Chapitre III. Des pressions contradictoires à l’égard de la réglementation comptable (janvier 1931-mai 1936)
p. 109-129
Texte intégral
1Entre la formation du gouvernement Laval en janvier 1931 et celle du Front populaire, le processus d’harmonisation des comptabilités privées subit des pressions contradictoires. La contraction de la plupart des indicateurs économiques à partir du second semestre 1930 imposerait de stopper la chute des rentrées fiscales et de freiner le déficit budgétaire1. Mais la période est caractérisée par l’incapacité à réformer. De nouvelles recettes budgétaires sont recherchées dans les bénéfices passés, l’article 138 de la loi de finances du 31 mai 1933 déclenche la révision des marchés de guerre. Le besoin de ressources complémentaires est confirmé par la reprise du réarmement, officialisée par la loi du 6 juillet 1934, puis par son accélération en 1935 obligeant à accentuer la pression fiscale sur les entreprises2. Un sentiment d’étouffement fiscal se diffuse alors, peu favorable à la généralisation spontanée de règles comptables. La profession des experts comptables ne favorise pas la normalisation des pratiques car elle reste peu reconnue par les entreprises et par les gouvernants.
2Plusieurs signes encourageants se manifestent toutefois. La brutalité de la crise économique favorisant la concentration incite à clarifier les comptabilités et à contrôler les coûts. La comptabilité générale profite moins du contexte que la comptabilité de gestion, mais il encourage les organisations professionnelles de l’industrie, en particulier la CGPF et l’UIMM, à affiner leur expertise et à s’afficher parmi les propagandistes de la rationalisation. À l’échelle régionale, les chambres de commerce s’investissent dans l’organisation des épreuves du brevet d’expert-comptable créant des liens entre la future profession et le tissu économique local. La nouvelle réforme de l’imposition sur les BIC permet de resserrer les contrôles sur les plus grandes entreprises et d’organiser un service spécialisé dans les vérifications comptables. La normalisation progresse ainsi, mais presque en catimini, étouffée par des pressions contradictoires. Les freins l’emportent : à l’exception du bref passage des radicaux entre le second tour des législatives du 8 mai 1932 et la chute du gouvernement Herriot le 14 décembre 1932, les coalitions de droite dominent. Malgré sa brièveté, l’intermède radical est décisif pour la nébuleuse calculatrice. Il introduit une nouvelle idée de régulation de l’économie, placée « de façon inconfortable » entre « libéralisme proclamé » et « interventionnisme nécessaire » qui fait du développement de la comptabilité normalisée le pivot du dialogue entre l’État et l’entreprise3. Une nouvelle accélération de la réforme après le 6 février 1934 ne donne aucun résultat notable. Si la période est bien celle des intentions, ses réalisations sont décevantes.
Nouveaux obstacles à surmonter
3Entre 1929-1930 et 1935 la production industrielle baisse d’un tiers. La complexité croissante des prélèvements fiscaux les rend peu efficaces, alourdissant à la fois les charges des entreprises et celles des services du contrôle. La recherche de nouveaux impôts et de moyens pour limiter la fraude et les gaspillages obsèdent les gouvernants. Le succès des pressions des députés en faveur de la révision des marchés de guerre introduit une menace certaine pour les plus grandes affaires, alors que la crise économique vide les carnets de commande. La critique de Germain-Martin4, plusieurs fois ministre des Finances et du Budget, à l’encontre de la fiscalité devenue un « étau insupportable5 » et entravant « la marche normale des entreprises », rencontre un écho favorable auprès des organisations patronales6. Le désordre des comptabilités privées et l’inorganisation de la profession comptable empêchent d’espérer sortir de la crise grâce à l’amélioration de la gestion des affaires privées. Le contexte est plus favorable à « la France des mots » qu’à la rationalisation des pratiques.
La révision des marchés de guerre
4Les débats parlementaires sur la révision des marchés de guerre sont presque incessants depuis la signature des traités de paix. Or, la perspective d’une révision représente une sérieuse menace pour les trésoreries des plus grandes entreprises que la guerre a enrichie. La question préoccupe vivement l’Union des industries textiles de France7 et l’UIMM8 qui tentent de repousser son application puis d’atténuer ses effets. Introduisant la méfiance dans les contrats publics, la révision contribue à repousser l’échéance de la normalisation.
5Quelques articles de la loi de finances du 31 mai 1933 introduisent le principe de la révision des marchés de guerre9. Les opérations sont confiées à un Jury national des marchés de guerre et retiennent obligatoirement les marchés supérieurs à 500 000 francs passés par l’État, les départements, les communes et les établissements publics entre le 1er août 1914 et le 25 octobre 1919, la révision de marchés de moindre importance étant possible. Le Jury national installé à Paris est une commission administrative dirigée par un président de section au Conseil d’État, assisté d’un commissaire du gouvernement nommé par décret, de commissaires adjoints, de contrôleurs et de maîtres de requête au Conseil d’État, de deux inspecteurs principaux des Finances et d’un magistrat du tribunal de commerce de Paris. Il peut être saisi par les ministères, par des personnalités morales ou par le commissaire du gouvernement. Les assujettis sont informés de la procédure intentée par lettre recommandée avec accusé de réception et peuvent se faire représenter par des avocats inscrits au barreau. Le Jury dispose d’importants pouvoirs comme celui d’exiger des titulaires des marchés ou de leurs associés la communication des informations nécessaires à ses recherches ou d’y déléguer un ou plusieurs de ses membres pour prendre connaissance de leur comptabilité. S’inspirant de l’expérience des contentieux de la contribution sur les bénéfices de guerre, la loi envisage de prélever un intérêt de 8 % par jour sur les sommes à reverser au Trésor en cas d’appel des décisions. Sa mise en place s’appuie sur une législation d’exception dont le caractère rétroactif a motivé les blocages successifs du Sénat. Il faut aller vite. Le décret d’application promulgué le 18 octobre 1933 prescrit de déférer tous les marchés concernés au Jury national dans un délai de six mois. L’arrêté du 3 mai 1934 organise le Jury et un décret du même jour précise le statut des personnels auxiliaires affectés à son secrétariat pour établir et classer les dossiers des 200 000 marchés signalés et prescrire les enquêtes à effectuer. Le secrétariat vérifie également les dossiers avant de les communiquer pour examen aux commissaires adjoints.
6Le travail exigé est titanesque. Outre les dossiers des marchés révisables établis par son secrétariat, le Jury dispose des informations tirées de la contribution sur les bénéfices de guerre conservées aux Finances et de 20 mètres cubes d’archives non classées provenant de la commission des marchés de la Chambre des députés. Le personnel affecté au secrétariat n’est pas en nombre suffisant pour réussir. L’accélération des opérations est pourtant encouragée à plusieurs reprises. Un premier décret élargit les pouvoirs d’examen et de recherche des commissaires du gouvernement auprès du Jury national le 28 octobre 1934, puis un autre renforce les cadres du Jury en désignant douze rapporteurs supplémentaires le 22 août 193510. Les dossiers s’entassent pourtant. Avant que le décret-loi du 25 août 1937 instituant un reversement forfaitaire « plus simple et plus avantageux pour les intéressés », revienne sur l’ensemble de l’organisation, les mesures introduites inquiètent plusieurs organisations patronales11.
7L’Union textile est très défavorable à la révision des marchés de guerre. Reprenant les propres termes du rapporteur de la loi Ernest Lafon, elle la juge trop tardive pour être efficace puisque vingt années se sont écoulées depuis les opérations réexaminées12. L’Union rassure cependant ses affiliés précisant que le secteur textile ne devrait pas être inquiété puisque ses bénéfices de guerre ont déjà été « singulièrement réduits » par « la rigueur » avec laquelle la loi de juillet 1916 lui a été appliquée. Néanmoins, les producteurs sont invités à se préparer à l’éventualité d’un contrôle en réunissant d’avance la documentation nécessaire. La révision des marchés de guerre menace plus directement les entreprises de la métallurgie. Elle est portée à l’ordre du jour du conseil de direction de l’UIMM deux semaines à peine après son adoption13. Plusieurs réunions sont consacrées à l’examen des conditions dans lesquelles « paraît devoir s’ouvrir la procédure d’exécution14 ». L’opération inquiète d’autant plus que les recettes qu’elle devrait procurer sont inscrites au budget de l’année 1934 par la loi du 23 décembre 1933. Soulignant « l’extrême complexité des opérations à entreprendre » et la nécessité de la collaboration des « principaux établissements intéressés », le conseil de direction met en garde contre tout risque d’emballement15. Il dénonce aussi les initiatives des municipalités qui ont déclenché des procédures de révision auprès de certaines entreprises, alors que seule l’administration peut en prendre l’initiative.
