Chapitre V. Vers la guerre : la comptabilité mise en première ligne (juillet 1937-juin 1940)
p. 149-168
Texte intégral
1Le 10 avril 1938, la rupture avec le Front populaire est effective après la chute du second gouvernement Blum. Le gouvernement alors formé par Édouard Daladier ne comprend plus aucun ministre socialiste. La course à la guerre s’accélère obligeant à la fois à disposer d’informations de qualité sur les capacités de production disponibles et à resserrer la pression fiscale. La direction des Contributions directes profite de la situation et fait admettre le principe de l’enregistrement systématique d’informations sur les entreprises, s’engageant dans la rédaction de monographies sectorielles. Les opérations de contrôle fiscal reçoivent des moyens conséquents. Les pressions sur les entreprises se confirment avec la législation d’exception introduite après la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation de la nation en temps de guerre. Les exigences comptables et fiscales à l’égard des plus grandes entreprises industrielles sont inédites. Seule la partie minoritaire du patronat déjà convaincue de la nécessité du chiffrage peut s’y soumettre.
2Le retour de l’orthodoxie économique ne suffit pas à convaincre les entreprises de participer au réarmement. Le souvenir de la contribution extraordinaire et les menaces de révision des marchés sont peu engageants. Les principales organisations patronales dénoncent le « gouffre » des dépenses d’armement et tentent de freiner la marche forcée vers la normalisation comptable1. Elles encouragent également à la clarification des termes des bilans dès lors qu’elle permet de simplifier l’impôt et d’assurer une meilleure prise en compte de l’inflation. Ces organisations deviennent des moteurs de la normalisation, à la condition qu’elle soit négociée. La volonté nouvelle de contrôler l’activité du secteur des assurances et celle de mettre la comptabilité des entreprises au service de l’information économique constituent d’autres moteurs propres à la période. Leur impact sur le développement des comptabilités privées reste à préciser pour montrer comment la comptabilité a été mise au service de la guerre. Le poids de la fiscalité et celui des contraintes exceptionnelles de la marche à la guerre seront à distinguer des autres moteurs de la normalisation.
Diversification des moteurs de la normalisation
3À mesure que l’on se rapproche de la guerre, les idées modernistes favorables à la normalisation des comptabilités privées choquent moins et la réticence des organisations patronales à l’égard des enquêtes statistiques s’atténue. La clarification des comptes facilite les relations des contribuables avec le fisc et simplifie les contrôles des déclarations de bénéfices, ce qui satisfait à la fois les contribuables et les administrations fiscales. Cette clarification doit aussi améliorer la qualité de l’information économique depuis que l’usage des données comptables est préconisé par des promoteurs de la statistique publique comme le contrôleur de l’Armée René Carmille2. Ce changement d’attitude à l’égard du chiffrage témoigne d’une meilleure compréhension des enjeux des outils quantifiés et favorise l’acceptation de règles comptables plus contraignantes. Il est encouragé par de nouvelles voix, comme celle de l’ingénieur des Mines Maurice Allais qui exhorte les entreprises à y participer. La volonté de faciliter les relations entre l’entreprise et le fisc, celle de développer l’information économique et le contrôle de certains secteurs constituent donc, avec la pression fiscale, des moteurs essentiels de la normalisation à la veille de la guerre.
Les relations entre le fisc et les organisations patronales
4Les désaccords entre les organisations patronales et les administrations fiscales sur la définition des principaux postes du bilan et du compte de profits et pertes entraînent des contentieux. Ils obligent non seulement l’entreprise à effectuer des calculs complexes pour bénéficier de dégrèvements fiscaux, mais l’empêchent aussi de disposer de repères solides pour s’adapter à la forte dévalorisation monétaire. La complexité de l’impôt accentue ces difficultés. Les principales organisations patronales réclament des allégements de charges, une simplification du système et une clarification des règles comptables. La taxe à la production est leur première cible, vient ensuite la réévaluation des bilans. La faiblesse persistante de la CGPF, dont témoignent ses embarras pour obtenir des renseignements auprès de ses affiliés, limite son efficacité et l’empêche d’aider efficacement les entreprises de taille moyenne qu’elle s’est pourtant engagée à soutenir3.
5Malgré les espoirs de simplification placés dans l’introduction de la taxe à la production, les calculs exigés pour son règlement restent compliqués. Cette complexité provient de l’application du décret-loi du 25 août 1937 qui incorpore à son champ d’application les produits fabriqués par l’entreprise pour elle-même. Cette disposition oblige à tenir une comptabilité détaillée de tout déplacement de produits dans les ateliers4. Tout en reconnaissant qu’elle ne concerne qu’un nombre réduit d’assujettis, l’UIMM dénonce la lourde « bureaucratie d’entreprise » ainsi imposée et reproche à la taxe de témoigner d’une ingérence croissante de l’État dans la vie des entreprises, contrariant sans justification « leur souci d’autonomie ». L’Union déplore particulièrement que cette taxe, épargnant les petites affaires, ne rapporte pas plus que celle du chiffre d’affaires alors qu’elle pèse plus lourdement sur le secteur productif. Le bureau de l’Assemblée des présidents des chambres de commerce condamne aussi sa lourdeur dans une lettre adressée au président du Conseil en mai 19385. Il précise qu’ajoutées aux nouvelles charges du réarmement, ces contraintes mettent le commerce et l’industrie dans une situation « angoissante ». Dans son bilan sur l’évolution fiscale arrêté en 1939, l’UIMM réitère ces critiques précisant que le rendement de la taxe est désormais trois fois plus élevé que celui de l’impôt cédulaire sur les BIC, mais que sa collecte reste pesante pour l’entreprise6. L’UIMM dénonce particulièrement le fait que de nombreuses entreprises soient soumises à deux régies fiscales et vivent par conséquent « sous la menace » de deux contrôles indépendants les obligeant à se plier à deux séries distinctes de déclarations et de versements. Les contentieux provoqués par cette double sujétion nuisent à l’activité économique. La taxe à la production est également la cible du service fiscal de la CGPF au printemps 19397. Au conseil central du 21 avril, Léon-Dufour signale qu’une note détaillée réclamant sa simplification a été envoyée à la commission de réforme fiscale et transmise à la délégation restreinte reçue par Joseph Denais, député et « membre le plus actif de la commission ». La taxe à la production n’est pas la seule en cause. Pour un membre du conseil central, qui se présente comme « le représentant des petits producteurs », « la multiplication des déclarations exigées » par le fisc incite à se demander « si on va faire de la comptabilité ou s’occuper de son industrie » ! Léon-Dufour reprend à son compte cette considération « absolument primordiale » précisant que les industriels ne peuvent pas « se soumettre à un régime étatiste tout en assurant la production ». Outre les tracasseries ordinaires imposées par le fisc, les critiques patronales dénoncent la complexité des démarches nécessaires pour obtenir des dégrèvements. Ainsi par exemple, l’administration fiscale accepte de retenir les effets des réajustements successifs des parités monétaires sur les bilans à partir de 1937, mais exige en retour des calculs tellement complexes qu’ils rebutent les bénéficiaires potentiels ne disposant pas d’un service comptable étoffé. La CGPF ajoute que ces démarches ne sont pas toujours bénéfiques puisque les dégrèvements s’accompagnent souvent d’un rehaussement d’autres charges ou de la création de nouvelles taxes. Elle condamne aussi l’attitude de l’administration qui a bien modifié le statut fiscal des plus-values de réévaluation après la dévaluation de 1938, mais sans accepter l’intégration aux frais généraux du nouveau prélèvement exceptionnel de 2 % sur les réserves, alors que cette intégration est admise pour la taxe de 4 %8.
