Chapitre II. Des habitudes bousculées par l’emballement réformateur des années 1920 ?
p. 65-101
Texte intégral
1La restauration de la vie politique est tardive après le retour de la paix. Les élections législatives de novembre 1919 entraînent la victoire de la coalition de centre droit, dite du Bloc national, qui se pose en rempart contre le bolchevisme. Profitant de la forte croissance économique et reportant les problèmes au règlement des réparations allemandes, la coalition au pouvoir élimine les piliers de l’interventionnisme et les réformateurs les plus actifs satisfaisant son électorat en laissant penser qu’un retour à l’avant-guerre est possible. Les désillusions ne tardent pas. Le maintien de la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre et la généralisation du principe déclaratif froissent la majorité politique, mais les difficultés budgétaires et les problèmes de trésorerie les imposent. Ils exigent en outre de recourir à la fiscalité indirecte, politiquement indolore et socialement inégalitaire, avec la TCA définie par la loi du 25 juin 1920. Cette création représente une sorte de retour aux pratiques d’avant la guerre lorsque l’impôt sur les consommations était valorisé, et permet de combler les manques à gagner d’un prélèvement direct qui exige une certaine transparence des comptes. Les difficultés du contrôle des déclarations s’accumulent sans que l’administration ne reçoive davantage de moyens, ni que les assujettis ne soient incités à améliorer leurs habitudes comptables. Les espoirs d’harmoniser les règles de la comptabilité privée formulés pendant le conflit disparaissent. La France paraît renouer avec « l’extraordinaire piétinement » d’avant la guerre paralysant les réformes et figeant les pratiques.
2Le mouvement vers la normalisation est pourtant enclenché. Des responsables d’entreprises, en particulier ceux des plus grandes affaires dont les relations avec le fisc sont devenues régulières, des comptables, des agents du fisc et les milieux politiques de gauche favorables à la fiscalité directe, désavouent le principe de l’autonomie comptable de l’entreprise. Ses positions se définissent et s’affinent à l’occasion des débats concernant la fiscalité, débats désormais indépendants de la question de la contribution extraordinaire. Elles contribuent à la mise en place d’une fiscalité moderne passant par l’augmentation de la pression fiscale, par la recherche d’une meilleure rentabilité de l’impôt, et par l’atténuation progressive des tensions entre le fisc et les assujettis favorisées par les progrès de la comptabilité privée. La chronologie de ces progrès continue de brouiller les repères traditionnels des alternances politiques. Alors qu’il est accroché au centre droit, le Bloc national réforme en fin de mandat et le Cartel des gauches innove peu après sa victoire électorale du 11 mai 1924. En revanche, le gouvernement d’Union nationale de Poincaré formé en 1926, puis le gouvernement de droite de Tardieu introduisent des avancées majeures en créant un brevet d’expert-comptable et en reconnaissant aux entreprises le droit d’ajuster leurs bilans à la dépréciation monétaire. Il convient de comprendre pourquoi le Cartel, malgré l’engouement pour la rationalisation qu’il déclenche et les réflexions sur la réforme fiscale qu’il suscite en avril 1926, n’introduit pas de changement décisif pour la réglementation comptable1. Il convient aussi de nuancer l’impression d’immobilité laissée par la sortie de guerre en distinguant les forces de l’inertie des moteurs du changement qui constituent les piliers de la « France des chiffres ». Le rôle respectif des organisations patronales les plus investies dans les questions comptables et fiscales, en particulier la nouvelle Confédération générale de la production française (CGPF) créée en 1919, l’UIMM et les chambres de commerce, et celui des gouvernants sont à préciser avant que la crise économique éclipse les velléités de réformes2.
La fiscalité moderne et l’amorce de « la France des chiffres »
3L’expérience de la guerre est décisive pour « la France des chiffres » Les difficultés de la contribution introduite pendant la guerre annoncent celles de la collecte de l’impôt sur les BIC. Elles conduisent à envisager une réorganisation générale des administrations fiscales et de leurs méthodes de travail, et à renforcer la pression fiscale en améliorant la sincérité des déclarations et en s’appuyant sur des informations individuelles. Les changements projetés incitent fortement à modifier la façon dont les entreprises tiennent leurs comptes. Profitant d’une période de détente fiscale relative, ils apparaissent dans plusieurs propositions de réformes déposées en 1920 et en 1921 puis deviennent urgents lorsque la situation économique se dégrade et que les parlementaires rechignent à voter l’impôt tant que son rendement n’est pas mieux assuré3. Pour sortir de l’impasse, le consentement des entreprises à l’impôt, dont la clarification des bilans comptables est un signe, doit être renforcé et les capacités de contrôle des administrations fiscales consolidées. Les efforts sont soutenus par des commissions administratives spécialisées dans la question fiscale et par la présence de nouveaux interlocuteurs des pouvoirs publics auprès des entreprises. Ils prennent le contre-pied des défenseurs traditionnels des intérêts privés hostiles à l’intervention de l’état. Leur succès n’est pas assuré.
Des projets de réformes favorables au chiffrage
4Le 29 avril 1920, le gouvernement annonce qu’une forte « surcharge fiscale va être imposée au pays4 ». Malgré des recettes « considérables », liées à l’importance des transactions et à la hausse des prix, la crise des recouvrements est patente. Comme l’indique Ribot, ministre des Finances, en présentant au Sénat les crédits provisoires du premier trimestre 1920 : « la situation tourne au scandale » puisque « l’impôt général sur le revenu n’est pas perçu et qu’on n’en établit pas les rôles5 ». Des mesures ponctuelles et une réorganisation plus générale des services s’imposent donc. Le contexte profite aux propositions les plus osées.
5En avril 1920, Auriol suggère à la Chambre de ressusciter le « casier fiscal », introduit en 1866 et tombé en désuétude, afin d’améliorer « la justice fiscale6 ». Menaçant le domaine du secret des affaires des particuliers ou des entreprises, ce casier devient un véritable serpent de mer, agité par la gauche lorsque les caisses sont vides et enterré par les majorités de droite. Il est défendu par l’inspection des Finances, désireuse de renforcer la collaboration entre les régies fiscales et d’améliorer les contrôles en favorisant le croisement des données et en incitant les contrôleurs à mieux examiner les déclarations de bénéfices7. L’inspection recommande de confier ce casier aux Contributions directes et de créer de véritables archives fiscales qu’elles partageraient avec l’Enregistrement. Les études sur le casier se prolongent8. Les propositions de réformes consistant à augmenter les moyens de l’administration fiscale et à garantir à l’État des ressources régulières menacent aussi le secret des affaires et l’autonomie des entreprises. Le 20 avril 1920, deux sénateurs, Albert Sarraut, radical, et Anatole de Monzie, de la gauche démocratique, soumettent au Sénat un projet de réorganisation de l’administration fiscale prévoyant le recrutement massif de personnel d’encadrement9. D’autres idées conduisent à la loi du 25 juin 1920 remplaçant la taxe sur les paiements par la taxe sur le chiffre d’affaires, impôt à grand rendement dont on attend « un supplément de ressources annuelles de l’ordre de 6 à 8 milliards10 ». Simplifiant le travail des commerçants, cette taxe peut les inciter à mieux tenir leurs comptes. La révision des marchés de guerre qui revient à l’ordre du jour est aussi une source complémentaire de nouvelles recettes.
6Le 30 juillet 1920, un projet de loi adopté par les députés reprend les propositions formulées pendant la guerre d’imposer la restitution des bénéfices supérieurs de 10 % au montant du marché au Trésor, après déduction des frais généraux, des intérêts du capital engagé et de la contribution sur les bénéfices de guerre11. Le texte envisage de confier la révision des marchés à un organisme spécial saisi en cas de soupçons « de fraudes, de collusions ou même seulement de bénéfices démesurés ». Aucun accord ne se dégage sur la composition et le pouvoir de cet organisme, ni sur les marchés concernés. L’intention préoccupe néanmoins le conseil de direction de l’UIMM qui prépare un contre-projet destiné à être publié si elle est examinée par le Sénat12. La réaction n’est pas utile car le texte adopté par la Chambre est rejeté par le gouvernement. Une nouvelle tentative de François-Marsal, ministre des Finances, devant la commission du Sénat le 30 décembre 1920 échoue également en juillet 192113. Les pressions exercées contre la révision des marchés de guerre bloquent tout nouveau projet jusqu’à 192514. Les tentatives de limitation des enrichissements procurés par la Grande guerre n’ont pas plus de succès. L’idée d’imposer une contribution extraordinaire sur les accroissements de fortunes réalisés pendant la guerre inquiète pourtant les organisations patronales car elle ouvrirait une brèche en faveur d’un impôt sur le capital, mais les désaccords sur son assiette l’empêchent d’aboutir. En décembre 1919, les Contributions directes suggèrent de limiter cette contribution aux personnes physiques ou juridiques assujetties à la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre15. Début avril 1920, le ministre des Finances Louis-Lucien Klotz propose au contraire de la généraliser à tous les accroissements de capital des sociétés et des particuliers et de la fixer à « trois fois le revenu pour lequel le contribuable est cotisé à l’impôt général sur le revenu au titre de l’année 1920 », ou bien à une évaluation assise sur sa déclaration comportant le double inventaire des fortunes au 1er janvier 1914 et au 1er janvier 192016. Charles de Lasteyrie suggère de retenir toutes les personnes physiques qui ont plus de 15 000 francs de revenus de capitaux et de s’appuyer sur les signes extérieurs d’enrichissement, et non sur une déclaration spéciale des contribuables. La direction des Contributions directes tente une synthèse de ces positions et soumet un projet à la Chambre en février 1920 qui est rejeté17. L’imposition du capital demeure proscrite en France, mais la question a été agitée par les milieux politiques du centre et du centre droit, la gauche n’en ayant plus le monopole. L’urgence de réformes plus générales écarte un temps la question des enrichissements de guerre.
7Le retournement de la conjoncture économique de 1921 confirme la nécessité d’amplifier l’effort fiscal. Comme l’indique Henry Chéron au Sénat le 7 juin 1921, il s’agit d’« équilibrer le budget » et de stopper la diffusion de l’idée d’un « impôt purement volontaire, payé par les naïfs ou les maladroits18 ». La réalité de la fraude qu’il dénonce n’est pas discutable. Les Contributions directes n’ont reçu que 528 971 déclarations de revenus en 1920 contre 630 000 en 1919 et 558 000 en 1918, ce qui ne peut s’expliquer par les circonstances économiques. La fraude concerne aussi la TCA et elle s’accroît « à mesure des rehaussements de tarifs19 ». Dans un rapport sur la réorganisation administrative, Paul Doumer20, ministre des Finances, indique que la faiblesse du rendement de cette taxe est d’autant plus préoccupante que les parlementaires refusent de voter de nouveaux impôts tant que le rendement des prélèvements existants n’aura pas été amélioré21. La réforme ne peut plus être repoussée. Doumer confie à une commission administrative le soin « d’étudier les causes » des dysfonctionnements des services et de trouver les moyens d’y remédier22. Présidée par Louis Martin, ancien directeur général au ministère des Finances, la commission est instituée par l’arrêté du 17 juin 1921. Réunissant notamment les directeurs généraux des régies financières, elle s’engage à améliorer leurs méthodes de travail et définit les conditions d’une réforme fiscale générale qui mettra plus de trente ans à s’imposer. Cette réforme prévoit quatre changements majeurs : la collaboration entre l’Enregistrement et les Contributions directes pour le contrôle des déclarations d’impôts sur le revenu23 ; la formation de « brigades spéciales » affectées au contrôle des déclarations dans les grandes villes, regroupant des agents des Contributions directes installés dans les locaux de l’Enregistrement et disposant de tous les moyens d’information nécessaires à leur tâche ; la création par l’Enregistrement d’un « répertoire général » sur les contribuables ; enfin, la simplification du calendrier fiscal et la réduction du délai de souscription des déclarations d’impôts sur le revenu. Ces propositions sont mal reçues par l’Enregistrement pour qui les difficultés tiennent moins à la mauvaise organisation des services qu’à l’importance des vacances de postes (660 sur 4 679 emplois au 1er novembre 1921) et à l’insuffisance des traitements des employés supérieurs responsables du contrôle des déclarations et de la poursuite des fraudes24. La régie refuse de renforcer davantage ses liens avec les Contributions directes jugeant suffisantes les conférences régulières entre les chefs des directions prévues par arrêté ministériel en juin 1921 et par décret en octobre 1921.
8Aucune des propositions de réformes n’est retenue. Les réticences des assujettis à l’égard du fisc et la diversité des positions patronales contribuent à ce piétinement.
Un front patronal homogène ?
9Après la guerre, les discours des organisations patronales sur la fiscalité, celui des grandes fédérations, métallurgie et textile, des organisations plurisectorielles comme l’ANEE, ou des chambres de commerce se distinguent. L’UIMM adhère globalement aux réformes introduites et cherche à les influencer par des pressions directes sur les gouvernants. Elle ne met pas en cause le bien fondé du contrôle fiscal, ni du principe déclaratif évitant « au fisc d’entrer dans le détail de la gestion des affaires25 ». En revanche, la plupart des chambres de commerce assimilent les réformes à des menaces pour la liberté d’entreprendre et pour l’autonomie des entreprises et les condamnent en bloc26. Les clivages entre les organisations patronales ont été renforcés par la guerre. Les secteurs qui ont répondu massivement aux commandes militaires, ce qui est largement le cas des affiliés de l’UIMM, et ceux qui sont restés davantage tournés vers le marché privé, artisans ou commerçants représentés par les chambres de commerce, ont alors entretenu des relations différentes avec les pouvoirs publics et avec les administrations. Leurs positions à l’égard des politiques fiscales seront différentes puisque les premières dépendent du financement public, alors que les secondes ne se ressentent que comme des assujettis. La création de la CGPF le 4 juillet 1919 répond en partie au souhait du gouvernement de limiter l’émiettement des positions patronales.
10Présidée par Henri Darcy27, la Confédération est conçue pour devenir un interlocuteur représentatif de l’ensemble des groupements patronaux auprès des pouvoirs publics et des autorités politiques28. L’intervention directe de Clémentel dans sa fondation, le fait qu’elle cherche à attirer des représentants de secteurs modernes et concentrés et ceux de secteurs moins dynamiques, l’inscrit en outre dans un ambitieux « projet de modernisation des structures économiques » nationales intégré à une réflexion sur le rôle économique de l’État29. Cette création répond à la fois aux attentes d’associations régionales de producteurs et de syndicats patronaux, comme ceux du textile désireux de contrer l’influence de l’industrie lourde, et aux souhaits de Clémentel de rallier des organisations puissantes telles que le Comité des houillères, l’UIMM ou l’Union des produits chimiques. Pour « coordonner les efforts des syndicats et associations professionnels », la CGPF prend le statut d’association. Elle compte à l’origine 21 groupements disposant chacun d’une voix, puis 25 en 192530. Son organisation se veut souple, démocratique et efficace31. Le conseil central, formé des présidents des comités de direction des groupements, est son instance dirigeante. Les comptes rendus de ses réunions informent donc sur les positions de la CGPF sur la fiscalité et sur les pratiques comptables. Le conseil confie les principaux dossiers à des commissions spécialisées qui affinent progressivement leur expertise. Le service fiscal est organisé par Léon-Dufour, inspecteur des Finances, qui s’affirme vite comme un relai efficace auprès des commissions parlementaires et des principales directions économiques et financières32. Ses collaborateurs viennent souvent du secteur textile dont les compétences en matière fiscale s’imposent rapidement, montrant que ni les industries nouvelles, ni les industries lourdes n’ont le monopole de la réflexion patronale.
