De la condamnation à l’expulsion : la construction de l’image de collaboration de masse durant la Grande Guerre patriotique
p. 29-51
Texte intégral
1Les recherches consacrées aux « peuples punis » ont démontré que l’accusation de collaboration avec l’« envahisseur germano-fasciste » qui condamna à l’exil collectif certains peuples du Caucase, de Crimée et de Kalmoukie était un prétexte visant à régler définitivement la question (des) confins à peine soviétisés, mal contrôlés en dépit d’opérations de police régulièrement renouvelées1 ». Elles ont réévalué l’activité antisoviétique, délibérément exagérée par le pouvoir, et ont replacé ces répressions dans la longue durée, dans le cadre des déportations successives de populations suspectes de l’ère soviétique, voire de l’époque tsariste2. Les répressions frappant certaines nationalités soviétiques s’accentuent dans les années trente. Tout d’abord, le statut d’ennemi du peuple acquiert progressivement une connotation ethnique3. Ennemi extérieur et intérieur sont par ailleurs de plus en plus liés dans l’imaginaire et la rhétorique du pouvoir, comme le montrent les grands procès de Moscou. Le nettoyage des zones frontalières constitue une obsession depuis 1934, parallèlement à la première vague de purges, et se renforce pendant la Grande Terreur. Il concerne en particulier les Polonais, Allemands, Finlandais, Baltes, Roumains, que les autorités considèrent comme vulnérables aux pénétrations des puissances ennemies de l’URSS4. La première opération de masse visant un vivier d’espions potentiel se déroule en 1937 : 175 000 Coréens sont déportés de la région de Vladivostok5. À la veille de la Guerre, se forge la notion de « nation ennemie », formée d’« éléments particulièrement dangereux » entretenant des liens avec l’extérieur. Entre 1940 et 1941, après l’annexion de territoires occidentaux à la suite du Pacte germano-soviétique, Polonais, Baltes et Moldaves sont victimes d’opérations de déportation de masse6.
2L’invasion allemande pousse à son paroxysme le soupçon de collusion entre minorités non slaves et ennemi extérieur. Le déplacement des Allemands de citoyenneté soviétique, « transfert » ou « évacuation » annoncé par un décret du 28 août 1941, constitue la première grande vague de déportations de la Grande Guerre patriotique. Elle frappe près d’un million de personnes, essentiellement les Allemands originaires de la région de la Volga, mais également de nombreux Allemands résidant dans le Caucase et en Crimée. De novembre 1943 à juin 1944, la deuxième grande vague de déportations de guerre touche 900 000 personnes : il s’agit des « peuples punis ». Une dernière phase, qui s’inscrit dans la politique de « sécurisation des zones frontalières », concerne environ 200 000 personnes dans la deuxième moitié de l’année 1944 en Crimée et dans le Sud Caucase, essentiellement les Turcs Meskhètes7. Ainsi, les circonstances de la guerre et la libération des territoires occupés génèrent des motifs supplémentaires et décisifs justifiant la poursuite de la politique d’exil forcé de peuples soviétiques.
3Ce chapitre a pour objectif de présenter le contexte immédiat des expulsions des Tatars de Crimée, Kalmouks, Tchétchènes, Ingouches, Balkars, Karatchaïs et Turcs Meskhètes. Les circonstances de guerre qui favorisent, selon les territoires, la construction par le pouvoir soviétique de l’image d’une collaboration quasi universelle se soldent par des déportations de masse. La proximité réelle ou fantasmée avec l’ennemi allemand se superpose à une méfiance ancienne envers des peuples rétifs à l’adoption du modèle soviétique. Les expulsions ont lieu alors que les combats continuent à se dérouler sur le sol soviétique. La guerre n’est pas uniquement source de motifs pour le pouvoir soviétique, elle est également génératrice de violences : le contexte de reprise en main du territoire après la libération doit être mis en perspective avec l’expérience de la « violence de guerre » qui se manifeste dans la brutalité des déportations. Après un examen des relations entre le pouvoir et les peuples à la veille de la guerre, il s’agira de caractériser les circonstances de guerre dans les territoires concernés et le processus qui mène à la décision d’exil et aux déportations des peuples.
Peuples du Caucase, de Kalmoukie et de Crimée face au pouvoir soviétique à la veille de la Grande Guerre patriotique
4Les Karatchaïs et les Balkars sont des nomades turquisés qui peuplent le piémont du Nord Caucase vers le XI-XIIe siècle. Ils sont islamisés au XVIe siècle et intégrés à l’Empire russe dans les années 1820. La russification perturbe la vie politique et les structures sociales féodales de ces deux peuples et provoque une forte émigration des Karatchaïs vers l’Empire ottoman. Dans les années 1920, la politique des nationalités, à travers l’« indigénisation » (korenizaciâ), est difficilement mise en place, et la politique antireligieuse est mal acceptée8. Karatchaïs et Balkars sont souvent confondus par les autorités en raison de leur origine commune et de leur évolution parallèle sous l’influence des Kabardes : le recensement de 1936 ne les distingue pas, il faut attendre celui de 1939 pour que les deux nationalités soient dissociées9.
5À partir du XVIe siècle, les Ingouches, d’origine caucasienne, s’installent dans les plaines du Nord Caucase. Ils adoptent l’Islam sous l’influence des Tchétchènes, également Caucasiens. Cette conversion est lente et progressive : dans la seconde moitié du XIXe siècle, des voyageurs occidentaux notent encore la présence de chrétiens. Ils n’offrent pas de résistance aux Russes qui arrivent à partir des années 1770, mais la venue des Cosaques vers 1870 les rejette vers les montagnes, les privant de terres fertiles. Cette colonisation constitue la source de troubles jusqu’au début du XXe siècle10. Quant aux Tchétchènes, ils répondent aux raids cosaques par une résistance armée. Les heurts perdurent durant tout le XIXe siècle, en particulier lors de la « guerre sainte » menée par l’imam Chamil de 1834 à 1859. Durant la guerre civile, le support apporté par ces peuples aux Bolcheviks s’explique moins par l’adhésion à leur projet que par la haine partagée envers les Blancs11. La déportation des Cosaques en 1920 et la restitution de leurs terres aux Tchétchènes et aux Ingouches permettent d’emporter le soutien des Vainakhs, dénomination commune des Tchétchènes et des Ingouches. Mais dès la fin de la guerre civile, les réquisitions imposées par le pouvoir suscitent des tensions, qui ne cessent de s’accentuer dans les années vingt et trente. En 1925, la première d’une série de vastes opérations menée conjointement par les soldats de l’Armée rouge et la police politique vise à liquider les « bandes » tchétchènes12. La collectivisation, accompagnée de violentes campagnes de confiscation des lopins individuels et de déportations, cristallise les violences jusqu’à la veille de la guerre13.
6Les Vainakhs résistent également à d’autres projets : l’alphabétisation, l’éducation de masse ou les programmes de sécularisation. Ils conservent leurs traditions sociales, culturelles et religieuses en marge des organisations soviétiques, autour de structures claniques et sous l’influence morale des soufis locaux14. La force des liens familiaux qui unissent les montagnards a pu constituer aux yeux du pouvoir une menace particulièrement dangereuse. En constituant des réseaux de sociabilité puissants, imbriqués et étendus, elle semble renforcer l’homogénéité des populations et leur solidarité dirigée contre le pouvoir15. Dès les années 1920, les dirigeants soviétiques en concluent que la lutte des classes ne s’applique pas aux montagnards, incapables de comprendre et d’assimiler la formule de la dictature du prolétariat. Ces « éléments » ne rentrent pas dans les catégories des koulaks ou des nationalistes-bourgeois. Ce sont des peuples de « bandits », dangereux par essence16.