6L’unanimité des organisations patronales contre la complexité de la législation fiscale disparaît lorsqu’elles abordent la nouvelle autorisation de réévaluation des bilans. Plusieurs groupements demandent de s’inspirer de la circulaire des Contributions directes de 1930 autorisant l’affectation des amortissements aux immobilisations sous certaines conditions9. La commission fiscale de la CGPF préfère un autre système que défend Léon-Dufour suggérant d’autoriser l’affectation des amortissements à une provision spéciale dont le montant devrait correspondre à celui des amortissements déjà pratiqués dans l’entreprise. Le décret-loi du 2 mai 1938 et le décret d’application du 13 février 1939 satisfont en partie la CGPF en autorisant les entreprises à constituer des provisions pour renouvellement de l’outillage et du matériel hors de toute taxation10. Ces textes ne résolvent pas la question de la valeur nominale retenue pour les évaluations. Le choix entre le cours du jour ou le prix d’achat constitue un motif durable de désaccord11. Le décret-loi insère cependant dans le Code général des impôts un article exonérant de l’impôt sur les bénéfices les plus-values de cessions réalisées qui sont réemployées dans l’entreprise avant un certain délai. Ces plus-values bénéficient ainsi du même régime que les plus-values de réévaluations si elles sont incorporées au capital social et investies dans l’entreprise.
7L’application de ces mesures suppose que les entreprises et les administrations fiscales s’accordent sur la façon de calculer les plus-values et les réserves. Elles forcent donc les entreprises à clarifier leurs comptabilités, mais sans fournir ni modèle, ni règle précise alors que toutes les entreprises ne tiennent pas de comptabilité régulière12. Les pressions exercées par les organisations patronales pour simplifier l’impôt et clarifier les classifications témoignent de leur prise de conscience de la nécessité de la normalisation. D’autres pressions vont dans le même sens qui défendent le besoin d’informations économiques et celui d’améliorer les garanties des assurés.
L’information économique et le contrôle de l’activité des assurances
8L’idée d’utiliser la comptabilité privée pour améliorer la statistique publique, et donc l’information économique, qui est en germe, correspond à un changement d’attitude d’une partie des organisations patronales à l’égard des enquêtes officielles. La grande enquête sur la production industrielle qui doit être effectuée en 1938 scelle la collaboration d’une partie de ces organisations et des statisticiens. Dès septembre 1937, la CGPF se prononce ouvertement pour la participation patronale à l’enquête13. Petiet précise qu’elle est nécessaire pour « repousser les augmentations de salaires » et « montrer, preuve à l’appui, que les 40 heures nous tuent ». L’idée d’une meilleure information économique au service de l’entreprise et de la production nationale se diffuse donc. Parallèlement, avec la définition du premier cadre comptable du secteur des assurances la comptabilité des entreprises devient un moyen de contrôle économique, un garant du bon usage des crédits publics et de l’absence de gaspillage, et plus seulement un instrument du contrôle fiscal14. L’exemple de Maurice Allais recommandant la normalisation comptable dans une conférence puis dans un article publié par plusieurs revues, est révélateur de la diversité des arguments employés15. Allais demande au patronat « d’abandonner cette mystique individualiste du secret qui a été jusqu’ici sa règle de conduite », de renoncer à « l’imprécision de la définition des comptes » pour « stabiliser la vie des affaires » et éviter à l’État de s’immiscer dans la vie des entreprises en légiférant. La direction générale des Contributions directes retient ces arguments16. Allais souligne aussi que les progrès de la comptabilité ne vont pas à l’encontre de l’initiative privée. Il invite à abandonner tout calcul arbitraire et à développer la documentation économique pour faciliter l’évaluation des prix de revient et « rétablir » les règles d’une saine concurrence. Ces idées incitent à mettre la comptabilité privée au service de l’information économique comme y convie René Carmille.
9Dans les années 1920, Carmille17 introduit une méthode de comptabilité et de contrôle des services de l’artillerie basée sur l’emploi de la mécanographie18. Cherchant à donner à la statistique une exactitude comptable et à utiliser les renseignements comptables des entreprises pour développer l’information statistique, il préconise de recourir à la mécanographie et à l’enregistrement systématique des renseignements administratifs et d’organiser des recensements permanents en s’appuyant sur des fichiers individuels régulièrement mis à jour19. Les comptables ont déjà introduit l’idée d’une liaison entre comptabilité et statistiques puisque dans un article de 1932, Delaporte suggère que « la comptabilité matière permette de faire l’économie des recensements démographiques quinquennaux qui serait effectués en comptabilisant les fiches individuelles20 ». Ces fiches dont les données seraient intégrées à un « carnet individuel » permettraient de « suivre chaque citoyen ». Elles constitueraient le « document authentique de la personnalité de tout individu, carte d’identité ou carte d’électeur », facilitant la centralisation des données et autorisant la « diminution du nombre des fonctionnaires ». Le système d’informations individuelles et nominatives est promis à un bel avenir. À partir de 1938, Carmille s’en empare donc et met en pratique l’idée du recensement permanent établi à partir d’informations administratives et celle du « carnet signalétique individuel ». Ces éléments sont les pièces maîtresses des services de statistiques qu’il édifie à partir d’août 194021.
10L’idée d’utiliser les renseignements comptables des entreprises pour établir la statistique publique est reprise dans une note du 23 décembre 1938 attribuée à Jacques Chezleprètre, chef de bureau aux Contributions directes, l’un des principaux instigateurs de la réforme du contrôle fiscal et de la comptabilité privée22. Selon cette note, l’administration est convaincue de l’intérêt des données recueillies à l’occasion des contrôles fiscaux pour améliorer les connaissances de l’activité économique. Elle s’efforce par conséquent de leur donner « un caractère économique » afin que les « grands services chargés d’établir la statistique de la France et de surveiller son économie » les utilisent. Le besoin d’informations économiques générales est un moteur puissant des progrès de la comptabilité des entreprises et de la comptabilité nationale après l’Occupation23. Dans l’immédiat, les comptabilités des entreprises n’étant pas normalisées, leur agrégation s’avère impossible. Après quelques secteurs cartellisés comme les mines ou les transports, le premier pas vers la normalisation est franchi dans le domaine des assurances.
11Désireux de surveiller les placements des sociétés d’assurance sur la vie, l’État réglemente leur activité dès la loi du 17 mars 1905 et impose quelques prescriptions comptables comme la publication annuelle au Journal officiel du compte général de pertes et profits et de la balance générale. Ces dispositions sont étendues aux sociétés d’assurances dommages par le décret du 8 mars 1922 et couvrent ainsi tout le secteur. Le décret-loi du 25 août 1937 rattache le secteur à un Conseil supérieur des assurances privées, installé au ministère du Travail et organisé par le décret du 29 décembre 1937. Composé d’une centaine de membres, pour l’essentiel hauts fonctionnaires et représentants des sociétés24, il confie ses travaux à une commission permanente de vingt-cinq membres. Le Conseil s’engage à renforcer le contrôle de la solvabilité des compagnies et à s’assurer qu’elles respectent les règlements sur les placements et les garanties des assurés. La réglementation des modes de calcul du bilan et du compte de profits et pertes annuels des compagnies d’assurance fait partie de ses tâches prioritaires. Sa première réunion se déroule le 21 février 1938 sous la présidence de Paul Ramadier, ministre du Travail.
12Les principes de la présentation du compte pertes et profits qui vont être rendus obligatoires sont posés par Jean Fourastié, commissaire contrôleur des assurances, qui réclame une réforme depuis 193725. Le décret-loi du 14 juin 1938 oblige les sociétés d’assurance à fournir à toute personne qui le réclame un compte rendu annuel de leurs opérations établi selon le modèle défini par le Conseil. Ce document doit comprendre le bilan, le compte général des pertes et profits et l’état des placements26. Le règlement d’administration publique du 28 juillet 1939 fixe les principes de la réforme en définissant les modalités de la présentation du compte pertes et profits pour les entreprises du secteur27. Ce texte n’introduit pas un véritable plan comptable puisqu’il se contente de définir un nombre minimum de comptes à ouvrir, mais plusieurs sociétés d’assurance appliquent les dispositions relatives à la comptabilité générale et à la publication des bilans et des comptes de pertes et profits dès 1939. En 1940, plus de 100 sociétés suivent cet exemple. Les pressions des assurés, les travaux de Fourastié et la volonté de Ramadier conduisent ainsi à l’adoption du cadre comptable général par un secteur d’activité28. Cet exemple n’est pas imité, la réglementation continuant d’être rejetée. La suggestion d’harmoniser la comptabilité des entreprises et celle de l’utiliser pour améliorer l’information économique n’aboutissent pas non plus à convaincre un large public. Dans ces conditions, il semble bien qu’à la veille de la guerre la pression fiscale demeure le moteur essentiel de la normalisation.
