La difficile intégration des Tatars de Crimée en Ukraine après 1991
p. 175-191
Texte intégral
1L’effondrement de l’Union soviétique a été un processus relativement soudain. Les nouveaux États qui émergent sont très rapidement confrontés à des défis liés à la construction d’un cadre étatique inédit et à la disparition d’un empire. Ils doivent gérer un certain nombre de problèmes, parmi lesquels ceux soulevés par la présence de minorités nationales en leur sein. Les peuples déportés non réhabilités en 1956 constituent en cela des cas bien particuliers. En effet, la disparition de l’URSS change la donne. Les Tatars de Crimée, qui revendiquent non seulement leur retour physique dans leur « patrie d’origine », mais également le rétablissement des droits perdus en 1944, se retrouvent face à un nouvel interlocuteur.
2À l’image des anciennes républiques soviétiques issues de l’effondrement de l’Union soviétique, l’Ukraine est un État jeune, aux contours politiques incertains. Les soubresauts liés à la transition engendrent de multiples incertitudes, renforcées par les contestations de ses frontières. L’Ukraine doit ainsi affronter dès sa naissance des revendications séparatistes formulées par les Russes de Crimée qui, soutenus par certaines personnalités russes de premier plan à Moscou, demandent leur rattachement à la Fédération de Russie, puis leur indépendance. Les Russes représentent la minorité la plus importante dans la péninsule : selon le recensement de 2001, ils forment 58,5 % de la population de Crimée, alors que les Ukrainiens ne représentent que 24,4 % et les Tatars de Crimée 12,1 %1.
3La Crimée devient une pomme de discorde entre les deux voisins et les Tatars de Crimée se retrouvent pris dans un jeu qui dépasse les enjeux strictement liés à leur retour. De plus, ils font face à un État qui ne dispose ni des outils juridiques, ni des moyens économiques pour leur venir en aide. Les dirigeants ukrainiens font également montre d’une volonté politique toute relative à résoudre la « question tatare de Crimée ». Toutefois, les freins à la gestion de l’intégration des Tatars de Crimée se situent ailleurs : dans le nationalisme russe de Crimée tout d’abord, dans l’instabilité politique qui caractérise l’Ukraine depuis 1991 ensuite. Dans ce contexte, les Tatars de Crimée sont contraints d’ajuster leurs stratégies et leurs demandes, ce qui n’a pas manqué d’engendrer un certain nombre d’évolutions au sein du groupe.
Les institutions tatares de Crimée dans le paysage criméen
4Alors que les retours massifs des Tatars en Crimée s’intensifient entre 1989 et 1991, le Mouvement national des Tatars de Crimée (Nacional’noe Dviženie Krymskih Tatar, NDKT) et l’Organisation du mouvement national tatar de Crimée (Organizaciâ Krymskotatarskogo Nacional’nogo Dviženiâ, OKND) recentrent leurs actions sur la péninsule, tout en conservant des antennes sur les différents lieux d’exil. Les autorités de la région de Crimée, à majorité russophone, ne cachent pas leur hostilité face à ces retours qui s’accompagnent parallèlement d’une restructuration du champ politique. Apparaissent dans le paysage politique encore relativement monolithique des organisations structurées qui se prévalent d’une large base sociale. Ces bouleversements aboutissent à des tensions politiques que la convocation des institutions traditionnelles tatares en juin 1991 ne fait qu’accentuer. Un espace politique fortement concurrentiel se dessine progressivement2. L’intégration des Tatars de Crimée dans la péninsule est placée au cœur de cette compétition. Elle est de plus alimentée par les différentes visions sur l’avenir de la Crimée.
5Préférant une stratégie pragmatique à une confrontation frontale, les dirigeants du Medžlis renoncent à toutes revendications d’indépendance et promeuvent une souveraineté partagée. Ils appellent ainsi les quelques 100 000 Tatars alors présents dans la péninsule à soutenir l’indépendance de l’Ukraine lors du référendum de décembre 1991. Le « oui » l’emporte avec 54 % en Crimée, résultat bien en deçà des 90 % enregistrés à l’échelon national3. Selon une estimation fournie par S. Červonnaâ, 2 à 3 % des 54 % proviennent des voix tatares4. Cet apport, certes faible, s’est néanmoins révélé déterminant car il a permis d’atteindre la majorité absolue dans une Crimée restée fortement conservatrice. Dans le même temps, certains représentants de la majorité russophone appellent au rattachement de la péninsule à la Fédération de Russie ; cette position est soutenue par des membres des instances dirigeantes de la République autonome de Crimée (RAC). La majorité des russophones résidant dans la péninsule s’identifie d’ailleurs à la Russie et non à l’Ukraine5. De fait, malgré l’évolution de la situation politique en Crimée et en Ukraine, les relations entre les institutions de la RAC et les institutions tatares de Crimée non reconnues restent conflictuelles.
6Le Kurultaj et le Medžlis s’imposent dès leur création comme des acteurs centraux de la vie politique. Le Kurultaj est composé de 264 députés élus pour cinq ans. S’il est largement dominé par le OKND lors de la première mandature, les élections de 1996 sanctionnent l’arrivée en son sein de diverses tendances, dont le Milli Firka, qui se caractérisent par des positions plus radicales6. Les élections de 2001 confirment cette évolution. La redéfinition constante de l’espace politique tatar de Crimée affecte toutefois peu la composition du Medžlis. Mustafa Džemilev le préside depuis 1991 : son ascendant sur les institutions tatares de Crimée a été remis en question à plusieurs reprises, mais il a su jouer des divisions et de son charisme pour se maintenir en place. Le faible renouvellement des cadres politiques tatars explique pour partie la linéarité de la politique menée par le Medžlis depuis 1991. Désigné comme le « seul organe représentatif des Tatars de Crimée7 », le Medžlis n’est cependant pas le seul à porter les revendications tatares. En effet, le Kurultaj n’intègre pas toutes les formations politiques tatares de Crimée. Le NDKT, même marginalisé, continue à mener ses propres activités de représentation auprès des autorités de la péninsule. Les interlocuteurs ukrainiens et russes de Crimée jouent d’ailleurs fréquemment de ces concurrences et oppositions.
