Chapitre I. La contribution exceptionnelle sur les bénéfices de guerre et ses effets immédiats (1916-1919…)
p. 35-64
Texte intégral
1La Grande Guerre n’a pas été préparée. Les mesures nécessaires à la fourniture des armées et au ravitaillement des populations sont prises au jour le jour. Les gestionnaires prennent le pas sur les politiques et les dissensions s’estompent devant l’urgence. La certitude que la guerre sera longue et que son issue dépend des capacités humaines et matérielles mobilisées s’impose rapidement. Cette situation sans précédent donne l’occasion aux industriels de coopérer massivement avec l’État, mais l’administration est rapidement dépassée par l’ampleur de sa tâche et les gaspillages se multiplient. Dénoncés par les parlementaires et par la presse, les enrichissements les plus visibles et les tarifs scandaleux accentuent le sentiment d’injustice à mesure de la prolongation du conflit1. Poussés par l’opinion, les parlementaires proposent d’abord de renforcer le contrôle des marchés de guerre, puis ils suggèrent de s’assurer de leur régularité a posteriori et de taxer leurs bénéfices. La légitimité de ces mesures est difficilement contestable.
2Ces circonstances exceptionnelles facilitent la réforme fiscale et le remplacement des signes extérieurs par la déclaration des assujettis pour établir l’impôt, réclamés de longue date par les radicaux et les socialistes2. La loi du 1er juillet 1916 introduit une contribution exceptionnelle sur les bénéfices de guerre. Le 31 juillet 1917, le Sénat accepte l’impôt sur le revenu, déjà adopté par les députés le 15 juillet 1914. La révision générale des marchés de guerre, recommandée par de nombreux parlementaires, renforce les pressions pesant sur les producteurs. Peu s’interrogent sur les conditions effectives de la réussite des réformes, qui supposent d’organiser de solides instances de contrôle, de s’accorder sur la définition du bénéfice et de permettre aux fournisseurs d’évaluer leurs coûts de production pour justifier leurs tarifs. Ces conditions ne seront pas réunies avant quarante ans.
3Il convient donc de savoir comment les administrations fiscales et les entreprises s’adaptent à la situation de guerre sans modifier en profondeur leurs habitudes comptables, et d’expliquer les motifs de la frilosité de l’État concluant des marchés sans imposer aucune règle pour maîtriser les tarifs ou les recettes des fournisseurs. Il s’agit aussi d’évaluer le poids respectif de la guerre, du manque de volonté des gouvernants, de la faiblesse des administrations et de l’incapacité des comptables à s’organiser en profession, dans cet immobilisme. Il s’agit enfin de montrer pourquoi l’influence de la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre sur la progression de la fiscalité et sur celle des comptabilités privées se prolonge bien après novembre 1918.
Genèse : la condamnation unanime des enrichissements de guerre
4Les abus de certains fournisseurs des Armées et l’impuissance des administrations ne sont pas contestés, mais les vérifications s’avèrent délicates et les redressements difficiles à chiffrer. Les parlementaires proposant de réagir en taxant les bénéfices de guerre et en améliorant le contrôle des marchés méconnaissent les pratiques comptables des entreprises et surestiment les capacités des administrations fiscales. Ils ne prennent pas la mesure des résistances de « la France des mots » contre toute immixtion extérieure dans les comptabilités privées. La révision des marchés et la taxation des bénéfices de guerre qu’ils provoquent constituent une sorte de propédeutique car elle les force à s’intéresser à la comptabilité de l’entreprise, ouvrant ainsi une possibilité nouvelle pour la réglementation.
La révision des marchés de guerre, l’irréalisme en action ?
5Dès le 6 mai 1915, plusieurs députés du groupe socialiste déposent une proposition de loi tendant à réviser les marchés de guerre et à faire restituer à l’État les bénéfices supérieurs à 10 % du prix de revient3. L’Angleterre, où l’excess profits duty, est introduit neuf mois avant la France, est citée en exemple :
« En Angleterre, le gouvernement a pris des mesures préventives que nous regrettons de ne pas avoir vu adopter chez nous. Pour la construction du matériel de guerre et pour les munitions, le gouvernement anglais a imposé aux patrons de mettre leurs usines à l’entière disposition de l’État. Celui-ci a le droit de diriger la fabrication comme bon lui semble, et les patrons ne peuvent en aucun cas et pour aucune raison, recevoir sur les bénéfices un pourcentage supérieur au 10 %, le reste revenant au Trésor. »
6Le seuil de 10 %, justifié uniquement par cette référence à l’Angleterre, apparaît souvent dans les propositions de révision des marchés de guerre ; commode pour les calculs, il frappe l’opinion et l’assure de la réalité de l’abus.
7Pour les députés socialistes, la révision est une opération de justice restituant au Trésor les « gains illicites » de ceux qui ont abusé de l’urgence des besoins pour livrer des marchandises d’une valeur contestable ou exiger des prix hors de proportion. Ses modalités s’inspirent de la loi du 6 avril 1871 chargeant une commission parlementaire de contrôler la régularité des marchés passés par les administrations publiques et de poursuivre les fournisseurs de l’armée qui « volèrent scandaleusement l’État » pendant la guerre contre la Prusse. Les députés précisent que la situation est moins grave en 1915 qu’elle ne l’était alors car les « actes de corruption et de prévarication sont l’exception ». Ils conseillent de limiter les contrôles aux marchés supérieurs à 1 000 francs et de confier les opérations de révision à des commissions paritaires installées dans chaque région de corps d’armée4. L’association du secteur privé aux travaux des commissions qu’ils recommandent ne se retrouve pas souvent dans les projets de révision ou de taxation des bénéfices de guerre.
8Les commissions doivent s’assurer que personne n’échappe au contrôle et signaler au ministère de la Justice les opérations répréhensibles. Les fournisseurs de guerre concernés doivent leur transmettre les pièces comptables ayant servi au calcul des prix de revient et des bénéfices. Le refus de communication ou la production de pièces falsifiées est passible d’une amende égale au double des sommes remboursables à l’État. Les députés renvoient les modalités d’application à un règlement d’administration publique dont les contours ne sont pas précisés. La définition des catégories de marché à réviser et des éléments nécessaires au calcul des prix de revient et des bénéfices réels est donc reportée.
9Outre son imprécision, l’impossibilité de heurter de front l’ensemble des fournisseurs en plein conflit condamne cette proposition. Les autres projets de révision des marchés de guerre soumis au Parlement en 1917 et 1918 échouent également5. Leurs modalités d’application restent floues ou peu réalistes comme en témoigne la proposition du sénateur radical des Basses-Alpes Justin Perchot6. Proche des milieux industriels, Perchot invite à calculer le bénéfice des fournisseurs de l’Armée par marché et à le taxer s’il dépasse un « montant théorique jugé admissible7 ». Ne tenant compte ni de l’absence de comptabilité par marché, ni de l’incapacité des entreprises à calculer un prix de revient type, ce projet est jugé irréaliste par les ministres Louis-Lucien Klotz (Finances) et Louis Loucheur (Armement et fabrications de guerre). Selon eux, les comptables des entreprises sont débordés par l’afflux des commandes et ils ne peuvent se plier aux exigences d’une réforme que l’administration n’a pas les moyens de faire appliquer. Ils recommandent d’attendre la fin du conflit pour établir le bilan global des marchés de guerre, calculer les bénéfices des industriels d’après leurs comptabilités, les contrôler par des recoupements administratifs et taxer ceux qui dépasseraient les bénéfices de leur profession.
10Les obstacles rencontrés par les projets de révision générale des marchés de guerre conduisent les parlementaires à se contenter de vérifier les transactions les plus importantes. Le contrôle est confié à des commissions d’enquêtes formées à la fin de 19158 : celle de la Chambre retient 44 députés et celle du Conseil de la République 36 sénateurs9. Certains rapports des commissions dénoncent de graves préjudices et incitent à réviser les clauses initiales des marchés. Il en est ainsi par exemple du rapport de Paul Mistral, député SFIO de l’Isère, déposé en décembre 1917 concernant les mitrailleuses de la maison Hotchkiss et Cie de Saint-Denis et de Lyon, ou des deux rapports du sénateur Perchot de juillet 1916 et de mars 1917 sur les marchés des projectiles10. Ces constats s’appuient sur les pièces comptables que les entreprises veulent bien transmettre et sur celles des administrations signataires des contrats. Certains concernent de futurs fleurons de l’industrie française consolidant la mémoire fiscale de l’administration, alors embryonnaire, et introduisant parfois une suspicion durable à l’encontre d’un entrepreneur ou d’une entreprise. Les affaires d’André Citroën par exemple, suscitent la méfiance à partir des abus soulignés par le rapport de juillet 1918, établi par le sénateur Aulnoye Milliès-Lacroix, puis par celui de la commission spéciale d’expertise concernant l’organisation de la production de l’arsenal de Roanne. Cette méfiance vaudra plusieurs contrôles à Citroën au moment de l’application de la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre. Les Grands Moulins de Corbeil attirent également l’attention11. Les bénéficiaires des marchés de guerre qui en ont les moyens s’adaptent au renforcement des contrôles en améliorant la tenue de leurs comptes. Ils facilitent ainsi les vérifications, raccourcissent leur durée, et réunissent les arguments nécessaires pour atténuer les prélèvements, ralentir les procédures déclenchées par les commissions de révision et repousser le règlement des pénalités, l’appel au Conseil d’état étant suspensif. Ajoutée à la disparition ou à l’insolvabilité de nombreuses entreprises, cette stratégie est efficace car en 1919 le Trésor n’a pas recouvré la moitié du montant total des pénalités prescrites12.
11La situation est paradoxale puisque chaque tentative de révision des marchés de guerre souligne l’importance des comptabilités privées pour le contrôle sans qu’aucun projet n’envisage de les réglementer. Ce paradoxe est plein de promesses pour les parlementaires avocats d’affaires comme Pierre Etienne Flandin et pour les juristes qui ont des compétences comptables et fiscales. Il incite les fournisseurs de guerre importants, les parlementaires conscients de la gravité des abus et les agents des directions ministérielles à réaliser l’ampleur des obstacles à surmonter pour que l’administration réussisse à trouver et à sanctionner les excès. Le prélèvement de la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre ne les détrompe pas.
La taxation des bénéfices de guerre
12Les 21 articles de la loi du 1er juillet 1916 instituant une contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre introduisent le premier impôt national sur le bénéfice et obligent les entreprises à une confrontation directe avec les contrôleurs du fisc13. Ils visent les bénéfices « anormaux » obtenus par les industriels et par les commerçants (les agriculteurs sont exemptés) entre le 1er août 1914 et l’expiration du douzième mois suivant la fin des hostilités14. Les conséquences de cette loi sur le mode de gestion des entreprises et sur les relations entre les acteurs publics et privés ne sont pas immédiates, elles s’avèrent profondes à moyen terme. Les professionnels de la comptabilité qui l’interprètent comme une première étape vers la généralisation d’un langage normalisé dans les entreprises privées sont vite déçus15. Les modalités d’application en sont bâclées. Le règlement d’administration publique précisant les règles comptables à retenir pour évaluer les opérations soumises au contrôle n’est jamais rédigé. Malgré son incontestable légitimité et sa sévérité, puisque les taux retenus vont de 50 % à 80 % des bénéfices supplémentaires selon les tranches à partir de 1917 (voir infra), le texte ménage les intérêts privés qui influencent ses modalités d’application16.
