Chapitre VIII. Reconstruire en comptant (juillet 1947-1952)
p. 223-243
Texte intégral
1Au moment de la définition du nouveau plan comptable en juillet 1947, la décision de cultiver l’héritage de Vichy n’est plus discutée. Les conditions de son adaptation à une économique libérale sont réunies à la veille de la nomination d’Antoine Pinay à la présidence du Conseil début 1952, marquant le retour relatif du laisser-faire. Malgré le durcissement des rapports de force politique depuis l’éviction des ministres communistes, le contexte reste favorable au chiffrage. La concertation précédant la diffusion du plan comptable, l’influence de Benoit au CNPF et dans les commissions spécialisées et le choix d’une application progressive consolident les chances de succès.
2Les caractéristiques de la voie française vers la normalisation se dessinent alors en profitant des besoins de chiffres pour l’encadrement économique. Il convient d’en préciser les contours et les limites. Le retour d’une forte pression fiscale sur les entreprises après avril 1948 et les tentatives de la DGI pour peser sur les décisions relatives à la normalisation freinent le processus. Ces tentatives ne facilitent pas les travaux du nouveau Conseil supérieur de la comptabilité engagé à défendre l’indépendance du plan comptable à l’égard de la fiscalité. S’accompagnant de la stabilisation monétaire, le redémarrage des contrôles fiscaux suscite la grogne des entreprises auxquelles l’inflation donnait une aisance certaine depuis la Libération. Les chambres de commerce et les organisations fédérales qui portent leurs revendications ne renouvèlent ni leurs mots d’ordres d’avant la guerre, ni leurs pratiques de contestations. Elles peinent à s’imposer comme forces politiques et attisent un mécontentement peu favorable aux négociations et aux compromis. L’impact de ces circonstances défavorables est atténué par l’organisation des missions de productivité, auxquelles participent de nombreux responsables d’entreprises et des représentants de l’ordre des experts comptables et des comptables agréés1, par l’influence du modèle de croissance nord-américain, faisant de la comptabilité des entreprises un instrument essentiel de leur organisation, et par l’esprit du plan caractérisant la période2. Le soutien des organisations patronales à la réglementation comptable n’est pas enthousiaste, contrairement à celui des autorités politiques dont la majorité reste ancrée à gauche et du courant modernisateur du patronat. Il reste à expliquer pourquoi les supports de la normalisation ne suffisent pas à infléchir de façon décisive le rapport des forces politiques et économiques en sa faveur.
La normalisation à la française
3Le nouveau plan comptable général établi par la commission de normalisation et diffusé en septembre 1947 est débarrassé des aspects coercitifs de son prédécesseur. Son application progressive et le report de la réglementation de la comptabilité analytique scellent les conditions du compromis obtenu. Les menaces qu’il représente pour le secret et pour la liberté des affaires sont refoulées avec succès. Le pouvoir des délégués du personnel en matière de consultation des bilans est limité et même s’il lui est un temps favorable, le CNPF réussit à faire repousser l’adoption d’une loi comptable3. La conviction que seule la concertation permet de dédramatiser le débat et d’améliorer la clarté des comptes est désormais largement partagée.
Le plan comptable général de 1947
4Le rapport général de la commission de normalisation présenté au ministre de l’économie nationale le 23 juillet 1947 est approuvé sans réserve par l’arrêté du 18 septembre 19474. L’Imprimerie nationale publie le texte intégral alors que le JO du 26 octobre 1947 en présente des extraits sous forme d’annexe administrative5. Le plan retenu est modifié en profondeur par rapport à celui de 1942. Il offre une « structure simple, logique et flexible », tout en retenant les techniques comptables des coûts les plus avancées de la période, en particulier la méthode des sections homogènes6. Il représente une avancée notable en éliminant notamment la classe 0, ce qui facilite l’usage des machines comptables. Il ne retient pas la classification en ordre du contre plan du CNOF, mais préfère une codification décimale. Comme le contre plan en revanche, il fait le choix de la double comptabilité distinguant la comptabilité générale de celle des prix de revient7. Ce choix est contesté par Bayle, mais il est nécessaire pour obtenir l’accord des organisations patronales représentants les entreprises privées8. Les prescriptions du plan ne sont imposées qu’aux entreprises et aux sociétés qui ont des liens financiers étroits avec l’État et à celles qui révisent leur bilan. L’insuffisance numérique des comptables et la volonté de préserver le secret des affaires justifient cette option renforçant « l’indépendance9 » de la comptabilité financière à l’égard de la comptabilité générale10. Le plan se divise en six parties11 : la première aborde ses dispositions générales, elle fixe la date de clôture des exercices au 31 décembre par exemple, la seconde concerne le cadre comptable et ses explications, elle prévoit une classe 0 pour les statistiques, la sixième partie présente les tâches restant à accomplir pour améliorer les dispositions retenues.
5Ce plan est adopté par tous les membres de la commission de normalisation le 18 septembre 1947 à l’exception de Laroche-Joubert, représentant de l’Assemblée des présidents des chambres de commerce12. Les réserves formulées concernent à la fois les dispositions du plan et ses possibilités d’application. Si Laroche-Joubert admet que l’État détermine les règles comptables à imposer aux établissements nationalisés pour pouvoir suivre leur résultat, s’il reconnaît également qu’il faut initier les responsables d’entreprises aux principes et au fonctionnement de la comptabilité, il considère que les règles introduites privent les chefs d’entreprises privées des « dernières libertés qui leur restent » et qu’elles ne pourront pas être appliquées avant de nombreuses années. Déplorant que le plan réponde davantage à « des considérations fiscales » qu’à des préoccupations « d’ordre pratique ou économique » et critiquant spécialement les dispositions retenues en matière de calcul des amortissements et d’évaluation des prix de revient, Laroche-Joubert critique aussi la brochure de vulgarisation qu’il juge « professorale ». Selon lui, l’application du plan suppose « le secours » de comptables qualifiés augmentant les charges des entreprises, mais qui ne garantissent aucune amélioration tangible. Il condamne enfin la réévaluation des bilans que la commission souhaite généraliser, mais qui « ne saurait être imposée » en période d’instabilité monétaire. Laroche-Joubert conclut que le chef d’entreprise doit rester libre de prendre les décisions « qu’il juge nécessaire pour la bonne marche de son affaire ». Turpin répond à ces critiques en remarquant d’abord que Laroche-Joubert n’assistait pas aux séances au cours desquelles tous les autres représentants des organisations patronales ont largement approuvé le plan comptable. Lauzel ajoute que les prescriptions adoptées « ne préjugent en rien des textes d’application » qui restent à définir. Il indique en outre que les difficultés évoquées par Laroche-Joubert ont été prises en compte par la commission qui a prévu d’accorder aux entreprises le temps d’adaptation et les dérogations nécessaires et qui a chargé le Conseil supérieur de la comptabilité de définir les modalités d’une application progressive, en partant « du secteur nationalisé » et en allant jusqu’au « secteur libre ». André Philip, ministre de l’Économie nationale, défend le cadre retenu et annonce la publication d’un décret le rendant obligatoire pour les entreprises nationalisées à dater du 1er janvier 1948. Il s’engage aussi à respecter les règles de souplesse et les principes libéraux retenus par la commission pour « ne pas gêner les entreprises ». Turpin considère que Laroche-Joubert est apaisé par ses engagements, ce qui reste à démontrer. La question de l’extension de l’obligation au secteur libre est en suspens.
6Dès que le projet de plan comptable est connu, la SFIO demande qu’il soit rapidement généralisé aux entreprises non forfaitaires et que des règles différenciées selon leur nature ou leur objet soient établies13. La commission de normalisation rejette alors l’idée de loi comptable qui lui paraît désormais incompatible avec les objectifs prioritaires de ce plan dans un contexte qui demeure celui de la pénurie et de l’économie dirigée. Le plan comptable doit « faciliter la détermination du bénéfice fiscal » et « déterminer avec précision et uniformité les prix de revient » afin de permettre à la fois de définir le prix de vente et d’encourager la production de l’entreprise la mieux placée14.
7Plusieurs textes réglementaires délimitent strictement le champ de l’obligation comptable à partir du 1er janvier 1948. Le décret du 22 octobre 1947 l’impose aux sociétés ou organismes à caractère industriel ou commercial bénéficiant de garantie de l’État pour une somme égale ou supérieure à 10 millions de francs ou bien dans lesquels la participation de l’État, des collectivités publiques et des établissements publics est au moins égale à 20 % du capital15. Le décret du 29 juin 1948 édicte ensuite des dispositions d’ordre comptable applicables aux entreprises révisant ou ayant révisé leur bilan16. D’autres textes de portée plus limitée l’imposent aux sociétés coopératives de reconstruction (décret du 19 novembre 1948) et aux sociétés syndicales de reconstruction (décret 2 août 1949). En dehors de ces textes, les règles du plan comptable général sont laissées facultatives. Le Conseil supérieur de la comptabilité doit encourager sa diffusion.
