1 Ces chiffres sont élaborés à partir d’une définition des plus restrictives de la pauvreté: une famille de quatre personnes est considérée comme vivant au-dessus du seuil de pauvreté lorsqu’elle dispose, par jour et par personne, de 70 cents pour la nourriture et de 1,40 $ pour le reste (en dollars de 1963), soit un revenu total de 60 $ par semaine. Mollie Orshansky, « Counting the Poor: Another Look at the Poverty Profile ». Cet article offre une excellente analyse de la pauvreté du point de vue des statistiques et des définitions produites.
(Afin d’éviter les répétitions, les notes de bas de page ne mentionnent que les noms des auteurs et les titres. Pour disposer de l’intégralité des références voir la bibliographie.)
2 Cf. note 16 p. 37.
3 Dans « Youth in Their Groups in Different Settings », par exemple, Muzafer et Carolyn Sherif soulignent que « nous disposons de nombreuses théories sur les “sous-cultures délinquantes” qui ont peu à voir avec les membres de ces sous-cultures ou leur expérience sauf lorsqu’ils sont pris dans les filets de la statistique » (p. 38-39). Lorsqu’il considère la difficulté qu’il y a à parvenir à établir des critères satisfaisants pour définir les « classes populaires », S. M. Miller dit que « nous manquons de données de base sur les pauvres et sur les personnes économiquement et familialement instables » (« The American Lower Classes – A Typological Approach », p. 5).
4 Albert K. Cohen et Harold Hodges Jr., « Characteristics of the Lower-Blue-Collar-Class », p. 333. John Rohrer et Munro Edmonson expriment des doutes similaires au sujet de leurs entretiens: « Nous avons, également, noté et de façon encore plus prononcée, qu’il est difficile d’attirer les personnes des classes populaires dans les modes de participation de la classe moyenne que ne manquent pas d’imposer nos entretiens » (« The Eighth Generation: Cultures and Personalities of New England Negroes », p. 309). S. M. Miller et Frank Reissman mettent en exergue les dangers qu’il y a à considérer que les réponses puissent avoir le même sens pour un enquêté membre des classes populaires que pour un enquêté de la classe moyenne (« The Working-Class Subculture: A New View », p. 92). Sur ce point, voir également Oscar Lewis, The Children of Sánchez, p. XXVII. Hylan Lewis revendique la valeur de l’entretien, mais ajoute que « l’entretien formel unique ne permet pas d’obtenir certaines des informations dont nous avons désespérément besoin [dans les recherches sur les familles dotées de bas revenus]… à présent… il est absolument nécessaire d’être conscient du fait – et de tenter de garder la trace et d’interpréter – de la complexité, du changement et de la variabilité dans l’organisation et la vie des familles [à faibles revenus] » (« Discussion of [Marion R. Yarrow’s] “Problems of Methods in Family Studies” », p. 4).
5 L’étude intitulée « Child Rearing Practices Among Low Income Families in Washington, D. C. » susmentionnée (N. D. T.).
6 À savoir la période durant laquelle je travaillais pour l’étude sur l’éducation des enfants. Toutefois, les relations personnelles nouées sur le terrain, ne prirent pas toutes fin lorsque je n’eus plus de liens avec la Child Rearing Study. Bon nombre d’entre elles existaient toujours au moment même où j’écrivais ce livre. J’ai puisé librement dans ces relations continues afin de trouver des exemples particuliers ainsi que dans le but d’avoir un point de vue sur la durée.
7 Cette procédure, selon laquelle les « observations sont accessibles et les interprétations sont ensuite appliquées aux données », est appelée « l’interprétation sociologique post factum » par Robert K. Merton. Selon lui, de telles explications « restent au niveau du plausible (faible valeur de preuve) plus qu’elles ne conduisent à des « preuves convaincantes » (fort degré de confirmation) » et « la preuve documentaire illustre plus qu’elle ne vérifie la théorie » (Social Theory and Social Structure, p. 93-95). On pourrait toutefois arguer que le moment selon lequel est formulée l’hypothèse n’est pas pertinent; que la validation d’hypothèses, que celles-ci aient été formulées ante ou post factum, est toujours liée à leur reproduction future et que la seule restriction valable au fait de formuler une hypothèse ou une explication soit qu’elle corresponde aux données. Même si l’on considère que Merton a raison – l’argument est, après tout recevable – je pense pour ma part et en l’état de la recherche, que nous ne pouvons nous permettre de prendre pour acquises des explications du comportement humain qui ne sont « que plausibles ». Pour une excellente analyse de la question, cf. Herbert J. Gans, The Urban Villagers, p. 347-348 et Howard S. Becker, « Problems of Inference and Proof in Participant Observation ».