11Dans un premier temps, les positions de la CGPF ne se distinguent pas de celles de l’UIMM et elles s’expriment par sa voix33. Mais à partir de sa réorganisation entre 1917 et 1919, l’Union concentre de plus en plus ses compétences sur les « questions sociales ouvrières et fiscales », laissant progressivement les questions économiques à la CGPF, même s’il s’agit toujours des mêmes hommes, des mêmes financements et des mêmes options34. Les prises de positions du conseil de direction de l’UIMM témoignent déjà de la qualité de ses expertises. Attentif aux projets de taxation du chiffre d’affaires, le conseil défend l’idée d’un impôt de taux unique et modéré d’environ 1 % applicable aux industriels, aux commerçants et aux agriculteurs ainsi qu’aux personnes non patentées35. L’Union maintient ses pressions pour orienter la taxe à sa convenance, obtenant ainsi l’exonération des affaires conclues avant le 1er juillet 1920 si elles ont été exécutées avant le 1er avril 192136. Sa condamnation du projet de rehaussement du taux de la TCA déposé à la Chambre le 8 juillet 1921 participe à une revendication plus générale de limitation des prélèvements fiscaux. Pour démontrer que la hausse de la TCA nuirait au redressement économique, l’Union organise une enquête interne sur le poids de la taxe. L’enquête est confiée à la CGPF. Ses résultats sont transmis au rapporteur général de la commission des Finances de la Chambre, Maurice Bokanowski :
« Il en ressort que l’on peut évaluer de 5 à 7 % en moyenne suivant les industries l’augmentation du prix de vente qu’entraînerait le doublement de la taxe en raison de l’application de celle-ci à chaque transformation d’un même produit. Pour certaines industries cette augmentation serait plus considérable encore. »
12Pourtant, le conseil de l’Union se dit prêt à accepter l’augmentation envisagée pour éviter des menaces plus importantes, et en particulier celles que représentent les partisans de l’impôt sur le capital disposés « à reprendre avec vigueur la campagne commencée sans succès en 192037 ». La stratégie retenue est donc celle du contournement. Elle est complétée par l’organisation d’une autre enquête sur les charges de l’industrie métallurgique visant à fournir « les éléments d’appréciation nécessaires aux discussions » sur « les modifications fiscales que le déficit budgétaire peut faire envisager ». Il s’agit donc bien d’exercer des pressions sur les discussions budgétaires38. Les questionnaires portent sur l’importance des prélèvements fiscaux pesant sur les sociétés, la proportion constatée entre l’ensemble de leurs charges fiscales et certains facteurs comme « le capital social, les capitaux investis, le chiffre d’affaires, la somme des traitements et salaires payés au cours de l’année, les bénéfices bruts, nets et distribués ». L’enquête n’a pas un grand succès puisqu’au 13 novembre 1922 l’UIMM n’a reçu que 80 réponses sur les 700 questionnaires envoyés39. La démarche surprend peut-être par sa nouveauté et l’Union décide d’accorder aux entreprises le temps de s’y habituer. L’enquête se poursuit donc. Son existence même incite à une réflexion sur le poids des impôts. L’idée que la charge est trop élevée et que la limite extrême du tolérable est atteinte se diffuse ainsi parmi les chefs d’entreprises. Cette idée est promise à un bel avenir40.
13En percevant clairement la vertu politique de la statistique, l’Union fait figure de précurseur parmi les organisations patronales41. Son usage du chiffre de l’impôt, chiffre brut ou pourcentage, dans un but politique est imité comme le montre le rapport du conseil d’administration de la CGE du 20 décembre 192142. Pour ce texte, la croissance des impôts est une véritable menace dans une conjoncture économique dégradée :
« L’exercice 1920-1921 a vu s’étendre et s’accentuer la crise économique […] d’une gravité sans précédent […]. C’est qu’en face de moyens de production exagérément accrus, la consommation manque de deux au moins des principaux éléments d’activité qui lui sont nécessaires : la confiance et le crédit. […] Il n’est pas inutile de vous faire connaître le montant des impôts que votre Société a eu à supporter cette année : 2 500 000 francs contre 150 000 francs pour le dernier exercice d’avant-guerre. »
14Notons cependant que l’approche de l’UIMM se distingue de celle de la CGE puisque la première cherche des chiffres pour évaluer l’emprise effective de l’impôt, alors que la seconde utilise des données qui reflètent autant la forte dévalorisation monétaire enregistrée depuis la guerre que l’augmentation du nombre des sociétés composant la CGE. Dans les deux cas, le chiffre constitue un argument politique. Les préoccupations de l’UIMM concernent aussi le projet de « super taxe » doublant la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre43. Son conseil de direction suit attentivement les étapes du débat et envoie des délégations auprès du ministre des Finances pour faire connaître ses positions.
15La politique de l’UIMM se démarque de celle d’autres organisations patronales qui critiquent sans chiffrer et dénoncent sans argumenter. Pendant un temps, le principe déclaratif et les contrôles qu’il induit est leur principale cible. Ces organisations condamnent une réforme à laquelle elles sont incapables de s’adapter. L’absence, ou l’insuffisance, des comptabilités de leurs affiliés les expose aux tracasseries du fisc et les prive de tout moyen de contourner ou d’atténuer, voire même de prévoir, les charges qu’il leur faudra payer. La crise économique de 1920-1921 transforme leurs plaintes en une fronde bruyante alors que de nombreuses entreprises s’adaptent discrètement aux nouvelles exigences de la fiscalité. La question fiscale a fait éclater le front patronal.
Les clivages de « la France des mots »
16Si l’UIMM cherche la conciliation pour éviter l’impôt sur le capital, considéré comme la pire des taxations, la plupart des organisations patronales condamnent sans appel le système fiscal et les réformes. Les critiques les plus vives sont formulées par les chambres de commerce et l’ANEE. Dès juin 1917, les 2 500 exemplaires de L’Expansion économique, le périodique de l’ANEE, critiquent les réformes fiscales44. En 1919, ils dénoncent les difficultés des premières déclarations pour l’impôt général sur le revenu45. Ils déplorent ensuite que les « représentants du monde économique, et en particulier des chambres de commerce » ne soient pas consultés pour établir de « nouveaux projets d’impôts46 ». Le projet de loi déposé par Klotz avant de quitter le ministère en janvier 1920 est le plus contesté car l’ANEE considère qu’il « engagerait à la fraude le contribuable doué du courage fiscal le plus héroïque47 ».
17La crise de 1920 et 1921 attise également la contestation des chambres de commerce. Celles-ci dénoncent les nouvelles obligations introduites par les lois fiscales et le montant des charges qui atteignent une limite jugée menaçante pour l’existence même des entreprises48. Les reprochent concernent à la fois les lois fiscales introduites pendant la guerre sans avoir été suffisamment préparées, et le faible rendement des fonctionnaires. Les chambres exigent la réduction des dépenses publiques et des impôts et la simplification des lois et des règlements sur les entreprises. À partir de 1919, celle de Bordeaux préconise un retour à la fiscalité indirecte et aux signes extérieurs pour éviter que le renforcement du contrôle n’ouvre la voie « à tous les abus » et « aux mesures inquisitoriales les plus vexatoires49 ». Ses positions sont reprises en 1921 dans une campagne de presse orchestrée par divers milieux industriels et commerciaux en faveur du rétablissement du système des impôts réels50. La question est également débattue par la commission de la législation de la chambre de commerce de Marseille où les avis sont partagés. Certains y font remarquer que ce retour supposerait de quintupler les anciennes taxes pour rapporter autant que les nouveaux impôts sur le revenu. D’autres demandent d’être patients en rappelant qu’il a fallu près d’un demi-siècle à l’Angleterre pour s’habituer à l’income tax. D’autres encore réclament « une application exacte et équitable des nouveaux impôts » de façon à ne pas laisser se développer des inégalités et des fraudes. Au terme des discussions, la commission de législation de la chambre décide de ne pas soutenir la campagne favorable à la restauration du système fiscal d’avant-guerre, mais de réclamer « une application plus exacte des impôts directs actuels ».
18Ainsi, si les contestations de l’augmentation du poids de la fiscalité, et en particulier de la fiscalité directe, sont portées par les organisations défendant les intérêts des petits et moyens commerçants et industriels, les remèdes suggérés pour améliorer la situation ne sont pas les mêmes. Certains demandent un retour aux règles d’avant-guerre, tandis que d’autres invitent à approfondir les réformes fiscales pour faciliter l’application du principe déclaratif. Ceux qui préconisent un retour à l’avant-guerre ne sont pas prêts à faciliter l’application du principe déclaratif en améliorant leurs propres comptabilités, tandis que les autres y sont prédisposés. Deux mondes se distinguent ainsi, celui des entreprises disposées à respecter certaines règles comptables pour tenter de clarifier les informations nécessaires à l’évaluation et au contrôle de l’impôt, et celui des entreprises que les réformes fiscales, ou bien les projets de réformes, effrayent et qui refusent d’ajuster leurs pratiques. La situation des entreprises à l’égard des marchés de guerre et de leurs taxations rétrospectives les place dans l’un ou dans l’autre camp. Celles dont l’essentiel du chiffre d’affaires vient des marchés de guerre sont fortement incitées à adapter leurs pratiques comptables aux nouvelles exigences du fisc. Les autres ne le sont pas. Les premières se trouvent dans l’industrie, dans le textile ou dans l’industrie lourde, métallurgie en particulier. Elles ont intérêt à calculer leurs bénéfices au plus juste pour limiter la contribution extraordinaire et les taxes éventuelles. Les secondes sont davantage dans des secteurs de faible rayonnement comme le commerce de détail ou la quincaillerie. Elles peuvent conserver leurs habitudes antérieures. Ainsi, l’introduction de nouvelles règles fiscales depuis 1916 et le changement des pratiques qu’elles induisent divisent les intéressés, poussant les entreprises qui en ont les moyens et les agents du fisc à reconnaître la nécessité d’une clarification des comptabilités et repoussant les autres dans une attitude figée. L’écrasante majorité des 700 000 petites et moyennes entreprises, nombre approximatif, se retrouve plutôt dans le second camp, contrairement aux 28 000 entreprises employant plus de 50 personnes dans l’industrie, ou plus de 10 dans le commerce51.
19Toutefois, si la petite taille de l’entreprise peut être un facteur d’inertie, il faut se garder de toute interprétation mécanique. Les travaux de Yannick Lemarchand sur les déterminants du choix d’un modèle comptable au XVIIIe siècle puis au XIXe incitent à diversifier les facteurs explicatifs52. S’attachant aux grandes entreprises du moment souvent organisées sous forme de sociétés, et même de sociétés par actions, ils soulignent l’importance de la nature de l’activité et de l’origine sociale des fournisseurs de capitaux parmi les déterminants de l’introduction de la comptabilité en partie double. Lemarchand précise qu’au XVIIIe siècle, le secteur textile, dont les entreprises appartiennent souvent à des négociants, opte pour la partie double alors que l’industrie minière, où domine la noblesse, ou les industries métallurgiques, plus complexes, hésitent davantage entre comptabilité en recettes et dépenses, utilisée dans le domaine seigneurial et les finances royales, et comptabilité en partie double jusqu’à l’arrivée des marchands dans le capital des entreprises. La comparaison entre le XVIIIe et le XXe siècle est peu pertinente car le choix des sociétés industrielles du XVIIIe est un choix entre deux méthodes élaborées, alors que celui du XXe est un choix entre une méthode élaborée et une comptabilité simplifiée. Ce parallèle permet néanmoins d’insister sur la diversité des déterminants des comportements des entreprises et il encourage à approfondir l’examen de ces déterminants. Il permet aussi de souligner quelques permanences. La première est que les règles comptables continuent de dépendre de l’environnement économique, politique et social de l’entreprise et de son mode de financement53. La taille et le secteur d’activité de l’entreprise jouent aussi, mais ils ne sont pas les seuls à intervenir. La participation aux marchés de guerre dont les services fiscaux gardent la trace est un autre critère. La connaissance des outils comptables par le dirigeant de la société ou sa croyance dans leur efficacité paraît aussi décisive, comme le montre l’exemple du Comptoir de l’industrie cotonnière dirigé par Marcel Boussac à partir de la guerre. S’adaptant rapidement à l’évolution de la législation fiscale, ses comptabilités sont aptes à introduire certaines règles harmonisées et à permettre de limiter les prélèvements.
20Ainsi, après avoir constaté une perte d’exploitation de 5,8 millions de francs au terme de la dernière période d’imposition de la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre (1er janvier-30 juin 1920), Boussac présente une demande en détaxe au directeur des Contributions directes54. Sa perte tient à l’acquisition par le Comptoir de l’industrie cotonnière du stock de marchandises de ses filiales la veille du 1er juillet 1920, date d’entrée en vigueur de la TCA. Cette acquisition permet d’éviter de payer deux fois la nouvelle taxe de 1,10 % qui aurait grevé chaque échange entre le Comptoir et ses filiales. La modification des structures du groupe évite ainsi la double taxation. Le Comptoir de l’industrie cotonnière loue désormais les usines de ses filiales pour des sommes variant de 750 000 à 800 000 francs par an. En outre, et conformément à la loi du 31 juillet 1920 sur l’évaluation des stocks, le Comptoir a acheté le stock des filiales à des prix dépréciés, ce qui lui permet de réaliser une plus-value sur les ventes du second semestre 1920. De ce fait, son compte d’exploitation au 31 décembre 1920 fait apparaître un bénéfice brut de 3,1 millions de francs alors que le compte établi au 30 juin 1920 accuse une perte d’exploitation de 5,8 millions55. Le directeur de la comptabilité du Comptoir reconnaît lui-même « que la solution adoptée lèse les intérêts du fisc », mais il signale aussi que « le procédé ne semble pas prohibé par les lois en vigueur ». Cette capacité d’adaptation n’est pas générale. Avec l’accélération des réformes fiscales, le fossé creusé entre les producteurs dont la comptabilité est peu capable de répondre aux nouvelles règles fiscales et les autres est devenu infranchissable sans une réforme profonde.
21Cet écart n’est pas perçu. Seule une voix reconnaît ouvertement la nécessité de développer la réglementation des comptabilités privées pour améliorer le système. Elle s’exprime dans le périodique de l’ANEE, L’Expansion économique de janvier 1921. L’article est complètement à contre-courant des orientations du périodique puisqu’il fait de la comptabilité privée un remède au malaise fiscal. Il considère que les défauts du système tiennent en partie à l’insuffisance des moyens dévolus à la comptabilité privée et appelle les entreprises à changer d’attitude. Signé par Émile Paris, inspecteur général de l’enseignement technique au ministère du Commerce, l’article traite des lois fiscales et du contrôle comptable56. Il précise que le bouleversement économique consécutif à la guerre à introduit de nouvelles taxes qui ont d’abord surpris les industriels et les commerçants puis auxquelles ils se sont « imparfaitement accoutumés » sans chercher à adapter « l’organisation intérieure de leurs établissements aux investigations de l’administration des Contributions directes ». L’inspecteur souligne le contraste entre les « écoles d’enseignement commercial supérieur ou moyen » qui ont actualisé leur programme de législation fiscale depuis la guerre et les difficultés rencontrées par les directions des entreprises pour « présenter une comptabilité correspondant assez exactement aux nouvelles prescriptions ». Il explique les difficultés de perception de la contribution sur les bénéfices de guerre et de l’impôt cédulaire par « l’insuffisance des services de comptabilité ». Décrivant précisément les fonctions du comptable, qui « organise la comptabilité de l’entreprise » et surveille « la tenue à jour des écritures », il suppose que ces professionnels sont « scrupuleux » et en fait des « guides précieux pour les chefs d’entreprises ». L’auteur reconnaît toutefois que leur intervention ne suffit pas à éliminer les « controverses » suscitées par l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux. En suivant Gabriel Faure57, expert-comptable reconnu, il dénonce par exemple la diversité des modes de calcul des « amortissements et provisions » ou des dépenses exceptionnelles occasionnées par la guerre. Selon Paris, seuls des professionnels de qualité offrant « toute garantie de compétence, d’honorabilité et de discrétion » peuvent aider à surmonter les obstacles. Il invite les entreprises à utiliser les services de « l’importante Compagnie des experts comptables de Paris » qui aide au recrutement des spécialistes. En conclusion, l’inspecteur suggère que l’État reconnaisse de telles organisations afin de les consolider.