13Le projet de taxation des bénéfices de guerre retient l’attention des milieux patronaux dès qu’il est évoqué au Parlement en décembre 1915. Comme le montrent les archives de l’UIMM, il est présenté au conseil de direction avant la fin du mois17. Son bien fondé n’est pas contesté, mais l’imposition personnelle et les dangers d’une intrusion administrative dans les comptabilités qu’il suscite éveillent la plus grande méfiance. L’intérêt de l’UIMM pour le débat est double : il tient à l’implication du secteur métallurgique qu’elle représente dans les fournitures de guerre, et au précédent que ses dispositions menacent d’introduire pour le futur impôt sur le revenu. Le conseil de direction recommande de respecter deux principes directeurs pour définir l’impôt : d’abord qu’il frappe la totalité de ceux qui ont travaillé pendant la guerre, ensuite qu’il se base « sur un signe extérieur indicateur de bénéfices » écartant tout risque « d’inquisition » et permettant au contribuable de prouver facilement les erreurs de l’administration. L’indicateur de bénéfices suggéré correspond aux déclarations de chiffre d’affaires et au montant des factures réglées pendant l’année auxquels serait appliqué « un coefficient » représentatif de « la relation entre le chiffre facturé d’affaires et le chiffre de bénéfice imposable ». Ces modalités préservent l’autonomie comptable des affaires privées, habituées à communiquer librement leurs livres de factures, puisqu’elles n’autorisent pas les agents du gouvernement à intervenir au moment de l’établissement du bilan. Le rejet du principe déclaratif dont témoignent ces positions est partagé par de nombreuses organisations patronales. L’UIMM défend ce principe devant Alexandre Ribot, ministre des Finances, mais il n’est pas retenu par le projet de loi gouvernemental créant une taxe extraordinaire sur les bénéfices « exceptionnels » ou « supplémentaires » réalisés pendant la guerre déposé le 13 janvier 1916. L’Assemblée des présidents des chambres de commerce et l’UIMM critiquent fortement ce texte. Elles demandent au Parlement de soutenir le principe de la déclaration facultative et contestent le droit des commissions de taxation de se faire communiquer les documents dont elles ont besoin, le jugeant contraire au respect des libertés individuelles18. Elles réclament en outre que la taxe ne soit pas perçue avant la fin des hostilités et qu’un délai minimum de six mois soit accordé pour exiger la première déclaration. La prise en compte des dépenses liées à la guerre et l’augmentation du nombre d’années retenues pour définir le bénéfice de base (de trois à cinq ans) sont également revendiquées19. Plusieurs chambres de commerce contestent aussi l’exemption des agriculteurs.
14Le 23 février 1916, l’Union des syndicats textiles invite le Sénat à dénoncer à son tour les procédés inquisitoriaux de la déclaration obligatoire menaçant les industriels et les commerçants et « répugnant au tempérament français20 ». La démarche porte ses fruits puisqu’en avril 1916, la commission des Finances du Sénat accepte de discuter son principe et de chercher à éliminer les « mesures vexatoires » et les pratiques « d’inquisition » défendues avec « insistance » par Ribot dans la première mouture du projet21. La fronde des producteurs et des commerçants est ainsi désamorcée. Le 1er juillet 1916, le nouveau projet de loi discuté à la Chambre est adopté par 472 voix contre 3. La contribution qu’il introduit doit rétablir une certaine équité entre les fournisseurs de guerre, calmer les accusateurs des profiteurs de guerre, limiter les abus et préserver les intérêts du Trésor. Malgré son ambition, le texte est incomplet car personne n’envisage d’évaluer le rendement attendu, ni ses répercussions sur la production ou sur le niveau des prix. Ses modalités d’application demeurent vagues. Il y a donc bien eu réforme, mais elle est inachevée tant que les contribuables et les agents du fisc ne s’accordent pas sur les règles comptables employées pour réviser les marchés ou imposer les bénéfices de guerre22. Les circonstances exigeraient une clarification des comptabilités des entreprises, mais seuls quelques comptables en sont conscients.
Un premier pas vers l’obligation comptable ?
15La loi du 1er juillet 1916 est bien perçue par certains professionnels de la comptabilité. Dans l’ouvrage qu’ils lui consacrent en 1917, Louis Léautey et Albert Leseurre, experts comptables, la considèrent comme « un premier pas vers la précision obligatoire du langage comptable23 ». Estimant qu’elle « ouvrira de nouveaux horizons » en obligeant à « préciser ce que l’on entend par bénéfice exceptionnel, par charges de l’entreprise, par réserve ou amortissement » et à reconnaître la nécessité de tenir une comptabilité rationnelle servant de preuve aux agents des Contributions. Les auteurs consacrent un chapitre entier à l’uniformisation des comptes qu’elle va imposer (chapitre iv, « Vers l’unification des bilans des sociétés par actions et même des entreprises privées »). Démontrant que la réglementation des inventaires et des bilans permet d’éviter de longs contrôles, ils en font la clé de toute taxation équitable :
« C’est seulement lorsqu’on obligera les commerçants à présenter clairement leurs comptes et lorsqu’on aura précisé de quelle manière les bilans devront être établis que l’État percevra ce qui lui est dû normalement et que le contribuable ne sera plus exposé à des discussions avec le fisc. »
16Ils préconisent de s’appuyer sur cette loi pour reprendre le combat de leur prédécesseur Eugène Léautey et surmonter le « dédain des universitaires » en donnant « à la comptabilité son rang de science exacte24 ». Il y a fort à faire. Non seulement les comptables ne forment pas une profession reconnue, mais en dehors des sociétés dont les statuts contiennent des dispositions adéquates, les entreprises privées tiennent leur comptabilité sans se plier à aucune règle d’évaluation des actifs. Ce flou, entériné par le code de commerce de 1807 et par la loi de 1867 sur les sociétés, fausse les résultats affichés et déforme leur image comptable. L’abondance et la diversité des propositions de réformes pour améliorer le contrôle des sociétés ou organiser la profession des comptables depuis la fin du XIXe siècle témoignent de certains efforts pour mettre de l’ordre. Les réformateurs de la profession sont des comptables reconnus comme Eugène Léautey25 qui, dans son Traité des inventaires et des bilans publié en 1897, suggère de créer des brevets comptables délivrés par le ministère du Commerce et d’installer une chambre des comptables dont le noyau retiendrait les notabilités de la profession. En 1902, un autre professionnel demande que les experts comptables soient nommés par leurs pairs et que la profession soit fermée aux comptables sans titre. La société académique de France soutient cette proposition en 1904. En 1909, dans Les Techniques de la comptabilité, Maurice Bellom, ingénieur en chef du corps des mines, propose d’instituer des groupements comptables reconnus par l’État et d’obliger les sociétés à y choisir leurs commissaires aux comptes. La Compagnie des experts comptables de Paris défendra aussi ce projet. D’autres préconisent seulement de renforcer les contraintes imposées aux sociétés anonymes en exigeant qu’elles produisent des pièces certifiées par des experts comptables. D’autres encore recommandent d’instaurer un corps de commissaires aux comptes assermentés qui serait représenté dans les différents conseils d’administration. En 1910, Georges Reymondin, alors vice-président de la Société de comptabilité de France, reprend l’idée de créer une chambre des experts comptables dotée d’un pouvoir coercitif.
17En plus d’organiser la profession, de nombreuses voix réclament d’harmoniser les bilans, les exigences de la loi du 24 juillet 1867 s’avérant insuffisantes. Une commission extraparlementaire de juristes et d’économistes est formée en 1902 par Ernest Vallé, ministre de la Justice, pour proposer des modifications à la législation des sociétés par actions. Elle conclut à la nécessité de légiférer pour établir les règles présidant à la confection des inventaires et des bilans de ces sociétés. Puis en mai 1903, elle réfute ce point de vue et rejette toute réglementation, jugeant alors l’uniformisation incompatible avec la diversité des sociétés. La question de la réglementation divise donc les professionnels. Certains comme Maurice Colin, député républicain d’Alger et professeur à la faculté de droit, partisan de l’harmonisation, suggère que les bilans successifs d’une même société soient toujours établis sur le modèle du premier bilan. D’autres, comme Bellom ou la Ligue de la réforme des lois sur les sociétés par actions en février 1912, s’opposent à toute contrainte et ils l’emportent finalement. Les désaccords se retrouvent dans les associations et les compagnies de comptables formées depuis la fin du XIXe siècle. L’Association des comptables professionnels de Marseille apparue en 1897, par exemple, cherche surtout à faire reconnaître et « apprécier » les mérites de ses membres afin que les commerçants cessent de les considérer « comme un rouage inutile et dispendieux26 ». Toutefois, si elle souhaite aussi que le gouvernement intervienne auprès des tribunaux, fasse appliquer les prescriptions du code du commerce relatives aux livres de commerce et aux faillites et oblige les sociétés anonymes à choisir leurs commissaires dans la « corporation des comptables », elle ne préconise aucune harmonisation des bilans. L’absence de doctrine commune dessert la profession comptable. Elle tient à la diversité des situations des professionnels et à l’hétérogénéité de leur formation.
18À l’échelle nationale, la formation est dispensée par la Société académique de comptabilité créée en 1881, reconnue d’utilité publique en 1916 qui devient Société de comptabilité de France, et par la Compagnie des experts comptables de Paris (CECP) établie en 191227. Des associations locales de professionnels les relaient en province. Ces initiatives pallient en partie les carences de la formation publique des écoles secondaires. Depuis 1850, cet enseignement fait la fortune de l’école privée Pigier à Paris. Il relève aussi de nombreuses écoles philotechniques ou polytechniques municipales, souvent soutenues par le petit patronat local, de collèges municipaux de villes comme Lyon ou Paris et de cours du soir. L’enseignement supérieur est développé à partir de la création d’écoles de commerce par les chambres de commerce (l’école des hautes études commerciales – HEC – de Paris est créée en 1881) et de l’institution d’un professorat (1895)28. L’introduction d’un enseignement des techniques comptables dans les écoles d’ingénieurs créées par les chambres de commerce depuis la fin du XIXe siècle ne suffit pas à élargir l’offre de formation29. La guerre stimule le développement de ces enseignements, à Marseille par exemple une section de haut enseignement commercial est rattachée à l’Institut technique supérieur fondé par la chambre de commerce en 1917. Ouvert en 1919, l’Institut doit « former un personnel de choix pour la direction des grandes entreprises30 ». La technique commerciale et comptable en constitue la matière principale.
19La rareté et la dispersion des lieux de formation à l’expertise et aux techniques et pratiques comptables expliquent la faiblesse de l’effectif des professionnels, et surtout celle des comptables indépendants : selon Le Bottin, ils ne sont que 270 à Paris en 1910 et 283 en 1920, alors que le nombre de firmes commerciales augmente fortement entre ces deux dates. Dans ce contexte, ni le dynamisme des revues spécialisées, ni le succès de certains ouvrages31 ou des congrès nationaux et internationaux de comptabilité32, ne peuvent asseoir durablement l’emprise sociale de la profession. La comptabilité ne fait pas partie du bagage intellectuel des dirigeants d’entreprises ou des responsables politiques formés avant 1914. Les futurs patrons et les futurs parlementaires ne fréquentent pas les mêmes lieux de formation que les futurs experts comptables et ils ont peu de raisons de les côtoyer. Ces conditions participent à la faible reconnaissance des professionnels de la comptabilité33 et au désintérêt pour leurs pratiques34. Elle anéantit les espoirs de ceux qui pensaient que la guerre et la contribution extraordinaire aboutiraient à la réglementation des comptabilités privées. Le changement est trop brutal, le terreau trop peu travaillé pour induire une transformation radicale des pratiques.
Une réforme inachevée
20Ni les administrations chargées d’appliquer la loi sur les bénéfices de guerre, ni les responsables politiques qui l’ont introduite ne se donnent les moyens de l’adapter aux capacités réelles des entreprises et des administrations. Quelques parlementaires dénoncent ces lacunes et contribuent à faire progresser l’idée d’une harmonisation des comptabilités, sans toutefois parvenir à l’imposer. On les trouve dans les rangs de la SFIO avec Paul Mistral, pour qui « la liberté laissée aux contribuables de la présentation de leurs comptes » est une explication majeure des difficultés des contrôles35, et surtout avec Vincent Auriol, futur expert des questions financières et fiscales du parti, critiquant les incohérences de la loi de juillet 1916. Les autres courants politiques ne tirent pas de conclusions aussi radicales des difficultés rencontrées pour limiter les enrichissements de guerre. L’harmonisation comptable trouve d’autres défenseurs parmi les dirigeants d’entreprises, conscients de son intérêt pour simplifier, contourner ou limiter l’impôt, parmi les jeunes universitaires attirés par le caractère pionnier des techniques comptables mobilisées et parmi les agents des finances. La défense de l’autonomie comptable des entreprises continue pourtant de l’emporter.
