septième section est créée pour étudier l’exploitation rationnelle des comptes pour une meilleure gestion des entreprises. Les travaux des sections du CNC témoignent de l’évolution des préoccupations comptables de la période. Au moment de sa création, la question des guides professionnels que les différents groupements devront établir pour adapter les règles générales à leurs conditions particulières d’activité est la plus urgente à régler. Le CNC intervient à la demande des groupements et examine les plans proposés. Il représente ainsi la pièce maîtresse de la normalisation tout en permettant aux représentants du patronat comme Benoit d’obtenir les délais nécessaires pour que les entreprises s’adaptent à ses exigences. À la fois moteur et frein, le CNC s’impose comme un rouage nécessaire du compromis entre l’État et les entreprises sur la normalisation comptable. Il mène les études permettant d’adapter les instruments disponibles à l’évolution des réalités économiques et tient ainsi la place qui aurait pu revenir à l’ordre professionnel des experts comptables en matière de recherches.
31L’existence de cet organisme de concertation chapeauté par l’État qui édicte et contrôle les règles officielles de la comptabilité privée est une particularité française. Elle révèle l’ambiguïté de l’élaboration de règles comptables homogènes conçues comme des instruments au service du fisc et comme un outil servant les entreprises. Le CNC s’affiche volontairement comme une institution de techniciens visant l’efficacité et la réalisation d’un compromis acceptable pour tous les intérêts en présence. L’équilibre n’est pas si mal réussi puisqu’il parvient à la fois à faire admettre la généralisation des règles de la comptabilité générale, à encadrer leur adaptation aux différents secteurs et à orchestrer des opérations d’une extrême lenteur tout en déployant une intense activité.
*
32Les dernières années de la IVe République conduiront à l’obligation comptable. L’absence de véritable rupture chronologique tient en grande partie à l’impact du blocage fiscal et du poujadisme qui concentrent toute l’attention des réformateurs et freinent la progression de la normalisation comptable. Cette période montre plus que d’autres la double nécessité de démarquer l’outil comptable de la fiscalité et de le faire reconnaître parmi les instruments de la rationalisation et de la gouvernance de l’entreprise. La diffusion spontanée d’un plan comptable général français repose sur cette distinction. Or jusqu’en 1957, l’évolution de la comptabilité privée reste liée aux impératifs fiscaux. La réforme du Conseil supérieur de la comptabilité, indépendante de toute emprise fiscale, marque une césure importante puisqu’elle répond d’abord aux besoins de l’information économique générale et secondairement à ceux du fisc62. Même si ses crédits sont peu étoffés, le bureau d’études et de méthodes comptables du Conseil est mis au service de tous. Cet affichage d’une vocation informative est une avancée notable. Alors que la période est particulièrement troublée, la progression de la normalisation comptable s’accélère après 1954. Le volontarisme politique dont témoigne ensuite la nouvelle République à son égard dispose ainsi de très bonnes bases. Il suscite pourtant de nouvelles formes de résistances, puisque les organisations professionnelles mettront plus de dix ans pour élaborer et diffuser les guides comptables professionnels. Cette lenteur n’est pas critiquée par le CNC reconnaissant que l’obligation ne peut être que progressive. Les difficultés pour surmonter les réticences des petits et moyens artisans et commerçants, maintenus à l’écart de la normalisation depuis les réformes de la fin de la IVe République, persistent longtemps. Une quarantaine d’années après l’introduction du principe déclaratif, la défense de l’autonomie comptable des entreprises reste vive.
Notes de bas de page
1 B. Touchelay, « Le CNPF et l’INSEE de 1946 à 1961… », art. cit. ; et « L’émergence des statistiques du travail entre 1891 et 1967 ou la construction d’une réalité économique, politique et sociale », Cahiers du CHATEPF, septembre 2008.
2 CAEF B 58 840. Réformes fiscales (1952-1958). Suggestions, propositions, études. Principales modifications de la législation fiscale depuis juillet 1953, 1er janvier 1955.