Le renforcement de la pression fiscale
13Le renforcement du contrôle fiscal organisé par les Contributions directes et par son service des vérifications, opérationnel en 1936, est concentré sur les grandes entreprises qu’il pousse à développer leurs services comptables. Les résultats des vérifications de comptabilité ne sont pas négligeables, bien que la majorité des entreprises leur échappe totalement au moment de l’entrée en guerre et qu’il reste des progrès à accomplir29.
14À partir d’août 1937, la direction des Contributions directes utilise des fiches statistiques normalisées pour améliorer le rendement des contrôles30. Une circulaire d’août 1938 invite ses agents à multiplier l’examen des pièces comptables puis l’arrêté ministériel du 30 décembre 1938 rehausse leurs qualifications en exigeant une licence des candidats au concours d’entrée dans le cadre principal31. Le service de vérification dispose alors d’environ 200 agents répartis entre un service de documentation économique et fiscale, deux brigades nationales et dix-neuf brigades départementales. Ses vérifications de comptabilités conduisent souvent à de sévères redressements, par exemple lors du contrôle des déclarations de bénéfice de la société Rhône-Poulenc pour les années 1934 et 1935, puis du contrôle de la taxe spéciale exigée des fournisseurs des marchés de la défense nationale en 1937-193832. Ces résultats incitent d’autant plus à développer les vérifications des comptabilités qu’ils représentent un apport non négligeable pour le Trésor.
15En 1937, les vérifications des déclarations de bénéfices rapportent un peu plus de 4 milliards de francs. Entre 1934 et 1938, la part des redressements sur le total des bénéfices déclarés n’est jamais inférieure à 17,5 % (1934), elle augmente régulièrement pour atteindre 28 % en 1938, ce qui témoigne de l’efficacité croissante des vérifications. Les corrections des déclarations de bénéfices en 1938 correspondent à 40 % du montant total des bénéfices déclarés. Pour confirmer ces résultats et s’adapter à l’évolution des pratiques des fraudeurs, le service de vérification des comptabilités cherche à disposer d’une documentation exhaustive et homogène sur l’ensemble des professions. Il commence à l’établir en réunissant les données normalisées qu’il a recueillies dans un bulletin, dit « bulletin modèle no 1549 », comportant les caractéristiques de la profession, les pourcentages de bénéfice après vérification et les moyens de vérification employés depuis août 193733. Les renseignements technologiques, comptables et fiscaux sur les professions seront actualisés et complétés à chaque contrôle. La confection du bulletin est expérimentée avec succès dans le département de la Seine, puis généralisée. Les pourcentages qu’il retient sont calculés par la brigade de documentation de la Seine à partir des fiches établies lors des vérifications de comptabilité qu’elle centralise et de la fiche récapitulative par profession qu’elle tient à jour. Après la fin de 1938, le bulletin est enrichi des informations provenant des bilans des entreprises contrôlées. Il retient alors les comptes d’exploitation, les comptes de profits et pertes et les frais généraux. Ces opérations permettront d’élaborer de véritables monographies à partir des « conditions d’activité normale des entreprises » de la profession.
16Une note du 23 décembre 1938 attribuée à Chezleprètre présente l’organisation du contrôle ainsi qu’un certain nombre de solutions susceptibles de l’améliorer34. Elle précise par exemple que le contrôle des bénéficiaires du régime forfaitaire est assez bien assuré pour les BIC « grâce aux connaissances locales » du contrôleur divisionnaire et à la collaboration « généralement loyale » des commissions consultatives. Selon cette note, les seules difficultés sérieuses pouvant apparaître viennent des « comptables professionnels qui ont intérêt à mettre les contribuables et l’administration en désaccord ». Elle indique aussi que le contrôle des redevables imposés d’après le bénéfice réel est beaucoup plus délicat que celui des forfaitaires car il exige plus de temps et de connaissances en matière de comptabilité. Chezleprètre reconnaît les progrès effectués depuis que les Contributions directes confient le « fastidieux examen des comptabilités » à des agents spécialisés. Pour aller plus loin, il recommande de confirmer le recours aux spécialistes et de modifier en profondeur l’organisation du contrôle.
17Le Parlement adopte le principe d’une réforme de l’administration des Contributions directes au moment du vote de la loi de finances fin décembre 193835. Bien qu’aucun crédit spécifique ne soit prévu, la réforme est ambitieuse. Elle envisage la création d’une direction unique chapeautant des circonscriptions étendues, la spécialisation des agents du contrôle, l’augmentation du personnel d’exécution et la réalisation de monographies qui serviront de base aux vérifications36. Ses modalités sont présentées en détail dans une note de 1939, sans doute à nouveau de Chezleprètre, précisant que la documentation réunie permettrait aussi aux Contributions directes de jouer un rôle essentiel dans le service de documentation et de statistiques créé pour les besoins de l’économie nationale. Sa mise en route est confiée à une commission formée par l’arrêté du 10 janvier 1939 et qui s’engage à présenter un cadre général avant le 1er juillet 193937. La première séance est ouverte par Jean Watteau, directeur général des Contributions directes, le 12 janvier 193938. Considérant que la situation est mauvaise, puisque l’évasion fiscale non réprimée correspond à peu près au montant des redressements opérés pour la seule cédule commerciale, Chezleprètre y suggère à plusieurs reprises d’envisager une refonte complète des services. Il conseille d’installer 200 contrôles centraux composés d’inspecteurs spécialisés à Paris et dans les grandes villes et de doter chaque circonscription d’un service de documentation centralisant les données statistiques et les documentations fiscales et alimentant les organismes intéressés. Ces suggestions sont discutées et il est décidé de les expérimenter à Paris, au Mans et à Nice39. À sa dernière séance en février 1939, la commission retient deux autres idées, celle de créer une direction ou un service pour grouper et coordonner la documentation et les enquêtes et celle de former un cadre du contrôle de 250 experts comptables. Ses travaux aboutissent à un certain nombre de réalisations : la transformation de la brigade de documentation de la Seine en un « service technique de documentation et de statistique » en mars 1939, puis l’allégement des tâches d’exécution des contrôleurs (décret du 30 avril 1939), enfin, l’organisation de la direction de la documentation économique chargée de coordonner les travaux et rattachée aux Contributions directes (décret du 20 juillet 1939)40. Dirigée par Chezleprètre, cette direction doit attirer des techniciens capables de trouver dans les comptabilités des entreprises « les renseignements utiles à l’action gouvernementale et susceptibles d’éclairer la direction des services de l’État41 ». La « technique très poussée de l’étude et du contrôle comptable » et les renseignements chiffrés des Contributions directes sont mis à son service42. Retardée par l’entrée en guerre l’organisation de la direction est ensuite décisive pour l’amélioration des contrôles.
18Ainsi à la veille de la guerre, une administration sachant établir et contrôler l’impôt est en train de se définir. Son affirmation reste bloquée par des freins politiques et budgétaires témoignant de désaccords internes aux directions financières et fiscales que la documentation utilisée n’a pas permis d’éclairer. Le désordre des comptabilités privées et l’isolement des adeptes de la normalisation constituent d’autres freins.