7Les Kalmouks sont des pasteurs nomades, d’origine mongole, bouddhistes, arrivés dans la basse Volga au XVIIe siècle. Ils intègrent l’Empire russe à partir de 1771. Ce peuple des steppes connaît un processus très lent de sédentarisation : il reste bon nombre de nomades après la Première Guerre mondiale17. Le pouvoir soviétique entreprend durant les années vingt de sédentariser les nomades avec un succès mitigé. Il se méfie des Kalmouks dont les traditions sociales et économiques restent fondées sur les déplacements : jusqu’en 1927, l’Armée rouge n’enrôle pas de Kalmouks.
8Les relations conflictuelles entre les Tatars de Crimée et le pouvoir remontent à l’annexion de la péninsule par l’Empire tsariste en 1783. Ce dernier met en place une politique brutale, alliant russification, expropriations et immigration de russophones. Elle provoque une émigration massive, essentiellement dirigée vers l’Empire ottoman. Durant la guerre civile, les Tatars se rangent successivement du côté des Blancs, puis des Rouges. À partir de 1920, la politique d’indigénisation accorde aux Tatars, qui ne représentent pourtant qu’un quart de la population de Crimée, un statut privilégié dans la péninsule et des possibilités d’ascension politique et sociale. Mais les différentes vagues de purges et la collectivisation forcée déciment l’intelligentsia tatare. La politique antireligieuse provoque également de nombreux heurts18.
9Les Turcs Meskhètes habitent quant à eux une région montagneuse entre la Géorgie et la Turquie. La population géorgienne de Meskhétie est devenue musulmane et turcophone à partir du XVIe siècle. Cette zone frontalière est tout au long du XIXe siècle objet de convoitise. Après une période d’instabilité qui perdure jusqu’au lendemain de la révolution, elle intègre finalement la Géorgie soviétique en 1923. Les Turcs Meskhètes poursuivent leurs habitudes de déplacement malgré le découpage de leur région, suscitant la méfiance des autorités soviétiques qui voient en eux de potentiels espions19.
10À la veille de la guerre, seuls les Turcs Meskhètes ne disposent pas d’entité politico-administrative propre. Les Balkars et les Karachaïs occupent des régions autonomes : les premiers en Kabardino-Balkarie, les seconds au sein du territoire d’Ordžonikidze. Les Kalmouks, les Tchétchènes et les Ingouches, et enfin les Tatars disposent d’une république autonome au sein de la République socialiste soviétique russe.
L’entrée en guerre : mobilisation et désertion
11Dès l’invasion nazie, la question de la loyauté des citoyens soviétiques acquiert une dimension particulière dans le cadre de l’effort de guerre et de la défense du territoire. La mobilisation des populations à l’approche des forces nazies permet au pouvoir de jauger leur adhésion à la « guerre de tout le peuple » et, à travers elle, au projet soviétique. Son déroulement, son succès et à l’inverse, le nombre de réfractaires et de déserteurs sont soigneusement consignés et communiqués à Moscou.
12Si plus d’un million de soldats désertent, les autorités prêtent une attention particulière aux défections parmi les peuples des zones frontalières. Ainsi, un rapport adressé en 1944 à Lavrenti Beria, le chef du NKVD, indique que la quasi-totalité des 20 000 Tatars enrôlés dans l’Armée rouge a déserté20. Les quelques cas de défection parmi les 15 000 Karatchaïs mobilisés sont érigés en généralité21. Si ces derniers ne sont pas les seuls déserteurs montrés du doigt, leurs unités attirent plus de méfiance que les autres formations fondées sur critère national22. La désertion des Kalmouks est considérée comme particulièrement dangereuse : elle favorise l’apparition de bandes dans les steppes non occupées par les Allemands, attaquant l’administration soviétique et redistribuant les terres des fermes collectives23.
13C’est surtout dans la république des Tchétchènes et des Ingouches que la mobilisation est la plus catastrophique : elle provoque des révoltes dans certains districts en octobre-novembre 1941. Sur les 80 000 Ingouches et Tchétchènes appelés entre 1941 et 1944, 70 000 ne se présentent pas ou désertent. À partir de l’été 1942, la mobilisation des Vainakhs est interrompue. L’appel au volontariat se solde par un bilan mitigé, en particulier lors de la campagne de recrutement de février-mars 1943, contrairement, par exemple, à celle menée au Daghestan. Ces fiascos sont interprétés par Moscou comme une preuve supplémentaire de l’impossibilité d’imposer l’ordre soviétique parmi les montagnards24.
Les formes de la collaboration dans les régions occupées et leur interprétation par le pouvoir soviétique
14La collaboration des citoyens soviétiques constitue un sujet de recherche relativement nouveau. L’historiographie de la Grande Guerre patriotique a longtemps perçu la collaboration comme un phénomène marginal émanant d’une poignée de traîtres « nationalistes-bourgeois ». Les études des relations entre les occupants allemands et les peuples non slaves occupés sont les plus développées et permettent aujourd’hui une connaissance plus fine des types et des motifs de la collaboration et de la perception qu’en avaient les dirigeants soviétiques25.
La politique allemande
15Pour les Allemands, le Caucase et la Crimée, véritable ouverture sur la mer Noire, présentent des objectifs stratégiques de premier ordre. La Crimée devait initialement devenir une Riviera allemande. Il y est planifié une germanisation massive qui suppose à moyen terme l’expulsion des peuples non allemands, au premier rang desquels les Russes. Les objectifs initiaux sont rapidement abandonnés : les Allemands veulent ménager la Turquie, attentive au sort de la Crimée et des Tatars26. L’enjeu stratégique du pétrole caucasien (plus de 90 % du pétrole soviétique transite par le Caucase, dont 27,5 % à Grozny) est relevé dès 1940 par les Alliés franco-britanniques, qui craignent l’apport des réserves soviétiques à l’armée allemande. Des bombardements sont programmés, et le général Maurice Gamelin soulève lui-même l’idée de « provoquer l’agitation parmi les peuples musulmans du Caucase » pour déstabiliser le pouvoir soviétique dans la région. S’emparer du pétrole caucasien rentre par la suite dans la stratégie des Allemands, mais leurs desseins relatifs au sort du Caucase restent imprécis27.
16Les autorités soviétiques sont convaincues que les Allemands préparent l’invasion et l’occupation conjointement avec les comités émigrés, dont les activités sont suivies par les services secrets depuis la fin des années 193028. L’une de ces organisations, le mouvement « Prométhée », apparu au lendemain de la guerre civile, rassemble les représentants de peuples « oppressés par le bolchevisme judéo-russe » et constitue un relais de l’espionnage allemand en URSS dans la deuxième moitié des années trente. Il accueille notamment des émigrés caucasiens et criméens. L’un des fondateurs de la ligue est Mohamed Ajaz Išaki, un Tatar de Crimée, musulman radical, qui rêve d’un vaste territoire tatar indépendant. À la fin des années trente, elle est financée par l’Abwehr, mais son efficacité est toute relative29. Après l’invasion allemande, de nombreux émigrés sont invités à occuper des postes dans les territoires occupés. Ainsi, des Tatars ayant fui durant la guerre civile accompagnent les forces allemandes en Crimée, et les services secrets soviétiques relèvent la présence de comités culturels et religieux de « jeunes Tatars » en Roumanie et en Lituanie30. Si les autorités soviétiques surestiment la marge de manœuvre des émigrés, leur présence auprès des Allemands renforce la menace d’une influence accrue des ennemis du régime sur les populations situées en territoire occupé31.
