Introduction générale
p. 17-30
Texte intégral
1La contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre introduite par la loi du 1er juillet 1916 puis l’impôt sur les bénéfices quelques mois plus tard bouleversent les relations entre les entreprises et le fisc1. Basé sur la déclaration des contribuables, l’impôt devient alors un puissant moteur de la clarification des comptabilités des entreprises privées. Or, la normalisation comptable met plus de quarante ans à s’imposer. Comment expliquer ce paradoxe dans un État où ni le législateur, ni les pouvoirs publics ne reculent en principe devant la réglementation ?
2Les travaux des spécialistes des sciences de gestion qui adoptent une démarche historique2 pour expliquer l’évolution des outils et des concepts comptables, la formation de leur profession3 ou les conditions de l’apparition du plan comptable ouvrent des pistes4. L’existence d’un lien entre la progression de la comptabilité normalisée et le patronat français est déjà soulignée par Peter Standish qui remarque qu’en 1880 le premier congrès de comptabilité organisé en France est patronné par le Comité central des chambres syndicales patronales et par l’Union nationale du commerce et de l’industrie et qu’il a pour thème l’unification des comptabilités5. La recherche des moteurs et des freins de l’harmonisation comptable pendant les soixante premières années du XXe siècle doit permettre de préciser davantage encore les relations entre l’outil comptable et son environnement économique et politique6.
3La comptabilité envisagée, comptabilité générale ou comptabilité financière, pour reprendre la terminologie actuelle, est constituée de l’ensemble des techniques d’enregistrement des opérations économiques entre l’entreprise et son environnement et leur synthèse dans un ensemble de documents annuels : bilan et, selon les époques envisagées, compte de pertes et profits, compte d’exploitation ou compte de résultats. L’histoire de la comptabilité analytique, dénommée autrefois comptabilité industrielle et aujourd’hui comptabilité de gestion, concernant les calculs de coûts, est mieux balisée et ne constitue pas le centre de l’analyse7. L’intérêt est centré sur la réglementation des pratiques comptables permettant de définir un vocabulaire commun afin que l’ensemble des agents publics et privés suive les activités des entreprises, facilitant ainsi la prise de décision. L’analyse ne concerne pas la comptabilité que les entreprises établissent pour leurs propres fins et elle ne prétend pas non plus que la normalisation contribue systématiquement à améliorer les pratiques. Elle s’intéresse à la construction d’un langage commun qui accompagne l’édification de l’État moderne, la progression de la normalisation comptable étant considérée à la fois comme un révélateur et comme un moteur de l’affirmation d’un nouveau mode de régulation économique et sociale encadrée par l’État. Ce langage est aussi perçu comme une construction, une convention résultant de compromis obtenus dans des circonstances historiques particulières. S’engageant à refléter les opérations économiques de l’entreprise, la comptabilité générale n’en donne que l’image que ses concepteurs et ses utilisateurs veulent bien qu’elle fournisse. Personne n’est dupe, ce langage conventionnel peut être trompeur, mais l’intérêt bien compris de chacun est de le définir et de l’utiliser pour faciliter les échanges.
4Censée refléter une réalité, la comptabilité influence aussi cette réalité, et l’absence de normalisation a longtemps permis que se développent des pratiques que la rationalité économique ou les intérêts des actionnaires ne justifiaient pas toujours8. Il en va ainsi de l’assimilation de dépenses d’investissement à des charges et de la comptabilisation d’amortissements exagérés, aboutissant à la constitution de réserves occultes, ou à l’inverse du défaut d’amortissement des matériels et de prise en compte de la dépréciation de certains actifs, de façon à dissimuler des pertes.
5Appréhendée comme une construction intellectuelle, la comptabilité remplit aussi une fonction de légitimation. Elle vise à légitimer l’action des dirigeants de l’entreprise et le bien fondé du système du marché, en fournissant des critères d’évaluation de leur réussite et en les protégeant de la contestation9. La possibilité de modifier les indicateurs qui ne rempliraient plus leur fonction est toujours offerte. Les débats actuels sur les normes comptables internationales donnent une idée de l’importance des enjeux de la question. La comptabilité dont il est question est aussi celle qui reflète un système économique et politique plus général, même si les normes sont toujours en retard sur la pratique10.
6Sans mésestimer le rôle de l’idéologie, il convient avant tout de décrire la façon dont ces normes se sont imposées, quitte à amplifier le rôle de la normalisation et à sacrifier l’analyse plus délicate des rapports de forces qui la sous-tendent. Il s’agit de savoir pourquoi et comment les pratiques comptables des commerçants et des producteurs, artisans et industriels, plus qu’agriculteurs qui bénéficient d’un régime à part, ont été normalisées. Comment et pourquoi ces acteurs ont intégré des règles façonnées à l’extérieur ? S’agit-il d’une abdication des entreprises ? D’un renoncement ? Sous quelles contraintes et pour quelles contreparties se plient-elles à ces règles ? Cette série de questions en appelle deux autres, l’une pratique : quels sont les acteurs qui ont laissé des traces de leurs interventions et de leurs motivations dans les archives disponibles ? L’autre question est plus générale : que nous apprend cette longue marche de la normalisation des comptabilités privées pendant les deux premiers tiers du XXe siècle ?
7La « science » des comptes est ancienne, ses mécanismes fondamentaux, comme la partie double, sont mis en œuvre dès le XIVe siècle mais, si la plupart des grandes entreprises disposent de services comptables à la fin du XIXe siècle, l’hétérogénéité des écritures prive leurs partenaires de moyen de contrôle sur l’origine et sur l’usage des bénéfices, comme sur la gestion des affaires11. La comptabilité des entreprises reste longtemps une affaire exclusivement privée. Les professionnels, comptables12, juristes, ou parlementaires, défendant les droits des épargnants, et ceux qui contribuent au financement de l’entreprise ou qui sont intéressés par son développement (banques, assurances, fournisseurs, etc.) suggèrent de renforcer le contrôle des sociétés en réglementant leurs pratiques comptables13. Ils sont très minoritaires. La majorité des acteurs économiques et politiques s’accommode du flou des réglementations et du désordre des pratiques. Ces questions intéressent peu les milieux politiques et le statu quo l’emporte jusqu’à la Grande Guerre14. Les définitions des principaux postes du bilan se précisent ensuite lentement, celles de l’amortissement au sortir de la guerre, celles des bénéfices sont codifiées par une loi en 1934, puis le premier plan comptable général publié sous Vichy édicte un certain nombre de règles. Répondant surtout aux besoins de la comptabilité des prix de revient, il ne résout pas tous les problèmes : les modes de constitution des réserves et d’évaluation des stocks sont toujours discutés à la Libération. Adopté pendant l’Occupation pour servir un régime liberticide et xénophobe, ce plan à très mauvaise presse. Laissé facultatif, il ne garantit pas davantage l’harmonisation des comptes que ses successeurs avant que la loi ne prescrive la définition de plans professionnels en 1959. Même après cette date les professions mettront plus de dix ans pour définir leurs plans comptables.