22Cet article témoigne de la prise de conscience de la nécessité de la réforme et fait écho aux espoirs formulés par Léautey et Leseurre qui voyaient dans la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre une première étape vers la généralisation du principe comptable58. Jugeant impérative la formation des comptables et le contrôle de leur profession et encourageant l’État à intervenir, il fait de la normalisation comptable la clé de la réussite de la modernisation fiscale entamée pendant la guerre. La mise à l’écart des plus petits contribuables par l’imposition forfaitaire prolongée après la guerre représente une alternative moins ambitieuse à la normalisation. Elle montre que quelque soit la conjoncture économique et politique, la « France des mots » garde toute sa vigueur pendant les années 1920.
La fin du Bloc national (1922-juin 1924)
23La détente fiscale ouverte en 1921 disparaît avec la crise des changes et les mesures draconiennes introduites début 1924 pour réaliser des économies, créer de nouvelles recettes et défendre le franc. Le double décime exigé des contribuables symbolise cette politique. Pour obtenir le soutien des producteurs et des commerçants, le gouvernement consulte les présidents des chambres de commerce puis l’ensemble des représentants des institutions consulaires à la fin de février 192459. La plupart des chambres exigent que les mesures envisagées s’accompagnent d’une « énergique répression des scandales financiers », d’une large compression des dépenses et d’une « répartition équitable » des impôts. Se considérant comme une « minorité sacrifiée », commerçants et industriels demandent de ne pas alourdir les charges fiscales sans diminuer les dépenses de l’État. L’augmentation de la pression fiscale atteint déjà des niveaux inégalés60. La sévérité du programme d’économie accentue les divisions entre les organisations patronales en incitant certaines à encourager les entreprises à améliorer leurs comptabilités pour s’adapter tandis que d’autres s’y refusent toujours. Les comptables professionnels s’impliquent dans les débats sur la fiscalité. L’impact de l’emballement réformateur de la fin de la législature du Bloc national sur l’amélioration des pratiques comptables reste à préciser.
Le Bloc national acculé à la réforme
24Charles de Lasteyrie, ministre des Finances, attribue les « mécomptes du Trésor » à la faible efficacité du système fiscal et à la fraude. Le renforcement des contrôles, la réforme de la TCA et celle de la procédure du forfait paraissent s’imposer. En janvier 1922, de Lasteyrie réactive la commission Martin mise en place en juin 1921 et demande aux administrations financières et fiscales d’organiser une enquête interne sur les motifs de leurs dysfonctionnements et sur les mesures susceptibles d’améliorer le rendement de l’impôt61. Les propositions des administrations sont présentées par Maurice Deligne, directeur général de l’Enregistrement62. Constatant l’inadaptation des méthodes du contrôle fiscal et la faiblesse des moyens réglementaires et législatifs de l’administration, Deligne suggère de stimuler l’ardeur des agents en leur attribuant une « prime aux découvertes » prélevée sur le montant des amendes et des pénalités recouvrées. Cette disposition revient à appliquer et à généraliser l’article 70 de la loi du 25 juin 1920 introduisant la TCA qui envisage déjà de répartir un dixième des amendes recouvrées entre les agents chargés de sa collecte63. L’arrêté ministériel de juin 1922 définit les règles de la répartition de ce fonds, mais l’opposition des milieux professionnels fait échouer cette proposition64. D’autres recommandations de la commission Martin sont retenues. Il en est ainsi du projet d’amnistie générale des auteurs de déclarations inexactes qui dénoncent spontanément leur omission et dont la bonne foi n’est pas contestable, ou de l’amélioration des informations sur les contribuables avec la création d’une carte de commerce, prévue par la loi du 3 décembre 1921 et réalisée par le décret du 31 mai 192265. La décision de créer un « répertoire général des enregistrements et déclarations » tenu conjointement par les Contributions directes et par l’Enregistrement le 17 octobre 1922 complète les dispositions adoptées66. La réforme de la TCA est également envisagée par la commission qui recommande d’autoriser son règlement trimestriel, ce qui soulage les assujettis sans répondre à toutes les attentes67. Le caractère inégalitaire de la taxe, épargnant les circuits courts alors qu’elle frappe fortement les circuits longs, soulève les plus vives critiques. D’autres propositions de réformes sont déposées au parlement pendant la législature du Bloc national. Le 6 février 1923 par exemple, l’amendement de Léon Perrier, sénateur de l’Isère affilié à la Gauche démocratique, vise à remplacer la TCA par une taxe unique, dite taxe à la production, qui serait perçue une fois pour toute lors de la production ou de l’importation de charbon. L’amendement est soutenu par le secteur des charbonnages. Il permettrait de concentrer le paiement de la taxe et les contrôles sur les « maisons importantes et faciles à surveiller » et sur « la grande industrie qui achète directement son charbon aux mines ou à l’étranger ». Perier recommande un taux de 1,60 %, et non de 1,10 % comme l’actuelle TCA, et prévoit un règlement en une seule fois et un décime supplémentaire au profit des départements et des communes. Le Sénat admet le principe d’une taxe unique pour les charbons sans préciser ses modalités68. La taxe sur le chiffre d’affaires préoccupe aussi la Chambre : Armand Charles de Baudry d’Asson, député de Vendée (centre droit), demande sa suppression pure et simple. En avril 1923, Jean de Tinguy du Pouët, également député de Vendée, suggère de lui substituer une taxe à la production, dite taxe préalable, qui s’appliquerait à tous les produits et marchandises livrés au commerce, à l’exception des blés et des monopoles d’État. En décembre 1923, Camille Chautemps, radical, dépose un nouvel amendement introduisant une taxe unique sur le charbon. L’amendement est renvoyé à la commission des Finances69. Deligne soumet alors aux députés un projet de taxe sur le charbon extrait ou importé de 1,60 %. Les députés ramènent le taux à 1,10 %, malgré l’opposition du ministre. La réforme de la taxe est également suggérée par Auriol, qui préconise de la remplacer par de nouveaux droits de succession. D’autres recommandent de la remplacer par un impôt direct basé sur les signes extérieurs. La TCA ne doit sa survie qu’à l’obstination du ministre des Finances qui refuse de priver le Trésor d’un apport annuel de plus de trois milliards de francs. Le changement s’impose sous le Cartel avec l’adoption d’une taxe unique sur le charbon et sur les viandes.
25La commission Martin, a plus de succès lorsqu’elle propose de transformer l’impôt direct. L’arrêté du 21 juillet 1923 confie la réforme à une commission qui se consacre d’abord à la définition du régime fiscal de la petite industrie et du petit commerce, puis qui se charge ensuite des grandes entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 1,5 millions de francs70. Cette commission est composée de hauts fonctionnaires, de parlementaires et de représentants des chambres de commerce et des organisations patronales. Le délégué général de la CGPF est Alexandre de Lavergne, maître de requêtes au Conseil d’État. Ses travaux conduisent à la loi du 16 avril 1924 modifiant le régime fiscal du petit commerce et de la petite industrie. Le décret du 9 novembre 1924, adopté par le Cartel, qui précise la procédure introduite ne modifie pas la philosophie dessinée sous le Bloc national71. Les dispositions de la loi changent le régime du « droit » au forfait dispensant les titulaires de chiffre d’affaires inférieurs à 120 000 ou à 30 000 francs suivant leur type d’activité de fournir des justifications à l’administration72. Dans le système antérieur, la tenue d’une comptabilité ou d’un livre spécial est obligatoire pour tous, mais la loi de 1924 en dispense ces forfaitaires dès que leur demande écrite de forfait est acceptée par le directeur de l’administration compétente73. Selon la loi, les forfaits sont conclus au cours d’une discussion entre le redevable et le service local s’il relève des Contributions indirectes, ou par écrit sinon. Dans ce dernier cas, le directeur notifie à l’assujetti le montant du chiffre d’affaires retenu et celui de l’impôt ou bien, si sa demande est rejetée, il lui soumet une autre proposition par lettre recommandée dans un délai précisé. Le forfait est arrêté pour deux ans à partir du 1er janvier 1925 et renouvelé par tacite reconduction, sauf dénonciation par l’une des parties. En cas de désaccord avec l’administration, le contribuable peut se pourvoir devant une commission spéciale siégeant au chef lieu de chaque département. Cette commission présidée par un conseiller de préfecture désigné par le préfet réunit les chefs des Contributions directes, indirectes et de l’Enregistrement et trois membres désignés par les chambres de commerce, ou à défaut par le ministre du Commerce74. Un dernier recours auprès du Conseil d’État est prévu dans les cas extrêmement rares d’excès de pouvoir ou de violation de la loi. Contrairement aux textes antérieurs, le chiffre d’affaires retenu n’est plus simplement arrêté selon le chiffre exact des affaires réalisées l’année précédente, mais il est évalué. Le bénéfice considéré est calculé en attribuant à ce chiffre d’affaires des coefficients établis par des commissions spécialisées composées de rapporteurs désignés par les professions et nommés pour trois ans par arrêté ministériel75.
26Comparé aux textes antérieurs, le régime de 1924 instaure un « système véritablement forfaitaire » qui dispense de la fourniture de pièces justificatives et introduit un forfait facultatif tout en faisant du chiffre d’affaires calculé sur une année civile un critère décisif. Ce système paraît assez injuste puisqu’il écarte d’office du forfait les entreprises soumises aux obligations de communication prescrites par la loi de 1867. En réduisant au maximum les obligations comptables de 1,6 million de petits commerces et de petites industries, il tente de pallier l’incapacité des régies d’exercer un contrôle efficace sur les déclarations de bénéfices réels (on ne compte que 982 inspecteurs) et des entreprises de fournir une comptabilité régulière.
27Les résultats des tentatives de réformes sont limités par les restrictions budgétaires introduites par la loi du 22 mars 1924, et confirmées par Frédéric François-Marsal, ministre des Finances du Bloc la veille de la formation du gouvernement Herriot le 15 juin 192476. Coupant le Bloc de ses assises électorales, ces restrictions suscitent de vives tensions au sein des organisations patronales.
Les divisions des organisations patronales
28Les principales organisations patronales affinent leur expertise pour démontrer à quel point la volonté d’augmenter le poids des impôts est néfaste ou pour contrer certains desseins. Les différences de stratégies et d’orientation se manifestent ouvertement au sujet des discussions des projets de réformes fiscales. Par ses pratiques d’enquêtes, par son argumentation technique et par son accord sur l’orientation générale des changements introduits depuis la guerre77, l’UIMM fait figure d’exception. Alors que les chambres de commerce ne s’en préoccupent plus ouvertement, la contribution sur les bénéfices de guerre continue de l’intéresser. Ses positions sont présentées au ministre des Finances en juin 192278. La délégation de l’UIMM critique le refus des contrôleurs et des commissions du premier degré d’autoriser les entreprises à évaluer leurs participations industrielles à une valeur inférieure à leur valeur d’achat, alors que « cette dévalorisation » est parfaitement « justifiée par la situation de fait ». Elle condamne aussi le flou des termes de la loi du 1er juillet 1916 concernant la révision des amortissements, les modalités d’évaluation des capitaux engagés dans les entreprises implantées dans les régions libérées et le mode de calcul des capitaux nouveaux investis pendant la guerre. De Lasteyrie rassure la délégation en indiquant qu’il refuse que cette contribution « créée de graves difficultés financières aux entreprises » et en lui demandant de lui exposer des cas concrets pour qu’il intervienne. L’expertise de l’Union est ainsi sollicitée par le ministre. En juillet 1922, l’UIMM demande à nouveau de mieux prendre en compte les amortissements. Elle réclame une détaxe pour les contribuables qui n’auraient pas dégagés des bénéfices suffisants au 1er semestre 1920, dernier exercice d’application de la loi sur les bénéfices de guerre, permettant de déduire la totalité des suppléments d’amortissements auxquels ils ont droit79. Une note générale contenant de nombreux cas concrets étaye son argumentation. Les changements politiques interrompent les négociations. En mars 1923, l’Union rejoint la majorité des organisations patronales réclamant au gouvernement de se consacrer à l’équilibre budgétaire sans recourir à de nouveaux impôts et de réaliser les modifications nécessaires pour dégager des économies et résorber la fraude. En revanche, ni l’Union, ni la CGPF80 ne souscrivent aux démarches des chambres de commerce réclamant la généralisation du forfait et le remplacement de la discussion avec le contrôleur par la définition d’un coefficient unique basé sur les signes extérieurs pour les commerçants81. La chambre de Bordeaux cherche à influencer les discussions sur la réforme du forfait. Elle organise une enquête afin de connaître l’opinion des commerçants de la région sur la question et conclut que la procédure retenue favorise « l’immixtion d’agents de l’administration » dans l’entreprise et qu’elle doit être modifiée82. De nombreux facteurs comme la nature des réformes suggérées, la taille ou le statut des affaires, familiales ou non, la forme juridique, le secteur d’activité ou le lieu d’implantation, déterminent les positions des organisations patronales83. Leur stratégie résulte d’un jeu compliqué dont la logique ne peut pas toujours être reconstituée. On en distingue grossièrement deux : l’une défensive et favorable à un retour au système fiscal d’avant-guerre et l’autre offensive, passant par l’amélioration des relations avec les autorités politiques et fiscales et par l’expertise. La plupart des chambres de commerce demandent toujours de revenir au système d’avant la guerre, « simple dans sa conception et dans son application » et permettant à chacun de contribuer aux charges de l’état « selon ses moyens en dehors de toute inquisition84 ». Elles jugent le principe de la déclaration contraire à la liberté individuelle. Celle de Bordeaux souhaite retrouver les anciennes contributions (mobilières, portes et fenêtres, patentes) « assorties des coefficients appropriés85 ». Certains projets comme celui de reverser aux agents du fisc une partie des amendes collectées au titre de l’impôt ne sont évoqués que par les institutions consulaires qui le critiquent86. D’autres comme la taxe unique sur le charbon suscitent l’hostilité de l’UIMM, représentant des entreprises dotées de circuits longs, alors que les représentants du petit patronat la soutiennent. Pour l’UIMM, cette taxe compliquerait la loi « car les commerçants vendant à la fois du charbon et d’autres marchandises » pourraient frauder facilement « en imputant dans leur comptabilité la majeure partie de leurs opérations au compte du charbon détaxé87 ». En pénalisant « les grandes industries », la taxe pèserait sur « tout le pays », alourdissant les prix de revient des industries utilisatrices de charbon et obligeant les petits consommateurs à le payer plus cher. L’UIMM dénonce plus généralement l’introduction d’un « impôt de consommation » porteur d’un « danger véritable » puisqu’une fois admis, il pourrait subir toutes les « augmentations qui paraîtraient utiles ». Elle maintient donc ses pressions contre la taxe unique88.
