Remarques sur les transferts culturels franco-britanniques au XVIIIe siècle
p. 453-467
Texte intégral
1En septembre 2003, un colloque tenu à l’université de Paris-Sorbonne conviait les chercheurs français et britanniques à une réflexion autour de la question suivante : « Les idées passent-elles la Manche1 ? » Étant donné l’histoire agitée des relations franco-britanniques, l’interrogation était légitime. Une période pouvait toutefois passer pour étrangère à cette problématique. Personne n’ignore que le dix-huitième siècle français est celui de la découverte de l’Angleterre. Au milieu du siècle, le phénomène a pris une telle dimension qu’il en affecte la langue française avec ce néologisme placé en titre d’une brochure viscéralement anglophobe et anti-voltairienne : le Préservatif contre l’anglomanie de Fougeret de Montbron (1757)2.
2Tandis que dans l’Hexagone l’intérêt pour l’Angleterre trouve un nom de baptême aux connotations dépréciatives, les amis de la France sont l’objet d’un rejet similaire dans l’île voisine. L’année de la parution du Préservatif contre l’anglomanie voit la sortie en Grande-Bretagne du pamphlet de John Brown, An Estimate of the Manners and the Principles of the Times. Tonnant contre la décadence morale qu’il croit percevoir autour de lui, Brown accuse la France d’avoir dénaturé sa nation. En traversant la Manche et en adoptant les mœurs françaises, les Britanniques seraient devenus un peuple efféminé qui aurait renoncé à sa liberté3. Une gravure satirique fait écho à ces propos. Intitulée My Lord Tip-Toe just arrived from Monkey-Land, elle nous donne à voir un aristocrate britannique revenu métamorphosé de son séjour au « pays des singes ». Conquis par les mœurs françaises, Lord Tip-Toe a jeté aux orties son englishness pour se transformer en un de ces « Macaronis », ces proto-dandys qui scandalisent les braves sujets du roi George par leur costume et leur coiffure furieusement excentriques4.

3Pour exagérées qu’elles apparaissent, ces réactions sont une belle illustration de la vitalité des relations culturelles franco-britanniques au siècle de Voltaire et de Hume. Tandis qu’en Grande-Bretagne, une partie des élites montre une nette inclination pour la culture française, la France voit s’amplifier le phénomène que Fougeret de Montbron regarde comme une « manie ».
4La découverte d’Albion par les Français du XVIIIe siècle a produit plusieurs travaux de qualité5. Mais en privilégiant la piste de l’influence, leur approche a parfois vieilli. Se borner à déceler l’influence d’une œuvre ou d’un corpus idéologique revient à poser le postulat de la passivité du récepteur. Or, tout transfert culturel s’accompagne nécessairement d’un tri, d’une sélection, d’une hiérarchisation, d’une relecture parfois teintée d’erreurs. Et ce processus peut aboutir, cas extrême, à une réappropriation d’une telle amplitude que l’objet du transfert en devient presque méconnaissable. Le cas du modèle politique britannique, examiné au terme de cette étude, le montre avec force.
Les contours incertains de l’Angleterre francophile
5Même si le phénomène n’est pas comparable avec l’anglophilie, le transfert de la culture française en Grande-Bretagne mérite une mise au point. Mise au point à vrai dire malaisée car de nombreuses zones d’ombre subsistent. Constatons d’entrée de jeu une lacune étonnante : la question de la réception en Grande-Bretagne de la philosophie des Lumières attend toujours son historien6. Le courant francophile, pour sa part, a fait l’objet d’une seule étude, celle de Robin Eagles7. L’ouvrage s’inscrit dans le contexte historiographique de la fin des années 1990 marqué par les travaux de Gerald Newman et de Linda Colley sur l’affirmation de l’identité nationale8. Répondant à ces historiens, Eagles soutient que la francophilie et le cosmopolitisme aristocratiques constituent les éléments dominants de la culture britannique pendant les années qui précèdent la Révolution française9. Comme on le verra, il faut nuancer ce jugement qui témoigne d’un zèle révisionniste excessif.