7Bien que traversé de nombreuses crises internes, le Medžlis parvient à conserver sa position dominante au sein du champ politique tatar de Crimée. Il peut être défini comme un véritable organe d’auto-administration. Les institutions parallèles tatares de Crimée sont devenues l’une des forces politiques les mieux organisées d’Ukraine, par leur capacité à se positionner face aux autorités de la péninsule et à l’administration présidentielle ukrainienne, à rassembler, à susciter ou au contraire, à réfréner des actions de protestations lors de larges campagnes de désobéissance civile qu’elles encadrent. Investis dans toutes les négociations régionales, nationales et internationales ayant trait à la « question tatare de Crimée », ses membres s’imposent comme des interlocuteurs incontournables. Ainsi, il existe à côté du Medžlis élu par le Kurultaj un réseau de Medžlis locaux et régionaux qui se superposent aux organes officiels à chaque échelon politico-administratif, tissant une véritable toile d’araignée sur la péninsule. Les liens entre chacun des 26 Medžlis régionaux et plus de 300 Medžlis locaux (en 2003) sont lâches. De même, il n’existe officiellement pas de relations verticales entre le Medžlis central et les Medžlis régionaux et locaux. Selon Nadir Bekirov, « numéro trois » du Medžlis, interviewé en 2002, le Comité exécutif tatar ne possède qu’un « ascendant moral ». Cette version idéalisée ne reflète pas la domination exercée par le Medžlis qui, dans les faits, impose un discours, un style de gestion, ainsi que son agenda : les priorités définies par le Medžlis central sont récupérées à tous les échelons et les demandes uniformisées.
8Les revendications tatares ont sensiblement évolué depuis la naissance de l’État ukrainien, même si elles relèvent de la réparation dans le présent des conséquences de la déportation et de la non réhabilitation. Ainsi, au début des années 1990, les demandes se concentrent principalement sur l’aide au retour des anciens déportés et de leurs descendants ; elles portent depuis le milieu des années 1990 sur leur intégration en Crimée. Ces revendications font consensus entre les différentes organisations politiques tatares de Crimée représentées au sein du Kurultaj. Toutefois, les dirigeants tatars sont placés devant un dilemme qui traduit de vastes hésitations. La question de la représentation politique soulève de vives controverses. Le Medžlis et le Kurultaj n’étant officiellement reconnus ni par le gouvernement ukrainien, ni pas les institutions de la RAC, comment assurer une représentation efficace des Tatars de Crimée ? Des tiraillements apparaissent entre deux voies : travailler prioritairement à la reconnaissance du Kurultaj et du Medžlis ou négocier une représentation proportionnelle de la minorité tatare de Crimée au sein des instances de gouvernement de la RAC.
9C’est finalement une voie médiane qui s’impose par pragmatisme, superposant les deux stratégies. En 1994, un accord ponctuel est conclu, mettant en place un système de quotas et permettant l’élection de 14 députés tatars au Parlement de Crimée8. Ce système n’est pas renouvelé, et il faut attendre les élections de 2002 pour voir à nouveau l’entrée au Parlement de sept Tatars de Crimée, dont six issus des rangs du Kurultaj, le septième étant affilié au Parti communiste9. Les résultats de ces élections s’expliquent par le recul relatif du Parti communiste en Crimée, l’invalidation de la candidature de son leader Leonid Grač, l’entrée du parti national Ruh d’Ukraine (créé en 1989) dans la coalition « Notre Ukraine » de Viktor Iouchtchenko et la participation massive des Tatars de Crimée. En 2005, alors que de nouvelles tensions frappent la péninsule, le président nouvellement élu Viktor Iouchtchenko appelle de ses vœux la signature d’un accord de partage du pouvoir entre les représentants des trois communautés principales de la péninsule : les Russes, les Ukrainiens et les Tatars de Crimée. En effet, le Premier ministre de la péninsule ne parvient pas à former un gouvernement, les députés tatars siégeant à la Rada (Parlement) de Crimée boycottant le vote. Cet accord concède deux ministères et un poste de vice-Premier ministre du gouvernement de la République autonome de Crimée aux Tatars de Crimée10. Il permet donc une avancée significative, même s’il ne satisfait pas totalement les revendications tatares. Dans le même temps, il brouille quelque peu le projet politique du Medžlis qui continue à osciller entre reconnaissance des institutions d’auto-administration et intégration politique au sein des organes dirigeants de la RAC. Ces tiraillements reflètent l’évolution des mouvements nationalistes tatars de Crimée qui associent nécessaires ajustements et bricolage dans un contexte de tensions, renforcées par la faiblesse de l’État ukrainien.
Un jeu triangulaire inégal
10Les délégués du Kurultaj espéraient en 1991 que l’indépendance de l’Ukraine leur ouvrirait de nouvelles perspectives de négociations11. Pourtant, Leonid Kravčuk, élu président de l’Ukraine indépendante en 1991, est confronté à de nombreux défis, au nombre desquels les revendications séparatistes des Russes de Crimée et l’établissement de difficiles relations avec le voisin russe qui réclame, entre autres, un partage de la flotte de la mer Noire stationnée à Sébastopol, port criméen12. De fait, la question tatare est diluée dans des enjeux politiques et géostratégiques plus larges, relatifs au statut de la péninsule et aux relations avec la Fédération de Russie. La crise qui oppose les autorités de la RAC et le gouvernement ukrainien commence avant même l’indépendance de l’Ukraine et atteint son paroxysme à deux moments : le 6 mai 1992, le Soviet suprême de la péninsule déclare l’indépendance de la Crimée, puis retire cette déclaration sous pression du gouvernement de Kiev ; en 1994, Ûri Meškov, fervent partisan de l’indépendance et chef du bloc prorusse, est élu au poste de président de Crimée, ravivant la confrontation entre Simferopol, capitale de la Crimée, et Kiev13. Elle s’achève en septembre 1995, date à laquelle la Rada ukrainienne abroge la Constitution indépendantiste de Crimée et supprime le poste de président. Le Traité d’amitié, de coopération et de partenariat signé en mars 1997 entre l’Ukraine et la Fédération de Russie reconnaît l’intégralité territoriale de l’Ukraine et entérine l’accord final au sujet de la flotte de la mer Noire. Il met officiellement fin aux revendications russes sur la péninsule, bien que toutes les velléités de rattachement à la Russie ne disparaissent pas.