Le Conseil supérieur de la comptabilité
8Le Conseil est créé par le décret du 16 janvier 1947 pour « surveiller et coordonner l’élaboration des plans comptables professionnels qui seront établis dans le cadre du plan comptable général17 ». À l’origine, il est composé de vingt-cinq membres répartis par tiers entre les représentants des départements ministériels, ceux des syndicats et des organismes professionnels et ceux des professionnels de la technique comptable. Il est présidé par Robert Lacoste, Turpin est vice-président, André Brunet rapporteur général. Le ministère des Finances a deux représentants, dont Lauzel qui devient secrétaire général. Les directions ministérielles et les institutions publiques intéressées conservent la représentation qu’elles avaient dans la commission de normalisation. Le Conseil de l’ordre est représenté par Valentin Lemoine, son président. Les professionnels et surtout les enseignants de la comptabilité ont une place importante (trois sièges). Il en est de même des organisations professionnelles, malgré l’absence initiale de représentation de l’Assemblée des présidents des chambres de commerce. On retrouve Benoit, pour le CNPF ; un représentant de la CGPME et un autre de la confédération générale du commerce et de l’artisanat. Les syndicats de salariés ne sont pas en reste : la CGT (Leveque), l’union des fédérations de fonctionnaires et la CFTC (deux membres) ont leurs délégués.
9Le Conseil s’étoffe progressivement par l’apport de personnalités choisies pour leurs compétences comptables ou statistiques. On y trouve Closon, directeur général de l’Insee, à partir de décembre 1949 qui est nommé vice-président l’année suivante18. À mesure qu’il se développe, le Conseil réserve une place croissante aux professionnels et aux représentants du secteur privé. Sa composition est modifiée en mars 1950 et son secrétariat général est élargi pour améliorer la communication sur ses travaux. Il compte alors cinquante-trois membres dont vingt-trois techniciens de la comptabilité, huit membres de l’Ordre et trois chefs de comptabilité. Un quatrième délégué des organisations patronales est désigné par le CNPF en accord avec l’Association des présidents des chambres de commerce19. À part le remplacement de Caujolle, décédé, par Gilbert Hervé-Gruyer, conseiller maître à la Cour des comptes et président de l’académie de comptabilité20, sa composition reste presque stable après 1950.
10Le Conseil tient sa séance inaugurale le 27 juin 1947. Il forme six sections d’études, les rapporteurs sont désignés début juillet 194721. Les travaux commencent fin septembre par l’examen d’un projet d’arrêté interministériel du 4 avril 1947 dont l’article 11 prescrit de généraliser la tenue de la comptabilité matière et d’obliger les entreprises à faire apparaître le mouvement des produits fabriqués en indiquant les lieux de leur entrepôt et la référence à la comptabilité deniers. Après examen, cet article est rejeté car ses dispositions, « trop rigides ou mal adaptées à la technique comptable moderne », ne s’accordent pas avec les modalités retenues par la commission de normalisation22. Tout en reconnaissant l’intérêt de la comptabilité matière pour la gestion du chef d’entreprise et pour le contrôle des entreprises par les administrations publiques, le Conseil refuse sa généralisation qui imposerait un « surcroît de travail et des frais » que les petites et moyennes entreprises sont incapables de supporter et qui est condamnée par la « pénurie de comptables qualifiés ». L’adoption de « prescriptions contraires aux règles du plan comptable général » créerait en outre « un climat peu favorable » au moment où il va entrer en application et alors que le Conseil s’engage à laisser les plans professionnels libres d’obliger ou non les entreprises à tenir une comptabilité matières.
11Le Conseil répond également aux critiques de certaines professions sur le cadre établi par la commission de normalisation. L’industrie papetière par exemple, dénonce « la rigidité des règles » retenues qu’elle juge incompatible avec « la variété industrielle » et reproche au plan d’introduire des dispositions générales extérieures au cadre comptable23. Les sanctions définies contre le chef d’entreprise qui ne respecterait pas les règles du plan et leur extension à l’expert-comptable et au commissaire aux comptes s’ils « tolèrent des infractions », sont jugées « exorbitantes », inadaptées « pour une réforme qui demandera des années de mise au point » et menaçantes pour le chef d’entreprise qui doit rester « maître de sa gestion ». Tenant compte de ces positions, le Conseil propose d’adoucir les peines et de repousser leur application. Il opte volontairement pour la souplesse en demandant de « désigner une entreprise témoin par profession » pour appliquer le plan de manière expérimentale24.
12Le Conseil s’affiche aussi en garant de l’intégrité du plan à l’égard d’éventuels empiétements du fisc. Pour empêcher que les entreprises ne développent plusieurs comptabilités, l’une pour le fisc et l’autre pour elles-mêmes, il recommande « d’insérer la fiscalité dans le plan comptable » et dénonce les décisions législatives qui favorisent l’assimilation du plan comptable à un instrument de contrôle fiscal25. Les pressions de la DGI réclamant d’obliger les entreprises non forfaitaires à présenter leur déclaration suivant un plan comptable sont freinées par le Conseil26. Également engagé à adapter le plan comptable général aux évolutions des besoins et des techniques comptables, il y introduit des changements ponctuels en 1949 et charge un comité d’études de préparer une révision générale en avril 195127. Le Conseil tranche les débats sur les modalités de la diffusion du plan, certains étant favorables à une incitation fiscale en attendant l’obligation, d’autres pensant que la notion même d’obligation exclut celle d’encouragement fiscal et qu’on ne peut diffuser le plan comptable sans avoir établi les plans professionnels. Prenant position en faveur d’une loi comptable, il charge un comité de rédaction d’élaborer un projet de loi « conçu en termes très généraux » et s’engage à faire procéder à l’étude des structures professionnelles pour définir les critères de sélection des entreprises soumises à l’obligation. Le Conseil suggère de confier l’organisation des enquêtes à des fonctionnaires qui travailleraient en liaison avec le CNPF. En attendant que ces enquêtes aboutissent, il envisage de commencer par imposer les cadres de la comptabilité générale aux entreprises sélectionnées selon un critère de taille et de différer l’application de la comptabilité analytique.
13En février et mars 1949, le Conseil examine l’avant-projet de loi comptable de son comité de rédaction28. Les discussions s’achèvent début mai29. Les dispositions retenues doivent s’appliquer aux entreprises industrielles et commerciales assujetties à l’obligation de se faire immatriculer au registre du commerce. Elles seront précisées par des comités d’adaptation du plan comptable, composés de représentants patronaux et de techniciens des différents secteurs d’activité, organisés dans les deux mois suivant la promulgation du texte. Les travaux seront coordonnés par le Conseil supérieur de la comptabilité. Les comités définiront les obligations et les recommandations en matière de comptabilité générale et proposeront les critères à retenir pour arrêter la liste des entreprises qui devront s’y conformer. Ces prescriptions feront l’objet d’un arrêté ministériel après avis du Conseil supérieur. L’avant-projet précise que les dispositions sur la comptabilité analytique ne seront que de simples recommandations et indique que de légères sanctions sont envisagées à l’encontre des infractions des entreprises tenues de publier leur bilan conformément au plan comptable général. L’avant-projet charge le Conseil supérieur d’établir un bilan sur les plans professionnels et de présenter les assouplissements nécessaires dans un rapport annuel. Il fait preuve d’une grande prudence lorsqu’il écarte certaines des mesures préconisées par le Conseil économique qui, après avoir consacré une séance à la normalisation des comptabilités privées le 23 mai 1949, recommandait l’application immédiate de la réforme aux entreprises agricoles et posait le principe de l’introduction obligatoire de la comptabilité analytique d’exploitation30. Ces mesures témoignaient d’une méconnaissance totale des capacités réelles des producteurs en matière comptable.
