Chapitre V. Du militant au lecteur ? Diffusion et lecture pendant le Front populaire
p. 117-143
Texte intégral
1La nouvelle politique de diffusion du PCF vise deux publics – les milieux populaires et les classes moyennes. La tâche est d’autant plus difficile qu’elle doit être accomplie dans un contexte de crise économique et que le PCF doit toujours se prémunir contre toutes les déviations politiques, inspirées par de « mauvaises » lectures.
Une diffusion tous azimuts
2Le 6 juillet 1936, le CDLP écrit à Pierre Besset, membre de la CGTU et responsable d’une librairie syndicale à Clermont-Ferrand : « Nous sommes ici en ce moment débordés par un afflux, jusqu’ici inconnu de commandes de livres et autres articles1. » En terme d’exemplaires diffusés, il est certain que le Parti communiste a connu là son heure de gloire. En terme financier, le bilan est plus mitigé.
3La création du Centre de Diffusion du Livre et de la Presse en 1932 partait du postulat suivant : les orientations politiques des éditions sont exactes, puisque les « plans d’éditions » sont définis par des instances politiques infaillibles ; si la diffusion est insuffisante, cela est dû à sa mauvaise organisation. Avec le Front populaire, cette logique est poussée à l’extrême : lorsqu’un parti politique compte 300 000 adhérents, n’est-il pas naturel d’atteindre des chiffres de diffusion du même ordre ?
4Comme les maisons d’édition et leur programme éditorial, la diffusion est également abordée dans les projets et directives élaborés à Moscou et Paris. En novembre 1935, il est demandé de s’inspirer d’autres « expériences déjà faites et réussies, et les entreprises existantes qui seront de plus en plus spécialisées selon les couches et catégories de lecteurs qu’elles sont plus ou moins aptes à atteindre » : « Le CDLP ne devra pas être seulement une organisation commerciale solide et prospère, mais aussi une arme véritable de la propagande du parti2. » Les relations entre éditeurs et diffuseur – à partir de décembre 1934, le CDLP est dirigé par Lucien Vannier, secondé par Marceau3 – sont conflictuelles. Les divergences concernent surtout les remises pratiquées4. Le 31 janvier 1938, Pierre Villon est nommé comme directeur commun, sans doute pour limiter aussi les conflits entre les deux entreprises et afin de réorganiser les « services du CDLP5 ». En novembre 1938, Lucien Vannier est remplacé par Georges Cabannes6. En juin 1939 il est question de « fusionner au fond les 2 maisons d’édition et unir le CDLP7 ». La société change de siège social, quittant le 132, rue du Faubourg Saint-Denis pour le 25, rue d’Alsace, dans le Xe arrondissement8.
5D’après un accord datant de l’automne 1934, le CDLP doit recevoir des éditions du PCF systématiquement 1 000 exemplaires de chaque nouvelle parution, et donc en assurer la diffusion systématique dans le Parti et ses organisations9. Ceci signifie donc que le CDLP se charge de diffuser au minimum un tiers de la production. Il propose toujours l’Office militant et l’Office mensuel10. L’offre du CDLP s’adresse uniquement aux membres du PCF et à ses organisations, laissant au BE et aux ESI la vente auprès des particuliers et des libraires.
6À l’occasion du VIIIe congrès du PCF à Villeurbanne, en janvier 1936, le CDLP édite à 15 000 exemplaires une brochure intitulée Vers une organisation méthodique et systématique de la diffusion11, qui présente l’organisation sous son meilleur jour. Il vilipende néanmoins « les deux mille et quelques cellules (sur les 4 200 existantes) qui n’ont rien ou peu fait » et qui doivent se mettre « hardiment à la tâche politique importante qu’est la diffusion12 ». Le CDLP dépend toujours du correspondant local, dans la région, le rayon et la cellule, où une « commission de littérature » qui donne les directives et en contrôle l’exécution. Autre relais possible et nouveau pour le CDLP : les « organisations de masse sympathisantes au front populaire ». Le CDLP possède 952 comptes clients pour de telles organisations13. En avril 1936, un « bilan de trois mois » est présenté, sous la forme d’un rapport stakhanoviste, où on lit que les comptes « cellules » sont passés de 2 080 en décembre 1935 à 3 450 quatre mois plus tard14. Ce bilan positif se confirme les mois suivants.
7L’essor de la propagande communiste pendant le Front populaire a des conséquences importantes sur le personnel. En 1933, le CDLP emploie 25 personnes15. En août 1937, le CDLP déclare en employer 3616. À la veille de la guerre, il semble que 55 y travaillent. Pierre Saint-Dizier reste le seul correspondant permanent salarié, l’« instructeur central » du Centre, jusqu’au 30 septembre 193717. Les instructeurs régionaux sont toujours Bensimon à Marseille, Haillaincourt à Lyon et Gaston Coquel à Lille. Pendant le Front populaire, le Centre salarie ses « inspecteurs diffuseurs », rétribués par revenu fixe de 750 francs et un pourcentage (5 %) sur les ventes. Mais la politique prime : les candidatures doivent être examinées par la Commission des cadres du Parti18.
8Les librairies ont un rôle toujours marginal dans cette organisation. Le CDLP gère deux librairies à Paris, l’une au 120, rue Lafayette, dirigée par Josse, au siège du Parti, l’autre au 138, rue Montmartre, dirigée par Hélène Tesson, appelées toutes les deux librairies de l’Humanité19. Une pression s’exerce à l’époque du Front populaire pour que le CDLP aide, soutienne ou crée des dépôts en librairie. Le Centre s’y refuse catégoriquement, en raison des risques financiers et politiques20. D’après les commandes passées entre janvier 1935 et octobre 1937, les librairies représentent une infime minorité de la clientèle du CDLP (moins de 2 %). Il s’agit de librairies proches des coopératives et syndicats21. En revanche, le CDLP voit d’un œil favorable la diffusion via les épiceries et les cafés, ce qui permet, déclare le CDLP, de contourner la censure de Hachette22. Confirmant sa préférence pour la diffusion populaire, le CDLP acquiert en 1937 un bibliobus, librairie ambulante avec 5 000 volumes et équipée pour les projections cinématographiques23. Le Centre épluche également la presse pour connaître la tenue de meetings sur tout le territoire24, afin d’organiser des « tables de littérature » ou demander aux organisateurs de diffuser certaines brochures25. Cela va des simples fêtes locales26 à l’Exposition internationale des arts et techniques en 1937 à Paris27. Cette activité se double de la volonté d’apparaître comme « le centre de diffusion de toutes les publications pour toutes les organisations se réclamant de la lutte des classes28 ».
9Même si son activité devient plus intense, le principe d’une diffusion militante reposant sur la responsabilité du responsable local à la diffusion demeure la base du système. En 1936, le CDLP déclare avoir 4 000 correspondants locaux29, 6 000 en 193730. Chaque cellule se doit d’avoir un compte au CDLP, ce qui permet au CDLP de gérer son fichier de clients comme un outil de police, traquant les cellules qui n’auraient pas sacrifié à leur devoir ou de manière insuffisante31. Mais la croissance spectaculaire de la production comme de la diffusion et la volonté du Parti communiste de conserver ses acquis électoraux poussent le CDLP à adopter une « politique » commerciale. Ainsi le CDLP explique à ses correspondants comment diffuser les livres et brochures, comment devenir des « stakhanovistes de la diffusion » [sic]32. Lors des élections municipales de mai 1935 : il faut faire « un court appel de la tribune avant l’ouverture de la réunion pour “présenter” la brochure qui va être vendue dans les rangs33 ». En mars 1936, le Parti conseille vivement aux militants de présenter une « table de littérature » à « une réunion, un meeting, une conférence, un compte rendu de mandat ou de congrès ». Lorsque débute la réunion, le responsable local de la diffusion présente les brochures « dont l’importance est considérable » en lisant la table des matières34 : « Un vendeur qui a lu la brochure qu’il doit vendre aura plus de succès qu’un autre qui n’en connaît pas le contenu35. » En 1938, le PCF conseille aussi de s’adapter au public : il y a des brochures qui touchent « tout le monde » et d’autres pas36. Il doit se montrer bon commerçant : « Le secret d’une bonne diffusion repose sur la présentation de la littérature. Une table de littérature arrangée avec goût attire l’acheteur. Un vendeur aimable vend toujours plus qu’un grincheux. » L’importance accordée à la manière dont les militants diffusent cette littérature est liée au fait que le PCF a des ambitions autres que la seule formation politique des militants : « Il ne s’agit pas seulement de se vendre des brochures entre soi, écrit L. Vannier, il faut vendre surtout aux milliers de personnes qui ne demandent qu’à connaître la politique de notre Parti. […] Car c’est peut-être cette brochure qui apportera un jour un adhérent de plus au Parti37. » On encourage également la vente à domicile et l’action individuelle, qui existent déjà de façon spontanée : le militant doit vendre de préférence dans son milieu professionnel, social, géographique : « Et l’on peut ainsi gagner à nos conceptions de nombreux travailleurs38. »
10Mais la rationalisation gestionnaire du CDLP, doublée d’une censure politique, rend l’entreprise impopulaire. L’envoi systématique de livres et revues sans concertation, facturés et sans reprise des invendus, heurte des militants39. Pour obtenir le paiement des factures, le CDLP passe parfois par la hiérarchie, en avançant toujours la même argumentation politi-comorale : « Nous sommes persuadés que l’importance de cette question ne t’échappera pas, car tu sais que la gêne financière du CDLP se reporte automatiquement sur notre Parti et cela, tout comme toi, nous ne le voulons pas40. » Cette politique provoque des réactions parfois violentes, comme le sous-entend cette réponse du CDLP à un militant de l’Allier : « Nous ne comprenons pas qu’un membre responsable du parti, injurie d’autres responsables qui font l’impossible pour donner rapidement satisfaction aux commandes des camarades. […] ici, au CDLP il n’y a pas de bureaucrates, il y a des membres du parti qui accomplissent avec intelligence et dévouement, la tâche qui leur a été confiée41. » Idem avec ce militant de Constantine, qui les appelle « mercantis42 ».