11La faiblesse de l’État ukrainien au début des années 1990, les tensions autour de la Crimée et le peu d’intérêt marqué pour la « question tatare » explique le faible écho des revendications portées par le Medžlis auprès de l’administration présidentielle sous L. Kravčuk. L’arrivée à la tête de l’État de Leonid Koutchma est synonyme de changement à la fois dans l’appréhension de la « question tatare » et dans son traitement. Considérant le Medžlis comme une force politique pouvant permettre d’amenuiser l’influence des séparatistes et des communistes en Crimée, Koutchma envoie en décembre 1994 une mission chargée d’évaluer la situation des Tatars de Crimée. Pour la première fois, des membres de l’administration présidentielle ukrainienne rencontrent officiellement des représentants du Medžlis. Les deux parties entament un dialogue appelé à se poursuivre et à s’intensifier. En 1999, après avoir approuvé la nouvelle Constitution de Crimée, qui ne renouvelle pas le système de quotas garantissant aux Tatars l’accès de représentants au Parlement de Crimée, Leonid Koutchma décrète la création d’un Conseil représentatif tatar de Crimée auprès de la présidence ukrainienne14. Cette décision tant politique que symbolique permet aux membres du Medžlis, tous membres du Conseil, de court-circuiter périodiquement l’échelon local. Elle est d’ailleurs interprétée comme une reconnaissance de facto de l’organe exécutif tatar de Crimée comme le seul représentant des Tatars de Crimée.
12L’Ukraine se saisit donc de la « question tatare », mais de manière fort aléatoire et souvent partielle. Les politiques mises en œuvre sont plutôt dictées par les impératifs du moment que portées par une politique concertée. Elles dépendent également du climat politique : la « question tatare de Crimée » reste prisonnière des luttes de factions au sein de la Rada d’Ukraine et, depuis la Révolution Orange de 2004, des affrontements entre le Président et le Premier ministre. Elles sont également tributaires de la situation en Crimée et des relations entre Kiev et Simferopol’. En 2006, l’envoyé spécial du président Iouchtchenko déclare que « les autorités en Crimée sont faibles et influencées par des intérêts criminels », et qu’elles ne respectent pas les décisions prises au niveau national. Mais il estime que le risque d’un « autre Kosovo » est minimisé par l’absence d’un leadership fort. De plus, il ajoute que les Tatars de Crimée constituent toujours « le facteur restrictif principal » et contribuent donc à diminuer tout risque d’embrasement, grâce à la politique de temporisation menée par le Medžlis15. Les relations entre la présidence ukrainienne et les autorités de Crimée s’étant détériorées depuis l’élection de Viktor Iouchtchenko en 2004, les Tatars de Crimée bénéficient d’une oreille attentive à Kiev. Mais les interventions de la présidence ukrainienne relèvent plus d’une politique de gestion de crise latente ; elles restent guidées par la défense des intérêts propres au gouvernement ukrainien dans la péninsule. D’une manière générale, la « question tatare » est donc perçue comme un problème local et, malgré les demandes insistantes des dirigeants tatars, aucune loi sur la réhabilitation des anciens déportés n’a été adoptée à ce jour.
La question de l’aide et les difficultés d’intégration
13Le soutien de l’État ukrainien au retour et à l’intégration des anciens déportés est très partiel. L’Ukraine s’est d’abord révélée incapable de mettre en œuvre les programmes d’aide annoncés. Les crises économiques qui sévissent dans les années 1990 la contraignent à réduire de manière drastique les fonds alloués aux Tatars. Le montant global de ces programmes, qui prévoient une assistance à l’intégration économique et sociale, passe de 95 200 000 US$ en 1992 à 2 500 000 US$ en 199816. En 1997, le ministre des Affaires Étrangères d’Ukraine qualifie la situation des Tatars de Crimée de « difficile ». Il insiste sur le fait que l’Ukraine ne dispose pas des fonds nécessaires à l’amélioration du sort des anciens déportés17. Les quelque 240 000 Tatars ayant regagné au milieu des années 1990 la Crimée sont en effet confrontés à des difficultés sociales récurrentes : manque de logement et de places dans les foyers d’accueil, logements inachevés, absence d’infrastructures (électricité, eau, routes...) dans les zones rurales dans lesquelles plusieurs milliers de Tatars se sont installés, poids du chômage qui frappe deux à trois fois plus les Tatars que les autres catégories de la population selon des estimations qui oscillent entre 40 % et 70 %, pauvreté endémique, difficultés d’accès aux soins et à l’éducation, discriminations fréquentes18.
14Des efforts se font sentir depuis le début des années 2000. Plusieurs programmes sont lancés par la présidence ukrainienne, comme les programmes d’aide aux anciens déportés en 2002-2006 et 2006-201019. Mais ils restent sous financés et sont le reflet d’initiatives relativement dispersées. Des mesures sont également prises par la Rada de Crimée, qui a créé un Comité consacré aux « nationalités et citoyens déportés20 ». Elles interviennent surtout dans les domaines sociaux et culturels. De même, certaines ONG, comme la International Renaissance Foundation, soutenue par la Fondation Soros, s’impliquent dans des initiatives locales. Le programme intitulé « Integration of Formely Deported Crimean Tatars, Bulgars, Armenians, Greeks, Germans into the Ukrainian Society » finance des projets, principalement dans l’éducation et la culture21.