8Cette histoire singulière présente de nombreux points communs avec celle de la statistique publique, leurs étapes sont les mêmes et elles partagent souvent les mêmes acteurs et rencontrent les mêmes freins. Cette convergence incite à faire l’hypothèse d’une chronologie propre à ce que Francis Louis Closon, premier directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), décrit comme un combat entre une « France du chiffre », celle qui porte le développement de l’information quantifiée, et une « France des mots », qui s’y oppose15. Ce schéma d’analyse ne vise qu’à mettre en relief certains des clivages provoqués par l’intrusion de la quantification parmi les outils de la décision, et à poser des questions jusque là négligées. En marge des césures politiques et économiques et connaissant ses propres rythmes, cette chronologie est autant celle de la lente reconnaissance de la nécessité d’un langage collectif basé sur des chiffres et codifié hors de l’entreprise, par le secteur privé et par l’État, que celle des étapes de la normalisation des comptabilités privées. Difficile à cerner tant elle est disparate avant l’Occupation, la « France des chiffres » devient ensuite celle des praticiens du chiffre, les statisticiens de l’Insee, les démographes et les sociologues du nouvel Institut national des études démographiques (INED), les premiers comptables nationaux du Service des études économiques et financières (SEEF), les experts du Plan et ceux qui sont chargés de la progression de la comptabilité privée. Elle diffuse une culture du chiffre dans les directions économiques et fiscales et dans les entreprises privées. En matière comptable, le cadre institutionnel établi depuis l’Occupation s’appuie sur un plan comptable général et sur des commissions et comités chargés de l’adapter aux besoins des secteurs d’activité. La définition d’un nouveau plan en 1947, qui sépare la comptabilité générale de la comptabilité analytique, et en 1957, qui approfondit cette dernière, renforce ce cadre. La « France des mots » résiste à la fois aux enquêtes statistiques et à la normalisation comptable jusqu’à la décision gouvernementale d’envisager, puis d’imposer l’obligation comptable. Il s’agit ici de retracer les étapes qui conduisent à ce retournement, d’en cerner les protagonistes et d’en définir les contours et les enjeux.
9Cette histoire est celle d’un groupe d’acteurs d’abord éparpillés, puis qui se rejoignent, autour de la nécessité de définir des règles collectives obligeant les titulaires de bénéfices à améliorer la lisibilité des comptes. Ce groupe constitue une nébuleuse calculatrice dont les contours d’abord très flous se précisent progressivement16. La nébuleuse regroupe des personnalités convaincues de la nécessité d’harmoniser les pratiques comptables des entreprises. En marge de l’élite économique ou politique, ses membres entretiennent des relations informelles et se heurtent aux défenseurs du secret des affaires et de l’autonomie comptable de l’entreprise. Ils reçoivent un cadre institutionnel du régime de Vichy, profitent de l’esprit de la planification après l’Occupation pour se transformer en réseau et conduire au décret de 1958 déclenchant le processus de la régulation comptable17. Il convient d’expliquer la lenteur de ce processus qui distingue la France de plusieurs pays industrialisés où la réglementation comptable répond soit à l’initiative de puissants secteurs et des entreprises (États-Unis), soit à celle d’un État autoritaire (Allemagne) et où, à l’image des Chartered accountants britanniques, la comptabilité est défendue par de puissantes corporations.
10Sans étudier en détail tous les facteurs susceptibles de rejeter ou d’inciter à la normalisation, négligeant en particulier le rôle des banquiers, celui des juristes et celui des syndicats de salariés, trois pistes sont privilégiées. La première est celle des principales organisations patronales qui contribuent à délimiter le domaine de l’autonomie comptable des firmes. La seconde est celle de l’État, perçu à la fois à travers les prises de positions des gouvernements, des directions financières et fiscales et des parlementaires définissant la politique fiscale, et en particulier l’imposition des bénéfices et des sociétés. La troisième piste a été moins développée. Elle concerne les comptables de profession qui défendent une certaine conception de l’information économique.
11Le rôle des organisations patronales dans la diffusion des nouvelles pratiques ou dans son freinage est donc l’un des pivots de l’analyse18. L’approche laisse de nombreuses zones d’ombre et suggère davantage de pistes de recherches qu’elle ne résout de problèmes, mais elle éclaire un peu les réactions collectives des commerçants et producteurs à la très forte augmentation des contraintes pesant sur leurs activités au XXe siècle. Elle retient la définition synthétique de Patrick Fridenson qui caractérise l’organisation par ses « dispositifs cognitifs collectifs permettant à un groupe, par voie d’apprentissage collectif, d’atteindre des objectifs globaux d’efficacité minimale19 ». La démarche s’inscrit dans les recherches sur les organisations patronales, dont Michel Offerlé rappelle l’émiettement et dont la publication récente d’un dictionnaire du patronat français souligne le dynamisme20. Elle vise à préciser l’influence de ces organisations sur la progression de la comptabilité privée dans la période contemporaine. La difficulté consiste à cerner les interlocuteurs patronaux susceptibles d’intervenir dans les débats et à préciser comment ils interviennent21. La diversité patronale, la disparité des entreprises et de leurs représentants auprès des pouvoirs publics et l’inégalité des fonds d’archives disponibles renforcent ces difficultés. Les relations des fédérations avec les confédérations ou avec les administrations centrales sont aussi peu visibles que les rapports de force internes. Le ton des comptes rendus ou des procès-verbaux de réunions, de conseils, ou d’assemblées patronales ou celui des articles de la presse patronale est feutré. Ces difficultés obligent à détailler certains aspects de l’histoire des organisations tirées des archives, qui sont incomplètes, et à s’engager dans une démarche plus monolithique qu’il ne le faudrait. L’échelon supra national qui est le plus visible, avec la Confédération générale du patronat français (CGPF), puis le Conseil national du patronat français (CNPF) après 1946, est privilégié au risque de gommer les rapports de force et les antagonismes entre fédérations. L’échelle confédérale s’impose aussi avec l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) pour tenter d’obtenir une image homogène des entreprises22. Suivent ensuite l’échelle sectorielle avec l’Union textile, l’approche régionale avec les chambres de commerce23 et celle de quelques organisations interprofessionnelles comme les Jeunes patrons, ou bien d’organismes d’études.
