Chapitre IV. Les ruptures du Front populaire (juin 1936-juin 1937)
p. 131-148
Texte intégral
1En portant au pouvoir la majorité parlementaire de Front populaire, les élections législatives de mai 1936 marquent une rupture. Les rangs des défenseurs du secret des affaires et de l’autonomie comptable des entreprises sont fragilisés par le renversement du rapport des forces politiques qui atténue le poids des radicaux et installe aux postes de décision des personnalités ouvertement engagées en faveur de la réglementation comptable et du développement du contrôle fiscal. Il convient de savoir dans quelle mesure cette rupture favorise effectivement « la France des chiffres ».
2La période retenue ne couvre que les douze mois du gouvernement formé par Léon Blum en juin 1936. Son expérience se distingue de celle des gouvernements Chautemps qui lui succèdent à partir du 22 juin 1937 car elle introduit le volontarisme politique permettant de réaliser un certain nombre des projets en germe depuis longtemps. Plusieurs de ces projets intéressent directement ou indirectement « la France des chiffres » et la réglementation comptable. Ainsi, les augmentations salariales et la limitation de la durée du travail incitent les entreprises à mieux tenir leurs comptes afin de mieux contrôler les dépenses. L’introduction de la taxe à la production facilite les relations des industriels et des prestataires de services avec le fisc. L’achèvement de la réforme du commissariat aux comptes, qui restreint la liberté de choix des sociétés, clarifie par ricochet la situation des experts comptables. La période est aussi celle d’une convergence nouvelle entre des proches du patronat et des dirigeants politiques. Les premiers, membres actifs de la nébuleuse calculatrice sont fortement engagés dans la promotion de la rationalisation alors que les seconds souhaitent édifier une économie organisée dans laquelle les informations quantifiées joueraient un rôle essentiel. Invitant à la fois à moderniser les règles de gestion des entreprises et à développer l’information économique, ils encouragent l’essor de la comptabilité privée. Sans retenir la totalité de leurs thèses, et en écartant en particulier leur vison interclassiste, le gouvernement Blum est le premier en France à valoriser ces idées.
3Ce court chapitre vise à la fois à montrer comment pour une fois la chronologie politique rencontre celle de « la France des chiffres » et à déterminer en quoi cette rencontre favorise l’harmonisation des pratiques comptables et incite les organisations patronales à en être les propagandistes. Confrontée à une crise sans précédent, la CGPF joue à cet égard un rôle de premier plan, même si le bouleversement de ses rapports de forces internes se fait a priori aux dépens des fédérations les plus ouvertes à la modernisation et au chiffrage. Le premier gouvernement Blum correspond à l’une des rares périodes de l’histoire de la France contemporaine pendant laquelle un gouvernement s’attaque avec détermination aux pesanteurs de l’inertie. « La France des chiffres », qui est celle de la décision rationnelle, profite de ce volontarisme.
Affaiblissement des défenseurs de l’autonomie comptable
4L’élection de la majorité de Front populaire provoque une crise sans précédent dans les organisations patronales obligeant la CGPF à réagir comme force politique, alors qu’elle réussissait à peine à s’imposer comme force sociale, et s’avérait incapable d’assurer une discipline minimale et de définir une doctrine. Les clivages qui sont alors mis en évidence méritent d’être soulignés car ils influencent l’organisation du CNPF après l’Occupation et plus directement, parce qu’ils correspondent à ceux qui distinguent les défenseurs et les opposants de « la France des chiffres ». La diversité des entreprises et des secteurs et le poids des rivalités internes comme les réactions à l’alternance politique sont autant de motifs de désunion. Deux camps se distinguent : le premier est celui des secteurs dont les trésoreries déjà fragilisées par la dépression ne résistent pas aux grèves déclenchées au printemps et aux augmentations salariales négociées à Matignon. Le second s’en sort mieux, implanté sur des marchés porteurs et bénéficiant de la solidarité patronale, il pâtit moins des événements politiques, ses entreprises pouvant compenser les revalorisations salariales par des baisses de coût ou par des hausses de tarifs. Ce deuxième groupe est celui des grandes entreprises et des grandes sociétés, dont les représentants dominent la CGPF et qui disposent des capacités techniques, commerciales et financières de résister. Les autres sont asphyxiées et manifestent leur colère contre la direction de la CGPF après les accords Matignon. La période porte au premier plan quelques leaders de nouveaux secteurs d’activité qui représentent l’un ou l’autre des camps, mais elle ne bouleverse pas en profondeur la hiérarchie entre les groupements de la Confédération. Cette hiérarchie est d’ailleurs confirmée par les commandes de la Défense nationale qui accélèrent la reprise d’activité des secteurs et des fédérations les plus puissants. Les changements favorisent les partisans de la collaboration avec l’État, ceux qui produisent des chiffres comptables et qui encouragent aux études. Ils aboutissent au renforcement de la discipline patronale et à l’amélioration des compétences de leurs principales organisations : profitant ainsi à « France des chiffres ».
L’éclatement du front patronal après la victoire du Front populaire
5À la crainte traditionnelle des milieux possédants français face à l’avènement de la gauche au pouvoir s’ajoutent le soutien des communistes à l’alliance électorale et le programme économique de la coalition de Front populaire. Malgré toutes ces menaces, les organisations patronales ne parviennent pas à s’accorder sur une stratégie défensive. L’Union textile condamne sans appel « l’apologie de la dépense » qu’elle lit dans le projet économique du Front populaire1. L’absence de réaction collective est à peine atténuée par les initiatives de la direction de la CGPF cherchant à renforcer ses moyens de propagande en s’appuyant sur la presse2. Devant son conseil central du 21 février 1936, Duchemin son président, invite à soutenir La Journée industrielle, fondée en 1918 comme seul « organe qui défende » les thèses patronales « et le capitalisme ». Il souligne en particulier l’intérêt des articles « signés par Gignoux » jugé « plein de talent3 ». Cet appel est loin de calmer les inquiétudes.
6La victoire de la coalition de Front populaire le 3 mai 1936 exacerbe des tensions antérieures. Elle est d’autant plus mal vécue par les milieux d’affaires qu’elle s’accompagne d’un mouvement de grèves spontanées, souvent suivies par l’occupation des lieux de travail et paralysant le secteur privé. L’absence inhabituelle d’intervention des forces de l’ordre pour déloger les grévistes renforce les craintes du patronat. Les divergences internes se manifestent alors avec vigueur. Au conseil central du 15 mai, Aymé Bernard, président des associations régionales interprofessionnelles, accuse ouvertement la direction de la CGPF de « discuter du sexe des anges quand l’ennemi est à nos portes ». La rencontre de Matignon, provoquée par Blum à la demande d’Alfred Lambert-Ribot4, puis l’accord signé entre le gouvernement, la CGPF et la CGT le 7 juin 1936 déclenche une véritable fronde intérieure. La représentativité des quatre signataires de la Confédération qui ont engagé l’ensemble des patrons est contestée. Ces signataires sont emblématiques des grands secteurs industriels : Dalbouze pour les industries mécaniques, Duchemin pour la chimie, Lambert-Ribot pour la métallurgie et Pierre Richemond pour la construction mécanique, métallique et électrique5. Qualifiés par la chambre de commerce de Tourcoing de « victoire de l’illégalité » l’accord Matignon est assimilé à une « défaite », à une « capitulation » historique des patrons devant les travailleurs en grève6. Pour une grande partie des patrons, cette défaite résulte de l’incapacité des organisations patronales à mener une action collective.