11Les réactions parfois hostiles des militants s’expliquent aussi par le travail de censure du CDLP. Le Centre oriente la diffusion au profit de tel ou tel titre, selon les directives de la direction du Parti43. De même, le CDLP, grâce à ses fichiers, analyse la pertinence politique de certaines commandes44. L’orientation est même morale, comme le montre cette missive envoyée aux deux librairies du Parti à Paris : « Venant de recevoir de sérieuses critiques concernant la vente dans nos librairies du livre de Marchal et O. de Méro : La Liberté de la conception45, nous vous prions de retirer ces livres de la vente et d’en prévoir le retour46. » Ce qui inquiète le plus le CDLP, c’est le stockage d’ouvrages politiquement périmés47. Les exclusions et les procès entraînent une gestion pointilleuse des stocks. Le CDLP demande aux militants de s’en débarrasser en les lui retournant48. En août 1937, il est demandé « d’arrêter la vente et de nous retourner les brochures Conférences sur le Capital de J. Baby. La raison que tu nous demandes, est que nous n’avons plus confiance en cet auteur49 ». Le mois suivant, le CDLP écrit de « bien vouloir retirer de la circulation et nous retourner au plus tôt tous les ouvrages qui te restent des auteurs suivants : Piatnitski ; Knorine ; Bela-Kun [sic]50 ».
12Après les élections municipales de 1935 et législatives de 1936, les bibliothèques syndicales, populaires, municipales et scolaires deviennent un « créneau » à la fois politique et commercial. Le CDLP se présente comme ayant « entrepris […] un travail de création de bibliothèques dans de nombreuses municipalités, avec lesquelles nous sommes en rapports amicaux51 ». Le CDLP édite en 1936 un Guide pour bibliothèques, fort de 2 000 titres, envoyé « à plus de 600 municipalités52 », et en 1937 il déclare avoir 200 bibliothèques pour clients53. Sur ce terrain, le CDLP sait qu’il ne peut pas concurrencer les grandes entreprises comme « Hachette et autres », « subissant les lois économiques du régime54 ». Peu concurrentiel, le Centre peut uniquement insister sur « le côté politique intéressant du travail que voulait entreprendre le CDLP avec les municipalités55 ». Même rhétorique auprès des élus socialistes, le CDLP se présentant comme « le seul organisme de diffusion lié étroitement au front populaire et consacrant toute son activité et ses bénéfices à l’élargissement et au renforcement de celui-ci56 ». Il m’est impossible de dire si les municipalités communistes sont encouragées par la direction du Parti à passer par le CDLP. Mais le CDLP, de son côté, les sollicite57. Et le démarchage ne s’arrête pas aux bons de commande. Les villes ont droit, comme les individus, à un traitement par fiches, où le CDLP indique notamment la « nuance politique » de la municipalité : « Ces renseignements nous permettront de vous adresser régulièrement la liste des ouvrages nouveaux pouvant intéresser votre bibliothèque, et de vous faire, ultérieurement, nos offres pour les fournitures de livres scolaires58. » Le CDLP aurait pour « marché » traditionnel les municipalités de la région parisienne59. En 1935, figurent dans sa clientèle « les municipalités de Villejuif60, Ivry, Vitry, Gentilly, Bondy, Bobigny etc.61 ». On trouve aussi des commandes ou des marchés avec Stains, Saint-Denis (jusqu’en 1935 !), Argenteuil, Guérigny, l’Hay-les-Roses. Ceci s’explique à la fois par l’enracinement des élus du mouvement ouvrier et par la proximité géographique du CDLP qui facilite les livraisons. Le CDLP a-t-il réussi à trouver une clientèle parmi les municipalités communistes en province ? D’après les archives disponibles, les cas sont rares.
13Les gains politiques et commerciaux du CDLP sont finalement médiocres. Les commandes concernent tout aussi bien les livres que la papeterie ou le matériel scolaire, comme les cartes murales62. Le CDLP fournit des livres édités par des établissements classiques (Hachette, Vuibert, Doin, Hatier…) et bien souvent marqués par l’Église catholique. Le Centre se lance même dans la fourniture de livres de prix63. Certes, il tente de mettre en avant la production éditoriale du PCF, en particulier dans le domaine de la littérature et presse pour enfants64. Même la documentation commandée et destinée aux adultes n’est pas forcément systématiquement teintée de politique. Le maire de Gentilly, Jean Fernand, commande uniquement des ouvrages édités par Dalloz, destinés probablement à l’aider dans la bonne gestion de la ville65. Quant au bilan financier, il est négatif : les municipalités communistes… règlent leur facture avec retard. À Villejuif, les impayés représentent en 1935 plus de 31 000 euros66.
14Le CDLP a certes vu son activité croître avec le Front populaire. Alors que la diffusion militante n’a pas rendu de bons résultats par le passé, celle pratiquée à la fin des années trente n’est pas mieux saisie par les adhérents, tant le travail demandé est de plus en plus vaste : du marché on passe au porte à porte, de la brochure politique au livre, de Lénine à Balzac… Le CDLP devient progressivement une entreprise militante et commerciale, au risque de ne plus être compris des militants.
Deux exemples de diffusion populaire
15Deux livres permettent d’analyser la stratégie du Parti communiste en matière de diffusion. Emblématiques dans l’histoire du PCF, ils présentent des traits spécifiques par leur mode de diffusion. La campagne de diffusion dure des mois, de septembre 1937 à avril 1938 pour Fils du peuple et de décembre 1938 à août 1939 pour l’Histoire du parti communiste (bolchevik) de l’URSS.
16En 1935 naît au sein de l’Internationale l’idée de publier des biographies de dirigeants communistes67. Depuis 1931, M. Thorez est devenu une figure nouvelle de dirigeant du Parti communiste. Est-ce l’expression d’un « culte de la personnalité » à la française, à la suite de ce qui se produit en URSS et au sein de l’Internationale avec Staline68 ? La biographie ou l’autobiographie n’a rien d’un genre original, y compris dans le cas d’individus encore en vie. Ce genre diffuse, comme les exempla médiévaux, des valeurs et des modes de comportement. La vérité importe peu. La biographie permet d’ancrer le lecteur dans une filiation historique, qui unit l’histoire des mouvements ouvriers français, russe et international. Il répond aussi aux attentes des milieux populaires. La biographie permet de s’ancrer dans le réel, le pratique, le concret69.
17Fils du peuple est composé de deux parties : une partie strictement autobiographique où M. Thorez se raconte, et une partie dans laquelle où, au travers de sa personne, il raconte l’histoire du Parti communiste français. Le style est simple, utilisant les ressorts du réalisme-socialiste70 ; l’objectif est éducatif et édifiant. Il permet de présenter le Parti communiste aux nouveaux adhérents sous une forme, un style et un genre accessibles et de créer une identification entre M. Thorez, dirigeant, le Parti communiste et les nouveaux militants. Si ce livre s’inscrit effectivement dans le phénomène du culte de la personnalité, il s’en échappe cependant en « déréalisant » M. Thorez, en faisant de lui un archétype du bon communiste, non pour le célébrer mais pour diffuser l’image du militant modèle71. Enfin, ce livre arrive à un moment singulier : d’une part le Parti communiste est installé dans la République, et ses dirigeants deviennent de facto membres des élites politiques ; d’autre part, le livre est publié quelques années après la mise en place dans la section française des « autobiographies d’institution », qui sont un outil d’information et de contrôle du monde partisan et pour lesquels Fils du peuple devient une référence72.
18D’après V. Fay, ce sont Jean Fréville, aidé d’André Vierzsboloviecz, ancien gérant de la Librairie de l’Humanité73, et lui-même qui ont écrit véritablement le livre74. V. Fay rapporte que M. Thorez racontait, J. Fréville prenait en note, et A. Vierzsboloviecz mettait en forme. P. Vaillant-Couturier a écrit une première version du plan du livret avec L. Moussinac a aussi relu le manuscrit et fait des propositions de corrections75. B. Pudal souligne que cette façon de procéder est proche de celle usée par M. Thorez pour ses discours76. On retrouve aussi là des méthodes de travail rencontrées à maintes occasions dans les archives : Fils du Peuple est une œuvre collective, tout comme son contenu est moins une autobiographie que l’histoire d’une organisation politique. En octobre 1937, Fils du peuple paraît aux ESI, imprimé initialement à 25 000 exemplaires, vendu 10 francs. Déjà ces éléments matériels font de ce livre un ouvrage à part : il est publié dans une maison d’édition qui s’adresse aux classes moyennes, ce que confirme le prix de vente, mais à un tirage supérieur à ce qui se pratique d’ordinaire. Livre destiné à la bourgeoisie ou aux masses ? Certes, la propagande du PCF s’adresse, nous l’avons vu, aussi à la classe moyenne, jusqu’en 1938. Mais la volonté de simplicité dans l’écriture montre aussi que le Parti communiste cherche à toucher les milieux populaires. Fils du peuple est une œuvre au statut ambigu.
19La campagne de diffusion est exceptionnelle par sa longueur : elle commence en octobre 1937 et se termine début avril 1938. La campagne de publicité n’est nullement improvisée. Le livre n’est pas encore composé que L. Moussinac l’organise déjà. On retrouve dans ses propositions l’intérêt qu’il porte en priorité au public « bourgeois ». Il considère en effet qu’il faut une « campagne préalable », de la publicité auprès des librairies et des vendeurs de journaux et dans la « presse bourgeoise » (« presque tous », note-t-il) : il faut « créer la curiosité, l’attente du public ». Un budget pour la publicité du livre est établi : il s’élève à 35 000 euros, ce qui représenterait probablement entre le tiers et la moitié des dépenses publicitaires des ESI. Il est prévu d’utiliser tous les médias : les tracts, la radio (Cité Paris, Radio Toulouse et Lille PTT), le film, mais surtout et essentiellement la presse (45 titres de périodiques). La publicité doit toucher un public large77, d’où l’achat de placards publicitaires dans la Bibliographie de la France, publication à destination des libraires. En octobre, on informe les libraires de la parution d’« un livre qui aura un grand retentissement », écrit par M. Thorez, « député de la Seine, secrétaire général du PCF », un homme politique important. Mais la diffusion auprès des libraires « traditionnels » semble avoir fait long feu : les ESI ont acheté seulement 4 placards et cessent toute publicité début décembre 1937. Le PCF réalise un film, Fils du peuple, de 4 minutes 3078, rythmée par la musique de Dimitri Chostakovitch, Au devant de la vie. Ce support publicitaire est assez rare dans le monde de l’édition79. Le seul élément original, par rapport aux autres supports, est la présentation de M. Thorez, époux et père de famille. Les quelques réactions retrouvées dans la presse non communiste montrent un intérêt timide pour l’événement. La politique de diffusion par les canaux traditionnels de la librairie n’a donc pas donné satisfaction. Le livre n’y a rencontré ni le succès ni la reconnaissance attendue. Fils du peuple, malgré son étiquette « ESI », demeure une simple brochure politique.
20Il en est tout autrement dans la sphère communiste. La diffusion militante est également organisée dès avant la parution du livre. L’argumentaire publicitaire est hésitant pendant les premières semaines. L’Humanité le présente comme « un témoignage passionnant de la vaste expérience et des robustes attaches populaires du jeune chef du parti communiste français80 ». Trois semaines plus tard, M. Cachin rectifie la présentation : certes il s’agit bien d’une « autobiographie », mais aussi d’un « récit simple et vivant » et surtout d’une « histoire du parti communiste de 18 années (de 1919 à 1937) », dont la lecture « doit être une école de plus haut intérêt81 ». L’équilibre est rétabli.