12Chercher à éclairer les clivages internes et les fractures provoqués par la question comptable dans ces organisations est d’autant plus ambitieux que ces clivages ne sont pas seulement dissimulés par l’opacité des sources, mais qu’ils le sont aussi par l’ambiguïté des positions patronales sur le sujet. L’attachement traditionnel des chefs d’entreprises au secret des affaires qui les pousse à rejeter toute contrainte étatique est connu et ne constitue pas une spécificité française. Il n’empêche ni le développement des services comptables dans les plus grandes entreprises dès le XIXe siècle, ni son affirmation au XXe siècle, mais il freine leur harmonisation. Tout en reconnaissant l’intérêt de la normalisation comptable, la plupart des grandes organisations patronales la rejettent. Or, la liberté qu’elles réclament est contradictoire avec la nécessité de disposer d’un outil éclairant l’environnement économique de l’entreprise. La contradiction interne au patronat est consciente dans les plus grandes organisations, mais elle n’est pas comprise par les autres. La normalisation comptable divise donc et le rapport à l’impôt accentue encore les divergences, même s’il n’est pas seul. Les clivages et leurs fondements devront être explicités.
13Le second acteur est l’État qui intervient à travers la fiscalité appréhendée ici comme le principal moteur de la normalisation. Il s’agit de savoir pourquoi et comment les directions ministérielles et les services centraux des administrations participant à la politique fiscale et au contrôle des entreprises interviennent en faveur de la normalisation. Le paradoxe d’un État qui introduit le principe déclaratif sans se donner les moyens de l’appliquer est à expliquer. L’approche oblige à approfondir l’histoire de l’impôt pesant sur l’entreprise privée, celle du forfait et celle de la lutte contre la fraude qui restent mal connues pour la période de l’entre deux guerres, la fiscalité d’après 1945 étant mieux étudiée24. La césure établie entre les contribuables dotés des capacités matérielles, techniques et culturelles d’établir des comptabilités de qualité et les autres, aboutit au dualisme fiscal et fait de la comptabilité l’un des attributs du pouvoir qu’il convient aussi d’analyser. L’histoire de la normalisation comptable ainsi envisagée peut éclairer certains fondements des inégalités et des mécanismes de domination économique dans la France contemporaine. La déficience de l’enseignement des techniques comptables, leur faible notoriété auprès des élites et les réticences à l’égard de l’harmonisation comptable qui en découlent, sont également à expliciter.
14Le troisième acteur retenu ici est sacrifié. L’approche de la profession comptable, dont la définition est ancienne25, et l’évolution de la formation comptable constituent deux angles morts que de nombreux travaux éclairent par ailleurs26.
15Les archives mobilisées sont les Archives nationales du monde du travail (ANMT) de Roubaix, qui informent sur les groupements patronaux, le Centre des archives économiques et financières (CAEF) de Savigny-le-Temple, qui fournit la documentation la plus abondante éclairant à la fois la politique fiscale, les débats qu’elle suscite, ses limites et les réformes effectives ou projetées comme leurs résultats. Ces archives informent sur le rôle de la comptabilité dans la perception de l’impôt et sur les relations entre les entreprises et le fisc. Leur richesse s’explique aussi par le fait qu’elles contiennent les fonds de la direction des Contributions directes qui est à la fois à l’origine de l’organisation du contrôle fiscal et de la normalisation comptable. Les dossiers consultés renferment aussi des données extérieures au ministère comme des articles de presse, des procès-verbaux de débats parlementaires, ou les différentes moutures des projets de loi. On y trouve également les comptes rendus des travaux des commissions et des sous-commissions successives chargées du plan comptable depuis 1941. Les archives des chambres de commerce de Bordeaux et de Marseille ont aussi été consultées. L’ancienneté de ces institutions, l’éloignement de la Capitale, la diversité des activités économiques régionales, la présence de compagnies d’experts comptables locales réputées pour leur sérieux et l’ampleur de leurs fonds expliquent ces choix27. Deux sources privées, les comptes rendus annuels des assemblées générales de la Compagnie générale électrique entre décembre 1915 et juin 1941 et les procès-verbaux du conseil de direction de l’UIMM de décembre 1915 à décembre 1944, complètent ces données28. Les archives départementales ont aussi été mobilisées, mais n’ont pas fourni de résultats notables, à l’exception de celles du Nord qui informent sur la contribution du patronat local à la diffusion des études comptables et à la formation des comptables. Le dépouillement d’une partie de la presse patronale29 et la consultation de travaux sur des entreprises apportent des exemples indispensables sur la moyenne durée30.
16Que peut-on attendre d’une étude sur la normalisation comptable dans la France du long XXe siècle ?