14La question de la valeur réglementaire du plan comptable est à nouveau évoquée par le Conseil supérieur le 11 octobre 195031. Répondant à une demande ministérielle, il rappelle que le plan comptable est conçu comme « un instrument de l’économie dirigée » dans une période de pénurie de matières premières et qu’il doit satisfaire les commissions administratives ayant besoin d’un outil pour établir des prix de vente corrects en fonction des prix de revient. Ces ambitions justifient l’obligation imposée aux entreprises industrielles d’observer « les règles de la comptabilité uniforme » et d’accompagner leurs déclarations de « pièces justificatives ». Le Conseil conclut donc une nouvelle fois en faveur de l’obligation. Plus prudent, le gouvernement rejette cette obligation32. Ces dispositions restent à faire accepter par l’ensemble des parties prenantes, en particulier par le CNPF.
L’expertise du CNPF en action
15Conçu à la libération comme interlocuteur entre l’État et les organisations patronales, le CNPF peine à s’imposer alors que son intervention est nécessaire pour convaincre du bien-fondé de la normalisation. En juin 1947, un référendum interne sur l’organisation professionnelle révèle le manque d’intérêt d’une grande partie des secteurs pour l’échelon confédéral. L’efficacité de ses commissions techniques et de ses experts en fait néanmoins un interlocuteur de premier plan pour les pouvoirs publics.
16Les prises de positions du CNPF dans les débats sur la comptabilité privée s’attachent à limiter les obligations des entreprises et à distinguer clairement la comptabilité générale de la comptabilité analytique. Il participe activement à l’élaboration du nouveau plan comptable général de 1947 et à la définition des modalités de sa diffusion. La comptabilité privée relève de plusieurs de ses commissions spécialisées : celle de la fiscalité, celle du régime légal des entreprises et celle de la défense de l’entreprise privée et du dirigisme. Son spécialiste Benoit, également membre de sa commission des prix de revient, fait le lien entre ces commissions jusqu’à son décès en 196233 Ce cadre d’entreprise, qui n’est pas permanent patronal, contrairement aux représentants de la commission fiscale, est ouvert aux expériences étrangères. Les rapports qu’il présente à la suite de ses séjours d’études aux États-Unis sont remarqués par les dirigeants du CNPF. Il en est ainsi à la fin de 1951 par exemple, lorsqu’il présente à la commission du régime légal des entreprises la façon dont les chefs d’entreprises américains utilisent leur comptabilité pour gérer leurs affaires34. Sa contribution à la connaissance des pratiques comptables auprès des chefs d’entreprises et des permanents patronaux est incontestable. L’activité de Paul Francin, également salarié de Péchiney, dans les commissions interprofessionnelles chargées du plan comptable renforce sa propagande35. Plusieurs articles de Benoit dans le Bulletin du CNPF et ses enseignements au centre de recherche des chefs d’entreprises à partir de 1953, témoignent de sa capacité de vulgarisateur. Favorable aux tableaux de bord, il tiendra la plume de plusieurs articles signés par Raoul de Vitry et publiés par le Bulletin dans les années 1960. Ses travaux contribuent à consolider la notoriété du CNPF et à faire admettre ses points de vue.
17La première réaction du CNPF au développement de la normalisation des comptabilités privées est suscitée par le projet de généralisation de la comptabilité matière en avril 1947. La commission de la fiscalité rejette ce projet début juin et précise ses arguments dans une lettre largement diffusée par la commission de l’économie générale36. La question est à nouveau examinée par la commission de libération de l’économie en novembre 194737. Raymond Lartisien, son président, dénonce les nouvelles charges induites par cette disposition et le « véritable monument de bureaucratie » qu’elle suppose. Il recommande aux différentes branches de s’appuyer sur quelques entreprises témoins pour évaluer son coût. L’administration envisage de réserver l’obligation aux entreprises les plus importantes qui tiennent déjà une comptabilité matière38. Le Conseil supérieur de la comptabilité enterre le projet, mais l’expérience incite Lartisien à recommander à la commission de libération de l’économie d’être « beaucoup plus tenace pour canaliser » les idées de réformes relatives à la normalisation.
18La réaction du CNPF est effectivement plus radicale lorsque le décret du 29 juin 1948 oblige toutes les entreprises ayant révisé leur bilan à se soumettre aux prescriptions du plan comptable général. Benoit dénonce cette disposition qui soulève l’opposition d’une « majorité indéniable » de chefs d’entreprises39. Selon lui, la comptabilité pourrait même être normalisée dans un délai raisonnable à la condition qu’aucune loi ne l’impose. André Brunet réagit au nom du Conseil supérieur, rappelant que ce n’est pas ce décret qui établit une liaison entre la normalisation des bilans et la fiscalité, mais l’ordonnance du 15 août 1945 autorisant la réévaluation des bilans, dont les dispositions ont été reprises par la loi du 13 mai 1948, à l’insu du Conseil et à « l’encontre du vœu de la commission de normalisation40 ». Cette réaction n’est pas commentée, mais l’initiative conforte l’hostilité du CNPF à toute tentative de réglementation de la comptabilité analytique. Pour Benoit, l’insuffisance du personnel comptable disponible, la diversité des attentes des chefs d’entreprises à l’égard de la comptabilité de gestion et le fait que beaucoup d’entreprises se contentent de calculs très simples « pour réduire leurs prix de revient » suffisent à justifier le refus de réglementation41. Il précise cependant que le second objectif de la comptabilité analytique, visant à répartir le produit global, est « plus délicat » car il suppose « un compromis » entre le degré de complexité de cette comptabilité et le degré de précision attendu, qui n’exclut pas « une part inévitable d’arbitraire ». Benoit voit aussi dans l’existence d’une « gamme de solutions » permettant d’assurer la répartition du résultat global d’une entreprise une difficulté « plus grave » encore. Il signale l’émergence aux États-Unis d’une tendance à définir des formes de comptabilité analytique à l’usage des techniciens, qui les conçoivent en liaison avec les comptables, et pour lesquels les impératifs techniques sont déterminants. Ils aboutissent à des formes « très souples » s’apparentant à « la comptabilité des prix standards » et pouvant même être « mouvantes » parce qu’elles s’appuient sur des hypothèses constamment révisées selon les circonstances. Benoit conclut que ces formes sont « très éloignées d’un cadre omnibus » qui serait forcément mal adapté, ce qui condamne la normalisation. Ce point de vue est discuté par Alphonse Martin au Conseil supérieur de la comptabilité. Martin ne condamne pas la généralisation de la comptabilité analytique à cause de sa complexité, mais parce qu’elle ne correspond pas aux exigences de l’organisation même de l’entreprise42. Pour lui, l’usage de « formes souples de la comptabilité analytique », qui s’apparentent « à la comptabilité des prix standards » et qui sont « subordonnées à des impératifs techniques », ne présente d’intérêt que pour les « entreprises innovantes qui sont très minoritaires ». Il suggère d’accorder une grande marge de manœuvre aux organisations professionnelles afin qu’elles adaptent les cadres normalisés aux conditions des professions. Martin et Benoit rejettent donc la normalisation des comptabilités analytiques. Ils s’opposent en cela à Closon et Lauzel qui en font un élément « indispensable à toute véritable réforme comptable43 ». Les discussions sont reportées jusqu’à l’examen des plans professionnels par le Conseil supérieur de la comptabilité44. La question de la normalisation de la comptabilité analytique est à nouveau abordée par le CNPF deux ans plus tard. Elle est introduite par un biais détourné, celui de la recherche d’une meilleure productivité.
19Dans son intervention à l’assemblée générale du 6 juillet 1951, Bernard Jousset, président de la commission du régime légal des entreprises, indique alors que le comité national de la productivité s’est prononcé en faveur d’une accélération de la généralisation du plan comptable45. Précisant que la contribution de la normalisation des comptabilités analytiques aux études de productivité serait « appréciable », mais jugeant leur échéance « trop lointaine », il recommande de se contenter des « mesures statistiques faisant intervenir des quantités produites et des heures de travail plutôt que des francs » pour suivre les variations de la productivité. Selon le comité, ces mesures sont directement utilisables dans chaque entreprise et représentent un avantage psychologique certain puisque les chefs d’entreprises les communiquent « plus facilement que les prix de revient ».
20La période s’achève sur une offensive pour imposer l’application du plan comptable général aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions de francs. Elle provient d’un amendement adopté par la commission des Finances de l’Assemblée nationale au début de 1952 qui indigne particulièrement les « dirigeants des grandes affaires » ne souhaitant « pas présenter leur bilan sous une forme trop claire aux comités d’entreprises46 ». Benoit indique au Conseil supérieur de la comptabilité que les chefs d’entreprises ne se refuseront pas à discuter de l’extension de la normalisation des comptabilités sur la base du plan comptable général de 1947, mais qu’il faudra dans ce cas que le Parlement soit « directement saisi d’un projet de loi comptable » généralisant des règles et des dispositions « indépendantes de toute emprise fiscale ». Il rejette l’amendement établissant « une discrimination entre les entreprises selon leur chiffre d’affaires ». Le Conseil qui n’a pas été consulté se rallie à cette position et suggère au ministre de demander le report de la discussion de l’amendement tant qu’un projet de loi comptable n’aura pas été déposé au Parlement.