Les modalités d’application
21La loi du 1er juillet 1916 vise les bénéfices réalisés en sus du bénéfice normal (c’est-à-dire antérieur à la guerre) par les personnes ou sociétés passibles de la contribution des patentes ou de la redevance proportionnelle des mines (considérés comme des bénéfices « supplémentaires ») et les bénéfices obtenus par les titulaires, sous-traitants et intermédiaires, de marchés de fournitures destinées à l’État ou à une administration publique (considérés comme bénéfices « exceptionnels »). L’évaluation des bénéfices et des déductions accordées est établie de façon sommaire. Le produit net est calculé à partir du bilan établi par chaque entreprise suivant les règles antérieures à la guerre. Le bénéfice frappé par l’impôt correspond à la différence entre le bénéfice « exceptionnel » ou « supplémentaire » déclaré et le bénéfice normal. Trois modes de calcul du bénéfice « normal » sont admis : il correspond soit à 6 % des capitaux engagés, soit à 30 fois la patente, soit à la moyenne des trois derniers exercices d’avant la guerre (et non des cinq années comme le souhaitaient les chambres de commerce). Aucun de ces seuils n’est justifié par le législateur. La référence à la patente, dont l’arbitraire et le caractère inégalitaire sont reconnus, semble particulièrement inadaptée. Les assujettis choisiront le calcul qui leur sera le plus profitable.
22La loi veut frapper vite et fort. Dans un premier temps, la différence entre le bénéfice d’une année de guerre et le bénéfice normal est taxé à 50 %, quel que soit son montant. Puis la progressivité de la contribution est introduite par la loi du 31 décembre 1916. Le taux de l’impôt est porté à 60 % pour la fraction des bénéfices supplémentaires obtenus depuis le 1er janvier 1916 et supérieurs à 500 000 francs. La loi du 31 décembre 1917 accentue la progressivité en définissant quatre tranches d’imposition des bénéfices acquis depuis le 1er janvier 191736. Le taux du prélèvement atteint 50 % pour la fraction du bénéfice imposable inférieure à 100 000 francs ; 60 % pour la fraction comprise entre 100 000 et 250 000 francs ; 70 % pour la tranche 250 000 à 500 000 francs et 80 % pour les bénéfices supérieurs à 500 000 francs. Aucun répit n’est accordé aux fournisseurs de guerre. Le législateur définit une première période d’imposition pour les bénéfices obtenus entre le 1er août 1914 et le 31 décembre 1915. Les assujettis doivent envoyer leur déclaration dans les quatre mois suivant la promulgation de la loi. Pour les années fiscales suivantes, il leur faudra remplir une déclaration avant la fin du premier trimestre de l’année civile. Les formulaires sont fournis par les Contributions directes, ou bien recopiés sur un modèle déposé dans les mairies. À première vue, ils sont extrêmement simples. Le contribuable n’a qu’à reporter son bénéfice « normal », celui de la période concernée, puis la différence entre ces deux chiffres et les déductions réclamées37. Dans la réalité, l’absence de règle normalisée peut imposer des calculs très délicats. La définition de l’assiette de l’impôt est confiée à des commissions administratives départementales (dites commissions du premier degré) composées de représentants des principales régies financières38. Les commissions établissent le rôle de la taxe en s’appuyant sur la déclaration des contribuables et sur des informations obtenues d’autres entreprises ou des services administratifs et fiscaux. Le défaut ou l’insuffisance de déclaration sont passibles de majoration de droits de 10 %. Les commissions peuvent taxer d’office ou prescrire des enquêtes complémentaires aux agents du fisc si elles sont alertées par des dénonciations ou par des signes extérieurs d’enrichissement non déclarés.
23La loi reste évasive sur le mode de calcul du montant imposable puisqu’elle renvoie aux méthodes en usage dans les professions avant la guerre. Ce flou rassure une partie du patronat, mais il ne facilite pas les opérations39. Le mode de calcul des déductions autorisées est également vague. L’autonomie accordée pour évaluer la dépréciation accélérée du matériel et de l’outillage du fait de leur usage intensif pendant la guerre est particulièrement gênante pour les industries capitalistiques par exemple, qui représentent la majorité des fournisseurs de l’armée. La loi prévoit seulement que cette dépréciation sera réévaluée au cours de la dernière période de taxation. La procédure de recouvrement de la contribution est un autre handicap introduit par le législateur qui choisit de faire contrôler les déclarations avant l’émission des rôles. Cette pratique est conseillée par l’administration de l’Enregistrement, régie la plus prestigieuse, qui la juge efficace pour les taxes sur la propriété. Ce choix est clairement dénoncé dans un rapport de l’inspection des Finances soulignant la lenteur et le coût du procédé et dénonçant l’incertitude qu’il fait peser sur les recettes à venir40.
24L’instruction relative à l’exécution de la loi diffusée par la direction générale de l’Enregistrement retient trois règles fondamentales41. La première présente la commission départementale comme un « organe de taxation autonome ». La seconde rappelle que le souci de la plus grande équité doit présider à ses travaux. La dernière précise que la commission est libre de désigner les services financiers responsables des recherches ou des vérifications complémentaires. L’instruction souligne l’aspect novateur de la loi qui confie « l’établissement d’un impôt à un ensemble de fonctionnaires, au lieu d’en charger une seule administration financière ». Deux protections sont accordées aux assujettis. Le report d’une partie des paiements à la fin des hostilités d’une part, qui rassure les milieux d’affaires42 et vise à limiter les excès en laissant envisager une compensation entre les années déficitaires par les années bénéficiaires, d’autre part, la possibilité de faire appel de la décision de la commission du premier degré. Le recours peut être déposé par les assujettis ou par le directeur des Contributions directes s’il juge la décision de la commission contraire aux intérêts du Trésor public au maximum un mois après réception de la notification. La voie est ainsi ouverte à une volumineuse jurisprudence.
25Une Commission supérieure des bénéfices de guerre (CSBG) siégeant au ministère des Finances traite les appels. Sa composition en fait une instance administrative ouverte aux intérêts privés. Les milieux d’affaire y sont représentés par des délégués de chambres de commerce43. Des auditeurs au Conseil d’État, désignés par le ministre de la Justice, et des auditeurs de la Cour des comptes, désignés par celui des Finances, peuvent être nommés rapporteurs. La CSBG statue sur pièces. Ses arrêts ne seront contestés que pour abus de pouvoir ou vice de forme devant le Conseil d’État. Compte tenu de la fréquence des différends et du caractère inédit des problèmes soulevés, la Commission supérieure joue un rôle décisif dans l’application de la loi44. Toutefois, comme l’appel suspend le recouvrement, le législateur cherche à dissuader d’y recourir et décide en décembre 1918 de limiter le report du paiement autorisé au montant de la somme contestée.
26Pour les entreprises dépourvues de service comptable efficace et qui répondent dans l’urgence aux commandes de guerre, la déclaration de bénéfices pose d’autant plus de problèmes que les questions d’évaluation et d’amortissement ne sont pas abordées par la loi. Le caractère inédit de certaines définitions ne facilite pas non plus la tâche. Ainsi par exemple, la différence entre dépréciation et provision pour dépréciation vient juste d’être clarifiée par un texte en juillet 1914. Consciente de cette situation, l’administration fiscale admet les pratiques en usage avant la guerre. Privée d’une partie de ses agents mobilisés, faisant découvrir la comptabilité par la pratique à ceux qui restent en poste45, elle est totalement dépassée. À défaut de s’appuyer sur une comptabilité probante, les décisions des commissions sont empruntes d’arbitraire, dissuadant d’améliorer les pratiques comptables et défavorisant l’adaptation des entreprises aux futures exigences du fisc. Le flou des modalités adoptées éveille la curiosité des universitaires intéressés par les questions fiscales et les incite à proposer des interprétations. Il suscite aussi des réactions de la part de parlementaires et de l’inspection des Finances qui préconisent une réforme générale de la fiscalité des entreprises et des services fiscaux, sans dégager aucun consensus.
Des précisions nécessaires pour limiter l’arbitraire
27Le caractère pionnier de la loi du 1er juillet 1916 provoque une abondante littérature. Loin d’être exhaustive, une liste de travaux publiés entre 1916 et 1949 contenant les termes « bénéfices de guerre » et conservés à la bibliothèque Cujas (Paris) fournit 36 occurrences. Il s’agit de rapports, de thèses de doctorat de droit (option économie), d’ouvrages ou de revues46. L’échantillon comporte quatre ouvrages concernant des pays étrangers. Un quart des documents paraissent entre 1916 et 1918. Le nombre des thèses consacrées à ce sujet est d’autant plus révélateur de son importance qu’il se rapporte à un petit nombre annuel de thèses de doctorat de droit avec une option économie politique47. Une des dix thèses de la bibliothèque Cujas en 1918 concerne les bénéfices de guerre48. Les titres des ouvrages témoignent d’une volonté de préciser les aspects pratiques de la loi. Dès 1916 par exemple, l’imprimerie centrale de la Bourse publie un Commentaire théorique et pratique de la loi du 1er juillet 1916 sur les bénéfices de guerre49. En 1918, William Oualid, professeur d’économie politique à la faculté de droit de l’université de Paris, ancien sous-chef du cabinet du ministre de l’Armement, présente les résultats d’une enquête sur les bénéfices de guerre prescrite par le comité national d’études sociales et politiques50. Ces travaux complètent les documents administratifs ou parlementaires concernant la loi qui font le lien entre le développement des comptabilités privées et le rendement de l’impôt.
28Le rapport du député Auriol présenté à la Chambre le 27 février 1917 est particulièrement étoffé51. Sa critique des premiers mois d’application de la contribution confirme les conclusions des rapports de l’inspection des Finances sur l’activité des services qui en sont responsables. Auriol précise d’abord que le faible rendement de la contribution extraordinaire est inexcusable eu égard au scandale des surplus rapides tirés des marchés « hâtivement passés ». Les coupables de cette situation sont désignés : l’administration des Contributions directes n’a pas fourni « les efforts nécessaires pour empêcher certaines fraudes favorisées et presque provoquées par les imperfections de la loi » et le projet gouvernemental a été établi beaucoup trop vite. Ces imperfections favorisent l’intervention d’habiles conseillers et d’experts comptables qui allègent la contribution de l’entreprise de multiples façons : en gonflant son bénéfice normal, en augmentant son capital ou les amortissements exceptionnels de ses installations, en majorant ses prix de revient, en faisant des emprunts fictifs ou bien encore en réévaluant ses réserves, lui permettant ainsi de constituer un véritable capital immobilier qu’elle pourra « réaliser plus tard avec les amortissements des constructions et des terrains ». Auriol critique aussi l’absence « d’indication de comptabilité » dans les instructions administratives qui laissent les agents et les commissions désarmés face à « l’action tenace des intéressés ». Ni les receveurs de l’Enregistrement, souvent dépassés par les difficultés de leur tâche quand les commissions du premier degré leur demandent de vérifier les déclarations des industriels et des commerçants, ni leurs supérieurs hiérarchiques ne sont bien lotis. La situation des receveurs chargés de vérifier les comptabilités d’industriels qu’ils rencontrent quotidiennement « au cercle ou dans la rue » paraît particulièrement défavorable. Auriol déplore que ces vérifications n’aient pas été confiées « à des inspecteurs de l’Administration » plus libres de leurs actions. Cette remarque pose plus largement la question de tout impôt basé sur une relation directe entre l’agent du fisc et le contribuable. Elle conduit à suggérer de modifier la répartition des tâches entre les agents. Auriol suggère aussi de décharger les contrôleurs de la « besogne de paperasserie ou des recherches bureaucratiques » afin qu’ils approfondissent les enquêtes. Il recommande enfin de soutenir davantage les receveurs chargés du contrôle qui sont laissés seuls pour développer leurs connaissances en comptabilité et pour surmonter les obstacles tenant à l’irrégularité des comptes et à la complexité des instructions administratives. Les principales conclusions de ce rapport sont confirmées par les bilans annuels et par les notes de l’inspection des Finances sur l’activité des régies. Extérieure aux régies, l’inspection bénéficie d’une capacité d’analyse que les agents directement en prise avec la réforme n’ont pas le loisir de développer. Ses conclusions sont clairvoyantes.