21Les archives des ESI montrent que pour les lecteurs, souvent des militants, l’histoire de l’individu n’a que peu d’importance par rapport à celle du Parti. Un militant écrit à l’éditeur : « Pour Fils du peuple je ferais de mon mieux afin de faire connaître la valeur du vrai chef du prolétariat et la justesse de la politique de notre Parti82. » Le caractère pratique du livre est une évidence pour cet homme qui écrit à M. Thorez : « Ton livre sera un précieux dictionnaire83. » En 1939, le livre est présenté comme le « livre de chevet de chaque communiste […] soucieux de s’éduquer et d’éduquer les membres de son parti84 ». C. Rappoport, qui sort de quelques années de purgatoire politique, le félicite pour cet « excellent manuel de propagandiste et d’éducateur85 ». Le livre appartient définitivement à la catégorie des manuels de formation politique.
22Cette campagne est enfin exceptionnelle par l’engagement personnel de l’auteur : M. Thorez s’est déplacé dans 35 villes de janvier à avril 1938 pour dédicacer son livre. Il y aurait eu plus de 32 000 signatures86. Il s’agit d’abord de Paris et de sa banlieue (14 communes). Les autres villes et régions traversées sont Le Havre et Rouen en janvier, Limoge, Bordeaux, Orléans et Angoulême, puis le Nord et Valenciennes en février, le Rhône et le Sud-Est en mars. M. Thorez s’est donc déplacé dans des régions où le PCF est plutôt bien implanté. Sa venue au Havre a été décrite par la police : des affiches ont été placardées dans la ville annonçant sa venue pour la signature du livre dans un café le 28 janvier 193887 : 200 personnes se déplacèrent pour l’événement, accueillies à proximité par le bibliobus du CDLP, qui assurait la « vente des livres » mais aussi de « photos », elles aussi signées par M. Thorez88. 791 exemplaires auraient été dédicacés89.
23Le premier tirage de 25 000 exemplaires aurait été épuisé début novembre90. Quinze jours plus tard, la diffusion atteint 50 000 exemplaires, dépasse les 100 000 exemplaires à la fin décembre91, puis les 130 000 en avril 1938 si on ajoute les exemplaires dédicacés. C’est ce qu’on appelle un « best-seller ». Mais si on tient compte de la « tournée » de M. Thorez sur une bonne partie du territoire, ce livre est plus proche de la brochure politique de masse que du succès de librairie. Mais du point de vue de l’extension des éditions communistes, sa diffusion est un échec.
24Fils du peuple inaugure une campagne de diffusion d’envergure. D’après P. Villon, qui a organisé l’accueil du livre et de son auteur à Aubervilliers, « cette campagne devint l’occasion pour le Secrétariat de contrôler le bon fonctionnement de l’appareil et le dévouement des militants envers leur secrétaire général92 ». Cette réussite militante a aussi servi de modèle pour des publications ultérieures, comme le Précis d’histoire du PC(b).
25Alors qu’en 1938, la situation politique nationale et internationale pour le mouvement communiste se dégrade, l’Internationale décide d’éditer, selon l’expression utilisée par S. Courtois et M. Lazar, une « nouvelle “bible” stalinienne93 », le Précis d’histoire du Parti communiste (bolchevik) de l’URSS. On revient donc à la centralisation des éditions, si souvent rencontrée dans les années vingt. Dans son rapport d’octobre 1934, le Service d’éditions de l’IC avait programmé l’édition d’« un manuel d’histoire de l’IC et un manuel d’édification du Parti », initialement destinés aux écoles de militants94. La publication est finalement décidée à la fin de l’année 1938. Le livre est édité en 28 langues95 dans cinq villes, Moscou, Paris, Stockholm, Amsterdam et New-York, à près de 500 000 exemplaires au total en juin 1939, avec l’objectif d’en imprimer environ 700 000 dans le monde96.
26Pour l’édition française, G. Cogniot est convoqué à Moscou fin novembre 1938, pour relire la traduction établie par Roudnikov. Les deux hommes travaillent ensemble, sous le contrôle de Dimitri Manouilski, secrétaire du Comité exécutif de l’IC97. Le livre paraît en France en mars 1939, par les soins du Bureau d’éditions, cadre éditorial qui le destine a priori à un public de militants. Le livre est cependant volumineux, près de 350 pages in-octavo, vendu relativement cher, 10 francs, dans sa version brochée. Pour la première fois, le Parti communiste crée pour l’événement deux commissions chargées d’organiser la diffusion98.
27Cette campagne commence dès le 31 décembre 1938 avec un article de J. Bruhat dans L’Humanité99. Jusqu’à la saisie du journal, ce texte est suivi de 12 autres, écrits par des dirigeants, exposant l’intérêt de la lecture de ce livre pour des publics différents, selon leur domaine de compétences : les jeunes, les femmes, les ouvriers, les paysans, les intellectuels… D’après la police, il y aurait eu 200 articles dans la presse régionale100. Cette variété de lectures possibles en fait elle aussi une œuvre totale : ce livre répond à toutes les questions, résout tous les problèmes, comme l’assène Maurice Tréan : « Le Précis d’histoire nous enseigne quelles sont les qualités les plus nécessaires aux cadres : courage, expérience, souplesse, instruction théorique, vigilance, intransigeance sur les principes, discipline, autocritique et amples liaisons avec les masses101. » Ces articles qui accompagnent la diffusion sont un moyen de contrôler la réception du livre : voici la bonne manière de le comprendre. Déjà, avec Fils du peuple, le PCF avait créé ce paratexte « externe », qui prend ici une ampleur considérable.
28Le 25 mars 1939, paraît la première publicité dans L’Humanité qui annonce le livre pour les premiers jours d’avril, marquant les débuts d’une campagne longue de six mois. Bien entendu, il n’est pas question de dédicaces. Une autre organisation est choisie : le Parti communiste diligente ses cadres pour tenir des conférences102. D’après la police, environ 300 conférences ont été organisées à Paris et en province103. Tous les cadres sont appelés à les animer. Mais il est hors de question de laisser les militants présenter le livre à leur guise. Le Parti communiste diffuse des « guides du professeur » pour les aider à donner des cours sur le sujet, et la section nationale d’éducation édite un « schéma de conférence aux membres du Parti et sympathisants sur l’Histoire du Parti communiste (bolchevik) de l’URSS ». Et pour tous, pour s’assurer que le livre est correctement lu et compris, on lui adjoint un Petit Vocabulaire pour faciliter la lecture de l’Histoire du parti communiste bolchevik de l’URSS, préparé par E. Fajon et G. Cogniot et édité par le BE104, mis en vente en juin 1939. Le premier chapitre du Petit Vocabulaire, propose une méthode de prise de note : le lecteur doit diviser une feuille en quatre colonnes : les faits ; l’explication des faits ; les références, les citations, les mots difficiles ; les réflexions personnelles et les rapprochements à faire avec l’histoire de la France105.
29Cette campagne inaugure aussi un nouveau moyen pour soutenir la diffusion : le concours. Le Bureau d’éditions et le CDLP décident d’organiser deux « concours d’émulation » pour la meilleure diffusion réalisée par un individu et une organisation. Pour le concours individuel, les trois premiers prix sont un voyage en URSS, une bicyclette et un poste de radio. Pour le concours entre organisations, c’est-à-dire entre cellules, les prix sont plus studieux : un appareil duplicateur ; un pick-up et 10 disques ; 300 francs de livres édités par le BE et les ESI106. Enfin, le PCF recourt aux tables de littératures, avec des résultats semble-t-il inégaux. Le jeudi 22 juin 1939, les communistes organisent une vente à Boulogne à l’entrée de l’usine Renault, et délèguent le député communiste de la circonscription. Curieusement, ce dernier est même censé dédicacer les ouvrages vendus. Mais le succès n’est pas au rendez-vous107.
30La singularité de l’ouvrage passe aussi par son tirage et le volume de la diffusion. La vente commence le 7 avril 1939108. Initialement, le Précis d’histoire du PC (b) est imprimé à 60 000 exemplaires, annonce l’éditeur109. Il y a au moins deux réimpressions, la dernière connue est effectuée le 26 juillet 1939 (30 000 exemplaires). On précise que cela « porte à 185 000 le nombre d’exemplaires imprimés en France à ce jour110 ». Lors du Comité central d’Ivry, fin mai, il est décidé d’atteindre le chiffre de 300 000 exemplaires diffusés. Cela signifie que le PCF espère que chaque adhérent achète un exemplaire. Pour provoquer une compétition, les résultats des cellules et sections sont publiés, mais surtout, les dirigeants commentent durement les classements des régions en s’appesantissant sur les résultats les plus mauvais111. Dans son dernier numéro du 25 août, L’Humanité annonce que 154 215 exemplaires ont été vendus. En août 1939, la répartition géographique de diffusion de L’Histoire du Parti communiste (bolchévik) de l’URSS montre peu de changements par rapport à la carte de la diffusion générale des éditions du Parti communiste : 45 % des exemplaires diffusés l’ont été en région parisienne, 12 % sur la côte méditerranéenne et 10 % dans le Nord112.
31Ces deux livres montrent la capacité du Parti communiste français de se mobiliser tout entier pour la diffusion d’un livre et la volonté de contrôle à tous les stades de ce qu’on appelle la « chaîne du livre », de l’élaboration du manuscrit à la réception même de la lecture de l’ouvrage. Ils confirment que la diffusion est constituée en deux cercles concentriques, avec au centre, la diffusion militante, toujours prioritaire. Certes, la croissance des effectifs et l’inscription du Parti communiste dans la nation et la république l’encouragent à investir le deuxième cercle, celui de la diffusion non militante, par les librairies, mais elle demeure secondaire.
Face à la diffusion « bourgeoise » : modèle ou concurrent ?
32Avant comme pendant le Front populaire, Hachette domine le monde de la diffusion de presse et de librairie, domination renforcée par la crise économique qui a fragilisé son principal concurrent, la Maison du Livre français. Quant à la Maison coopérative du Livre, elle disparaît en 1935113. Si le PCF maîtrise plus ou moins son propre espace politique – ses militants et les organisations de masse –, il ne maîtrise pas le marché de la librairie. Or, ce marché est vital pour une partie du catalogue construit depuis 1935. La part du CDLP dans le chiffre d’affaires des ESI a baissé de 1936 à 1938, passant de 42 à 28 % avant de remontrer à 35 %114. Le poids de la clientèle non militante devient économiquement essentiel pour les ESI.