21Ainsi, l’intérêt du CNPF pour la normalisation comptable se caractérise par une grande vigilance face aux menaces que représente l’usage fiscal des données ou les tentatives de renforcement des obligations des entreprises. L’intervention de ses représentants auprès des directions ministérielles et la présence de ses experts dans les commissions où ils peuvent discuter des projets de réformes avec les professionnels et avec les pouvoirs publics permettent de défendre ces principes. La qualité de leur expertise contribue cependant à marginaliser les représentants des plus petites entreprises, ce qui déclenche un vif mouvement de protestation.
Forces et limites de la conciliation
22Ni la définition du nouveau plan comptable, ni la mise en place du Conseil supérieur de la comptabilité n’éliminent la méfiance des producteurs et des commerçants à l’égard de la normalisation. La crainte de l’obligation comptable et celle de l’emprise du fisc sur l’élaboration des règles de la comptabilité privée restent vives. Cette crainte est confirmée par la reprise des contrôles fiscaux et par l’augmentation de la pression fiscale à partir de 1948. La commission de la fiscalité du CNPF tente alors de canaliser les projets gouvernementaux. Parallèlement, alors qu’elles se sentent peu écoutées, d’autres organisations patronales cherchent à freiner la normalisation comptable, mais elles disposent de moins de moyens que le CNPF pour faire aboutir leurs vues. La forte disparité des entreprises et des secteurs face à la normalisation, certaine pouvant en négocier les contours alors que d’autre en sont incapables, oppose clairement les représentants des petits et moyens à ceux des grands producteurs et commerçants. Le renforcement des contrôles fiscaux attise ces oppositions et confirme le dualisme fiscal.
La détermination des services fiscaux à lutter contre la fraude
23La reprise des contrôles fiscaux se manifeste à partir de 1948. 9 167 contrôles de comptabilité sont alors effectués pour vérifier les déclarations de BIC, contre 6 498 en 194747. Ces résultats sont jugés d’autant plus méritoires que les agents ont été mobilisés par des tâches exceptionnelles, comme l’assiette du prélèvement exceptionnel ou l’enquête consécutive au dépôt des billets de 5000 francs. Le recoupement des données est favorisé par la réorganisation des régies48. Un contrôle unique est créé dans 42 départements, la polyvalence est introduite dans la Seine, où un seul agent vérifie désormais tous les impôts, et la bivalence est généralisée ailleurs par la création d’une brigade de vérification des impôts directs qui accueille des agents de l’Enregistrement. Les moyens attribués au contrôle ne sont pas comparables avec l’avant-guerre. En 1937-1938, l’effectif des agents spécialisés dans les vérifications de comptabilité s’élève à 850 (200 pour les Contributions directes et 650 pour les Contributions indirectes), en 1949, on trouve 409 vérificateurs aux Contributions directes et 1 468 aux Contributions indirectes auxquels s’ajoutent 300 agents spécialisés dans les opérations de recoupement et de contrôle des stocks, soit un potentiel de 2 000 vérificateurs de comptabilité. Ces effectifs sont complétés par l’affectation de 670 agents du Contrôle économique répartis dans les trois régies, alors que seules les deux premières procèdent à des vérifications de comptabilité. Ces vérifications s’imposent d’autant plus que la réalité de la fraude est incontestable, qu’il s’agisse d’une fraude par minoration de recettes (ventes sans facture), la plus fréquente dans le petit commerce et la plus délicate à constater, ou bien par majoration de dépenses déductibles, accompagnée d’une fraude à la surtaxe progressive ou à l’impôt sur la distribution de dividendes, la plus fréquente dans les grandes entreprises.
24Jean Ribière, rapporteur de la commission de lutte contre la fraude créée en 195049, propose une évaluation personnelle de l’ampleur de la fraude établie à partir des comptes économiques de la nation en 194950. Selon lui 1,1 million de francs ont échappé aux taxes, pour un volume total d’affaires déclarées de 13,8 millions de francs. La fraude concernerait 4 % des affaires du secteur de la production et 15,80 % de celles de la distribution. Les statistiques de la DGI sur les résultats des vérifications des comptabilités en 1949 confirment l’inégalité de la fraude selon les secteurs et selon la taille des entreprises : la part des redressements diminue à mesure que le chiffre d’affaires augmente51. Les grandes affaires frauderaient donc moins que les petites ou bien maquilleraient mieux leurs fraudes. L’évaluation indique en outre que la fraude à l’impôt sur les sociétés est moins fréquente que celle à l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Ce constat justifie la réforme du 9 décembre 1948 distinguant l’imposition des sociétés de celle des personnes physiques et permettant d’augmenter le taux d’imposition sur les premières tout en diminuant la taxe proportionnelle sur les secondes sans nuire au Trésor public.
25Les comportements ne peuvent être modifiés que par un renforcement des contrôles. Or, selon Ribière seul un contribuable sur six peut être contrôlé dans le délai de prescription légal, puisqu’il y a 25 000 vérifications par an pour environ 450 000 entreprises et sociétés. Ces chiffres signifient que « chacun a sa chance tous les 25 ans ». Pour sortir de l’impasse, Ribière suggère de simplifier l’impôt et de s’appuyer sur des entreprises témoins pour disposer de repères. Il invite à conserver la pratique du forfait, qui concerne l’écrasante majorité des titulaires de revenus industriels et commerciaux (1,14 million sur un total de 1,4 million). Ribière met aussi en garde contre l’effet des mesures privilégiant les petits producteurs, favorisant l’augmentation des entreprises commerciales qui ne survivent qu’en élevant leurs marges bénéficiaires et en contournant les règles fiscales au détriment des « contribuables honnêtes52 ».
26Le développement des vérifications des comptabilités des entreprises constitue donc un objectif prioritaire et explique les pressions exercées par les Contributions directes pour clarifier les comptabilités privées. Celles-ci conduisent à la loi du 13 mai 1948 obligeant les entreprises révisant leur bilan à se soumettre au nouveau modèle de bilan type introduit par le décret du 29 juin 194853. Le mélange entre la finalité comptable et fiscale de la loi contribue au faible succès de la réévaluation des bilans, en dépit des avantages offerts et de la souplesse de son application54. Les pressions continuent à la fin de 1951 lorsque la direction générale des Contributions directes veut obliger à réévaluer les bilans pour mettre « en harmonie les actifs des entreprises avec les prix actuels » et faciliter à la fois « le calcul des prix de revient, l’établissement des statistiques et la détermination du revenu national » ainsi que « l’appréciation des risques bancaires55 ». La direction est bien consciente qu’une telle décision ne pourrait être appliquée qu’au terme d’un « délai assez long », le temps que les experts comptables et les comptables, qui sont « trop peu nombreux », puissent s’adapter. Elle conseille d’accompagner l’opération d’une « très légère » imposition des plus-values générées pour ne pas inciter les entreprises à sous évaluer leurs « éléments d’actif ». La tentative des Contributions directes échoue, mais elle témoigne de la constance de son soutien en faveur de la normalisation. Comme l’indique un rapport de la direction des Contributions directes de la Seine adressé à de Veyrac, inspecteur général des Finances, en février 1951, cette constance s’explique par les difficultés d’assiette et de contrôle de la taxe à la production56. Ces difficultés ont de nombreuses causes : le « retard parfois considérable » des déclarations ou leur absence, les inexactitudes de la comptabilité commerciale du « point de vue fiscal » et ses « omissions volontaires », inspirées d’un « esprit délibéré de fraude » ou bien ses erreurs involontaires, « dues à la complexité » ou aux changements de la législation qui ne peuvent être décelées qu’après des recoupements et un examen approfondi. Le rapport de la direction conclut à la double nécessité du développement des vérifications et de la simplification des taxations.