15L’aide internationale se révèle donc cruciale. Les organisations internationales au nombre desquelles l’ONU, et à travers elle ses agences affiliées, se montrent particulièrement préoccupées par les tensions récurrentes qui frappent la Crimée depuis 1991. Elles mettent en œuvre une assistance multiforme ayant pour objectif une meilleure intégration des anciens déportés. Elles s’investissent principalement dans les aspects sociaux et culturels. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) est le plus actif en Crimée. Il coordonne un programme intitulé « Crimea Integration and Development Programme », qui implique l’État ukrainien, les instances dirigeantes de la RAC et d’autres organisations internationales comme l’OSCE et le UNHCR. Les initiatives mises en place visent à instaurer un dialogue entre communautés. Surtout, elles permettent de doter d’infrastructures modernes des villages tatars de Crimée sortis de terre dans les années 1990. Ces constructions nouvelles contrastent fort avec les villages avoisinant peuplés à majorité de russophones22.
16La situation économique et sociale des Tatars de Crimée reste problématique malgré les quelques améliorations enregistrées depuis les années 2000. Selon les dirigeants du Medžlis, les sommes allouées sont insuffisantes. Ils considèrent que la situation actuelle est une conséquence de la déportation. L’État ukrainien doit donc en porter la responsabilité, ou tout du moins soutenir l’intégration des anciens déportés en Crimée. Cette revendication est présentée comme d’autant plus légitime que les Tatars ne réclament ni compensation, ni restitution des biens confisqués pendant et après la déportation. Les représentants de l’État ukrainien, quant à eux, estiment que l’Ukraine supporte seule la charge que représentent ces peuples anciennement déportés. Les autres États issus de l’éclatement de l’URSS, et en particulier la Fédération de Russie et les États d’Asie centrale qui ont accueilli les Tatars de Crimée quatre décennies durant, refusent d’entendre parler d’une éventuelle contribution au retour et à l’installation. Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie entre 2000 et 2008, déclare en 2006 que le « problème tatar de Crimée » relève de questions sensibles, mais que la Russie ne peut en aucun cas interférer dans les affaires intérieures d’un État tiers23.
17De fait, une seule question fait l’objet d’une concertation entre les anciennes Républiques soviétiques devenues indépendantes : celle de l’acquisition la citoyenneté ukrainienne des anciens déportés en provenance d’Ouzbékistan. Ces derniers représentent 95 % des rapatriés tatars au milieu des années 199024. Le règlement de cette question cruciale se fait sous pression des organisations internationales. En effet, l’acquisition de la citoyenneté ukrainienne est une étape essentielle à l’intégration des Tatars de Crimée. Or, les anciens déportés arrivés après l’adoption la loi sur la citoyenneté ukrainienne du 14 novembre 1991 ne sont pas devenus automatiquement citoyens ukrainiens. Ils doivent, selon la Constitution ukrainienne, renoncer à leur ancienne citoyenneté avant de pouvoir faire une demande de naturalisation25.
18Les Tatars de Crimée qui ne possèdent pas la citoyenneté ukrainienne sont peu nombreux à entreprendre cette démarche pour trois raisons principales : l’ignorance des procédures ; la crainte de se voir refuser leur demande de naturalisation et de tomber dans l’apatridie ; et le coût. Ce dernier avoisine les 147 US$ (100 US$ pour la taxe de renonciation et autres frais afférents) pour un citoyen ouzbek26, ce qui représente une somme élevée surtout dans un contexte de crise économique. D’autres obstacles se dressent sur leur chemin : les demandeurs doivent faire la preuve d’un emploi régulier et d’une bonne maîtrise de la langue ukrainienne. Cette dernière question est particulièrement problématique car aucun organe officiel n’offre de cours d’ukrainien27 ; de plus, le russe est majoritairement pratiqué en Crimée, donc l’ukrainien, inutile au quotidien, n’est pas appris spontanément par les anciens déportés. Enfin, comment prouver cinq ans de résidence en Ukraine, quand la majorité des Tatars s’est installée sans permis de résidence ?
19Ces obstacles conduisent de nombreux Tatars de Crimée à ne pas faire de demande de naturalisation, augmentant ainsi leur vulnérabilité sociale. Selon les sources, en 1997, entre 60 000 (sources officielles) et 120 000 (sources tatares) Tatars n’ont pas la citoyenneté ukrainienne28. De plus, au milieu des années 1990, la majorité de ceux qui possèdent la citoyenneté ouzbek sont menacés d’en être destitués s’ils ne se font pas enregistrer dans un délai de cinq ans après leur arrivée en Ukraine à l’ambassade ou dans les consulats d’Ouzbékistan. Ils sont donc menacés de devenir apatrides de facto29 et risquent de venir grossir les rangs des apatrides de jure, constitués de Tatars de Crimée qui ont quitté leur pays de résidence avant que celui-ci n’adopte sa législation sur la citoyenneté (ainsi, la loi sur la citoyenneté n’est adoptée en Ouzbékistan que le 28 juillet 1992).
20La complexité et la diversité des situations juridiques nécessitent un règlement impliquant les différents acteurs concernés. La montée des tensions politiques et sociales en Crimée au milieu des années 1990 et la pression des organisations internationales conduisent l’Ukraine à revoir sa législation, sans toutefois accéder à la revendication du Medžlis d’accorder automatiquement la citoyenneté à tous les Tatars rentrés en Crimée. Les procédures d’acquisition de la citoyenneté ukrainienne ont été simplifiées pour une période d’un an à compter de la signature d’un accord avec le UNHCR en 1998 : les dispositions prévoyant la connaissance de la langue ukrainienne, l’exigence de revenus suffisants et la preuve d’une présence antérieure à cinq années sur le sol ukrainien ont été provisoirement supprimées30. Toutefois, la renonciation à la citoyenneté antérieure reste un obstacle majeur. De plus, les dirigeants tatars de Crimée voient une discrimination dans l’impossibilité de cumuler deux citoyennetés. Ils mettent en avant la situation de nombreux Russes vivant en Crimée qui possèdent la double citoyenneté ukrainienne et russe, bien que cette dernière n’ait jamais été notifiée aux autorités ukrainiennes31. La question suscite de vives tensions : les dirigeants tatars insistent sur le fait qu’aucun Tatar n’a choisi de devenir citoyen ouzbek, kazakh ou encore russe, mais que cette situation est une conséquence directe de la déportation32.