8À partir de mars 1934, le déroulement de la procédure de révision est suivi avec la plus grande attention par Charles Pichon, maître de requêtes honoraires au Conseil d’État et secrétaire général de l’UIMM, qui présente des comptes rendus réguliers sur l’avancement des travaux du Jury national au conseil central16. Les premières expériences des affiliés concernés sont étudiées avec soin afin d’élaborer une stratégie collective et d’éviter les abus17. Même s’il semble douter de la possibilité d’une « application effective » de la loi, jugée trop complexe, Pichon indique que l’Union a été consultée par 126 sociétés adhérentes qui ont déjà été touchées18. Les établissements particulièrement concernés sont invités à une réunion « pour examiner en détail les décisions intervenues » et tirer les conclusions nécessaires pour les autres affaires19. Le 15 décembre 1935, le conseil de direction commente les premiers renseignements statistiques sur les travaux du Jury national20. Le 19 mars 1936, Pichon informe de l’éventualité d’une réforme du système21. Le pari de l’inefficacité du processus de révision est gagnant. La complexité des procédures introduites en 1933 bloque les opérations jusqu’à leur simplification à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
9La révision des marchés de guerre n’est donc pas menée à son terme. Sans jouer un rôle direct en matière de réglementation et d’habitudes comptables, elle met en évidence le volume et la richesse de la documentation des administrations fiscales recueillie depuis la Grande guerre sur les plus grandes entreprises. Elle montre aussi que l’exploitation de cette mémoire fiscale exige des moyens budgétaires et humains qui sont loin d’être accordés par les gouvernements. Ajoutons que la procédure n’a pas favorisé les relations entre les grandes entreprises et le fisc. Son échec incite à adopter des mesures draconiennes pour limiter les bénéfices tirés de la participation des entreprises aux efforts de la défense nationale puis du réarmement, et pour resserrer la pression fiscale.
L’étouffement fiscal
10Entre 1931 et juin 1936, les pressions en faveur d’un contrôle nominatif des contribuables se renforcent et le poids des impôts s’alourdit sous la pression du Parlement. Deux logiques s’affrontent, celle de la nécessité de juguler les déficits publics et celle de limiter les charges des entreprises confrontées à la crise économique. Les positions se radicalisent : plusieurs organisations patronales s’impliquent dans les débats et interviennent auprès des autorités politiques. L’UIMM, la CGPF, mais aussi les chambres de commerce attisent les mécontentements après la victoire électorale de la gauche aux législatives de 1932. Les motifs de tensions ne manquent pas. Les projets de réformes de la TCA, le gonflement des dépenses publiques et la volonté de renforcer les contrôles des contribuables constituent des terrains privilégiés. À partir de janvier 1933, les projets économiques et fiscaux des socialistes, portés par Auriol, préconisent une refonte complète du système fiscal renforçant encore davantage les craintes des organisations patronales.
11Dès novembre 1931, les menaces permanentes d’augmentation des impôts sont dénoncées par l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France22. Disposant de « contacts auprès de l’administration fiscale » et soutenu par Étienne Fougère, président de la fédération de la soie et de la Fédération des associations régionales (FAR)23, le secteur multiplie les démarches auprès des Pouvoirs publics pour alléger les charges. Une « remarquable » enquête effectuée auprès des producteurs textiles en 1931 confirme la forte progression des prélèvements depuis 1913 et complète la première enquête de ce type organisée en 1924 qui comparait les prélèvements fiscaux du textile entre 1913 et 192324. Pendant l’été 1932, l’UIMM organise également une enquête sur le poids des charges fiscales et sociales sur la production25. Présentés en novembre, ses résultats sont transmis pour vérification aux membres du Comité des forges et du conseil de direction26. Ces enquêtes permettent aux organisations patronales de se faire reconnaître par les administrations fiscales comme les porte-parole des producteurs. Des représentants de l’Union textile sont officieusement sollicités par le gouvernement pour participer à la préparation de la réforme de la TCA. Les lainiers semblent si bien introduits qu’à deux reprises, en mai 1930 puis en avril 193127, le conseil de direction de l’UIMM dénonce le risque qu’ils obtiennent des exonérations spécifiques sur les laines brutes. Les capacités de négociation de l’Union textile démontrent que l’expertise fiscale n’est pas l’apanage exclusif de nouveaux secteurs d’activités et expliquent pourquoi la CGPF puis le CNPF, y choisiront leurs spécialistes.
12L’Union textile et l’UIMM défendent des positions communes en s’opposant au système de la taxe unique. Pour la première, ce système est « impraticable pour une industrie qui comporte de nombreuses transformations », elle suggère de concentrer la perception à deux stades de la transformation industrielle, le tissage et le filage, et de baisser son taux, alors de 2 %28. La question est suivie « avec un soin particulier » par le conseil de direction de l’UIMM selon lequel l’administration est désormais favorable à l’instauration d’une taxe unique pour l’alimentation, « mais ne paraît pas disposée à l’envisager pour les produits industriels » du fait des « emplois très variés qui peuvent en être faits29 ». Cette position rassure l’UIMM, sans convaincre le textile qui maintient ses critiques sur la taxe unique. La réforme reste donc en suspens.
13Après la victoire des radicaux aux législatives et la prise de fonction d’Herriot le 3 juin 1932, les positions patronales se radicalisent. Les chambres de commerce interviennent massivement. Le 14 juin 1932, l’Assemblée des présidents30 « adjure » les pouvoirs publics de procéder « courageusement » à une réduction des dépenses publiques et demande que l’État « recentre ses activités » autour de « ses fonctions essentielles31 ». Les grandes associations professionnelles telles que l’ANEE, le Comité central des houillères ou le Comité des forges soutiennent ces revendications considérant que la déflation budgétaire est seule capable de réduire le coût de la vie, d’éviter l’invasion du territoire « par les produits étrangers » et la ruine des intérêts « étroitement solidaires » des entreprises avec leurs ouvriers et employés. La campagne du patronat en faveur du « redressement financier », soutenue par l’Union des syndicats patronaux des industries textiles, par plusieurs chambres de commerce et par la CGPF, se prolonge32. Dans un texte destiné aux dirigeants politiques et économiques, l’UIMM souligne la « gravité de l’heure » et l’urgence du redressement financier.
14La démission d’Herriot le 14 décembre 1932 calme le jeu. La grogne se manifeste alors du côté de l’administration des Finances qui s’oppose au projet de réorganisation fiscale du gouvernement Paul Boncour envisageant la suppression de tous les impôts en six mois et leur remplacement par des moyens à définir33. La formation de la commission supérieure des économies instaurée par la loi du 28 février 1933 encourage les parlementaires et les directions ministérielles à réclamer de renforcer la lutte contre la fraude et le contrôle des comptabilités des sociétés34. Ces demandes aboutissent à la loi du 23 décembre 1933 s’engageant à rétablir l’équilibre budgétaire, à introduire une carte d’identité fiscale obligatoire et à raffermir le contrôle fiscal35. La loi est critiquée. Le syndicat des contrôleurs des Contributions directes lui reproche sa timidité. Auriol, qui s’appuie sur les informations de ce syndicat, réclame une simplification plus profonde du système et suggère de remplacer tous les impôts par trois prélèvements, l’un sur la dépense, l’autre sur le revenu avec un taux différentiel suivant ses sources et son importance, et le dernier sur les successions et les mutations36. La suggestion est rejetée par l’administration des Finances car jugée trop vague.
15Le 6 février 1934, l’Assemblée des présidents des chambres de commerce énonce la critique la plus virulente contre la loi du 23 décembre 193337. Pour son président Henri Garnier, la carte d’identité fiscale « est le commencement d’un vaste ficher administratif qui va peu à peu permettre le recensement de toutes les fortunes françaises » et aboutir à « leur mobilisation finale au profit d’un État souverain ». Il dénonce aussi les « six pages » des « nouvelles feuilles de déclaration de revenu » qui « humilient » le contribuable, l’obligeant à « se courber sagement et pendant plusieurs heures pour les remplir ligne à ligne », et mettant « le secret des affaires » et celui « des familles » à « la merci » d’une administration « anonyme et irresponsable ». Pour lui, le seul remède à la crise reste la compression des dépenses budgétaires, hormis « celles qui intéressent la sécurité nationale », et il recommande de se conformer « aux suggestions de Gaston Jèze » dont un article invite à « équilibrer le budget ». Comme une grande partie des universitaires fiscalistes de son temps, Jèze soutient en effet la politique de finances publiques « étroitement orthodoxe » menée par les radicaux depuis l’échec du Cartel38. Les débats n’aboutissent pas. L’instabilité ministérielle repousse les nouveaux projets de réformes jusqu’à la nomination de Germain-Martin au ministère des Finances en février 1934. Contrairement à ses homologues, celui-ci va disposer du temps nécessaire pour réformer puisqu’il reste en poste plus d’une année. Les crises monétaires successives et la déflation drastique du gouvernement Laval bloquent ensuite toute innovation39.