7La direction de la CGPF a clairement conscience de ces critiques et tente de justifier la signature patronale en minimisant ses effets. Deux documents internes et confidentiels trouvés dans les archives nationales du monde du travail à Roubaix en témoignent : le premier du 8 juin 1936 signé par le vice-président délégué de la CGPF, Alexandre de Lavergne, critique la façon dont elle est présentée par la presse, jugée confuse. Il précise que la presse ne souligne pas assez l’insistance de Blum pour obtenir cette signature et laisse planer la confusion sur les 40 heures et les congés payés auxquels le patronat est hostile, mais qui ne « figurent pas » dans le document signé7. De Lavergne demande aux industriels d’appliquer l’accord, même au prix de « lourds sacrifices » afin que le travail reprenne. Le second document date du 9 juin, il s’agit du compte rendu de la réunion du conseil central du 8 juin au cours de laquelle Duchemin tente de rassurer ses partenaires. Le président de la CGPF précise que Blum est « conscient du péril » que l’accord fait planer sur « beaucoup d’établissements », et qu’il a demandé à Auriol, ministre des Finances, de trouver les moyens de soutenir rapidement les entreprises en leur faisant consentir des avances à des taux très réduits8. Plusieurs membres du conseil, Charles Petiet9 notamment, insistent alors sur les graves inconvénients qu’il y aurait à ce que les industriels répercutent les effets de l’accord Matignon par une hausse brutale des prix de vente, ce qui ferait accuser le patronat « de tourner les effets que la classe ouvrière attend de la hausse des salaires ».
8Ces appels à l’apaisement ne sont pas entendus. La CGPF qui n’est plus écoutée traverse une crise violente pendant l’été 193610. Le textile ou l’électricité, représentant des petites et moyennes entreprises, se sentent trahis. Les premières attaques contre le Diktat de Matignon viennent des rangs des petits et moyens patrons du « secteur non abrité » de l’économie. La réaction de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France se manifeste dès le 18 juin 1936. Son comité de direction présidé par Henri Donon décide de doubler les cotisations pour renforcer ses moyens d’action11. L’Union s’étoffe effectivement grâce à l’augmentation de la syndicalisation et malgré la stagnation du nombre des entreprises du secteur12. Les patrons du textile sont sensibles à l’intense activité de propagande déployée par ses dirigeants. Le 18 juin 1936, Donon dramatise la situation au nom du comité de direction de l’Union pour inciter à l’action et dénonce « la carence totale d’une partie du patronat français13 ». Il invite l’Union textile à peser sur la réorganisation de la Confédération qui reste « l’élément patronal aux yeux du gouvernement, de l’opinion publique et des organisations ouvrières ». Cette réorganisation et le renforcement des syndicats professionnels sont considérés comme les seuls moyens de préserver « les principes essentiels de la propriété individuelle » et « l’indépendance du chef d’entreprise ». Donon explique les « concessions exorbitantes » de Matignon par l’intervention de « grands établissements » appartenant à des branches de production sur lesquelles il n’avait « personnellement aucune action ». L’Union textile appelle donc à une réorganisation de la CGPF susceptible d’éviter à l’avenir toute « défaillance individuelle » et toute nouvelle « capitulation » patronale. Malgré les fédérations textiles du Nord et du Pas-de-Calais lui demandant de quitter la Confédération, elle contribue à la réorganisation de l’été et obtient une meilleure représentation dans l’institution. Elle fait pourtant sécession en octobre 1936 et se maintient à l’écart jusqu’en 193814.
9La protestation contre la CGPF se généralise. Le 6 juillet 1936, les présidents des régions économiques et le bureau de l’Assemblée des présidents des chambres de commerce se réunissent pour discuter de la réforme à entreprendre. Dalbouze, présidant de l’Assemblée des présidents et des secrétaires des régions économiques, marque nettement ses distances à l’égard de la CGPF. Les chambres de commerce et le bureau de l’Assemblée des présidents retrouvent ainsi un rôle politique de premier plan. Ils interviennent dans la réorganisation de la Confédération patronale et dans les négociations qui succèdent à l’accord Matignon. Une commission de réorganisation est constituée pour recueillir l’opinion des différentes composantes de la Confédération, elle est animée par Étienne Fougère, représentant des intérêts régionaux15. L’une de ses premières suggestions consiste à recommander de changer le nom de la Confédération pour « ne pas laisser croire » qu’elle représente davantage les intérêts de la production industrielle que ceux du commerce16. Le sigle reste le même, la Confédération générale de la production française devient ainsi Confédération générale du Patronat français, ce qui sera entériné par l’assemblée générale.
10La rébellion des « petits » et des « moyens » patrons contre les « grands » transforme la Confédération en un porte-drapeau défendant nommément le patronat français. Le remplacement de Duchemin, doublement stigmatisé par l’accord Matignon et par son appartenance aux deux cents familles, par Gignoux, davantage publiciste et fonctionnaire patronal que patron, sauve la Confédération. Les tensions ne sont pas éliminées pour autant et persistent jusqu’à la guerre. Toute volonté de réforme est désormais suspecte. Ainsi, les velléités de développement de la réglementation comptable ou de l’information économique opposent un patronat qui accepte à un autre qui rejette, par principe ou par méconnaissance, toute emprise de l’État. Le Front populaire favorise le premier groupe. Il en fait un interlocuteur officiel à Matignon et paraît même écouter davantage ses représentants que les gouvernements précédents, officialisant ainsi le dialogue entre des partenaires économiques, politiques et sociaux qui emploient des arguments comptables et statistiques.
11Les comptes rendus des conseils centraux de la CGPF et l’examen de quelques documents sur l’Union textile éclairent un certain nombre de lignes de fractures internes au patronat. Ils font ressortir par exemple l’inégale capacité d’adaptation des secteurs aux réformes du Front populaire. Cette inégalité constitue une ligne de partage souvent liée à la taille des entreprises représentées par les organisations patronales. La situation des petites et moyennes entreprises est la moins favorable, car elles ne disposent d’aucune réserve de capitaux. Malgré les mesures de crédit et de soutien accordées en juillet 1936, conformément aux engagements d’Auriol auprès de la direction de la CGPF le lendemain de l’accord Matignon, les coûts prohibitifs des emprunts, les obstacles à la rationalisation du travail et la force des syndicats ouvriers les privent de toute souplesse. Les grandes entreprises ont davantage les moyens de s’adapter au Front populaire et à ses réformes. Ces différences expliquent les difficultés des groupements patronaux à imposer une discipline commune à leurs affiliés.
12Les clivages dans le front patronal ainsi mis en relief par le Front populaire influencent durablement sa stratégie. Dans l’immédiat, la CGPF renouvelée sort consolidée de l’alternance politique de juin 1936.