33À partir de 1934, le BE et les ESI ont la charge exclusive des libraires et de la clientèle qui ne relèvent pas du PCF ni des organisations de masse. En 1935, pour soutenir la nouvelle politique éditorial, L. Moussinac souhaite un « large réseau de dépositaires115 », « dépôts organisés et contrôlés par nous, dans toute la France, en commençant par les régions où le Front populaire est le plus fort116 ». Les maisons d’édition doivent passer par les librairies, les bibliothèques, des « kiosques municipaux qui devront être créés dans toutes les municipalités antifascistes », des « commerçants sympathisants (cafés, coopératives, merciers, coiffeurs) qui accepteraient un dépôt de nos éditions », les Amis de l’URSS « pour ce qui concerne les ouvrages intéressant particulièrement les réalisations de la Russie soviétique », et les « librairies des ESI, les deux librairies de L’Humanité à Paris, […] avec lesquelles nous devons développer nos rapports117 ». Mais il leur faut affronter « une action systématique de boycottage, toujours plus vivement conduite au fur et à mesure de l’aggravation de la situation politique, de la part des grands organismes de distribution bourgeois : les Messageries Hachette et la Maison du Livre français. Il s’agit donc tout en utilisant le mieux possible ces organismes, de développer de plus en plus la vente directe de nos éditions ».
34En mai 1938, L. Moussinac déclare être parvenu, pour les ESI, à établir des relations avec « 500 libraires environ118 » – véritables librairies ou de simples dépôts de livres dans les commerces les plus variés ? P. Fouché évalue à un millier environ le nombre de déposants pour qu’un éditeur puisse avoir une activité rentable119, et les Messageries Hachette comptent en 1934 21 733 dépositaires et 81 000 points de vente120. Malgré le dynamisme des éditions du PCF, la diffusion en librairie n’est aucunement un phénomène de masse. D’ailleurs, en 1937, le BE et les ESI recourent aux services des Messageries Hachette et de la Maison du Livre français pour diffuser leur production121.
35Pour atteindre leur objectif, le BE et les ESI ont essayé de redéfinir leur stratégie publicitaire. Dans les projets initiaux, la presse nationale non communiste devait accueillir des annonces mais, cette opération a tourné court très rapidement. La régie La Publicité littéraire écrit en janvier 1936 : « Suite à vos propositions pour que nous passions de la publicité dans Le Populaire, L’Œuvre, Marianne et Vendredi, nous vous informons que les quelques expériences que nous avons faites dans le même domaine ne nous ayant pas donné les résultats attendus, nous suspendons toute publicité dans les grands journaux quotidiens ou hebdomadaires122. » Les moyens publicitaires baissent considérablement en 1939123. Pourtant, l’argumentaire utilisé est plus que jamais similaire à celui des éditeurs « bourgeois ». La présentation des catalogues s’aligne sur la pratique courante. Les maisons d’éditions créent même leur propre revue à vocation commerciale en 1936, Le Coupe Papier, distribué gratuitement dans les librairies124. Grand format, de 4 pages, illustré, ce support vante la production de la maison d’édition, ainsi que le catalogue de la maison d’édition musicale du PCF, Chant du Monde125. Les relations entre les éditions et L’Humanité, qualifiées par L. Moussinac d’« assez déplorables », restent le souci majeur. L. Moussinac dénonce « l’incompréhension de la part de la rédaction du journal, de l’importance de cette tâche politique de propagande, considérée jusqu’à ce jour presque uniquement sous l’angle commercial par suite d’une déformation absurde ». Finalement, la solution trouvée est radicale. Les ESI obtiennent donc le contrôle de la page littéraire de L’Humanité à partir de novembre 1935, puisqu’elles la financent126.
36Les éditeurs se heurteraient aussi à la censure symbolique de leurs publications. Les rares articles qui soutiennent les ouvrages édités par le PCF sont tous écrits par des militants ou des compagnons de routes. Quant aux livres eux-mêmes, seuls les essais français intéressent la presse non communiste. Pour L. Moussinac, il n’y a pas de doute, c’est « la conspiration du silence » écrit-il à J.-R. Bloch, à propos de son livre Espagne, Espagne127. Un échange de lettres entre Jean Paulhan, directeur littéraire chez Gallimard, avec J.-R. Bloch, un des auteurs de la maison, membre du Parti communiste, montre en effet que le milieu littéraire et intellectuel aime à rappeler son autonomie : « Il est vrai que la nrf a peu parlé de vos livres, depuis longtemps, lui écrit J. Paulhan. C’est que les trois notes qui m’ont été remises à leur propos contenaient des critiques, et des vérités, qu’il m’eût été pénible de lire dans la nrf voilà tout128. »
37La crise économique et politique a été la plus forte. À partir de 1937, les éditions du Parti constatent un reflux des ventes, qui s’aggravent au fur et à mesure des mois. En 1939, c’est la catastrophe : « Pour la première fois depuis longtemps, écrit L. Moussinac, le montant des “retours” des libraires en janvier et en avril ont dépassé le montant de nos envois. Ainsi la diminution des ventes, déjà ressentie au CDLP semble chez les libraires devenir aussi grave, avec un décalage de 3 à 6 mois. » Pour Moussinac, les solutions envisagées sont un véritable crève-cœur par rapport aux ambitions de 1935 : « C’est la perte des relations établies avec plusieurs centaines de libraires, c’est-à-dire la liquidation d’un travail de plusieurs années. » L. Moussinac a le plus grand mal à renoncer à un « élargissement de la clientèle des ESI129 ». L’effritement du commerce avec les libraires et particuliers prouve que le BE et les ESI ne parviennent pas à conserver leur nouveau lectorat. Les ESI en particulier, par leur production et leur clientèle, sont très sensibles à la conjoncture politique et économique de l’édition. Elles sont donc doublement fragiles. Mais il y a aussi l’amertume de ne pouvoir parvenir à la reconnaissance professionnelle et intellectuelle. L. Moussinac, en s’exclamant sur la perte possible de son réseau de distribution construit avec force patience, montre à quel point le monde de l’édition, même frappé par la crise, impose au PCF ses règles du jeu. Le CDLP lui-même est endetté auprès de Hachette, à hauteur de plus de 15 500 euros130. La position dominante de Hachette en matière de diffusion a fait que les Soviétiques passent même par cette entreprise pour la diffusion de leur presse et leurs livres131. Le marché du livre résiste au PCF en imposant ses propres règles et, semble-t-il, plus souvent par la « conspiration du silence » que par la critique franche. Le Parti communiste bute désormais sur mêmes obstacles que les éditions Valois et la Librairie du Travail en leur temps.
Le lectorat du Front populaire
38Le chiffre d’affaire du CDLP à la fin des années trente atteint environ 1,4 million d’euros132, contre 500 000 en 1931. Mais, comme par le passé, la croissance du chiffre d’affaires est accompagnée d’une croissance des pertes. Le CDLP perd 119 000 euros en 1934-1935 contre 82 000 en 1933-1934133, perte due aux mauvais payeurs. En 1935, le CDLP évalue les « créances irrécouvrables » à 36 000 euros134. Lors de sa dissolution en septembre 1939, la société présente un passif de 200 000 euros135. Le chiffre d’affaires du BE passe de 20 000 euros en 1935 à 100 000 en 1937. Puis c’est une baisse, avec 91 000 euros de chiffre d’affaires en 1938136. Le chiffre d’affaires des ESI connaît la même évolution : en 1936, il est de 410 000 euros, en 1937 663 000 euros pour retomber en 1938 avec 461 000 euros137. Le Front populaire a accru considérablement l’activité éditoriale, mais avec des différences notables. En 1938 le BE et les ESI ne sont pas frappés par une baisse dans les mêmes proportions : le chiffre d’affaires baisse de 20 % pour la première contre 32 % pour la seconde maison d’édition. Quels lecteurs se sont tournés puis détournés de ces publications ?
39D’après les commandes passées aux ESI entre février 1937 et avril 1938138, la clientèle de la maison d’édition est plus féminine que celle du CDLP, avec 23 % de femmes, et est dominée par deux milieux socioprofessionnels : les enseignants (59 %) et les commerçants (12 %). Le poids des enseignants s’explique par la nature du catalogue des ESI, l’engagement d’une partie de ce milieu dans les mouvements pacifistes et antifascistes. Et le fait que les ESI leur accordent, comme d’autres éditeurs, 10 % de remise n’est probablement pas anodin. D’après les bons de commande passés entre janvier 1935 et octobre 1937, la clientèle du CDLP, composée d’organisations, est bien différente139. Les camarades qui passent commande sont à 19 % des enseignants, 17 % des élus locaux, 12 % des libraires et des bibliothécaires et 6 % de commerçants et artisans. Ils correspondent plus ou moins à la petite classe moyenne, avec un bagage scolaire ou un savoir professionnel qui leur permet effectivement de s’occuper de commandes de livres et d’abonnements : les enseignants, les professionnels du livre et les commerçants. La quasi-absence des ouvriers est frappante (2 %). Les militants communistes ouvriers s’en remettent probablement à des intermédiaires, mieux dotés culturellement et plus familier du livre, pour passer commande au CDLP.
40Pour le CDLP, les régions qui réalisent les chiffres d’affaires les plus importants sont la région parisienne (25 % du chiffre d’affaires total), Marseille (7 %) et le Nord-Pas-de-Calais (5 %)140. L’activité du CDLP suit les succès électoraux mais ne les précède pas141. La clientèle des ESI est répartie géographiquement de manière légèrement différente. Trois régions dominent : le Nord-Pas-de-Calais (14 % des commandes), la région parisienne (13 %) et la Lorraine (10 %). Cette répartition se détache bien plus de la carte électorale pour se rapprocher d’une carte où l’industrialisation et l’urbanisation sont deux facteurs essentiels, favorables au développement de la culture imprimée. Géographiquement, le lectorat vient des grandes régions urbaines et industrielles, où l’implantation communiste et l’accès à la culture imprimée sont les plus nettes.