8 L’importance des étiquettes de rôles ou des noms de rôles (« père », « amant ») est soulignée par S. F. Nadel: « Ce sont souvent les noms couramment utilisés dans la société pour parler de différents types de classes ou de personnes qui nous suggèrent, en premier lieu, l’existence de rôles respectifs » (The Theory of Social Structure, p. 33).
9 Voir annexe: « Retour sur une expérience de terrain ».
10 Ces caractéristiques ont été extraites de Walter Miller « Cultural Features of an Urban Lower Class Community ». Miller définit la cellule familiale « reposant sur les femmes » comme étant « celle dans laquelle l’homme qui joue le rôle du “père” est soit absent du foyer, soit ponctuellement présent, soit, lorsqu’il est présent, ne participe que de façon minimale et inconséquente au soutien de la famille et à l’éducation des enfants. Elle est habituellement composée d’une ou plusieurs femmes en âge de procréer, ayant souvent des liens de parenté […] du fait des liens du sang ou de liens matrimoniaux, et comprend souvent deux générations de femmes ou plus; par exemple, la mère et/ou la tante de la génitrice principale. » Il définit le modèle de mariage « monogame en série » comme celui où « une femme en âge de procréer a une succession de partenaires temporaires, entre deux et six ou plus, durant les années où elle peut avoir des enfants » (p. 13, note). Voir également Walter B. Miller, « Implications of Urban Lower-Class Culture for Social Work ».
11 Washington D. C. a longtemps été l’un des principaux endroits où s’arrêtaient les Noirs qui remontaient la côte est en venant de l’Alabama, de la Géorgie, de la Caroline du Nord et de celle du Sud et de Virginie. En 1963, c’était la seule grande ville du pays dans laquelle vivaient plus de Noirs que de Blancs. En 1962, sa population s’élève à 791 900 personnes dont 452 200 non blanches. Ces chiffres concernent les personnes qui résident dans la ville. Les jours de semaine, la ville et ses banlieues périphériques du Maryland et de Virginie connaissent un échange de population. Le matin, les femmes noires quittent la ville pour aller travailler en tant que domestiques dans les banlieues. En échange, des hommes en col blanc viennent en ville. À la fin de la journée, chacun retourne dans sa zone de résidence respective.
12 Ensemble des musées et galeries situés de part et d’autre l’artère centrale qui va du Capitole au Washington Monument et qui appartiennent à la Smithsonian Institution, un établissement public à vocation de recherche et de développement fondé en 1846 grâce aux dons du scientifique britannique James Smithson (N. D. T.).
13 Les storefront churches sont caractéristiques de l’histoire des communautés noires américaines. Dans la période des lois de ségrégation Jim Crow, les églises liées à une communauté ont constitué une source essentielle de soutien spirituel et social pour les Noirs du Sud des États-Unis. Même l’église la plus pauvre était dirigée par des Noirs et offrait un lieu de rassemblement et de coopération aux membres de la communauté. Après la guerre civile, les églises noires du Sud ont constitué des congrégations et des associations indépendantes et ont refusé de rejoindre les églises dirigées par des Blancs en raison de la ségrégation qui y était pratiquée. Lors de l’immigration noire vers le nord du pays, l’afflux de population suscita, dans les villes du Nord, une pénurie d’églises ainsi que des tensions entre les nouveaux arrivants pauvres et les paroissiens plus aisés déjà installés. En réponse, les congrégations urbaines nouvellement créées se réunirent dans des maisons particulières et des magasins qui s’apparentaient aux églises de leurs villes d’origine. Après plusieurs décennies, et en dépit d’une sécularisation croissante, les églises à devanture de magasin et les églises communautaires ont gardé une grande influence sur les communautés noires car elles offrent souvent une aide financière et éducative en plus de l’aide spirituelle classique (N. D. T).