29Le rapport sur l’activité des services en 1918 est très critique à l’encontre de la loi du 1er juillet 1916. Il l’accuse d’être à l’origine du retard systématique et du faible rendement des recouvrements. L’argument chiffré est d’autant plus sévère que les résultats français sont comparés à ceux de l’Angleterre : sur un montant total de 1 795 millions de francs de rôles émis au titre de la contribution extraordinaire, à peine 621 millions ont été recouverts, alors qu’à cette date en Angleterre les encaissements atteignent 13 milliards de francs, sur 16 milliards de cotisation52. Le rapport attribue la différence de rendement à la pertinence de la loi anglaise qui, admettant la compensation des pertes et des bénéfices entre plusieurs exercices commerciaux consécutifs, peut exiger le versement immédiat du montant total de la taxe sur les bénéfices imposables. Ainsi, le contribuable britannique subissant des pertes futures pourra toujours demander au fisc de rembourser une partie des droits versés antérieurement ou bien de déduire le déficit sur les périodes suivantes. À l’inverse, selon la loi française de 1916 aucune compensation des résultats d’exploitation ne sera faite avant le retour de la paix et la révision générale des impositions introduites pendant la guerre. L’exigibilité des deux derniers quarts de la contribution est reportée six mois après expiration du dernier exercice pour lequel elle est instituée et la détaxe accordée en cas de déficit sera déduite du montant des cotisations restant dues, mais sans donner lieu à aucune restitution des sommes encaissées par le Trésor. L’inspection désapprouve cette procédure qui empêche de réclamer le versement de l’intégralité de la contribution pendant la guerre, obligeant les assujettis à constituer une réserve individuelle pour faire face aux prélèvements futurs et entraînant un retard systématique du recouvrement. Ce retard est accentué par la subordination de l’émission des rôles à la vérification préalable des déclarations. La distinction entre la constatation des bénéfices reconnus par les contribuables et le prélèvement effectif, ajoutée au grand nombre des dossiers à contrôler, condamne en effet à de longues et minutieuses enquêtes et concourt ainsi à limiter la rentabilité immédiate de la taxe.
30Les difficultés d’application de la loi soulignées par Auriol et par l’inspection des Finances se manifestent à travers la fréquence des taxations d’offices pour les premières périodes d’imposition. Ces procédures arbitraires pallient l’absence de déclaration, ou bien elles réagissent aux dénonciations ou aux erreurs (volontaires ou non) qui y sont relevées. Leur importance témoigne d’une mauvaise intelligence entre les services et les assujettis.
Période d’imposition | Nombre des taxations d’office | Bénéfices retenus comme base (millions de francs de 1914) | Bénéfices retenus comme base (millions de francs courants) |
1914-1915 | 3 796 | 74 | 89 |
1916 | 5 511 | 111 | 148 |
1917 | 7 245 | 126 | 202 |
1918 | 8 200 | 127 | 263 |
1919 | 6 770 | 102 | 258 |
1920 | 4 251 | 39 | 137 |
Total | 35 773 |
Tableau 1. – Application de la contribution : taxations d’office53.
31Après un maximum en 1918, le recours aux taxations d’office diminue. L’apprentissage de la contribution est donc accéléré par le retour de la paix, mais tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant. La subjectivité de la CSBG, qui donne la plupart du temps raison à l’administration et augmente systématiquement le poids de la taxe en cas d’appel, renforce les divisions sur les questions fiscales. Pour une organisation patronale attachée à l’indépendance traditionnelle de l’entreprise comme l’Association nationale d’expansion économique (ANEE54), la loi du 1er juillet 1916 est la première étape d’une immixtion injustifiée de l’État dans la vie des entreprises. Les positions défensives qui découlent de cette interprétation bloquent toute perspective de réglementation comptable et laissent les entreprises s’adapter seules aux nouvelles exigences de la fiscalité.
Des entreprises qui s’adaptent sans cohésion
32Les réactions aux réformes montrent que la plupart des assujettis ne sont pas prêts à se plier à de nouvelles contraintes. Les organisations patronales ne se trompent pas lorsqu’elles considèrent que la contribution extraordinaire annonce une réforme fiscale plus générale. Certaines y voient aussi une menace pour le secret des affaires. La démonstration est argumentée. L’ANEE par exemple, considère que la taxe est mal appropriée au contexte économique et qu’elle fait courir de « graves périls » à l’industrie et au commerce français55. Elle estime que le monde des affaires doit protester énergiquement contre des mesures « qui paralysent son activité au détriment de la prospérité générale du pays ». L’Association s’engage à recenser les plaintes du commerce et de l’industrie et à trouver des moyens pour répondre aux besoins suscités par la guerre compatibles avec les ressources et avec les habitudes des contribuables. Sa critique concerne aussi la taxe sur les paiements introduite par la loi du 31 juillet 1917 pour compléter les ressources annuelles du Trésor56. L’ANEE dénonce les nouvelles obligations induites par cette taxe qui transforme les commerçants français en « agents du fisc », les chargeant indûment de « frais de papeterie » et les obligeant à « coller des timbres taxe simultanément sur le registre et sur la quittance (timbre contrôle) » et à inscrire les ventes dans un registre obligatoire57. La mesure est jugée absurde puisque l’insuffisance des « comptables exercés » prive les assujettis de toute aide alors que l’Enregistrement n’a pas les moyens de contrôler les registres, mais c’est surtout la faiblesse de son rendement qui ne justifie pas son maintien : en juillet 1918 l’administration n’a reçu que 10 millions sur les 21 attendus. Révélant la distance à franchir pour que les contribuables acceptent une contrainte supplémentaire, l’attitude de l’ANEE témoigne des obstacles à surmonter pour aboutir à une harmonisation des comptabilités privées. Cette position n’empêche pas certaines entreprises de chercher à s’adapter en améliorant leurs pratiques comptables pour se plier aux nouvelles exigences de la fiscalité de guerre.
33Trois exemples illustrent ces tentatives, celui de Citroën, celui de Boussac et celui de la Compagnie générale d’électricité (CGE). Les deux premiers concernent des entreprises industrielles (chevrons, automobiles et obus pour Citroën et textile pour Boussac) qui doivent leur forte expansion à l’efficacité de leur réaction aux commandes de guerre. La CGE quant à elle est une société anonyme spécialisée dans la production d’électricité dont l’implantation est déjà internationale. Les procédures engagées par les contrôleurs de guerre contre Boussac et Citroën, accusés de dissimuler des bénéfices, et le long contentieux qu’elles suscitent éclairent leurs méthodes comptables. Les comptes rendus des conseils d’administration de la CGE informent sur ses pratiques.
34André Citroën signale à plusieurs reprises aux contrôleurs du fisc combien le manque de personnel freine la tenue des comptes. Il réclame systématiquement des délais supplémentaires à la commission du premier degré pour pouvoir présenter une comptabilité de qualité58. Marcel Boussac tient le même discours, mais il s’attache à exiger une comptabilité rigoureuse de l’ensemble de ses sociétés. Il se fait conseiller par un cabinet parisien dirigé par Albert Wahl, juriste de renom, pour ajuster sa stratégie aux exigences du fisc59. Dès la fin du conflit, Boussac embauche un directeur de la comptabilité qui réorganise en profondeur la comptabilité de sa principale société, le Comptoir de l’industrie cotonnière60. Ce recrutement lui permet alors non seulement de limiter les prélèvements au titre de la contribution sur les bénéfices de guerre, mais aussi d’adapter l’organisation du groupe aux réformes de la taxe sur le chiffre d’affaires. Les trois comptes rendus des assemblées générales annuelles de la CGE établis pendant le conflit révèlent les mêmes difficultés61. Le premier rapport des commissaires aux comptes de la période de guerre se félicite que :
« Malgré la mobilisation d’une grande partie du personnel et les difficultés de toutes sortes qui ont fait obstacle, surtout pendant les premiers mois de la guerre, au bon fonctionnement des services, votre comptabilité a pu être tenue à jour et établie avec la parfaite clarté que nous nous sommes plu à vous signaler durant les exercices antérieurs. Nous tenons à rendre hommage ici au dévouement et à la bonne volonté de tous en cette circonstance62. »
35En présentant le second exercice, les commissaires insistent à nouveau sur l’effort considérable imposé par « l’augmentation importante des affaires sociales que fait ressortir le bilan » malgré la pénurie de personnel découlant des circonstances actuelles63. L’impact de la guerre sur la comptabilité de la CGE se manifeste aussi par la réduction de sa trésorerie. Le premier exercice de guerre est en déficit, ce qui oblige à diminuer exceptionnellement le dividende distribué64. Le second exercice de guerre est à nouveau bénéficiaire et la contrainte de trésorerie se desserre grâce à l’intense activité des usines de fabrication65. La guerre bouleverse néanmoins la stratégie financière en faisant passer au second plan la distribution de dividendes au profit de l’expansion immédiate des capacités de production66. La CGE décide d’une augmentation de capital en 191767. Cette décision présentée à l’assemblée générale engage la société « dans le mouvement de concentration des moyens de production » dont la guerre a montré « l’impérieuse nécessité » et qui permettra à l’industrie française de soutenir la lutte économique. La CGE subit une autre contrainte liée au conflit tenant à l’implantation d’une partie importante du réseau de distributions de sa filiale, la Compagnie lorraine d’électricité, « dans le champ des opérations » militaires, ce qui la met dans une situation particulièrement difficile. Les liens qu’elle cultive avec certaines personnalités politiques comme Paul Doumer, président du conseil d’administration dès avant la guerre et jusqu’à sa démission lorsqu’il devient ministre d’État, la favorisent sans doute.
36Ces exemples montrent que les efforts à fournir pour adapter les comptabilités aux circonstances de la guerre et à la contribution extraordinaire pèsent beaucoup moins sur des sociétés comme la CGE qui disposent déjà d’habitudes comptables pour satisfaire leurs obligations légales. Les arbitrages autour du dividende distribué témoignent même d’une bonne maîtrise des pratiques. La baisse des dividendes est également notable chez Pechiney par exemple, où le mode de calcul du « bénéfice normal » retenu (6 % des capitaux engagés) pour évaluer l’assiette de la contribution exceptionnelle conduit à augmenter les niveaux d’immobilisation et de capitaux engagés avant la guerre68. Pour les entreprises de Boussac ou de Citroën, dont la taille avant la guerre correspond davantage à celles qui sont les plus fréquentes en France, le changement exigé est trop radical pour être immédiat. La guerre oblige à créer un service comptable ex nihilo et à s’adresser aux spécialistes adéquats. Les entrepreneurs s’adaptent seuls. Les organisations patronales, hostiles au changement, sont incapables de les soutenir. Le législateur et les services fiscaux n’ont pas pris la mesure des difficultés et les comptables font défaut. L’harmonisation des pratiques et le renforcement de la profession des comptables apparaissent bien comme des solutions efficaces pour repousser le risque de faillite de l’entreprise ou l’arbitraire du fisc et pour limiter l’évasion fiscale. Ces remèdes conditionnent la réussite des réformes basées sur le principe déclaratif. Pourtant, ils ne sont encore envisagés que par une poignée de professionnels des comptes et de responsables politiques69, bénéficiant du soutien tacite des adeptes du renforcement des contrôles fiscaux qui n’ont pas encore clairement conscience de l’importance des enjeux. En posant le contrôle des déclarations de bénéfices de guerre comme préalable à l’avis d’imposition, les auteurs de la loi de juillet 1916 démontrent à la fois leur méconnaissance de la réalité des comptabilités d’entreprises et celle des capacités d’enquête des administrations. De la même façon, alors qu’elle est impérative d’un point de vue moral, la révision des marchés de guerre n’a aucune chance d’aboutir en l’absence d’évaluation sérieuse des frais de fabrication et des prix de revient des fournisseurs70. Ceux qui demandent d’améliorer la formation et l’organisation de la profession des comptables constituent un petit cercle d’initiés, la nébuleuse calculatrice est dans l’enfance. La législation sur les bénéfices de guerre représente une étape fondatrice, mais incomplète de l’apprentissage des administrations fiscales et des contribuables aux exigences de la fiscalité moderne. La révision des marchés de guerre n’aboutit pas non plus à des résultats probants. Ces décisions rencontrent une limite technique liée à l’incapacité du contrôle, et elles se heurtent au refus général des fournisseurs d’accepter de réviser des contrats passés et de porter atteinte au secret des affaires. Les positions défensives des organisations patronales et leur hétérogénéité desservent également l’harmonisation des pratiques71. Si la guerre est un moment fondateur, ses réformes restent à ajuster aux conditions de la paix et à imposer dans une situation budgétaire et monétaire catastrophique72.
L’imparable rigidité des pratiques ?
37Le rendement de la contribution extraordinaire déçoit et sa faiblesse entraîne des ajustements pesant lourdement sur les trésoreries des entreprises. À côté des aménagements de la loi, la jurisprudence de la CSBG écorne leur autonomie comptable et aboutit à une taxe plus sévère et à des modalités plus rigides que ce qui était envisagé initialement73. En cherchant à accélérer les recouvrements et le règlement des contentieux, les administrations et les gouvernants soulèvent l’hostilité des milieux professionnels qui dénoncent des pratiques arbitraires et inquisitoriales. Poussé par ces contraintes, le langage comptable gagne en précision sans qu’aucune réglementation ne soit introduite. L’expérience montre toute l’importance de ce langage commun pour les relations entre le fisc et les assujettis sans parvenir à convaincre de lui donner une assise officielle.