17Les Allemands pénètrent en Crimée dès l’hiver 1941, mais se heurtent à la forte résistance de l’Armée rouge. Ce n’est qu’après la bataille de Sébastopol, en mai 1942, que la Crimée est occupée dans sa totalité. Elle est intégralement libérée par l’Armée rouge début 1944. À partir du 12 août 1942, seuls cinq des 13 districts de la république kalmouke sont occupés, et la retraite allemande s’engage à partir de janvier 1943. Le Nord Caucase est occupé partiellement et bien moins longtemps : quelques mois dans la région des Karatchaïs (juillet 1942-janvier 1943) et 65 jours pour la république de Kabardino-Balkarie (octobre 1942-janvier 1943)32.
18En Crimée, les Allemands mènent une politique pragmatique qui vise à s’appuyer sur les minorités non slaves, tout en freinant ou contrôlant les volontés indépendantistes. Au Caucase, tirant les conclusions des désastres de leur politique nationale dans les autres territoires soviétiques conquis, les Allemands entreprennent à partir de 1942 une « expérience » originale. Cette dernière s’illustre par des conditions d’occupation plus souples qu’ailleurs, du moins dans les premiers temps, et joue au maximum la carte des sentiments nationalistes, séparatistes et antibolcheviques. La volonté de ménager les peuples de Crimée et du Caucase apparaît dans les ordres adressés aux troupes allemandes à la veille de l’invasion. Ils enjoignent les soldats allemands engagés en Crimée et au Caucase de respecter les coutumes religieuses33. L’armée allemande y est globalement bien reçue, les aspirations indépendantistes et la rancœur antibolchevique contribuant à faire des Allemands des « libérateurs34 ». Dans la région karatchaïe, les autorités d’occupation s’appuient sur les représentants autoproclamés pendant les quelques jours de vacance du pouvoir : un instituteur, Madžir Koškarov, qui avait pris en main la capitale Mikoân-Sahar avant l’arrivée des Allemands, est confirmé dans son poste de maire de la ville35. Dans la république kalmouke, les circonstances du déclenchement de la guerre expliquent également le relatif contentement de la population lors de l’arrivée des troupes allemandes. En effet, la réquisition et l’évacuation du bétail kalmouk ordonnées par les autorités soviétiques en août 1942, dont l’issue aurait pu être fatale au peuple éleveur, avaient donné lieu à des rébellions dans certains villages où des représentants du pouvoir avaient été tués36.
19La politique allemande dans ces régions suit trois axes principaux : la tolérance religieuse, la dissolution des kolkhozes et le ménagement des aspirations indépendantistes non slaves. Cette politique est fondée sur une propagande relayée par la presse locale promettant « liberté et abondance » et popularisant des slogans nationalistes, « la Crimée aux Tatars » par exemple37. En Crimée et au Caucase, les mosquées sont rouvertes dès les premiers jours de l’occupation, des fêtes religieuses longtemps interdites par le pouvoir soviétique réapparaissent, comme la fête de Bajram dans la région karatchaïe. Le démantèlement des structures agraires y semble plus poussé qu’ailleurs38. En Kabardino-Balkarie, les Allemands, bien que n’ayant occupé la région que quelques semaines, entreprennent en ce domaine des initiatives spectaculaires approuvées par la population39. Les Kalmouks dissolvent également leurs fermes collectives40. Des comités nationaux voient le jour. Le « Comité musulman » de Simféropol est le principal organe de collaboration tatare : il est composé de membres de l’élite nationaliste et des Tatars émigrés qui se sont illustrés dans la lutte contre les Bolchevicks pendant la guerre civile. Des comités semblables existent dans toute la Crimée. La presse et la littérature en langue tatare relaient le sentiment national, tandis que des écoles religieuses rouvrent leurs portes41. Un comité national karatchaï voit également le jour, dirigé par un paysan, Kadi Bajramukov. Un avocat, Selim Šadov, prend la tête d’un comité similaire dans la région balkare42.
20La réalité de l’occupation pour la grande masse des occupés est cependant loin d’être radieuse et, surtout en Crimée qui connaît la période d’occupation la plus longue, l’enthousiasme cède la place au désenchantement. La répression allemande se durcit dans les derniers mois de la guerre, les comités n’ont aucun rôle effectif. Ahmed Ozenbašly, membre du comité de Simféropol, candidat au poste de Grand Mufti, soumet aux Allemands une demande de formation d’un État tatar de Crimée indépendant sous la protection de l’Allemagne. Cette requête est ignorée par les Nazis, et le retournement d’Ozenbašly coïncide avec le revirement de la population dans son ensemble43. Mais le document, qui semble démontrer la réalité de la collaboration germano-tatare, provoque l’indignation des dirigeants moscovites44. Bien que la collaboration tatare ne soit pas la seule recensée – des « traîtres » russes désertant les rangs de la résistance en Crimée sont connus des services secrets – et malgré la dénonciation de la « démagogie allemande » qui incite les peuples non slaves, dans toutes les régions occupées de l’URSS, à manifester et tenter de réaliser leurs aspirations séparatistes, la construction de l’image d’une collaboration « nationale » de masse s’élabore progressivement dans ces régions. La virulence de certaines velléités indépendantistes et l’élimination des représentants de l’autorité soviétique achèvent de convaincre les dirigeants soviétiques de la « traîtrise » collective des Tatars, des Kalmouks et des Caucasiens occupés.
La lutte anti-partisane et les formations indigènes de l’armée allemande
21Les régions occupées du Caucase et de Kalmoukie n’ont pas connu, durant les quelques mois de présence allemande, de véritable activité de résistance : 13 unités sont recensées dans le Nord Caucase occupé en octobre 1942 et 220 résistants opèrent en Kalmoukie au 12 novembre 1942. En Crimée, les chiffres sont également bas : 3700 combattants dans les premiers mois. La désertion est importante : en juillet 1942, l’état-major du mouvement partisan relève 1 200 déserteurs qui se sont rangés du côté de l’ennemi, dont 891 Tatars45.
22Les conditions dramatiques d’existence des partisans de Crimée et la participation de Tatars à leur éradication nourrissent les accusations à l’encontre du peuple tatar. Le mouvement partisan en Crimée, mal préparé, rencontre de nombreuses difficultés dès sa naissance. Le recrutement ne concerne au départ que les membres actifs du Parti et du komsomol, majoritairement des Slaves et des citadins, sans grande connaissance du terrain des opérations. Aucune importance n’est accordée aux contacts avec les locaux. Enfin, le ravitaillement est très mal organisé : les dépôts, placés à proximité des voies de communication, sont aisément localisés par les Allemands, souvent sur dénonciations. Les partisans soviétiques en Crimée souffrent donc encore plus qu’ailleurs. La famine de l’hiver 1941-1942 les pousse à entreprendre des réquisitions brutales, voire des pillages dans les villages tatars. Ces raids d’une extrême violence attisent la haine des paysans tatars à leur égard46.