Une Confédération patronale consolidée
13Le choc provoqué par le Front populaire entraîne la création d’un nouveau foyer d’études et de formation patronale en juillet 1936, confirmant l’élargissement de la vocation de la CGPF. La réorganisation est rapide et permet de diversifier la représentation patronale, confortant en définitive les groupements et les fédérations les plus dynamiques. Ainsi, présentée comme la revanche des petits patrons, moins ouverts au chiffrage, cette réorganisation aboutit à consolider les rangs des adeptes de la normalisation comptable. La direction de la CGPF renouvelée soutient plus ouvertement l’expertise et bénéficie d’une légitimité redoublée, s’affichant plus facilement parmi les alliés de la nébuleuse calculatrice.
14Le 4 août 1936, le conseil central de la CGPF adopte de nouveaux statuts17. L’objet de la Confédération n’est pas modifié :
« Article 4. Objet. La confédération a pour objet essentiel de coordonner les efforts des syndicats et associations professionnels et interprofessionnels […] ; d’étudier et de défendre les intérêts du travail national, de contribuer au développement de la puissance de production et d’exportation de la France. »
15Si la division en groupements est conservée, leur représentation dans les instances dirigeantes de la CGPF est modifiée. Selon les nouveaux statuts, le nombre de délégués des groupements et des suppléants qui les représentent au conseil central n’est plus constant (un président et trois délégués dans l’ancienne formule) mais il est révisé chaque année selon le chiffre d’affaires et les effectifs respectifs des groupements. Pour garantir l’équité, le conseil central de la CGPF demande donc à ces groupements de lui fournir annuellement les informations permettant d’évaluer leur importance économique : le montant total des capitaux investis par ses affiliés, leur chiffre d’affaires réalisé et le nombre de leurs salariés. Les enjeux des données communiquées ne sont pas négligeables puisqu’elles déterminent la représentation des groupements et par conséquent leur pouvoir au conseil central et aux assemblées générales de la CGPF. La pression exercée sur les groupements pour qu’ils organisent de solides enquêtes quantitatives internes et qu’ils s’habituent à la statistique est donc forte. Pourtant, aucune forme de contrôle n’étant envisagée, ces prescriptions restent lettres mortes.
16Le changement des statuts de la CGPF est une autre innovation importante. Elle permet aux activités ou aux secteurs ne constituant pas forcément un groupement d’être représentés dans ses instances dirigeantes. Trois nouveaux groupes sont ainsi intégrés : l’un représente le commerce extérieur, dirigé par Fougère, l’autre composé des unions commerciales et industrielles présidé par édouard Duhem, et le dernier formé de la Fédération des associations régionales (FAR) dirigé par Aymé Bernard. Les unions commerciales et industrielles et la FAR constituent les trentièmes et trente-et-unième groupements de la CGPF18. Pour améliorer la représentativité de ses instances dirigeantes les efforts sont complétés par la recherche d’une meilleure répartition des charges. La cotisation annuelle de chaque groupement est fixée à 20 000 francs auxquels s’ajoutent 5 000 francs supplémentaires par délégué. La représentation de chacun et sa cotisation dépendent désormais de son importance économique appréhendée par des critères objectifs. La rupture est notable puisque les anciens statuts n’envisageaient aucune enquête interne pour déterminer la répartition des pouvoirs.
17La première assemblée générale de la CGPF suivant la révision des statuts réunit 142 délégués représentant 31 groupements. Malgré les nouveaux règlements, aucune enquête interne sérieuse n’a été effectuée pour classer les groupements. Les plus importants (Industries textiles, chimie, automobile et unions commerciales professionnelles) versent chacun 60 000 francs de cotisation annuelle et envoient huit délégués au conseil central et à l’assemblée générale. Ils représentent une petite minorité. La structure dirigeante de la CGPF est étoffée, mais le mode de désignation de ses cadres n’est pas bouleversé. Le président de la Confédération n’est plus choisi parmi les présidents, ou les anciens présidents, des groupements. Il reste entouré de cinq vice-présidents qui, avec le trésorier et les deux secrétaires généraux, forment le bureau, où se décide et s’élabore la politique de la Confédération. Ses membres sont élus à bulletin secret par le conseil central au cours de la première séance suivant l’assemblée générale ordinaire de mars. Les deux autres foyers de l’élaboration de la politique de la Confédération restent le conseil central, chargé de « tout ce qui a trait aux intérêts supérieurs du commerce et de l’industrie », et l’assemblée générale, qui arrête le budget, approuve les comptes et vote les résolutions soumises par le conseil central.
18Ces changements consolident la Confédération. Ils introduisent de nouvelles garanties en faveur de la transparence des décisions et de la démocratie interne tout en confiant les clés de la stratégie patronale à quelques dirigeants soutenus par les plus puissantes fédérations, les mêmes qu’avant l’été 1936, et par de nouveaux venus comme l’électricité. La réforme met l’information et l’habitude statistique et comptable au rang des préoccupations de l’organisation patronale.
19La réorganisation est efficace. Dès le 5 août 1936, les groupements commerciaux et industriels de France dirigés par Édouard Duhem se rallient à la CGPF rénovée19. Le conseil central du 11 septembre 1936 prolonge l’ancien bureau jusqu’en octobre20. La continuité des travaux est assurée par une commission dans laquelle les présidents de groupements délèguent cinq ou six membres. Une commission exécutive est également mise en place pour seconder le bureau. Le comité directeur de la Confédération est renouvelé au conseil central du 9 octobre 1936. Duchemin démissionnaire devenu président d’honneur propose Gignoux pour lui succéder, nomination acquise par acclamation21. Petiet est réélu trésorier et Defert, président du groupement du commerce et de l’alimentation, est secrétaire. Le conseil approuve aussi le passage de la périodicité du bulletin mensuel de la CGPF à un rythme bi mensuel, ce qui le transforme en un véritable organe de liaison et d’information. Enfin, il crée cinq grandes commissions spécialisées : économique, financière et fiscale (présidées par de Lavergne), juridique (présidée par Fougère), sociale et du travail et de la propagande (présidée par Petiet). Le secrétariat de la commission financière et fiscale est assuré par l’Union textile22. Le service fiscal, rattaché à la commission fiscale, est opérationnel dès décembre 1936. Il examine les conditions d’application de la taxe à la production. Les sources consultées ne permettent pas de préciser si le secteur textile continue de participer aux travaux du service fiscal après la sécession de l’Union en octobre 1936. Elles indiquent cependant que Jacques Desmyttère, spécialiste des questions fiscales des services administratifs de l’Union, est affecté au service fiscal de la CGPF en 1938 et dirigera ensuite la commission fiscale du CNPF23.