La comptabilité mise au service de la guerre
19Le réarmement démarre réellement en 1937, légitimant les interventions administratives et les majorations fiscales43. La préparation de la guerre favorise la diffusion d’un modèle allemand de normalisation des comptabilités fondé sur la coopération très étroite des organisations professionnelles et de l’état. Or, alors que le gouvernement sollicite des industriels un engagement massif, leur coopération est loin d’être acquise. La reprise des opérations de révision des marchés passés pendant la Grande guerre prévue par la loi de mai 1933 attise les tensions à la veille de septembre 1939. Totalement absorbée par le réarmement, l’activité économique est ensuite désorganisée par la « drôle de guerre » et par la mobilisation des hommes. La période profite pourtant à la normalisation des comptabilités des grandes entreprises.
Comment se préparer à la guerre ?
20Le modèle allemand de normalisation formalisé par la circulaire Goering de 1937 est celui d’un encadrement rigoureux de l’activité économique mobilisée en faveur du réarmement. S’il trouve des adeptes parmi les propagandistes de « la France des chiffres », sa logique soulève aussi des réticences. La remise en marche du Jury national des marchés de guerre n’incite pas les organisations patronales au compromis.
21L’exemple allemand s’appuie sur les travaux d’Eugen Schmalenbach44, professeur à l’université de Cologne, qui propose un cadre comptable en 192745. L’organisation comptable est ensuite définie par l’ordonnance du maréchal Goering du 12 novembre 193646. Précisant que les nouveaux objectifs de l’économie du Reich exigent de la part des chefs d’entreprises un accroissement du rendement et une amélioration de la rentabilité, la circulaire invite à organiser une comptabilité « bien articulée » pour que « cette grande tâche soit menée à bonne fin ». Elle fait de la comptabilité « un élément fondamental de la réorganisation des organismes productifs ». Une seconde circulaire datée du 11 novembre 1937 charge les groupements professionnels d’adopter d’urgence les mesures permettant aux entreprises d’établir des « comptabilités correctes47 ». Elle confie l’établissement des principes de comptabilité unitaire à des experts rattachés à l’Office du Reich. Dans un premier temps, la circulaire n’envisage que l’établissement de directives pour la tenue des livres et reporte à un texte ultérieur le calcul des prix de revient. Les fonctions essentielles d’une régie comptable, qui enregistre et classe « toutes les opérations des entreprises ainsi que les mouvements de quantité et de valeur » qui leur sont liés sont présentées en annexe48. L’existence d’une telle comptabilité est considérée comme la « condition sine qua non du fonctionnement régulier des entreprises et de l’économie nationale ». La régie comptable « sert à saisir et à imputer numériquement les opérations des entreprises, à établir la comptabilité chronologique » et à « fonder le contrôle collectif de l’économie nationale ». La circulaire prévoit les conditions nécessaires à sa mise en place et présente le plan comptable détaillé qui « constituera désormais le plan unitaire d’organisation des comptabilités à appliquer par toutes les entreprises du Reich49 ». Elle projette enfin de mettre ce cadre comptable au service des calculs de prix de revient et de la statistique. Les directives allemandes répondent à une logique propre visant à faciliter le contrôle de l’économie nationale en vue du réarmement. Elles ne laissent planer aucune ambiguïté sur la tutelle du ministre de l’économie nationale sur les entreprises ou sur le caractère obligatoire de la tenue des comptes. Ces textes font de la normalisation comptable un instrument important de l’emprise de l’État sur l’économie. La comptabilité privée mise en place par Goering repose sur des organisations professionnelles fortement implantées et sur une administration d’État étoffée. Elle n’est donc pas transposable en France.
22Les relations entre l’administration fiscale et les principales organisations patronales sont compliquées par la réforme du Jury national des marchés de guerre introduite par le décret-loi du 25 août 1937 reconnaissant aux intéressés le bénéfice de la dépréciation monétaire et annulant toutes les procédures de révisions effectuées depuis 1933. Le décret-loi concerne les bénéficiaires des marchés dont le montant total dépasse 500 000 francs et qui ont réalisé un bénéfice de 10 % supérieur au montant de l’opération. Le prélèvement instauré est progressif, établi par tranche de 2 millions et conduit à des taux de 1,01 % pour un bénéfice de 2 millions à 1,49 % pour un bénéfice de 100 millions. Une dernière tranche imposée à 5 % concerne les marchés supérieurs à 200 millions. Ce reversement est donc concentré sur les très grandes affaires. Les opérations de révision reprennent à la suite du décret du 3 mars 1938, c’est-à-dire à la veille de la guerre. Leurs modalités sont plus favorables aux intéressés que celles de 1933, même si comme le déplore le conseil de direction de l’UIMM, le Conseil d’État interdit de déduire la contribution sur les bénéfices de guerre du calcul des bénéfices retenus, même au titre des frais généraux50. Ces opérations sont interrompues par l’entrée en guerre51. édouard Daladier et Georges Bonnet demandent ensuite d’accélérer le fonctionnement du Jury national et présentent des dispositions susceptibles de « faciliter le paiement des sommes dues » dans un projet de décret du 23 décembre 193952. Ils suggèrent de créer une commission spéciale dans chaque département présidée par le préfet pour examiner les demandes d’échelonnement de paiement quand « la trésorerie des entreprises se trouve momentanément gênée ». Les opérations du Jury sont alors suspendues, mais la menace ne disparaît pas si l’on en croit le compte rendu du conseil de direction de l’UIMM de mars 1940 signalant que la révision « paraît difficile à comprendre dans les circonstances actuelles53 ». Les pressions sur les entreprises sont d’autant plus fortes que les majorations fiscales liées au réarmement et à la guerre sont incontournables.
Des majorations fiscales incontournables
23L’augmentation des pressions fiscales liées à la préparation de la guerre fait admettre l’intervention administrative dans les comptabilités privées et ouvre ainsi une solide brèche dans le principe de l’autonomie comptable de l’entreprise. Le renforcement de la pression fiscale est réel pour les grandes entreprises de l’industrie. Cela commence par le décret-loi du 2 mai 1938 qui majore de 20 % la taxe spéciale sur les bénéfices des entreprises travaillant pour la défense nationale introduite par le décret-loi du 16 juillet 1935, perçue pour les années 1938 et 193954. Cette majoration concerne aussi les bénéfices des entreprises de fourniture et de distribution d’eau, de gaz et d’électricité ou ceux qui viennent de l’exécution de marchés passés avec les collectivités publiques55. En contrepartie, le décret-loi accorde aux industriels le droit de constituer des provisions pour le renouvellement du matériel et de l’outillage acquis postérieurement au 31 décembre 193856. Cette compensation est jugée insuffisante par l’Union textile qui négocie depuis longtemps avec le ministère pour obtenir un allégement des charges induites par ce renouvellement57. Plusieurs sociétés, comme celle des mines de potasse d’Alsace ou bien celle des expéditeurs de volailles, critiquent l’ensemble des majorations.
24Le décret-loi du 12 novembre 1938, en augmentant les taux de la taxe à la production passant de 6 %, à 8 % et à 9 %, confirme la pression fiscale, qui se prolonge ensuite avec l’augmentation des ponctions exercées sur les entreprises travaillant pour la défense nationale, puis avec la limitation forcée de leurs bénéfices58. Seules les petites affaires échappent à l’étau. Pourtant, comme l’indique Paul Reynaud, ministre des Finances, dans un rapport adressé à Albert Lebrun, président de la République, le 21 avril 1939, les mesures d’exception qui s’imposent ne peuvent épargner aucune entreprise59. Pour tenter de généraliser l’effort réclamé, le décret-loi du 21 avril 1939 introduit une taxe d’armement pesant sur toutes les transactions commerciales effectuées entre le 1er mai 1939 et le 1er janvier 194060. Il s’agit d’un impôt indirect à « l’assiette très générale » perçue mensuellement et procurant des « recettes régulières ». Ses modalités d’applications sont établies par décret le 13 mai 1939. Elles obligent les assujettis à tenir une comptabilité ou un livre permettant de déterminer les opérations taxables. Le taux de la taxe d’armement est fixé à 1 % du chiffre d’affaires imposable. Pour éviter l’extension illimitée du nombre des redevables, certaines exonérations et un régime forfaitaire très large sont retenus et tous ceux qui ne participent pas à l’impôt sur les BIC sont exemptés.