3 H. Chapman, « Réformateurs et contestataires… », art. cit. Selon l’auteur, Mendès France abandonne cette approche en 1957.
4 B. Touchelay, « L’Insee des origines à 1961 : évolution et relation avec la réalité économique, politique et sociale », doctorat en histoire sous la direction d’Albert Broder, université de Paris 12, 1993.
5 ANMT 72 AS 1201. CNPF. Assemblées générales (1952-1954 et 1957). CR.
6 CAEF B 58 847. DGI. Contrôle fiscal (1954-1958). Rapports et comptes rendus sur les incidents concernant l’exercice du contrôle fiscal. Note d’Allix adressée au ministre le 24 mai 1954.
7 Idem. Rapport de Pierre Allix adressé au ministre. Objet : plan concernant les mesures propres à permettre l’exercice normal du contrôle fiscal, 1er juin 1954.
8 CAEF B 58 843. Réformes fiscales (1954). Suggestions, propositions, études. Loi no 54-809 du 14 août 1954, discussions, application.
9 Idem. Note d’Allix pour le ministre. Objet : Mouvement de protestation des commerçants et des artisans contre la fiscalité, 21 juin 1954.
10 CAEF B 58 844. Réformes fiscales. Loi du 2 avril 1955. Préparation et application de la loi du 2 avril 1955 portant réforme fiscale. Réactions dans la presse.
11 On remarque l’absence de référence explicite aux comptables.
12 CAEF B 58 843. Réformes fiscales (1954). Suggestions, propositions, études. Loi no 54-809 du 14 août 1954, discussions, application.
13 Idem. Explications du gouvernement sur les mesures adoptées à l’encontre de l’opposition au contrôle fiscal.
14 CAEF B 58 847. DGI. Contrôle fiscal (1954-1958). Rapports et comptes rendus sur les incidents concernant l’exercice du contrôle fiscal. Note de Pierre Allix pour le ministre. Objet : plan de détente fiscale et de reprise du contrôle fiscal, noté secret, 17 septembre 1954.
15 Les départements les plus touchés sont le Lot, qui est avec la Corse le département où le forfait moyen de bénéfice est le plus faible (240 000 francs), puis la Corrèze (298 000 francs) et le Cantal (332 000 francs).
16 CAEF B 58 847. DGI. Contrôle fiscal (1954-1958). Rapports et comptes rendus sur les incidents concernant l’exercice du contrôle fiscal. Allocution de Jules à l’occasion de la réunion des directeurs régionaux, 26 octobre 1954.
17 Idem. Réflexion sur la modification éventuelle de la commission départementale des impôts directs, non signé : « Ce renversement de la preuve avait paru nécessaire en 1926 où on avait constaté l’impossibilité quasi totale de déterminer le bénéfice exacte de certains contribuables comme les commerçants, détaillants ou membres des professions libérales », 21 juillet 1954.
18 F. Tristram, « La DGI… », doctorat, op. cit., p. 406.
19 CAEF B 58 840. Réformes fiscales (1952-1958). Suggestions, propositions, études. Réponse à la demande d’informations de Jean Deshors, député de la Haute-Loire, sur les avantages fiscaux accordés par décrets aux commerçants et artisans, 22 mars 1955. Avantages accordés par le décret no 54-1073 du 4 novembre 1954 publié au JO du 5 novembre 1954.
20 CAEF B 58 844. Loi du 2 avril 1955. Préparation et application de la loi portant réforme fiscale. DGI. Note du chef de service délégué au sujet de la préparation de la réforme, signée Champion, 19 janvier 1955.
21 Idem. Note du service de la coordination, février 1955.
22 F. Tristram, « La DGI… », doctorat, op. cit. : « Le directeur général des Impôts est implicitement jugé responsable d’une agitation poujadiste dont il n’a su, ni prévenir l’apparition, ni entraver le développement. » Son départ « sonne comme un désaveu » lorsque le 1er avril 1955 il est remplacé par Robert Blot », p. 428.