41Pendant cette période, 186 titres ont été commandés par les organisations auprès du CDLP142. Les 5 titres les plus diffusés sont : Au service du peuple de France de M. Thorez (Comité populaire de propagande, 1936), Pour la victoire du peuple de M. Thorez (Comité populaire de propagande, 1936), Communisme société future de Martel (BE, 1935-1936), Unir, unir, unir de M. Thorez (Comité populaire de propagande, 1936), En Espagne d’A. Marty (BE, 1937). Pour les revues, c’est L’Almanach ouvrier et paysan qui domine, suivi de Regards, Russie d’Aujourd’hui, Monde143 et des Cahiers du bolchevisme. Les commandes adressées au CDLP sont donc essentiellement composées de publications qui correspondent à de l’agitation, en particulier les discours, et à des brochures publiées par le Comité populaire de propagande et le BE, moins onéreuses que la production des ESI. Les militants goûtent peu le système de l’Office mensuel et préfèrent clairement avoir la liberté de choisir leurs livres : en 1934, il y avait 1 000 abonnés à l’Office, en 1936, 500144. Enfin, les archives du CDLP montrent bien que la propagande imprimée n’est pas la seule demandée : les insignes, les photos, les cartes postales et mêmes les bustes en plâtre tiennent une place importante dans les commandes adressées au diffuseur145. Le CDLP diffuse une littérature politique populaire. Pour les ESI, les 10 titres les plus vendus sont : Pour vaincre le fascisme, de G. Dimitrov (1935), Hans et son lièvre enchanté de Lisa Tetzner (1936), le livre hommage Barbusse, écrivain et révolutionnaire (1936), Des ouvriers écrivent (1934), Torrent de fer d’Alexandre Serafimovitch (1930), Fils du Peuple de M. Thorez (1937), Histoire de la Révolution russe (1937), la Nouvelle Ronde, Je campe et le Roman de Renard (1936) adapté par Léopold Chauveau146. Cette liste frappe d’une part par sa variété thématique (textes politiques, romans, histoire, biographies) et par l’importance prise par les livres pour enfants, qui doit être reliée à l’importance des enseignants dans la clientèle.
42Le lectorat des maisons d’édition du PCF est donc large socialement, même s’il met en avant la classe moyenne, en tant que cliente des ESI ou chargée de la diffusion pour les organisations locales. Le lectorat socialement et culturellement modeste est néanmoins présent, bien que difficilement quantifiable, par le succès des brochures politiques élémentaires et aussi la vente des objets militants (insignes, photos, cartes postales…). Finalement, le Front populaire profiterait plus à l’édition politique « traditionnelle » (le Comité populaire de propagande) qu’aux éditions qui souhaitent avoir pignon sur rue. Ceci explique la sensibilité du BE et des ESI à la conjoncture : en publiant pour la classe moyenne, qui leur fera défaut à partir de 1937, ils ont pris le risque de se détourner du noyau dur du monde militant.
Lecture militante et divertissante : devoirs et droits du nouveau militant
43Avec le Front populaire, la culture est désormais un patrimoine national, dont personne n’est exclu147. Mais, à partir du moment où des intellectuels, romanciers, journalistes, universitaires, viennent à lui, c’est l’ensemble de la production artistique et intellectuelle qui s’offre au jugement du PCF. De même, l’élargissement de ses adhérents et surtout de son électorat l’encourage a priori à intervenir dans de vastes domaines culturels. Le Parti communiste français défend désormais un droit à la culture148. Reste à en donner une définition.
44Les bibliothèques ne sont pas un sujet phare du Front populaire, ce qui tranche avec l’activisme d’une minorité de bibliothécaires, qui milite depuis la Grande Guerre pour la modernisation des bibliothèques publiques (bâtiment adapté, collections récentes, accès direct au livre dit « libre accès ») et l’institution de la lecture comme service publique. L’Association des bibliothécaires de France (ABF) porte ce débat à partir des années vingt auprès de l’État, des élus, nationaux et locaux, et des intellectuels. Les chiffres manquent pour rendre compte de la situation des bibliothèques en France, mais tous les acteurs et témoins de l’époque en soulignent l’archaïsme et la pauvreté. La difficulté d’en dresser un état plus ou moins précis s’explique par la variété des statuts : ils peuvent être publics ou privés. Les bibliothèques publiques peuvent être municipales, à visée d’érudition, ou scolaires. Les bibliothèques privées dites « populaires » sont gérées par des groupements religieux, des associations laïques, des patronages, des syndicats, accessibles à tous ou à un public restreint… Les bibliothèques, publiques ou populaires, peuvent être organisées par des bénévoles ou (plus rarement) des salariés, le prêt peut être autorisé ou non, payant ou gratuit… Autant de cas de figures, autant de situations, qui, aux dires des témoins de l’époque, ne répondent plus aux besoins de la population.
45Or, la bibliothèque n’est pas un sujet de préoccupation politique pour les édiles, et parmi eux, les élus communistes n’ont pas une politique uniforme en la matière. La bibliothèque municipale de Saint-Denis, considérée comme une des plus modernes de la région, dispose d’un budget trente fois supérieur à celle d’Ivry entre 1935 et 1937149. En 1937, à Montreuil, municipalité communiste, se trouve la bibliothèque la plus moderne du département150. Dans la Seine, quelques bibliothèques ouvrières sont fondées dans les années trente par le PCF, mais leurs collections sont peu importantes et leurs horaires d’ouverture peu commodes. Quant au financement, les élus communistes se trouvent dans le peloton de queue, derrière les socialistes et radicaux151, alors qu’ils sont plus en pointe dans d’autres domaines. Si on peut parler d’un « municipalisme communiste » dans le domaine du logement ou de l’hygiène, ce qui a trait à la culture et surtout à la lecture dépend très probablement de la personnalité des édiles et de l’histoire de la commune152. Pourtant, le mouvement ouvrier français s’est montré sensible à la question des lectures populaires depuis ses origines. À partir de 1930, les syndicats, et en particulier la CGT153, s’allient avec les associations de bibliothécaires pour étudier l’organisation de cette lecture, en particulier l’Association pour le développement de la lecture publique (ADLP), fondée en 1936. Le Centre confédéral d’éducation ouvrière de la CGT crée en 1937 une école de bibliothécaires. Or, face à cet engagement, le Parti communiste fait triste figure, tout comme les autres organisations politiques.
46Ces élus, les communistes comme les autres, considèrent en effet que la lecture doit être prise en charge par des actions de type privées : les municipalités et l’État ne doivent y avoir qu’un rôle second. Les bibliothèques dites « populaires » par la variété de leur statut sont en effet une solution commode : elles peuvent être créées par n’importe quelle organisation et à la limite dans n’importe quelle condition, sans que cela coûte un centime à la collectivité. Elles correspondent également à une vision de la culture, qui est forcément une culture de classe, fut-elle nationale154.
47Si la lecture, comme pratique ou absence de pratique, dans les milieux populaires, intéresse peu, en revanche c’est en nombre que l’on trouve des déclarations contre les romans populaires. Il faut plus que jamais lutter contre cet attrait des ouvriers pour « le mirage de paradis imaginaires », qui est en fait « la voie de l’oubli et de la capitulation155 ». Un « grand écrivain » peut être aussi un « ennemi du peuple156 ». Le haro contre la littérature divertissante est général. M. Thorez déclare lors du congrès national en 1936 : « Les mauvais romans policiers et les livres pornographiques le disputent aux niaiseries157. »
48Certains classiques échappent à la critique comme J. Vernes, J. Conrad ou D. Defoe, sauvés par une interprétation politique et sociale opportune. Malheureusement, déplore René Garmy, le roman d’aventure est depuis 1918 une littérature « de haine et de sang, marqué[e] du sceau de l’impérialisme158 ». L. Guilloux s’en prend, lui, au roman-feuilleton et au « directeur du grand quotidien » qui, obéissant à un « préjugé » et à un « mépris les plus absolu du lecteur » estime qu’« il faut donner à la concierge un roman fait pour elle » : « Le feuilleton est un mauvais produit. On fait des lois pour nous garantir du bon pain. Il faudra que la nouvelle Chambre fasse des lois pour éliminer du marché cette marchandise empoisonnée159. » En revanche, si on s’attaque facilement aux genres et aux auteurs, les éditeurs sont rarement nommément attaqués.
49À côté de cette condamnation sans appel de la littérature populaire produite par la bourgeoisie, il existe une position plus nuancée. Le fait que L. Guilloux ou R. Garmy sauvent, parfois, in extremis, des œuvres célèbres est la conséquence de trois constats : d’une part, ils ne peuvent condamner totalement la lecture dite de divertissement, c’est-à-dire le roman, puisque l’URSS en produit ; d’autre part, eux-mêmes en lisent ; enfin, politiquement, il n’est pas possible de rejeter entièrement les pratiques culturelles dites « petites bourgeoises » alors que la propagande du PCF cherche à toucher les classes moyennes. Une théorie est alors élaborée. De même que le roman aurait connu un âge d’or, avant sa corruption presque définitive par la bourgeoise au début au XXe siècle, le roman populaire aurait lui aussi une histoire mais totalement inverse. Au XIXe siècle, explique T. Rémy, « la bourgeoisie d’alors s’est alors servi du roman à la ligne […] pour empoisonner la jeunesse ouvrière ». Mais, avec la victoire du Front populaire, et le mouvement populaire qui le soutient, ce genre corrompu peut servir « la lutte, la conscience de classe, les sentiments de solidarité et de responsabilité qui animent la classe ouvrière ». Le roman populaire peut aider à « arracher de nouvelles couches d’ouvriers, de nouveaux milliers de travailleurs à l’emprise du conformisme qui cache sous des illusions les injustices d’une société à combattre160 ». Ainsi, J. Fréville et R. Garmy sont présentés comme les acteurs du renouveau du « roman historique161 ». En effet, jusqu’alors, ce genre « de Walter Scott à Maindron162, en passant par Alexandre Dumas père, ne fait qu’évoquer les aventures et les exploits des monarques, des princesses et des chevaliers, il s’attache à la description brillante des classes privilégiées ». Ce qui n’empêche pas le quotidien L’Humanité d’utiliser largement les œuvres de Dumas pour son feuilleton… Néanmoins, grâce aux œuvres de R. Garmy et aux siennes, affirme J. Fréville, c’est désormais le peuple qui tient le premier rôle163.
50P. Nizan, de son côté, règle le cas du genre le plus récent et le plus dangereux, la littérature policière, dont le succès est symbolisé par la collection du « Masque » en 1927 (Librairie des Champs Elysées) ou la revue Détective en 1932 (Gallimard)164. Comme pour le roman d’aventure et le roman populaire, P. Nizan s’efforce de donner à ce genre une histoire et quelques lettres de noblesse, grâce à Edgar Poe et Conan Doyle. Il y a donc « une grande tradition littéraire du roman policier ». Puis vient le temps de la décadence : « Peu à peu l’inventeur des solutions rigoureuses a fait place au policier et à la police. Il s’est beaucoup moins agi de fournir aux lecteurs des satisfactions tirées d’un jeu intellectuel que de faire appel à ses plus bas mauvais instincts, au goût de la mort, du sang et de l’érotisme que de lui proposer un tableau idyllique du travail policier. Le roman policier est donc devenu une vaste entreprise de propagande en faveur de la police. » Rares sont ceux qui, comme Dashiel Hammett, sont capables d’utiliser le genre pour faire un « réquisitoire assez impitoyable qui enveloppe dans une même réprobation les fonctionnaires de la police officielle, les détectives privés et les criminels qu’ils poursuivent ». En France, ils sont peu nombreux à en faire de même : E. Sue, E. Gaboriau, G. Leroux et… G. Simenon et P. Véry165.