17La démarche vise à élargir les perspectives traditionnelles de l’histoire économique et de l’histoire des entreprises en s’intéressant aux outils et aux conventions comptables qui ont été souvent délaissés31. Les spécialistes des sciences de gestion intéressés par l’histoire se sont déjà interrogés sur les particularités de cette normalisation32. Jean-Guy Degos par exemple, évoque un « paradoxe » qui malgré son ancienneté, fait de la science comptable « l’une des disciplines académiques les plus jeunes, les plus méconnues et les plus négligées ». Anne Fortin, historienne canadienne de la comptabilité française, montre que cette situation renvoie à la très faible considération dont jouissent initialement les comptables auprès des chefs d’entreprises33. Les travaux comparatifs sur le développement de la profession des comptables en France et en Grande-Bretagne menés par Carlos Ramirez dans une perspective sociologique34, ou bien ceux de Christopher Kobrak et de Jeffrey Fear comparant l’Allemagne aux États-Unis35 témoignent du décalage français en matière d’organisation de la profession. Ce décalage provoque un véritable complexe national qui fait souvent accepter sans discussion la thèse du retard de la normalisation comptable française. Or, Fortin invite à rejeter cette thèse précisant que le plan comptable de 1957 n’est jugé « en retard qu’en France36 ». Elle indique de surcroît que ce plan rencontre un réel succès puisqu’il sert de base au développement de plusieurs plans comptables pour l’Afrique et qu’il influence la quatrième directive européenne. Sans développer les comparaisons internationales, qui éloigneraient du sujet, l’étude interroge la validité de la thématique du retard de la normalisation avant 1957. Elle vise à discuter la réalité du complexe français et ce faisant, la thèse de l’école de Harvard qui considère que la présence des petites entreprises empêche d’importer le modèle américain de gestion rationnelle condamnant ainsi l’économie française à un retard permanent depuis le XIXe siècle37. Les travaux récents sur les petites entreprises nationales soulignant à la fois leur diversité38 et le dynamisme du capitalisme familial39 incitent plutôt à retenir une perspective opposée. Ils invitent à considérer que le modèle de gestion nord américain est inadapté à la France où la taille des marchés et celle des entreprises ne sont pas comparables. Partant du principe qu’en matière comptable comme ailleurs, il n’existe pas de modèle de croissance unique, ils encouragent à banaliser « le comportement des entrepreneurs français » par rapport à « celui des autres pays industrialisés40 ». Les petites et moyennes entreprises n’apparaissent pas comme des forces d’inertie avant le poujadisme, c’est-à-dire au moment où les résistances à la normalisation s’atténuent dans les grandes entreprises dont l’intérêt bien compris est de se plier à certaines normes pour profiter des avantages offerts par l’État. A l’écart de la normalisation, les petites et moyennes entreprises ne bénéficient pas de ces avantages. L’importance qui leur est accordée par l’historiographie traditionnelle comme force de freinage de la modernisation d’après-guerre a occulté la réalité du freinage exercé par les grandes entreprises dans le processus de la normalisation comptable, que cette étude cherche à souligner. Elle souhaite aussi insister sur l’importance d’un aspect souvent négligé par les approches de la modernisation économique de la France contemporaine : le poids de la formation des élites de l’économie et de la politique, et plus particulièrement la place de la comptabilité et de la gestion. Il convient en effet d’expliquer la faible valorisation des pratiques comptables, jugées techniques, qui est propre à la France et qui contribue largement à la lenteur de la normalisation. Pourquoi faut-il attendre les années 1950-1960, quand l’information économique est pleinement intégrée aux instruments de gouvernement et que l’on réalise que les données issues des comptabilités privées peuvent l’améliorer, pour que ce mépris s’atténue ?
18Il ne s’agit donc pas d’une histoire de la comptabilité ou des comptables, ni d’une histoire de la fiscalité ou des organisations patronales, mais d’une approche de la diffusion de pratiques de direction plus rationnelles dans les entreprises et dans les services fiscaux qui passent par l’usage du chiffre, construit progressivement pour servir de repère, évaluer les actions passées et s’orienter dans l’avenir. Ce n’est pas la comptabilité de chaque entreprise qui intéresse ici, mais la comptabilité harmonisée, celle dont les règles sont reconnues par une communauté de professionnels et d’entreprises et par leurs partenaires au terme d’un lent processus de maturation. L’état des normes comptables diffusées dans le secteur privé est jugé révélateur des relations entre les entreprises, représentées par les organisations patronales, et l’État, matérialisé par la fiscalité. Ces normes et l’histoire de la fiscalité des entreprises constituent les fils directeurs de l’analyse. La démarche adoptée conduit à s’interroger sur la façon dont l’État parvient à imposer des critères de choix et des modalités de calculs dans la tenue des comptes privés et à s’introduire ainsi au cœur même de l’entreprise capitaliste.
19La démarche présente plusieurs limites, quatre paraissant nécessaires à préciser. La première concerne la participation des organisations patronales à la formation aux pratiques comptables, la seconde l’engagement dans l’histoire politique de la France contemporaine, la troisième la profession des comptables et la dernière deux périodes qui auraient mérité plus d’attention.
20Les interventions des organisations patronales dans la formation des dirigeants d’entreprises aux pratiques de gestion mériteraient d’être davantage étudiées pour compléter les travaux sur cet enseignement aux XIXe et XXe siècles, dont Patrick Fridenson et Lucie Paquy présentent une synthèse41.
21Comme en témoigne la période d’avant 1914 qui est mieux connue que la suivante, la participation patronale dans ce domaine est importante. Les nombreuses écoles philotechniques ou polytechniques municipales sont souvent soutenues par le petit patronat local. La formation est également dispensée dans les collèges municipaux de certaines villes telles que Lyon ou Paris (collèges Diderot ou Chaptal avant 1914) et dont les cours du soir révèlent à la fois l’insuffisance de la formation dispensée par les écoles secondaires et l’existence d’un réel besoin de connaissances comptables. Malgré son succès, l’école privée Pigier ne comble pas ces lacunes. La contribution des chambres de commerce à la création d’écoles de commerce, la fondation de l’École des Hautes études commerciales (HEC) à l’initiative de celle de Paris en 1881, par exemple, confirment cet investissement42. L’exploitation des archives des chambres de commerce de Marseille ou de Lille, qui sont particulièrement riches sur ce point, permet de compléter les connaissances sans clore ce chantier d’études. Le rôle de l’enseignement dans la diffusion du plan comptable de 1947 reste également à examiner.