16Deux initiatives de Germain-Martin concernant de près ou de loin la comptabilité privée retiennent l’attention. La première, introduite par la loi du 6 juillet 1934, conforte le pouvoir du contrôleur des impôts qui peut désormais taxer d’office les contribuables dont il juge la déclaration insuffisante en se fondant sur leurs dépenses personnelles « ostensibles et notoires » ainsi que sur leurs revenus en nature. La charge de la preuve revenant aux contribuables peut les inciter à développer leurs comptabilités. La loi augmente aussi les pénalités retenues à l’encontre des experts et des agents d’affaires soupçonnés d’avoir falsifié les comptes d’une entreprise pour réduire son prélèvement fiscal. La seconde initiative du ministre consiste à tenter de faire appliquer la loi du 23 décembre 1933 sur la carte d’identité fiscale. Les conditions d’application de la loi et les modalités de délivrance de la carte sont définies en février et en avril 193440. Le projet reste freiné par des difficultés matérielles et suspendu par l’opposition de l’administration qui craint qu’il n’accélère la thésaurisation et la fuite des capitaux. Méfiant, le directeur général des Contributions directes recommande d’organiser une enquête auprès des banques avant la distribution des cartes. La loi du 6 juillet 1934 reporte l’opération au 1er janvier 1936. Cet « abandon » est applaudi par l’Union des syndicats patronaux des industries du textile41. La CGPF considère qu’il témoigne d’un « commencement de sagesse42 ». La nécessité du réarmement oblige pourtant à renforcer la pression fiscale en introduisant une taxe spéciale de 20 % sur les bénéfices des entreprises travaillant pour la défense nationale, mais elle ne concerne qu’un secteur limité43.
17Ainsi, les réformes fiscales piétinent. La fraude est davantage dénoncée que combattue44. Le déficit budgétaire s’accroît malgré la politique de déflation. L’État renvoie une image de très mauvais gestionnaire, incapable de donner des leçons de rigueur et de calcul. Maintenue à l’écart de l’instabilité politique, l’administration fiscale et financière s’impose en garante de la continuité et consolide ses relations avec les organisations patronales. Le contexte est d’autant moins favorable à une réglementation des comptabilités que ses professionnels eux-mêmes n’y sont pas préparés.
Une profession comptable inachevée
18Dans un rapport de la commission d’étude des modifications à apporter au décret du 22 mai 1927 instituant le brevet d’expert-comptable, son président Ridart, vice-président de la fédération des compagnies d’experts comptables de France et des colonies, précise qu’il marque une date mémorable : il « reconnaît officiellement » que « la Science des comptes » présente « un intérêt public45 ». Pourtant, le décret ne parvient ni à unifier la profession, ni à la faire reconnaître. Le nombre de professionnels brevetés reste anémique, la légitimité des modalités de la sélection des experts comptables est contestée, leur domaine d’intervention ne fait pas l’unanimité.
19L’abondante documentation disponible sur l’application du décret du 22 mai 1927 conservée par la chambre de commerce de Marseille éclaire quant aux motifs de son échec46. Siège de la XIe région économique, l’institution est chargée de l’organisation matérielle des examens et du contrôle des stages des futurs experts comptables brevetés47. Le bilan des premières sessions des examens préliminaires établi par son comité régional le 15 juin 1929 montre qu’ils n’attirent que des candidats de niveau médiocre. Dans son rapport, Edgar David, président de la XIe région et de la chambre de commerce, déplore cette situation et précise que l’exercice de la profession d’expert-comptable exige non seulement « des connaissances techniques et professionnelles », mais aussi « un sérieux bagage de connaissances générales48 ». Le rapport de Félix Prax, trésorier de la chambre de commerce, présenté à la commission de législation le 23 avril 1930 confirme ces exigences vis-à-vis des candidats au statut d’expert-comptable, alors que certains parlementaires souhaiteraient au contraire faciliter les recrutements49. Prax engage à être particulièrement rigoureux au moment de l’examen préliminaire afin d’écarter « les intelligences insuffisamment formées pour le rôle qu’elles ambitionnent ». La philosophie de son rapport se retrouve dans les conclusions de la commission Ridart soumises aux pouvoirs publics et à la presse en septembre 193050. La chambre de commerce s’intéresse aussi à l’organisation de la profession puisqu’elle recommande d’élargir les compétences du conseil de discipline, qui se limite aux stagiaires, aux experts comptables en fonction et de confier le contrôle de la liste des experts comptables brevetés aux régions économiques. Deux décisions ministérielles répondent à ses souhaits. L’une réforme l’organisation des épreuves du brevet (arrêtés du 14 janvier 1930), l’autre oblige chaque région économique à tenir un registre des experts comptables brevetés afin de « donner au public les garanties les plus sérieuses » (arrêté du 18 août 1933)51. Le registre est vite attaqué par la puissante Compagnie des experts comptables de Paris qui l’accuse de réduire « l’autonomie des praticiens52 ».
20Malgré ces ajustements, l’expertise comptable reste peu attirante. L’effectif total des experts comptables diplômés et de ceux qui obtiennent une « équivalence » par mesure transitoire est faible : 640 en 1930, 750 en 1935, et 920 en 194053. De 1929, année de la première promotion des brevetés, à 1943, année de la prise en charge de la formation des experts comptables par le nouvel Ordre professionnel, 296 brevets sont délivrés54. Plus de la moitié (150) sont attribués sans examen. La réglementation introduite conduit en fait à une situation extrêmement confuse car elle multiplie les statuts. La création du brevet professionnel de comptable le 1er mars 1931, puis l’institution d’une liste des commissaires agréés par les cours d’appel par le décret du 8 août 1935 « ajoute encore à la confusion des vrais et des faux experts comptables ». À la veille de la création de l’Ordre en 1941, 3 000 professionnels se réclament de ce titre, 296 brevets ont été distribués et 1 657 experts ont été brevetés, soit un peu plus de la moitié des prétendants. Les experts comptables de la Société de comptabilité de France, les experts comptables judiciaires, les experts comptables brevetés sans avoir passé d’examen, les experts comptables assimilés par équivalence, les experts comptables brevetés par l’État ayant passé l’examen institué par le décret de 1927, et les comptables titulaires du brevet professionnel de 1931 s’amalgament sans constituer une profession. Aucune proposition de réforme ne surmonte les rivalités internes. Le Syndicat national des experts comptables créé par Jean Martin en 1931 propose par exemple de renforcer le contrôle de la profession et d’élargir les possibilités d’accéder à l’expertise en organisant chaque année des examens préliminaires et des examens finaux pour les comptables de plus de trente ans ayant au moins dix ans de pratique. Au nom des chefs de comptabilité et des salariés, Delaporte, président du comité central de l’Union des groupements des comptables de France et des colonies, avance les mêmes arguments en 1934. Il suggère de créer un nouveau diplôme de comptabilité obligatoire pour tout expert-comptable, préparé dans des structures largement ouvertes et constituant un débouché pour une licence de comptabilité à intégrer à l’Université55. Les revues professionnelles comme France comptable ou La comptabilité et les affaires coordonnent les suggestions de réformes. Malgré quelques soutiens parlementaires, aucune proposition n’aboutit56.
21L’hétérogénéité de la profession dissuade les chefs d’entreprises de reconnaître aux experts comptables brevetés « un monopole » en matière de commissariat aux comptes, de centralisation des écritures ou d’établissement et de contrôle des prix de revient57. Elle explique que la réforme des commissaires aux comptes introduite par le décret-loi du 8 août 1935 obligeant les sociétés par action faisant appel à l’épargne publique à les sélectionner « sur une liste établie par une commission siégeant au chef-lieu de la cour d’appel du lieu du siège social », ne fasse aucune allusion aux experts comptables58. Le décret-loi ne rassure pas complètement la CGPF qui n’y voit qu’
« une manœuvre émanant des experts comptables pour arriver, non pas à se faire reconnaître un monopole complet, mais à rendre beaucoup plus difficile l’entrée dans les listes de personnes désignées comme commissaires aux comptes par une commission autres qu’eux-mêmes59 ».