25Comme le signale Léon-Dufour au conseil central de la CGPF du 26 mai 1939, les nombreuses démarches effectuées auprès de l’administration ont permis d’obtenir des modalités d’application assez « libérales » pour cette taxe ainsi que l’exemption des marchés à livrer jusqu’au 31 décembre 193961. En outre, la taxe doit être répercutée sur l’acheteur, ce qui satisfait la CGPF malgré le risque de hausse des prix qu’elle introduit. Léon-Dufour indique cependant qu’il reste à faire profiter les importations et les prestations de services de ces libéralités et qu’une « nouvelle délégation de la CGPF va s’empresser de faire rectifier cette omission ». Les désaccords subsistent en revanche sur l’échéance à laquelle il faudra fournir à l’administration les listes de marchés à livrer, que le gouvernement fixe au 1er juin 1939. La CGPF réclame de reporter ce délai, mais « certains milieux du ministère des Finances » s’y opposent craignant que des pièces frauduleuses ne servent à obtenir l’exonération. La Confédération patronale fait remarquer que des faux peuvent être fabriqués avant l’échéance du 1er juin. Les discussions restent au point mort.
26Un autre décret-loi charge une commission administrative de définir le régime fiscal applicable aux entreprises industrielles travaillant pour la défense nationale et dont les bénéfices doivent être limités62. Ses études conduisent au décret-loi du 29 juillet 1939 qui remplace la taxe spéciale sur les bénéfices des entreprises travaillant pour la défense nationale introduite en 1935 par une limitation temporaire des bénéfices des entreprises travaillant pour la défense nationale et qui définit des règles rigoureuses d’évaluation des éléments constitutifs du prix de revient63. La limitation des bénéfices ne concerne que les entreprises dont le bénéfice dépasse 6 % du montant du marché. Son barème est fortement progressif : la tranche de bénéfice comprise entre 6 % et 10 % du montant du marché est taxée à 50 % et la suivante, entre 10 % et 20 % du montant du marché, est taxée à 80 %. Le taux atteint 100 % pour la tranche excédant 20 % du montant des marchés. Le prélèvement est étendu à l’ensemble des entreprises travaillant dans le « secteur normal » par un premier décret-loi du 9 septembre 1939, puis par trois décrets lois de novembre 193964. Cet ensemble de textes n’épargne que les « artisans fiscaux » (c’est-à-dire les entreprises individuelles dont le statut est établi en juin 1923), les forfaitaires et les affaires d’exportation. Il définit aussi avec une précision relative les règles comptables à respecter65.
27Allant encore plus dans le sens d’une normalisation, la circulaire du 16 janvier 1939 pose les principes généraux de la comptabilité industrielle des entreprises passant des marchés avec l’État. Marquant le premier stade de la normalisation des comptabilités des entreprises travaillant pour la défense nationale, le décret-loi du 21 avril 1939 organise ensuite le contrôle des opérations comptables des industries d’armement afin de s’assurer que ce secteur participe à l’effort national. Il précise les bases des calculs nécessaires à la limitation du bénéfice de ces entreprises et renforce leurs obligations comptables en définissant les éléments et les règles de calcul des prix de revient pour chaque marché, ainsi que le bénéfice réalisé66. Il prévoit en outre la tenue de comptes généraux permettant de vérifier la bonne imputation des dépenses et impose une déclaration mensuelle des opérations taxables du mois précédent. Les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions de francs bénéficient d’obligations comptables simplifiées. Les décrets d’application seront adoptés après l’entrée en guerre. Sauf pour certaines formes de sociétés (société anonymes depuis 1925, compagnies d’assurance depuis 1938-1939), l’intrusion de l’État dans la comptabilité des entreprises privées n’a jamais été aussi poussée sur le papier, mais dans les faits une partie des contraintes envisagées ne peut être appliquée en raison des circonstances.
28Le bilan du renforcement des contraintes fiscales imposées aux entreprises depuis 1938 est mitigé. Avec l’entrée en guerre, l’édifice établi est momentanément paralysé, mais il peut être consolidé. L’amélioration des rentrées fiscales est réelle en francs courants, mais grignotée par l’inflation. La taxe spéciale jugée peu efficace par l’administration est accusée de retarder la préparation de la guerre en dissuadant les entreprises d’investir. Les exigences des décrets lois d’avril et de juillet 1939 ne font pas l’unanimité.
Positions patronales et pression fiscale dans la « drôle de guerre »
29La mobilisation et la guerre imposent des changements d’organigramme à la CGPF, décidée à rester en activité, comme l’indique Gignoux le 8 septembre 1939. Un comité exécutif de direction est institué pour la durée des hostilités, sa direction est confiée à Petiet et celle du service économie et production revient à Pierre Fournier67. Ce comité suit le début d’application des réformes dessinées avant la guerre. Parallèlement, la réorganisation du contrôle et des services des Contributions directes est enclenchée par une instruction provisoire consacrée au fonctionnement des contrôles centraux le 11 novembre 193968. Les premiers décrets d’application du texte de juillet 1939 concernant la limitation des bénéfices des entreprises travaillant pour la défense nationale sont adoptés. Ils prévoient de confier les désaccords à une commission spéciale formée d’un représentant de la défense nationale et de trois industriels et commerçants désignés sur proposition des organisations professionnelles concernées. Les réactions des organisations patronales au renforcement des contraintes sont défensives. Elles réclament des allégements de charges en soulignant que la mobilisation du personnel empêche d’améliorer la tenue des comptes et de se plier aux nouvelles exigences fiscales. Les circonstances les obligent à se prononcer sur les capacités réelles des entreprises à tenir des comptabilités. Jacques Lenté69, président de l’UIMM depuis fin 1937, apparaît alors nommément comme un spécialiste de la question fiscale. Contrairement au spécialiste de la CGPF, Léon-Dufour, Lenté est industriel et occupe une position de premier plan à l’UIMM. Ses positions en font un interlocuteur incontournable des administrations. Il soutient les protestations suscitées par le développement contraint de la réglementation comptable et critique la complexité des nouveaux textes, et en particulier du décret-loi du 29 juillet 1939. La CGPF et l’UIMM demandent d’assouplir les obligations comptables retenues pour appliquer la taxe spéciale sur les bénéfices des entreprises travaillant pour la défense nationale, maintenue en temps de guerre. Son calcul exige en effet non seulement que l’assujetti tienne une comptabilité par section, afin de distinguer la part des activités soumises à taxation, mais aussi qu’il évalue les prix de revient des opérations concernées. Faisant valoir que ces évaluations ne concernent qu’une minorité de grandes entreprises, la CGPF demande d’alléger la réglementation. Au conseil de direction de l’UIMM du 11 septembre 1939, Lambert-Ribot indique que ces dispositions ne pourront pas être appliquées pour deux raisons qui rendent la taxe « inutile » : « les entreprises sont privées d’une grande partie de leur personnel par la mobilisation » et travaillent désormais presque exclusivement pour la défense nationale70. Le conseil de direction du 27 septembre revient sur cette question, ses représentants ayant attiré l’attention du ministre sur l’impossibilité pour les entreprises travaillant pour la défense nationale d’organiser la comptabilité spéciale envisagée71. La question de l’évaluation des stocks des premiers bilans du temps de guerre préoccupe alors également, le conseil suggérant d’autoriser « l’ouverture d’un compte de fluctuation des stocks » exempté de l’impôt sur les BIC. En octobre, Lenté précise que ce régime doit être réservé au bénéfice obtenu pendant la guerre. Il invite à prendre des mesures pour éviter que « le passage à la comptabilité nouvelle prévue pour la période de guerre » élimine les réserves jusque-là comprises dans l’évaluation des stocks et annule « les effets de la sage politique suivie par les sociétés françaises72 ». Pour Lenté, les pourparlers avec l’administration sont d’autant plus urgents que le régime des entreprises travaillant pour la défense nationale crée un réel obstacle aux fabrications de guerre puisqu’il laisse « la responsabilité totale des pertes » à l’industriel sans lui offrir de « contrepartie », ses bénéfices étant « strictement limités ». Il ajoute que l’ignorance des prix qu’il pourra proposer empêche l’industriel d’équilibrer sa fabrication. L’UIMM intervient auprès du ministre de l’Armement et du ministère des Finances pour obtenir les aménagements indispensables. Ces démarches concernent en particulier trois points précisés par lettre73 :
« La prise en compte de la délimitation entre la période de guerre et d’avant-guerre pour arrêter les comptes ;
L’adoption de mesures comptables appropriées pour l’évaluation des stocks, la différence constatée restant exonérée de toute taxation ;
Le remplacement de la comptabilité spéciale prévue par la généralisation de la règle proportionnelle et par la présentation au contrôleur par les entreprises d’un plan de comptabilité permettant une appréciation des divers éléments du bénéfice. »
30Les discussions sont fructueuses puisqu’en janvier 1940, le conseil de direction évoque une amélioration sensible par rapport au régime initialement envisagé74. Tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant. L’ampleur des demandes administratives, en particulier les informations sur les salariés réclamées aux entreprises par les Contributions directes, demeurent critiquées par la CGPF qui s’adresse alors au ministre des Finances75. À partir de cette date, il n’y a plus de trace de plainte de la CGPF, ni de l’UIMM.