23La lutte anti-partisane est menée essentiellement par des Tatars : les premières unités d’autodéfense, dont la formation est autorisée par Hitler, sont créées dès le 3 janvier 1942. Cet aspect de la chasse aux partisans impressionne les plus hautes sphères du pouvoir soviétique. Certains partisans ou représentants du Parti de Crimée tentent cependant de disculper les Tatars. En novembre 1942, l’aveu des revers de la résistance rend compte des erreurs commises dans les relations avec les locaux. Les accusations exagérées à l’encontre des Tatars sont dénoncées. De même, certains communistes locaux incitent à distinguer les Tatars des montagnes, plus actifs dans la lutte anti-partisane, des Tatars des plaines47. Malgré ces appels à la nuance, l’échec des formations résistantes est imputé à la collaboration des Tatars. Un rapport du secrétaire du Parti de Crimée adressé en juin 1942 au Comité central du Parti et à l’état-major souligne que de nombreux villages « aident activement les envahisseurs germano-roumains à lutter contre les partisans » et évoque les multiples avantages dont les volontaires tatars bénéficient, en argent ou en nature48. Un partisan russe compare les affrontements entre partisans et unités tatares à la guerre civile, pendant laquelle des Tatars avaient combattu aux côtés des Blancs49. Cet amalgame se diffuse dans la hiérarchie et contribue à la stigmatisation d’un peuple perçu radicalement antisoviétique. Certes, fin 1943, le nombre de partisans augmente parallèlement à la fin des expéditions punitives contre les villages, à l’appel lancé aux résistants tatars, et plus généralement à l’imminence de la retraite allemande et de la libération. Des unités d’autodéfense désertent et rejoignent les partisans. Cependant, cette évolution n’efface pas, aux yeux du pouvoir, la faute tatare dans la lutte anti-partisane en Crimée.
24Les rapports soviétiques soulignent également la participation des locaux à des unités allemandes. L’engagement dans les forces ennemies comprend tout d’abord les « bataillons orientaux » de l’armée allemande, formés de citoyens soviétiques non russes recrutés majoritairement parmi les prisonniers de guerre, mais placés sous le commandement d’officiers allemands (on compte environ 15 à 20 000 Tatars de Crimée, 70 à 75 000 Nord Caucasiens, et d’autres nationalités musulmanes d’Asie centrale)50. Ces formations, qui combattent dans le sud de l’URSS et, à la fin de la guerre, dans l’Europe de l’Ouest, ne remportent pas les succès escomptés51. Par ailleurs, les forces allemandes recrutent plusieurs centaines de milliers de Soviétiques comme « volontaires » dans les territoires occupés. En Crimée, 20 000 Tatars servent dans les forces allemandes. Outre les Hiwi (auxiliaires chargés des basses besognes), de petites unités d’autodéfense spécialisées de 60 à 200 personnes engagées dans la lutte anti-partisane et huit bataillons de police sont formés. Des Tatars sont également incorporés dans le Einsatzgruppe D et participent au massacre de Juifs, de Tsiganes et de prisonniers de guerre russes52.
25La conjonction de ces différents facteurs conduit ainsi à la stigmatisation de l’ennemi non slave agissant dans les territoires occupés. Certaines formes de collaboration sont mythifiées par le pouvoir qui réactive des stéréotypes de l’avant-guerre et concentrent leurs accusations sur certaines figures. Les combattants tatars luttant contre les défenseurs de la patrie soviétique, les chefs religieux caucasiens incitant à la dissolution des kolkhozes, les « cavaliers kalmouks » ayant fondé une unité regroupant quelques milliers d’hommes aux côtés de l’armée allemande sont autant de critères symboliques condamnant sans appel ces peuples53. Ils témoignent de l’interprétation de la réalité de la collaboration par l’administration stalinienne, qui tend ainsi à en imputer les occurrences aux peuples dans leur totalité.
Cinquième colonne et « banditisme » dans le Nord Caucase
26Les régions non occupées du Caucase connaissent l’existence d’un54 « deuxième front », guerre dans la guerre due à l’aggravation de la guérilla antisoviétique, dénommée « banditisme » dans la terminologie des services de sécurité. Le développement de la « lutte contre le banditisme » se fait tout au long des années trente en lien avec la crainte de l’existence d’une cinquième colonne. La création fin 1940 d’un département du NKVD spécialisé dans l’éradication de la résistance antisoviétique armée, qui prend très rapidement de l’ampleur, reflète ces préoccupations. À la veille de la guerre, des « nations bandits » sont définies, reconnaissables par leurs liens avec l’émigration et les puissances extérieures, l’existence de fortes traditions et d’un mouvement de résistance insurrectionnel historique55.
27Ces critères s’appliquent particulièrement au Nord Caucase, qui représente un quart des cas de banditisme relevés pendant la Grande Guerre patriotique. La république autonome des Tchétchènes et des Ingouches, qui n’est quasiment pas occupée par les Allemands, constitue le théâtre le plus violent de la lutte contre le banditisme. Entre 1937 et 1940, 1 535 « bandits » tchétchènes sont arrêtés, et les tensions s’aggravent conjointement avec la guerre : la guérilla tchétchène exploite le potentiel créé par le conflit. La période clé de la guérilla tchétchène se déroule de l’approche des Allemands en août-septembre 1942 jusqu’à la contre-offensive soviétique en été-automne 194356. Simultanément, un délitement général de l’encadrement soviétique est observé. 80 fonctionnaires du Parti et officiers de police quittent leurs fonctions, dont 16 des 24 secrétaires du Parti de district : ceux qui restent sont majoritairement Russes et deviennent les cibles des opérations de guérilla. Des communistes prennent même la tête d’opérations antisoviétiques, à l’instar d’Abdurahman Avtorhanov, professeur à l’Institut de langue et de littérature de Grozny57.
28Quel est le rôle des Allemands dans ces actions armées ? Ils cherchent certes à déstabiliser la région, en lançant par exemple l’« opération Chamil » (du nom de l’imam qui a mené la révolte au XIXe siècle). Pour coordonner les actions de guérilla, ils mettent en place un réseau d’agents, recrutés parmi les prisonniers de guerre et les émigrés, pour les parachuter depuis la Crimée dans le Nord Caucase sous la tutelle d’un officier allemand58. Le plus connu d’entre eux, qui d’ailleurs retient l’attention des services de sécurité soviétiques après son arrestation, est Osman Gube59. Ces descentes, peu nombreuses, se soldent le plus souvent par des échecs. Elles sont cependant perçues par Staline lui-même comme une tactique généralisée de « déstabilisation de l’arrière de l’Armée rouge ». Avec le rapprochement de la ligne de front, en mars 1942, les rapports sur ces missions « d’espionnage, de sabotage et de liaisons avec les bandes » se multiplient, et plusieurs décrets du Comité d’État à la Défense incitent à renforcer la lutte contre les parachutistes dans tout le Caucase60.