29Son conseil de direction suit également les travaux de la commission d’étude sur le régime fiscal de la grande industrie89. Il relaie les plaintes des entreprises dénonçant les exigences croissantes des contrôleurs des Contributions directes qui réclament une « déclaration circonstanciée d’après une formule déterminée » pour calculer leur bénéfice réel90. L’Union demande d’encourager l’harmonisation des pratiques des entreprises et soumet à la commission d’étude plusieurs propositions permettant de simplifier les évaluations et de mieux répartir la charge fiscale. Elle présente trois solutions en décembre 1923. La première consiste à établir un coefficient unique par industrie pour l’impôt basé sur le chiffre d’affaires, la seconde revient à organiser un système d’abonnement des entreprises soumises à l’impôt sur les bénéfices réels d’après le résultat moyen des cinq dernières années, et la troisième propose d’étendre aux sociétés par actions le régime des sociétés minières qui sont imposées d’après le bénéfice distribué91. La CGPF retient l’idée du coefficient unique par profession pour les impositions calculées d’après le chiffre d’affaires, mais insiste davantage que l’UIMM sur la nécessité de tenir compte de la forme de la société pour l’imposition d’après le bénéfice réel. Elle suggère d’autoriser le report des exercices déficitaires en prenant d’abord comme base la moyenne des deux dernières années, puis en arrivant graduellement à celle des cinq dernières années pour les entreprises industrielles. Elle recommande aussi d’imposer les sociétés de capitaux d’après les bénéfices distribués et les tantièmes alloués. Pour étayer son argumentation, la CGPF organise une vaste enquête auprès des groupements professionnels affiliés.
30On remarque qu’aucune de ces organisations ne réclame l’intervention des comptables professionnels dans les réformes fiscales. La profession est en cours de formation.
Le réveil des comptables ?
31Le développement de la profession comptable ne dépend pas seulement de l’évolution de la taille et des formes des sociétés, mais il exige l’intervention des professionnels eux-mêmes92. La loi du 12 mars 1920 rend cette intervention possible en autorisant les professions libérales à former des syndicats pouvant ester en justice et « exclure les professionnels peu scrupuleux93 ». La loi encourage l’essor de plusieurs compagnies. Reymondin, qui est à la fois expert-comptable auprès de la Cour d’appel, vice-président de la Société de comptabilité de France et secrétaire de la Compagnie des experts comptables de Paris, fédère les initiatives en créant une fédération nationale des experts comptables en 1922 qui organise son premier congrès en novembre 1923. La fédération cherche à renforcer les fondations de la profession, mais elle n’a aucun moyen d’imposer la réglementation que plusieurs initiatives visent à introduire. Une première tentative d’unification de la profession apparait au congrès national de comptabilité organisé à Paris en 1924. L’Union nationale des groupements comptables de France présidée par René Delaporte, contrôleur de la comptabilité, en novembre 1925 souhaite réunir les professionnels libéraux et les salariés, mais la création de la Compagnie des chefs de comptabilité de Paris joue dans le sens inverse en regroupant la catégorie particulière des responsables des services comptables d’entreprises. Les rivalités internes freinent les initiatives unitaires. La plus notable oppose la Compagnie des experts comptables de Reymondin à celle des chefs de comptabilité de Paris. Le différend concerne le monopole de la Compagnie en matière de formation et de contrôle de la profession, les « seniors de l’élite » qui la composent sont peu favorables à l’ouverture aux salariés que défend Delaporte.
32La création d’un diplôme d’État suggérée par le ministre de l’Instruction publique au congrès de l’enseignement commercial de Marseille en 1922 vise à clarifier la situation en renforçant l’unité de la profession et sa capacité à s’autocontrôler94. L’idée du diplôme soutenue par Clémentel dès 1917, suscite de vives réticences puisqu’elle est assimilée à un instrument du renforcement de l’emprise de l’État sur la profession et sur l’entreprise95. Pourtant, ses adeptes ne renoncent pas. En janvier 1923, lors du congrès de la formation commerciale, la Compagnie des experts comptables demande à la chambre de commerce de Marseille de former une commission d’examen de neuf membres, dirigée par le président de la région économique et comportant deux membres de la chambre de commerce, qui délivrerait des diplômes d’experts agréés96. La chambre accepte d’examiner le projet, mais elle a contre elle un pré rapport défavorable de Dufour, président du tribunal du commerce, qui considère qu’une « estampille officielle » n’offre pas de garanties suffisantes sur la qualité des promus. L’influence du pré rapport est déterminante. La chambre de commerce rejette la proposition de la Compagnie le 19 octobre 192397. Elle reconnait qu’une commission pourrait apprécier « la compétence du candidat » et « s’assurer de ses connaissances », mais elle lui dénie toute légitimité à accorder « un titre officiel » à un candidat dont elle ne pourrait « garantir durablement l’honorabilité ». La méfiance à l’égard d’un diplôme d’État l’emporte donc98. On la retrouve chez les professionnels réunis autour de revues comme le mensuel La comptabilité et les affaires animé par Berran, membre de la Compagnie des experts comptables, qui tentent pourtant d’unifier la profession99. Les désaccords entre les comptables eux-mêmes sur la nécessité et sur les modalités de l’organisation professionnelle bloquent rapidement les initiatives100.
33Le ministère de l’Instruction publique remet la question de l’organisation de la profession et du diplôme à l’ordre du jour au début de 1924. Un avant-projet de loi reconnaît alors « la réglementation de la profession d’expert-comptable agréé » comme une œuvre d’utilité publique. L’auteur de l’avant-projet est Émile Paris, toujours inspecteur général de l’enseignement technique. Son texte est transmis aux ministères du Commerce et de la Justice qui l’enterrent. Toutefois, la question de la formation des experts comptables reste discutée dans les congrès professionnels comme celui des compagnies d’expert-comptable de France et des colonies de juillet 1924101. Les compagnies soulignent alors la nécessité d’imposer aux professionnels des études théoriques et une longue pratique de la science comptable. Elles suggèrent d’introduire des limites d’âges pour accéder au rang de stagiaire puis d’obliger à un long stage avant d’envisager une titularisation dans le statut. Ces vœux n’ont pas d’effet. La profession des comptables s’étoffe sans réglementation. La concurrence pour la conquête de la clientèle commence à se renforcer, sans régulateur comme l’indique Reymondin :
« [Aux] experts comptables et aux entreprises commerciales d’organisation et de contrôle comptable qui offrent, depuis 1918, leurs services au public […] sont venus s’ajouter des employés ayant quitté prématurément l’administration des Finances pour devenir des conseillers fiscaux […], des agents d’affaire remplissent le même rôle. […] tous ces nouveaux venus, inconnus du monde comptable, qui seraient fort embarrassés de résumer leurs états de services professionnels, ont cru bon de s’intituler experts comptables. Et, par suite d’une déformation déconcertante, commerçants et industriels ne s’aperçoivent même pas de cette usurpation de qualité. Il leur suffirait cependant de se pénétrer que le mot « expert » signifie expérience et « habileté » dans un métier. Donc : connaissances théoriques et spéciales et antécédents techniques102. »
34Ainsi, des questions essentielles pour le développement futur de la comptabilité privée sont posées au cours de la seconde partie de la législature du Bloc national. La nécessité d’accompagner le renforcement de la pression fiscale par l’amélioration de la tenue des comptes est admise, mais elle n’est assortie d’aucun moyen. L’absence d’organisation de la profession comptable et le manque d’unité patronale freinent l’amélioration des pratiques comptables. Cependant, en renforçant les capacités du contrôle fiscal et en le concentrant sur les plus grandes entreprises, les réformes permettent d’envisager une amélioration à plus longue échéance. La technicité croissante des arguments des plus puissantes organisations patronales sur les questions comptables et fiscales témoigne également de l’affirmation d’une nouvelle expertise qui va servir à terme à diffuser l’idée de normalisation.
35Portés au pouvoir par un électorat de petits et de moyens producteurs, les radicaux du Cartel des gauches défendent des positions moins novatrices que les dirigeants de la fin du Bloc national en matière de lutte contre la fraude ou de secret des affaires. Certaines mesures envisagées par le Bloc connaissent alors un début de réalisation et servent l’amélioration des habitudes comptables.
Du Cartel des gauches à la fin de l’Union nationale (juin 1924-décembre 1930)
36Entre la formation du gouvernement Herriot et la chute du ministère Tardieu en décembre 1930, les débats sur les questions comptables s’installent sérieusement au Parlement. Le Cartel stimule les réflexions sur la comptabilité et les propositions favorables à l’essor de la nébuleuse calculatrice, malgré les réticences d’une partie de son électorat face à toute menace d’intrusion étatique dans le domaine privé. Ces réflexions préparent quelques réalisations effectives avec le retour de Poincaré aux Finances en 1926. Trois facteurs concourent à leur succès : l’expérience de la contribution sur les bénéfices de guerre tout d’abord, qui active la reconnaissance de la nécessité de maîtriser les pratiques comptables dans les entreprises et dans les administrations fiscales. Les scandales financiers et politiques ensuite, qui incitent les parlementaires à réfléchir aux moyens de renforcer la protection de l’épargne en améliorant la qualité des contrôles des sociétés et en s’appuyant sur des professionnels. La fuite des capitaux et la spéculation contre le franc, enfin, qui est avérée sous le Cartel, confirment l’exigence de la lutte contre la fraude.
37Malgré ses divisions, la profession comptable bénéficie du courant réformateur puisque le brevet d’expert-comptable est créé en 1927. Les organisations patronales interviennent dans les débats. Les chambres de commerce vont être impliquées dans la réforme du brevet et, désormais en son nom propre et non plus sous la bannière de l’UIMM, la CGPF réussit à faire adopter une circulaire administrative autorisant la réévaluation des bilans. Elle tente aussi de négocier avec le gouvernement pour que l’impôt n’ampute pas le capital productif et que les règles comptables et fiscales de l’évaluation des réserves, des stocks et de l’amortissement soient clarifiées. Pour une partie de ces organisations qui négocient avec les pouvoirs publics, la référence à la comptabilité privée est devenue incontournable.
Nouveaux enseignements de l’expérience de la contribution extraordinaire
38Les ressources procurées par la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre déçoivent, mais l’incontestable richesse de ses enseignements pour les administrations financières et fiscales et pour les assujettis permet d’envisager des réformes importantes. Ce premier impôt sur les bénéfices introduit en France apprend aux administrations comment aborder des dossiers complexes et volumineux. Il donne naissance à une abondante jurisprudence obligeant à préciser des règles comptables essentielles. Le volume des affaires traitées et la lenteur du règlement des contentieux expliquent que l’expérience laisse des traces indélébiles. Au total, entre 1916-1917 et 1930, près de 500 000 cotisations sont établies au titre de la contribution sur les bénéfices de guerre, sur environ 2 millions d’entreprises recensées, et elles rapportent 15 milliards de francs courants jusqu’à l’interruption de la collecte le 30 mars 1940103. 40 % des décisions des commissions sont contestées et les contentieux ne sont pas réglés avant la fin de 1929104. La CSBG a alors traité 68 453 recours sur les 68 554 qui lui ont été soumis105.
39La tentative de récupération des bénéfices de guerre a représenté une charge pour le Trésor puisque le rattrapage des recouvrements des arriérés, qui s’accumulent jusqu’en 1924, n’est rendu possible que par l’augmentation des moyens des commissions et des administrations chargées des dossiers. L’accélération est notable à partir de 1925. A la fin de l’année, la CSBG a statué définitivement sur plus de 18 000 requêtes, alors qu’elle n’en avait jugé que 9 000 en 1924. Au début de 1926, l’immense « majorité des contribuables » a souscrit une déclaration. La jurisprudence, presque toujours favorable au Trésor, définit quelques règles homogènes d’évaluation des bénéfices et des postes du bilan et limite les effets des différences de calcul des commissions106.
40Au terme de la collecte, le total des paiements en francs de 1913 atteint 3,7 milliards, ce qui correspond à 10 % du PNB de 1919 et à 15 % du total de la plus-value dégagée par le secteur privé non agricole (24,9 milliards de francs) de la période107. Cette somme représente 13 points de valeur ajoutée. La ponction frappe les entreprises de façon plus inégale encore depuis que la loi de juin 1920 accepte la soustraction des réserves pour dépréciation du bénéfice retenu. Elle épargne ainsi davantage les industries disposant d’un important capital circulant et frappe durement les industries à fort capital fixe. La taxation est d’autant plus rigoureuse qu’elle ne tient compte ni de la rapide obsolescence des machines, ni de la forte dévalorisation monétaire d’après la guerre. Elle fragilise ainsi des activités essentielles pour la reconstruction et pour la croissance. Certaines entreprises s’y retrouvent pourtant et, s’appuyant sur de solides compétences comptables, profitent des complexités de la loi pour limiter leurs prélèvements108.
41Les contrôleurs des bénéfices de guerre affectés aux vérifications de comptabilité peinent à réagir, puis s’adaptent. Leurs connaissances techniques sont acquises par la pratique. Ce bagage et leurs expériences constituent un héritage précieux que l’inspection des Finances invite à valoriser109. Le rapport de l’inspection sur les travaux des services en 1926 suggère en effet de regrouper les contrôleurs dans un corps spécialisé afin qu’ils transmettent leurs « connaissances techniques » aux autres services des Contributions directes110. Il recommande aussi que les inspecteurs des Contributions indirectes « chargés de l’instruction des dossiers des bénéfices de guerre », et plus largement tous les agents qui ont acquis des compétences « pour vérifier les comptes des sociétés » instruisent « ceux qui n’ont pas coopéré » et qui doivent contrôler les comptabilités des grandes entreprises commerciales pour l’application de la TCA. Cette remarque incite à transférer les agents des Contributions indirectes et de l’Enregistrement aux fonctions de « contrôleurs de comptabilité des assujettis à la taxe sur le chiffre d’affaires » dans les grandes villes dès qu’ils sont déchargés de la contribution extraordinaire (décret du 2 avril 1927)111. Le rapport de l’inspection suggère aussi de prolonger la collaboration entre les régies inaugurée pour la contribution extraordinaire et de laisser poursuivre l’intervention des agents du contrôle au-delà de l’assiette d’un seul impôt. Le renforcement de la collaboration entre les régies est envisagé par la loi du 6 février 1926, mais le règlement d’administration publique qui doit en définir les modalités n’est pas adopté112. Ce blocage ne réduit pas la richesse de l’expérience de la contribution extraordinaire pour l’administration. Le directeur de l’Enregistrement de Lyon par exemple, la juge décisive pour faire prendre conscience des lacunes de l’organisation des services. Il précise même que « seuls les anciens contrôleurs des bénéfices de guerre savent et peuvent » contrôler les déclarations et invite à tenir compte de leur expérience pour encourager les services à améliorer les connaissances et approfondir les vérifications113. Ce constat incite à développer l’enseignement de la comptabilité dans la nouvelle école de formation des agents du fisc à partir de 1927, puis à organiser un service de vérification comptable en 1933114. En attendant, les vérifications de comptabilité restent peu développées et peu prisées par les agents, comme le déplore le rapport de l’inspection des Finances sur l’activité des services en 1928115.