Des ajustements insuffisants
38Les difficultés de la collecte de la contribution extraordinaire incitent à amender la loi de juillet 1916 et à accélérer les procédures. Le désordre de l’administration confrontée à une grave crise de recrutement depuis la guerre exige de réagir vite. Au printemps de 1920, Charles de Lasteyrie, rapporteur général adjoint de la commission des Finances de la Chambre, précise aux députés que l’administration n’est plus capable de chiffrer le montant des arriérés des contributions à recouvrer74. Les remèdes d’urgence qu’il réclame sont justifiés par l’importance du rendement des agents spécialisés dans l’assiette de la contribution extraordinaire, comparé à celui des agents des autres branches du système fiscal75. Ils passent par des recrutements exceptionnels organisés hors concours en 1919 et en 1920, et par des nominations temporaires d’anciens fonctionnaires sélectionnés hors du Conseil d’État et de la Cour des comptes pour augmenter l’effectif des rapporteurs de la CSBG76. Le débat parlementaire sur les crédits réclamés pour accélérer les travaux est préparé par les Contributions directes77. Fin juillet 1919, le gouvernement dépose un projet de décret prévoyant la création d’un cadre spécial de 200 « contrôleurs des bénéfices de guerre » consacrés à la contribution78. Il suggère d’embaucher des experts comptables et des comptables pour seconder les anciens officiers et les fonctionnaires qui vont être affectés à cet impôt et précise qu’ils ne feront aucun contrôle hors de la présence des agents vérificateurs. Le 6 août 1919, la commission du budget de la Chambre conteste les modalités de rémunération envisagées pour ces non-fonctionnaires et refuse de prévoir les crédits nécessaires à la création du cadre. Un autre projet instaurant un cadre identique, mais formé uniquement de fonctionnaires détachés, est adopté le 9 août 1919. Le chapitre 95bis de la loi est alors ouvert pour rémunérer ses agents qui sont rattachés aux Contributions directes. Le décret d’application du 15 septembre 1919 créant ce cadre enterre l’occasion de faire intervenir des non-fonctionnaires professionnels de la comptabilité dans la collecte de la contribution. D’autres mesures parviennent néanmoins à améliorer son rendement. La loi du 9 mars 1920 autorise les Contributions directes à émettre ses rôles dès la réception de la déclaration du contribuable, et non plus après sa vérification, rendant ainsi le contrôle facultatif79. Retenant une caractéristique importante de l’impôt moderne, la décision explique l’importance exceptionnelle des titres de recette obtenus en 1920. La loi du 25 juin 1920 envisage ensuite de nouvelles pénalités à l’encontre de ceux qui n’ont pas fait leur déclaration et repousse le délai limite pour la retourner au 31 décembre 192580. Pour réduire les abus, elle oblige les demandeurs de sursis dont la requête est écartée par la CSBG à payer un intérêt de 6 % sur la fraction de la cotisation qu’ils contestent. L’article 19 de la loi admet également un délai de paiement pour les redevables qui auront affecté une partie de leurs bénéfices à l’amélioration ou à l’extension de leurs entreprises, ou bien à la constitution de stocks de matières premières, ou encore à l’acquisition de matériel. Deux articles de cette loi suscitent un tollé dans les organisations patronales. Le premier est l’article 17 autorisant l’administration à exiger le paiement de la totalité de l’impôt, et interdisant par conséquent au contribuable de retenir les troisième et quatrième quarts de l’impôt pour compenser d’éventuelles périodes déficitaires, contre lequel l’UIMM réagit efficacement81. Pour son conseil de direction :
« L’application de cette règle place le contribuable dans une situation très défavorable car dans la crise actuelle, il peut être dans l’impossibilité de verser les dernières portions de l’impôt autrement qu’en contractant un emprunt dans des conditions onéreuses, alors qu’il est en droit de réclamer au fisc une somme équivalente et parfois supérieure. »
39Les démarches de l’Union auprès du ministre des Finances aboutissent. L’article 3 de la loi du 7 mars 1921 autorise « ceux qui ont subi un déficit par rapport à leur bénéfice normal et qui demandent à bénéficier de la détaxe prévue par la loi du 1er juillet 1916 à surseoir au versement de la somme dont ils sollicitent le dégrèvement » jusqu’à ce que la commission du premier degré, ou la Commission supérieure en cas d’appel, ait statué sur leur demande82. La requête est à adresser au directeur départemental des Contributions directes avant le 1er avril 1921. L’autre article de la loi de juin 1920 critiqué par les milieux économiques est l’article 20 qui permet au Trésor d’exercer son privilège sur tous les biens des redevables passibles de la contribution à dater du jour de l’établissement du rôle et pendant 15 ans. La chambre de commerce de Marseille reprend les protestations de plusieurs groupements industriels et commerciaux contre ce texte en avril 1921. Elle condamne le « caractère occulte du privilège » qui est dispensé d’inscription en ce qui concerne les immeubles et constitue non seulement une « exception très grave au droit commun », mais risque de bloquer de nombreuses opérations « hypothécaires et les ouvertures de crédit83 ». L’UIMM soutient ce combat et soumet un contre-projet prévoyant de réduire le privilège à trois années et d’exiger l’inscription des biens concernés84. La force de ces réactions fait renoncer au privilège du Trésor en 192285.
40Les aménagements de la loi de juillet 1916 ne règlent pas les problèmes comptables qu’elle soulève. La question des discordances entre les calendriers des sociétés et les échéances fiscales reste entière : tenant leurs assemblées générales en mars, la plupart des sociétés sont incapables de clore leurs comptes et d’envoyer leurs déclarations de bénéfices de guerre pour avril comme l’exige la loi86. Ce problème est minime comparé à l’absence de cadre comptable qui oblige les administrations et la CSBG à créer leurs propres règles pour définir l’assiette de la taxe, ouvrant ainsi la voie à l’arbitraire. Du fait de ces imprécisions, de nombreuses modalités d’application de la loi s’établissent par la pratique et à travers la jurisprudence de la CSBG, qui est souvent moins sévère que celle des administrations fiscales. L’absence de définition précise des taux d’amortissement retenus en détaxe et le recours aux habitudes des professions pour les évaluer renvoient à des pratiques non normalisées et condamnent à de nombreux contentieux. Il en est de même du flou concernant la réserve spéciale de dévalorisation retenue dans l’inventaire, prévue par la loi du 25 juin 1920 mais rarement admise par l’administration, des détaxes en faveur de l’usage intensif de matériel, du montant des salaires versés aux directeurs, de celui des frais généraux ou encore de celui de l’amortissement. Exigeant des détails de plus en plus précis sur les modes de calcul employés pour s’assurer que les entreprises ne profitent pas de ces imprécisions, l’administration est accusée d’inquisition. La sévérité des commissions du premier degré qui ne repose souvent sur aucun signe tangible et l’arbitraire de la CSBG sont également dénoncés. La contribution extraordinaire durcit les relations entre le fisc et les assujettis, cela ne favorise pas la progression de l’harmonisation des pratiques comptables.
Une application qui déçoit les promoteurs de la loi
41Dans l’immédiat après-guerre, la faiblesse de la rentabilité de la contribution extraordinaire préoccupe les responsables des administrations financières. Reprenant la comparaison avec la Grande-Bretagne, un rapport de l’inspection des Finances constate que la taxe britannique rapporte 12,7 fois plus que la contribution française sur une durée identique87. Il attribue en partie ce décalage au caractère inédit des vérifications des comptabilités commerciales en France, alors qu’elles sont anciennes en Angleterre où elles relèvent de comptables professionnels habitués à gérer l’income tax. Les autres explications du décalage tiennent à la faiblesse des connaissances comptables des agents du fisc français, aux difficultés des contrôles et au manque de personnel des régies. Dénonçant les injustices induites par l’inefficacité française, le rapport cite en exemple le consortium de l’huilerie française échappant à la taxation jusqu’à la vérification des Contributions directes qui évalue ses bénéfices à 20 millions de francs pour 1918 et le début de 1919 et prescrit une taxation d’office.
42Les Contributions directes confirment la faiblesse des recettes procurées par la contribution en juin 1919. Elles expliquent les « retards considérables » du traitement des dossiers par l’insuffisance du personnel affecté aux vérifications et par l’obligation de contrôler les déclarations avant de lever l’impôt88. La direction dénonce aussi la lenteur du traitement des recours89. Selon ses statistiques, sur les 9 744 pourvois enregistrés par la CSBG au 30 juin 1919, 3 429 décisions définitives ont été rendues (soit 35 % du total des pourvois) et il reste 6 315 affaires à traiter (65 % des pourvois déposés). Sur ces 6 315 cas en souffrance, seuls 591 dossiers sont aux mains des rapporteurs, 600 ayant été renvoyés aux commissions du premier degré pour complément d’instruction. 5 124 dossiers sont ainsi placés en attente, ce qui représente 52,5 % du total des pourvois. La CSBG est donc débordée par la fréquence des contestations, souvent motivées par l’espoir d’obtenir un jugement plus clément.
43Le faible rendement de la taxe préoccupe également les parlementaires qui exigent des explications. À l’occasion de la discussion budgétaire organisée à la Chambre le 1er juillet 1919, Paul Laffont, contrôleur des bénéfices de guerre, confirme les « conditions vraiment insuffisantes » de sa perception90. Albert Grodet, rapporteur du budget des Finances, indique que « les recettes sont très inférieures aux prévisions » et souligne « le vif mécontentement » suscité par la lenteur des recouvrements ainsi que la fréquence des contournements facilités par des « amortissements abusifs » ou des « inventaires inexacts91 ». Ces critiques ne changent pas la situation. Comme l’indique le gouvernement à la Chambre en avril 1920, le travail de la CSBG reste lent92. À cette date, sur les 11 000 pourvois transmis, 4 000 seulement, soit 36 %, ont été traités. Ce pourcentage augmente d’un point par rapport à juin 1919, passant de 35 % à 36 %, mais les retards menacent de s’accumuler puisque le nombre de pourvois augmente plus vite que celui des dossiers examinés. Si la Commission traite la plupart des dossiers en deux ans, les affaires les plus complexes peuvent attendre jusqu’à cinq ou six ans93. Le retard accumulé est d’autant plus dommageable qu’il encourage les assujettis à repousser le plus possible leur déclaration dans l’espoir d’une réforme.
44Les résultats des commissions du premier degré sont aussi décevants. Leur activité est la plus intense entre 1918 et 1920 lorsque le nombre des cotisations établies atteint son maximum. Compte tenu de l’importance de la dévalorisation monétaire pendant la guerre, un calcul de ces résultats en francs constants (base 100 en 1914) a été effectué. Bilan : alors qu’en francs courants les bénéfices retenus comme base d’imposition et les rehaussements opérés sont maximums en 1918 et 1919, la réalité est différente en francs constants puisque les bénéfices retenus et les rehaussements atteignent leur sommet en 1916 et 1917.
Période d’imposition | Rehaussement de bénéfices opérés par les commissions (millions de francs courants/francs de 1914) | Nombre de cotisations établies | Montant des bénéfices retenus comme base d’imposition (millions de francs courants/francs de 1914) | Montant des cotisations établies (millions de francs courants/francs de 1914) |
1914-1915 | 1 449/1 207 | 39 884 | 2 501/2 083 | 1 213/1 010 |
1916 | 2 031/1 521 | 49 565 | 4 258/3 189 | 2 330/1 745 |
1917 | 2 395/1 497 | 61 946 | 5 460/3 412 | 3 701/2 313 |
1918 | 2 585/1 248 | 71 093 | 5 652/2 730 | 3 638/1 757 |
1919 | 3 299/1 300 | 69 436 | 7 076/2 788 | 4 635/1 826 |
1920 | 1 969/557 | 53 386 | 3 301/934 | 2 001/556 |
Total | 13 228/3 885 | 345 310 | 17 518/4 957 |
Tableau 2. – Application de la contribution extraordinaire au 30 juin 1924 (millions de francs courants et francs constants 1914)94.
45Premier constat : le bénéfice retenu comme base d’imposition augmente relativement peu en monnaie constante entre 1914-1915 et 1919. L’année 1918, puis plus fortement l’année 1920, marquent bien un recul général des bénéfices retenus et des rehaussements en francs constants, ce que justifie la déception de l’après-guerre et les demandes de réformes. Ces données n’autorisent aucune conclusion sur les sommes effectivement prélevées.