29Les crimes attribués aux « bandes » s’échelonnent de la propagande antisoviétique aux meurtres d’officiels soviétiques, destruction de kolkhozes et attaques des voies ferrées61. Le principal chef de la guérilla tchétchène, un ancien membre du Parti, Hasan Israilov, descendant du chef rebelle Chamil, se retourne contre le pouvoir soviétique en 1940. Il organise avec son frère des bases de résistance dans le sud de la Tchétchénie et tente de coordonner un mouvement insurrectionnel unifié62. Il fonde le parti des « Frères caucasiens63 », auquel le pouvoir soviétique accorde beaucoup plus d’influence qu’il n’en a véritablement64. Les efforts des Allemands pour prendre le contrôle de ce mouvement ne sont pas couronnés de succès : les Tchétchènes refusent toute collaboration n’aboutissant pas à une indépendance, gage que les Allemands ne peuvent donner65. Malgré l’absence d’unification du mouvement et le démantèlement de nombreuses organisations de résistance par les services secrets soviétiques, des mesures exceptionnelles sont prises en mai 1943. Elles préconisent l’arrestation des membres des familles des volontaires qui ont rejoint l’ennemi, des « traîtres à la patrie », des bandits et collaborateurs, et de personnes soupçonnées d’espionnage66.
30Les autres régions du Nord Caucase sont également touchées par des attaques armées. En Kabardino-Balkarie et dans la région karatchaïe, avant l’arrivée des forces allemandes, des parachutistes sont arrêtés et plusieurs actes de banditisme sont recensés67. La lutte contre le banditisme reprend dans la région karatchaïe après la retraite de l’armée allemande. Le Comité national fondé par les Allemands inspire une révolte de 400 fermiers dans le district d’Uškulan en janvier 194368. Le 15 avril 1943, les familles (472 personnes) de 110 chefs de bandes sont déportées par les Soviétiques69. La libération du territoire balkar provoque l’alarme exagérée du NKVD face au nombre de bandes accusées d’avoir formé le noyau dur de la collaboration70. Sur les trois années de guerre, 1 982 groupes insurrectionnels sont enregistrés dans le Nord Caucase dont 1 339 sont démantelés. Ces chiffres, probablement gonflés, illustrent cependant combien est flou le lien entre rébellion antisoviétique indépendantiste et collaboration71. Au final, la grande proximité entre banditisme et menace allemande est décisive dans la condamnation des peuples.
Les déportations : processus décisionnel et déroulement
31La décision de déporter les populations intervient peu après la reconquête du Caucase et de la Crimée ; elle se distingue du processus d’épuration à proprement parler. Entre 1941 et 1943, un cadre pénal est progressivement instauré pour juger les collaborateurs à travers une série de décrets72. Dans tous les territoires reconquis, des arrestations ciblées ont lieu. Par exemple, les premières arrestations menées en Crimée en 1944 sont décidées, comme dans les autres territoires libérés, selon des catégories établies pendant la guerre : les listes de collaborateurs nazis compilées par Beria comportent des noms tatars et slaves73. La résolution d’exiler l’intégralité des peuples obéit à une logique propre. Il ne s’agit pas de l’épuration de quelques-uns, mais de la déportation de tous, l’accusation de collaboration valant pour la totalité des membres des peuples. La croyance, communément admise dans la hiérarchie soviétique, en la solidité des liens familiaux et claniques, faisant des peuples des entités solidaires et indivisibles, paraît avoir jouée dans l’universalité des accusations.
32Les décisions et plans relatifs à l’exil des peuples, les institutions et les personnes impliquées se retrouvent pour chaque déportation. Après la soumission de plans de déportations, la décision de l’exil est d’abord prise par le Comité d’État à la Défense, organe constitué dès les premiers jours de l’invasion. Des instructions sont ensuite adressées au NKVD et un décret du Soviet suprême est édité. Les plans de la déportation massive des Karatchaïs, premier peuple concerné par des mesures punitives, sont considérés à Moscou dès septembre 1943, les décrets sont rédigés un mois plus tard74. L’opération « Ulus » (« district » en kalmouk) est emblématique du processus décisionnel. Avant la rédaction du décret, le NKVD prépare l’opération en amont : il délimite les contingents, incluant les membres du Parti, du Komsomol et les familles des soldats mobilisés, puis établit un recensement précis des Kalmouks par localité. La minutie des préparatifs nécessite la mise en place d’une infrastructure gigantesque et d’une programmation serrée (heure par heure, lieu par lieu). Cette logistique repose sur la coordination avec les autres commissariats au peuple, en particulier celui des Transports qui met à disposition plusieurs centaines de convois et de wagons. La correspondance avec les autorités des régions d’exil en Sibérie et en Asie centrale permet en outre de régler les détails de l’arrivée et de l’installation des contingents. Beria et ses proches collaborateurs (Ivan Serov, Bogdan Kobulov) jouent un rôle prépondérant dans l’élaboration des chefs d’accusation et l’accélération du rythme des déportations. Beria se rend même personnellement à Grozny le 20 février 1944 pour y coordonner les opérations75.
33À la similitude des préparatifs répond l’unicité des motifs d’expulsions. Dans leur correspondance, les dirigeants soviétiques rappellent les activités antisoviétiques de la guerre civile et des années d’entre-deux-guerres. Les décrets du Soviet suprême mettent quant à eux l’accent sur la collaboration massive des peuples (à l’exception des Turcs-Meskhètes dont la particularité repose sur leurs liens avec la Turquie), avec quelques nuances selon les régions. Les chefs d’accusation les plus souvent mentionnés sont la trahison, la lutte antisoviétique, l’absence de coopération avec les forces de sécurité, la dissimulation d’« agents de l’ennemi », la création de « bandes germano-fascistes » après la libération. Ils sont appliqués aux Karatchaïs et aux Balkars76. Les Kalmouks se voient en outre condamnés pour avoir donné aux Allemands le bétail des kolkhozes77. L’absence d’occupation de la république des Tchétchènes et des Ingouches par les Allemands rend l’accusation de trahison plus problématique. Les charges officielles incluent alors le « sabotage sur les arrières de l’Armée rouge » et l’« engagement universel dans les activités terroristes dirigées directement contre les Soviets et l’Armée rouge » : les « Frères caucasiens » sont particulièrement montrés du doigt78. Quant aux Tatars, ils cumulent les accusations de trahison, de désertion et de participation aux unités de volontaires79. Dans tous les cas, ces décrets ne laissent aucune couche de la population innocente et insiste non seulement sur la collaboration de masse, mais aussi sur la collaboration des peuples dans leur ensemble.