51Le seul genre à ne bénéficier d’aucun salut, d’aucune rémission, est le roman sentimental. Cette littérature est qualifiée de « romans de “passion et de tendresse” pour primaires et enfants du peuple » : « Ces innombrables “divorcée le jour de son mariage” – à douze sous, ça ne vaut pas plus – et autres “deux fois mère et quatre fois vierge”. » G. David voudrait procurer à ces ouvrières une littérature classique de qualité mais cache à peine son mépris à l’égard de ces lectrices, à la fois mineures politiques et culturelles166.
52Le PCF ne s’est pas contenté d’adoucir son discours sur le roman populaire, il a aussi songé à investir ce marché de masse. L. Moussinac, je le rappelle, a proposé en 1935 l’édition de « brochures dont des romans du type d’aventures et des romans dits “d’amour”167 », afin d’« occuper pendant qu’il est temps encore et au moins en partie, la place que les éditions à grand tirage de romans policiers, de romans d’aventures criminelles ou amoureuses prennent parmi les lectures des masses populaires ». Finalement, le projet n’aboutit pas, mais prouve que le PCF perçoit la réalité du monde culturel dans tous ses aspects.
53La littérature et la presse à destination de la jeunesse sont un sujet sur lequel tous les acteurs sociaux se rejoignent lorsqu’ils traitent des bonnes et mauvaises lectures. La position du PCF est défendue depuis 1933 par G. Sadoul, à qui est confiée la gestion du nouveau journal communiste pour enfants, Mon Camarade. Tout comme les éditeurs catholiques et les défenseurs de la nouvelle pédagogie, G. Sadoul mène sa croisade contre la mauvaise littérature. En 1933, il prévient les éducateurs (parents, enseignants) des dangers qui guettent les enfants, comme cette « presse à très grand tirage », « dirigée et contrôlée par la bourgeoisie », qui travaille à l’« obscurcissement de la conscience de classe » de l’enfance travailleuse, en diffusant une propagande chauvine, impérialiste et colonialiste. Les ennemis sont d’abord catholiques (les éditions la Bonne Presse en particulier), bourgeois (avec par exemple les éditions Offenstadt, qui publient entre autres les Pieds Nickelés), d’extrême-droite (Benjamin)168. À partir de 1936, G. Sadoul est obligé de revoir sa copie face aux changements politiques et culturels. Comme ses contemporains, il déplore l’état de l’édition pour enfants et la « décadence du genre169 ». Il entame alors une nouvelle campagne contre la presse populaire pour enfants170, d’autant que cette littérature est accessible dans « les merceries-papeteries qui sont les “centres culturels” des faubourgs ouvriers, des villages et des petites villes ». Elle est éditée par des éditeurs fascistes, bellicistes, des « agents d’Hitler et de Mussolini ». Ces interventions conduisent à l’édition d’une brochure, Ce que lisent vos enfants au BE en 1938171. Les ennemis d’hier sont traités avec plus de mansuétude : Offenstadt publie désormais « une presse neutre et commerciale » et la « main tendue » aux catholiques permet de s’allier à eux contre une presse immorale, fasciste et importée de l’étranger. Bien que réfugié en France, G. Sadoul n’hésite pas à assimiler C. Del Duca, qui publie le journal de Mickey, aux fascistes italiens. G. Sadoul déplore « la victoire des trusts étrangers contre les publications françaises172 », qui diffusent « le banditisme, le fascisme, la guerre ». Outre son indéniable opportunisme politique, ce discours amène deux changements importants : comme pour les adultes, il y a désormais une bonne littérature de divertissement ; et les catholiques sont désormais des alliés dans la lutte contre le mauvais livre ou la mauvaise presse, ce qui facilitera des « alliances » ultérieures.
54Légitimer le roman populaire, d’aventure et policier signifie-t-il que le militant communiste peut désormais se divertir à sa guise ? Loin s’en faut. La direction dresse une hiérarchie de ce qu’il convient de lire : d’abord L’Humanité, ensuite les Cahiers du bolchevisme et enfin, en dernier, « des brochures d’actualités, rapports et discours des dirigeants en particulier173 ». Face à la croissance des effectifs, le Parti communiste est obligé d’étendre son système d’écoles élémentaires, de développer le principe de l’enseignement par correspondance, et d’apporter des aides à la lecture. Ainsi, le Secrétariat du PCF diffuse une circulaire à la fin de 1938 expliquant aux militants comment lire les brochures qui leur sont destinées. Il leur faut s’atteler à « la lecture du fascicule ; puis, […] lire et […] travailler sur les ouvrages recommandés au bas du fascicule », en prenant des notes.
55Mais, à la fin des années trente, les militants ne sont plus obligés de lire exclusivement des manuels ou des ouvrages théoriques. Comme le démontrent les projets de collections comme « Voici la France », le PCF se soucie aussi de leur culture générale. De ce point de vue, Fils du Peuple est présenté comme un modèle de pratique de lecture militante : non seulement M. Thorez montre à quel point l’éducation et la lecture sont importantes mais donne des éléments sur « la formation de sa culture littéraire et générale174 ». En 1938, la « culture générale » est inscrite dans la formation élémentaire des militants. Ils doivent lire « des classiques français ou de bons auteurs étrangers et régionaux », dont le choix n’est pas laissé au hasard175. Mais l’enrichissement de cette culture générale a pour but d’« armer idéologiquement les communistes […] afin de les rendre aptes à défendre la politique du parti et répondre victorieusement aux attaques des adversaires du communisme et du front populaire176 ». Il n’est pas question d’épanouissement personnel.
56Il est toujours hors de question de laisser les militants choisir leur lecture à leur guise. En 1938, le livre de G. Friedmann, De la Sainte Russie à l’URSS, fait l’objet d’une campagne de censure intense et il est rappelé régulièrement que « les membres du Parti doivent donc en déconseiller la lecture177 ». La campagne de diffusion de L’Histoire du Parti communiste (bolchevique) d’URSS illustre la peur du contresens politique, ce qui oblige à accompagner le livre de maints articles et guides de lecture. Grâce à la publication du Petit Vocabulaire, rien n’en empêche une « lecture personnelle178 » !
57Le discours du Parti communiste sur la lecture s’est complexifié. Accompagnant la politique et la stratégie du PCF, son discours s’élargit en s’adressant à des milieux sociaux différents. L’évolution de ce discours, vers une prise en compte des comportements réels des Français en matière de lecture se rapproche de celui de l’Église catholique, qui elle aussi devient moins exigeante pendant l’Entre-deux-guerres179. Dans les deux cas, c’est le résultat d’une stratégie de conquête de nouveaux milieux sociaux et d’une réaction au développement de la culture de masse qui voit, comme l’écrit M. Rébérioux, « l’entrée en scène de l’ouvrier comme consommateur culturel180 ».
58Comme l’appareil d’édition organisé en cercles concentriques, la lecture est protéiforme. Elle peut être classique, populaire, militante, selon celui qui parle et l’identité de son interlocuteur. Trait commun à ces trois discours, le modèle scolaire domine : il n’y a pas de lecture sans guide ni contrôle. La coexistence de ces trois discours entraîne bien évidemment des contradictions, la plus manifeste étant, dans un cas, la tolérance d’une littérature de divertissement et dans l’autre, le rejet de toute valorisation personnelle dans le cadre de la lecture militante. Enfin, ce discours plus « ouvert » sur les pratiques réelles de lecture des populations ne remet pas en cause la vision ouvriériste de la culture : il y a deux mondes, la culture bourgeoise et la culture prolétaire.
59L’enrichissement du discours et des positions du PCF s’explique par une sensibilité accrue à la réalité du marché économique de la presse et de l’édition. Pendant les années 1935-1936, le Parti communiste et ses éditeurs, L. Moussinac en tête, ont rêvé d’une conquête du marché du livre. Les résultats de la diffusion dans le réseau des librairies traditionnelles ont été très décevants. Le Parti communiste se heurte aux réalités économiques du marché du livre, au poids des éditions Gallimard, aux éditeurs populaires comme Fayard, Ferenczi ou Del Duca, à la domination de Hachette dans le réseau de diffusion. Autant d’obstacles qui l’empêchent d’atteindre les « masses » ou les classes moyennes comme le lectorat populaire, consommateurs de littérature populaire.
60Les éditions du Parti communiste ont effectivement connu leur Front populaire. Le pouvoir politique est passé du Komintern à la direction du PCF, cette dernière reprenant les rênes des maisons d’édition après avoir écarté L. Cical. Mais il ne s’agit pas de laisser de l’autonomie à ces nouveaux cadres que sont les « éditeurs », L. Moussinac et R. Hilsum, bien qu’ils ne soient jamais désignés ainsi. Si leur compétence professionnelle est reconnue, leur sens de la discipline importe davantage. Le catalogue de ces maisons d’édition est la réalisation d’une double stratégie, la consolidation et l’extension de l’implantation dans les milieux populaires et la conquête des milieux intellectuels. Mais la première demeure prioritaire sur la seconde.
Notes de bas de page
1 Lettre du CDLP à Pierre Besset, 6 juillet 1936, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
2 Rapport confidentiel, 4 novembre 1935, 495/78/136, RGASPI.
3 Décisions du Secrétariat du PCF, 13 février 1934, IML 692, Fonds PCF, AD Seine-St-Denis.
4 Lettre du CDLP à Le Roux, 11 décembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis. ; - Les remises appliquées par les librairies « traditionnelles » sont de l’ordre de 35 %. Lettre du CDLP aux ESI, le 12 octobre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
5 Décisions. Secrétariat, 31 janvier 1938, IML, 837, Fonds PCF, AD Seine-St-Denis.
6 Registre du personnel, CDLP, Arch. N. Devers-Dreyfus ; - P. Villon et C. Willard. Op. cit., p. 41.
7 Note manuscrite, 2 juin 1939, 1 f., Fonds Maurice Thorez, 626 AP 202, CARAN. Souligné dans le texte.
8 Le PCF fait racheter le Centre par la Société immobilière de la presse et de l’édition, fondée en 1924, en avril 1939. Voir : Listes et rapports sur les groupements et associations d’obédience communiste dissous en 1939, Ba 1928, Arch. PPo.