46Un autre tableau permet de comparer le montant des rôles émis et les recouvrements effectifs. Il ne s’appuie pas sur les mêmes sources que le précédent puisqu’il est établi après le calcul définitif du montant de l’impôt et l’avertissement du contribuable. Son intérêt réside dans le pourcentage présenté dans la dernière ligne qui témoigne de l’efficacité, ou de l’inefficacité des services fiscaux.

Tableau 3. – Montant des rôles et des recouvrements en millions de francs constants, base 100 en 1914 (1917-1922)95.
47Les difficultés des agents chargés de prélever l’impôt apparaissent clairement dans ce tableau. Un tiers des rôles émis sont recouvrés en 1917 (33,6 %) et la situation s’améliore peu jusqu’en 1919. Les réformes qui sont introduites en 1919-1920 ont des effets immédiats, même si tous les arriérés ne sont pas récupérés en 1921. Les années 1920 et 1921 sont celles des prélèvements maximums. La contribution correspond alors à environ 15 % des recettes fiscales96. Son impact est donc bien réel pour le Trésor et pour les assujettis qui, du fait de la dépréciation monétaire subissent une véritable amputation de capital freinant leurs investissements. Ces propos nuancent l’idée d’une application trop timorée de la loi97. Ils font de l’adaptation des pratiques comptables des entreprises une condition de leur survie, leur permettant d’amortir l’effet de la fiscalité de guerre.
Une application qui impose une réflexion comptable
48Les réactions de plusieurs organisations patronales à la contribution extraordinaire et à ses aménagements s’appuient souvent sur des arguments comptables. Ces organisations commencent par exiger une stricte limitation du cadre de la loi puis ne pouvant l’obtenir, demandent des aménagements afin qu’elle n’ampute que modérément les trésoreries. La première revendication concerne la période couverte par la contribution. Dès juillet 1919, la chambre de commerce de Bordeaux demande de ne plus l’appliquer aux bénéfices réalisés après le 31 décembre 191998. En décembre 1919, celle de Nantes présente la même requête et critique sa rigidité retenant les conclusions d’un rapport signé par un dénommé Lemarchand auquel souscrivent de nombreuses institutions consulaires99. Lemarchand déplore que la France n’ait pas retenu les largesses de la loi anglaise laissant le contribuable libre de calculer son bénéfice normal en choisissant « deux des six dernières années » et l’autorisant à récupérer les sommes payées en trop lorsque des pertes succèdent à des bénéfices. Selon lui, le rejet de ces modalités explique que la contribution extraordinaire « paralyse les affaires » comme le montre l’exemple de certains industriels du coton qui ont différé leurs achats pour éviter d’être taxés puis qui ont imposé « au pays des pertes considérables » quand ils les ont effectués. En 1919, la chambre de commerce de Marseille retient des arguments similaires dans deux lettres adressées à Louis Loucheur, alors ministre de la Reconstruction industrielle. S’adressant ensuite au ministre des Finances en février 1920, elle demande la suppression de la loi afin d’éviter la « fermeture de nombreuses usines incapables de payer ce que les contrôleurs réclament ». Pour accélérer le règlement des instances en cours elle suggère deux réformes : la taxation forfaitaire des amortissements, pour atténuer les différences d’évaluation des amortissements selon les secteurs, limiter l’arbitraire des contrôleurs et réduire l’inégalité des assujettis devant la loi, et l’intégration aux frais généraux de l’impôt réglé au cours d’un exercice, afin de ne plus payer l’impôt sur l’impôt. Le raisonnement comptable qui fonde ces suggestions se retrouve dans l’idée de faire prendre en compte les effets de la forte dévalorisation monétaire sur les bilans avancée par plusieurs organisations patronales. Le conseil de direction de l’UIMM y souscrit en juillet 1920 lorsqu’il est question de modifier le mode d’évaluation des stocks constitués depuis l’avant-guerre conformément à la loi de juillet 1916100. Selon cette loi, le stock supplémentaire devra être évalué « à des cours raisonnables » et en tenant compte des habitudes des professions à la fin du dernier exercice de perception de la contribution extraordinaire, le stock initial étant chiffré selon le prix de revient établi « au dernier inventaire » d’avant la guerre. La commission des Finances de la Chambre envisage d’obliger à comptabiliser les stocks selon leur prix d’achat et sans tenir compte des habitudes des professions, ce que critique l’UIMM101. La loi de finances pour 1921 votée en juillet 1920 donne en partie raison à l’Union. Elle admet que chaque entreprise applique des règles d’évaluation spéciales pour les matières premières, les approvisionnements et les produits en cours de fabrication contenus dans le stock normal, et prévoit que les stocks supplémentaires, les produits fabriqués et les marchandises du commerce soient évalués au prix d’achat, et non au prix de revient. À partir de cette date, les modalités de l’évaluation des stocks constituent une pomme de discorde entre les organisations patronales et les administrations fiscales.
49La chambre de commerce de Marseille se préoccupe aussi des effets de la dévalorisation monétaire sur les bilans. Estimant que « tout vaut actuellement quatre à cinq fois le prix d’avant-guerre » et que les entreprises sont obligées « d’avoir un fonds de roulement quatre fois plus élevé », puisqu’à production égale leur chiffre d’affaires a environ quadruplé, elle demande que l’impôt s’adapte à ces contraintes en épargnant les fonds de roulement et en préservant les amortissements. Pour éviter que l’impôt ampute le fonds de roulement, elle suggère d’évaluer le bénéfice de base à partir d’un coefficient du chiffre d’affaires, et non pas du bilan. Ce mode de calcul est présenté comme une mesure de justice. Il permettrait de ne plus faire porter l’essentiel de l’impôt sur ceux qui ont une comptabilité régulière, « c’est-à-dire sur les maisons les plus sérieuses que l’intérêt public recommanderait de favoriser ». La chambre réclame aussi que la loi ne se contente plus d’élargir les « délais de payement » pour les entreprises qui consacrent chaque année une partie du bénéfice à des installations nouvelles, mais qu’elle leur permette d’utiliser « des sommes quatre fois plus élevées qu’avant-guerre » et de constituer « les réserves nécessaires et d’usage » avant toute taxation. Elle appelle enfin à tenir compte de « la manière dont les entreprises tenaient leurs écritures » avant 1914 pour calculer la contribution extraordinaire102.
50Ces remarques et ces critiques ne contestent pas le principe de la contribution extraordinaire, mais condamnent son injustice. Elles montrent que l’expérience de ce prélèvement a convaincu une partie des titulaires de bénéfices, des parlementaires et des agents des administrations fiscales des enjeux de l’encadrement des évaluations comptables et des difficultés de l’instauration d’une fiscalité équitable et rentable.
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51La guerre accélère ou provoque la prise de conscience de la nécessité de la diffusion d’une habitude comptable, de définitions précises des composantes du bilan et d’une harmonisation des pratiques. La contribution sur les bénéfices de guerre impose aux agents de l’administration et aux responsables des entreprises une relation directe les condamnant soit à s’accorder sur un minimum de repères comptables, soit à des contentieux interminables aboutissant à des décisions arbitraires. Les circonstances exceptionnelles du conflit permettent néanmoins d’expérimenter le principe déclaratif, d’organiser des contrôles et de favoriser la progression des pratiques comptables des entreprises privées. La confirmation des contraintes pesant sur les titulaires de bénéfices après la guerre stimule ensuite les réflexions sur la réforme fiscale et la recherche des moyens d’adapter les comptabilités privées aux nouvelles exigences du fisc pour éviter que l’impôt n’assèche les trésoreries des entreprises.
52Cependant, la majorité des entrepreneurs ne renonce pas à ses habitudes antérieures. La reconstruction est davantage une période de piétinement que de progression de la normalisation des comptabilités privées103. La création d’une taxe indirecte à haut rendement peut être interprétée comme un renoncement à faire de l’impôt direct une source essentielle des rentrées fiscales. La sortie de guerre fait aussi apparaître un clivage entre les entreprises distinguant celles qui ne sont pas hostiles aux réformes, même si elles écornent le secret des affaires, et les autres. La césure est officialisée par la procédure du forfait introduite par la loi du 31 décembre 1921, qui évite aux petits contribuables de déclarer leurs BIC et leur permet de se contenter d’une comptabilité très rudimentaire104. Le forfait ébrèche les espoirs de généralisation de la normalisation comptable suscités par l’introduction du principe déclaratif. La sortie de guerre apparaît ainsi comme une période charnière pendant laquelle se mettent en place les principaux caractères du dualisme fiscal, distinguant ceux qui sont imposés selon ce qu’ils déclarent et les autres désireux de retrouver la situation d’avant la guerre et de préserver l’autonomie des affaires privées. Malgré ses aspects pionniers, l’impact immédiat de la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre n’a donc pas été décisif. Loin d’avoir stimulé l’amélioration des pratiques, la « guerre a tout désaxé105 ».
Notes de bas de page
1 François Bouloc, Les profiteurs de guerre, 1914-1918, Paris, Complexe, 2008.
2 Jean Bouvier, « Le système fiscal français du XIXe siècle. Étude critique d’un immobilisme », dans Robert Schnerb, Deux siècles de fiscalité française XIXe-XXe siècle. Histoire, économie, politique, recueil d’articles présenté par Jean Bouvier et Jacques Wolff, Paris, Mouton, 1973, p. 226-262, p. 227 et 253. La réforme fiscale est suggérée par Joseph Caillaux dès 1907.
3 Centre des Archives Économiques et Financières (CAEF), Savigny-le-Temple (77). CAEF B 34 011. Productions de guerre. Organisation du régime fiscal (1915-1918). Chambre des députés, session de 1915, annexe au procès-verbal (PV) de la séance du 6 mai 1915. Proposition de loi tendant à limiter les profits des fournisseurs de la Guerre et de la Marine par la révision des marchés et par le remboursement à l’État des bénéfices supérieurs au 10 % présentée par des députés socialistes. Exposé des motifs.
4 Les commissions comprendront un contrôleur de l’Armée ou de la Marine, un inspecteur des Finances, trois industriels ou commerçants et trois ouvriers ou employés des professions concernées par l’affaire examinée. Les représentants des intérêts privés seront sélectionnés par tirage au sort public au sein des conseils de prud’homme.
5 CAEF B 34 011. Productions de guerre. Organisation du régime fiscal (1915-1918). Parmi ces projets on peut citer celui de Lucien Voilin, premier maire socialiste de Puteaux, sur le régime des fabrications de guerre qui est adopté par les députés le 4 avril 1917 et bloqué par le Sénat le 21 décembre 1918.
6 Danièle Fraboulet : Quand les patrons s’organisent,…, ouvr. cit. L’auteure précise les liens entre Perchot (sénateur de 1912 à 1929, administrateur des Aciéries de Longwy et vice-président délégué de la Société minière et métallurgique) et de grandes familles de métallurgistes comme les Raty et les Labbé, p. 122.
7 CAEF B 34 011. Productions de guerre. Organisation du régime fiscal (1915-1918). Observations des ministres sur les dispositions adoptées par la commission sénatoriale relatives au régime fiscal des fabrications de guerre - Proposition de Perchot.
8 CAEF B 43 169. Conseil d’études fiscales. Marchés de la guerre. Sénat, annexe au PV de la séance du 8 juillet 1921. Rapport d’Hyppolite Simonet, sénateur de la Creuse, fait au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi adopté par la Chambre des députés concernant la révision des marchés de guerre.
9 CAEF B 34 011. Productions de guerre. Organisation du régime fiscal (1915-1918). La commission est organisée par une décision de la Chambre du 17 décembre 1915.
10 CAEF B 34 012. Travaux législatifs. Commission des marchés. Révision (1920-1929). Sénat, année 1919, session ordinaire, annexe aux PV de séances.
11 CAEF B 28 446. Renseignements statistiques divers. État de situation des travaux de la commission supérieure des bénéfices de guerre (1917-1924/1925-1927). Affaires jugées importantes pour le Budget.
12 Idem. Chambre des députés. Interpellation de S. De Castellane, député du Cantal (Alliance démocratique), annexe au PV de la séance du 12 juin 1920. Il est précisé que le total fournit par les Finances ne tient pas compte des services de la Guerre et de la Marine.