34Les opérations débutent par l’arrivée massive des troupes du NKVD quelques semaines avant les déportations afin de finaliser les plans et de se familiariser avec le terrain80. Les effectifs mobilisés en temps de guerre sont énormes : 53 000 hommes pour la déportation des Karatchaïs, 32 000 pour les Tatars, plus de 100 000 pour les Tchétchènes et les Ingouches81. Le NKVD ne doit en aucun cas révéler la véritable raison de sa présence. D’après les témoignages d’anciens déportés karatchaïs, les hommes du NKVD arrivés en septembre 1943 s’efforcent d’entretenir de bonnes relations avec la population, de lutter contre les rumeurs de déportation et de diffuser des ordres trompeurs. Un autre exilé évoque « comment les soldats du NKVD avaient même aidé à la récolte de pommes de terre ». Fin octobre, les Karatchaïs reçoivent l’ordre, qu’ils suivent malgré son absurdité, de mener tout le bétail dans les bourgs pour une comptabilisation générale. Le 2 novembre, les villages sont assiégés par le NKVD et les Karatchaïs découvrent la raison de la présence militaire82. Même les officiels nationaux ne sont prévenus qu’au dernier moment. Face à l’arrivée des troupes, certains s’inquiètent et émettent des soupçons quant aux justifications officielles de leur présence. Zuber Kumehov, secrétaire du Parti de Kabardino-Balkarie, est informé de l’intention de Beria de bannir les Balkars le 2 mars 1944, trois jours avant la publication du décret par le Comité d’État à la Défense. Un secrétaire tatar, Mustafa Selimov, auquel on a fait croire que la concentration des troupes du NKVD avait pour tâche le « nettoyage » des prostituées de Simféropol, n’est prévenu qu’à la dernière minute et immédiatement désarmé, de peur de sa réaction83.
35Les expulsions se déroulent sur un temps très court et sont quasiment concomitantes. Elles se succèdent en quelques semaines, se chevauchant presque. Ainsi, en novembre 1943, Vassili Černyšov, lors d’une réunion avec les chefs des départements du NKVD dans les districts des régions d’exil des Kalmouks, évoque le déplacement prochain d’un demi-million de Vainakhs, auquel est donné le nom de Čečevica (Lentille). De même, la déportation des Balkars est prévue en pleine Čečevica et précède de quelques jours les premiers plans d’exil des Tatars. Dans ces déportations en84 chaîne, le personnel mobilisé est souvent le même, qui acquiert progressivement un véritable savoir-faire pour les regroupements de la population et les arrestations de masse. Les Kalmouks sont ainsi déportés par le 3e régiment motorisé du NKVD responsable de l’expulsion des Karatchaïs.85 Après la grande opération tchétchène, la déportation des Balkars, bien moins nombreux, semble n’être qu’une simple formalité, à tel point que ce plan de déportation de 37 000 personnes est rempli dès le 9 mars 1944, pulvérisant les délais prévus. Cette routinisation se ressent particulièrement dans la déportation des Tatars de Crimée. La description de l’opération par les responsables du NKVD dans le district de Sudak revient sur son bon déroulement :
« Le régiment, ayant une grande expérience depuis la conduite des opérations dans les localités de montagne dans le Caucase et la déportation des Kalmouks, a utilisé et adapté cette expérience dans la conduite de l’opération en Crimée – ce qui a permis une excellente exécution des tâches confiées. »
36Le rapport loue l’organisation, la discipline et l’efficacité des troupes dans la réalisation des opérations de déportation qui se sont déroulées sans complication majeure86. Les hommes impliqués dans les opérations, fonctionnaires du NKVD et soldats de l’Armée rouge, confèrent aux déportations un aspect militaire. Ils réinterprètent également une expérience de violence de guerre qui se manifeste dans les atrocités et les exactions commises durant les arrestations.
37La grande proximité des méthodes de déportation a été mise en évidence par plusieurs auteurs, qui soulignent également la similarité dans leur déroulement87. Dès l’expulsion des Karatchaïs, après lecture du décret les bannissant du territoire, les contingents se voient attribuer une heure pour préparer leurs bagages et rassembler 100 kg d’affaires, avant d’être placés dans des convois partant vers la gare de chemin de fer où les attendent plusieurs dizaines de wagons. Sur 70 000 déportés karatchaïs, 50 % sont des enfants de moins de 16 ans, seuls 15 % sont des hommes, les adultes se trouvant alors au front88. Le déroulement des opérations est marqué par une extrême brutalité dans tous les territoires : les hôpitaux sont vidés sans ménagement, les enfants et les vieillards pressés de suivre le rythme. Mais la plus grande violence se manifeste sans conteste envers les Tchétchènes et les Ingouches. Le terrain montagneux, le mauvais état des routes et la saison hivernale freinent la marche de l’expulsion, bloquant les camions et leur chargement. Entamée le 23 février, l’expulsion est achevée pour l’essentiel le 1er mars, en raison de l’inaccessibilité de certains districts. Les délais extrêmement courts initialement prévus et l’ordre oral de Beria de liquider les « intransportables » entraînent des exécutions dans les villages reculés. L’épisode le plus tragique est le massacre des habitants du village de Hajbah, bloqué par les neiges, dans le district de Galančož : plusieurs centaines de personnes (entre 200 et 700) sont enfermées dans une étable et brûlées vives ; des hommes du NKVD positionnés autour du bâtiment fusillent ceux qui tentent de s’en échapper89. Des scènes de brutalité, pillages, exécutions arbitraires, déjà vues lors des déportations massives précédentes, se répètent en Crimée. Selon les données officielles qui varient d’un document à l’autre, entre 225 009 et 228 392 « éléments antisoviétiques » ont été déportés de Crimée. Ces derniers chiffres englobent toutes les minorités expulsées de la péninsule : outre les Tatars de Crimée, qui représentent entre 180 014 et 191 044 déportés, 15 040 Grecs, 12 422 Bulgares, 9 621 Arméniens, 1 119 Allemands et « des personnes de citoyenneté étrangère » subissent un sort similaire90.
38Après les grandes opérations menées dans les républiques ou régions autonomes, les services du NKVD s’emploient à déplacer les représentants des peuples se trouvant hors des limites de ces territoires. Après les 90 000 Kalmouks exilés de Kalmoukie, les Kalmouks des régions de Rostov et Stalingrad sont déportés en mars 1944, quelques semaines après l’achèvement de l’opération « Ulus ». Les représentants du NKVD arguent des manifestations répétées de banditisme parmi les familles isolées et des soldats démobilisés de ces régions pour justifier l’expulsion de 3 714 personnes. La démobilisation et la déportation de 4 015 soldats kalmouks interviennent peu après91. De même, les quelques centaines de soldats tatars mobilisés après la libération de Crimée sont démobilisées pendant l’opération d’expulsion et déportés. Les fuyards sont minutieusement traqués : la police rattrape 38 fugitifs kalmouks à la fin de l’année 1943, recensés kolkhozes par kolkhozes92. Une fois de plus, ce sont les Tchétchènes ayant échappé aux arrestations qui sont le plus activement recherchés. Durant l’opération, 2 016 arrestations et 20 072 armes saisies avaient laissé présager une résistance à l’expulsion93. Quelques centaines de Tchétchènes sont activement recherchés pendant plusieurs mois.
39Les musulmans de Meskhétie sont les derniers à subir la déportation de masse durant la Grande Guerre patriotique. Un arrêté du 21 juillet 1944 ordonne la déportation de 86 000 Turcs-Meskhètes et autres musulmans vers l’Asie centrale (Kurdes, Tsiganes, Tarakamas et Karakalpaks). Environ 100 000 d’entre eux sont déplacés des montagnes géorgiennes vers l’Asie centrale en novembre 1944. Pour les Meskhètes, que l’armée allemande n’a jamais approchés, Beria mobilise des arguments différents : émigration massive, contrebande, renseignements, espionnage et formation de bandes en raison de leurs liens de parenté avec des citoyens turcs94. Cette nouvelle occurrence de la politique de nettoyage frontalier entraîne la déportation préventive d’un groupe a priori condamné comme nid d’espions.