23 Les Bulletins du CNPF dénoncent ce mouvement qu’ils assimilent à un « mouvement d’arrière garde ».
24 Non signé, « Ce que tout comptable doit savoir de l’application pratique au 1er juillet 1954 de la TVA », Les cahiers fiscaux du patronat français, revue mensuelle (1954-1959), directeur de la publication Desmyttère, juillet 1954, 1, p. 9-15 : « L’entrée en application du nouveau régime […] soulève des questions qui touchent à l’économie ou même à la philosophie de l’impôt […]. Dans toute entreprise il existe pourtant quelqu’un qui n’aura pas le loisir de philosopher, mais qui devra dès le 1er juillet résoudre une série de problèmes pratiques qui vont se poser à lui : c’est le comptable. C’est surtout à son intention que nous avons rédigé cet article », p. 9.
25 B. Touchelay, « Le CNPF et l’Insee de 1946 à 1961… », art. cit.
26 ANMT 72AS 1204 CNPF. Assemblée générale du 14 février 1956. Georges Matheron, CR d’activités de la commission de l’organisation professionnelle.
27 Id. Le groupe examine en particulier « l’initiative du commissariat à la productivité concernant le développement des techniques d’organisation (Institut supérieur des techniques de l’organisation) et le développement des techniques de comptabilité (Institut supérieur de comptabilité et de gestion) ».
28 CAEF B 55 204. Conseil supérieur de la comptabilité. Activités des sections d’études. Seconde section (1954-1957). PV de la réunion du 24 février 1954, no 11-54-01. Examen du « Rapport sur les modifications à apporter au plan comptable », 16 novembre 1953.
29 CAEF B 51 178. Révision du plan comptable général, groupe d’étude du Conseil supérieur de la comptabilité. CR des séances (1954-1966). Séance du 13 avril 1954. Note préparant le rapport sur les modifications à apporter au plan comptable (comptabilité générale).
30 Idem. Séance du 29 juillet 1954.
31 Id. Note préparant l’avis du Conseil sur l’établissement des guides comptables professionnels, 23 novembre 1954.
32 Id. Séance du 16 mars 1955.
33 Id. Séance du 1er juin 1955.
34 Aude Terray, Des francs-tireurs aux experts : l’organisation de la prévision économique au ministère des finances (1948-1968), Paris, CHEFF, 2002 ; André Vanoli, Une histoire de la comptabilité nationale, Paris, La Découverte, 2002.
35 CAEF B 55 204. Conseil supérieur de la comptabilité. Activités des sections d’études (1954-1957). Séance du 2 juillet 1956.
36 A. Terray, Des francs-tireurs aux experts…, ouvr. cit., p. 78.
37 Voir par exemple, dès 1953 : Charles Prou, Méthodes de la comptabilité nationale française, Paris, Armand Colin, Centre d’études économiques – Études et mémoires, 1956, p. 130-131.
38 CAEF B 58 840. Réformes fiscales (1952-1958). Note sur la constitution de la mission d’information fiscale, 10 mars 1954. La commission réunit : Leonard, premier président de la Cour des comptes, Charles Brasart, président de section au Conseil d’État et Vedel, professeur à la faculté de droit de Paris.
39 Idem. Note remise le 18 avril 1955 au secrétaire d’État aux Affaires économiques dans le cadre des consultations concernant les aménagements fiscaux par les représentants des activités assujetties à la taxe de « Prestation de services ».
40 CAEF B 58 844. DGI. Rapport de l’IGF, 30 mars 1955.
41 CAEF B 58 840. Réformes fiscales (1952-1958). Aménagements fiscaux dans le cadre des dispositions de la loi no 55-349 du 2 avril 1955 relative aux pouvoirs spéciaux.
42 Idem. Secrétariat d’État aux Finances et aux Affaires économiques. Objet : les aménagements fiscaux, 29 avril 1955. Les mêmes raisons font repousser la durée du forfait sur les bénéfices à deux ans.
43 Id. Suggestions, propositions, études. Principales mesures fiscales de la législature (du 17 juin 1951 à la date courante), 24 octobre 1955.