13 Sur l’impôt de 1916 voir en particulier le travail pionnier de Sandrine Grotard, « Le premier impôt sur les bénéfices d’entreprises en France. La contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre. 1916-1930 », études et Documents VIII, Comité pour l’histoire économique et financière de la France (CHEFF), 1996, p. 259-280, développé dans Pierre-Cyrille Hautcoeur et S. Grotard, « Taxation of corporate profits, inflation and income distribution in France, 1914-1926 », 2005, et P.-C. Hautcoeur, « Taxation and accounting regulation, the impact of the 1916 tax on war profits », mai 2005, textes non publiés ; Ludovic Sérée de Roch, « La guerre et l’entrée dans la modernité du système fiscal français », Paris, Études et documents XI, CHEFF, 1999, p. 183-209.
14 Les bénéfices sont imposés jusqu’au 30 juin 1920, ce qui ne correspond pas à l’échéance initialement prévue et qui témoigne de l’efficacité des résistances des producteurs. La situation de guerre étant officiellement close en octobre 1919, la contribution aurait dû être prélevée jusqu’au 1er novembre 1920, et non jusqu’au 30 juin 1920.
15 Louis A. Léautey (expert-comptable près la Cour d’Appel et le tribunal de première instance de la Seine, arbitre rapporteur au tribunal de commerce), Albert Leseurre (expert-comptable), La taxation des bénéfices de guerre et l’unification des bilans. Comment payer à l’État sa part dans les bénéfices de guerre ?, Paris, Bibliothèque des sciences comptables et économiques, Librairie comptable et administrative, 1917.
16 Jacques Wolff, « Fiscalité et développement en France entre 1919 et 1939 », dans Robert Schnerb, Deux siècles de fiscalité française XIXe-XXe siècle., ouvr. cit., p. 263-283. En comparaison, les 1,5 % de retenues prévues par l’impôt général sur le revenu au moment de sa création pour la tranche supérieure (plus de 25000 francs) sont insignifiants, p. 269.
17 Archives de l’UIMM (AUIMM). PV des réunions du conseil de direction. Réunion du 22 décembre 1915.
18 Idem. Réunion du 11 avril 1916.
19 Archives de la chambre de commerce et d’industrie de Marseille (CCIM), Marseille, MN 4245/01. Taxe sur les bénéfices de guerre (1915-1926). Délibération de la chambre de commerce du Havre sur le projet de contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre adoptée par la chambre de Marseille à la séance du 1er février 1916.
20 Archives nationales du monde du travail (ANMT), Roubaix (59), ANMT 1994007 0146. Syndicat des fabricants de toiles d’Armentières, Union des syndicats patronaux des industries textiles (1911-1924). Séance du 23 février 1916, Compte rendu (CR) de la réunion du comité de l’Union, 24 février 1916.
21 CCIM MN 4245/01. Taxe sur les bénéfices de guerre (1915-1926). Georges Aubry, « Les bénéfices de guerre devant le Sénat », Le Sémaphore, 1er avril 1916.
22 CAEF 4 A 1 Inspection générale des Finances (IGF). Rapports de l’inspection des Finances sur les travaux de l’année 1917 : « En principe la comptabilité devrait donner au contrôleur toutes les facilités désirables pour déterminer les bénéfices et les imposer. Cette comptabilité est obligatoire pour tout commerçant en vertu du code du commerce […], mais très souvent le commerçant ne tient pas de livre ou déclare qu’il n’en tient pas. »
23 L.-A. Léautey, A. Leseurre, La taxation des bénéfices de guerre…, ouvr. cit.
24 Idem. « Ses efforts, [...], les travaux de l’institut international de statistique du début du siècle n’aboutissent pas. Léautey meurt en 1909. Une ligue pour la réforme de la loi sur les sociétés par action formée en 1911 reprend le flambeau, mais discute de façon superficielle. »
25 Jean-Guy Degos, « Les grands auteurs comptables… », art. cit. : « La comptabilité moderne, qui se veut rationnelle et qui a des ambitions mathématiques, a été étudiée par Eugène Léautey et Adolphe Guilbault à la fin du XIXe siècle… », p. 8-9.
26 CCIM MK 72/033 Archives. Experts comptables (1903-1980). Me Ardisson de Perdiguier, avocat du conseil d’administration, Conférence sur la nécessité pour les commerçants de l’application des lois commerciales et pénales relatives à la tenue des livres de commerce, Marseille, Imprimerie nouvelle 1903 ; extrait du PV de l’assemblée générale de l’association des comptables professionnels de Marseille du 16 janvier 1903, p. 7.
27 Claude Bocqueraz, « The professionalisation project… », doctorat, op. cit.
28 Patrick Fridenson, Lucie Paquy, « Du haut enseignement commercial… », op. cit.
29 CCIM MJ 8421 Établissements d’enseignement et de formation. Écoles techniques industrielles ou maritimes. Écoles d’ingénieurs et de niveau supérieur. École d’ingénieurs de Marseille (1891-1972). Programme des conditions d’admission et de l’enseignement à l’École d’ingénieurs de Marseille, Paris, Vuibert et Nony éditeurs, 1905 ; École d’ingénieurs de Marseille 1937-1938, Marseille, SA du Sémaphore, 1937.
30 CCIM MJ 8423 Établissements d’enseignement et de formations. Institut technique supérieur puis Institut de gestion appliquée à l’entreprise, historique (1916-1977).
31 On peut citer par exemple des ouvrages qui sont réédités de très nombreuses fois comme ceux de : Eugène Leautey, Adolphe Guilbault, La science des comptes mise à la portée de tous, Paris, 26e édition, 1889 ; Gabriel Faure, Cours de comptabilité à l’usage des écoles primaires supérieures, Paris, 4e édition, 1914 et 7e édition, 1921, 10e édition, 1936 ; L’évolution de l’esprit comptable. Ses conséquences. Conférence faite à la Société de Comptabilité de France le 26 octobre 1929, Paris, s.d., Publication de la Société de Comptabilité de France, 1929.
32 Yannick Lemarchand, Marc Nikitin, Henri Zimnovitch, « International Accounting Congresses in the 20th Century. A French perspective », Accounting, Business and Financial History, vol. 18, no 2, July, p. 97-120.
33 A. Fortin, « The evolution of French accounting... », doctorat, op. cit. : « Les comptables professionnels n’étaient pas sollicités, l’absence de demande ralentit le développement de la profession », p. 540.
34 Lucette Le Van Lemesle, Le juste ou le riche. L’enseignement de l’économie politique. 1815-1950, Paris, CHEFF, 2004 : « E. Léautey souligne les difficultés de recrutement de bons professeurs dans les écoles de commerce à la fin du XIXe siècle », p. 361.
35 CAEF B 34 011. Productions de guerre. Organisation du régime fiscal (1915-1918). Avis de la commission du budget sur la proposition de loi de Mistral, PV de la séance de la Chambre des députés du 14 mars 1916.
36 CAEF B 34 013. Chambre des députés, session de 1919. Annexe au PV de la séance du 29 juillet 1919, deuxième rapport supplémentaire fait par Albert Grodet, radical socialiste, au nom de la commission du budget.
37 P.-C. Hautcoeur, « Taxation and accounting… », op. cit.
38 Les commissions du premier degré sont composées d’agents des régies fiscales (Contributions directes et cadastre, Contributions indirectes, Enregistrement, Domaines et Timbre, Douanes).
39 Catherine Omnès, « Le patronat et l’impôt entre les deux guerres : l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) », dans Michel Lescure, Maurice Lévy-Leboyer, Alain Plessis (dir.), L’impôt en France aux XIXe et XXe siècles, Paris, CHEFF, 2006, p. 303-317 : « Le respect des règles propres à chaque entreprise satisfait l’UIMM et contribue à son acceptation du système fiscal d’après-guerre », p. 305.
40 CAEF 4 A 1. IGF. Rapports de l’inspection des Finances. Rapport sur les travaux effectués au cours de l’année 1919. Contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre.
41 CAEF B 43 161. Direction générale de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre. Instruction relative à l’exécution de la loi du 1er juillet 1916, non datée.
42 CAEF B 33 976. Budget ordinaire de 1918. Notes et renseignements. Loi de Finances. Chambre des députés. Annexe au PV de la séance du 19 novembre 1918. Budget 1918. Note de Louis Marin, rapporteur général du budget et président de la Fédération républicaine, rappel des modalités de recouvrement de la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre. Dans un premier temps, les échéances « varient suivant qu’il s’agit de bénéfices exceptionnels ou de bénéfices supplémentaires. Pour les premiers, l’impôt doit être intégralement acquitté dans les délais impartis par la loi, c’est-à-dire par quart de deux mois en deux mois à partir du premier jour du mois qui suit la publication du rôle pour l’impôt afférent à la première période d’imposition et de trois mois en trois mois pour les autres périodes ; Pour les seconds, les deux derniers quarts ne devront être versés qu’après la fin des hostilités ». Les règles sont uniformisées après la guerre.
43 CAEF B 43 161. Contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre. La CSBG comprend : un président de section du Conseil d’État désigné par le ministre de la Justice ; deux conseillers d’État, également désignés par le ministre de la Justice ; deux conseillers maîtres à la Cour des comptes, désignés par le ministre des Finances ; deux inspecteurs des Finances, désignés par le ministre des Finances ; le directeur général et un administrateur des Contributions directes, désignés par le ministre des Finances ; six membres désignés par la réunion des présidents des chambres de commerce ou à défaut, par le ministre du Commerce et de l’Industrie. Décret de nomination des membres de la Commission supérieure prévue à l’article 2 de la loi du 1er juillet 1916 après désignation de six membres par les chambres de commerce. On y trouve par exemple, le conseiller d’État Baudoin-Bugnet, directeur général des Contributions directes, et le président de la chambre de commerce de Paris (Arthur David-Mennet) et de Lyon (Coignet).
44 P.-C. Hautcoeur, « Taxation and accounting… », op. cit., p. 2.
45 F. Tristram, « L’administration fiscale et l’impôt sur le revenu dans l’entre deux guerres », Études et documents, XI, CHEFF, 1999, p. 211-242 : « Le concours de contrôleur des Contributions directes ouvert aux bacheliers ne comporte pas d’épreuve de comptabilité proprement dite durant les années vingt », p. 217.
46 On peut citer la Revue de la contribution sur les bénéfices de guerre, dont la date de première publication n’est pas précisée et qui devient en 1921 la Revue des impôts sur le commerce et l’industrie-Revue de l’Enregistrement, Édouard-André Maguéro (dir.).
47 L. Le Van Lemesle, Le juste ou le riche…, ouvr. cit., p. 482.
48 Mattei Stematiu, L’impôt sur les bénéfices de guerre, commentaires théoriques de la loi du 1er juillet 1916, Paris, thèse pour le doctorat de l’université de Paris, faculté de droit, mention sciences politiques et économiques, 1918, publié par M. Giard et E. Brière éd.
49 Anonyme, Commentaire théorique et pratique de la loi du 1er juillet 1916 sur les bénéfices de guerre, Paris, Imprimerie centrale de la Bourse.
50 William Oualid, Bénéfices de guerre, Paris, comité national d’études sociales et politiques, 1918.
51 CAEF B 34 013. Chambre des députés, session de 1919. Annexe au PV de la séance du 27 février 1917, rapport fait au nom de la commission de la législation fiscale chargée d’examiner le projet de loi concernant l’application de l’article 5 (définition de la patente) de la loi du 1er juillet 1916, signé Auriol. L’article précise qu’il s’agit de la patente d’avant-guerre et indique que le contribuable patenté qui ne veut, ou ne peut, fournir les éléments nécessaires à la détermination de son bénéfice normal est autorisé à l’évaluer à trente fois le principal de la patente. La proposition vise à permettre de calculer le principal de la patente par la moyenne des principaux se rapportant aux trois années antérieures à 1914.
52 CAEF 4 A 1. IGF. Rapports de l’inspection des Finances. Rapport sur les travaux effectués au cours de l’année 1918. Contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre.
53 CAEF B 33 981. Budget de 1925. Préparation, discussions (1924-1925).
54 Guillaume Kerouredan, « Un aspect de l’organisation patronale au XXe siècle : l’Association nationale d’expansion économique (décembre 1915-mars 1951) », doctorat en histoire, université Paris I, 1986.