40Les expulsions de 1943-1944 prennent place dans le contexte de la guerre qui offre aux dirigeants soviétiques des preuves supplémentaires de l’attitude antisoviétique des « peuples punis ». L’accusation politique de « traîtrise de masse » vient confirmer la défiance du pouvoir envers l’intégralité de ces peuples, défiance qui trouve ses racines dès les premières années du régime. Les expulsions, préparées et achevées dans un temps extrêmement court, ne mettent pas fin au processus de mise au ban des peuples. Elles accompagnent la disparition des républiques et régions autonomes, rayées de la carte de l’URSS : leurs territoires sont renommés ou partagés entre les régions environnantes. Les traces des cultures et traditions des peuples – littérature, habitat – sont détruites, comme l’illustre le changement de nom des localités, véritable « répression toponymique »95. Des mesures symboliques poussent jusqu’aux moindres détails cette politique de bannissement : par exemple, les timbres postes de la série « ethnographique » de 1933 consacrée aux Tatars de Crimée ou aux Tchétchènes sont retirés de la collection et des catalogues96. La faute collective pesant sur les « peuples punis » est confirmée dans un décret de 1948 stipulant que les déplacés conservent leur statut infamant « à perpétuité97 ».



Notes de bas de page
1 Nekrich A., The Punished Peoples. The Deportation and Fate of Soviet Minorities at the End of the Second World War, New York, Norton, 1978 ; Naimark N. M., Fires of Hatred. Ethnic Cleansing in Twentieth-Century Europe, Harvard, Harvard University Press, 2001 ; Werth N., « Les Déportations de “populations suspectes” dans les espaces russes et soviétiques (1914-fin des années 1940) : violences de guerre, ingénieurie sociale, excision ethno-historique », Werth N., La Terreur et le désarroi. Staline et son système, Paris, Perrin, 2007, p. 255.
2 Bugaj N. F., L. Beriâ – I. Stalinu : « Soglasno Vašemu ukazaniû... », Moscou, AIRO-XX, 1995 ; Werth N., op. cit.
3 Martin T., « Origins of Soviet Ethnic Cleansing », The Journal of Modern History, vol. 70, no 4, 1998, p. 813-861.
4 Polian P., Against Their Will. The History and Geography of Forced Migrations in the USSR, Budapest, CEU PRESS, 2004, p. 93 ; Naimark N. M., op. cit., p. 88.
5 Gelb M., « An Early Soviet Ethnic Deportation : The Far-Eastern Koreans », Russian Review, vol. 54, no 3, 1995, p. 389-412.
6 Burds J., « The Soviet War against “Fifth Columnists” : the Case of Chechnya, 1942-1944 », Journal of Contemporary History, vol. 42, no 2, 2007, p. 273 ; Bugaj N. F., L. Beriâ – I. Stalinu, op. cit., p. 8-26.
7 Werth N., op. cit., p. 254-255.
8 Caratini R., Dictionnaire des nationalités et des minorités de l’ex-URSS, Paris, Larousse, coll. « Histoire », 1992, p. 98, 107 ; Comins-Richmond W., « The Deportation of the Karachays », Journal of Genocide Research, no 4 (3), 2002, p. 431.
9 Marie J.-J., Les Peuples déportés d’Union Soviétique, Bruxelles, Complexe, coll. « Questions au XXe siècle », 1995, p. 86.
10 Caratini R., op. cit., p. 90-93.
11 Naimark N. M., op. cit., p. 92 ; Statiev A., « The Nature of the Anti-Soviet Armed Resistance, 1942-1944. The North Caucasus, the Kalmik Autonomous Republic, and Crimea », Kritika, vol. 6, no 2, 2005, p. 284.
12 Laškov A. Û., « “Za terekov dlâ banditov zemli net”. 1925 g. Special’naâ operaciâ vojsk Krasnoj Armii i OGPU po likvidacii bandformirovanii na Severnom Kavkaze », Voenno-istoričeskij žurnal, no 7, 2001, p. 7-14 ; Eliseeva N. E., « Čečnâ : vooružennaja bor’ba v 20-30 gody », Voennyjistoričeskij arhiv no 2, 1997, p. 118-175 ; « Čečnâ : vooružennaja bor’ba v 20-30 gody », Voennyjistoričeskij arhiv no 8, 2000, p. 99– 121.
13 Statiev A., op. cit., p. 287.
14 Naimark N. M., op. cit., p. 93.
15 Alexopoulos G., « Stalin and the Politics of Kinship : Practices of Collective Punishment, 1920s-1940s », Comparative Studies in Society and History, vol. 50, no 1, 2008, p. 111-112.
16 Burds J., op. cit., p. 283.
17 Statiev A., op. cit., p. 299.
18 Williams B. G., The Crimean Tatars. The Diaspora Experience and the Forging of a Nation, Leiden, Boston, Cologne, Brill, 2001, p. 355-360 ; Vâtkin A. R., « Nemeckaâ okkupaciâ i krymskie Tatary v 1941-1944 gg. », Vostok, no 4, 2005, p. 38.
19 Tournon S., « Les Turcs Meskhètes : des oubliés de l’histoire », Cahiers d’Études sur la Méditerranée Orientale et le Monde Turco-Iranien, no 37, 2004, p. 68.
20 Bugaj N. F., Deportaciâ narodov Kryma, op. cit., 2002, p. 54.
21 Comins-Richmond W., op. cit., p. 438 ; Borlakova Z. M., « Deportaciâ i repatriaciâ karačaevskogo naroda v 1943-1959 godah », Otečestvennaâ Istoriâ, 2005, no 1, p. 141 ; Semin Û. N. et Starkov O. Û., « Kavkaz 1942-1943: geroizm i predatel’stvo », Voenno-istoričeskij žurnal, no 8, 1991, p. 40.
22 Dobâzko S. I. et Kirsanov N.A., « Velikaâ otečestvennaâ vojna 1941-1945 gg. : Nacional’nye i dobrovol’českie formirovaniâ po raznye storony fronta », Otečestvennaâ istoriâ 6, novembre 2001, p. 60-75.
23 Statiev A., op. cit., p. 300-301.
24 Burds J., op. cit., p. 292 ; Bezugol’nyj A. Û., « Gorcev v armiû ne prizyvat’i nikuda ne otpravlât’... mobilizacionnye meropriâtiâ i nacional’naâ politika na Severnom Kavkaze v period Velikoj Otečestvennoj vojny », Vestnik Evrazii, no 3, 2003, p. 137.
25 Krin’ko E. F., « Kollaboracionizm v SSSR v gody Velikoj Otečestvennoj voiny i ego izučenie v rossijskoj istoriografii », Voprosy istorii, no 11, 2004, p. 153-164.
26 Dallin A., La Russie sous la botte nazie, Paris, Fayard, 1970, p. 199 ; Vâtkin A. R., « Nemeckaâ okkupaciâ i krymskie Tatary v 1941-1944 gg. », Vostok, no 4, 2005, p. 42.
27 Burds J., op. cit., p. 284-288 ; Stepašin S. V. (red.), Organy gosudarstvennoj bezopasnosti SSSR v Velikoj Otečestvennoj vojne, Moscou, Kniga i bizness, 1993-2003, t. 1, p. 374-377 ; Dallin A., op. cit., p. 187.