22La menace de monopole des experts comptables est également prise au sérieux par les chambres de commerce60 et l’UIMM61. Le conseil de direction de l’UIMM suit avec le même intérêt l’évolution de la réglementation de la profession comptable, considérant qu’elle s’inscrit dans « un mouvement législatif » de réformes des sociétés62. La méfiance suscitée par les projets de réformes de la comptabilité privée et de la profession des experts comptables est presque générale dans les organisations patronales et dans le personnel politique. La nébuleuse calculatrice recrute alors davantage dans les administrations fiscales qu’au Parlement ou dans les directions des entreprises.
Nouvelles incitations en faveur de la comptabilité
23La crise économique incitant à modifier l’organisation de la production pourrait favoriser l’amélioration des pratiques comptables. Les relations établies entre les milieux patronaux et celui des comptables autour de la CEGOST, devenue CEGOS63, et du CNOF, ou de centres de formations comme le CNAM ou bien encore de l’école d’application du centre de préparation aux affaires de la chambre de commerce de Paris, commencent en effet à produire des effets dans les organisations patronales64. Les conséquences pratiques de ces relations à l’échelle des entreprises sont difficiles à synthétiser65. Toutefois, l’exemple d’Alais Froges et Camargue (AFC, future Pechiney) révèle l’impact des travaux de Jean Benoit, impliqué dans ces foyers d’étude, sur le développement interne de la comptabilité et du calcul66. Les réflexions suscitées par l’organisation du brevet d’expert-comptable et celles d’une poignée de permanents patronaux attirés par la rationalisation étoffent la nébuleuse calculatrice. La comptabilité devient incontournable pour les relations des plus grands contribuables avec le fisc, mais les assujettis au forfait ne se sentent pas concernés par ces débats. Le dualisme fiscal introduit ainsi un clivage durable dans le monde des commerçants et des producteurs.
Une préoccupation des organisations patronales
24L’intérêt des organisations patronales pour les questions comptables se manifeste de différentes façons. Les chambres de commerce s’investissent dans la formation des états-majors industriels et commerciaux depuis le XIXe siècle en mettant en place des écoles de commerce et des formations d’ingénieurs67. En rattachant une section économique à son Institut technique supérieur en 1919, celle de Marseille par exemple, cherche à former « un personnel d’élite pour la direction des grandes affaires » et à développer « la mentalité économique du grand public68 ». Le succès n’est pas garanti puisque dès 1924 le directeur de la section se plaint de l’indifférence d’une partie de l’économie locale. La chambre de commerce s’investit également dans l’organisation du brevet d’expert-comptable et s’implique même dans l’organisation de la profession des experts comptables en donnant son avis sur le déroulement des stages69. À l’échelle confédérale, la CGPF se préoccupe des questions comptables lorsqu’elles sont posées sur le plan politique. Elle intervient donc dans les discussions des projets de loi sur le régime des sociétés déposés par le gouvernement à partir de février 193570. Concernant la responsabilité des administrateurs, le bilan et les commissaires aux comptes, les associations d’obligataires et les faillites, ces projets sont examinés par une commission de la CGPF qui invite à plus de souplesses.
25La réflexion des organisations patronales sur la réglementation comptable s’inspire des études de juristes et de comptables qui défendent le principe de la liberté individuelle. Elle souscrit aux positions défendues par François Spire dans sa thèse de droit intitulée « La réglementation des bilans en France et à l’étranger » soutenue à l’université de Paris en 1931 : l’auteur conclut à l’intérêt de la réglementation des bilans pour « l’information financière des actionnaires, des créanciers, des obligataires, de l’État et du fisc », mais rejette l’idée de bilans types établis par le législateur71. Spire énumère un certain nombre d’obligations qu’il suggère de généraliser : l’établissement d’un bilan annuel employant des termes « précis et définis » suivant un modèle uniforme prévu par les statuts, ou encore le regroupement des postes selon leur degré de liquidité à l’actif et d’exigibilité au passif. Ces règles sont déjà introduites dans de nombreuses entreprises. Les comptables invitent aussi à une réglementation souple. Dans une conférence à la Société de comptabilité de France sur l’unification et la réglementation du bilan et du compte de profits et pertes dans les sociétés par actions, Paul Granier, l’un d’eux, justifie la nécessité de réglementer les bilans par celle de développer l’information financière et par l’intérêt général72. Le dynamisme des revues professionnelles contribue à diffuser ces idées73.
26Les principales organisations patronales sont également attirées par la comptabilité industrielle qui se développe dans les grandes entreprises74. Cet attrait est soutenu par des bureaux d’ingénieurs-conseils en organisation et par des foyers d’études comme le CNOF75, dans le giron de l’UIMM, ou la CEGOS (Commission générale d’organisation scientifique du travail), dans celui de la CGPF. S’engageant à établir une méthode uniforme d’évaluation des prix de revient, la CEGOS s’attaque aussi au problème de la présentation du budget de l’entreprise retenu comme base de détermination et du contrôle des crédits accordés par les banques. Un rapport de l’économiste Charles Penglaou y est consacré76. Les liens établis entre le milieu des organisateurs français et leurs homologues aux États-Unis cimentent les initiatives77. La CGPF organise des voyages d’études spécialisés par industrie aux États-Unis, le premier concerne l’industrie électrique en novembre 192978. Un autre est consacré à l’organisation rationnelle des entreprises en octobre 1932 et réunit industriels et ingénieurs de toute l’Europe. Parallèlement, les limites de l’évolution du calcul comptable sont repoussées grâce aux progrès des études sur les techniques et sur les machines de bureaux79. Un comité d’études des statistiques et de la comptabilité mécanique est mis en place à la CGPF et se réunit plusieurs fois en 1932, puis la crise freine ses travaux80. L’activité de ces groupes d’études est relayée par certains ingénieurs, cadres d’entreprise, dont Benoit est le représentant le plus notable.
27Ingénieur organisateur, introducteur du contrôle budgétaire chez Alais Froges et Camargue (AFC), il symbolise le changement en favorisant la diffusion des méthodes « modernes » de gestion dans la grande entreprise française dès l’entre-deux-guerres81. Sa formation à la comptabilité se fait « sur le tas » après avoir été reçu major au concours de l’École centrale en 1917 et avoir choisi l’École nationale des mines de Saint-Étienne. Il participe aux travaux du CNOF ce qui lui donne l’occasion de visiter de nombreuses entreprises. Sa carrière exceptionnelle témoigne de l’état d’esprit de certains dirigeants d’entreprises favorables à l’innovation qui vont contribuer de façon décisive à éliminer les résistances au principe de la réglementation comptable. Elle s’inscrit dans une grande entreprise qui fait partie des interlocuteurs privilégiés des administrations fiscales à partir de la réforme de l’imposition forfaitaire de 1934.
La réforme de l’imposition forfaitaire
28En application de la loi du 6 juillet 1934, le décret-loi du 20 juillet 1934 portant réforme fiscale élimine le système des catégories et impose le forfait aux commerçants et industriels dont le chiffre d’affaires est inférieur à 25 000 ou à 300 000 francs selon la nature de l’activité82. Est également supprimée toute référence au chiffre d’affaires dans la détermination du forfait qui « porte désormais directement sur le bénéfice imposable », ce qui renforce « pour les petites entreprises la possibilité de négocier avec les agents du fisc83 ». L’article 15 du Code des impôts directs autorisant à demander une révision du forfait dans les deux premiers mois de l’année accroît la souplesse de la procédure. Il simplifie aussi la tâche des services fiscaux et limite les formalités exigées des redevables de faible importance. Le montant du forfait reste établi après accord entre l’administration et le contribuable. En cas de désaccord et si le contribuable dépose un recours, une commission départementale consultative est sollicitée, mais c’est le contrôleur des Contributions directes qui arrête définitivement le montant du bénéfice imposable. La charge de la preuve revient à l’administration. Consciente des dérives du forfait facultatif d’avant 1934 qui incitait les entreprises à recourir aux services de comptables pour profiter de la forme d’imposition la plus avantageuse, l’administration fiscale défend la réforme84. Le système antérieur permettait de s’entendre avec le contrôleur sur une base d’imposition « raisonnable » sans avoir à produire aucune justification comptable. L’impôt étant établi à partir d’un ordre de grandeur du bénéfice et selon les catégories prévues pour son calcul, certains contribuables gonflaient leurs bénéfices pour profiter du régime du bénéfice réel, ou au contraire minimisaient fortement leurs gains pour apparaître dans la tranche la moins taxée. Une enquête réalisée par l’administration fiscale en 1934 souligne l’ampleur de la fraude générée par le système des catégories et montre que la forte croissance du nombre des forfaitaires après 1929 s’explique en partie par ces manipulations comptables. Selon l’administration, le système s’est grippé progressivement. À partir de 1929, pour les déclarations de bénéfices de 1928, on constate un « tassement » vers le bas des bénéfices déclarés qui ne correspond à aucune réalité économique mais qui tient à l’intervention de « comptables peu scrupuleux ». Selon l’enquête, le système conduit à « un partage organisé des bénéfices résultant de la fraude fiscale ». La fréquence des ventes au comptant, qui ne laissent aucune trace, et l’importance du nombre de comptabilités produites par les petits commerçants empêchent pratiquement toutes vérifications ou rectifications de comptabilités.