42L’expérience de la contribution extraordinaire dévoile ainsi les difficultés du contrôle des déclarations des assujettis dont les comptabilités sont fantaisistes. Pour limiter la fraude, le gouvernement du Cartel cherche à limiter les facilités accordées en matière de déclaration de bénéfices industriels et commerciaux. Il envisage de remplacer l’évaluation indirecte du bénéfice d’après le chiffre d’affaires par une évaluation basée sur la déclaration pour les non-forfaitaires116. La procédure obligerait les assujettis à fournir au contrôleur des Contributions directes le résumé annuel de leur compte de profits et pertes ainsi que les justifications nécessaires, tout manquement à cette obligation serait taxé d’office. La commission des Finances de la Chambre modère ce projet jugeant impossible de généraliser la comptabilité en partie double qu’exige le compte de profits et pertes117. Considérant que l’appréciation du caractère « suffisant » de leurs déclarations dépend de chaque contrôleur, elle refuse de taxer d’office des contribuables, mais recommande d’autoriser les intéressés à présenter un « état de leurs bénéfices » indiquant leur chiffre d’affaires, leur bénéfice brut, le montant de leurs frais généraux et leur bénéfice net. Pour réduire le risque d’arbitraire, la commission prévoit de limiter les justifications exigées aux « usages de chaque profession ». Elle suggère enfin que la charge de la preuve revienne à l’administration et que les omissions ou les fausses déclarations entraînent la taxation d’office et une majoration de 10 % de la cotisation. Les discussions conduisent à la loi du 4 avril 1926 supprimant le système de l’évaluation des bénéfices par l’application du coefficient au chiffre d’affaires pour les non forfaitaires, et lui substituant le régime de la déclaration du bénéfice réel selon les modalités indiquées par la commission des Finances à partir de 1927118. La loi autorise les forfaitaires qui ne souhaitent pas produire leur comptabilité à se contenter d’indiquer l’ordre de grandeur de leur bénéfice en précisant dans quelle catégorie ils se situent parmi les onze prévus pour le calcul de l’impôt119. Ce choix est offert aux industriels et aux commerçants dont le bénéfice dépasse 50 000 francs, à l’exception des sociétés soumises au droit de communication. Les contribuables souhaitant être taxés selon le bénéfice réel en informent le contrôleur des Contributions directes trois mois après la promulgation de la loi. Le mode de taxation choisi est conservé cinq ans. Au terme de l’échéance, le changement doit être demandé par courrier. En confirmant le caractère peu contraignant du forfait, la loi tient compte des difficultés des petits et moyens producteurs et commerçants, mais elle ne les encourage ni à améliorer leurs pratiques comptables, ni à accepter de se plier à des normes. La procédure n’est plus modifiée avant 1934120. Certains réclament pourtant de réduire ses exigences.
43Attribuant l’insuffisance « notoire » du rendement de l’impôt sur les BIC à l’inefficacité du système de la déclaration obligatoire pour la taxation du petit commerce, l’ancien ministre des Finances de Lasteyrie recommande un système complètement forfaitaire pour cette catégorie dans un article du quotidien national Le Temps de novembre 1928121. Les radicaux socialistes et les socialistes rejettent cette proposition au nom de la justice fiscale. Le directeur général des Contributions directes, qui confirme pourtant la faiblesse du rendement de l’impôt, refuse également cet élargissement considérant que le régime des déclarations non contrôlées permet à certains d’échapper à l’impôt aux dépens d’autres catégories122. Plusieurs propositions de loi déposées au Parlement vont plutôt dans le sens d’un renforcement des exigences comptables.
Multiplication des projets en faveur de la comptabilité privée
44La plupart des débats parlementaires concernant la comptabilité des entreprises sont provoqués par des radicaux et par des socialistes. Un premier projet de réforme est déposé en 1921 par Henry Fleury-Ravarin, député du Rhône affilié à l’Union républicaine, qui souhaitait légiférer sur l’établissement des sociétés par actions et réglementer les bilans123. L’accélération de l’évasion fiscale sous le Cartel et de nouveaux scandales financiers servent l’idée d’une réglementation comptable. Déposée le 25 février 1926, la proposition de loi de Jean-Louis Chastanet, député SFIO de l’Isère, ancien syndicaliste des PTT, suscite alors le plus de réactions124. Elle vise à réformer le commissariat aux comptes en révisant la loi de 1867 sur les sociétés anonymes et à réglementer les bilans et la profession d’expert-comptable en créant un registre des comptables reconnus comme professionnels, en dotant les associations professionnelles locales de pouvoirs disciplinaires exercés sous le contrôle du ministère du Commerce et en accordant à ses membres le monopole des audits. La commission du commerce de la Chambre qui examine le projet accepte l’idée d’instituer « un corps d’experts comptables », mais refuse d’obliger les sociétés à choisir leurs commissaires aux comptes parmi ces professionnels dont l’effectif est jugé insuffisant125. Le député Gabriel Angoulvant fait un rapport sur la proposition Chastanet qu’il dépose en novembre 1927126. Il rejette ses propositions accusant Chastanet de vouloir remplacer le « régime actuel fondé sur la liberté pour les sociétés » et sur « la responsabilité » des commissaires aux comptes par « l’établissement d’un monopole » au profit d’associations obligatoires « dépendant étroitement de l’administration ». Il réfute la sentence de Chastanet concluant à l’inefficacité des commissaires car il considère que la vérification approfondie des écritures et des livres comptables auquel se livrent des nombreuses sociétés fiduciaires facilite « singulièrement » leur tâche127. Angoulvant réfute aussi la critique accusant les comptables de connivence avec les sociétés auxquelles ils permettent d’échapper à la contribution sur les bénéfices de guerre. Selon lui, le faible rapport de cette contribution ne tient pas à la fraude, mais à la conjoncture économique. Pour conclure, Angoulvant indique que « l’infinie variété » des sociétés anonymes et le manque de professionnels empêchent d’envisager toute uniformisation des bilans. Ces débats confrontent les partisans et les adversaires du renforcement du contrôle de l’État sur les comptabilités des entreprises128. La chambre de commerce de Marseille par exemple se prononce contre l’idée « d’un bilan unique » et l’obligation de recruter les commissaires aux comptes parmi les comptables dans un rapport établi par Maurice Hubert, son trésorier, en 1926129. Elle reconnaît en revanche la nécessité d’organiser la profession des experts comptables agréés et celle de « concevoir » une présentation homogène des comptes « suivant certaines règles » librement appliquées pour faciliter la lecture et la comparaison des bilans. Un autre rapport établi en 1927 par la chambre de commerce de Lyon et largement diffusé rejette en revanche toute perspective d’uniformisation des bilans, mais défend l’idée de « favoriser la création et le fonctionnement, en pleine liberté, de compagnies d’expert-comptable bien réglementées et offrant des garanties générales qui fassent rechercher leur concours130 ».
45Le décret du 22 mai 1927 qui créé le brevet d’expert-comptable reconnu par l’état et réglemente l’accès à la profession répond à certaines de ces suggestions131. Il conditionne l’obtention du brevet à la réussite d’un examen préliminaire donnant accès à un stage de formation de cinq ans, puis à un examen final. Le stage doit être effectué chez un expert-comptable désigné par le ministre du Commerce, sur sa demande et après enquête, et qui apparaît sur la liste publiée au Journal officiel. L’examen final sanctionne la formation du stagiaire et lui donne le titre d’expert-comptable que délivre la Compagnie des experts comptables. Le décret retient une mesure provisoire pour cinq ans en acceptant d’accorder ce brevet aux experts comptables en exercice depuis au moins cinq ans et pouvant justifier de leur situation par le versement de la patente. Les experts retenus sont sélectionnés par une commission administrative132. Ce décret est bien accueilli. Pour le ministre du Commerce et de l’Industrie, il « consacre, réglemente et protège » le titre d’expert-comptable, mettant un terme à « l’abominable abus des officines de démoralisation fiscales et des entreprises de fraude fiscale133 ». Selon la CGPF, il va favoriser la reconnaissance de la profession et « la clarification des comptes134 ». Même si elle condamne toute volonté d’attribuer un monopole aux experts comptables brevetés en matière de commissariat aux comptes, la chambre de commerce de Paris approuve également le décret135. Pour certains experts comptables en revanche, le texte est insuffisant. Reconnaissant qu’il améliore les perspectives d’évolution de la comptabilité privée, Reymondin et Sénéchal, deux experts de renom, recommandent d’attribuer aux experts comptables les charges des commissaires à un congrès d’experts comptables de juin 1927136.
46La nécessité d’améliorer la protection des actionnaires et le contrôle des sociétés et de lutter contre la fraude fiscale incite à prolonger la réforme. En décembre 1928, lors de la discussion du projet de loi sur l’adoption du report déficitaire à la Chambre des députés, Paul Ramadier (SFIO) fait un véritable plaidoyer en faveur de la comptabilité privée137. Considérant que l’augmentation des rentrées fiscales dépend de l’amélioration des outils comptables, il rejette tout report des pertes antérieures sur les bénéfices imposés qui ne seraient pas attestées par des « comptabilités régulières et complètes » dont les termes seraient définis dans le cadre de la loi. Ramadier suggère d’obliger les grandes affaires à tenir une comptabilité en partie double et réclame l’intervention de l’État pour imposer la réforme. Il recommande aussi d’approfondir le changement initié par la création du diplôme d’expert-comptable en créant une « école supérieure de la comptabilité » formant des professionnels présentant des garanties de « probité et d’indépendance », et de créer comme en Angleterre « une sorte d’ordre national des comptables publics » placé sous la surveillance du ministère public et exerçant une discipline professionnelle rigoureuse. Le discours applaudi à plusieurs reprises, ne provoque aucun changement. Le 20 décembre 1928, Chastanet dépose une nouvelle proposition de loi visant à renforcer les critères de sélection des commissaires aux comptes138. Reymondin la soutient ouvertement139. Le texte est renvoyé à la commission du commerce et de l’industrie puis transmis à la commission des Finances de la Chambre qui « ne juge pas utile de présenter un rapport à son sujet ».
47L’opposition à la réglementation des bilans et au changement de statut des commissaires aux comptes est renforcée par les divergences suscitées par l’application du décret de 1927140. Les critiques les plus virulents à l’encontre du brevet se groupent autour de Delaporte et de l’Union des groupements des comptables de France et des colonies141. L’arbitraire des commissions de sélection des experts reconnus parmi ceux qui sont en activité et l’éviction « de professionnels de qualités » est patent142. Les 40 000 chefs de comptabilité de France se sentent condamnés par le système qui favorise « le malthusianisme de la profession » au profit des 1 500 experts professionnels existant dont l’effectif est « notoirement insuffisant ». Seule une infime partie des 30 000 spécialistes se définissant comme comptables profite du décret du 22 mai 1927143. La création du certificat d’aptitude professionnel en 1928, l’institution du diplôme d’État de comptable professionnel en 1931 et la création par le CNAM de l’institut de technique comptable, complétant la préparation au diplôme dispensée par la Société de comptabilité de France et incluant dans la définition du comptable ceux qui enregistrent les comptes à partir du décret du 26 octobre 1931, ne ressoudent pas la profession144.
48Cette désorganisation n’encourage pas les administrations financières et fiscales à recourir aux services d’experts comptables, alors qu’elles pourraient les considérer comme des auxiliaires145. Pour plusieurs directeurs des contributions, le Trésor n’a même « rien à gagner » d’une généralisation des règles comptables tant que « le chiffre de vente ou les stocks resteront invérifiables146 ». Il n’est donc pas surprenant qu’en 1929 le directeur général des Contributions directes refuse d’accorder des baisses d’impôts aux entreprises qui appliquent les règles de la comptabilité commerciale, comme le suggère un projet de réforme. Acculé par les scandales financiers, le gouvernement s’empare de la question. Le décret du 5 février 1929 confie l’examen de la protection de l’épargne à une commission interministérielle présidée par Henry Chéron, ministre des Finances radical. La commission écarte les « redoutables » suggestions de réglementation des bilans des sociétés déposées par Fleury-Ravarin ou Chastanet, mais elle recommande d’obliger les sociétés à déposer leur premier bilan au greffe du tribunal de commerce puis à établir leurs bilans suivants sur le même modèle. Concernant les modifications à apporter à la loi de 1867, la commission retient le principe du renforcement du droit de contrôle des actionnaires, et suggère de choisir au moins un des commissaires parmi les experts comptables brevetés. La timidité de ses conclusions n’épuise pas les débats. Un projet de loi plus radical préconisant une complète refonte du régime des sociétés et l’organisation d’un « Conseil supérieur des banques, bourses et sociétés » pour codifier des documents types et obligatoires est déposé par Auriol en janvier 1929147. Le conseil central de la CGPF s’inquiète alors et invite ses membres à « user de leurs relations » auprès de la commission Chéron pour accélérer les discussions au Parlement afin de contrer ce projet148.
L’organisation patronale, témoin engagé des débats comptables
49Plusieurs organisations professionnelles développent une expertise comptable et fiscale en réaction aux débats parlementaires. Pourtant, on trouve peu de références à la comptabilité ou à la technique comptable dans les « informations pratiques » basées sur la « connaissance exacte des faits » publiées dans La production nationale, le bulletin de liaison de la CGPF à partir de décembre 1924149. Le bulletin apparaît davantage comme un organe de propagande diffusant les principales revendications de la Confédération que comme un véritable instrument d’échange et de liaison ouvert aux confrontations d’idées150. Son argumentation devient comptable lorsqu’il s’agit de demander au fisc de faciliter l’adaptation des entreprises à la forte dévalorisation monétaire constatée depuis la guerre. La CGPF fait connaître par son bulletin les initiatives des organisations patronales du Nord, puis du Comité central de la laine en juillet 1925, qui sollicite l’expertise de Pierre Bayart, professeur de législation financière à la faculté libre de Lille, pour s’informer des effets des fluctuations monétaires sur les bilans. Son conseil central souhaite établir une doctrine générale sur la question151. Il prescrit pour cela aux groupements professionnels d’organiser une enquête interne sur les difficultés rencontrées pour traiter les affaires à terme et sur les moyens employés pour les résoudre152. L’enquête est dépouillée en décembre 1925, ses résultats ne permettent pas de proposer une stratégie commune153. L’Union textile négocie séparément avec l’administration des Finances les aménagements fiscaux nécessaires pour limiter les effets des fluctuations des cours des matières premières154. En 1926, les entreprises du textile sont autorisées à constituer une provision pour fluctuation des cours hors de toute taxation. L’année suivante, elles peuvent évaluer leurs stocks de matières premières, non pas au prix de revient ou au cours du jour comme il est d’usage, mais en prenant comme base une moyenne de cours antérieurs à 1914, majorée du coefficient de dépréciation du franc par rapport au dollar et en pratiquant une décote de 20 % maximum155.
50À la demande de la chambre de commerce de Lille en avril 1926, Bayart consacre un nouveau rapport à la question de l’amortissement. Il conforte les positions patronales et invite l’administration à ne plus lever l’impôt sur des « bénéfices fictifs » en permettant aux entreprises d’effectuer des amortissements correspondant au moins à la valeur de remplacement156. L’administration fiscale ne change pas de pratiques puisque plusieurs des enquêtes effectuées auprès de groupements témoignent de l’insuffisance des taux d’amortissement retenus en détaxe. Ainsi, avec un taux d’amortissement de 10 % pour le matériel et de 5 % pour les bâtiments en 1929 correspondant aux valeurs généralement admises par le fisc, le secteur de la bonneterie par exemple reste confronté à de grosses difficultés pour renouveler ses machines157. La fréquence des « frictions entre le fisc et les contribuables » incite l’administration à demander à la CGPF d’organiser une autre enquête sur l’amortissement auprès des groupements professionnels158. La Confédération interprète la faiblesse du nombre des réponses obtenues comme le signe de la volonté des industriels de préserver leur « liberté de discuter de ce qui les concerne » avec le fisc159. Ce modus vivendi est conservé, mais il ne résout pas la question plus large de l’adaptation des bilans aux fluctuations monétaires160. Poussée par les débats parlementaires sur la réévaluation des bilans et craignant qu’ils ne relancent les idées de réglementation comptable, la CGPF fait campagne pour condamner l’obligation161.