28 Stepašin S. V. (red.), op. cit., t. 1, p. 270-278 ; Červonnaâ S., « Tatarskij Krym v plameni vtoroj mirovoj vojny », As-Alan, no 3, 2000, p. 265.
29 Dallin A., op. cit., p. 94-96 ; Burds J., op. cit., p. 278-279.
30 Červonnaâ S., op. cit., p. 265 ; Čuev S., « Severnyj Kavkaz 1941-1945. Vojna v tylu (bor’ba s bandformirovaniâmi) », Obozrevatel’-Observer, 2, 2002, p. 109.
31 Vâtkin A. R., op. cit.
32 Bekirova G., Krym i krymskie tatary v xix-xx vekah. Sbornik statej, Moscou, RAN, 2005 ; Dallin A., op. cit., p. 177-193.
33 Dallin A., op. cit., p. 188, 201 ; Malyševa E. M., op. cit., p. 142.
34 Vâtkin A. R., op. cit., p. 41.
35 Dallin A., op. cit., p. 191.
36 Statiev A., op. cit., p. 300.
37 Červonnaâ S., op. cit., p. 262 ; Vâtkin A. R., op. cit., p. 40.
38 Bekirova G., op. cit., p. 52 ; Dallin A., op. cit., p. 192.
39 Marie J.-J., op. cit., p. 86.
40 Statiev A., op. cit., p. 300.
41 Čuev S., op. cit., p. 108 ; Červonnaâ S., op. cit., p. 265-266, 272-273.
42 Dallin A., op. cit., p. 192.
43 Červonnaâ S., op. cit., p. 273 ; Dallin A., op. cit., p. 203.
44 Vâtkin A. R., op. cit., p. 43.
45 Statiev A., op. cit., p. 301 ; Vâtkin A. R., op. cit., p. 43 ; Čuev S., op. cit., p. 107.
46 Bekirova G., op. cit., p. 64 ; Vâtkin A. R., op. cit., p. 43-44.
47 Statiev A., op. cit., p. 307 ; Bugaj N. F., Deportaciâ narodov Kryma, op. cit., p. 57.
48 Stepašin S. V. (red.), op. cit., t. 6, p. 19-22.
49 Vâtkin A. R., op. cit., p. 49.
50 Roman’ko O. V., Musul’manskie legiony tret’ego Reiha : Musul’manskie dobrovol’českie formirovaniâ v germanskih vooružennyh silah (1939-1945), Simféropol, Tavriâ-plûs, 2000, p. 89.
51 Malyševa E. M., « Sovetskie kollaboracionisty v gody velikoj otečestvennoj vojny », Kropačev S. A. (red.), Problemy istorii massovyh političeskih repressij v SSSR. Rol’SSSR vo vtoroj mirovoj vojne – neizvestnye i maloizučennye stranicy : materialy IV vserossijskoj naučnoj konferencii, Krasnodar, Ekoinvest, 2006, p. 147-148.
52 Čuev S., op. cit., p. 106-107.
53 Polian P., op. cit., p. 144.
54 Bugaj N. F., L. Beriâ – I. Stalinu, op. cit., p. 90.
55 Burds J., op. cit., p. 290.
56 Patiev Â., Inguši : deportaciâ, vozvrašenie, reabilitaciâ, 1994-2004, Dokumenty, Materialy, Kommentarii, Magas, Serdalo, 2004, p. 19 ; Burds J., op. cit., p. 292.
57 Statiev A., op. cit., p. 297 ; Burds J., op. cit., p. 292-293.
58 Burds J., op. cit., p. 298.
59 Bugaj N. F., L. Beriâ – I. Stalinu, op. cit., p. 93 ; Patiev Â., op. cit., p. 42-46, 54-55.
60 Stepašin S. V. (red.), op. cit., t. 5, p. 281-283, 463-465.
61 Semin Û. N. et Starkov O. Û., op. cit., 1991, p. 42.
62 Burds J., op. cit., p. 292-296.
63 Patiev Â., op. cit., p. 32-34.
64 Galitskij V. P., « Velikaâ otečestvennaâ vojna 1941-1945 : “dlâ aktivnoj podryvnoj diversionnoj deâtel’nosti v tylu K-A” », Voenno-istoričeskij žurnal, no 1, 2001, p. 19 ; Statiev A., op. cit., p. 297.
65 Burds J., op. cit., p. 300.
66 Semin Û. N. et Starkov O. Û., op. cit., p. 43.
67 Statiev A., op. cit., p. 292.
68 Ibid., p. 296.
69 Polian P., op. cit., p. 141.
70 Marie J.-J., op. cit., p. 87.
71 Patiev Â., op. cit., p. 53 ; Statiev A., op. cit., p. 295.
72 Patiev Â., op. cit., p. 9-16 ; Kudryashov S., Voisin V., « The Early Stages of “Legal Purges” in Soviet Russia, (1941-1945) », Cahiers du Monde russe, vol. 49, no 2-3, 2008, p. 263-295.
73 Bekirova G., op. cit., p. 88-89.
74 Pobol’ N. L. et Polân P. M. (red.), Stalinskie deportacii 1928-1953. Dokumenty, Moscou, Materik Fond Demokratiâ, 2005, p. 390-394.
75 Bakaev P. D. et alii (red.), Ssylka kalmykov : kak èto bylo, Elista, Kalm. Kn. Izd-vo, 1993, p. 7, 25, 35 ; Bugaj N. F., L. Beriâ – I. Stalinu, op. cit., p. 90-141.
76 Pobol’ N.L. et Polân P.M. (red.), op. cit., p. 393-394, 489.
77 Ibid., p. 412.
78 Ibid., p. 458-460 ; Polian P., op. cit., p. 145.
79 Bugaj N. F., Deportaciâ narodov Kryma, op. cit., p. 70.
80 Conquest R., The Soviet Deportation of Nationalities, Londres, Macmillan, 1960, p. 109.
81 Polian P., op. cit., p. 146.
82 Comins-Richmond W., op. cit., p. 432 ; Grannes A., « The Soviet Deportation in 1943 of the Karachays : A Turkic Muslim People of North Caucasus », Journal of Muslim Minority Affairs, vol. 12, no 1, 1991, p. 59.
83 Červonnaâ S., op. cit., 276.
84 Polian P., op. cit., p. 146, 151.
85 Ibid., p. 145.
86 Pobol’N. L. et Polân P. M. (red.), op. cit., p. 487-489, 503-505.
87 Polian P., op. cit. ; Werth N., op. cit.
88 Comins-Richmond W., op. cit., p. 433.
89 Pobol’ N. L. et Polân P. M. (red.), op. cit., p. 438 ; Naimark N. M., op. cit., p. 97.
90 Bugaj N. F., Deportaciâ narodov Kryma, op. cit., p. 89, 93.
91 Bakaev P. D. et alii (red.), op. cit., p. 84-85 ; Polian P., op. cit., p. 145.
92 Bakaev P. D. et alii (red.), op. cit., p. 109.
93 Pobol’N. L. et Polân P. M. (red.), op. cit., p. 438.
94 Ibid., p. 534 ; Tournon S., op. cit., p. 69.
95 Polian P., op. cit., p. 152.
96 Vâtkin A. R., op. cit., p. 36.
97 Werth N., op. cit., p. 258.
Auteur
juliette.denis@gmail.com
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