6Il est dommage qu’Eagles débute son étude en 1748. C’est en effet sous les Stuarts, et en particulier à la Restauration (1660-1688), que la France commence à exercer une attraction sur une partie des élites anglaises10. Malgré un contexte politique défavorable en raison de la menace jacobite, la francophilie de l’aristocratie et de la gentry anglaises reste une constante culturelle au début du dix-huitième siècle. En visite en Angleterre en 1754 et ne sachant pas l’anglais, le jeune comte de Gisors est ravi de constater que la plupart de ses interlocuteurs s’expriment sans effort en français. À l’opéra, Gisors se croit à Paris : « Il n’y avoit au reste que des gens de tres bonne compagnie mis à la françoise, et pas un de ceux à côté de qui j’étois qui ne parlat François11. »
7Jusqu’au milieu du siècle, le facteur politique contrarie cependant les transferts culturels transmanche. Montrer son penchant pour la culture française n’est pas sans risque : l’on peut alors passer pour un admirateur du « despotisme » bourbonien, ou, pire, pour un partisan du Prétendant Stuart. Même des Whigs bon teint comme le duc de Newcastle ou Carteret sont la cible des critiques, le premier parce qu’il emploie un cuisinier français, le second parce qu’il préfère le vin de Bourgogne au porto12. C’est au début de la guerre de Sept Ans que l’offensive contre la francophilie des élites connaît son paroxysme. Argument de poids de l’opposition patriote, les penchants pro-français de l’oligarchie sont brandis comme la preuve éclatante de la trahison de l’équipe dirigeante. En 1756, une caricature représente le Premier ministre, le duc de Newcastle et le secrétaire d’État Henry Fox arborant des fleurs de lys. Au même moment, John Brown se déchaîne contre l’introduction au pays du pudding, du roast beef et de la bière, de mets dégénérés « qui ne sont pas ceux qui nourrissent, mais ceux qui irritent, ceux qui enflamment le plus la sensualité13 ». Fait significatif : le seul trait positif de cette France tant honnie est la conduite de l’opposition politique à Louis XV. Au milieu du siècle, alors que l’opposition des Cours souveraines se durcit au royaume du Bien Aimé, Horace Walpole, Lord Egmont ou encore Pitt l’Ancien ne tarissent pas d’éloges sur l’action des parlementaires qu’ils présentent comme des exemples dignes d’émulation14.
8Robin Eagles a raison de situer l’apogée du courant francophile au cours des années 1770-1780. Un des vecteurs les plus puissants des transferts culturels, le voyage, stimule indubitablement l’élan francophile. Après la paix de Paris de 1763 qui met fin à la guerre de Sept Ans, le rituel du Grand Tour reprend et s’intensifie15. L’afflux touristique en terre française atteint une telle dimension qu’il produit les premiers guides de voyages. En 1766, Philip Thicknesse publie ses Observations on the Customs and Manners of the French Nation, prototype d’un genre appelé à connaître la fortune que l’on sait.
9Comme c’est le cas en France au même moment, cette francophilie prend la forme d’une mode vestimentaire : en Angleterre, les années 1770 sont l’âge d’or des Macaronis. À l’instar de Charles James Fox16, de nombreux rejetons de l’aristocratie et de la gentry arborent les formes les plus extravagantes de la mode parisienne, en particulier les perruques exagérément hautes et colorées. L’attirance pour la France possèderait aussi une teinte politique : beaucoup de francophiles appartiennent au parti des Rockingham Whigs. Horace Walpole, Edmund Burke, le duc de Richmond, Charles James Fox, Lord Holland, Lord Fitzwilliam, ou encore Lord Spencer sont connus pour leurs fréquents séjours en France et leurs liens avec les élites et les hommes de lettres de l’Hexagone. L’attirance pour la France dépasse néanmoins le camp de l’aristocratie whig. C’est sans doute chez Lord Shelburne, chef de file du parti chathamite après la mort de Pitt l’Ancien, que l’on trouve l’exemple le plus abouti de politicien ouvert aux idées françaises17.
10Si la réalité du courant francophile ne peut être mise en doute, il convient cependant de ne pas exagérer sa dimension. En tout premier lieu, l’on est en droit de critiquer l’appellation qui désigne ce phénomène. « Francophilie » est un terme qui suggère une attitude largement positive envers le pays voisin. Or, comme c’est par exemple le cas chez Pitt l’Ancien, l’on peut simultanément être sensible à la littérature française et défendre une politique étrangère résolument hostile à la France. Sur ce point, l’attitude de Charles James Fox se situe dans la droite ligne de celle du Great Commoner. En 1787, lors de débats sur le traité de commerce Eden-Rayneval, on le voit s’élever avec force contre l’accord en clamant de manière péremptoire que la France est appelée à demeurer l’ennemie naturelle de la Grande-Bretagne.
11Mais s’il est un signe indiquant la faiblesse du flux culturel transmanche allant de Boulogne à Douvres, c’est bien la taille du groupe des admirateurs de la France. La francophilie reste circonscrite à une partie – et cette partie ne semble pas majoritaire – de l’aristocratie, de la gentry et de la sphère lettrée. Jusqu’à la veille de la Révolution française, cette poignée de francophiles fait pâle figure face au gros de la nation britannique, qui, comme l’ont bien montré les études récentes, reste viscéralement gallophobe18. Il faut attendre 1792, avec l’avènement des sociétés politiques populaires soutenant la Révolution française pour voir surgir une nouveauté insigne : la conversion aux charmes de l’ennemie naturelle d’une partie du peuple19, un peuple qui, jusqu’alors, n’avait pas de mots assez durs pour les wooden shoes et autres French dogs. Et encore doit-on rester prudent. Sans l’ombre d’un doute, le ralliement à la France de ces Friends of Liberty est sincère. Il n’en reste pas moins que l’ouvrage qui a facilité cette mutation culturelle n’est autre que le second tome des Rights of Man. Son auteur, Tom Paine, est un sujet du roi George. Ce détail n’est en rien anecdotique.