51Ses hésitations initiales sont balayées par la dévaluation du franc le 25 juin 1928162. La CGPF réclame alors que les entreprises puissent réévaluer leurs immobilisations en fonction de la nouvelle valeur du franc et qu’elles puissent aussi effectuer des amortissements déductibles de l’impôt sur les bénéfices dans leur bilan réévalué. Le 6 juillet 1928, Léon-Dufour signale que la plupart des députés radicaux et radicaux socialistes soutiennent l’idée d’une réévaluation obligatoire des bilans163. Deux sous-commissions parlementaires sont chargées d’examiner la question. L’une, dirigée par le député Catalan s’occupe des bilans en général et l’autre, confiée à Pierre Cot, député radical de Savoie figurant parmi les « jeunes Turcs », s’intéresse à leur réévaluation potentielle. L’intérêt des parlementaires pour la comptabilité privée inquiète la CGPF qui y voit « le prélude à de nouvelles taxes » et l’annonce d’un renforcement des contrôles sur les sociétés. En réaction, son conseil central se rapproche du ministère des Finances et prépare un contreprojet basé sur des études techniques démontrant les méfaits de l’obligation. La question de la réévaluation des bilans est largement évoquée par la presse pendant l’été 1928164. L’intérêt des parlementaires pour la question persiste. Au conseil central du 19 octobre 1928, Léon-Dufour indique que le groupe socialiste a déposé une proposition de loi précédée d’un exposé des motifs très complet qui envisage d’imposer la réévaluation des bilans et de percevoir « un impôt de plus-value au tarif de base de 15 % » qui serait progressif. Il ajoute qu’une autre proposition visant à modifier la loi de 1867 a été déposée par Daladier le 29 juin et qu’elle va être discutée. Ce projet suggère d’introduire dans le Code du commerce une liste précise des principaux postes du bilan, d’imposer aux entreprises un minimum de règles comptables et d’exiger qu’elles établissent une « liste complète de leurs créances avec indication des débiteurs et des créanciers ». La CGPF négocie avec les directions financières et fiscales attachées au principe de la réévaluation facultative des bilans la rédaction d’une circulaire qui, diffusée le 25 janvier 1939 court-circuite les projets parlementaires165.
52La circulaire autorise les entreprises à réévaluer leurs bilans et leur concède un régime fiscal de faveurs pour les plus-values obtenues166. Le régime fiscal envisagé permet à l’entreprise de calculer ses amortissements sur la nouvelle valeur comptable dégagée. En contrepartie, il l’oblige à faire ressortir les résultats de la réévaluation de son bilan et à fournir au fisc un état détaillé des immobilisations et des amortissements réévalués. La circulaire joue un rôle pionnier puisqu’elle « établit une doctrine » alors que les idées sur le régime fiscal des amortissements et des plus-values sont encore imprécises167. Même si elle ne simplifie pas radicalement les pratiques comptables, elle constitue « un puissant moteur de normalisation des comptabilités » à la veille de la crise des années 1930168. Sa rédaction témoigne aussi de l’efficacité de la CGPF comme groupe de pression pour contrer des projets de réformes comptables plus générales. Elle montre la réalité de l’engagement de certaines organisations patronales dans la recherche d’une plus grande efficacité économique. Cet investissement se manifeste aussi à travers leur implication dans les études sur la rationalisation.
53La participation de la CGPF à la formation puis à l’activité d’organismes voués à la rationalisation est connue169. Elle contribue à la création de la Commission générale de l’organisation scientifique du travail (CEGOST) pour stimuler « l’augmentation du rendement de la production française » en 1926170. La Commission joue un rôle pionnier en matière de diffusion des pratiques de calcul des prix de revient comme en témoigne la notoriété du rapport du lieutenant colonel Rimailho du 31 mai 1927 établi en son sein171. D’autres organismes sont liés à l’UIMM. Il en est ainsi du Comité national de l’organisation française (CNOF), « né de la fusion du Centre d’études administratives », formé de disciples d’Henri Fayol, « et de la Conférence de l’organisation française172 ». L’UIMM finance son bulletin mensuel à partir d’octobre 1926173. Le Comité cherche avant tout à abaisser les prix de revient et à adapter les « principes de la rationalisation aux situations » des entreprises. En 1928, il se dote d’une section comptable dirigée par Gabriel Faure. Ses travaux aboutiront à séparer les calculs de coûts de la comptabilité générale174. Comme les autres foyers de la rationalisation, le CNOF est un lieu d’échange et de réflexion qui relie les représentants du patronat et les comptables professionnels. L’institut d’organisation commerciale et industrielle, créé par la Chambre de commerce de Paris en mars 1929, et auquel adhérent le CNOF, la CEGOST et le service de l’OST de l’UIMM, constitue un autre lieu de rencontres. Sa fusion avec le centre de diffusion de l’organisation et de préparation aux affaires donne naissance au bureau de recherche industrielle et commerciale, puis au Centre de Préparation aux Affaires (CPA) doté d’une école d’application en 1930175. Pierre-Ernest Dalbouze, directeur de la Chambre syndicale des mécaniciens, vice-président de l’UIMM176 et membre du conseil de direction de la CGPF177, dirige son conseil d’administration. L’organisation de l’enseignement revient à Louis Danty-Lafrance, maître de conférences titulaire de la chaire d’enseignement et d’organisation scientifique du travail du CNAM178. Le réseau est étroit, les relations entre ses membres sont peu régulières et ses frontières sont poreuses, ce qui incite à évoquer plutôt une nébuleuse, mais il favorise la diffusion de l’idée de calcul auprès des responsables des groupements patronaux et des dirigeants des entreprises. En 1929, le choix d’Auguste Detœuf, administrateur délégué d’Alsthom, pour remplacer Louis Breguet démissionnaire, à la présidence de la CEGOST ajoute une nouvelle figure à cette nébuleuse calculatrice179. Ces nouveaux foyers de réflexion et d’enseignement sur la gestion et la comptabilité apparaissent en marge des structures officielles d’enseignement destinées à former les cercles dirigeants de l’économie.
54Au tournant des années 1930, la CGPF affirme donc son expertise en matière comptable et fiscale. Sa participation au développement des foyers d’études sur la rationalisation la met en relation avec des réseaux modernisateurs où les comptables ont leur place. Le secteur textile représenté par l’UIT démontre aussi ses capacités d’analyse et de négociation puisqu’il obtient avant les autres des mesures spéciales en matière d’évaluation des stocks. Sa capacité de négociation et l’efficacité de son expertise en font une référence précieuse pour la Confédération patronale en matière fiscale. L’effet de cette spécialisation est durable puisque vingt ans plus tard, les spécialistes des questions fiscales du CNPF viendront toujours du textile.
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55Les années 1920 marquent ainsi l’affirmation d’un nouveau compromis en faveur de « la France des chiffres ». Plusieurs organisations professionnelles représentant le commerce et l’industrie affichent une capacité d’expertise fiscale et comptable qui en fait des interlocuteurs reconnus par les directions et les administrations fiscales et par les autorités politiques, tandis que d’autres se replient sur des intérêts catégoriels. L’apprentissage du principe déclaratif ouvert par la guerre s’accélère avec les premières interventions de l’état dans l’organisation de la profession comptable et dans l’évaluation des éléments des bilans. La mise en place d’un système fiscal à deux vitesses concentrant les contrôles sur les plus grands producteurs limite la mémoire fiscale du ministère à un groupe privilégié d’industriels sans inciter la majorité des producteurs et des commerçants protégée des contrôles à modifier ses habitudes. Ce dualisme fiscal complique le système qui distingue déjà les entreprises selon la nature de leur activité (impôts sur les bénéfices agricoles – BAC, sur les bénéfices industriels et commerciaux, ou sur les bénéfices non commerciaux – BNC) et selon la forme des sociétés freinant l’harmonisation des comptabilités. Le compromis autour de l’imposition forfaitaire est pourtant confirmé par le Bloc national et par le Cartel des gauches. Par ses pratiques, le Bloc met en évidence l’importance de l’aiguillon fiscal pour la progression de la comptabilité privée. Par ses projets, le Cartel révèle l’existence de forces politiques déterminées à accélérer les progrès de la comptabilité des entreprises pour améliorer l’équité fiscale et défendre les intérêts des épargnants. Si les réalisations du Cartel sont rares, les idées qu’il impulse sont prometteuses : écornant le secret des affaires, renforçant l’emprise du fisc sur les assujettis et le poids des règlements publics dans la gestion des firmes. Elles sont combattues avec efficacité par la majorité de l’électorat radical et par la plupart des organisations patronales, mais leurs empreintes sont durables puisque la réforme de l’enseignement de la comptabilité et la consolidation des contrôles fiscaux des grandes entreprises comme les propositions de Chastanet restent d’actualité bien après l’effondrement du Cartel. Les idées introduites deviennent les mots d’ordre des députés socialistes, et parfois des radicaux les plus novateurs, qui déposent des projets de lois visant à réformer l’organisation de la comptabilité. L’élan aboutit aussi à la constitution de groupes de réflexion et de formation qui mêlent les comptables et les représentants des organisations patronales et dont l’action sera décisive pour la réglementation ultérieure. La dégradation de la situation économique et le retour de l’instabilité après l’échec d’André Tardieu ouvrent une toute autre période.
Notes de bas de page
1 Aimée Moutet, Les logiques de l’entreprise. La rationalisation dans l’industrie française de l’entre deux guerres, Paris, EHESS, 1997, p. 42 et CAEF B 33 988. Budget de 1930. Discussion générale (1929). Loi du 4 avril 1926 réformant l’impôt sur les BIC.
2 Huit ministres des Finances se succèdent entre la chute du premier gouvernement Herriot en avril 1925 et la formation du gouvernement Poincaré qui marque le retour de la stabilité en juillet 1926. Poincaré cumule les Finances et la présidence du Conseil jusqu’en novembre 1928.
3 C. Omnès, « Le patronat et l’impôt entre les deux guerres… », op. cit., p. 308. Remarquons cependant que la détente de la pression fiscale n’est que relative puisque c’est en 1920 et 1921 que les prélèvements au titre de la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre sont les plus élevés.
4 CAEF B 33 971. Réformes fiscales. Projets et discussions parlementaires (1919-1920). Chambre des députés annexe au PV de la séance du 29 avril 1920. Projet de loi présenté par Deschanel et François-Marsal, op. cit.
5 CAEF B 43 148. Caisse des dépôts et consignation. Commission de surveillance-Documents (1921-1926). Examen des crédits provisoires applicables au premier trimestre 1920.
6 CAEF B 33 971. Projets de réformes fiscales (1920-1924). Intervention d’Auriol à la Chambre des députés, 12 avril 1920.
7 CAEF 4 A 1. IGF. Rapports de l’inspection des Finances. Rapport sur les travaux effectués au cours de l’année 1920. Travaux des Contributions directes, p. 8-13.
8 CAEF B 43 148. Caisse des dépôts et consignation. Commission de surveillance - Documents. Direction générale de l’Enregistrement. Texte non signé du 24 juin 1921.
9 Idem. Sénat. Annexe au PV de la séance du 22 avril 1920, exposé des motifs de la proposition de loi ayant pour objet la création d’une direction d’études et d’organisation financières présentée par Sarraut et de Monzie.
10 Non signé, « L’impôt sur le chiffre d’affaires en France et à l’étranger », BSLC, second trimestre 1943, p. 153-168. Le taux retenu est modéré : 1,10 % à l’origine, puis 2 %.
11 CAEF B 26 637. Organisation du jury national des marchés de guerre (1952-1953). Conseil d’État. Note sur l’organisation du jury.
12 AUIMM. PV des réunions du conseil de direction des 16 novembre et 14 décembre 1920.
13 CAEF B 43 169. Marchés de la guerre. Sénat. Annexe au PV de la séance du 8 juillet 1921. Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi adopté par la Chambre des députés concernant la révision des marchés de guerre, présenté par le sénateur Simonet.
14 Idem. Sénat. Annexe au PV de la séance du 17 février 1925. Second rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi adopté par la Chambre concernant la révision des marchés de guerre, présenté par le sénateur Morand.
15 CAEF B 43 202. Fiscalité. Législation fiscale. Taxes sur l’enrichissement. Contribution extraordinaire sur les accroissements de fortune réalisés pendant la guerre. Note pour la direction du contrôle sur les projets d’impôts sur les accroissements de fortune réalisés durant la guerre, signée par le conseiller d’État, directeur général, 18 décembre 1919.
16 Idem. Bureau central de la direction du ministère des Finances. Projet de texte sur la contribution extraordinaire sur les accroissements de richesse réalisés dans la période comprise entre le 1er janvier 1914 et le 31 décembre 1919, 2 avril 1920. L’inventaire des fortunes envisagé n’est pas réalisé avant l’application de l’impôt de solidarité nationale établi après la Seconde Guerre mondiale.
17 Id. Direction générale des Contributions directes. Note pour le président de la commission des Finances de la Chambre, 2 janvier 1920.
18 CAEF B 43 148. Caisse des dépôts et consignation. Commission de surveillance – Documents (1921-1926). Sénat. Annexe au PV de la séance du 7 juin 1921, rapport présenté par Henry Chéron au nom de la commission des Finances du Sénat sur le projet de budget de 1921. Texte renvoyé à la commission des Finances.
19 Idem. Direction de l’Enregistrement. Réactions à la proposition de créer une direction d’étude et d’organisation financière présentée par les sénateurs Sarraut et de Monzie le 22 avril 1920, signé par le directeur général de l’Enregistrement, 23 novembre 1921.
20 D. Fraboulet : Quand les patrons s’organisent…, ouvr. cit. D. Fraboulet souligne les liens entre Doumer et l’UIMM : haut fonctionnaire colonial, député radical de l’Aisne en 1888 et 1890 (exclu du parti radical en 1905), sénateur de Corse entre 1912 et 1931, président du Sénat et président de la République, Doumer est un ami de Robert Pinot. Il appartient au conseil de direction de l’UIMM dont il devient vice-président en 1911, p. 129-130 et p. 133.
21 CAEF B 43 148. Caisse des dépôts et consignation. Commission de surveillance - Documents (1921-1926). Rapport sur la réorganisation administrative adressé au président de la République, 12 octobre 1921.
22 Idem.
23 Id. Conclusion des travaux des trois séances de la commission (25 juin, 29 juin et 22 juillet 1921) remise au ministre le 5 août 1921.
24 Id. Direction de l’Enregistrement. Réactions à la proposition de créer une direction d’étude et d’organisation financière présentée par les sénateurs Sarraut et de Monzie le 22 avril 1920, texte signé par le directeur général de l’Enregistrement, 23 novembre 1921.
25 C. Omnes, « Le patronat et l’impôt entre les deux guerres… », op. cit.
26 CCB 71/MI 68. Lettres et mémoires de la chambre de commerce de Bordeaux, Bordeaux, Imprimerie nouvelle F. Pech et Cie, 1918. CR de l’Assemblée des présidents des chambres de commerce du 25 juin 1917, p. 319-326. Un échange de vues « sur les dangers d’une intervention » croissante de l’État est engagé.
27 ANMT 75 AS 5. CGPF. CR de la réunion du conseil central du 13 mars 1925. A 85 ans, Henry Darcy, premier président de la CGPF, devient président d’honneur. Il est remplacé par René-Paul Duchemin.
28 D. Fraboulet, Quand les patrons s’organisent…, ouvr. cit. Darcy est un ancien auditeur au Conseil d’État et « connaît bien les rouages de l’administration, le langage, les concessions indispensables à faire », p. 138.
29 C. Druelle-Korn, « Le temps de la guerre, un temps d’expérimentation pour l’État et les producteurs : retour sur la création de la Confédération générale de la production française », dans Michèle Saboly et Ludovic Cailluet (dir.), Conflits, Toulouse, 2003, Presses de l’université de Toulouse, p. 395-407, p. 395.
30 Ibid., p. 405.
31 ANMT 75 AS 5. CGPF. CR de l’assemblée générale du 20 mars 1925. L’organisation initiale est modifiée au cours de cette assemblée générale. Un bureau composé du président de la CGPF et des quatre vice-présidents élus par le conseil ainsi que du secrétaire et du trésorier devient l’organe agissant.
32 Entré à l’inspection des Finances en juin 1913, Marie Léon-Dufour démissionne en janvier 1920 et se met à la disposition de la CGPF, d’abord ponctuellement puis à plein temps. Il devient secrétaire général de la CGPF en 1928.