22La seconde limite du manuscrit concerne les frontières retenues en matière d’histoire politique. Si la référence à l’histoire politique de la France contemporaine permet de souligner les particularités de la chronologie de l’histoire du chiffre et de montrer que la question de la comptabilité privée ne s’inscrit pas dans les divisions traditionnelles du champ politique, les motivations de ses protagonistes restent à préciser. Dans les années 1920-1930, les affiliations des parlementaires défendant l’harmonisation comptable sont le plus souvent de gauche, et davantage socialistes que radicales, mais il faut expliquer pourquoi les passages de la gauche au pouvoir ne favorisent pas forcément la normalisation. Il convient aussi de préciser pourquoi le bond en avant de la normalisation comptable date de Vichy et s’inscrit dans une logique d’encadrement et de contrôle inédite qui se prolonge en partie après la Libération. La recomposition du champ politique induite par ces étapes, ou bien les tensions internes aux partis et aux coalitions qu’elles provoquent sont à clarifier en détaillant en particulier le rôle des syndicats de salariés, ouvriers et cadres, et des syndicats catégoriels de l’administration financière et fiscale dans l’affirmation de « la France des chiffres ».
23Les dernières limites de ce travail constituent des chantiers à ouvrir : celui qui éclairerait le rôle des juristes dans les modes de gouvernement des affaires privées et publiques en France, vaste programme, qui est véritablement sacrifié ici. Un autre à peine abordé concerne les prises de position des comptables professionnels, salariés ou experts comptables, qui sont relativement effacées ici par rapport à celles des représentants des organisations patronales et des responsables politiques, alors qu’ils constituent l’un des principaux acteurs de la « France du chiffre43 ». Le dernier silence est plus lourd. Il porte sur deux étapes chronologiques de l’affirmation de « la France des chiffres » qui restent à présenter de façon plus explicite. Celle de l’Occupation tout d’abord, qui mérite davantage d’attention pour préciser les rapports entre le ministère de la Production industrielle, les autorités allemandes et le premier plan comptable. La réalisation d’une analyse de la France des chiffres sous Vichy et pendant la Reconstruction pourrait atténuer cette lacune et permettre d’approfondir les liens entre la normalisation, la planification, le développement de la statistique publique et de la comptabilité nationale.
24Quatre parties retracent la chronologie de la France du chiffre conduisant à l’affirmation du « colbertisme comptable » après 195844. La première commence par la Grande Guerre. Elle est marquée par l’introduction du principe déclaratif et apparaît à ce titre comme un moment charnière pour l’affirmation de la nébuleuse, faisant de l’aiguillon fiscal l’étincelle qui déclenche le mouvement vers la normalisation. Cette partie s’achève sur les espoirs suscités par les projets de réformes du Bloc national et du Cartel des gauches à la veille de la crise économique des années 1930. La période est celle de la prise de conscience de l’importance de la réglementation de la comptabilité pour la rentabilité de l’impôt et pour l’équité fiscale. Elle soude la nébuleuse calculatrice autour de quelques comptables, de parlementaires porteurs de réglementations et de dirigeants d’entreprises convaincus des bienfaits de la comptabilité. La première étape est fondatrice. Elle voit émerger de nouveaux acteurs comme la Confédération patronale et les experts comptables brevetés par l’État. La seconde partie permet à la nébuleuse de s’étoffer davantage pendant les dix ans qui séparent de la Seconde Guerre mondiale, l’aiguillon fiscal restant essentiel. L’encadrement économique introduit par le gouvernement de Vichy profite ensuite à la normalisation. Un plan comptable général est établi et l’ordre professionnel des experts comptables et des comptables agréés est mis en place. La nébuleuse calculatrice réunit alors les moyens de se transformer en réseau. La dernière partie est celle du passage progressif à la régulation, la réglementation des comptabilités privées devenant un outil de gouvernement pour l’État et un outil de gestion pour l’entreprise. L’information économique s’invite alors parmi les moteurs de la normalisation. La résistance frontale de certaines organisations patronales comme la CGPME face aux nouvelles réglementations comptables est dépassée, mais la stratégie de contournement adoptée par le CNPF reste efficace. Elle aboutit à un compromis acceptable pour les organisations professionnelles et pour l’État au terme de négociations qui ont duré près de cinquante ans. Les organisations professionnelles maîtrisent en partie les étapes et les modalités de la définition des cadres de la comptabilité générale qui doivent être généralisés et l’État peut disposer d’un nouvel instrument de contrôle des déclarations de bénéfices et d’une nouvelle source d’informations sur l’activité économique.
25Loin d’être un combat désincarné, le jeu des acteurs retenus est intégré à des débats idéologiques importants opposant dans la plupart des cas, les forces de gauche à celles de droite. Même si la chronologie réserve des surprises puisque les progrès de la « France des mots » ne sont pas toujours liés au passage de la gauche au pouvoir, cette césure est permanente. Faire accepter un ordre comptable relève d’une pratique interventionniste qui se conçoit davantage à gauche qu’à droite de l’échiquier politique. Idéologiquement, la normalisation est connotée car elle témoigne d’une volonté d’encadrement et de contrôle de l’entreprise assez forte pour justifier de lui imposer des règles et écorner son autonomie et le secret des affaires, même s’il ne s’agit ici que de la comptabilité générale, ce qui évite aux entreprises d’avoir à dévoiler de manière précise les sources de leurs bénéfices.
Notes de bas de page
1 Le manuscrit original de ce texte a été rédigé dans le cadre de mon habilitation à diriger des recherches (HDR) d’histoire contemporaine soutenue à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne le 5 décembre 2009.
2 Cette orientation est initiée par Marc Nikitin, « La naissance de la comptabilité industrielle en France », doctorat de sciences de gestion sous la direction de Bernard Colasse, université Paris Dauphine, 1992 ; et Yannick Lemarchand dans son doctorat de sciences de gestion sous la direction de Claude Cossu, université Paris-Val-de-Marne publié sous le titre Du dépérissement à l’amortissement. Enquête sur l’histoire d’un concept et de sa traduction comptable, Nantes, Ouest Éditions, 1993. Y. Lemarchand dresse un bilan de l’approche historique des sciences de gestion aux journées d’histoire de la comptabilité et du management (JHCM) dans « Les JHCM 1995-2008. Rétrospective et perspectives », Revue française de gestion, numéro spécial Histoire et gestion : vingt ans après, vol. 34, no 188-189, novembre décembre 2008, p. 30-52. Voir également le programme établi par Y. Lemarchand : « Vers un programme de recherche en histoire de la comptabilité », HDR, université Paris XII, 1994.