9 Lettre du CDLP au BE, 19 avril 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
10 Guide du CDLP, novembre 1936, no 8-9, p. 8-9
11 CDLP, [ca. 1936], 12 p.
12 Centre de Diffusion du Livre et la Presse. Vers une organisation méthodique et systématique de la diffusion. CDLP, [ca 1936], p. 5
13 Lettre du CDLP à L. Rainard, 6 janvier 1936, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
14 « La Diffusion de la littérature et la victoire du Front populaire ». Cahiers du bolchevisme, 15 juin 1936, no 10-11, 728-729.
15 Lettre du CDLP au Secrétariat du Parti, 2 avril 1935, IML, 733, Fonds PCF, AD Seine-St-Denis.
16 Lettre du CDLP au Syndicat général du livre et des industries connexes, 27 août 1937, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
17 Registre du personnel, CDLP, Arch. N. Devers-Dreyfus.
18 Lettre à Robert Gagnaire, 2 mars 1936, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
19 Lettre du CDLP au Secrétariat du Parti, 2 avril 1935, IML, 733, Fonds PCF, AD Seine-St-Denis.
20 Lettre du CDLP à Alice Tantot, 25 février 1937, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis ; - Lettre du CDLP à Molinier, 7 mars 1936, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
21 La Librairie du Travail à Tours, la Librairie du Populaire à Clermont-Ferrand, la Librairie populaire à Rouen, la Librairie Saint-Georges à Toulouse, la Librairie du Populaire à Paris, la Librairie des Travailleurs à Paris, la Librairie du Travail à Genève. Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
22 Lettre du CDLP à Camille Salles, Syndicat des paysans travailleurs, 14 août 1936, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
23 Guide du CDLP, no 10, avril 1937, p. 1.
24 Lettre du CDLP à Berton, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
25 Lettre du CDLP à Ferdinand Destrem, 6 novembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
26 Lettre du CDLP à Maurice Lecointre, 8 novembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
27 Le CDLP négocie avec les Soviétiques une place dans le pavillon d’URSS : Lettres du CDLP Gordon, Directeur du pavillon de l’URSS à l’Exposition des arts et techniques, 7 août, 12 août et 19 août 1937, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
28 Lettre du CDLP au Secrétariat du Parti, 25 mai 1934, IML, 704, Fonds PCF, AD Seine-St-Denis.
29 Lettre du CDLP à Platon Gauvin, 21 février 1936, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
30 Guide du CDLP, avril 1937, no 10, p. 1.
31 « La diffusion de la littérature : Tâche politique de la plus haute importance ». Guide du CDLP, avril 1937, no 10, p. 2-4.
32 « À propos d’un proverbe : “Rien n’est de pire sourd que celui qui ne veut rien entendre” ». Le Guide du CDLP, février-mars 1936, no 5-6, p. 3-4.
33 Notes importantes aux rayons et aux cellules : Lettre du CDLP à l’Humanité, 3 mai 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
34 À propos d’un proverbe. Op. cit.
35 « La diffusion de la littérature : Tâche politique de la plus haute importance ». Le Guide du CDLP, avril 1937, no 10, p. 2-4.
36 « Le rôle de la propagande dans la politique de notre Parti ». La Vie du Parti, 1re quinzaine de novembre 1938, no 18, p. 2-3.
37 « La diffusion de la littérature : Tâche politique de la plus haute importance ». Op. cit.
38 Op. cit.
39 Lettre du CDLP à Jean Gremillet, 21 août 1937, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
40 Lettre du CDLP à Bernès, 9 novembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
41 Lettre du CDLP à Rosenberg, 4 mars 1936, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis. Souligné dans le texte.
42 Lettre du CDLP à Maurice Tomasini, 4 février 1937, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
43 Lettre du CDLP à Gaston Coquel, 20 novembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
44 Lettre du CDLP au bureau des Jeunesses communistes de Montreuil, 19 septembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
45 Dr A. Marchal et O. J. de Mero. Une révolution : la liberté de la conception. Librairie Médicis, 1935, 216 p.
46 Lettre du CDLP à Tesson et Josse, 14 octobre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
47 « La diffusion de la littérature : Tâche politique de la plus haute importance ». Le Guide du CDLP, no 10, avril 1937, p. 2-4.
48 Lettre du CDLP à Henri Loviconi (Bourse du travail de Toulon), 6 novembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
49 Lettre du CDLP à Bensimon, 26 août 1937, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis. Jean Baby fut pendant plusieurs mois en conflit avec certains membres du Parti sur la stratégie antifasciste en particulier. Nous ne savons pas si ce boycott fut provisoire. Le livre, Conférences sur le Capital de Karl Marx, a été édité, après examen serré de la direction, en 1937 au BE.
50 Lettre du CDLP à Bensimon, 2 septembre 37, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
51 Lettre du CDLP aux Éditions Masson, 22 octobre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
52 Op. cit.
53 Lettre du CDLP au Syndicat général du livre et des industries connexes, 27 août 1937, Fonds du CDLP, Fonds PCF, AD Seine-St-Denis.
54 Lettre du CDLP à G. Coquel, 12 décembre 1935 ; Lettre du CDLP de J. Chardavoine, 27 juin 1936, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
55 Lettre du CDLP à Antoine Demusois, 13 septembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
56 Lettre du CDLP à Henri Varagnat, le 4 novembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
57 Lettre du CDLP à Le Goff(Mantes-la-Ville), 24 décembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
58 Lettre du CDLP à Léon Fauchet, 30 octobre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
59 Lettre du CDLP à Baby (Outreau, Pas-de-Calais), 22 novembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
60 Le CDLP est titulaire d’un marché avec Villejuif depuis septembre 1935. Lettre du CDLP au contrôleur de l’enregistrement, mairie de Villejuif, 27 février 1937, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
61 Lettre du CDLP à Paul Stievenart, le 26 décembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
62 Lettre du CDLP à la mairie d’Aulnay-sous-Bois, 15 septembre 1936, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
63 Lettre du CDLP à la mairie de Vigneux (Seine-et-Oise), 23 juin 1936, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
64 Lettre du CDLP à Bourdaleix, 2 décembre 1935 ; Lettre du CDLP de J. Chardavoine, 27 juin 1936, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
65 Lettre du CDLP de Jean Fernand, 25 août 1936, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
66 Euros constants. Lettre du CDLP à G. Le Bigot, 17 septembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
67 C’est le cas du dirigeant anglais, W. Gallacher : Revolt on the clyde : an autobiography. Londres : Lauwrence and Wishard, 1936, 301 p.
68 S. Sirot. Maurice Thorez. Presses de Sciences Po, 2000, p. 23.
69 B. Lahire parle de « lectures pragmatiques » : La Raison des plus faibles : rapport au travail, écritures domestiques et lectures en milieux populaires. Lille : Presses de l’Université de Lille, 1993, p. 106 et 115-116.
70 B. Pudal. « Récits édifiants du mythe prolétarien et réalisme socialiste en France (1934-1937) ». Sociétés et représentations, no 15, décembre 2002, p. 77-96.
71 B. Pudal. « Le “Peuple” dans Fils du peuple ». Sociétés et représentations, décembre 199, no 89, p. 265-279.
72 C. Pennetier et B. Pudal. « Écrire son autobiographie (les autobiographies communistes d’institution, 1931-1939) ». Genèses, juin 1996, no 23, p. 53-75.
73 Il a également travaillé avec J. Fréville pour ses deux romans Pain de brique et Port-Famine, publiés chez Flammarion en 1937 et 1939.
74 P. Robrieux. Maurice Thorez, vie secrète vie publique. Fayard, p. 202-207 ; - V. Fay. La Flamme et la cendre, histoire d’une vie militante. Op. cit., p. 77-78 ; - A. Wieviorka. Maurice et Jeannette. Biographie du couple Thorez. Fayard, 2010, p. 237.
75 [Note manuscrite], [1937]. Fonds Maurice Thorez, 626 AP 212, CARAN.
76 B. Pudal. Le « Peuple » dans Fils du peuple. Op. cit.
77 ESI. Budget publicité, s. d., Fonds Maurice Thorez, 626 AP 212, CARAN.
78 Ciné Archives, Paris.
79 F. Supplisson. La Promotion du livre par la presse dans les années vingt : critique et publicité littéraires. Maîtrise d’histoire, dir. M. Martin et A. Plessis : Paris-X– Nanterre, 1992, p. 7.
80 Fils du peuple. L’Humanité, 3 octobre 1937, p. 8.
81 M. Cachin. Fils du peuple ! L’Humanité, 26 octobre 1935, p. 1-2.
82 Lettre de Morlaas aux ESI, 27 décembre 1937, Fonds ESI, Arch. du PCF.
83 Lettre de Daniel Clément à M. Thorez, 30 novembre 1937, Fonds Maurice Thorez, 626 AP 212, CARAN.
84 Intervention de Etienne Fajon. Conférence nationale du PCF, Gennevillliers, 21 au 21 janvier 1939, Fonds PCF, AD Seine-St-Denis.
85 Lettre de C. Rappoport à M. Thorez, 8 novembre 1937, Fonds Maurice Thorez, 626 AP 212, CARAN.
86 Fils du Peuple : exemplaires dédicacés par Maurice Thorez, [1938], Fonds Maurice Thorez 212, CARAN.
87 Note, [1938], 19940500/184/3171, CAC.
88 Commissariat spécial du Havre au Préfet de la Seine inférieure, 28 janvier 1938, 19940500/184/3171, CAC.
89 Fils du Peuple : exemplaires dédicacés par Maurice Thorez, [1938], Fonds Maurice Thorez 212, CARAN.
90 Op. cit.
91 L’Humanité, 16 novembre 1937 et 28 décembre 1937, p. 2 et 7.
92 C. Tillon. On chantait rouge. R. Laffont, 1977, p. 229.
93 S. Courtois et M. Lazar. Op. cit., 2000, p. 165. Il y a eu néanmoins un précédent, avec un ouvrage plus volumineux et plus cher : E. Yaroslavski. Histoire du Parti communiste de l’U.R.S.S. (Parti bolchévik), BE, 1931, 540 p. (Bibliothèque du mouvement ouvrier), 20 fr., imprimé en 2 000 exemplaires.
94 Résolution sur le rapport des éditions au Secrétariat politique (29 avril 1934) (adoptée par la commission politique le 15 octobre 1934), 495/78/119, RGASPI.
95 Les éditions manquantes et attendues concernent le portugais, le grec et l’arabe. Le PCF doit en 1939 se charger de l’édition arabe du livre.
96 Notes Secrétariat du 10 juin 1939, IML, 819, Fonds PCF, AD Seine-St-Denis.
97 G. Cogniot, Parti pris. Tome I. Op. cit., p. 443-444.
98 BE, 1939. Fonds Maurice Thorez, 626 AP 55, CARAN.
99 J. Bruhat, « Une histoire du Parti communiste de l’URSS ». L’Humanité, 31 décembre 1938, p. 8.
100 Information. Diffusion du livre l’Histoire du parti communiste de l’URSS, 24 août 1939, 20010216/6/84, CAC.
101 M. Tréand. « L’Histoire du Parti bolchevik et la formation des cadres communistes ». L’Humanité, 12 juin 1939, p. 1-2.