27En 1951, l’organisation du réarmement favorise l’augmentation des contrôles. Elle s’inspire directement des expériences antérieures et témoigne de l’amélioration des capacités d’évaluation et de calcul des entreprises concernées, qui sont essentiellement de grandes entreprises industrielles. Elle s’appuie sur un prélèvement temporaire sur les excédents de bénéfices réalisés à partir du 1er janvier 1951 par les entreprises travaillant pour la défense nationale57. Les excédents sont déterminés d’après un bénéfice de comparaison, représentant le bénéfice normal de l’entreprise, et suivant le rapport du chiffre d’affaires provenant des travaux et fournitures concernant la défense nationale au chiffre d’affaires total de l’entreprise. Le taux du prélèvement est progressif et dépend de l’excédent de bénéfice par rapport au bénéfice de comparaison. Il est opéré après déduction des impôts ordinaires des entreprises sur les bénéfices réalisés et n’est pas admis en déduction de l’assiette de l’impôt sur le revenu des personnes physiques ou de l’impôt sur les sociétés. Ces modalités ne suscitent aucune réaction de la part des organisations patronales. En revanche, les projets visant à resserrer les contrôles et la lutte contre la fraude comme les propositions de réformes fiscales sont examinés avec méfiance.
La capacité de négociation fiscale du CNPF
28Les relations entre le CNPF et les responsables des administrations fiscales deviennent régulières à partir de 1947 lui permettant d’être informé des projets en cours et de tenter de les influencer. Début juin 1947, Robert Labarre, président de la commission de la fiscalité, rencontre le directeur général des Contributions directes pour discuter des provisions autorisées pour reconstituer et réparer les éléments d’actifs58. À la suite de cette rencontre, il invite le CNPF à établir une doctrine patronale cohérente et à réfléchir à un solide projet de réforme fiscale susceptible d’être opposé à des réformes critiquables. Une sous-commission doit procéder rapidement aux études nécessaires, mais elle n’aboutit pas. Les modalités de l’évaluation des stocks et de l’amortissement retenues par le projet gouvernemental de réforme fiscale déplaisent à la commission de la fiscalité. En revanche, les avantages consentis en matière d’accélération des délais d’amortissement au début de 1948, pourtant menacés par la perspective d’augmentation du taux de l’impôt sur les BIC qui passerait de 24 à 28 %, sont prometteurs. Ils incitent à réclamer au gouvernement d’introduire une législation nettement plus favorable aux entreprises59. La réponse est satisfaisante puisque le taux de l’impôt sur les BIC voté par la commission des finances de la Chambre reste de 24 % et qu’un texte « encourageant » sur les amortissements techniques autorisant l’amortissement sur la valeur de remplacement est adopté par l’Assemblée nationale60. Bien que le ministre paraisse opposé à cette disposition, Labarre précise que les principaux aspects de la réforme fiscale analysée le 1er juin 1948, en particulier l’assouplissement du régime du forfait avec le relèvement du chiffre d’affaires limite et la détermination du bénéfice forfaitaire basée sur les résultats de l’année précédente, sont positifs61. En décembre 1948, Desmyttère demande aux membres de la commission de la fiscalité de se prononcer sur les dispositions essentielles du projet de réforme fiscale présenté aux parlementaires avant d’entamer les négociations avec les directions ministérielles62. La doctrine du CNPF se définit donc par la pratique et elle est servie par la ténacité et par les compétences de ses spécialistes. De nombreuses discussions avec le fisc butent sur l’absence de définition comptable rigoureuse. La question de l’évaluation des provisions pour renouvellement des stocks préoccupe particulièrement la commission de la fiscalité qui demande d’assouplir les règles retenues et de limiter les taxations63. Elle veut faire admettre la notion du stock outil, correspondant au stock indispensable pour maintenir une activité normale, et la nécessité de ne pas taxer les plus-values issues de l’augmentation de la valeur nominale64. Les difficultés pour définir un stock de référence et le risque d’encourager la spéculation font rejeter ces propositions, mais la DGI s’engage à négocier à l’amiable avec certains délégués du CNPF représentant les plus grosses fédérations industrielles65. Une liste des matières pouvant bénéficier d’une décote est mise au point et ce système, dénommé système de la décote ou dotation sur stock, rencontre un franc succès.
29La commission fiscale se préoccupe également de repousser les initiatives du fisc lorsqu’il cherche à influencer la réglementation comptable. Elle proteste donc contre le décret du 29 juin 1948 obligeant les entreprises ayant réévalué ou révisant leur bilan à se conformer aux dispositions du plan comptable général66. Cette réaction montre que le CNPF n’est pas toujours informé, ni consulté sur les projets gouvernementaux. La protestation est relayée par les présidents de l’ANSA et de la chambre de commerce de Paris qui rejettent un décret imposant l’adoption d’une loi comptable « par un biais détourné67 ». Pour lutter contre ces entorses au principe de l’indépendance de la comptabilité privée, le CNPF s’appuie sur le Conseil supérieur de la comptabilité et approuve son avant-projet de loi préconisant une généralisation souple du plan comptable général au début de 194968. Benoit doit cependant rassurer plusieurs membres de ce Conseil qui doutent « de la participation volontaire du patronat à des études menées en collaboration avec des représentants de l’administration ».
30À partir de 1949, la commission fiscale du CNPF se préoccupe surtout des indices retenus en matière de révision des bilans ou bien de l’obtention d’un dégrèvement en cas d’incorporation des réserves de réévaluation intéressant davantage les grandes entreprises69. La loi du 5 juillet 194970, complétée par la loi de finances du 31 janvier 1950 lui conviennent, mais la définition des stocks reste un sujet de tensions avec l’administration fiscale. Les relations avec le gouvernement deviennent plus conflictuelles à partir de la fin de 1949. Le bilan confidentiel d’activité présenté par la commission fiscale du CNPF engage alors à « restituer aux bilans leur caractère véridique », à orienter la réforme fiscale vers un allégement des charges et à assouplir le régime des taxes sur le chiffre d’affaires71. Malgré des résultats jugés « substantiels » la motion du comité directeur du CNPF de novembre 1949 est offensive : elle dénonce « la fiscalité odieuse » frappant « de façon discriminante certaines formes de sociétés, et handicapant face à la concurrence étrangère72 ». La tonalité des discours est la même en 1950 et en 195173. La majoration de dix points de l’impôt sur les bénéfices des sociétés est particulièrement critiquée parce qu’elle n’est pas compensée par l’adoption du système des coefficients accélérés en faveur de l’amortissement que les pouvoirs publics ont « enfin accepté » et qui est promulgué par le décret du 8 mars 1951. La commission de la fiscalité dénonce à nouveau les « dangers des modalités actuelles d’évaluation des stocks » qui « provoquent une hémorragie dangereuse » pour les trésoreries en effectuant un prélèvement « sur des bénéfices fictifs ». Elle signale que le ministre des Finances s’est engagé à admettre des dégrèvements dont le contour reste à préciser. Les sujets de satisfaction apparaissent donc peu nombreux et la situation se dégrade en 195174. Le bilan des réformes fiscales présenté par Villiers à la presse en juillet 1951 est alarmiste, alors que la proximité des élections n’incite pas le législateur à faire des économies75. Bien que le gouvernement finisse par écarter la plupart des idées de création ou de majoration d’impôts et malgré le renoncement à la hausse de l’impôt sur les sociétés, la commission de la fiscalité condamne le « surcroît de fiscalité » exigé des sociétés76. Cherchant à surmonter le problème des stocks, elle entreprend une étude « très poussée » pour pouvoir discuter avec l’administration de l’introduction dans le Code général des impôts d’un système permanent d’évaluation tenant compte des effets des fluctuations monétaires au début de 195277.
31Ainsi, même s’il ne réussit pas toujours à imposer ses vues, le CNPF devient l’un des interlocuteurs majeurs des autorités politiques et fiscales. La réaction d’une partie du patronat, se sentant tenue à l’écart de la préparation des réformes et protestant contre les majorations envisagées en 1951, s’appuie sur des études moins approfondies et bénéficie d’un accueil beaucoup plus réservé de la part des gouvernants. La simplicité de ses arguments et la constance de ses revendications contrastent avec les prises de position du CNPF.