3 Jacques Richard, « De l’histoire du plan comptable français et de sa réforme éventuelle », dans Robert Le Duff et José Allouche (éd.), Annales du management, Economica, Paris, 1992, vol. 2, p. 69-82 ; Peter Standish, The french plan comptable : explanation and translation, Paris, Experts comptables média, 1997 ; Bernard Colasse et Peter Standish dans « De la réforme 1996-1998 du dispositif français de normalisation comptable », CCA, tome 4/volume 2, septembre 1998, p. 5-27 ; Y. Lemarchand, Frédéric Le Roy, « L’introduction de la comptabilité analytique en France : de l’institutionnalisation d’une pratique de gestion », Finance-Contrôle-Stratégie, 2000, vol. 3, no 4, p. 83-111.
4 Anne Fortin, « The 1947 Accounting Plan: origins and influences on subsequent practice », The Accounting Historians Journal, 1991, vol. 18, no 2, 1991, p. 1-23, p. 19.
5 P. Standish, « Origins of the Plan Comptable General: a Study in Cultural Intrusion and Reaction », Accounting and Business Research, 1990, vol. 20, no 80, p. 337-351.
6 Patrick Fridenson, « Quelles méthodes pour l’histoire de la gestion ? », Actes des IVe journées d’histoire de la comptabilité et du management, IAE de Poitiers, mars 1998, p. 15-17, et « Quand la gestion entre dans l’histoire », Revue française de gestion, 1993, no 96, 1993, p. 69-77.
7 Voir par exemple Henri Zimnovitch, « Les calculs du prix de revient dans la seconde industrialisation en France », doctorat en sciences de gestion sous la direction de Jean-Louis Malo, université de Poitiers-IAE, 1997.
8 Y. Lemarchand, Nicolas Praquin « Falsifications et manipulations comptables. La mesure du profit comme enjeu social, 1856-1918 », Comptabilité, contrôle, audit (CCA), 2005, juillet, p. 15-33.
9 Theodore M. Porter, The rise of statistical thinking, 1820-1900, Princeton (New Jersey), Princeton University Press, 1986 et Trust in numbers. The pursuit of objectivity in science and public life, Princeton (New Jersey), Princeton University Press, 1995.
10 Alain Desrosières, La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique, Paris, La Découverte, seconde édition 2000.
11 Y. Lemarchand, M. Nikitin, « Histoire des systèmes comptables », dans B. Colasse (dir.), Encyclopédie de la comptabilité, du contrôle, et de l’audit, Paris, Economica, 2009, p. 891-899.
12 La définition et les fonctions des comptables sont imprécises jusqu’à l’organisation du brevet d’expert-comptable en 1927 et surtout jusqu’à la création de l’ordre en 1942.
13 Nicolas Praquin, « Comptabilité et protection des créanciers (1807-1942) : une étude de la fonction technico-sociale de la comptabilité », doctorat en sciences de gestion sous la direction de Jacques Richard, université Paris Dauphine, 2005 ; « Gouvernance des sociétés anonymes et transfert de risques : le cas des obligataires et les réponses de la législation commerciale française (1856-1935) », Comptabilité, contrôle, audit (CCA), 2007, tome 13, vol. 2, p. 5-30.
14 Y. Lemarchand « 1880-1914, l’échec de « l’unification des bilans » ou le rendez-vous manqué de la normalisation », CCA, 1995, vol. 1, no 1, mars, p. 7-24.
15 Francis Louis Closon, « La porte étroite », 1956. Texte communiqué par son auteur ; B. Touchelay, « La diffusion des normes comptables homogènes et le développement de la statistique publique française : une lenteur partagée », Courrier des Statistiques, no 123, janvier-avril 2008, p. 19-23.
16 L’expression renvoie au titre de l’ouvrage dirigé par Christian Topalov, Laboratoires du nouveau siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux. 1880-1914, Paris, Éditions de l’EHESS, 1999.
17 Bernard Colasse, « La régulation comptable, entre public et privé », dans Michel Capron (dir.), Les normes comptables internationales, instruments du capitalisme financier, Paris, La Découverte, 2005, p. 27-48, p. 39. L’auteur parle de la « normalisation partenariale sous la tutelle de l’état » pour qualifier le modèle français. La régulation comptable est définie comme « le processus de production, de mise en œuvre et de contrôle de l’application des normes comptables […], la notion de normalisation fait référence à l’un des aspects seulement de la régulation, à savoir la production de normes. […] La réglementation est une forme particulière de régulation appuyée sur les prérogatives et l’action de l’état », p. 28.
18 Le programme de recherches ouvert par Danièle Fraboulet et mené par le CRESC de l’université Paris 13, l’IDHE et le LARHRA sur les organisations patronales européennes va éclairer ces positions.
19 Patrick Fridenson, « Les organisations, un nouvel objet », Annales ESC, novembre décembre 1989, p. 1461-1490.
20 Michel Offerlé, Sociologie des organisations patronales, Paris, La Découverte, 2009, p. 3 ; Alain Chatriot, Jean-Claude Daumas, Danièle Fraboulet, Patrick Fridenson, Hervé Joly (dir.), Dictionnaire historique des patrons français, Paris, Flammarion, 2010.
21 D. Fraboulet, Quand les patrons s’organisent. Stratégies et pratiques de l’Union des industries métallurgiques et minières (1901-1950), Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2007, p. 19.
22 Par date de publication : Michel Offerlé, Sociologie des organisations…, ouvr. cit. ; Henri Weber Henri, Le parti des patrons. Le CNPF 1946-1990, Paris, Le Seuil, 1986 ; Georges Lefranc, Les organisations patronales en France, du passé au présent, Paris, Payot, Bibliothèque historique, 1976 ; Bernard Brizay, Le patronat. Histoire, structure, stratégie du CNPF, Paris, Le Seuil, Points politique, 1975 ; Henry Ehrmann, La politique du patronat français 1936-1955, Paris Armand Colin, 1959.