29La réforme est bien accueillie. Ses premiers mois d’application donnent des résultats satisfaisants. Sur un total de 1,3 million de redevables soumis au forfait obligatoire, 1,2 million, soit 98 %, acceptent sans discussion les propositions des contrôleurs. Sur les 24 000 désaccords survenus, 7 500, soit presque un tiers, sont réglés à l’amiable. La commission départementale n’est intervenue que dans moins de 2 % des cas. Aucune difficulté sérieuse n’est donc apparue au cours de la première année d’application de l’obligation. À partir de la réforme, deux régimes d’imposition et deux catégories de contribuables cohabitent durablement, l’un pour les titulaires de hauts revenus qui doivent tenir une comptabilité et l’autre pour ceux qui n’y sont pas incités. Le dualisme fiscal, qui existe de fait et tient aux différentes capacités des entreprises en matière comptable, est entériné. Le renforcement des pressions pesant sur les plus grandes affaires va se confirmer avec l’amélioration des méthodes de vérification des comptabilités et la définition d’impôts spéciaux liés au réarmement.
Renforcement des contraintes pesant sur la comptabilité des entreprises
30Le renforcement des contraintes se manifeste de trois façons. D’abord à travers le décret-loi du 30 octobre 1935, qui oblige les sociétés à établir un bilan aux formes invariables ne pouvant être modifié qu’à la demande de l’assemblée générale des actionnaires, ensuite par la création du service de vérification des comptabilités, et enfin par l’adoption de règlements spécifiques pour les entreprises travaillant pour la défense nationale. Seule la première de ces mesures écorne durablement l’autonomie comptable des entreprises en imposant la régularité du calcul des postes du bilan, mais elle ne concerne que les sociétés. La création du service de vérification des comptabilités aux Contributions directes et les premières exigences comptables imposées aux entreprises participant au réarmement visent un public encore plus réduit. Leurs effets restent en deçà des exigences du jeune député radical Pierre Mendès France qui, déplorant la faiblesse des moyens des agents des administrations financières pour vérifier efficacement les déclarations des bénéfices réels, suggère d’obliger les entreprises à fournir toute une série de pièces comptables85. L’énumération de ces pièces témoigne d’un gros appétit. Mendès France réclame un état précis de toutes les valeurs mobilières, une copie certifiée du bilan établi à la fin du dernier exercice clos, le compte de pertes et profits, un état détaillé des bénéfices ainsi que des valeurs mobilières comprises à l’actif du bilan avec indication de leur mode d’évaluation. Cette « boulimie » n’est pas jugée raisonnable par les Contributions directes qui s’annoncent incapables de contrôler ces documents et rejettent le projet. Après leur refus, la création du service des vérifications en 1933 apparaît comme une avancée décisive en faveur de la normalisation. Le service doit permettre d’améliorer davantage encore les bons résultats des premiers contrôles de déclarations de bénéfices86. La statistique annuelle de l’administration retenant les droits mis en recouvrement au titre des impôts sur le revenu et distinguant les rôles primitifs des rôles supplémentaires témoigne déjà de la qualité de ces résultats87. Les dissimulations de BIC donnant lieu aux rehaussements les plus fructueux, la création d’un service de vérification des comptabilités paraît s’imposer. Elle est encouragée par de nombreux projets déposés à la Chambre pour lutter contre les dissimulations fiscales et par le syndicat des Contributions directes. Le ministre du Budget, le radical Lucien Lamoureux, revendique sa création. Le service spécial de vérifications et de recherches est créé par l’article 42 de la loi du 28 février 193388. Une circulaire des Contributions directes du 4 août 1933 définit sa mission en la limitant dans un premier temps au contrôle des grandes entreprises et à l’installation de quelques brigades départementales de vérification89. Le programme est interrompu par les décisions budgétaires qui imposent des compressions d’effectifs. Les crédits nécessaires ne sont pas débloqués avant 1935. Le service est alors organisé par plusieurs notes administratives datées du 7 juin 193590. Il est prévu de confier les affaires les plus difficiles à des vérificateurs regroupés en brigades dans les départements les plus productifs (Alpes maritimes, Bouches-du-Rhône, Gironde, Rhône, Seine). La mise en place des brigades est alors ralentie pas l’insuffisance des qualifications des agents disponibles91. Les premières vérifications ne commencent qu’en 1936-1937. Elles concernent la plupart du temps les déclarations de bénéfices des trois années antérieures et aboutissent à des redressements « très substantiels92 ». La qualité de ces résultats se confirme jusqu’à la guerre. Les vérifications sont surtout centrées sur les grandes entreprises de la région parisienne qui subissent aussi de plein fouet l’application de la limitation des bénéfices des fournisseurs de la défense nationale.
31Le décret-loi du 16 juillet 1935 institue une taxe spéciale sur les bénéfices des marchés intéressant la défense nationale93. L’UIMM dont les entreprises sont directement visées compte tenu de leur spécialisation réagit la première. Elle suit attentivement les discussions sur les modalités d’application du décret-loi et ses délégués interviennent à plusieurs reprises auprès des responsables de la direction générale des Contributions directes94. En octobre 1935, le conseil de direction signale qu’une grande partie de ses observations a été retenue par le règlement d’administration publique pris pour l’application du décret-loi, mais il déplore que des questions importantes restent en suspens, notamment le mode de calcul du bénéfice. Les pressions exercées auprès de la direction générale des Contributions directes visent à clarifier les instructions. La définition du sous-traitant, la ventilation des frais généraux, la manière d’évaluer les bénéfices provenant des marchés exécutés avant l’application du décret ou les modalités du contrôle des établissements travaillant pour la défense nationale restent confuses95. Ces points sont examinés en concertation avec les Contributions directes. Les discussions sont efficaces puisque la circulaire des Contributions directes et le règlement du 15 septembre 1935 « tiennent largement compte des observations de l’Union96 ». Ils définissent une taxe spéciale visant les bénéfices réalisés sur tous les marchés passés par les administrations de la Guerre, de la Marine et de l’Air, les établissements et services en dépendant, les corps de troupes et établissements considérés comme des corps de troupe. Les marchés concernés sont divisés en trois catégories : fournitures militaires, produits de biens de consommation courante, autres. Plusieurs exemptions sont prévues selon le montant du marché et la nature du bien concerné. La complexité de la définition des marchés retenus est renforcée par les modalités d’évaluation du bénéfice taxable. Ce bénéfice est déterminé forfaitairement en appliquant au montant du bénéfice net retenu pour l’établissement de l’impôt sur les BIC « le rapport constaté entre la fraction du chiffre d’affaires » issu de l’exécution des marchés imposables, et le chiffre d’affaires total réalisé pendant la période et dont les résultats servent de base au même impôt. Les services collecteurs de la taxe ne reçoivent aucun moyen complémentaire. Les assujettis ne sont pas davantage soutenus pour remplir leurs nouvelles obligations : fournir annuellement au contrôleur des Contributions directes un relevé détaillé sur la nature et le montant des marchés souscrits ou sous traités, le chiffre d’affaires total de l’entreprise, la fraction de ce chiffre provenant de chacun des marchés imposables, les prix de cession et le montant éventuel des bénéfices nets réalisés sur les marchés imposables. Leur déclaration doit être faite dans les six mois suivant la publication du décret sous peine de taxation d’office. Le 8 août et le 30 octobre 1935, deux autres décrets lois étendent le principe de la taxe spéciale aux bénéfices tirés de l’exécution des marchés passés avec un certain nombre de collectivités publiques97. Ces marchés bénéficieront d’une taxe allégée.