Protestations contre la pression fiscale
32Les vives protestations des chambres de commerce et de plusieurs syndicats professionnels à l’encontre des projets de loi fiscale du printemps 1951 ont été conservées dans les archives des Finances78. Aucune n’évoque la normalisation comptable, mais toutes témoignent de mauvaises dispositions à l’égard de nouvelles contraintes. Le premier document disponible date du 8 décembre 1950. Il s’agit d’une lettre de la chambre de commerce de Roubaix présentant une délibération sur les impôts et les finances du 5 décembre79. La lettre signée Louis Lepoutre, président de la chambre de commerce, est envoyée à plusieurs ministres dont celui des Finances, de l’Industrie et du Commerce et des Affaires économique. Dénonçant les propositions budgétaires d’augmentation de dépenses et « de majorations d’impôts », Lepoutre suggère de faire des économies budgétaires, de mieux arbitrer entre les hausses projetées et de réformer l’ensemble des administrations. La majoration de l’impôt sur les sociétés, qui « aboutirait à stériliser tout effort et tout esprit d’entreprise » et à tarir la matière imposable, est particulièrement décriée. Cumulée avec « la taxe sur les coupons » et « l’impôt sur le revenu », cette majoration ne laisserait au commerçant et à l’industriel qu’une « part insignifiante de son bénéfice » et découragerait d’augmenter « cette productivité si instamment à l’ordre du jour ». À partir du 2 avril 1951, les courriers de ce type destinés en priorité au ministre du Budget ou à celui des Finances deviennent quasi quotidiens. Leurs origines sont diverses. Ainsi par exemple, la chambre syndicale de la passementerie pour ameublement proteste contre la taxe de luxe le 2 avril80. La fédération des groupements commerciaux de l’automobile, du cycle et de la motocyclette de France et des colonies exprime ses craintes au sujet des « bruits persistants » annonçant l’institution prochaine « d’une taxe spéciale sur les ventes de voitures neuves81 ». Précisant que la voiture constitue l’un « des grands moteurs de l’activité nationale » et qu’elle supporte déjà un « lourd fardeau de charges », la fédération condamne cette mesure qui entraînerait « le marasme complet du commerce de l’automobile ». Les projets d’augmentation de l’impôt sur le revenu inquiètent aussi. Le 6 avril 1951, la confédération générale du commerce et de l’industrie s’adresse au ministre des Finances en demandant d’alléger « le fardeau fiscal » qui accule les PME82. La protestation se manifeste aussi au cours des assemblées générales des syndicats professionnels. Ainsi, tous les syndicats de la fédération nationale des artisans du textile réunis en assemblée générale votent une motion dénonçant les projets d’augmentation et de création de nouvelles taxes83. La treizième région économique se joint à la protestation84. Elle transmet les plaintes des chambres de commerce de la région qui ont saisi son comité directeur indiquant que « les limites raisonnables de l’impôt ont déjà été dépassées ». Le comité directeur « s’associe sans réserve » à ce mouvement et réclame « la mise en œuvre effective » d’une politique d’économies capable de supprimer les causes du déficit.
33Les protestations viennent d’horizons très divers, majoritairement de secteurs de PME, et témoignent d’une forte inquiétude. L’argumentation de l’ANSA, en avril 1951 contre le projet de relèvement à 36 % du taux de l’impôt sur les sociétés et d’instituer une taxe de 10 % sur les trois huitièmes de la dotation pour approvisionnements techniques constituée dans les exercices clos en 1948 et 1949, est plus technique que les précédentes85. Exprimant davantage les positions des grandes sociétés, l’ANSA considère que la taxe représenterait « une violation des assurances données par la loi elle-même, puisque la partie exemptée de ces dotations ne devait être taxée respectivement qu’en 1954 et en 1955 » sous certaines conditions. Le report des réformes désamorce la protestation mais les profondes différences entre les organisations patronales subsistent.
34Le gouvernement cherche alors d’autres solutions que l’augmentation des impôts. Le 22 novembre 1951, à la suite d’une « conférence à la présidence du Conseil », le directeur du Budget présente au ministre des « suggestions sur la présentation de l’équilibre budgétaire » dans un rapport confidentiel86. Il suggère de couvrir l’excédent prévisible des dépenses sur les recettes, qu’il évalue à 42 milliards de francs, par la majoration du produit attendu de l’aide américaine, par la prise en compte de la taxe routière et du bénéfice de frappe des monnaies et par une majoration des évaluations. Le directeur indique aussi qu’il serait possible de présenter des diminutions sur les divers postes de dépenses autres que les dépenses militaires « par des artifices de présentation ». Il propose en outre de majorer le prix des tabacs, ce qui « peut rapporter 15 milliards sans qu’il y ait lieu de recourir au Parlement ». Les relations entre les administrations fiscales et les entreprises ne sont pas facilitées par cet environnement, ce qui repousse d’autant l’échéance de la normalisation.
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35L’encadrement de l’économie et la volonté politique de modernisation, comme la définition d’un nouveau plan comptable, la formation du Conseil supérieur de la comptabilité et la présence d’un interlocuteur patronal auprès des pouvoirs publics facilitent l’adaptation des réformes comptables introduites par Vichy au nouveau contexte. Cependant, la nécessité de la normalisation pour simplifier l’impôt et limiter les fraudes n’est pas reconnue par tous. Si elle ne choque pas le CNPF qui admet également la reprise des contrôles fiscaux, elle ne suscite que l’indifférence ou l’opposition de principe de nombreuses organisations patronales accrochées à la défense des petits et des moyens commerçants et producteurs et qui manifestent leur mécontentement contre l’impôt en 1951.
36Ainsi, alors que la Reconstruction commence par l’affirmation d’une volonté de conciliation entre l’État et les organisations patronales, elle s’achève par la contestation dont le CNPF n’est pas moteur. Sa commission fiscale approfondit son travail de lobbying et reste favorable au dialogue et à la négociation avec les autorités politiques. Ses préoccupations ne correspondent pas toujours à celle des chefs d’entreprises, souvent imposés au forfait qui critiquent à la fois l’augmentation des réglementations et celle de la pression fiscale. Le travail des commissions du plan comptable pour accélérer sa diffusion, celui des experts du CNPF pour diffuser l’idée de normalisation au sein du patronat ne correspondent pas non plus aux attentes de la plupart des organisations patronales fédérales ou régionales. En distinguant les forfaitaires de ceux qui sont imposés au bénéfice réel et les personnes physiques des sociétés, le système fiscal contribue à modeler des réactions différentes à l’égard de la normalisation comptable. Schématiquement, les chambres de commerce et les syndicats et fédérations représentant le petit et le moyen patronat de l’artisanat et du commerce le plus souvent rural, hostiles au renforcement des contraintes fiscales ne soutiennent pas l’uniformisation des comptabilités. Leurs positions annoncent le poujadisme. Le CNPF s’en démarque et c’est vers lui que se tourne le gouvernement lorsqu’il faut nommer des représentants du secteur privé dans la commission de réforme fiscale au moment de l’arrivée d’Antoine Pinay. Ses experts mettent alors leurs compétences au service de la réforme, mais paradoxalement le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale déclenche un mouvement antifiscal et antiétatique défavorable à la normalisation.
Notes de bas de page
1 D. Bensadon, « L’influence de la mission de productivité des experts comptables d’avril mai 1951 sur l’introduction de la consolidation des comptes en France », dans B. Touchelay, P. Verheyde (dir.), La genèse de la décision…, ouvr. cit., p. 75-97.
2 B. Colasse, P. Standish, « De la réforme 1996-1998… », art. cit. Les auteurs font remarquer que l’expression de « plan comptable général », a été préférée à celle de « code comptable » ou de « norme générale », et qu’elle « connote l’inscription » de la normalisation dans un projet planificateur, p. 8-9.
3 B. Touchelay, « Le patronat français et le partage du pouvoir dans l’entreprise entre 1946 et 1968 », 9e JHCM Le gouvernement d’entreprise : perspectives historiques, université Paris Dauphine, AFC et Crefige, mars 2003.
4 Commission de normalisation des comptabilités, Plan comptable général. Projet élaboré par la commission de normalisation des comptabilités et approuvé par le ministre de l’économie nationale, Paris, Imprimerie nationale, 1947. Rapport général présenté par André Brunet, p. 1-35. Remarquons que contrairement au plan de 1942, ce document est signé et qu’il est publié officiellement sous l’égide du ministre de l’économie nationale.
5 CAEF B 55 191. Commission de normalisation des comptabilités. PV de la séance du 18 septembre 1947. JO du 26 octobre 1947, annexe : extrait du plan comptable général, p. 399.
6 A. Fortin, « The 1947 Accounting Plan… », art. cit., p. 10.
7 Y. Lemarchand, F. Le Roy, « L’introduction de la comptabilité analytique en France… », art. cit. ; Romain Durand, « La séparation des comptabilités : origines et conséquences », Revue française de comptabilité, 1992, no 240, p. 72-81.
8 R. Durand, ibid. L’auteur évoque une « séparation à la française » qui entraîne des débats et des « publications incendiaires » dans la Revue de la comptabilité et des cadres comptables, par exemple : mai 1950, Bayle – directeur de la Compagnie des charbonnages du Nord – « Le plan comptable des épiciers », développe des thèses hostiles à la séparation ; Charles Brunet rétorque en juin dans la même revue : « Le Plan et les Bougnats. » Brunet défendait déjà la thèse de la séparation dans : Principes d’établissement d’un plan comptable universel, Paris, septembre 1948.