102 Intervention de Georges Cogniot. Conférence nationale du PCF, Gennevilliers, 21-23 janvier 1939, Fonds PCF, AD Seine-St-Denis.
103 Information. Diffusion du livre l’Histoire du parti communiste de l’URSS, 24 août 1939, 20010216/6/84, CAC.
104 32 p., vendue 1 fr. et imprimé à 15 000 exemplaires.
105 Petit Vocabulaire pour faciliter la lecture de l’Histoire du Parti communiste (bolchevik) de l’URSS. BE, 1939, p. 4-10.
106 « » Grand Concours d’émulation » ». L’Humanité, 16 avril 1939, p. 4.
107 Information. Livre intitulé l’Histoire du Parti communiste (bolchevik) de l’URSS, 22 juin 1939, 20010216/6/84, CAC.
108 Une date historique. L’Humanité, 28 mars 1939, p. 4.
109 Bibliographie de la France. Annonces, 28 avril 1939, no 17, p. 1164.
110 Achevé d’imprimé. Histoire du Parti communiste (bolchevik) de l’URSS, précis rédigé par une commission du Comité central du P.C. (b) de l’URSS, BE, 1939, p. 348. (Exemplaire BnF : 8o R 45813.) Il existe aussi une édition établie les Éditions en langues étrangères (Histoire du Parti communiste (bolchevik) de l’URSS, précis rédigé par une commission du Comité central du P. C. (b) de l’URSS. Moscou : Édition en langues étrangères, 1939, 348 p. (Exemplaire BnF : 8o M 26605.)
111 Intervention de Raoul Calas. Comité central du PCF. Ivry, 19-20 mai 1939, f. 378-441. Textes des interventions, dact., Fonds PCF, AD Seine-St-Denis.
112 Renseignements sur la diffusion de l’Histoire du PC(b), mai 1939-février 1940, 200100216/6/84, CAC.
113 G. Valois. « Notes sur mes finances de 1878 à 1938 ». La Coopérative culturelle, juillet [1938], no 9, p. 15-16.
114 L. Moussinac. Situation des ESI, 11 mai 1939, Bureau d’Éditions, 1939, Fonds Maurice Thorez, 626 AP 55, CARAN.
115 Léon Moussinac, Bureau d’Éditions, 7 août 1935, 495/78/136, RGASPI.
116 Lettre de Moussinac du 25 juillet 1935, 495/78/136, RGASPI.
117 Op. cit.
118 L. Moussinac. Situation des ESI, 11 mai 1939, Bureau d’Éditions, 1939, Fonds Maurice Thorez, 626 AP 55, CARAN.
119 P. Fouché. « L’Édition littéraire, 1914-1950 ». Histoire de l’édition française. T. IV : le livre concurrencé, 1900-1950. Fayard– Cercle de la librairie, 1991, p. 226.
120 J.-P. Mazaud. De la librairie au groupe Hachette (1944-1980). Op. cit., p. 123.
121 « À messieurs les librairies ». Bibliographie de la France. Annonces, 16 avril 1937, no 16, p. 1074.
122 Lettre du CDLP à la Publicité littéraire, 14 janvier 1936, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
123 L. Moussinac. Situation des ESI, 1er juin 1939, Fonds Maurice Thorez, CARAN, 626 AP 55.
124 Le Coupe-Papier, novembre 1936, no 1, p. 1.
125 Le Coupe-Papier, décembre 1938, no 7, p. 4.
126 Lettre de Moussinac du 25 juillet 1935, 495/78/136, RGASPI.
127 Édite par les ESI en 1936. Lettre de L. Moussinac à J.-R. Bloch, 30 septembre 1936, NAF, BnF.
128 Lettre de J. Paulhan à J.-R. Bloch, 10 décembre 1937, NAF, BnF.
129 Lettre de L. Moussinac à M. Thorez, 11 mai 1939, Fonds Maurice Thorez, 626 AP 55, CARAN.
130 Valeur en euros constants. Lettre du CDLP à G. Friedmann, 1er juillet 1936 ; - Lettre du CDLP à Hachette, 19 novembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
131 Lettre du CDLP aux Messageries Hachette, 12 décembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
132 En euros constants. Centre de Diffusion du Livre et de la Presse. Vers une organisation méthodique et systématique de la diffusion. CDLP, [ca 1936], p. 5.
133 Lettre du CDLP à la Section d’administration, le 1er juin 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
134 « Questions pratiques pour une diffusion méthodique ». Op. cit.
135 En euros constants. Listes et rapports sur les groupements et associations d’obédience communistes dissous en 1939, s. d., Ba 1928, Arch. PPo.
136 [Feuillet manuscrit], [1939]. Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
137 Valeurs en euros constants. L. Moussinac. Situation des ESI, 11 mai 1939. Fonds Maurice Thorez, 626 AP 55, CARAN. Le volume financier est beaucoup plus important que pour le BE car le prix de vente des ouvrages est au moins dix fois supérieur.
138 Fonds ESI, AD Seine-St-Denis.
139 Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
140 Carte 1.
141 Centre de Diffusion du Livre et la Presse. Vers une organisation méthodique et systématique de la diffusion. CDLP, [ca 1936], p. 5-6.
142 Analyse de 1550 bons de commandes, reçus par le CDLP de janvier 1935 à octobre 1937, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
143 Monde disparaît en octobre 1935.
144 G. Bensan. « Sur la diffusion du Livre et de la presse ». Cahiers du Bolchevisme, 1er mai 1934, no 9, p. 571-574 ; - Lettre aux Éditions France Afrique (Alger), 3 février 36, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
145 Lettre du CDLP à Bensimon, 25 novembre 1935, Fonds CDLP, AD Seine-St-Denis.
146 Analyse de 354 bons de commandes reçus par les ESI, de novembre 1936 à février 1938, Fonds ESI, Fonds PCF, AD Seine-St-Denis.
147 E. Ritaine. Les Stratèges de la culture. Presses de la FNSP, 1983, p. 46.
148 Op. cit., p. 56.
149 J.-P. Brunet. Un demi-siècle d’action municipale à Saint-Denis la Rouge, 1890-1939. Éditions Cujas, 1981, 252 p.
150 S. Rab. Culture et banlieue. Les politiques culturelles dans les municipalités de la Seine (1935-1939). Op. cit., p. 360.
151 Op. cit., p. 360.
152 E. Bellanger. « Spécificité, continuité et uniformisation de la gestion communiste dans les mairies de la Seine ». Des communistes en France, années 1920-années 1960. Publications de la Sorbonne, 2002, 525 p. 293-317.
153 N. Richter. La Lecture et ses institutions, 1919-1989. Plein Chant, 1989, p. 113.
154 L. Guilloux. « Éditions d’État ? » L’Humanité, 14 septembre 1936, p. 8 ; - T. Rémy. « Le goût de la lecture ». L’Humanité, 21 août 1937, p. 8.
155 R. Garmy. « Romans d’évasion ». L’Humanité, 20 mai 1935, p. 4.
156 G. David. « Choisir ses lectures ». L’Humanité, 7 février 1937, p. 8.
157 Maurice Thorez. VIIIe Congrès national du PCF. Lyon – Villeurbanne, 22-25 juin 1936. Comité populaire de propagande, 1936, p. 98.
158 R. Garmy. « Romans d’aventure ». L’Humanité, 1er juillet 1935, p. 4.
159 L. Guilloux. « Attaque au feuilleton ». L’Humanité, 7 juin 1936, p. 8.
160 T. Rémy. « Le roman populaire ». L’Humanité, 14 juin 1936, p. 8.
161 R. Garmy s’est en effet lancé dans ce genre (Il était une mine. ESI, 1936, 333 p. coll. Horizons). Il est suivi, quelques mois plus tard par J. Fréville avec Pain de brique (Flammarion, 1937, 249 p.) et Port-Famine (Flammarion, 1939, 261 p.).
162 Maurice Maindron (1857-1911) est un spécialiste du roman d’aventure à la Belle Époque.
163 J. Fréville. « Vers un renouveau du roman historique ». L’Humanité, 2 janvier 1937, p. 8.
164 F. Lhomeau. « Les débuts de la Série Noire ». 813, 1995, no 50-51, p. 5-17.
165 P. Nizan. « Décadence et renaissance du roman policier ». L’Humanité, 4 mai 1937, p. 7.
166 G. David. « Des livres pour les ouvrières ». L’Humanité, 27 novembre 1937, p. 8.
167 Rapport confidentiel, 4 novembre 1935, 495/78/136, RGASPI.
168 « Les Organisations d’enfants. Volume 2 ». Les Cahiers du contre-enseignement prolétarien, septembre 1933, no 14.
169 G. Sadoul. « Livres pour la jeunesse ». L’Humanité, 19 juillet 1936, p. 8.
170 G. Sadoul. « La Presse enfantine ». Commune, décembre 1936, no 40, p. 488-496 ; - Id. « Parents, connaissez-vous les illustrés que lisent chaque semaine 3 millions d’enfants français ? La presse enfantine française, sa structure ». L’Humanité, 17 avril 1937, p. 8.
171 G. Sadoul. Ce que lisent vos enfants : la presse enfantine en France, son histoire, son évolution, son influence. BE, 1938, 56 p.
172 Op. cit., p. 22.
173 Informations : Écoles communistes. Circulaire confidentielle sur l’organisation rationnelle de l’éducation des militants communistes, 12 novembre 1938. 20010216/11/172, CAC.
174 G. Sadoul. « Fils du peuple : les questions littéraires et culturelles dans le livre de Maurice Thorez ». L’Humanité, 27 novembre 1937, p. 8.
175 Informations : Écoles communistes. Circulaire confidentielle sur l’organisation rationnelle de l’éducation des militants communistes, 12 novembre 1938, 20010216/11/172, CAC.
176 « L’Étude de la philosophie matérialiste ». La Vie du Parti, 1re quinzaine de février 1938, no 2, p. 4.
177 De la sainte Russie à l’URSS. La Vie du Parti, août 1938, no 14-15, p. 2.
178 G. Cogniot. Comité central du PCF (Ivry, 19-20 mai 1939), p. 1006-1035.
179 A.-M. Chartier et J. Hébrard. Discours sur la lecture : 1880-2000. BPI-Centre Pompidou– Fayard, 2000, p. 26-27.
180 M. Rebérioux. « Conscience ouvrière et culture ouvrière en France entre les deux guerres mondiales ». Historiens et géographes. Octobre 1995, no 350, p. 219-230.
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