23 L’histoire des chambres de commerce reste mal connue. Le travail de Claire Lemercier éclaire le XIXe siècle et les deux volumes publiés chez Droz précisent certains aspects : C. Lemercier, Un si discret pouvoir. Aux origines de la Chambre de commerce de Paris 1803-1853, Paris, La Découverte, 2003 ; Christophe Bouneau et alii, La Chambre de commerce et d’industrie de Paris 1803-2003. I. Histoire d’une institution, Genève, Droz, 2003 ; Paul Lenormand, II, Études thématiques, Genève, Droz, 2008.
24 Sur l’histoire de la fiscalité voir : André Neurisse, Histoire de la fiscalité en France, Paris, Economica, 1996 ; Jean-Yves Nizet, Fiscalité, économie et politique, l’impôt en France 1945-1990, Paris, LGDJ, 1991 ; sur l’histoire de l’administration fiscale : Frédéric Tristram, Une fiscalité pour la croissance. La direction générale des Impôts et la politique fiscale en France de 1948 à la fin des années 1960, Paris, CHEFF, 2005.
25 Pierre Labardin, « Du teneur de livres au comptable – Le regard de quelques écrivains européens », CCA, tome 16, volume 2, septembre 2010, p. 49-68 ; M. Nikitin, « Les auteurs comptables : une élite à géométrie variable », Cahier de recherche du Laboratoire orléanais de gestion, no 2010-02, p. 1-17.
26 Voir en particulier : Claude Bocqueraz, « The professionalisation project of french accountancy practitioners before the second World War », doctorat en sciences économiques et sociales et en sciences de gestion sous la direction de Yannick Lemarchand et Peter Walton, universités de Genève et de Nantes, 2000. Sur les lieux de formation des comptables professionnels avant la Grande Guerre voir plus spécialement le chapitre IV : « The formation of Professional bodies in France », p. 128-169 ; Carlos Ramirez, « Contribution à une théorie des modèles professionnels. Le cas des comptables libéraux en France et au Royaume-Uni » doctorat en sociologie sous la direction d’Yves Dezalay, EHESS, 2005; « Understanding social closure in its cultural context: accounting practitioners in France (1920-1939) », Accounting Organizations and Society, vol. 26, no 4/5, 2001, p. 391-418 ; « The institutionalisation of the French accounting profession : a sociological study », London School of Economics and Political Science, Working Papers Series, Dpt of Sociology, 1998; « Making Things Visible : Audit Quality Control in the UK and the Definition of the Professional Order », Cahier de Recherche du Groupe HEC, no 812/2005; « Constructing the governable small practitioner : the changing nature of professional bodies and the management of professional accountants’identities in the UK », Cahier de Recherche du Groupe HEC, no 782/2003.
27 Les archives de la chambre de commerce de Paris ayant été largement exploitées par C. Bocqueraz pour son doctorat n’ont pas été mobilisées pour ce travail.
28 La série des procès verbaux est interrompue à la Libération car la division du conseil de direction en une section « production » et une autre « transformation des métaux » brise sa continuité. Les archives du CNPF, beaucoup plus étoffées que celles de la CGPF, comblent en partie cette lacune en informant sur les positions patronales, qui sont très influencées par celles de l’UIMM.
29 Parmi les bulletins consultés aux ANMT : Les informations confédérales, bulletin hebdomadaire de la CGPME et son prédécesseur, La vie des métiers, pour les numéros les plus directement liés au sujet pendant la période 1945-1958 ; Le Bulletin de l’Union des syndicats patronaux des industries textiles de France, pour la période 1915-1939. Les périodiques patronaux dépouillés à la BNF : Le bulletin créé par l’Association nationale d’expansion économique L’expansion économique, créé en 1917 et publié en collaboration avec la CGPF entre 1919 et 1924, puis La production nationale. Bulletin mensuel de la CGPF et du Comité national français de la CCI, à partir de cette date et Production nationale et expansion économique à partir de 1927 et disponible en série continue jusqu’à 1932, puis lacunaire. Examen complété par quelques numéros de La vie industrielle, commerciale, agricole, financière, quotidien économique du soir diffusé pendant l’Occupation et par Le Bulletin du CNPF, exploité en totalité à partir de 1946. S’ajoutent, Les Cahiers fiscaux du patronat français, publiés environ dix fois par an entre février 1956 et janvier 1958.
30 Quelques entreprises comme Alais Froges et Camargue ou Saint-Gobain, qui disposent d’archives accessibles, sont particulièrement étudiées par les spécialistes de sciences de gestion adoptant une démarche historique. Voir par exemple : Nicolas Berland, « L’histoire du contrôle budgétaire en France », doctorat en sciences de gestion sous la direction d’Henri Bouquin, université Paris Dauphine, 1999, et « Consultants, innovation de gestion et contrôle budgétaire : le cas de Pechiney et de Saint Gobain entre 1929 et 1960 », Actes de la troisième journée d’histoire de l’association française de comptabilité (AFC), Nantes, Presses de l’université de Nantes, 1997, p. 129-148 ou Ludovic Cailluet, « Accounting and accountants as essential elements in the development of central administration during the inter-war period : management ideology and technology at Alais, Froges et Camargue (AFC-Pechiney) », Accounting Business and Financial History, tome 3, 1997, p. 295-314 ; Plus récemment et à partir d’archives différentes : Karine Fabre, « L’influence de l’évolution des modes de financement des entreprises sur le modèle comptable français (1890-1939). Le cas de Schneider et l’Air Liquide », doctorat en sciences de gestion sous la direction de Jacques Richard, université Paris Dauphine, 2008.
31 Un contre-exemple dont on peut souligner le caractère exceptionnel : Danièle Fraboulet, « Du traitement des bilans d’entreprises pour l’étude historique d’une branche industrielle », Recherches contemporaines, université Paris X-Nanterre, no 3, 1995-1996, p. 47-61.