21Le gouvernement ukrainien accepte d’engager une série de pourparlers avec l’Ouzbékistan. Placés sous le patronage de l’UNHCR, ils aboutissent à la signature d’un accord bilatéral entre les deux parties le 28 août 199833. Celui-ci introduit une simplification dans la procédure de renonciation pour une durée d’un an et exempt les anciens déportés de l’acquittement de la taxe de cent dollars. De plus, les services du ministère de l’Intérieur ukrainien deviennent responsables de la collecte des formulaires de renonciation et de leur transmission aux autorités ouzbeks. Parallèlement, l’UNHCR finance une campagne d’informations afin de sensibiliser les intéressés. Les organisations internationales, relayées par des ONG locales, ont donc permis de résoudre une question essentielle à l’intégration des Tatars de Crimée, même si le Kirghizistan, le Tadjikistan et la Fédération de Russie ont refusé de mettre en place de semblables dispositifs. Cette avancée majeure renforce le poids politique des Tatars de Crimée qui, ayant dans leur grande majorité obtenu la citoyenneté ukrainienne entre 1998 et 1999, acquièrent une importance plus grande dans la balance électorale.
Concurrences historiques et revendication du statut de peuple indigène
22Les processus d’intégration des Tatars de Crimée dans la société ukrainienne comportent plusieurs facettes. Une question revient toutefois de manière récurrente : celle de leur statut. Elle recouvre des dimensions politiques, mais également des considérations historiques et mémorielles fortes. Trois nationalismes se confrontent, mais les mouvements nationalistes ukrainiens peinent à importer leurs discours dans une péninsule marquée par l’affrontement entre mouvements nationalistes russe et tatar de Crimée. La Crimée fait en effet l’objet d’appropriations multiples : définie comme partie imprescriptible de l’État ukrainien, elle est revendiquée comme « territoire d’origine » à la fois par les Russes de Crimée et par les Tatars de Crimée. Les enjeux de ces débats dépassent le cadre symbolique et les simples luttes historiographiques pour s’inscrire dans le contexte des relations interethniques : les nationalistes tatars font valoir un droit considéré comme historique que ne leur reconnaissent ni les dirigeants de la RAC, ni les responsables ukrainiens. De fait, ils interprètent toutes les difficultés rencontrées depuis l’amorce des mouvements de retour comme des conséquences directes de la déportation et de la non réhabilitation. Selon le discours porté par le Medžlis, seule l’obtention d’un statut spécial, celui de peuple indigène, pourrait réparer dans le présent les effets de la déportation. Il est en effet considéré comme l’accomplissement d’une « justice historique » et comme un juste retour d’un ordre politique anéanti en 194434.
23Tout d’abord, les idéologues tatars de Crimée cherchent à démontrer le caractère indigène des Tatars dans la péninsule. Pour ce faire, ils s’appuient sur les résultats des recherches ethnographiques effectuées dans les années 1920. L’historiographie soviétique a en effet montré la longue présence des Tatars dans la péninsule. La politique d’indigénisation a favorisé le soutien à la langue et à la culture tatare tout en promouvant sa territorialisation35. Masquant l’emprise idéologique prévalant à cette époque, les idéologues tatars placent aujourd’hui leurs travaux dans la continuité de ceux édités dans les années 1920. Ce faisant, ils élaborent un mythe des origines et réaffirment les rapports qui lient nation et territoire. L’archéologie, l’ethnologie et l’anthropologie sont mobilisées à l’appui des conclusions présentées. Cette tendance générale, déjà très prégnante à l’époque soviétique36, est approfondie. Elle fournit la caution jugée inébranlable aux théories produites.
24Le mythe des origines réaffirme le caractère d’antériorité des Tatars de Crimée dans la péninsule. Le territoire, érigé à la fin du XIXe siècle en patrie, est sacralisé. La patrie, dans une acception subjective, renvoie au sentiment d’appartenance à une communauté spécifiée par son attachement à un territoire national défini comme exclusif37. La confusion souvent exprimée entre nation et patrie peut être comprise comme une tentative de reconstituer l’unité de la « nation », en la refondant sur cette « terre » retrouvée, pensée et vécue comme « ancestrale » et « inaliénable ». Selon M. Hajruddinov, pro-recteur de l’Institut pédagogique et industriel de Crimée en 2002, « l’amour de la Patrie, de sa nation, est une partie imprescriptible de la formation des Tatars de Crimée, inoculée avec le lait maternel38 ». La patrie fait référence à l’espace dans lequel on habite : la refondation de la nation comporte alors un deuxième aspect qui consiste en une reconquête physique et matérielle de cet espace.
25Ce discours est contesté par la majorité russophone. Reprenant la version soviétique d’une histoire réécrite après 1944, plusieurs historiens russes soulignent que les Tatars de Crimée sont arrivés dans la péninsule au XIIIe siècle en provenance des régions d’Asie centrale39. Dans cette perspective, la déportation représenterait un juste retour des choses, et la revendication de peuple indigène serait infondée. Parallèlement, certains historiens continuent à justifier la déportation comme une réponse directe aux raids et aux razzias menés par les Tatars de Crimée entre les XVe et XVIe siècles40. Présentés comme les descendants de la Horde d’Or, les Tatars de Crimée sont couramment comparés à des bandits et à des marchands d’esclaves. L’accusation de traîtrise n’a pas disparu, comme en attestent les prises de position fréquentes des représentants du parti Bloc russe, liée à l’association Communauté russe. Ces assertions, qui rencontrent un système de croyances et qui instrumentalisent des peurs et des stéréotypes véhiculés par l’imaginaire collectif russe, sont mobilisées comme une ressource et intégrées au jeu politique. Elles motivent les refus répétés des autorités de Crimée de considérer les revendications des Tatars de Crimée, qui sont collectivement accusés d’entretenir le désordre dans la péninsule.