31La dégradation de la situation économique et militaire affaiblit la détermination des administrations fiscales à imposer les réformes. La loi de finances du 31 décembre 1939 exemptait déjà de la taxe spéciale les entreprises travaillant pour la défense nationale dont le chiffre d’affaires n’atteint pas 10 millions, ainsi que celles qui travaillaient pour certaines collectivités publiques et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million de francs. En janvier 1940, l’administration fiscale accepte de ne retenir que les huit premiers mois de l’année 1939 dans le calcul de la taxe d’armement, éliminant les mois trop marqués par l’amenuisement « considérable du chiffre d’affaires76 ». Les protestations des organisations patronales sont alors atténuées. Au conseil central du 15 mars 1940, Petiet indique que les projets préparés par l’administration sont prometteurs puisqu’ils envisagent de dispenser les entreprises de tenir une comptabilité par marché et qu’ils s’engagent à simplifier les règles comptables à introduire. Ces projets admettent en outre, sous des formes à déterminer, que la plus-value générée par l’évaluation des stocks ne soit soumise à aucun impôt, ni à aucun partage77. Le 22 avril 1940, la chambre de commerce d’Annonay dénonce pourtant encore la complexité de la législation introduite en 29 juillet 1939 et les importantes difficultés qu’elle provoque « dans les entreprises moyennes privées de leur personnel du fait de la mobilisation78 ». La plainte est levée par le décret du 24 avril 1940 simplifiant ces formalités qui témoigne de la reconnaissance officielle par l’administration des Finances des difficultés des entreprises travaillant pour la défense nationale face aux exigences des déclarations de bénéfices. L’administration finit par accepter de se contenter de comptabilités très générales79. Les formalités sont encore assouplies et par le décret-loi du 23 mai 1940. Ces textes suppriment la comptabilité par marché, ou par groupe de marchés, ainsi que l’inventaire permanent et les règles concernant l’évaluation des stocks. Leur application est repoussée par la défaite.
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32Entre juillet 1937 et juin 1940, la comptabilité est mise en première ligne parce que la plupart des décideurs économiques et politiques considèrent que l’efficacité de la préparation d’une nouvelle guerre dépend de l’amélioration des connaissances sur l’activité économique. La chronologie de « la France des chiffres » est alors en phase avec celle des ruptures politiques. La pression fiscale et les contraintes comptables progressent davantage dans les mois qui précèdent le second conflit mondial que depuis les années qui séparent de la Grande Guerre. L’habitude comptable et statistique n’est pas généralisée, mais la première grande enquête industrielle qui bénéficie du soutien de la majorité des organisations patronales et les réflexions autour du cadre ou du plan comptable témoignent d’une volonté nouvelle des dirigeants économiques et politiques de réclamer des informations aux entreprises.
33Le renforcement des contraintes comptables et fiscales comme le développement des contrôles sont freinés par la guerre. La direction des Contribution directes, les différentes commissions instituées pour améliorer l’organisation des contrôles fiscaux, les organisations patronales et leurs structures d’études favorables à la rationalisation, mais aussi les statisticiens, les ingénieurs et les comptables continuent néanmoins de réfléchir aux réformes à introduire. Une nouvelle étape est franchie en novembre 1939, lorsque la direction générale des Contributions directes confie à une commission d’études économiques et fiscales le soin d’établir un plan comptable. Ses travaux aboutissent à la publication d’un plan comptable dans le bulletin du syndicat national des Contributions directes de février 194080. La prise de conscience de l’imminence de la guerre incite donc à accélérer les travaux sur la normalisation. Contrairement à l’Allemagne, l’initiative ne vient pas d’un ministre. Elle apparaît dans plusieurs foyers disjoints : l’administration fiscale ; le ministère du Travail, responsable du secteur de l’assurance ; le milieu des organisateurs (ingénieurs et patrons) ; les professionnels de la comptabilité, même s’ils restent effacés. Pour compléter le tableau, il faudrait ajouter certains administrateurs du ministère de l’Industrie et du Commerce qui se retrouveront au ministère de la Production Industrielle pendant l’Occupation comme Paul Ricard, qui joue un rôle décisif dans les premiers temps du CNPF81, ou Raoul Dautry qui rejoint la nébuleuse calculatrice avant la guerre. Les conditions permissives de l’élaboration d’un plan comptable général puis de la normalisation des comptabilités des entreprises sont en train d’être réunies. L’offensive allemande de mai-juin 1940 entraînant la signature de l’armistice le 22 juin interrompt le processus.
Notes de bas de page
1 ANMT 72 AS 8 CGPF. conseil central (1937-1939). CR de la séance du 7 juillet 1939. Cette dénonciation reprend celle du dixième congrès de la Chambre de commerce internationale organisé des 26 juin au 1er juillet 1939 à Copenhague.
2 Robert Carmille, « Les services statistiques français pendant l’Occupation (étude) », chez l’auteur, Sèvres, 2000 ; René Carmille, « La mécanographie au service de l’évolution économique », Revue d’économie politique, 1938, p. 1121-1139.
3 ANMT 72 AS 8 CGPF. CR de l’assemblée générale du 18 mars 1938.
4 C. Omnès, « Le patronat et l’impôt entre les deux guerres… », op. cit., p. 306.
5 ANMT 57 AS 16. Papiers Jacques Warnier. CCOP. 1938. Projet de loi sur l’organisation professionnelle, etc. Lettre adressée au président du Conseil par le bureau de l’Assemblée des présidents des chambres de commerce, mai 1938.
6 C. Omnès, « Le patronat et l’impôt entre les deux guerres… », op. cit., p. 315.
7 ANMT 72 AS 8 CGPF. Conseil central (1937-1939). CR de la séance du 21 avril 1939.
8 Idem. CR de la séance du 8 avril 1938.
9 Id. Les amortissements devaient être assortis d’un coefficient variable défini suivant le cours du dollar.
10 CAEF B 58 866. Révision des bilans. Nouveaux coefficients, incorporation des réserves de capital, dispositions d’ordre comptable, notes (1945-1959).