32 Outre les textes déjà cités, voir : Jean-Guy Degos, « Les grands auteurs comptables : une ressource rare pour l’humanité. Éloge du professeur Mattessich », dans « La diversité des courants de recherche en comptabilité, évaluation et représentation. Réception de Richard Mattessich, professeur émérite de l’University of British Columbia, docteur honoris causa de l’université Bordeaux IV le 5 mai 2006 », Cahiers électroniques du Centre de recherche en contrôle et comptabilité internationale (CRECCI), Institut d’Administration des Entreprises (IEA), université Montesquieu-Bordeaux IV, IAE 33, © Cahier 17-2006, p. 6-14 ; Y. Lemarchand, M. Nikitin et Henri Zimnovitch, « Recherche historique en comptabilité et contrôle », dans Bernard Colasse, Encyclopédie de Comptabilité, de Contrôle de Gestion et d’Audit, Economica, 2000, p. 1035-1044 ; Y. Lemarchand, M. Nikitin, « 20 ans d’histoire de la comptabilité », CCA, numéro spécial, t. 5, mai 1999, p. 123-136.
33 Anne Fortin, « The evolution of French accounting thought as reflected by the successive uniform systems (Plans comptables généraux) », doctorat en philosophie de la comptabilité dirigé par Maureen H. Berry, université de l’Illinois, Urbana Champaign University microfilms international, Ann Arbor, Michigan USA, 1986: « Frenchmen considered business a less worthy occupation than the sciences or the arts. French businessmen were therefore not held in such high regard as their counterparts in other countries such as Germany or the United States. The accountant was even less highly regarded. His presence was tolerated only because it was required by the Code of commerce for the keeping of book. Although the accountant was always the most poorly paid employee, his salary was still considered too high for the work he performed. As a matter of fact, entrepreneurs generally did not use accounting data to conduct business, and even if they wanted to do so, few accounting systems and books were organized and kept well enough to be used effectively », p. 555.
34 Voir les travaux de Carlos Ramirez, op. cit.
35 Jeffrey Fear, Christopher Kobrak, « Diverging Paths: Accounting for Corporate Governance in America and Germany », Business History Review, 80, printemps 2006, p. 1-48; C. Kobrak, « Notes on the Equity Revolution and Accounting Systems: A Comparison of Germany and the United States », European School of Management, Paris, 2002, cité avec l’autorisation de l’auteur.
36 Anne Fortin, « The 1947 Accounting Plan : origins… », art. cit., p. 19.
37 Alfred Chandler, Herman Daems (éd.) Managerial Hierarchies : Comparative Perspectives on the Rise of Modern Industrial Enterprise, Cambridge (Mass.), Cambridge University Press, 1990 et A. Chandler, Scale and Scope, Cambridge (Mass.), Cambridge University Press, 1990.
38 Sylvie Guillaume, Le Petit et Moyen Patronat dans la nation française de Pinay à Raffarin, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2005, et Confédération générale des petites et moyennes entreprises : son histoire, son combat, un autre syndicalisme patronal, 1944-1978, Talence, Presses universitaires de Bordeaux, 1987 ; Michel Lescure, PME et croissance économique : l’expérience française des années 1920, Paris, Economica, 1996 ; Sylvie Guillaume, Michel Lescure (dir.), Les PME dans les sociétés contemporaines de 1880 à nos jours. Pouvoir, représentation, action, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2008.
39 Jean-Charles Asselain, « Histoire des entreprises et approches globales. Quelles convergences ? », Revue économique, vol. 58, 2007/1, p. 153-172 ; Jean-Claude Daumas, « Introduction : à propos du capitalisme familial », dans Jean-Claude Daumas (éd.), Le capitalisme familial : logiques et trajectoires, Besançon, Presses universitaires franc-comtoises (PUFC), 2003, p. 7-36 : « L’idée que les entreprises familiales seraient en quelque sorte par essence conservatrices et routinières est […] un stéréotype tenace. Au contraire, ce n’est qu’à condition d’innover sans cesse qu’elles parviennent à s’inscrire dans la durée », p. 25.
40 Jean-Claude Daumas, « À propos du capitalisme familial », dans Jean-Claude Daumas (dir.), Le capitalisme familial., ouvr. cit., p. 7-14, p. 13. L’auteur cite Anthony Rowley, Évolution économique de la France au milieu du XIXe siècle à 1914, Paris, SEDES, 1982, p. 326.
41 Patrick Fridenson, Lucie Paquy, « Du haut enseignement commercial à l’enseignement supérieur de gestion (XIXe-XXe siècle) », dans Paul Lenormand (dir.), La Chambre de commerce et d’industrie de Paris (1803-2003). II Études thématiques, Genève, Droz, 2008, p. 199-257 ; Philippe Maffre, « La comptabilité dans les écoles supérieures de commerce au XIXe siècle », Revue historique, no 559, juillet-septembre 1985, p. 133-156 et « Les origines de l’enseignement commercial supérieur en France au XIXe siècle », thèse 3e cycle d’histoire, Paris I, 1984 ; Marc Meuleau, Les Hautes écoles commerciales et l’évolution du management en France (1881-années 1980), thèse d’histoire, Paris X, 1992 ; Voir également le numéro d’Entreprises et histoire intitulé « Former des gestionnaires », no 14-15, juin 1997, intégralement consacré à cette question.
42 Voir : A. Fortin, « The evolution of French accounting… », op. cit., p. 556-557.
43 Voir : Régis Boulat, Clotilde Druelle-Korn, B. Touchelay, « Les étapes de la formation d’une nébuleuse managériale dans les deux premiers tiers du XXe siècle », communication au colloque organisé par le PPF, Histoire de la pensée et des pratiques managériales, université de Marne-la-Vallée, décembre 2008 ; B. Touchelay, « La normalisation comptable en France. Un mariage de raison pendant l’Occupation », Revue française de gestion, numéro spécial Histoire et gestion : vingt ans après, vol. 34, no 188-189, novembre-décembre 2008, p. 383-402 ; même auteure, « Les professionnels de la comptabilité et les chambres de commerce dans la France du premier XXe siècle », colloque sur Les corps économiques intermédiaires organisé par Clotilde Druelle-Korn, université de Limoges, 2008, en cours de publication aux Presses universitaires de Limoges.
44 L’expression est de Bernard Colasse, Peter Standish, « De la réforme 1996-1998… », art. cit., p. 10. La référence au colbertisme se trouve p. 21.
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