26Parallèlement à cette concurrence mémorielle doublée d’une lecture différenciée du passé, le combat se déplace sur le terrain juridique et dans l’arène politique. En effet, les idéologues tatars exigent que leur soient reconnus les droits collectifs réservés aux peuples indigènes, tels que définis dans la « Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones » du 13 septembre 2007. Ce texte a été arraché de haute lutte après une vingtaine d’années de discussions au sein de la sous-Commission de prévention et de protection des minorités, rattachée à la Commission des Droits de l’Homme, à laquelle participe Nadir Bekirov depuis le milieu des années 1990. Mais il ne fait pas consensus. 144 États-membres ont voté en sa faveur ; 4 se sont prononcés contre (Australie, Canada, États-Unis et Nouvelle Zélande) ; 11 se sont abstenus, dont l’Ukraine41.
27D’ailleurs, l’emploi de ce terme suscite de nombreuses controverses en Ukraine. Dans sa Constitution de 1992, l’Ukraine reconnaît l’existence de minorités nationales mais, comme de nombreux États, ne leur accorde pas de droit collectif42. La Constitution de 1996 opère une distinction entre minorités nationales et peuples indigènes, sans qu’aucune définition de ce dernier concept ne soit précisée. Une Commission est alors chargée d’identifier les minorités nationales qui pourraient se prévaloir de ce statut et de préparer un projet de loi sur les peuples indigènes. Les membres de cette Commission désignent les Tatars de Crimée comme le seul peuple indigène d’Ukraine et déposent un projet de loi. Mais les députés de la Rada le rejettent massivement, et le dossier est refermé43. Les discussions qui l’ont accompagné et qui persistent dans les cercles de l’intelligentsia tatare de Crimée permettent néanmoins aux dirigeants du Medžlis de recentrer leurs demandes autour du concept de peuple indigène.
28L’introduction de ces théories sur les origines dans le débat politique recouvre des enjeux multiples. Tout d’abord, les Tatars de Crimée revendiquent une autonomie basée sur des critères ethniques au sein de l’État ukrainien. Mais, alors que cette perspective semble pour le moins improbable, une autre question apparaît des plus cruciales, celle de l’accès à la terre. Les enjeux sont ici tout aussi politiques mais recoupent également d’importants aspects symboliques et économiques : ils concernent la relation au territoire, la reconnaissance indirecte de la déportation, mais aussi l’intégration politique, sociale et économique des Tatars de Crimée. Elle se répercute dans le champ politique par un affrontement autour des questions de privatisation de la terre et d’exclusion des Tatars du processus en cours. Le problème majeur provient, selon les leaders tatars de Crimée, de la formulation de la loi qui stipule que les terres privatisées reviennent prioritairement aux membres des anciennes fermes collectives. Or les Tatars de Crimée, qui représentent 25 % de la population rurale en 2003, ne sont pas intégrés aux fermes collectives de la péninsule avant 1991. Ils sont donc automatiquement écartés du processus de privatisation44.
29Selon les données fournies par le président du Medžlis, seul un cinquième d’entre eux possèderait le terrain sur lequel ils ont bâti leur habitation ; en 2006, près de 23 000 Tatars vivent dans des maisons non achevées, faute de moyens ; 8 000 sont dans l’attente d’un logement45. Des terrains sont aujourd’hui réclamés par des Russes qui font valoir leur antériorité. Les Tatars leur opposent la présence de leurs parents avant la déportation, mais ne peuvent le prouver administrativement46. En effet, de nombreux documents établissant les propriétés ont été détruits après la déportation. D’autres Tatars s’installent dans les steppes du nord, terres bien moins fertiles et dépourvues d’infrastructures élémentaires (eau, électricité). De plus, à la fin des années 1980, l’installation dans certaines zones du sud de la péninsule est restreinte : plusieurs municipalités renforcent le système d’enregistrement (propiska) et rendent plus difficile toute implantation. Si quelques-uns de ces décrets sont levés, les pratiques évoluent peu, ainsi qu’en témoignent les tensions qui ont secoué le petit village de Simeiz dans la région de Yalta. En 2003, l’occupation d’un terrain par plusieurs centaines de Tatars de Crimée en vue d’y bâtir un village donne lieu à des affrontements avec la milice composée de russophones. Les négociations entamées avec l’administration du district de Yalta se soldent par de nouvelles tensions et par une installation non légalisée47. De semblables événements se répètent en d’autres endroits de la péninsule. De fait, la question de l’accès à la terre focalise les tensions interethniques depuis la fin des années 1980.
30Les responsables tatars de Crimée revendiquent le droit à l’installation sans restriction aucune sur un territoire conçu comme une « Patrie historique ». L’occupation de terrains est devenue une stratégie à part entière des mouvements nationalistes et organisations politiques tatars de Crimée. Cette tactique est instituée à partir de 1989 en réponse au manque criant de logements, à l’inertie des autorités de Crimée et aux multiples obstacles que ces dernières dressent devant l’installation des Tatars : non délivrance d’autorisation, menaces à l’encontre des habitants qui vendraient leurs maisons à un Tatar, destruction des campements ou maisons construites, intimidations... De telles actions sont menées collectivement et font au préalable l’objet d’une concertation. Selon Enver Umerov, un des vétérans du mouvement dissident qui a activement participé à ces prises de terrains au début des années 1990, l’effet de surprise et de nombre vise à contrecarrer les actions de représailles menées par la milice, aidée en plusieurs occasions par les habitants des localités environnantes48.