55 Bibliothèque nationale de France (BNF). Chronique de l’ANEE, L’Expansion économique, mai 1918, p. 4-6. L’Association est créé en 1915 sous l’impulsion de la chambre de commerce de Paris, d’Arthur David-Mennet, son président, et de diverses associations commerciales, industrielles et maritimes, pour défendre les intérêts commerciaux de la France à l’étranger et préparer l’après-guerre.
56 BNF. Chronique de l’ANEE, L’Expansion économique, février 1918, p. 1-8, p. 2 ; Chronique de l’ANEE, « La taxe sur les paiements », L’Expansion économique, août septembre 1918, p. 1-6. La taxe frappe toutes les ventes au détail et elle est appliquée sous la forme de timbres mobiles collés sur un livre spécial à chaque paiement reçu contrôlé par la direction de l’Enregistrement. La possibilité d’abonnement facilite les procédures. La taxe sur le chiffre d’affaires lui succède en 1920. Elle conserve un taux modéré (1,10 %) qui la fait accepter alors que la taxe sur les paiements est rejetée malgré son taux modique.
57 BNF. Chronique de l’ANEE, « La taxe sur les paiements. Rapport présenté au conseil d’administration par Max Leclerc au nom de la commission de politique financière et fiscale », L’Expansion économique, août-septembre 1918, p. 69-73.
58 CAEF B 56 958. Contribution extraordinaire sur les bénéfices réalisés pendant la guerre. André Citroën.
59 B. Touchelay, « La comptabilité et l’expertise à l’origine d’un empire industriel : Marcel Boussac et la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre 1916-1928 », Communication aux JHCM, Roubaix, mars 2007.
60 ANMT 1987003 0024 et suivantes. Archives Boussac ; voir également : CAEF B 15 609. Contribution extraordinaire. Marcel Boussac.
61 Compagnie générale d’électricité (CGE). Comptes rendus des assemblées générales annuelles (17 décembre 1915-25 juin 1941, exercice 1914-1915 à 1939-1940), Paris, Imprimerie Chaix.
62 Idem. Rapport de Maurel et de Du Vivier de Steel, commissaires aux comptes, présenté à l’assemblée générale du 17 décembre 1915.
63 Id. Assemblée générale du 22 décembre 1916, p. 19.
64 Id. Assemblée générale du 17 décembre 1915.
65 Id. Assemblée générale du 22 décembre 1916.
66 P.-C. Hautcoeur, « Taxation and accounting… », op. cit., p. 11.
67 CGE. Rapport du conseil d’administration à l’assemblée générale extraordinaire du 20 décembre 1917.
68 Henri Zimnovitch, « Les calculs du prix de revient dans la seconde industrialisation en France », doctorat en sciences de gestion dirigé par Jean-Louis Malo, université de Poitiers-IAE, 1997, volume 2, p. 331.
69 Les projets pionniers d’Étienne Clémentel, ministre de l’Industrie, du Commerce, des Postes et des Télégraphes, pour la guerre et l’après-guerre accordent une place non négligeable au développement de la comptabilité privée et constituent une exception. Voir à ce propos : C. Bocqueraz, « The professionalisation project… », op. cit., p. 211-212. Cité p. 208 ; Clotilde Druelle-Korn, « Un laboratoire réformateur, le département du commerce en France et aux États-Unis de la Grande Guerre aux années vingt », doctorat en histoire dirigé par Serge Berstein, IEP Paris, 2004, p. 63.
70 H. Zimnovitch, « Les calculs du prix de revient… », doctorat, op. cit.
71 Voir par exemple : Philippe Lacombrade, « L’Assemblée des présidents des chambres de commerce : naissance d’un contre-pouvoir, 1899-1914 », dans Jean Garrigues (dir.), Les groupes de pression dans la vie politique contemporaine en France et aux États-Unis de 1820 à nos jours, Rennes, PUR, 2002, p. 85-96.
72 CAEF B 33 180 Mouvement général des Fonds (1930). Note sur la trésorerie de 1919 à 1925, envoyée au ministre le 21 janvier 1930 : « La France entre en guerre avec une dette intérieure de 30 milliards à peine et aucune dette extérieure. Elle en sort lourdement obérée d’une dette intérieure de 124 milliards et d’une dette extérieure de 36 milliards, en outre cette dette comprenait 18 milliards d’avances de la Banque de France qui avaient donné lieu à l’émission d’une quantité égale de billets de banque, sans autre contrepartie que le crédit de l’État. »
73 P.-C. Hautcoeur, « Taxation and accounting regulation… », art. cit., p. 12.
74 CAEF B 33 971. Projets de réformes fiscales (1920-1924). Rapport sur le projet d’impôts nouveaux présenté à la Chambre des députés, mars 1920. De Lasteyrie est ministre des Finances à partir de janvier 1922.
75 Idem. Chambre des députés, séance du 1er juillet 1919. Discussion générale. Intervention de Paul Laffont sur le contrôle des bénéfices de guerre.
76 CAEF B 34 013. Travaux législatifs. Bénéfices de guerre, contribution extraordinaire. Projet de crédits additionnels. Note de la direction générale des Contributions directes sur les dépenses ordinaires des services civils, adressée à Albert Grodet, rapporteur du budget du ministère des Finances à la Chambre des députés, le 21 juin 1919.
77 Idem. Note de la direction générale des Contributions directes envoyée à Raoul Péret, député centriste de la Vienne, président de la commission du budget de la Chambre des députés, le 25 juin 1919.
78 Id. Rapport supplémentaire, annexe au PV de la séance de la Chambre des députés du 29 juillet 1919 relatif à la demande d’ouverture sur le chapitre 95bis d’un « crédit supplémentaire affecté à la rétribution du personnel spécial chargé de l’établissement de la contribution ».
79 Non signé, « Mouvement général des dépenses et des ressources de l’État de 1913 à 1922. Les recettes de 1913 à 1922 », Bulletin de statistiques et de législation comparée (BSLC), tome 22, Paris, Imprimerie nationale, 1923, p. 86 et suivantes.
80 CAEF B 33 980. Budget de 1923. Direction générale des Contributions directes. Note du 10 mars 1923 au sujet de l’amendement du 26 février 1923 apporté aux textes tendant à l’adoption du double décime sur les impôts en vigueur, présenté par Charles Baron, député SFIO des Basses-Alpes, et ses collègues députés, signée par le directeur général des Contributions directes et adressée au ministre des Finances.
81 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction, 18 janvier 1921.
82 Idem. Réunion du 13 mars 1921.
83 CCIM MF 2313/052. Compte rendu (CR) des travaux de la commission de législation (mars 1914-décembre 1927). Séance du 1er avril 1921.
84 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction du 19 avril 1921.
85 CAEF B 34 013. Travaux législatifs. Bénéfices de guerre, contribution extraordinaire. Lafarge, député, demande de renseignements et réponse pour la préparation des discussions sur le privilège du Trésor, 21 novembre 1921. La loi du 16 août 1922 abroge ce privilège.
86 P.-C. Hautcoeur, « Taxation and accounting… », art. cit.
87 CAEF 4 A 1. IGF. Rapports de l’inspection des Finances. Rapport sur les travaux effectués au cours de l’année 1919. Contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre.
88 CAEF B 34 013. Bénéfices de guerre (1917-1922). Contribution extraordinaire sur les bénéfices réalisés pendant la guerre (1917). Travaux législatifs. Note de la direction générale des Contributions directes envoyée à Raoul Péret le 25 juin 1919.
89 Idem. Ministère des Finances, direction générale des Contributions directes. Le directeur général au ministre des Finances, réponse aux demandes de renseignements d’Albert Grodet, 19 juillet 1919. Remarquons que ces chiffres ne correspondent pas à ceux qui seront présentés plus loin. Cette différence s’explique par les redressements opérés par les services à mesure du traitement des dossiers des commissions.
90 Idem. Chambre des députés, séance du 1er juillet 1919. Discussion générale. Intervention de Paul Laffont sur le contrôle des bénéfices de guerre.
91 Idem. Budget de 1919. Chambre des députés, deuxième séance du 1er juillet 1919, discussion générale, intervention d’Albert Grodet.
92 CAEF B 33 971. Réformes fiscales. Projets et discussions parlementaires (1919-1920). Chambre des députés. Annexe au PV de la séance du 29 avril 1920. Projet de loi portant ouverture de crédits en vue du renforcement des administrations chargées de l’assiette et du recouvrement des impôts et du contrôle financier présenté par Paul Deschanel, président de la République, et Frédéric François-Marsal, ministre des Finances.
93 P.-C. Hautcoeur, « Taxation and accounting… », art. cit.
94 CAEF B 33 981. Budget de 1925. Préparation, discussions (1924-1925).
95 Non signé, « Mouvement général des dépenses et des ressources de l’État de 1913 à 1922. Les recettes de 1913 à 1922 », BSLC, art. cit.
96 P.-C. Hautcoeur, « Taxation and accounting… », art. cit., p. 10. Notons que pour sa démonstration l’auteur s’appuie sur un certain nombre de dossiers de la Commission supérieure et sur le Recueil des décisions de la CSBG, une publication officielle qui commence en 1919 et qui présente les décisions considérées comme jurisprudentielles jusqu’à juillet 1927. Comme il l’indique lui-même, ces sources valorisent le caractère conflictuel du prélèvement et minimisent les cas sans conflit et les décisions généreuses. Elles mettent aussi en avant des firmes importantes car elles sont davantage contrôlées par les administrations fiscales et plus capables de payer et de se défendre.
97 S. Grotard, P.-C. Hautcoeur, « Taxation of corporate profits… », art. cit., p. 16.
98 Chambre de commerce de Bordeaux (CCB) 71/M1 70. Extrait des PV. Lettres et mémoires de la chambre de commerce de Bordeaux, Bordeaux, Imprimerie nouvelle F. Pech et Cie, 1920, p. 532-534. Délibération du 22 octobre 1919.
99 CCIM MN 4245/01. Taxe sur les bénéfices de guerre (1915-1926). Extrait du PV de la séance du 24 février 1920. Présentation de la délibération de la chambre de commerce de Rouen sur le rapport présenté par Lemarchand tendant à la suppression de la contribution extraordinaire, 24 décembre 1919.
100 AUIMM. PV de la réunion du conseil de direction du 20 juillet 1920.
101 CCIM MN 4245/01. Taxe sur les bénéfices de guerre (1915-1926). Note d’un adhérent au sujet de la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre, non datée.
102 Ibid. « Suivant que les bénéfices non distribués ont été autrefois passés aux inventaires comme amortissements ou bien comme provisions de réserves (ce qui est purement une question de forme), les entreprises se trouvent avoir ou non à leur actif des immobilisations sur lesquelles l’amortissement est possible. Celles qui ont eu l’heureuse idée de se servir de la rubrique “provisions et réserves” ont de plus l’avantage de pouvoir compter comme bénéfice non taxé 8 % de ces réserves. »
103 J. Bouvier, « Le système fiscal français du XIXe siècle… », art. cit. Bouvier emploie l’expression « d’extraordinaire piétinement » pour qualifier le blocage des réformes du système des impôts directs proposées par Joseph Caillaux en février 1907, et qui ne sont adoptées que « sous l’aiguillon des besoins militaires » à partir du 15 juillet 1914, p. 253.
104 CAEF B 58 846. Réformes fiscales. Historique sur le forfait, non daté. Ribot au sujet du forfait : « Ce procédé d’évaluation n’a d’ailleurs été prévu qu’à titre tout à fait transitoire ainsi qu’il résulte des termes même du rapport no 3044 du 22 février 1917 fait au nom de la commission de la législation fiscale de la Chambre par Jacques-Louis Dumesnil : “Votre commission considère que dans un avenir prochain il serait préférable de substituer le système de la déclaration et l’imposition d’après le bénéfice réel à l’imposition d’après le bénéfice forfaitaire pour l’évaluation des BIC […] il s’agit en réalité d’une transaction qui ne sera qu’une transition.” »
105 C. Bocqueraz, « The professionalisation project… », doctorat, op. cit. Citation de Georges Reymondin, fondateur en 1912 de la Compagnie des experts comptables de Paris (1928) : « L’équité exige que chacun paie les impôts qu’il doit réellement et leur importance ne peut se justifier que par des comptes sincères établis par le petit comme par le gros contribuable, en vertu de ce principe que : tout se résume par des chiffres. La profession d’expert-comptable du commerce et de l’industrie s’est imposée parce que répondant aux exigences des affaires modernes. Son utilité appelle son organisation. Celle-ci était en bonne voie lorsque survint la guerre qui a tout désaxé », p. 41-42.
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