32La taxe spéciale est d’une application beaucoup plus rigoureuse et complexe que la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre, mais elle intervient en amont. Elle ne laisse presque aucune marge de manœuvre aux assujettis pour leurs calculs. Sauf tromperie, l’évaluation des bénéfices est automatique et peut difficilement être discutée. Le calcul de la taxe suppose de pouvoir distinguer clairement chacun des marchés dans lesquels intervient l’entreprise et d’évaluer précisément le chiffre d’affaires par marché, ce que peu d’entreprises sont capables de réaliser. Les modalités d’application retenues témoignent donc de la méconnaissance, ou de la mauvaise évaluation, des capacités comptables des entreprises privées par l’administration fiscale. Elle révèle aussi la volonté de forcer l’amélioration des pratiques. En définitive, la taxe ne sera appliquée que de façon très approximative.
*
33Malgré l’instabilité des majorités politiques et le poids des radicaux qui défendent farouchement un secret des affaires élevé en principe, la nébuleuse calculatrice sort consolidée des premières années de la crise économique. La période est marquée par une convergence de vues inédite autour de l’idée de rationalisation des pratiques qui fait du chiffre comptable un instrument indispensable à la gestion des affaires. Elle voit s’affirmer de nouveaux médiateurs dans les organisations patronales, renforçant leurs capacités d’expertise et consolidant les relations avec les administrations financières et fiscales. Ces médiateurs convaincus de l’importance des progrès de la comptabilité acceptent d’envisager une certaine forme de réglementation. En dénonçant le seuil intolérable de la pression fiscale, Germain-Martin, parmi d’autres, réclame que l’État gère ses ressources en père de famille ou en entrepreneur, c’est-à-dire en équilibrant son budget, ce qui implique qu’il compte. La reconnaissance de la nécessité d’une amélioration des pratiques comptables constitue un point commun entre les réformateurs. Sa diffusion profite du renforcement des liens entre les dirigeants politiques et les milieux économiques. Des personnalités comme Claude-Joseph Gignoux98 témoignent de cette liaison : bien intégré dans le milieu patronal il est choisi par Laval le nouveau président du Conseil en janvier 1931 pour succéder à André François-Poncet99, lui-même lié au monde patronal, à la tête du sous-secrétariat d’État à l’Économie nationale. Des ingénieurs organisateurs comme Danty-Lafrance au CNAM et au CNOF contribuent aussi à la diffusion d’un nouvel état d’esprit parmi les dirigeants d’entreprises et du patronat. Le changement répond aux besoins des entreprises contraintes de rationaliser leurs pratiques pour résister à la crise et s’adapter aux exigences croissantes de la lutte contre la fraude100. Les freins aux réformes l’emportent cependant jusqu’à l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Front populaire qui fait de la réforme une priorité.
Notes de bas de page
1 Albert Broder, Histoire économique de la France au xxe-1914-1997, Paris, Ophrys, 1998. En 1932, la production industrielle française a baissé de 26 % par rapport à 1929, p. 58-59.
2 R. Frank, La hantise du déclin. Le rang de la France en Europe, 1920-1960. Finances, défense et identité nationale, Paris, Belin, 1994, p. 34-35.
3 M. Margairaz, L’État, les finances et l’économie, histoire d’une conversion : 1932-1952, Paris, CHEFF, 2 volumes, 1991, t. 1, p. 29.
4 O. Dard, « Louis Germain-Martin (1872-1948) : de « la nébuleuse réformatrice » au CPAS », dans O. Dard et G. Richard (dir.), Les permanents patronaux…, ouvr. cit., p. 109-124.
5 M. Margairaz, L’État, les finances…, ouvr. cit., p. 45. En 1932, Germain-Martin précise que la capacité contributive de la nation a déjà atteint « son extrême limite » : les prélèvements fiscaux sont passés de 35 à 41,5 % du revenu national depuis 1928, alors que le revenu national a régressé de plus d’un tiers pendant ces quatre années.
6 C. Omnès, « Le patronat et l’impôt entre les deux guerres… », op. cit., p. 304.
7 ANMT HP 127. Bulletins de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France (1915-1939). « Compte rendu de la réunion du comité du 18 janvier 1934. La révision des marchés de guerre », Bulletin mensuel de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France, janvier février mars 1934, p. 11-14.
8 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction du 20 décembre 1934.
9 CAEF B 26 637. Organisation du Jury national des marchés de guerre (1933, 1952-1953). Conseil d’État. Note sur l’organisation du Jury national, historique, 30 novembre 1953, signé par le secrétaire de section au Conseil d’État, pour le président empêché.
10 Idem. Textes organiques et notes de jurisprudence.
11 CAEF B 26 638. Historique (1988). Jury national des marchés de guerre. Note du président de section au Conseil d’État pour le chef de bureau de la comptabilité au ministère de la Justice, 20 juin 1938.
12 ANMT HP 127. Bulletins de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France (1915-1939). « Compte rendu de la réunion du comité du 18 janvier 1934. La révision des marchés de guerre », Bulletin mensuel de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France, janvier février mars 1934, p. 11-14. Citation du rapporteur : « Je sais bien qu’à l’heure actuelle c’est une manifestation platonique et historique. »
13 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction du 15 juin 1933.
14 Idem. Réunion du 16 novembre 1933.
15 Id. Réunion du 21 décembre 1933 ; conseil de direction du 15 février 1934.
16 Id. Réunion du 15 mars 1934 et du 21 juin 1934. D’après les informations données à l’Union, d’autres sociétés viennent d’être touchées par la procédure de révision. Sur Pichon voir D. Fraboulet : Quand les patrons s’organisent… Annexe : Dictionnaire des dirigeants patronaux, CD-ROM, ouvr. cit., p. 211.
17 Id. Réunion du 19 avril 1934. Le conseil de direction précise qu’un questionnaire spécial doit être adressé à l’établissement pour réunir les renseignements et les documents nécessaires à l’appréciation du bénéfice tiré de l’exécution d’un marché lorsque son évaluation est délicate ; conseil de direction du 21 mars 1935.
18 Id. Réunion du 16 mai 1935.
19 Id. Réunion du 20 juin 1935.
20 Id. Réunion du 15 décembre 1935.
21 Id. Réunion du 19 mars 1936.
22 ANMT HP 127. Bulletins de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France (1915-1939). « Compte rendu de l’assemblée générale du 19 novembre 1931 : les questions fiscales », Bulletin de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France, novembre - décembre 1931, p. 329-334.
23 Étienne Deschamp, « Étienne Fougère (1871-1944). Le projet européen d’un dirigeant patronal au cœur des réseaux et des influences », dans Inventer l’Europe. Histoire nouvelle des groupes d’influence et des acteurs de l’unité européenne, Gérard Bossuat (dir.), Berne, Peter Lang, 2003, p. 78-93.
24 ANMT 1994007 0224. Syndicat des fabricants de toiles d’Armentières. CR des enquêtes sur les charges fiscales supportées par l’industrie textile organisées par l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France et présentée le 29 juin 1932, signé par Henri Donon, vice-président du syndicat des fabricants de toiles d’Armentières. L’enquête ne retient pas l’impôt sur le revenu des personnes.
25 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction du 19 juillet 1932.
26 Idem. Réunion du 15 novembre 1932.
27 Id. Réunion du 13 mai 1930 et du 14 avril 1931.
28 ANMT HP 127. Bulletins de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France (1915-1939). CR de l’assemblée générale du 19 novembre 1931…, art. cit.
29 AUIMM. PV de réunion du conseil de direction du 16 février et du 19 juillet 1932.
30 L’Assemblée des présidents créée à la fin du XIXe siècle pour fédérer les actions des chambres est largement influencée par celle de Paris, voir P. Lacombrade, « L’Assemblée des présidents… », op. cit.
31 CCM MF 2313/052. Commission de la législation (mars 1914-décembre 1927). CR de la séance de 7 juillet 1932. Projets financiers du gouvernement.
32 ANMT HP 127. Bulletins de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France (1915-1939). « Compte rendu de la réunion du comité du 20 octobre 1932. Le redressement financier et la compression des dépenses publiques », Bulletin mensuel de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France, octobre novembre 1932, p. 348.
33 CAEF B 33 992. Budget de 1933. Documentation (1932-1933). Annexe au PV de la séance du 12 janvier 1933, Chambre des députés.