31Comme illustrées plus haut, les réactions des autorités de la péninsule dépendent pour beaucoup de l’endroit où les opérations commando sont montées. Elles font ainsi preuve d’une plus grande latitude quand des terrains sont saisis dans les steppes du nord de la péninsule, mais se montrent intransigeantes pour toute occupation dans la partie la plus touristique de la Crimée. D’une manière générale, la réaction des autorités de Crimée pointe l’illégalité des actions entreprises par les Tatars de Crimée. La position de Kiev est plus ambiguë. Les Tatars de Crimée constituent en effet un appui électoral non négligeable. Ainsi, lors d’une visite en Crimée, Iouchtchenko, nouvellement élu, a estimé le problème réel, sans toutefois trancher. Les populations russophones et ukrainophones interprètent dans leur majorité ce retour comme une colonisation, une invasion et une offensive nationaliste infondée49. Ces prises de position concurrentes placent la logique de confrontation au centre des relations interethniques. Elles découlent de motivations émotionnelles puissantes et d’intérêts contradictoires.
32Les années 1990 et 2000 ont été émaillées de tensions récurrentes, alimentées par des perceptions différenciées et de multiples soubresauts politiques. Toutefois aucune violence majeure n’a frappé la péninsule. La temporisation, permise par le dialogue politique intense instauré à compter du milieu des années 1990, prévaut et les affrontements sortent peu du champ politique. De plus, la stratégie de Kiev, qui s’est servi de la « question tatare » comme d’un moyen de s’immiscer dans le jeu politique criméen, a permis de rééquilibrer une compétition souvent inégale en période de fortes tensions. Parallèlement, le Medžlis est parvenu à asseoir son statut de représentant des Tatars de Crimée auprès des autorités de la péninsule et de la présidence ukrainienne. Il s’est ainsi imposé comme un interlocuteur incontournable à tous les échelons politiques et administratifs. Le pragmatisme dont ses dirigeants ont fait preuve s’est traduit par une flexibilité de tous les instants, parfois au détriment des objectifs initialement fixés. Si les résultats concrets tardent à venir, l’intégration des Tatars de Crimée se fait tant bien que mal, en particulier grâce à l’investissement quotidien des mouvements nationalistes et organisations politiques tatares, et à l’intervention cruciale de plusieurs organisations internationales, très présentes sur le terrain. L’aide de l’État ukrainien, aussi marginale soit-elle, a également favorisé le processus. Les conséquences de la déportation et de la non réhabilitation se font pourtant encore fortement ressentir. Elles s’expriment au quotidien par une concurrence pour l’accès aux ressources dans une région frappée par une forte morosité économique. Elles se lisent enfin dans les prises de position des dirigeants tatars et des autorités de la péninsule qui, de par leurs interventions, contribuent à ethniciser les débats et donc à favoriser le repli des communautés sur elles-mêmes.
Notes de bas de page
1 Comité gouvernemental de la statistique d’Ukraine, « Čislennost’i sostav naseleniâ Avtonomnoj Respubliki Krym po itogam Vseukrainskoj perepisi naseleniâ 2001 goda », 2001.
2 Dawson J. L., « Ethnicity, Ideology and Geopolitics in Crimea », Communist and Post-Communist Studies, vol. 30, no 4, 1997, p. 432 ; Campana A., « Affrontement politique et systèmes de représentations différenciés : l’ethnicisation du champ politique en Crimée depuis 1991 », Cahiers d’Études sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien, no 37 janvier-juin 2004, p. 79-104.
3 Kappeler A., Petite Histoire de l’Ukraine, traduit de l’allemand par Guy Imart, Paris, Institut de recherche et d’étude des nouvelles institutions et sociétés à l’Est, coll. « Cultures et Sociétés de l’Est », 1997, no 26, p. 199.
4 čErvonnaâ S., Problemy vozvrašeniâ i integracii krymskih tatar v Krymu v 1990e gody, Moscou, RAN IÈA, 1997, p. 47.
5 Korostelina C., « The Multiethnic State-Building Dilemma : National and Ethnic Minorities’ Identities in the Crimea », National Identities, vol. 5, no 2, 2003, p. 158.
6 Wilson, A., « Politics in and around Crimea : a Difficult Homecoming », Allworth E. (ed.), The Tatars of Crimea, Return to the Homeland, Durham and London, Duke University Press, 1998, p. 298.
7 Kurultaj Krymskotatarskogo Naroda, Položenie krymskotatarskogo naroda, reproduit dans Vatan, no 7, juillet 1991, p. 3.
8 Wilson A., op. cit., p. 299-305.
9 « Zaâvlenie Vsekrymskogo traurnogo mitinga, posviâšennogo pamâti žertv deportacii krymskotatarskogo naroda », Golos Kryma, no 21 (497), 23 mai 2003, p. 2.
10 Bransten, J., « Power-Sharing Deal in Crimea Bolsters Tatar Minority », RFE/RL Reports, vol. 7, no 19, 17 mai 2005, http://www.rferl.org/reports/pbureport/2005/05/19-170505.asp.
11 Wilson A., op. cit., p. 294.
12 Armadon E., « La Crimée, y a-t-il encore un contentieux entre l’Ukraine et la Russie ? », Regard sur l’Est, Dossier « Sur les Rives de la Mer Noire », no 33, avril-juin, 2003.
13 Guboglo M. N. et Červonnaâ S., « The Crimean Tatar Question and Present Ethnopolitical Situation in Crimea », The Russian Politics and Law, vol. 33, no 6, 1995, p. 31-60.
14 Kučma L., « O Sovete predstavitelej krymskotatarskogo naroda », Ukaz Prezidenta Ukrainy 2000, reproduit dans Medžlis Krymskotatarskogo Naroda, Krymskie Tatary : Kampaniâ graždanskogo protesta protiv diskriminacii korennogo naroda Kryma, Simféropol, 2000, p. 58.
15 Moskhal H., « “There are no Authorities in Crimea”, an Interview with Valentyna Samar », Zerkalo Nedeli, Kiev, 4 novembre 2006, BBC Monitoring Service, 4 novembre 2006 et International Committee for Crimea News Digest no 7, automne 2006.
16 « International Committee for Crimea, 9-17 april 1999 », Crimean News, no 1, 1999, p. 1.