20À la fin de 1936, la fronde paraît terminée. La création de groupements interprofessionnels permet d’instaurer une liaison indispensable entre les patrons et les syndicats dans l’ensemble des départements. La formation de nouvelles commissions spécialisées, en particulier dans les questions économiques et fiscales, élargit l’offre de services de la Confédération et son auditoire. Le 26 janvier 1937, la CGPF est reconnue comme représentant officiel des organisations patronales par le Conseil national économique (CNE) dans la négociation sur les conventions collectives24. Le 19 mars 1937, l’assemblée générale de la CGPF renouvelée confirme la rupture avec l’organisation antérieure en consolidant ses moyens financiers et en prévoyant une affectation spéciale pour ses services généraux permanents25. La nécessité pour la Confédération de fournir des services et d’aider les organisations patronales à se moderniser est une des leçons tirées des événements de 1936. Pour y parvenir, elle encourage la création et les activités du Comité central de l’organisation professionnelle (CCOP) sur le plan moral et financier, qui s’affirme parmi les nouveaux lieux de rencontre et de discussion entre personnalités liées aux milieux patronaux et ingénieurs cherchant à rationaliser les pratiques des entreprises privées26. Le CCOP est créé le 8 juillet 1936 par Jean Lobstein, André Monestier, Maurice Olivier et Robert Talamon27. Il attire les membres les plus actifs de la nébuleuse calculatrice. Maurice Olivier sera intégré à la commission des statistiques de production et d’activité industrielle et commerciale créée par la CGPF en 1939 et animée par des personnalités majeures du patronat comme Lambert-Ribot et Fougère28. Il permet à de jeunes patrons de valoriser de nouvelles conceptions et de nouveaux modes de gestion des entreprises. Cherchant à développer les compétences des dirigeants des organisations patronales, il ne fait pas de la diffusion de la comptabilité une priorité, mais contribue néanmoins à défendre « la France du chiffre ». Le programme de son école ne propose aucun cours de comptabilité, mais l’école collabore au cycle de perfectionnement des méthodes de calcul du prix de revient organisé par la CEGOS en novembre 193829. La diversité des intervenants dans ses enseignements fait du CCOP un lieu de ralliement important pour des patrons, des permanents patronaux et des statisticiens favorables à la modernisation des pratiques. La présence d’Auguste Detœuf, qui est aussi président de la CEGOS, comme président de la commission de propagande, de documentation et de formation syndicale du CCOP, et le rôle central de ce comité dans la formation du groupement des Jeunes patrons qui diffuse des idées modernistes à partir de 1938, en font un groupe important du réseau des modernisateurs. Ce groupe préconise une nouvelle approche de la comptabilité privée qui la met au service de l’entreprise, de la profession et des activités économiques nationales30.
Convergences inédites autour du chiffre
21À partir de la victoire du Front populaire, la comptabilité et la statistique apparaissent davantage qu’auparavant dans le débat public et l’autonomie des entreprises est malmenée. Pour ne pas renforcer les craintes des possédants, Auriol ne réactive pas la menace de l’application de la carte d’identité fiscale, dont le principe a été voté par les chambres en décembre 1933, puis enterré par l’arrivée de l’Union nationale en février 1934. En revanche, il introduit plusieurs réformes incitant à développer la comptabilité privée et à clarifier la situation des experts comptables. Parallèlement, comme l’indique le rapport parlementaire du député Paul Rives (commission des Finances) rédigé en novembre 1936, la « politique française de l’économie dirigée » oblige à recourir à la statistique pour éclairer l’action31. Invitant à « cesser de travailler et de légiférer dans la nuit », Rives dénonce la force des blocages opposés à la volonté de connaissance de l’État qui l’ont condamné à l’inaction. Il cherche à expliquer ces blocages pour les surmonter. Son analyse attribue les mêmes moteurs et les mêmes freins au développement de la statistique et celui de la comptabilité privée :
« Il y a parfois, à l’origine de cette hostilité [des Français à la statistique], un sentiment moins désintéressé. Comment expliquer que nos travailleurs de la terre se plient si difficilement aux déclarations de récolte dont la sincérité doit orienter la politique du gouvernement ? Comment expliquer aussi que sur 60 000 questionnaires envoyés aux principaux industriels de France à l’occasion des quarante heures, à peine 15 000 aient été retournés ? Ne serait-ce pas, parce qu’il y a, en arrière-pensée, chez beaucoup de ceux que l’on consulte ou que l’on veut contraindre à la sincérité, la crainte d’un contrôle qui interdirait l’espoir, même aléatoire et toujours démenti par le chaos actuel, d’un surprofit, fondé sur l’ignorance du législateur ? Nous avons un jour traduit devant la Chambre […], cette conviction que la doctrine du secret de la production cachait trop souvent la volonté patronale d’échapper au contrôle bienfaisant de la puissance publique ; nous avons exprimé, devant des protestations dont nous comprenons mal encore la violence, ce jugement que le calcul mystérieux du prix de revient devenait le dernier refuge de la propriété capitaliste. »
22En appelant à éliminer la « doctrine du secret de la production », Rives invite autant à développer le calcul du prix de revient que la comptabilité générale et les statistiques publiques. L’accélération des réformes et celle des études sur le prix de revient lui répondent en partie, mais ne suffisent pas à imposer la normalisation comptable ou la reconnaissance de la profession des experts comptables.
Les réformes et leur application
23Fait exceptionnel entre les deux guerres, les projets annoncés dans le premier volet du programme du Front populaire sont rapidement soumis au Parlement. Parmi eux figurent la réforme du système des impôts, qui envisage une détente fiscale et la création de nouvelles ressources. Le gouvernement souhaite augmenter ses ressources en majorant le taux de l’impôt sur les revenus des tranches supérieures, en réorganisant l’impôt successoral et en taxant les profits des monopoles32. Les modalités de la réforme sont dessinées par Auriol et détaillées à la Chambre le 26 novembre 1936 au moment de la présentation du budget de 193733. Elles passent par le renforcement de la progressivité de l’impôt sur le revenu, l’introduction d’une taxe de 2 % sur les réserves, la simplification des prélèvements et la résolution des « difficultés insurmontables » suscitées par la taxe sur le chiffre d’affaires34. La réforme de la TCA apparaît comme la mesure la plus novatrice. Auriol envisage de la remplacer ainsi que 43 autres taxes par une taxe unique prélevée « au dernier stade de la production35 ». La loi du 31 décembre 1936 définit le nouveau régime de la taxe unique de 6 % sur la production et de 2 % sur les services, et élimine le régime antérieur de l’impôt sur le chiffre d’affaires à compter du 1er février 193736. La nouvelle taxe ne sera payée qu’une seule fois et ses modalités de perception et d’assiette sont simplifiées37. La plupart des organisations patronales lui réservent un accueil favorable. Le changement répond à la fois aux attentes des petits producteurs et du petit commerce, pour lesquels il représente une réelle simplification, et à celles des consommateurs, dont il allège les charges.
24La définition des modalités d’application de la taxe est suivie avec attention par les organisations patronales, plus particulièrement par la CGPF. Les discussions lui permettent de tester à la fois sa capacité de négociation après la fronde de l’été 1936 et la détermination du gouvernement de Front populaire à réformer. C’est au sujet de l’inventaire des stocks de marchandises qui doit être effectué avant d’établir la nouvelle taxe qu’apparaît la première difficulté. Pour éviter de « suspendre l’activité économique du pays en imposant un inventaire exhaustif à une date fixe », la CGPF obtient de l’administration qu’elle se contente d’une déclaration simplifiée des stocks établis d’après les livres des commerçants « au jour J fixé par le Sénat38 ». Elle obtient également que le Sénat renonce au projet de publier la liste nominative des contribuables et le montant de leur contribution dans toutes les mairies, projet qui « suscite une vive émotion ».