34 Idem. Note pour le ministre des Finances sur l’impôt sur les BIC, 26 janvier 1933.
35 CAEF B 33 994. Budget. Carte d’identité fiscale. Projets de décrets lois (1933-1934).
36 M. Margairaz, L’État, les finances…, ouvr. cit., pour le projet « reflationniste », p. 107-108 et p. 176.
37 CCB 71/M1 70. Extrait des PV des réunions et des activités de 1934, Lettres et mémoires de la chambre de commerce de Bordeaux, Bordeaux, Imprimerie nouvelle F. Pech et Cie, 1935. CR de l’assemblée des présidents des chambres de commerce du 6 février 1934. Allocution de Garnier, p. 102-109.
38 O. Dard, « Économistes, juristes, technocrates et publicistes face aux questions fiscales, de l’entre-deux-guerres aux années soixante », Maurice Lévy-Leboyer, Michel Lescure, Alain Plessis (dir.), L’impôt en France aux XIXe et XXe siècles, Paris, CHEFF, 2006, p. 249-272.
39 CAEF B 33 970. Cabinet du ministre des Finances. Conjoncture (1930-1935). Historique de la politique financière.
40 CAEF B 33 994. Budget. Carte d’identité fiscale. Projets de décrets lois (1933-1934). Note de la direction générale des Contributions directes pour le contrôle des régies, signée Jean-Jacques Bizot, conseiller d’État, 2 septembre 1935.
41 ANMT HP 127. Bulletins de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France (1915-1939). « Compte rendu de la réunion du comité du 18 janvier 1934. La réforme fiscale », art. cit.
42 ANMT 72 AS 6 CGPF. Conseil central 17 janvier 1936. Questions fiscales présentées par Léon-Dufour : la loi de finances du 31 décembre 1935.
43 ANMT 75 AS 5 CGPF. Conseil central du 19 juillet 1935. Questions fiscales présentées par Léon-Dufour : questions intéressant les syndicats professionnels.
44 O. Dard, « Économistes, juristes,… », art. cit., p. 356.
45 CCIM MJ 83255. Interventions et rôles divers. Établissements d’enseignement et de formation. Ridart, Rapport, Paris, Imprimerie papeterie des méthodes modernes, 1930, p. 3.
46 Idem. Examen d’expert-comptable (1927-1941). Comité de la XIe région économique. Provence, Bas Rhône et sous région de la Corse. Extrait du registre des délibérations, séance du 15 juin 1929.
47 B. Touchelay, « La lente reconnaissance de l’expertise des comptables libéraux par l’entreprise et par ses partenaires dans la France du premier XXe siècle », Les corps intermédiaires économiques, entre l’État et le marché, Université de Limoges, octobre 2008, en cours de publication aux Presses universitaires de Limoges.
48 CCIM MJ 83255. Interventions et rôles divers. Examen d’expert-comptable (1927-1941). Comité de la XIe région économique. Extrait du registre des délibérations, séance du 15 juin 1929.
49 CCIM MK 72/033. Archives experts comptables (1903-1980). Prax, Rapport sur les conditions d’obtention du brevet d’expert-comptable reconnu par l’État, Marseille, SA du Sémaphore de Marseille, 1930. Le rapport est adopté en assemblée plénière à la séance du 7 octobre 1930. Ses conclusions converties en délibérations sont transmises aux pouvoirs publics.
50 CCIM MJ 83255. Interventions et rôles divers. Établissements d’enseignement et de formation. Ridart, Rapport, Paris, Imprimerie papeterie des méthodes modernes, 1930.
51 Arrêté interministériel du 18 août 1933, ministère du Commerce et sous secrétariat d’État à l’Éducation nationale, JO, 19 août 1933.
52 La Compagnie obtiendra son abrogation par le Conseil d’État le 22 mai 1936 pour trois motifs : l’absence d’existence légale des régions économiques, le risque de subordination des intérêts des praticiens aux chambres de commerce qu’il introduit et le fait que les ministres n’aient pas le droit de prendre ces décisions.
53 C. Bocqueraz, « The professionalisation project… », doctorat, op. cit., p. 286.
54 J.-G. Degos, « Une brève histoire des diplômes d’expertise comptable français (1927-1997) », XIIIe congrès de l’Association francophone de comptabilité (AFC), Toulouse, 2002, p. 5.
55 BNF. R. Delaporte, « Ce que doit être la formation des experts comptables », France comptable, mars 1934, p. 3-5 ; « À propos du brevet d’expert-comptable », France comptable, mai 1934, mai 1934, p. 5-7 ; « Le malencontreux brevet des experts comptables qui divise les comptables », France comptable, janvier 1935 ; « Il manquait un diplôme à la collection d’État », France comptable, août 1927, p. 8 ; « Les experts comptables contre les comptables », France comptable, septembre 1927 : « Le décret semble avoir été rédigé par des fonctionnaires qui ont eu le tort de se laisser manœuvrer par le groupe le plus minime des intéressés », p. 3. Selon l’auteur, le brevet est aussi un motif de querelles intestines entre professionnels puisque certains sont « contraints aux cinq ans de stage avec un appointement de famine », alors que d’autres obtiennent « l’examen sans titre », selon des critères peu transparents.
56 Exemples : proposition du député Baron, décret 17 janvier 1929, JO du 23 janvier 1929, p. 901 ; reprise du rapport Angoulvant en 1928 : nouvelle proposition déposée le 5 juillet 1934 par le député Besnard Ferron, JO, document parlementaire no 3775, p. 1177.
57 CCIM MF 2313/053 PV des séances de la commission de la législation (février 1928-décembre 1932). Séance du 23 avril 1930.
58 C. Bocqueraz, « The professionalisation project… », doctorat op. cit. Note présentée au nom de la commission du commerce et de l’industrie par Randon-Rachet sur le projet de loi tendant à modifier la loi du 24 juillet 1867 déposée le 25 février 1935, archives de la chambre de commerce de Paris, cité p. 277.
59 ANMT 75 AS 5 CGPF. Conseil central du 18 octobre 1935. Léon-Dufour : présentation du décret-loi sur la protection de l’épargne.
60 CCIM MK 72/033. Archives experts comptables (1903-1980). Délibération de la chambre de commerce de Nancy sur les commissaires aux comptes, 30 janvier 1936, signée par Marcel Paul, président.
61 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction du 23 avril 1936.
62 Idem. PV du 14 juin 1927.
63 Antoine Weexsteen, « Le conseil aux entreprises et à l’État en France… », doctorat, op. cit. La Commission générale d’organisation scientifique (CEGOS) présidée par Auguste Detœuf hérite de la Commission générale d’organisation scientifique du travail (CGOST) créée par la CGPF en 1926.
64 ANMT HP 127. Bulletins de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France (1915-1939). « Annexe, L’école d’application du centre de préparation aux affaires de la chambre de commerce de Paris », Bulletin mensuel de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France, mai juin juillet 1935, p. 357. Cet article témoigne de la propagande exercée par le centre.
65 Sur la rationalisation, voir les travaux pionniers d’A. Moutet (dont Les logiques de l’entreprise…, ouvr. cit., et « Une rationalisation du travail dans l’industrie française des années 1930 », Annales, Année 1987, vol. 42, no 5, p. 1061-1078) ; les doctorats de R. Boulat, « Jean Fourastié, la productivité et la modernisation de la France (années trente - années cinquante) », dirigé par Jean-Claude Daumas, université de Franche-Comté, 2006 ; de Thomas Cayet, « Organiser le travail, organiser le monde : étude d’un milieu international d’organisateurs - rationalisateurs durant l’entre-deux-guerres », Institut universitaire européen de Florence, 2005 et d’Antoine Weexteen déjà cité.
66 Nicolas Berland, « L’histoire du contrôle budgétaire en France », doctorat en sciences de gestion dirigé par Henri Bouquin, université Paris Dauphine, 1999 et Ludovic Cailluet, « Pratique et diffusion des méthodes modernes d’organisation et de contrôle de gestion. Le parcours exemplaire de Jean Benoit chez Pechiney de 1925 à 1962 », dans Henri Bouquin (dir.), Les grands auteurs en contrôle de gestion, Condé-sur-Noireau (14), EMS éditions, 2005. En 1929 et en 1933, Benoit est l’interlocuteur des consultants introduits par son entreprise Alais Froges et Camargue (futur Pechiney) pour améliorer sa gestion. Il sera le représentant du CNPF, dont il dirige la commission d’étude des prix de revient, dans les commissions successives chargées du plan comptable après 1946 et prendra une part active à leurs travaux jusqu’à son décès en 1962.