9 J. Richard, « Plans comptables », op. cit., p. 944.
10 CAEF B 55 197. Conseil supérieur de la comptabilité (1947-1956). Rapport du secrétaire général, Imprimerie nationale, 1949.
11 CAEF B 51 173. Ministère des Finances, direction générale des Contributions directes. Révision du plan comptable général, conséquences fiscales de la mise en application (1940-1954). Conseil supérieur de la comptabilité. 1. Dispositions générales ; 2. Cadre comptable ; 3. Terminologie explicative du cadre comptable ; 4. Exploitation générale ; 5. Compte perte et profits ; 6. Bilan.
12 CAEF B 55 191. Commission de normalisation des comptabilités. Séance du 18 septembre 1947.
13 Idem. Note d’André Brunet à Lauzel sur la proposition de loi no 1319 présentée par le groupe socialiste tendant à rendre obligatoire l’application d’un plan comptable pour les entreprises industrielles et commerciales, 20 juin 1947.
14 CAEF B 55 190. Commission de normalisation des comptabilités. PV des séances de 1946.
15 Décret no 47-2051 du 22 octobre 1947, JO du 23 octobre 1947 p. 10 477.
16 Décret no 48-1039 du 29 juin 1948, JO 30 juin et 28 juillet 1948.
17 CAEF B 55 191. Commission de normalisation des comptabilités. Le décret no 47-188 est publié au JO du 18 janvier, p. 753.
18 Décret no 49-1662 du 31 décembre 1949, JO du 6 janvier 1950.
19 Décret no 50-409 du 31 mars 1950.
20 R. Boulat, Jean Fourastié, un expert en productivité…, ouvr. cit. Gilbert Hervé-Gruyer, est né le 6 mars 1897. Licencié en droit, mobilisé de septembre 1917 à septembre 1919, il gravit les échelons des Finances durant l’entre-deux-guerres, jusqu’à devenir en 1940 conseiller référendaire de première classe à la Cour des Comptes et contrôleur financier hors classe en 1941. Directeur du plan et de la documentation au ministère de l’Économie nationale dans l’immédiat après-guerre, il termine sa carrière président de chambre à la Cour des comptes (1958), p. 197.
21 CAEF B 55198. Réunions de la formation plénière du Conseil supérieur de la comptabilité (1947-1961). Les six sous-commissions : 1. Documentation et diffusion, formation professionnelle ; 2. Principes et méthodes comptables ; 3. Comptabilité des prix de revient et comptabilité analytique ; 4. Comptabilité agricole ; 5. Comptabilité des administrations publiques ; 6. Comptabilité économique nationale. Pour l’essentiel, les sections retiennent les membres des sous-commissions de la commission de normalisation.
22 CAEF B 55 203. Conseil supérieur de la comptabilité. Note sur le projet d’arrêté prescrivant la tenue d’une comptabilité matières par les transformateurs et utilisateurs de matières, produits ou denrées, signée par le rapporteur de la seconde section, Poujol. Noté, manuscrit, « note approuvée par le Conseil supérieur dans sa séance du 24 décembre 1947 ».
23 CAEF B 51 173. Ministère des Finances, direction générale des Contributions directes. Révision du plan comptable général, conséquences fiscales de la mise en application (1940-1954). Conseil supérieur de la comptabilité. Observations présentées par l’industrie papetière sur le plan comptable, non daté.
24 Idem. Révision du plan comptable général, conséquences fiscales de la mise en application (1940-1954). Conseil supérieur de la comptabilité.
25 CAEF B 55 213. Activités des groupes d’études : révision des bilans (1948-1962). Note de Closon pour le directeur de l’organisation économique et du contrôle des entreprises publiques, 31 décembre 1948.
26 CAEF B 639. Notes sur le système fiscal français (1949-1954). Documentation statistique.
27 CAEF B 55 204. Conseil national de la comptabilité. Activités des sections d’études. Seconde section (1954-1957). Le comité est dirigé par Turpin. On y trouve Benoit, André Brunet, Monloup-Robert et Poujol. Il tient sa première réunion le 5 avril 1951.
28 CAEF B 55 202. Conseil supérieur de la comptabilité. Activités des sections d’études, première section, enseignement, documentation (1948-1968). PV de la séance du 19 mars 1949.
29 CAEF B 55 208. Conseil national de la comptabilité. Avant projet de loi comptable, mai 1949, 16 articles.
30 CAEF B 55 197. Conseil supérieur de la comptabilité. Direction de l’organisation économique et du contrôle des entreprises publiques. Note pour le directeur. Objet : application du plan comptable général, 17 octobre 1949, signé André Brunet.
31 CAEF B 51 173. Ministère des Finances, direction générale des Contributions directes. Conseil supérieur de la comptabilité. Note relative à la valeur réglementaire du plan comptable général à l’attention de Jacques Dumontier, cabinet, signé Closon.
32 Idem. Révision du plan comptable, conséquences fiscales de sa mise en application (1940-1954). Revue Le Plan comptable de janvier et mars 1951.
33 L. Cailluet, « Pratique et diffusion des méthodes modernes d’organisation et de contrôle de gestion. Le parcours exemplaire de Jean Benoit chez Pechiney de 1925 à 1962 », dans Henri Bouquin (dir.), Les grands auteurs en contrôle de gestion, Condé-sur-Noireau (14), EMS éditions, 2005 ; Nicolas Berland, Eve Chiapello, « The role of social reformers in the adoption of new management practices : the case of budgetary control in France, 1930-1959 », Cahier de recherche, HEC Paris, non daté, p. 41.
34 ANMT 72 AS 1201. CNPF. Assemblées générales (1952-1954, 1957). Bernard Jousset, « Compte rendu d’activité de la commission du régime légal des entreprises », dans « Rapport général sur l’activité de la commission économique générale pendant le deuxième semestre 1951 présenté à l’assemblée générale du 18 janvier 1952 », p. 7-8.
35 Rapport d’un groupe d’experts européens, Comptabilité industrielle et productivité. Le rôle de la comptabilité industrielle aux USA, mission d’assistance technique no 50, OECE, Paris, 1952, p. 9. Francin est le seul français de cette mission.
36 ANMT 72 AS 311. Organisation professionnelle et économique, statistique. Commission de la fiscalité. Séance du 4 juin 1947.
37 ANMT 72 AS 1658. CNPF. Commission économique générale. Commission de la libération de l’économie. PV de la séance du 4 novembre 1947.
38 Idem. Assemblée nationale, réponse à la question écrite no 3304, JO débats parlementaires du 9 octobre 1947.
39 CAEF B 55 197. Conseil supérieur de la comptabilité. Extrait du PV de la séance du 11 février 1949. Annexe no 4. Déclaration lue par Benoit.
40 CAEF B 51 177. Modalités simplifiées de réévaluation des bilans (1945-1961) communiquées à la DGI le 4 juin 1948.
41 Idem. Annexe no 5. Note de Benoit sur les raisons de l’opposition des chefs d’entreprises à l’obligation de l’emploi de la comptabilité analytique normalisée.
42 Id. Conseil supérieur de la comptabilité. Extrait du PV de la séance du 11 février 1949. Annexe no 6. Note d’Alphonse Martin, rapporteur de la commission de normalisation des comptabilités et membre du Conseil supérieurs de la comptabilité en réponse à la note de Benoit relative à la comptabilité analytique d’exploitation, 12 avril 1949.
43 CAEF B 55 202. Activités du Conseil supérieur de la comptabilité (1948-1968). PV de la séance du 11 février 1949.
44 Idem. PV de la séance du 19 mars 1949.
45 ANMT 72 AS 1200. CNPF. Assemblées générales (1946-1951). CR de l’assemblée générale du 6 juillet 1951. Commission du régime légal des entreprises. Jousset, président de la commission du régime légal des entreprises, « Normalisation du plan comptable et productivité », texte présenté à l’assemblée générale du 6 juillet 1951, p. 6-7.
46 CAEF B 28 372. Réforme fiscale 1952. Commission Loriot, notes d’études (août septembre 1952). Notes concernant les impôts directs. Obligation du plan comptable pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 50 millions de francs, 14 août 1952.
47 CAEF B 53 990. Tableaux de vérifications : bilan et résultats (1943-1958). Note pour le directeur général. Gestion de l’année 1948, octobre 1949.