25Après le vote de la réforme, la CGPF maintient ses pressions et tente d’imposer des aménagements pour atténuer les problèmes de trésorerie des entreprises qui vont être obligées d’avancer « des sommes considérables » pour payer la taxe dès la facturation39. La fréquence des retards de paiements subis par les entrepreneurs, en particulier ceux des travaux publics dont les factures « traînent pendant des années », conduit à réclamer des délais complémentaires. La CGPF demande que la taxe ne soit payée qu’après le règlement de la facture40. Bien qu’elle se montre « très bienveillante » à l’égard des revendications patronales41, l’administration fiscale ne transige pas sur ce point. Les interventions successives des délégations patronales auprès du ministère des Finances et du Parlement aboutissent néanmoins à la présentation d’un amendement assouplissant les modalités du paiement de la taxe en permettant de choisir entre la date de la réception de la facture et celle de l’encaissement. La CGPF profite des discussions suscitées par cet amendement pour dénoncer à nouveau la lenteur du règlement des marchés publics et les difficultés avec lesquelles les entreprises obtiennent des acomptes. Elle critique les dysfonctionnements de la « bureaucratie », « la lenteur administrative » et « la mauvaise volonté des fonctionnaires » qui mettent les producteurs dans une situation difficile en retardant leur paiement, alors que « très souvent » ces mêmes producteurs sont « poursuivis par leur percepteur ». Malgré ces critiques, la simplification suscitée par la réforme de la taxe sur le chiffre d’affaires reste assez importante pour contribuer à améliorer les relations entre les assujettis et le fisc. Une autre initiative du gouvernement du Front populaire confirme cette tendance : elle définit les structures nécessaires à l’organisation d’une concertation permanente entre représentants des organisations patronales et des administrations économiques et financières en vue de préparer des réformes durables. L’initiative est sans précédent.
26L’administration centrale du ministère des Finances charge un comité consultatif d’une dizaine de personnes de faciliter l’application immédiate de la réforme fiscale. La CGPF est sollicitée pour y envoyer deux représentants et leurs suppléants. Alterman, administrateur délégué de l’Union française des industries exportatrices, et Gounod, membre du conseil central de la CGPF, sont délégués. Marx, membre du conseil central, et Fougère, président de l’ANEE, les suppléent. Le nouveau comité ne soulève pas d’enthousiasme à la direction de la CGPF puisqu’elle n’y envoie pas de personnalités de premier plan, à l’exception de Fougère. Ces délégués soumettent au comité deux préoccupations immédiates. Ils commencent par critiquer « la paperasserie, les attestations et les formalités exigées par les services locaux des Contributions ». Plainte entendue puisque l’administration centrale indique qu’elle envisage de créer un registre unique dans lequel chaque contribuable serait doté d’un numéro reproduit dans les différentes commandes. Ce projet aboutit en partie après la Libération. La seconde préoccupation de la CGPF tient à l’insuffisance des facilités d’accès au crédit accordées aux petites et moyennes entreprises par la loi Spinasse de l’été 1936. Elle dénonce également l’insuffisance du montant des crédits budgétaires attribués aux bonifications d’intérêt par le budget de 1937, mais elle n’est pas entendue sur ce point.
27Le dialogue entre les organisations patronales et les Finances doit se développer puisqu’au moment de la discussion du projet de réforme fiscale de décembre 1936, le gouvernement s’engage à élargir la représentativité et les compétences du comité consultatif et à lui donner un caractère permanent42. La nouvelle commission de réforme fiscale instituée par l’arrêté Auriol du 23 avril 1937 est conçue pour durer. Elle comprend des délégués des groupes parlementaires désignés par les commissions des finances de la Chambre et du Sénat (six députés et trois sénateurs), de l’industrie, du commerce et de l’artisanat, du travail, des consommateurs et des administrations chargées de l’impôt sur le revenu. On y trouve aussi Roger Picard, économiste et universitaire, intégré à la demande expresse d’Auriol43. Les noms des représentants de la CGPF ne sont pas précisés dans les archives, ce qui laisse supposer que ce sont les mêmes que ceux du comité consultatif.
28La commission tient deux séances le 29 avril et le 20 mai 1937, avant la chute du premier gouvernement Blum. Ses travaux visent le long terme. Elle s’engage à procéder à une étude comparée des législations fiscales étrangères et des problèmes de l’impôt sur le revenu et à examiner les projets de réformes établis par le parti communiste, par le syndicat des contrôleurs des Contributions directes et par l’union des techniciens socialistes. Elle se pose aussi en garante du respect de l’article 70 de la loi du 28 février 1934 invitant à gager toute dépense nouvelle sur une recette44. Ses activités continuent sous la direction de Georges Bonnet, puis de Paul Marchandeau qui succèdent à Auriol jusqu’en 1938. Elle cesse alors de se réunir jusqu’à la Libération, mais joue un rôle important dans les réformes fiscales de l’après-guerre, toujours sous l’égide du ministère des Finances (voir infra)45.
29La volonté gouvernementale de simplifier l’impôt et d’organiser une concertation permanente avec les milieux économiques dont témoignent les initiatives du Front populaire vise à améliorer les relations entre le fisc et les contribuables. Pourtant, alors qu’elle poursuit le même objectif, la généralisation de normes comptables, voire une simple réglementation des bilans, n’est pas jugée prioritaire par ces réformateurs. L’incitation au développement des pratiques comptables normalisées ne résulte donc pas d’une pression gouvernementale directe, mais de l’augmentation de la pression fiscale et de la charge salariale, ainsi que de la recherche d’un consensus entre les organisations professionnelles et les administrations financières et fiscales.