33 D. Fraboulet : Quand les patrons s’organisent…, ouvr. cit. Selon l’auteure, l’UIMM exerce une influence prépondérante sur la CGPF après sa création par l’intermédiaire d’Henri Darcy, de François de Wendel et du baron Charles Petiet. L’UIMM fournit les neuf dixièmes de ses fonds avec le comité des houillères et l’Union des industries chimiques.
34 D. Fraboulet, « Le patronat de la métallurgie et l’État 1901-1945 », dans Jean Garrigues (dir.), Les groupes de pression dans la vie politique contemporaine en France et aux États-Unis de 1820 à nos jours, Rennes, PUR, 2002, p. 193-206, p. 194.
35 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction du 17 février 1920.
36 Idem. Réunion du 3 juillet 1920 et du 18 octobre 1921. « Bien de ces textes n’aient pas été consacrés par le Sénat l’administration a prescrit à ses agents de ne plus insister sur le paiement de l’impôt pour les affaires exécutées avant le 1er avril, mais de le réclamer par contre pour les affaires exécutées après cette date. »
37 Id. « C’est pourquoi bien que reconnaissant tous les inconvénients de la mesure proposée par Doumer, l’Union a jugé préférable de ne pas formuler a priori contre le principe d’une modification du taux de l’impôt sur le chiffre d’affaires une opposition formelle, se réservant d’ailleurs de discuter de près le quantum et les modalités de cette modification le jour où le Parlement paraîtra disposé à l’envisager. »
38 Id. Réunion du 17 octobre 1922.
39 Id. Réunion du 14 novembre 1922.
40 Nicolas Delalande, « Statistiques fiscales, inégalités sociales et espace public (1901-1940) », dans B. Touchelay et Philippe Verheyde (dir.), La genèse de la décision, chiffres publics, chiffres privés dans la France du XXe siècle, Paris, Bière, 2009, p. 159-176.
41 D. Fraboulet, « L’UIMM et l’information économique », intervention au séminaire de recherches en histoire économique, Histoire sociale et politique de l’économie. XIXe-XXe siècles, École normale supérieure, Paris : « Patronat et information économique au XXe siècle », février 2005.
42 CGE. Rapport du conseil d’administration. Assemblée générale du 20 décembre 1921, p. 4.
43 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction du 18 mai 1920.
44 BNF. ANEE, « Notre programme », L’Expansion économique, juin 1917, p. 1-2.
45 BNF. « Chronique de l’association », L’Expansion économique, novembre décembre 1919, p. 74.
46 Ibid., février 1920, p. 33.
47 BNF. « Chronique industrielle et commerciale », L’Expansion économique, février 1920, p. 2 et 4.
48 CAEF B 43 149. Principes de l’impôt. Impôts nouveaux. Direction générale de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre. Délibération de la chambre de commerce de Flers relative à différentes questions fiscales transmise au directeur du contrôle des administrations financières et de l’ordonnancement, 15 novembre 1921. Le texte est également communiqué au président du Conseil, aux ministres du Commerce, des Finances et du Budget et aux députés et sénateurs de l’Orne.
49 CCB 71/M1 70. Extrait des PV. Lettres et mémoires de la chambre de commerce de Bordeaux, Bordeaux, 1919, Imprimerie nouvelle F. Pech et Cie, 1920, p. 379.
50 CCIM MF 2313/052. CR des travaux de la commission de législation (mars 1914-décembre 1927). Séance du 24 février 1922.
51 Ingo Kolboom, La revanche des patrons. Le patronat face au Front populaire, Paris, Flammarion, Jeanne Etoré (trad.), 1986, p. 75-76.
52 Y. Lemarchand, « Style mercantile ou mode des finances, le choix d’un modèle comptable dans la France d’Ancien Régime », Annales HSS, 1995, no 1, p. 159-182.
53 Karine Fabre, « L’influence de l’évolution des modes de financement des entreprises sur le modèle comptable français (1890-1939). Le cas de Schneider et l’Air Liquide », doctorat en sciences de gestion dirigé par Jacques Richard, université Paris Dauphine, 2008, p. 94-97.
54 B. Touchelay, « La comptabilité et l’expertise… », op. cit.
55 CAEF B 15 609. Contribution extraordinaire. Instruction d’une demande en détaxe. Dossier individuel concernant le Comptoir industriel du coton. Pièces jointes au rapport des vérificateurs du 2 mars 1926, manuscrit. Lettres de Marcel Boussac du 29 octobre 1920 et du 31 mars 1921.
56 BNF. Émile Paris, « Les lois fiscales et le contrôle comptable », L’Expansion économique, janvier 1920, p. 23-36, p. 24. Rappelons que l’enseignement technique est attaché au ministère du Commerce jusqu’aux années 1920.
57 Gabriel Faure est une référence incontestable parmi les comptables. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages abondamment réédités comme : Éléments de commerce et de comptabilité, Paris, Masson et Cie, 1897 ; « Organisation d’un service de comptabilité », Mon bureau, 1912, p. 331-334 ; Comptabilité générale, Paris, Masson, 14e édition, 1924 ; Cours de comptabilité, Paris, Éditions Masson, 9e édition, 1930 ; voir A. Fortin, « The 1947 Accounting Plan… », art. cit. Gabriel Faure a été le premier auteur à proposer un modèle de cadre comptable décimal [« a modern decimal accounting chart »] en 1909, p. 8.
58 L.-A. Léautey, A. Leseurre, La taxation des bénéfices de guerre et l’unification des bilans…, ouvr. cit.
59 CAEF B 33 995. Budget. Loi du 22 mars 1924. Économies et nouvelles ressources fiscales. Projets (1923-1924). Direction générale des Contributions directes. Note du 29 février 1924 envoyée à la commission des Finances du Sénat le 6 mars 1924. Réactions des chambres de commerce. Correspondance.
60 C. Omnès, « Le patronat et l’impôt entre les deux guerres… », op. cit. « De 1923 à 1928, l’état des finances publiques impose un effort fiscal considérable : un surplus de 6 milliards est dégagé en 1924, puis plus de 7 milliards entre décembre 1925 et août 1926. Et en 1927 et en 1928, la charge fiscale atteint des niveaux jamais atteints : 14,4 % et 14,9 % du revenu national », p. 308. Notons que le résultat du calcul de la charge fiscale doit être interprété avec précaution en l’absence d’évaluation rigoureuse du revenu national.
61 CAEF B 43 157. Législation fiscale. Mesures à prendre contre les fraudes fiscales. Circulaire ministérielle, 3 février 1922.
62 Idem. Direction de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre. Mesures propres à améliorer le rendement des impôts et revenus publics recouvrés par l’administration, circulaire adressée aux directeurs des départements signée Deligne, 13 février 1922.
63 CAEF B 43 358. Direction générale des Contributions directes, de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre. Service de l’Enregistrement. Note non signée.
64 Idem. Les règles de la répartition du fonds pour la TCA ne seront pas précisées avant la décision ministérielle du 24 août 1928.
65 CAEF B 33 995. Budget. Projets (1923-1924). Direction générale des Contributions directes. Examen des articles du projet de loi ayant pour objet la réalisation d’économies, la création de nouvelles ressources fiscales et diverses mesures d’ordre financier, articles votés par la Chambre des députés, 29 février 1924. Texte envoyé à la commission des Finances du Sénat le 6 mars 1924 qui devient la loi du 22 mars 1924.
66 CAEF B 43 157. Législation fiscale. Mesures à prendre contre les fraudes fiscales. Note de la direction générale des Contributions directes adressées à l’Enregistrement et répondant à la demande de renseignements sur les mesures législatives et réglementaires adoptées depuis le 1er janvier 1922 pour améliorer l’assiette et le recouvrement de l’impôt, 14 mai 1923.
67 BNF. Non signé, « Législation. L’impôt sur le chiffre d’affaires devant la Chambre », La production nationale. Bulletin mensuel de la CGPF et du Comité national français de la Chambre de commerce internationale (CCI), Imprimeries J. Brard, Méru (Oise), janvier 1924, p. 11-21.
68 Ibid.
69 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction du 18 décembre 1923.
70 Idem. Réunion du 16 octobre 1923.
71 CAEF B 58 846. Réformes fiscales. Historique sur le forfait. Assiette forfaitaire de l’impôt. La procédure d’évaluation du forfait est établie par le décret du 9 novembre 1924, p. 9.
72 Idem. Le seuil du chiffre d’affaires, inférieur à 120 000 francs ou à 30 000 francs, correspond à l’objet principal de leur entreprise selon qu’elle vend des marchandises ou fournit des services. Pour bénéficier du régime du forfait, le contribuable doit en faire la demande écrite à l’administration compétente qui est tenue de l’accepter si les seuils de chiffres d’affaires sont respectés.
73 Id. Le seuil maximal de chiffre d’affaires est porté à 200 000 et à 40 000 francs selon la catégorie des contribuables par la loi d’avril 1924, puis à 300 000 francs et à 40 000 francs, par la loi du 26 mars 1927 suivant que l’objet principal de l’entreprise est de vendre des marchandises ou de fournir des services.
74 CAEF B 33 993. Réformes fiscales. Projet de loi portant fixation du budget général de l’exercice 1936, observations sur l’amendement présenté par Joseph Denais, député, p. 12.
75 BNF. « Commission des coefficients », La production nationale, février 1925, p. 54-100. L’arrêté nommant les rapporteurs à la commission sera publié au JO du 8 janvier 1925, p. 71.
76 CAEF B 43 157. Législation fiscale. Mesures à prendre contre les fraudes fiscales. Direction générale de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre. Notes pour la discussion de la commission des Finances du Sénat, 10 mars 1924. Frédéric François-Marsal est le dernier ministre des Finances du Bloc national, en fonction du 29 mars au 14 juin 1924.
77 C. Omnès, « Le patronat et l’impôt entre les deux guerres… », art. cit., p. 305-306.
78 Archives de l’UIMM. PV des réunions du conseil de direction. Réunion du 13 juin 1922.
79 Idem. Réunion du 18 juillet 1922.
80 BNF. « Le régime fiscal du petit commerce et de la petite industrie (loi du 16 avril 1924, JO du 17 avril) », La production nationale, mai 1924, p. 15-17.
81 CAEF B 33 995. Budget. Loi du 22 mars 1924. Économies et nouvelles ressources fiscales. Projets (1923-1924). Direction générale des Contributions directes. Chambre de commerce de Brive, délibération de la séance du 1er février 1924. Texte envoyé à toutes les chambres de commerce de France ; délibération de la société pour la défense du commerce et de l’industrie de Marseille, 26 janvier 1924.
82 CCB 71/M1 70. Extrait des PV. Séance du 14 novembre 1923, Lettres et mémoires de la chambre de commerce de Bordeaux, Bordeaux, Imprimerie nouvelle F. Pech, 1924, p. 545-559.
83 Ces affirmations se basent sur une documentation qui est loin d’être exhaustive et de couvrir l’ensemble des organisations patronales. Elles ne valent que pour la CGPF, l’UIMM et les chambres de commerce qui, outre Bordeaux et Marseille dont les archives ont été consultées, ont laissé des traces au CAEF.
84 CAEF B 57 744. Fraudes fiscales. Bordereau et carnet de coupons. Extrait du registre des délibérations. Chambre de commerce d’Angers et du Maine-et-Loire, séance du 6 mars 1923. Texte transmis au ministre des Finances par le préfet le 11 avril 1923.
85 CCB 71/M1 70. Extrait des PV. Séance du 25 avril 1923, Lettres et mémoires de la chambre de commerce de Bordeaux, Bordeaux, Imprimerie nouvelle F. Pech, 1924, p. 225-227. Les chambres de commerce d’Auch, de Brive et de Marseille défendent les nouvelles taxes contrairement à celle de Bordeaux ; Séance du 23 mai 1923. Examen du projet présenté par la chambre de commerce de Poitiers sur le régime fiscal qui s’inspire des principes auxquels s’est ralliée la chambre de Bordeaux : « Suppression de l’inquisition fiscale et des impôts à base de déclaration, retour aux impôts réels basés sur les signes extérieurs de richesse », ce « système aurait pour corollaire une économie budgétaire appréciable puisque la suppression complète de la déclaration et de l’inquisition » éliminerait « du même coup les fonctionnaires chargés du contrôle ». La commission de législation de la chambre de Bordeaux émet un avis favorable sur ce rapport qu’elle transforme en délibération, p. 267-270.
86 CAEF B 57 744. Fraudes fiscales. Direction générale de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre. Réponses du directeur général aux demandes de députés et de sénateurs reprenant les vœux de chambres de commerce et tendant à la suppression de plusieurs dispositions du projet de budget de 1923, 12 juillet 1922, Documents dactylographiés transmis par des sénateurs et provenant des chambres de commerce de : Blois, Carcassonne, Le Mans, Nancy, Poitiers, Quimper.
87 AUIMM. Réunion du conseil de direction. Réunion du 17 avril 1923.
88 Idem. Réunion du 18 décembre 1923.
89 Id. Réunion du 15 janvier 1924.
90 Id. Réunion du 16 octobre 1923.
91 BNF. « Action générale de la Confédération. Compte rendu du conseil central du 18 décembre 1923 », La production nationale, janvier 1924, p. 5-9.
92 Karine Fabre, « L’influence de l’évolution des modes de financement des entreprises sur le modèle comptable français (1890-1939). Le cas de Schneider et l’Air Liquide », doctorat en sciences de gestion dirigé par Jacques Richard, université Paris Dauphine, novembre 2008, p. 154.
93 C. Bocqueraz, « The professionalisation project… », op. cit., p. 30.
94 Ibid., cite Berran, « Le contrôle de la comptabilité dans les sociétés anonyme », extrait de La comptabilité et les affaires, janvier 1922, p. 22-30, cité note 44, p. 194.
95 Id., p. 176 et suivantes.
96 CCIM MF 2313/052 CR des travaux de la commission de législation. Séance du 19 janvier 1923.
97 Idem. Séance du 19 octobre 1923.
98 CCIM MK 72/033 Archives. Experts comptables (1903-1980). Rapport de Maurice Hubert, membre trésorier de la chambre de commerce, adopté à la séance du 23 novembre 1926.
99 C. Bocqueraz, « The professionalisation project… », op. cit., p. 176 et suivantes.
100 Ibid., p. 32.
101 CCIM MK 72/033 Archives. Experts comptables (1903-1980). Proposition de loi tendant à la réforme des commissaires des comptes dans les sociétés anonymes, à la réglementation des bilans et à la réglementation de la profession d’expert-comptable présentée par Jean-Louis Chastanet, député SFIO. Chambre des députés, sessions de 1926, annexe au PV de la séance du 25 février 1926, p. 274-278. Exposé des motifs. Réglementation de la profession des comptables, p. 20.
102 C. Bocqueraz, « The professionalisation project… », op. cit., p. 172. Citation de Reymondin (1928), p. 41-42.
103 P.C. Hautcoeur, « Taxation and accounting… », op. cit. L’auteur reprend ici la thèse de S. Grotard, p. 4.
104 B. Touchelay, « D’une sortie de guerre à l’autre : de l’impôt sur les bénéfices de guerre (1916) à la confiscation des profits illicites (1944-1945), l’État a-t-il appris à compter ? », dans L’épuration économique en France à la Libération, Rennes, Marc Bergère (dir.), PUR, 2008, p. 33-50.
105 CAEF B 28 446. Renseignements statistiques divers. État de situation des travaux de la commission supérieure (1917-1927). Renseignements destinés au Budget.
106 CAEF B 33 987. Budget de 1929. Ministère des Finances, discussion générale (1928-1929). Ouverture et annulation de crédits sur l’exercice 1929. Note. Renseignements adressés à Maurice Palmade, ministre du Budget du gouvernement Chautemps du 21 février au 2 mars 1930, non daté.