48 Bibliothèque du CAEF, non signé, Dix ans de contrôle fiscal en France, ouvr. cit.
49 CAEF B 637. Contrôle fiscal (1953-1960). Divers. La création d’une commission de lutte contre la fraude fiscale est décidée par l’article 37 de la loi de Finances, no 50-135 du 31 janvier 1950. Elle est présidée par le ministre des Finances et comprend des parlementaires, des représentants des principales directions et institutions économiques (Crédit Foncier, DGI et Plan par exemple) et des syndicats patronaux (CGPME, CNPF) et de salariés (FO et CFTC). Cette commission ne fait aucun rapport, mais sa création révèle un état d’esprit favorable aux contrôles.
50 CAEF B 28 371. Commission de réforme fiscale 1952. Notes concernant les taxes sur le chiffre d’affaires, signée Ribière.
51 CAEF B 28 371. Commission de réforme fiscale. Notes concernant les taxes sur le chiffre d’affaires. Il conviendrait de savoir si cette donnée a été relayée par la presse car elle contredit une idée fréquemment avancée dans les rangs des défenseurs du secret et des petites entreprises considérant que les plus grandes, et en particulier la grande distribution et les grandes firmes industrielles, fraudent le plus. Elle montre aussi que la tenue de comptabilité normalisée, qui est habituelle dans ces grandes firmes, est un facteur de diminution de la fraude.
52 Bibliothèque du CAEF, non signé, Dix ans de contrôle fiscal…, op. cit.
53 Décret no 48-1039 du 29 juin 1948 édictant les dispositions d’ordre comptable applicables aux entreprises révisant ou ayant révisé leur bilan, JO du 30 juin 1948, p. 6307 et suiv.
54 CAEF B 51 175. Réévaluation des bilans, cas particuliers, applications d’articles, projets de décrets (1946-1954). Correspondance du directeur général des Contributions directes et du délégué général de l’ANSA ; J.-Y. Nizet, Fiscalité, économie et politique…, ouvr. cit. L’auteur évalue la plus value de réévaluation à 16 milliards de nouveaux francs, sur un montant cumulé des bénéfices déclarés par les sociétés de capitaux au titre de 1950 à 1958 de 65,6 milliards. Au titre des exercices 1945 à 1958, environ 60 000 entreprises (dont 28 000 au seul titre de 1945) ont réévalué, ce qui est peu sur les 400 000 entreprises au bénéfice réel existantes.
55 CAEF B 28 362. Travaux préparatoires de la loi de finances du 14 avril 1952 (novembre 1951-février 1952). Suggestion relative à une réévaluation obligatoire des bilans, direction des Contributions directes, 28 novembre 1951.
56 CAEF B 28 388. Réforme fiscale (1951-1954). DGI. Direction des Contributions indirectes. Département de la Seine-Est, législation des taxes sur le chiffre d’affaires, Paris, 8 février 1951.
57 CAEF B 58 871. Réformes fiscales. Travaux préparatoire (1950-1951). Loi no 51-29 du 8 janvier 1951. Article 1 portant règlement d’administration publique.
58 ANMT 72 AS 311. Organisation professionnelle et économique, statistique. Commission de la fiscalité. Séances du 4 juin et du 2 juillet 1947.
59 Idem. Séances du 12 novembre 1947 et du 2 février 1948.
60 Id. Séance du 12 mars 1948. Les modalités du prélèvement exceptionnel sont précisées dans la circulaire de la direction générale des Contributions directes du 11 mars 1948, dont des extraits sont présentés à la commission.
61 Id. Séances du 13 avril et du 1er juin 1948. Il s’agit de la loi du 13 mai 1948, JO du 14 mai.
62 Id. Séance du 2 décembre 1948.
63 CAEF B 28 337. Commission supérieure d’études fiscales. Sous-commission des impôts directs, séance du 24 juin 1948. CR de la discussion entre les représentants de la chambre syndicale des métaux, Robert Blot, directeur général des Impôts, et un représentant de la direction générale des Contributions directes à propos de l’évaluation fiscale du stock outil le 18 juin 1948.
64 Georges Villiers, « Exposé sur la situation générale à la réunion du comité directeur du 16 avril 1948 », Bulletin du CNPF, mai 1948, p. 2.
65 Les dispositions du décret 30 janvier 1941 sur l’évaluation des stocks sont reprises par le code des impôts directs et modifiées par la loi du 23 décembre 1946, puis par le décret du 29 juin 1948 : les redevables de l’impôt sur les BIC doivent faire connaître au contrôleur des Contributions directes au début de chaque année la valeur du stock existant au 11 décembre de l’année précédente pour les forfaitaires, ou à la fin de l’exercice clôt au cours de la dite année s’il s’agit de contribuable imposé d’après le bénéfice réel. Les entreprises doivent évaluer leurs stocks au prix de revient sous réserve de la possibilité de constituer une provision pour dépréciation si la valeur réelle des marchandises au jour de l’inventaire est inférieure aux prix de revient.
66 ANMT 72 AS 311. Organisation professionnelle et économique, statistique. Commission de la fiscalité. Il s’agit du décret no 48-1039, JO du 30 juin et du 28 juillet 1948.
67 CAEF B 55 213. Conseil supérieur de la comptabilité. Activités des groupes d’études : révision des bilans (1948-1962). Note de Closon pour le directeur de l’organisation économique et du contrôle des entreprises publiques, 31 décembre 1948.
68 CAEF B 55 202. Conseil supérieur de la comptabilité. Activités des sections d’études, première section, enseignement, documentation (1948-1968). PV de la séance du 11 février et 19 mars 1949, positions du CNPF défendues par Benoit sur le projet de loi comptable.
69 Idem. Séances du 16 mars et du 25 mars 1949.
70 Id. Séance du 8 juillet 1949. Loi relative à diverses dispositions d’ordre économique et financier, no 49-874, JO du 6 juillet, p. 6638.
71 Id. Séance du 9 août 1949. « Note sur l’activité fiscale du CNPF et les résultats obtenus – personnel. »
72 Id. Séances du 9 juillet 1946 au 4 avril 1951.
73 ANMT 72 AS 1200. CNPF. Assemblées générales (1946-1951). CR de l’assemblée générale du 19 janvier 1951.
74 Idem. Rapport général sur l’activité de la commission économique générale au deuxième semestre 1950 présenté à l’assemblée générale du 19 janvier 1951 : CR d’activité de la commission de la fiscalité, p. 31-35.
75 Id. CR de l’assemblée générale du 6 juillet 1951. Discours de Villiers.
76 Id. Commission de la fiscalité, p. 32-34. Les élections législatives sont organisées le 17 juin 1951.
77 ANMT AS 1201. CNPF. Assemblées générales (1952-1954, 1957). CR d’activité de la commission de la fiscalité présenté à l’assemblée générale du 18 janvier 1952, p. 32-39.
78 CAEF B 28 357. Équilibre financier 1951. Projet de loi relatif à l’exécution du budget de l’exercice 1951 devenu loi de finances du 24 mars 1951. Loi de finances pour l’exercice 1951, 24 mai 1951, JO du 26 mai 1951.
79 Idem. Lettre de la chambre de commerce de Roubaix adressée au ministre des Finances, 8 décembre 1951.
80 Id. Lettre de la chambre syndicale de la passementerie pour ameublement au ministre des Finances, 2 avril 1951.
81 Id. Lettre de la fédération des groupements commerciaux de l’automobile, du cycle et de la motocyclette de France et des colonies adressée au ministre des Finances et affaires économiques, non signée, 3 avril 1951.
82 Id. Lettre de la confédération générale du commerce et de l’industrie signée par Pages, secrétaire général. La résolution du XVIIIe congrès de la confédération sur la fiscalité est jointe à la lettre.
83 Id. Lettre de la fédération nationale des artisans du textile pour le ministre du budget, Ressicaud, président, 25 avril 1951.
84 Id. Lettre de la XIIIe région économique à Lyon relative aux dispositions fiscales contenues dans le projet de loi no 12-850 relatif à l’exécution du budget de l’exercice 1951, adressée à Petsche, signée par le président de la XIIIe région économique, 5 mai 1951. La lettre est transmise au ministre du Budget. Les chambres de commerce concernées sont : Annonay, Aubens, Bourg, Brioude, Le Puy, Lyon, Macon, Roanne, Saint-Étienne, Tarare, Valence, Vienne, Villefranche.
85 Idem. Lettre du président de l’ANSA au ministre des Finances, 19 avril 1951.
86 Id. Rapport no 8 au ministre sur l’équilibre budgétaire de l’exercice 1951, confidentiel. Signé par le directeur du budget, 22 novembre 1951.
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