Pressions en faveur des pratiques comptables
30L’implication du gouvernement dans la normalisation comptable concerne moins directement la comptabilité générale que la comptabilité analytique et la profession des comptables. Parallèlement, l’introduction dans les allées du pouvoir de plusieurs orateurs d’X-Crise témoigne d’une nouvelle convergence de vue entre des dirigeants politiques et des responsables économiques modernisateurs46. Ces personnalités s’accordent sur l’idée d’une économie transparente introduite dans un discours du président du CNE Georges Cahen Salvador devant l’assemblée générale inaugurale du Conseil rénové le 23 novembre 193647. L’idée est portée par Detœuf qui réclame une certaine intervention de l’État « pour préserver les mécanismes fondamentaux du capitalisme » et une réglementation comptable. Jean Coutrot, ingénieur-conseil en organisation, responsable de la chambre syndicale des transformateurs de papier, gestionnaire des papeteries Gaut et Blancan et membre actif du Comité national de l’organisation française (CNOF48), est dans le même sillage49. Cette idée stimule les efforts en faveur de la connaissance et de la maîtrise des prix de revient. À l’initiative de Charles Spinasse, ministre de l’Économie, un nouveau comité, le COST (Comité national d’organisation scientifique du travail pour l’abaissement des prix de revient français) est créé pour organiser des formations et des conférences sur ce sujet50. Nommé directeur par le décret du 25 novembre 1936, Coutrot part en croisade pour l’abaissement du prix de revient national. Sa tentative pour généraliser les pratiques rationnelles échoue, mais elle encourage les cercles d’ingénieurs, les patrons partenaires des différents comités et commissions de rationalisation et d’autres personnalités comme Detœuf à développer leur propagande en faveur de la nécessité du calcul pour améliorer l’efficacité de l’entreprise. La conception interclassiste, basée sur la conviction que l’amélioration des niveaux de vie peut atténuer les antagonismes sociaux, offre un nouveau point de ralliement aux membres de la nébuleuse calculatrice. Elle fait de la comptabilité des entreprises, inséparable de la rationalisation de la production, un déterminant de la rentabilité et de l’équité fiscale, et aussi de la paix sociale. La rationalisation souhaitée par ces cercles restreints proches du patronat s’appuie sur l’organisation de la production et sur la comptabilité. Coutrot envisage un nouveau schéma d’entreprise basé sur « des comptabilités contrôlées par un Ordre des comptables » et engage le patronat à jouer la carte de réformes51. Leur tentative ne surmonte pas l’indifférence de la majorité des milieux politiques et économiques52. Même s’ils jouent ponctuellement un rôle important en matière de normalisation53, le COST et les autres foyers d’études ne parviennent pas à mobiliser en faveur d’objectifs économiques54. L’idée d’économie coordonnée prônée par Coutrot ne se diffuse donc pas55. Le CNOF ou la CEGOS restent peu étoffés, malgré l’activisme de certains de leurs membres. En près de vingt années d’existence, il ne compte que 1 200 adhérents sur un potentiel estimé à deux millions de chefs d’entreprises, ingénieurs et employés. Ce poids est inférieur à celui de l’organisme analogue implanté en Belgique, pays six fois moins peuplé. Coutrot confirme cette faiblesse en précisant que les groupes animés par Milhaud à la CGPF n’ont attiré qu’entre 100 et 200 adhérents. Au plus haut niveau de la CGPF aucun accord ne se dégage sur la façon de diriger ou d’organiser les services.
31Les comptables vont pourtant tenter de profiter de ce nouvel environnement pour sortir du « marasme » dans lequel a vécu la profession « depuis trois quarts de siècle56 ». Le renforcement de la lutte contre la fraude et l’amélioration des qualifications des agents des administrations fiscales en matière comptable permettent d’imposer aux grandes entreprises des règles plus rigoureuses et de faire de ces professionnels des interlocuteurs reconnus57. Le Front populaire reconnaît la profession des comptables salariés puisque les accords Matignon puis les conventions collectives précisent leur position hiérarchique dans les sociétés, distinguant par exemple les assistants des comptables et des chefs comptables, et établissent leurs grilles de salaires et leurs statuts dans les différents secteurs58. La formation d’une commission interministérielle de comptabilité privée à laquelle Auriol confie l’étude de l’organisation de la profession confirme cette reconnaissance. La Compagnie des experts comptables de Paris et le Syndicat national des experts comptables (regroupant alors plus de 600 experts non brevetés) sont sollicités pour faire le point sur l’état de la profession59. Soulignant la nécessité de sa régulation, les avis recueillis dénoncent l’insuffisance des effectifs de comptables et le manque de contrôle des praticiens. Constatant qu’à l’heure actuelle « toute personne incapable ou tarée » peut « se parer du titre d’expert-comptable », le syndicat national demande de soumettre l’exercice de la profession à l’agrément obligatoire de l’État et à l’intégration à un ordre régional. Il recommande également de n’accorder l’agrément qu’après un examen pratique organisé et contrôlé par le conseil de l’ordre régional. Il suggère aussi d’introduire des mesures transitoires pour agréer d’office les titulaires du brevet d’État et les professionnels intégrés à un groupement légalement constitué pourvu depuis au moins trois ans d’un conseil de discipline. Le syndicat suggère aussi de donner l’agrément aux experts et aux comptables stagiaires ayant exercé la profession pendant plus de cinq ans, ainsi qu’aux experts comptables n’appartenant à aucun groupement corporatif, mais bénéficiant d’un avis favorable du conseil de l’ordre régional. L’enquête de la commission n’aboutit à aucun résultat immédiat, mais montre que la question préoccupe le gouvernement. Les efforts de plusieurs associations de comptables et de certaines chambres de commerce pour attirer l’attention des autorités politiques sur la situation de la profession et sur les insuffisances du décret de mai 1927 sont ainsi couronnés. Ce regain d’intérêt ne désamorce pas la grogne des professionnels qui se sentent toujours floués par ce décret et continuent de réclamer sa révision. L’ensemble de la profession s’estime peu reconnue, experts comptables compris, puisque la réforme du statut des commissaires aux comptes achevée par le décret du 29 juin 1936 n’y fait aucune allusion. Le décret prévoit un examen spécial pour accéder au statut de commissaire, l’institution d’une compagnie régionale des commissaires dans le ressort de chaque cour d’appel et la création d’une fédération nationale des compagnies régionales pour coordonner l’ensemble du dispositif. Celle-ci verra le jour en 193760. Le décret n’impose aucun diplôme de comptabilité pour figurer sur la liste des commissaires aux comptes. Les épreuves de comptabilité du programme de l’examen des commissaires établies par l’arrêté interministériel du 16 septembre 1936 sont moins complètes que celle du brevet d’expert-comptable. Les deux professions restent donc disjointes et les comptables brevetés ne tirent aucun profit de la clarification du statut des commissaires aux comptes. Selon Paul Caujolle, premier président de l’ordre des experts comptables et des comptables agréés en 1942, ce décret est un échec pour les experts comptables brevetés auxquels il n’accorde aucun monopole61. Il oblige néanmoins à changer les habitudes des entreprises comme en témoigne le rapport du conseil d’administration de la CGE présenté à l’assemblée générale du 27 mai 193662. Élargissant la mission et renforçant le pouvoir de contrôle des commissaires, la réforme oblige à « majorer le montant de leur allocation » et à remplacer les anciens commissaires, non inscrits sur la nouvelle liste, alors que le premier exerçait ses fonctions depuis la fondation de la Compagnie, et le second depuis 191463. De solides habitudes sont ainsi bousculées. Toutefois, ce rapport ne fait aucune mention d’un diplôme ou d’un titre quelconque de comptable ou d’expert-comptable lorsqu’il présente les nouveaux commissaires et personne dans l’assemblée ne réclame de précision. La réforme du commissariat aux comptes constitue ainsi une occasion manquée pour les experts comptables de s’imposer dans les sociétés. La nécessité de renforcer le contrôle de leur profession est néanmoins prise en compte par le gouvernement puisque juste après la chute du premier gouvernement Blum, la loi de juillet 1937 accordant au gouvernement Chautemps des pouvoirs spéciaux pour redresser la situation financière, renforce les moyens de lutter contre « les comptables véreux » les rendant solidaires du payement de l’amende avec leurs clients64. Elle envisage même des peines d’emprisonnement en cas de malversation, prévoit d’interdire l’exercice de la profession de comptable et de fermer l’établissement responsable de fraude en cas de récidive. Ces mesures sont insuffisantes pour modifier en profondeur les habitudes comptables des entreprises et les positions de la majorité des patrons qui ne suit ni Coutrot, ni Detœuf, ni Milhaud. L’échec des initiatives du Front populaire pour impulser le changement est cependant à nuancer car un certain nombre de réformes introduites exercent des effets à plus long terme : la concertation permanente sur les questions fiscales, la nécessité de lutter activement contre les comptables véreux et l’idée d’une économie éclairée par des indicateurs de qualité.