14 Il s’agit du « 1960 Index of Social and Economic Deprivation of Neighborhoods in the District of Columbia ».
15 Ils sont nombreux à l’être mais pas tous. Il existe, par exemple, toute une palette de conditions de vie. À une extrémité, on trouve la famille de onze personnes, avec sept enfants, tous énurétiques, vivant dans une pièce et dormant dans un lit, un lit pliant et sur le sol. À l’autre extrémité, on trouve la famille de quatre personnes qui subvient à ses besoins et vit dans un trois pièces immaculé dont les fenêtres arborent des rideaux fleuris et dont le salon est animé par le chant d’un canari ou la musique d’une chaîne stéréo. Bien que la palette soit large, elle est bien plus fournie du côté des logements surpeuplés et aux murs décrépis.
16 Cette étude offre donc une vision partielle des hommes des environs du Carry-out puisque, en adoptant la position avantageuse de l’homme du coin de la rue, elle ignore ceux qui sont invisibles. Il est difficile de dire combien sont ces hommes et, pour les avoir rencontrés, je sais qu’il y en a certains. J’ai le sentiment que ces hommes sont plus nombreux qu’on ne le pense généralement, mais qu’ils sont moins nombreux que ce que présentent les recensements. Dans ces derniers, la proportion de travailleurs stables et d’hommes ayant une famille tend à être survalorisée car, souvent, on ne compte pas les hommes qui sont au coin de la rue et sont plus souvent au chômage et moins stables. Ainsi un rapport du Ministère du travail sur les familles noires (le rapport Moynihan) affirme catégoriquement que de nombreux hommes noirs (dotés de faibles revenus) « sont tout simplement absents lorsque l’agent de recensement se présente ». Le rapport remarque que « Donald Bogue et ses associés, qui ont étudié les chiffres fédéraux sur les hommes noirs, établissent que la marge d’erreur atteint le pourcentage élevé de 19,8% pour les personnes âgées de 28 ans » (« The Negro Family: The Case for National Action », p. 43).
17 Le half-smoke est un type de sandwich composé d’une saucisse légèrement plus grande que celle servie dans le hot-dog ordinaire. Cette spécialité de la ville de Washington et de ses environs est habituellement faite de viande de porc ou de bœuf (ou parfois des deux) grossièrement hachée, épicée et servie grillée ou à la vapeur dans un pain de la forme de celui des hot-dogs (N. D. T.).
18 Dans la semaine, le magasin est ouvert de huit heures du matin à minuit. Le vendredi et le samedi, jusqu’à quatre heures du matin. Le dimanche, il n’ouvre qu’à partir de quatorze heures. En plus des hamburgers et hot-dogs, on peut aussi se faire servir des soupes (en boîte) chaudes, des sandwiches au poisson pané et toutes sortes d’assiettes anglaises. Le week-end (le vendredi est souvent jour de paye), et les jours qui suivent de près la remise des chèques de la Sécurité sociale et de l’Aide aux personnes dépendantes (Aid to Dependent ou ADC), les personnes qui mangeaient des hamburgers et des half-smokes changent parfois pour des sandwichs garnis de côtelettes de porc ou de steaks. Le soir, il y a parfois quelqu’un qui vient commander une boîte de fruits de mer cuisinés ou de poulet frit à emporter. On peut aussi y acheter des glaces, des bonbons ou des pieds de porc marinés, des chips de maïs, des chips de couenne de porc, du chewing-gum, du tabac à chiquer, et de la poudre BC ou Stanback pour les maux de tête. Pour ceux qui arriveraient après la fermeture à vingt et une heures du supermarché Safeway à proximité (ou le dimanche), on y trouve du pain, du lait, des produits de base en conserve, du papier toilette, des serviettes hygiéniques, de la lessive, de l’amidon et autres articles divers. Il est probable que l’amidon ordinaire de teinturerie soit parfois acheté autant pour être mangé que pour servir au nettoyage. Que je sache, seules les femmes mangent de l’amidon. Une femme enceinte peut manger jusqu’à quatre ou cinq boîtes d’amidon Argo Gloss en un jour.
19 Cette belle expression descriptive est extraite de Josephine Klein, Samples from English Cultures, vol. 1, p. 142.
20 Aux États-Unis, le cycle scolaire du secondaire supérieur se découpe en quatre années qui vont de la classe de troisième (ninth grade), intitulée freshman, à celle de terminale (twelfth grade) dénommée senior, en passant par la seconde (sophomore) et la première (junior) [N. D. T.].
21 L’un de ses deux enfants est mort pendant la durée de cette étude. Voir p. 105.
22 Diplôme obtenu après les quatre années de lycée (High school) [N. D. T.].
23 Voir p. 111.