67 CCIM MJ 8423. Établissements d’enseignement et de formations. Institut technique supérieur, puis Institut de gestion appliquée à l’entreprise. Historique (1916-1977). Discours radio du président Prax, « La section de haut enseignement commercial de l’institut technique supérieur créé par la chambre de commerce de Marseille en 1919 », 27 novembre 1935, p. 6.
68 Olivier Lambert, « L’Institut technique supérieur de Marseille. Une expérience originale dans le domaine de la formation et de la recherche au lendemain de la Première Guerre mondiale », Industries en Provence, no 12, décembre 2004.
69 CCIM MK 72/033. Archives experts comptables (1903-1980). Prax, Rapport sur les conditions d’obtention du brevet d’expert-comptable reconnu par l’État, Marseille, SA du Sémaphore de Marseille, 1930.
70 ANMT 75 AS 5 CGPF. CR du conseil central du 22 février 1935. Intervention de Léon-Dufour sur l’examen du projet de loi sur le régime des sociétés.
71 D. Bensadon, Les comptes de groupe en France (1929-1985). Origines, enjeux et pratiques de la consolidation des comptes, Rennes, PUR, 2010.
72 Ibid., p. 98-99.
73 Parmi ces revues on peut citer : France comptable-Revue mensuelle de comptabilité et de finances, organe de propagande des unions régionales et de l’Union nationale des groupements comptables de France et des colonies qui devient Revue de l’action professionnelle des experts comptables et des comptables, présidée par Delaporte (expert-comptable, ancien élève d’HEC), créée le 14 novembre 1925 et publiée jusqu’à 1938 ; la revue Experta étudiée par Pierre Labardin (DEA « comptabilité décision contrôle », sous la direction de Marc Nikitin, université Paris Dauphine, 2003-2004) ou bien La comptabilité et les affaires, L’organisation ou La Revue du bureau.
74 A. Moutet, Les logiques de l’entreprise…, ouvr. cit.
75 Élodie Gombert, « La politique française de productivité de 1946 au début des années 1960 », mémoire de maîtrise, université Paris IV, 2000.
76 Gérard Augustin, « Charles Penglaou, un auteur toujours d’actualité 1892-1983 », Actes de la troisième journée d’histoire de l’AFC, Nantes, Presses de l’université de Nantes, 1997, p. 309-323. Penglaou est notamment l’auteur d’un ouvrage paru en 1929 intitulé Introduction à la technique comptable publié aux PUF, il est vice-président de la Compagnie des chefs de comptabilité.
77 A. Weexteen, « Le conseil aux entreprises… », op. cit.
78 BNF. « Voyages d’études aux États-Unis », Production nationale et expansion économique, novembre 1929, p. 487.
79 Delphine Gardey, Écrire, calculer, classer. Comment une révolution de papier a transformé les sociétés contemporaines, 1800-1940, Paris, La Découverte, 2008.
80 BNF. « Organisation industrielle et commerciale. Comité d’étude des statistiques et de la comptabilité mécanique », Production nationale et expansion économique, avril 1932, p. 147-190.
81 L. Cailluet, « Pratique et diffusion… », art. cit.
82 CAEF B 58 846. Réformes fiscales. Historique sur le forfait. Assiette forfaitaire de l’impôt, p. 10.
83 F. Tristram, « L’administration fiscale et l’impôt sur le revenu… », art. cit., p. 234.
84 CAEF B 58 846. Réformes fiscales. Historique sur le forfait. Assiette forfaitaire de l’impôt, p. 10.
85 CAEF B 33 992. Budget de 1933 (documentation et discussions). PV de la séance de la Chambre des députés du 12 janvier 1933. Proposition renvoyée à la commission des Finances.
86 F. Tristram, « L’administration fiscale et l’impôt sur le revenu… », art. cit. « À partir de 1932, la direction générale des Contributions directes exige de ses agents une vérification de toutes les comptabilités commerciales. Il s’agit de rendre systématique la vérification comptable afin de dissuader la fraude », p. 234.
87 CAEF B 42 114. Réorganisation de l’administration des Contributions directes. PV des séances des commissions d’études (1937-1940). Note au ministre du 23 décembre 1938 sur l’organisation et les résultats du contrôle en matière d’impôt sur le revenu. L’organisation du contrôle. Exposé des motifs.
88 Idem.
89 CAEF B 42 115. Service des vérifications de comptabilités. Organisation des brigades, bureau central du personnel, non daté.
90 CAEF B 643. Direction des enquêtes et vérifications nationales. Documentation économique : vérification des comptabilités. Note relative aux conditions d’exécution des programmes de vérification de comptabilités pour l’année 1941. Signé Pierre, directeur, 9 mars 1942.
91 F. Tristram, « L’administration fiscale et l’impôt sur le revenu… », art. cit. Jusqu’en 1934, il existe « une école commune aux agents des Directes et de l’Enregistrement ». Après 1934, les formations sont séparées et l’école de la direction générale des Contributions directes s’est installée à Bordeaux. Parallèlement, les épreuves du concours sont « renforcées : une bonne connaissance de la législation fiscale, du droit commercial et de la comptabilité privée devient indispensable ». Les programmes sont établis par les arrêtés du 29 mai 1932 et du 14 mai 1937. L’école Francis Lefèvre, qui prépare depuis 1894 au concours du surnumérariat, constitue alors un « passage obligé pour les candidats », et ce d’autant plus que le concours devient beaucoup plus sélectif, p. 233-234.
92 CAEF B 643. Direction des enquêtes et vérifications nationales. Note de Jean Watteau, directeur général des Contributions directes, sur l’organisation de la documentation, 30 mars 1939. Par exemple, les vérifications des exercices comptables 1933-1934 et 1935, puis 1939 de la Manufacture de caoutchouc Michelin ; Avis demandé par la direction générale des Contributions directes, 11 août 1941.
93 CAEF B 57 745. Contribution sur les bénéfices réalisés pendant la guerre (1935-1937). Taxe spéciale sur les bénéfices réalisés par les entreprises travaillant pour la défense nationale. Décret-loi du 16 juillet 1935 (JO du 17) pris en exécution de la loi du 8 juin 1935.
94 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction du 17 octobre 1935.
95 Idem. Réunion du 19 décembre 1935 et du 16 janvier 1936.
96 Id. Réunion du 19 mars 1936.
97 CAEF B 58 871. Réformes fiscales. Taxe spéciale sur les bénéfices réalisés par les entreprises travaillant pour la défense nationale. Circulaire no 2096 qui fait le point des modifications intervenues depuis le décret-loi du 16 juillet 1935, 25 février 1936.
98 G. Richard, « Comment devient-on permanent patronal dans les années vingt ? L’exemple de Claude-Joseph Gignoux », dans O. Dard et G. Richard (dir.), Les permanents patronaux…, ouvr. cit., p. 93-108. Gignoux né en 1890. Après avoir combattu pendant la guerre, il participe aux négociations des traités de paix puis il est nommé conseiller technique auprès de la délégation français à la SDN en 1922. Ayant soutenu une thèse de droit (mention sciences politiques et économiques) le 28 juin 1920 à la faculté de droit de Lyon sur « L’Arsenal de Roanne et l’État industriel de guerre », il donne des cours à la faculté de droit de Nancy et passe l’agrégation d’économie politique à laquelle il est reçu en 1924. Gignoux devient un permanent patronal à temps plein en 1925 comme rédacteur en chef de La Journée industrielle. Il entame une brève carrière de député après avoir été élu en 1928. Il est inscrit au groupe d’Action démocratique et sociale, comme François-Poncet et Paul Reynaud, que dirige André Maginot et entre au comité directeur en mai 1930. En septembre 1931, il est nommé sous-secrétaire à l’économie nationale par Pierre Laval et succède à François-Poncet. Gignoux sera élu président de la CGPF après sa réforme en 1936.
99 Françoise Berger, « André François-Poncet, des réseaux intellectuels à l’expérience du journalisme économique au service des entrepreneurs », dans O. Dard et G. Richard dir. Les permanents patronaux…, ouvr. cit., p. 75-92. François-Poncet, « Normalien germaniste » est à l’origine à partir d’avril 1919 du Bulletin quotidien, puis de la Société d’études et d’informations économiques en mai 1920, « premier quotidien d’information économique destiné au patronat français et financé, au moins dans ses débuts, par le Comité des Forges », p. 76 et 84. Voir également pour les liens entre le Bulletin et La Journée industrielle et avec l’UIMM : D. Fraboulet, Quand les patrons s’organisent…, ouvr. cit., p. 111-116.
100 A. Fortin, « The evolution of French accounting… », doctorat, op. cit., p. 592.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008