44 F. Tristram, « La DGI… », doctorat, op. cit., p. 411.
45 CAEF B 58 844. Loi du 2 avril 1955. Préparation et application de la loi du 2 avril 1955 portant réforme fiscale. Signé par l’Inspecteur général des Finances, vice-président du comité des inspecteurs généraux.
46 ANMT 72 AS 1204. CNPF. Assemblées générales. Robert Labarre, rapport d’activité de la commission de la fiscalité présenté à l’assemblée générale du 14 février 1956.
47 Idem. « Que pensez-vous de la réforme fiscale ? », Les Échos, 7 septembre 1955.
48 CAEF B 58 840. Réformes fiscales (1952-1958). Suggestions, propositions, études. Les réformes en matière fiscale, Blot, janvier 1956.
49 CAEF 4 A 2292. IGF. Etude de Robert Guyot, inspecteur général, sur l’agitation antifiscale, 30 novembre 1955.
50 CAEF B 637. Contrôle fiscal (1953-1960). Direction générale des Impôts. Contributions directes. Vérifications de comptabilité, service de l’administration générale, contrôle fiscal ; et Pradel, rapport sur les difficultés rencontrées dans l’établissement et l’exécution des programmes de vérification en 1957, 10 mars 1958. Les chiffres des vérifications en 1960 et 1962 sont les plus bas car le personnel se consacre à la révision des forfaits.
51 CAEF 4 A 9256. IGF. Note de l’inspecteur adjoint de la Perriere sur l’application des sanctions prévues par le code général des impôts aux comptables professionnels convaincus d’avoir participé à l’établissement de documents falsifiés, 10 mai 1956.
52 CAEF B 58 847. Contrôle fiscal (1954-1958). Note de Blot pour le ministre sur la situation et les perspectives du contrôle fiscal, 30 novembre 1956.
53 CAEF B 58 840. Réformes fiscales (1952-1958). Suggestions, propositions, études. Étude sur le projet de réforme des taxes sur le chiffre d’affaires présenté par le parti socialiste, proposition de loi no 6057, 27 janvier 1956.
54 Idem. Note de Blot pour le ministre, 4 février 1956 : « La conjoncture politique, le développement d’un malaise fiscal dans certains milieux professionnels et la persistance depuis plus de deux ans d’une agitation parfois violente dirigée contre l’exercice des vérifications fiscales me conduisent à soumettre dès à présent au ministre pour son information les remarques et observations d’ordre général sur les projets de Leenhardt. »
55 Idem. Projet de réforme fiscale, Ribière, 38 mesures, 26 janvier 1956.
56 CAEF B 53 986. DGI. Organisations des travaux, directives (1958-1967).
57 CAEF B 642. Directions des Contributions directes. Exploitation des volants A1 et A2, IRPP, BIC (régime du forfait) et impôts sur les sociétés (1948-1957). Bénéfices industriels et commerciaux-Régime du forfait, 7 novembre 1957.
58 Voir par exemple les éditoriaux de Villiers, Bulletin du CNPF, août 1956, février 1957, novembre 1957.
59 Décret no 57-129 du 7 février 1957, JO du 8 février relatif au Conseil national de la comptabilité.
60 F. Tristram, « La DGI… », doctorat, op. cit., p. 284. Henri Montet est administrateur civil. Il entre aux Finances comme rédacteur des régies financières en 1930 (la même année que Closon qui réussit le concours de contrôleur des Finances). Il est sous directeur au service de la coordination en 1946 et commence une carrière dans les cabinets ministériels l’année suivante. Montet devient commissaire du gouvernement en service détaché auprès d’une banque d’affaire en 1952. Il remplacera Closon à la présidence du CNC en 1961. Les deux hommes se connaissent probablement.
61 CAEF B 51 178. Conseil national de la comptabilité. Révision du plan comptable général. CR de travaux (1964-1966). Révisions des bilans, séance du 11 avril 1961.
62 CAEF B 57 614. Fonds Affaires économiques. Commission supérieure de la comptabilité. Décret no 57-129 du 7 février 1957.
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