107 S. Grotard, P. C. Hautcoeur, « Taxation of corporate profits,… », op. cit., p. 16.
108 B. Touchelay, « La comptabilité et l’expertise… », art. cit.
109 CAEF B 43 156. Direction de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre. Note sur la tournée de l’inspection des Finances de 1925, 8 mai 1926 et copie du rapport de l’inspecteur général des Finances Souclier sur la vérification des comptabilités commerciales pour l’établissement des impositions confiées aux Contributions directes, aux Contributions indirectes et à l’Enregistrement et sur la formation des agents.
110 CAEF 4 A 1. IGF. Rapports de l’inspection des Finances sur les travaux de l’année 1926, 23 avril 1928, p. 39.
111 Arrêté du 2 avril 1927 pris en exécution du décret du 31 décembre 1926, JO du 12 janvier 1927, p. 39.
112 CAEF B 43 148. Caisse des dépôts et consignation. Commission de surveillance - Documents. Études sur la fusion des services des Contributions directes et de l’Enregistrement. Loi publiée au JO du 7 février 1926 ; décret-loi soumis par Poincaré au président de la République au sujet de la fusion des administrations des Contributions directes et du Cadastre d’une part, de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre d’autre part.
113 CAEF B 43 156. Direction de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre. Département du Rhône, section de Lyon. Réponse du directeur à la demande de renseignements de l’inspecteur général des Finances Souclier sur l’activité des services, signé Depralon, 11 septembre 1925.
114 Frédéric Tristram, « L’administration fiscale et l’impôt sur le revenu dans l’entre deux guerres », études et documents, XI, CHEFF, 1999, p. 211-242. « Après leur admission au concours de recrutement les surnuméraires suivent un enseignement théorique de six mois, subissent un premier examen et vont compléter leur formation par un stage pratique dans les divisions territoriales. Un nouvel examen consacre leur entrée définitive dans l’administration active, au grade de contrôleur. Cette école, située à Lyon, est, jusqu’en 1934, une école commune aux agents des Directes et de l’Enregistrement. », p. 233-234.
115 CAEF 4 A 1. IGF. Rapports de l’inspection des Finances sur les travaux de l’année 1928.
116 CAEF B 33 981. Budget. Préparation, discussions (1924-1925). Chambre des députés. Projet de loi portant fixation du budget général de l’exercice 1925 envoyé à la commission des Finances du Sénat le 13 mars, 6 mars 1925.
117 Idem. Chambre des députés. Séance du 19 février 1925, JO du 20 février, p. 1011.
118 CAEF B 33 988. Budget de 1930. Discussion générale (1929). Note de Borduge, directeur général des Contributions directes, sur le projet de loi portant fixation du budget de l’exercice 1930, 25 mars 1930.
119 Idem. La loi du 4 avril 1926 remplace le régime de l’évaluation des bénéfices par l’application d’un coefficient au chiffre d’affaires par celui de la déclaration du bénéfice réel pour les non forfaitaires et introduit le système des catégories pour les forfaitaires à partir de 1927.
120 L’accélération de la fraude conduit alors à rendre le forfait obligatoire.
121 CAEF B 33 987. Budget de 1929. Ministère des Finances, discussion générale (1928-1929). Texte extrait du quotidien du 3 novembre 1928.
122 Idem. Notes sur l’équilibre budgétaire et sur les dispositions fiscales. Direction générale des Contributions directes. Note sur les modifications apportées par la commission des Finances de la Chambre au projet de budget de 1929, 12 novembre 1928.
123 Sur les détails de ce projet, voir Y. Lemarchand, « De l’Ordonnance de 1673 au plan comptable 1947, la lente émergence de la doctrine comptable française », Storia della Ragioneria, 1998, p. 29-56.
124 Proposition de loi présentée par Jean-Louis Chastanet, », JO, Chambre des députés, documents parlementaires, 25 février 1926, no 2668, p. 274-278, Exposé des motifs. Projets divers de réformes, p. 9.
125 BNF. « Compte rendu du conseil central du 17 juin 1927 », Production nationale et expansion économique, juillet 1927, p. 963-1022, p. 965.
126 Chambre des députés. Rapport présenté par le député Angoulvant, JO Chambre, document parlementaire, JO, 17 novembre 1927, p. 248-252. Gabriel Angoulvant est un administrateur colonial, ancien gouverneur de l’AEF et de l’AOF, élu député de l’Inde française après sa retraite et son retour en métropole en 1924 et affilié à la gauche radicale. Il fait plusieurs rapports concernant l’outre mer et son expérience de gestionnaire permet de supposer qu’il a pu rédiger ce rapport sur la proposition de Chastanet.
127 C. Bocqueraz, « The professionalisation project… », doctorat, op. cit., p. 126.
128 Ibid., p. 246.
129 CCIM MK 72/033 Archives. Experts comptables (1903-1980). Rapport de Maurice Hubert adopté à la séance du 23 novembre 1926, Marseille, SA du Sémaphore de Marseille, 1926, p. 7.
130 Idem. Chambre de commerce de Lyon. Rapport de M. Soulier sur la proposition Chastanet, 10 mars 1927.
131 B. Touchelay, « Analyse d’un discours fondateur : la création de l’ordre des experts comptables et des comptables agréés français, ou comment masquer son âge », Entreprises et Histoire, avril 2006, p. 84-104. Décrets du 22 mai 1927 et du 2 juin et arrêté du 25 mai 1927, JO du 2 juin, p. 5751.
132 René Delaporte, « Il manquait un diplôme à la collection d’État », France comptable, no 16, août 1927.
133 C. Bocqueraz, « The professionalisation project… », doctorat, op. cit. Extrait du discours de Laskine, chef de cabinet du ministre du Commerce et de l’Industrie, représentant le ministre au dîner annuel de la Compagnie des experts comptables de Paris le 9 novembre 1926, p. 42, cité note 6, p. 175.
134 BNF. « Législation », Production nationale et expansion économique, juillet 1927, p. 999.
135 C. Bocqueraz, « The professionalisation project… », doctorat, op. cit., p. 252-253.
136 CCIM MK 72/033 Archives. Experts comptables (1903-1980). Rapport sur la proposition Chastanet relative à la réforme des commissaires aux comptes dans les sociétés anonymes présenté au congrès de la fédération des compagnies d’experts comptables de France et des colonies tenus à Strasbourg en juin 1927 par Reymondin et Sénéchal de la Compagnie des experts comptables de Paris.
137 CAEF B 33 987. Budget de 1929. Ministère des Finances. Discussion générale (1928-1929). Intervention de Paul Ramadier, PV de la séance de la Chambre du 10 décembre 1928.
138 CCIM MK 72/033 Archives. Experts comptables (1903-1980). Chambre des députés. Annexe au PV de la séance du 20 décembre 1928, no 952.
139 Didier Bensadon, « La consolidation des comptes en France (1929-1985) : analyse du processus d’introduction et de diffusion d’une technique comptable », doctorat en sciences de gestion dirigé par Yannick Lemarchand, Université de Nantes, 2007, p. 92-93.
140 Sur les divisions internes à la profession voir Carlos Ramirez, « Contribution à une théorie des modèles professionnels… », doctorat, op. cit.
141 Delaporte est expert-comptable et ancien élève d’HEC. Il dirige la Revue France comptable et la Compagnie des chefs de comptabilité. La bibliographie du catalogue Stevelinck disponible à la Maison des sciences de l’homme de Nantes qui présente ses principaux ouvrages et articles montre qu’il s’agit d’un professionnel reconnu.
142 Voir par exemple R. Delaporte, « Lettre au ministre de l’Instruction publique », et « Il manquait un diplôme à la collection d’État », France comptable, no 16, août 1927, p. 3 et p. 8-10.
143 C. Bocqueraz, « The professionalisation project… », doctorat, op. cit., p. 118.
144 Ibid, p. 91 et A. Fortin, « The evolution of French accounting… », doctorat, op. cit., p. 596.
145 CAEF B 33 987. Budget de 1929. Discussion générale. Direction générale des Contributions directes. Note relative aux modifications apportées par la commission des Finances de la Chambre au projet de budget de 1929, examen des articles concernant les Contributions directes, 12 novembre 1928.
146 CAEF B 43 284. Impôt général sur le revenu. Note du cabinet de la direction des Contributions directes, de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre, pour le ministre, 12 décembre 1929.
147 D. Bensadon, « La consolidation des comptes… », doctorat, op. cit., p. 94.
148 ANMT 75 AS 5 CGPF. CR de la réunion du conseil central du 19 décembre 1930.
149 BNF. « À nos lecteurs », La production nationale, janvier 1924, p. 3-5 ; « Compte rendu du conseil central de la CGPF du 15 décembre 1924, intervention d’Alexandre de Lavergne », La production nationale, janvier 1925. À partir de cette date, la CGPF ne participe plus à L’Expansion économique, l’organe de l’ANEE, même si les deux institutions tentent de conserver des liens puisqu’elles chargent un comité commun de rechercher « une unité de vues interne aux patronats ». Ce comité périclite.
150 BNF. « À nos lecteurs », La production nationale, janvier 1924, p. 3-5.
151 Bayart est consulté à plusieurs reprises par le patronat du Nord. Il est docteur en droit, avocat au barreau de Lille et professeur de législation financière à la faculté libre de Lille. Il est l’auteur de Les effets de l’inflation sur le bilan au point de vue fiscal, Paris, Sirey, 1924 qui est cité lors de la réunion du conseil central du 24 juillet 1925.
152 BNF. « Action de la Confédération. Compte rendu du conseil central du 16 octobre 1925 », La production nationale, novembre 1925, p. 401-452.
153 BNF. « Compte rendu du conseil central du 20 novembre 1925. Marché à long terme et dévalorisation du franc », La production nationale, décembre 1925, p. 453-504.
154 ANMT 1994007 0148. Réévaluation des stocks de matières premières (1926-1934). Supplément au Bulletin de l’Union des Syndicats patronaux des industries textiles de France, 13 novembre 1926. Noté « confidentiel ».
155 CAEF B 28 337. Commission supérieure d’études fiscales. Séances de la sous-commission des impôts directs, février 1947. Lettre adressée au président des syndicats patronaux des industries textiles de France le 14 janvier 1927.
156 ANMT 1994007/007 0223. Syndicat patronal textile de la région d’Armentières. Relations avec le Comité central d’étude et de défense fiscale. Réponse au président de la chambre de commerce d’Armentières au sujet des amortissements, 26 juin 1926. Communication d’une consultation de Bayart du 12 avril 1926 qui rappelle la règle de l’administration : « L’administration n’admet comme amortissement déductible que celui qui représente la reconstitution du prix de revient, mais non celui basé sur le prix de renouvellement. Elle n’admet pas qu’on déduise un amortissement calculé sur le prix de renouvellement parce que d’après elle, cet amortissement ne serait plus simplement la récupération de la dépréciation effectivement subie par le matériel, mais constituerait pour le surplus une réserve de prévoyance qui doit être imputée sur les bénéfices. »
157 ANMT 75 AS 5 CGPF. PV de la réunion du conseil central du 17 mai 1929. Examen des rapports au Conseil national économique sur l’industrie de la bonneterie et sur l’industrie des cuirs et peaux, signé Portal, rapporteur sur la bonneterie.
158 Idem. PV du 11 avril 1930.
159 Id. PV du 16 mai 1930. Intervention d’Alexandre de Lavergne au sujet du calcul des amortissements pour l’assiette de l’impôt sur les BIC.
160 Id. PV du 21 février 1930. Intervention d’Alfred Lambert-Ribot.
161 B. Touchelay, « The revaluation of balance-sheets in France, countable and tax measurement of the XXth century and object of history for the XXIth century », communication au XIe Congrès international des historiens de la comptabilité, Nantes, juillet 2006.
162 ANMT 75 AS 5 CGPF. CR de la réunion du conseil central du 20 avril 1928. Pour Duchemin, la révision des bilans représente une « menace réelle, alors que l’on s’est habitué à des bilans pour lesquels tous les éléments de l’actif ne sont pas calculés sur une même valeur » ; CR de la réunion du conseil central du 16 novembre 1928. Le représentant de l’UIMM, Jean Rey, défend les mêmes arguments au cours d’une réunion provoquée par l’UIMM.
163 ANMT 72 AS 5 CGPF. CR de la réunion du conseil central du 6 juillet 1928.
164 Idem. CR de la réunion du conseil central du 19 octobre 1928.
165 Id. CR des réunions du conseil central du 16 novembre 1928 et du 20 décembre 1929. Circulaire administrative no 3032 du 25 janvier 1930 autorisant la réévaluation des bilans en fonction de la loi monétaire du 25 juin 1928 et fixant les taux et les modalités nécessaires.
166 B. Touchelay, « The revaluation… », op. cit.
167 Maurice Polti, président de l’Association nationale des sociétés par actions (ANSA), « Rapport présenté au nom de la Section du crédit et de la fiscalité au Conseil économique et social », 2 février 1960.
168 CAEF B 28 369. Commission de réforme fiscale instituée le 7 avril 1952. CR des travaux. L’amortissement est calculé selon le prix d’acquisition des objets, et non selon le prix de remplacement. La réévaluation des bilans doit neutraliser les effets de ce mode de calcul en cas de dépréciation monétaire.
169 A. Moutet, Les logiques de l’entreprise…, ouvr. cit., p. 39, 41, 71 et 73.
170 Antoine Weexsteen, « Le conseil aux entreprises et à l’État en France, le rôle de Jean Milhaud 1898-1991 dans la CEGOS et l’ITAP », doctorat en histoire dirigé par Patrick Fridenson, EHESS, Paris, 1999, p. 34-67 ; BNF. « OST. Compte rendu de la séance de la commission du 26 novembre 1926 », Production nationale et expansion économique, janvier 1927, p. 605.
171 BNF. « Enquête sur une étude des prix de revient », Production nationale et expansion économique, juillet 1927, p. 977 ; Y. Lemarchand, « Le lieutenant-colonel Rimailho, portrait pluriel pour un itinéraire singulier », Entreprises et Histoire, no 20, décembre 1998, p. 9-32.
172 R. Boulat, Jean Fourastié, la productivité…, ouvr. cit., p. 50.
173 A. Moutet, Les logiques de l’entreprise…, ouvr. cit., p. 71.
174 A. Fortin, « The evolution of French accounting… », doctorat, op. cit., p. 140-141.
175 A. Moutet, Les logiques de l’entreprise…, ouvr. cit. Le CPA est créé en 1930 par la chambre de commerce de Paris. Il résulte de la fusion de l’institut d’organisation commerciale et industrielle créé en mars 1929, auquel adhèrent le CNOF, la CEGOST et le service d’OST de l’UIMM, et du bureau de recherches industrielles et commerciales créé en 1930, p. 73.
176 D. Fraboulet, Quand les patrons s’organisent…, ouvr. cit. Annexe : Dictionnaire des dirigeants patronaux, CD-ROM. Pierre, dit Ernest, Dalbouze préside le syndicat de la construction mécanique, métallique et électrique (XIIe Groupement de la CGPF) ; il est aussi président des secrétaires généraux des régions économiques et joue un rôle actif dans la création du centre de préparation aux affaires de la chambre de commerce de Paris en 1930 ; il appartient également au conseil d’administration de La Journée industrielle.
177 BNF. « Compte rendu du conseil central du 21 mai 1926 », Production nationale et expansion économique, juin 1926, p. 273-334. Le conseil désigne Dalbouze comme représentant de la CGPF dans la commission centrale siégeant au ministère des Finances en vue de la transformation de la TCA en taxe à la production.
178 A. Moutet, Les logiques de l’entreprise…, ouvr. cit., p. 30.
179 BNF. « Compte rendu de l’assemblée générale du 22 mars 1929. Commission générale d’organisation scientifique du travail », Production nationale et expansion économique, avril 1929.
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