*
32La rupture introduite par le premier gouvernement de Front populaire en matière comptable accélère des tendances antérieures favorables à la clarification des comptes et à la réglementation. En imposant des réformes, elle bouscule les organisations patronales et transforme la CGPF en une confédération plus offensive cherchant à représenter l’ensemble des secteurs. Pour remplir son rôle, cette Confédération doit s’impliquer dans les nouvelles instances de concertation définies par le gouvernement et accepter l’usage d’un langage commun basé sur le chiffre comptable ou statistique. Sa minorité agissante s’attache à rationaliser les pratiques en développant les études sur les prix de revient. Contrairement aux attentes, la recomposition des rapports de forces internes à la Confédération s’effectue en faveur des fédérations et des personnalités les plus ouvertes au changement. Stimulés par les demandes sans précédents des gouvernants, les organismes d’études de la CGPF et de l’UIMM renouent avec le dynamisme de leur fondation, après la léthargie provoquée par les premières années de la crise économique. Les plus grandes entreprises utilisent les méthodes mises au point par ces organismes pour atténuer les effets de l’accroissement des charges fiscales et salariales.
33La détermination des gouvernants réformateurs confisque la maîtrise des débats aux défenseurs de « la France des mots ». L’effacement momentané des radicaux, attachés au statut quo revendiqué par son électorat de moyens et petits producteurs, et la présence de personnalités comme Auriol, informées des difficultés des administrations financières et fiscales confrontées à des pratiques comptables hétérogènes, contribuent à cette évolution. Les douze mois du premier gouvernement Blum ont ainsi largement contribué à atténuer les résistances à la diffusion des pratiques comptables homogènes et à élargir la prise de conscience de leur importance pour l’entreprise. Ils constituent une étape d’autant plus favorable à « la France des chiffres » que le ministère de l’Économie nationale s’est affiché comme le creuset de la nébuleuse calculatrice.
34Toutefois, l’expérience est brève. Dès l’automne 1936, les contraintes budgétaires et politiques obligent à ralentir le rythme des changements. La réforme fiscale de décembre 1936 qui simplifie le système est la dernière application du programme favorable à « la France des chiffres ». En février 1937, la pause est décidée. Le refus du Sénat d’accorder les pleins pouvoirs financiers à Blum en juin le contraint à la démission. La volonté des pouvoirs publics d’éclairer l’activité économique nationale et de renforcer la réglementation des comptabilités des entreprises n’a pas abouti. Au terme de ces douze mois, la profession des experts comptables reste peu organisée et peu reconnue, les nouvelles contraintes imposées aux sociétés pour renforcer les garanties des actionnaires sont à compléter et la régulation comptable n’est pas envisagée. La contrainte représentée par la préparation de la guerre confirme le besoin de changements, mais encore une fois sans leur permettre d’aboutir.
Notes de bas de page
1 ANMT HP 127. Bulletins de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France (1915-1939). « L’assemblée générale du 19 novembre 1936 », Bulletin mensuel de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France, avril novembre 1936. Rapport d’activité présenté par Catin, directeur des services administratifs de l’Union.
2 ANMT 75 AS 5 CGPF. Conseil central du 18 octobre 1935. Intervention de Duchemin. « Divers : la Journée industrielle », p. 43.
3 ANMT 72 AS 6 CGPF. Conseil central du 21 février 1936.
4 D. Fraboulet, « Les permanents des organisations patronales de la métallurgie durant le premier XXe Siècle », dans O. Dard et G. Richard (dir.), Les permanents patronaux, ouvr. cit., p. 229-240, p. 235.
5 Ibid. Richemond est vice-président de l’UIMM depuis 1918 et dirige un syndicat professionnel et le groupement du GIM, p. 238.
6 Ingo Kolboom, La revanche des patrons, Le patronat français face au Front populaire, Paris, Flammarion, 1986, p. 48.
7 ANMT. 72 AS 6 CGPF. Note de Lavergne pour Duchemin, « Confidentiel », 9 juin 1936.
8 Idem. CR du conseil central du 8 juin 1936.
9 D. Fraboulet : Quand les patrons s’organisent… Annexe : Dictionnaire des dirigeants patronaux, CD-Rom, ouvr. cit. Petiet (1979-1958) est administrateur du GIM, p. 101-102.
10 I. Kolboom, La revanche des patrons…, ouvr. cit., p. 127.
11 ANMT HP 127. Bulletins de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France (1915-1939). « L’assemblée générale du 19 novembre 1936 », Bulletin mensuel de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France, avril novembre 1936. Rapport d’activité présenté par Catin, directeur des services administratifs de l’Union.
12 Idem. Annuaire de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France, 1939.
13 ANMT 72 AS 9 CGPF. Vrac. Réorganisation de la Confédération générale de la production. Correspondances. Union des syndicats patronaux des industries textiles de France. Comité de direction du 18 juin 1936.
14 I. kolboom, La revanche des patrons…, ouvr. cit., p. 125-126.
15 ANMT 72 AS 9 CGPF. Vrac. Commission de réorganisation de la CGPF présidée par Étienne Fougère : séances des 21, 23 et 27 juillet 1936.
16 Idem.
17 Idem. Changement des statuts de la CGPF. Texte du règlement intérieur approuvé par le conseil central le 4 août 1936.
18 Idem.
19 Idem. Discours d’Édouard Duhem, « Confédération des groupements commerciaux et industriels de France », 5 août 1936.
20 ANMT 72 AS 6 CGPF. Conseil central du 11 septembre 1936.
21 ANMT 72 AS 7 CGPF. Conseil central du 9 octobre 1936. Allocution de Duchemin.
22 ANMT 72 AS 9 CGPF. Vrac. Réorganisation de la Confédération générale de la production. Correspondances. Union des syndicats patronaux des industries textiles de France. Évolution et bilan au 24 novembre 1937.
23 F. Tristram, Une fiscalité pour la croissance…, ouvr. cit. L’auteur présente une brève biographie de Desmyttère : né en 1911, docteur en droit, diplômé de l’École libre des sciences politiques, Desmyttère fait toute sa carrière à l’Union des industries textiles où il entre en 1938 et dont il devient secrétaire général en 1940 puis délégué général adjoint de 1948 à 1974. De 1948 à 1974 il est rapporteur général de la commission de la fiscalité du CNPF.
24 I. Kolboom, La revanche des patrons…, ouvr. cit., p. 126.
25 ANMT 72 AS 9 CGPF. Vrac. Chemise « cotisation unique ». Application des décisions de l’assemblée générale du 19 mars 1937 instituant une cotisation unique de 1 % du montant des salaires perçus par le syndicat local, Paris, 6 janvier 1938.
