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Conclusion de la deuxième partie

p. 169-170


Texte intégral

Une diffusion partielle de l’habitude comptable à la veille de l’armistice

1Au cours des dix ans précédant la défaite de juin 1940, les utilisateurs et les producteurs de données comptables ou statistiques s’affirment. On les retrouve dans les entreprises qui utilisent les chiffres comptables et statistiques pour guider leurs pratiques, et acceptent de se plier à quelques règles de calcul pour favoriser l’élaboration des repères quantifiés. Ces entreprises se distinguent de celles qui ne chiffrent pas, par ignorance des instruments disponibles ou bien par crainte d’une intrusion de l’État ou d’une violation du secret des affaires ou des deux à la fois. La présence ou l’absence d’habitude comptable ou statistique introduit ainsi un nouveau clivage entre les entreprises et au sein des organisations patronales. Ni sa taille, ni son secteur d’activité ne détermine dans quel groupe se situe l’entreprise. Les pressions de ses partenaires, actionnaires ou banquiers en quête d’informations, parlementaires souhaitant une plus grande transparence des comptes et une meilleure équité fiscale, agents de l’administration fiscale désireux de réduire la fraude et de faciliter les relations avec les contribuables influencent ses positions. La façon dont les entreprises ou leurs organisations se sont adaptées aux réformes fiscales introduites depuis la Grande Guerre est décisive. Les foyers d’études et les relations nouées avec les parlementaires et avec les responsables des directions financières et fiscales font de la CGPF et de l’UIMM des intermédiaires désignés pour faciliter l’adaptation des groupements et des entreprises aux exigences du principe déclaratif et du contrôle fiscal. La présence de relais modernisateurs parmi leurs permanents permet d’accélérer les mutations des habitudes comptables et de consolider la nébuleuse calculatrice. La nébuleuse est également confortée par le volontarisme politique qui se manifeste à deux reprises, avec Germain-Martin et la définition du bénéfice fiscal en 1934, puis avec le Front populaire favorable à la prise de conscience de la nécessité d’un dialogue entre le plus haut niveau du gouvernement et les confédérations patronales. Le réarmement est l’étape suivante, décisive pour la nébuleuse. L’administration fiscale intervient alors pour limiter les bénéfices des entreprises travaillant pour la défense nationale et procurer à l’État des financements complémentaires. Pour la seconde fois en moins de trente ans, la guerre légitime cette intervention sans soulever d’opposition massive. L’ombre portée de la guerre et l’administration fiscale jouent donc un rôle décisif dans l’amélioration des pratiques comptables.

2L’expert-comptable est le grand absent de cette évolution malgré la création du brevet d’Etat en 1927. Il continue d’inspirer une confiance limitée. La procédure du forfait dispense une grande partie des producteurs et des commerçants de ses services alors que l’amélioration des connaissances comptables des agents du fisc et la concentration du contrôle fiscal sur les non forfaitaires imposent désormais qu’il intervienne auprès des grandes affaires. Le dualisme fiscal favorise la rentabilité de l’impôt tout en préservant le compromis politique de défense des classes moyennes cher aux radicaux. Ainsi, le virage de la normalisation amorcé avec la Grande Guerre, puis freiné, s’accélère à nouveau à la veille de la Seconde Guerre mondiale. La triple contrainte du régime liberticide de Vichy, de la pénurie et de l’Occupation élimine les derniers obstacles à sa réalisation.

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