11 B. Touchelay, « The revaluation of balance-sheet in France, Countable and Tax Measurement of the XXth Century and Object of History for the XXIst Century », 11th World Congress of Accounting Historians, Nantes, juillet 2006.
12 CAEF B 55 187. Commission interministérielle du plan comptable (1940-1941). Note sur les plans comptables français et allemand et étude comparative des deux plans, 1941.
13 ANMT 72 AS 8 CGPF. Conseil central (1937-1939). CR de la séance du 1er septembre 1937.
14 Le secteur bancaire, avec l’introduction d’un certain nombre d’obligations comptables imposées aux banques populaires depuis le 1er septembre 1920 par exemple, précède les assurances.
15 Maurice Allais, « Les conditions premières de toute action économique », Le chef de la comptabilité, novembre 1938, no 156. L’auteur reçoit le prix Nobel d’économie en 1988. Il décède en 2010.
16 CAEF B 55 187. Commission interministérielle du plan comptable (1940-1941). Note de la direction de l’économie générale, 21 novembre 1940, non signé.
17 Jean-Pierre Azéma, Raymond Lévy-Bruhl, B. Touchelay, « Mission d’analyse historique sur le système statistique français de 1940 à 1945 », Insee, Paris, 1998 ; Robert Carmille, « Les services statistiques français… », op. cit.
18 B. Touchelay, « L’Insee histoire d’une institution », dans L’ère du chiffre. Systèmes statistiques et traditions nationales, Jean-Pierre Beaud et Jean-Guy Prévost (dir.), Québec, Presses de l’université du Québec, 2000, p. 153-187. René Carmille est le fondateur et le directeur du service de la Démographie en 1940 puis du Service national de la statistique (SNS) en 1941.
19 R. Carmille, « La mécanographie au service de l’évolution économique », Revue politique et parlementaire, juillet août 1938 : « La science statistique et les méthodes comptables doivent jouer ensemble un rôle primordial. Il faudra demander des renseignements statistiques à la comptabilité pour donner à la statistique une exactitude de comptable. »
20 BNF. R. Delaporte, « Comptabilité démographique », France comptable, septembre-octobre 1932, p. 4-6.
21 Ces services sont successivement celui de la Démographie, dont la création est décidée en août 1940 et qui est installé à partir d’octobre 1940, puis le SNS qui lui succède et absorbe la SGF en novembre 1941. Le projet de « carnet signalétique individuel » n’aboutit pas, mais l’obligation de déclarer ses changements de domicile est introduite par le gouvernement de Vichy et supprimée dès la Libération.
22 CAEF B 42 114. Réorganisation de l’administration des Contributions directes. Exposé des motifs. PV des séances des commissions d’études (1937-1940). Note sur l’organisation et les résultats du contrôle en matière d’impôt sur le revenu, adressée au ministre, non signée, 23 décembre 1938.
23 B. Touchelay, « Le développement de la normalisation comptable et de la comptabilité nationale en France entre les années 1920 et les années 1960, des analogies singulières », communication aux 15e JHCM, université Paris Dauphine, mars 2010.
24 CAEF B 59 661. Dossiers des séances du Conseil supérieur des assurances privées (1938-1939 et 1941-1945). PV de la séance inaugurale du 21 février 1938.
25 R. Boulat, Jean Fourastié, un expert en productivité…, ouvr. cit.
26 CAEF B 62 298. Comptabilité des sociétés d’assurances. Travaux préparatoires et applications (1939-1960).
27 CAEF B 58 396. Trésor. Assurances. Plan comptable des assurances. JO du 17 octobre 1939.
28 B. Touchelay, « À l’origine du Plan comptable français des années 1930 aux années 1960, la volonté de contrôle d’un État dirigiste ? », CCA, juillet 2005, p. 61-88.
29 CAEF B 53 990. Tableaux de vérifications : bilan et résultats (1943-1958). Action du service et résultats obtenus dans les travaux de cabinet en ce qui concerne l’assiette des impôts sur les revenus et le contrôle des déclarations, 21 février 1950. En 1936, 29 884 comptabilités sont contrôlées alors que le délai de reprise de quatre ans exigerait d’en contrôler 51 500, soit le quart des 206 000 grandes entreprises répertoriées.
30 CAEF B 643. Direction des enquêtes et vérifications nationales. Documentation économique. Vérification des comptabilités (1941-1945 et 1946-1956). Direction générale des Contributions directes. Note sur l’organisation de la documentation signée Watteau, 30 mars 1939. Il s’agit de « faciliter la constitution d’une documentation technologique, comptable et fiscale des professions ».
31 CAEF B 42 114. Réorganisation de l’administration des Contributions directes (1937-1940). Direction générale des Contributions directes. Réorganisation de 1939. Économie générale de la réforme.
32 CAEF B 670. Bénéfices industriels et commerciaux. Note sur la situation de la société Rhône-Poulenc au regard de la taxe sur les bénéfices réalisés par les entreprises travaillant pour la défense nationale. Impositions de 1935/1934 et de 1936/1935, manuscrit, société Rhône-Poulenc, 15 avril 1937.
33 CAEF B 643. Direction des enquêtes et vérifications nationales. Documentation économique. Vérification des comptabilités (1941-1945 et 1946-1956).
34 CAEF B 42 114. Réorganisation de l’administration des Contributions directes. PV des séances des commissions d’études (1937-1940). Note sur l’organisation et les résultats du contrôle en matière d’impôt sur le revenu, adressée au ministre, non signée, 23 décembre 1938.
35 CAEF B 42 116. Réforme des contrôles centraux de la direction générale des Contributions directes (1937-1947). Rapport de Jean Lecoq sur la première année de la réorganisation administrative et la création des contrôles centraux, décembre 1940.
36 CAEF B 42 114. Réorganisation de l’administration des Contributions directes (1937-1940). Direction générale des Contributions directes. Réorganisation de 1939. Économie générale de la réforme. Note non signée, mais probablement de Chezleprètre qui est l’instigateur de la réforme.
37 Idem. PV des séances des commissions d’études (1937-1940). Séance du 12 janvier 1939.
38 Id. La commission d’études est présidée par Piperel, directeur des Contributions directes de la Sarthe. Elle comprend : Chezleprètre et Vallin, sous-chefs de bureau à la direction générale des Contributions directes ; un inspecteur rédacteur principal des Contributions directes de la Seine, deux contrôleurs principaux des Contributions directes. Son secrétaire est rédacteur principal au bureau central et du personnel.
39 Id. PV des séances des commissions d’études (1937-1940). Séance du 26 janvier 1939.
40 CAEF B 641. Contrôle fiscal (1946-1952). Renseignements statistiques. Note pour le ministre de l’Économie sur la direction de la documentation économique Chezleprètre, 8 juin 1943.
41 CAEF B 42 116. Réforme des contrôles centraux de la direction générale des Contributions directes (1937-1947).
42 CAEF B 641. Contrôle fiscal (1946-1952). Note pour le ministre, 8 juin 1943.
43 D. Fraboulet, Quand les patrons s’organisent…, ouvr. cit., p. 263.
44 Yuri Biondi, « Du financement au contrôle de l’entreprise. Une réflexion à partir de la tradition en comptabilité dynamique », dans B. Touchelay, P. Verheyde (dir.), La genèse de la décision, ouvr. cit., p. 39-54.
45 J. Richard, « De l’histoire du plan comptable français… », op. cit. L’auteur insiste sur l’importance de l’influence exercée par les travaux de Schmalenbach, qui intègre dans un même cadre la comptabilité générale et la comptabilité industrielle-plan moniste, sur les études françaises. Sur l’influence allemande voir également J.-G. Degos, Histoire de la comptabilité, Paris, PUF, 1998, p. 102-103.
46 CAEF B 55 187. Commission interministérielle du plan comptable (1940-1941). 1937. Documentation allemande. Ordonnance du 12 novembre 1936, signée par Goering, ministre de l’économie du Reich et de la Prusse, président ministériel chargé du plan quadriennal, commissaire du Reich pour la formation des prix.