26 Idem, p. 189. Séance inaugurale le 17 octobre 1938.
27 R. Boulat, « Le CCOP, le fonctionnement syndical… », op. cit.
28 ANMT 57 AS 17. Papiers Jacques Warnier. CCOP. CR du conseil d’administration du 19 avril 1939.
29 Idem. Annexe au bulletin du CCOP du 16 octobre 1938.
30 Idem. Supplément au Bulletin du 10 janvier 1938. Document no 3 sur l’organisation professionnelle. Reproduction des grandes lignes de l’exposé d’Auguste Detœuf au sujet du dernier ouvrage de la CEGOS, Une méthode uniforme de calcul des prix de revient. Pourquoi ? Comment ?
31 Cité par Alain Chatriot, « Organiser des services de documentation économique permanente. Débats et projets autour des statistiques au Conseil national économique au cours des années 1930 », dans La genèse de la décision, ouvr. cit., p. 147-162, p. 160. Extrait de Paul Rives, Rapport fait au nom de la commission des Finances chargée d’examiner le projet de loi portant fixation du budget général de l’exercice 1937 (présidence du Conseil – 2e section – Économie nationale), Journal officiel, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1274, 12 novembre 1936, p. 190-210, p. 200.
32 M. Margairaz, L’État, les finances et l’économie…, ouvr. cit., vol. i, p. 188.
33 Jean Bouvier, Jean-Claude Perrot (dir.), État, fiscalités, économies, Actes du cinquième congrès de l’AFHE, 1983, Paris, Publications de la Sorbonne, 1985.
34 Non signé, « L’impôt sur le chiffre d’affaires en France et à l’étranger France », BSLC, no 10, second trimestre 1943.
35 M. Margairaz, L’État, les finances…, ouvr. cit., p. 291. Le taux sera vite augmenté. Il passe à 8 % (décret-loi du 8 juillet 1937), 8,70 % (décret-loi du 2 mai 1938) et 9 % (décret-loi du 12 novembre 1938).
36 ANMT 1994007 0224. Syndicat des fabricants de toiles d’Armentières. Fiscalité : impôt sur le chiffre d’affaires (1931-1943).
37 À la veille de la réforme on compte 44 taxes à la production.
38 ANMT 72 AS 7 CGPF. Conseil central. Séance du 18 décembre 1936. Projet de réforme fiscale présenté par Léon-Dufour.
39 ANMT 72 AS 8 CGPF. Conseil central (1937, 1938, 1939). Séance du 22 janvier 1937. Réforme de la taxe sur le chiffre d’affaires, texte signé par Léon-Dufour, alors secrétaire général de la CGPF.
40 Idem. Conseil central du 19 novembre 1937.
41 Id. Conseil central du 19 février 1937. Réforme de la taxe sur le chiffre d’affaires, Léon-Dufour.
42 CAEF B 33 993. Budgets (1937-1938). Discussion générale. Audition du ministre à la commission des Finances de la Chambre le 4 février 1938 et notes diverses.
43 O. Dard, « économistes, juristes, technocrates et publicistes… », op. cit., p. 255.
44 CAEF B 33 993. Budgets (1937-1938). Discussion générale.
45 Les comptes rendus du CAEF témoignent de cette activité jusqu’aux années 1950.
46 O. Dard, « Voyage à l’intérieur d’X-crise », Vingtième Siècle, no 47, juillet-septembre 1995, p. 132-146.
47 M. Margairaz, L’État, les finances…, ouvr. cit., p. 340.
48 ANMT 57 AS 16. Papiers Jacques Warnier. CCOP. Correspondances, études. Les membres du conseil d’administration du CNOF : Coutrot, organisateur-conseil ; Danty-Lafrance, ingénieur des Arts et manufactures, professeur au CNAM ; Raoul Dautry, directeur général des chemins de fer de l’État ; Pierre Garnier, expert-comptable breveté, organisateur-conseil ; Jean Milhaud, ancien élève de l’X, chef du service d’organisation scientifique à la CGPF.
49 A. Moutet, Les logiques de l’entreprise…, ouvr. cit. Coutrot : X 1913, adepte de la rationalisation dans la dernière décennie des années 1920, entré au CNOF en 1929, chef d’une entreprise de papier d’importance médiocre, dispose d’un vaste réseau de relations. Il appartient au conseil d’administration du CNOF et du Centre d’étude économiques des polytechniciens (X-Crise ou CPEE). Il crée avec le hollandais Hijmans le Bureau d’ingénieurs conseil en rationalisation (BICR) en 1931-1932. L’activité de ce Bureau est modeste. Il reçoit une dizaine de clients chaque année et traite surtout avec les services publics (l’Imprimerie nationale, la Compagnie des Eaux, Air France, ou le PLM après 1936).
50 M. Margairaz, L’État, les finances…, ouvr. cit., p. 321-323 et p. 350-355.
51 Ibid., p. 325-327. Citation de L’humanisme économique, CPEE, Paris, 1936.
52 R. Boulat, Jean Fourastié, un expert en productivité…, ouvr. cit., p. 59.
53 A. Moutet, Les logiques de l’entreprise…, ouvr. cit., p. 442.
54 O. Dard, Jean Coutrot, de l’ingénieur au prophète, Besançon, Presses universitaires franc-comtoises, 1999, p. 360.
55 M. Margairaz, L’État, les finances…, ouvr. cit., p. 356-358.
56 Ordre des experts comptables et des comptables agréés, Histoire de la profession comptable, Compagnie nationale des commissaires aux comptes, Bayeux, 1993. Cet ouvrage donne une bonne idée de l’image que les comptables se font de leur profession, mais ses apports historiques restent limités.
57 B. Touchelay, « La diffusion et l’application des normes comptables standardisées en France des années 1920 aux années 1960, l’utopie de la transparence ? », dans Gérard Béaur, Hubert Bonin et Claire Lemercier (coord.), Fraude, contrefaçon et contrebande de l’Antiquité à nos jours, Genève, Droz, publications d’histoire économique et sociale internationale, 2006, p. 385-409.
58 A. Fortin, « The evolution of French accounting… », doctorat, op. cit., p. 592.
59 C. Bocqueraz, « The professionalisation project… », doctorat, op. cit. Extraits de Berran, « La profession des experts comptables », La comptabilité, août 1937, p. 359-366, cité p. 289.
60 J.-G. Degos, « Une brève histoire des diplômes d’expertise comptable français (1927-1997) », art. cit., p. 6.
61 Paul Caujolle, « Autour de la naissance de l’ordre », Bulletin de l’ordre national des experts comptables et des comptables agréés, octobre 1943, no 1, p. 50-56.
62 CGE. Comptes rendus des assemblées générales annuelles (17 décembre 1915-25 juin 1941). Assemblée générale du 27 mai 1936 (exercice 1935), rapport du conseil d’administration, p. 12-13.
63 Ibid. Assemblée générale du 12 mai 1937 (exercice 1936). Rapport du conseil d’administration, p. 36-37.
64 Cette évolution aboutit au décret du 20 avril 1940, JO du 7 mai 1940, p. 3336.
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