17 Radio Free Europe/radio Liberty (RFE/RL), « Ukraine Admits that Conditions for Crimean Tatars Returnees are poor », RFE/RL Newslines, 28 mai 1997.
18 United Nations High Cimmissioner For Refugees (UNHCR), Branche Office In Kyiv, Sociological Poll on the Topic Influence of the Institute of Citizenship on the Process of Return and Settlement of Previously Deported People in Crimea, Kyiv, 1997 ; United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR), Regional Bureau for Europe, « Social Assessment of the Formerly Deported Population in the Autonomous Republic of Crimea : A Participatory Rapid Appraisal », European Series, Genève, vol. 4, no 1, 1998.
19 Cabinet des ministresd’Ukraine, « Pro zatveržennâ Programi rozselennâ ta oblactuvannâ deportovanih krims’kih tatar i ocib inših nacional’nostej, ščo povernylicâ na projivaniâ b Ukraïnu, ï adaptacï ta integraciï v Ukraïnc’ke cucpil’stvo na period do 2010 roku », Postanova no 637, vid 11 travnâ, Kiev, 2006.
20 Verhovnoj Rady Avtonomnoj Respubliki Krym, 2000.
21 International Renaissance Foundation, « Integration of Formerly Deported Crimean Tatars, Bulgars, Armenians, Greeks, Germans into the Ukrainian Society », Annual Report 2001, Kiev, 2001, p. 27-34.
22 Observations participantes, Crimée, 2002.
23 « Putin on Crimea, Black Sea Fleet, and Media Eavesdropping », World News Connection, Russia – OSC Report, 25 octobre 2006.
24 Petrauskas Z., « Les Questions de citoyenneté dans les nouvelles constitutions », Nationalité et Succession d’États, Actes du Colloque de Vilnius, 16-17 mai 1997, Éditions du Conseil de l’Europe, coll. « Sciences et Technique de la Démocratie », 1998, p. 37.
25 Ibid. p. 35.
26 United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR), Regional Bureau for Europe, op. cit., p. 25.
27 Petrauskas Z., op. cit., p. 71.
28 United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR), Regional Bureau for Europe, op. cit., p. 25 et 21.
29 United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR), Regional Bureau for Europe, op. cit., p. 2.
30 United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR), Regional Bureau for Europe, op. cit., p. 20.
31 Memorandum of the Medjlis of the Crimean Tatar People, « How Ukrainian Government Violates the Constitution, Realizing a Racial Discrimination towards Crimean Tatar People », Simferopol, 27 mars 1998, Selimshaev S., Crimean Tatars Protest against Racial Discrimination. Report of the Medjlis of the Crimean Tatar People, Simferopol, 1998, p. 17.
32 Memorandumof the Medjlisof the Crimean Tatar People, Ibid, p. 15.
33 United Nations High Commissionerfor Refugees (UNHCR), Branche Office In Kyiv, op. cit., p. 5.
34 « Zaâvlenie Vsekrymskogo traurnogo mitinga, posviašennogo pamâti žertv deportacii krymskotatarskogo naroda », Golos Kryma, no 21 (497), 23 mai 2003, p. 1.
35 Martin T. et Suny R. G. (ed.), A State of Nations : Empire and Nation-making in the Age of Lenin and Stalin, New York, Oxford University Press, 2001, p. 177-182 et 335-340 ; Williams B. G., The Crimean Tatars. The Diaspora Experience and the Forging of a Nation, Leiden, Boston, Cologne, Brill, 2001, p. 334-411.
36 Tishkov V., Ethnicity, nationalism and Conflict in and after the Soviet Union. The Mind Aflame, Londres, Sage Publications, Oslo, International Peace Research Institute, United Nations Research Institute for Social Development, 1997, p. 6-7.
37 Williams B. G., « A Community Reimagined. The Role of “Homeland” in the Forging of National Identity : The Case of the Crimean Tatars », Journal of Muslim Minority Affairs, vol. 17, no 2, 1997, p. 249.
38 Hajruddinov M., « Pedagogika vyživaniâ », Vatan, no 8, août 1994, p. 35-36.
39 Altman V., Voprosy Istorij, no 12, 1948, cité dans Kirimal E., « The Crimean Tatars », Studies on the Soviet Union, no 9, 1969, p. 1 ; « Kryma », Bol’šaâ Sovetskaâ Ènciklopediâ, vol. 13, 1973, 3e éd., p. 453.
40 Pohl O. J., The Stalinist Penal System. A Statistical History of Soviet Repression and Terror, 1930-1953, Jefferson, McFarland and Co, 1997, p. 91.
41 Assemblée Générale des Nations Unies, Communiqué de presse AG/10612, « Au terme de plus de vingt ans de négociations, l’Assemblée Générale adopte la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones », New York, 13 septembre 2009, http://www.un.org/News/fr-press/docs/2007/AG10612.doc.htm
42 Benoit-Rohmer F., La Question minoritaire en Europe. Textes et Commentaire, Strasbourg, Éditions du Conseil de l’Europe, 1996, p. 43.
43 Belitser N., Indigenous Status for the Crimean Tatars in Ukraine : A History of a Political Debate, Part I. International Committee for Crimea Website, 2002.
44 Tajmurazov A., « Zemlû – pod kontrol’gosudarstva », Avdet, no 1 (307), 27.01.2003.
45 Research and Support of Indigenous Peoples of Crimea Foundation, Report, février 2006, http://www.azatliq.net/english/researches.htm
46 Bilette A., « Un Défipour l’Ukraine Orange. Le difficile retour des Tatars de Crimée », Le Monde Diplomatique, no 633, décembre 2006, p. 6-7.
47 « La situation dans le rajon de Yalta à l’été 2003 », Krymskoe Vremya, no 112, 9 juin 2003.
48 Umerov E., « Vospominaniâ veterana Krymskotatarskogo dviženiâ », Vatan, no 7 et no 2, 1994, p. 26.
49 Entretiens informels, 2002.
Auteur
aurelie.campana@pol.ulaval.ca
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