47 Idem. Circulaire du 11 novembre 1937, Goering, pages dactylographiées.
48 Id. Ordonnance du 12 novembre 1936, p. 4.
49 Id. 2/Conditions que doit remplir l’organisation des comptabilités. Le principe de la comptabilité en partie double est retenu, sauf pour les cas spéciaux de petites entreprises artisanales ou du commerce de détail, p. 5.
50 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction. Séance du 25 mai 1939 et du 6 juillet 1939.
51 CAEF B 26 637. Organisation du Jury national des marchés de guerre (1933, 1952-1953). Conseil d’État. Note sur l’organisation du Jury national. Historique. Éléments de réponse à une question écrite du député Pierre André, 30 novembre 1953, signé par le secrétaire de section au Conseil d’État pour le président empêché. Les procédures sont interrompues par l’entrée en guerre, mais elles reprennent lentement en 1941 et s’intensifient surtout après la Libération. Leurs résultats ne sont sans doute pas négligeables même s’ils restent difficiles à chiffrer : « Éléments statistiques : Les matrices établies par le commissaire du gouvernement depuis la publication du décret du 3 mars 1938 s’élèvent au 1er novembre 1953 à 25,1 milliards de francs courants, alors que le montant total des mises en cause préalables atteignait à la même date 39,4 milliards de francs ; la différence de ces deux sommes provient de la non imposition des fournisseurs faites par les commissaires adjoints du gouvernement, ce qui prouve que ces dossiers ont été examinés avec la plus grande équité par ces derniers. Quant à indiquer le montant des sommes qui ont été récupérées, il est impossible de répondre à cette question du fait que c’est au ministre des Finances qu’il appartient de faire établir par ses services des Contributions directes le montant des réels d’imposition d’après le calcul du forfait. Ces rôles d’imposition sont ensuite adressés aux percepteurs qui en assurent le recouvrement. Le Jury national proprement dit fonctionnant comme juridiction n’a eu à connaître que très peu de requêtes introduites par des fournisseurs. »
52 Idem. Textes organiques et notes de jurisprudence. Rapport au président de la République française, signé Daladier, président du Conseil des ministres, ministre de la Défense nationale et de la Guerre et des Affaires étrangères et Bonnet, garde des Sceaux, ministre de la Justice, 23 décembre 1939.
53 AUIMM. PV des réunions des conseil de direction du 15 mars et du 5 septembre 1940.
54 CAEF B 57 745. Contribution sur les bénéfices réalisés pendant la guerre (1935-1937). Taxe spéciale sur les bénéfices réalisés par les entreprises travaillant pour la défense nationale. Décret-loi du 16 juillet 1935 pris en exécution de la loi du 8 juin 1935, JO du 17 juillet 1935.
55 CAEF B 670. BIC. Décret-loi du 30 mai 1938, signé par Paul Marchandeau, ministre des Finances, JO du 2 juin 1938, p. 6178.
56 CAEF B 671. BIC. Note du ministre des Finances à Daladier au sujet de la provision pour renouvellement du matériel et de l’outillage, non daté.
57 ANMT HP 127. Comité de direction de l’Union des industriels du textile. Réunion du 16 février 1939. Mesures fiscales en faveur de la production : « L’article 34 du décret-loi du 2 mai 1938 était attendu depuis longtemps », mais ses « dispositions ne sont malheureusement pas aussi favorables qu’on était en droit de l’espérer ».
58 Bibliothèque administrative du CAEF. Non signé, « L’impôt sur le chiffre d’affaires en France et à l’étranger », BSLC, second trimestre 1943, p. 153-168 ; « Mesures tendant à assurer le redressement financier, JO des 9 et 13 juillet 1937 », BSLC, juillet-décembre 1937. Le décret-loi du 8 juillet 1937 renforce la lutte contre la fraude.
59 CAEF B 43 358. Taxe d’armement (1939). Rapport de Reynaud à Daladier et à Lebrun, 21 avril 1939.
60 Idem. Direction générale de l’Enregistrement, division centrale no 4429, instruction relative à l’exécution des décrets du 21 avril et du 13 mai 1939 fixant les modalités d’application à compter du 1er mai 1939, signée par le directeur général Georges Pelegry, 5 juillet 1939.
61 ANMT 72 AS 8. Conseil central de la CGPF (1937, 1938, 1939). Réunion du 26 mai 1939.
62 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction du 25 mai 1939.
63 Le décret-loi du 29 novembre 1940 élargit l’exemption aux fournitures faites aux gouvernements alliés.
64 CAEF B 58 871. Réformes fiscales. Travaux préparatoires (1950-1951). Circulaire no 2164 du 28 avril 1941.
65 Idem. Loi no 51 29 du 8 janvier 1951. Aide-mémoire au sujet d’un prélèvement éventuel sur les excédents de bénéfices, manuscrit.
66 CAEF B 55 187. Commission interministérielle du plan comptable (1940-1941).
67 ANMT 72 AS 9. Vrac. « Réunion du bureau de la CGPF », Bulletin bi mensuel de la CGPF et du comité national français de la CCI, 15 novembre-1er décembre, 1939. Le comité comprend huit personnes dont Duchemin, Richemond, Petiet, de Lavergne et Aymé Bernard.
68 CAEF B 42 116. Réforme des contrôles centraux de la direction générale des Contributions directes (1937-1947).
69 D. Fraboulet : Quand les patrons s’organisent… Annexe : Dictionnaire des dirigeants patronaux, CD-ROM, ouvr. cit. Lenté (1890-1967), licencié en droit fiscal, président de plusieurs sociétés, membre du groupe X de la CGPF depuis 1936 (grosse métallurgie), administrateur du Comité des forges (1937-1940), président de l’UIMM représentant le groupe de la petite métallurgie puis de la production des métaux (octobre 1937-novembre 1945), p. 77-78.
70 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction du 11 septembre 1939. Intervention de Lambert-Ribot.
71 Idem. Réunion du 27 septembre 1939.
72 Id. Réunion du 19 octobre 1939.
73 Id. Réunion du 16 novembre 1939.
74 Id. Réunion du 25 janvier 1940.
75 ANMT 72 AS 9. Vrac. CGPF. Lettre au ministre des Finances, 31 janvier 1940, signée par Petiet, président de la CGPF.
76 CCM MN 4245/02. Économie financière et questions fiscales. Taxes sur les bénéfices de guerre (1939-1944). Prélèvement sur les excédents de bénéfices pendant la période des hostilités : loi du 30 janvier 1941. Réglementation du prélèvement.
77 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction. Séance du 15 mars 1940.
78 CCM MF 2313/055 Commission de la législation (1940-1949). PV des réunions de la commission. Séance du 22 avril 1940.
79 CAEF B 58 871. Réformes fiscales. Travaux préparatoires (1950-1951). Circulaire no 2164 du 28 avril 1941.
80 CAEF B 55 188. Commission interministérielle du plan comptable (3 janvier-26 novembre 1942). Commission plénière. Note du ministre, secrétaire d’État à l’Économie nationale à l’Amiral de la Flotte, ministre, vice-président du Conseil, signé Bouthillier, 3 janvier 1942, 3 pages.
81 B. Touchelay, « Les Comités d’organisation, des freins au développement de la statistique industrielle française ? », dans H. Joly (dir.), Les Comités d’organisation et l’économie dirigée du Régime de Vichy, Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative, 2004, p. 295-310. Pierre Ricard est convaincu de la nécessité de la statistique publique avant la guerre. Chef d’entreprise jusqu’en 1938, il rentre au ministère du Commerce et de l’Industrie. La guerre déclarée, Ricard est affecté au cabinet de Dautry, ministre de l’Armement, qui dote son ministère d’un laboratoire d’études économétriques animé par François Divisia.
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