Une vue d’ensemble du siècle anglais
12Si l’ouverture de la France à la culture britannique a suscité tant de travaux, c’est que le phénomène a de quoi fasciner : l’on assiste, en l’espace de deux générations, à une mutation culturelle capitale. Vers 1660, comme l’a bien montré Georges Ascoli, la méconnaissance de l’Angleterre n’est certes pas totale20. L’île voisine ne constitue cependant pas la destination première, ni encore moins le terrain d’études privilégié des Français. Et que dire de la langue de Shakespeare ? En 1702, Leibniz constate en le déplorant le tropisme méridional des sujets de Louis XIV : « Les François ont tort d’apprendre seulement l’Espagnol et l’Italien, et de négliger l’Anglois avec les autres langues du Nord21. » Leibniz n’exagère pas. En témoigne l’attitude de Saint-Évremond qui, pendant les quarante années de son exil londonien, n’a pas daigné apprendre cette langue barbare qu’est l’anglais.
13En dépit des efforts des abbés Desfontaines, Le Blanc et Prévost, de ceux de Voltaire et de son ennemi Fréron pour inciter les Français à se familiariser avec la langue de Milton, la méconnaissance de l’anglais perdure jusqu’au milieu du siècle. Le Dictionnaire royal anglais et français d’Abel Boyer, publié pour la première fois en 1699, n’est réédité qu’à deux reprises aux Provinces-Unies. Il faut attendre 1756 pour que cet outil fondamental soit enfin publié en France. Face à l’Angleterre, la grande majorité des Français ressemble à ce personnage de la comédie de Louis de Boissy, Le Français à Londres (1727), qui reproche aux Anglais d’avoir « l’air étranger22 ».
14L’on ne prend aucun risque en affirmant qu’au début du dix-huitième siècle, nombreux sont les Français qui détestent l’Angleterre et les Anglais23. Il est impossible de dresser ici le tableau détaillé de cette composante essentielle de l’outillage mental des Français. L’anglophobie se manifeste par une série de lieux communs et de clichés qu’on voit inlassablement, au fil des époques, se répéter dans nos sources. La nation anglaise est présentée comme l’exacte antithèse des qualités insignes des Français. En Angleterre règnent l’impolitesse, la rudesse et la violence des comportements, l’absence de tout scrupule, l’appât du gain, la mauvaise foi, l’orgueil et l’arrogance. Ces préjugés trouvent naturellement leur source dans l’histoire des deux peuples, et en premier lieu dans les guerres. En sommeil au début de l’époque moderne, le statut d’ennemi héréditaire est brutalement ravivé en 1689 quand débute ce que certains historiens appellent la seconde guerre de Cent Ans (1689-1815).
15Mais les relations agitées entre les deux pays n’expliquent pas à elles seules la force et la ténacité du sentiment anglophobe. Les deux premiers siècles de l’époque moderne nous livrent un curieux paysage, quand on compare les évolutions respectives de la France et de l’Angleterre. Tout se passe comme si les deux nations cherchaient à se distinguer à tout prix l’une de l’autre. Fruit de ces itinéraires divergents, l’incompréhension grandit avec le temps. À la lecture des rapports des diplomates français en mission à Londres, elle paraît totale en 1665. Rien ne semble trouver grâce aux agents du Roi Soleil : règne de l’« hérésie » anglicane, peuple grossier et violent, vie culturelle méprisable (le théâtre de Shakespeare choque nos diplomates), confusion sociale, forme de gouvernement aberrante et dangereuse24.
16Cette Angleterre foncièrement étrangère commence néanmoins à fasciner. Il faut insister sur le rôle pionnier du Refuge huguenot. En livrant aux Français les premières traductions des œuvres philosophiques anglaises, Abel Boyer, Pierre Coste, Pierre Des Maizeaux ou encore Jean Le Clerc se présentent comme des intermédiaires essentiels dans les transferts culturels transmanche qui voient le jour pendant la « crise de la conscience européenne25 ». Il convient aussi de souligner l’importance de certains passeurs, tel Lord Bolingbroke, cet ancien ministre tory de la reine Anne devenu persona non grata du régime hanovrien pour cause de jacobitisme. Son rôle est essentiel dans la formation initiale de Montesquieu, et, peut-être, du jeune Arouet26.
17La Régence voit s’affirmer la métamorphose d’Albion. Avec le rapprochement diplomatique, les deux pays voient se renouer des liens distendus depuis plusieurs décennies. La France et l’Angleterre connaissent aussi une singulière convergence. Convergence politique, avec la question dynastique qui hante les sphères dirigeantes, convergence économique et financière avec l’appel du grand large et l’extraordinaire flambée spéculative. Enfin, facteur décisif dans la naissance du modèle politique britannique, la nation voisine, au sortir de la guerre de Succession d’Espagne, est source d’étonnement. Parvenue en deux décennies au rang de puissance internationale de premier plan, Albion excite la curiosité des Français qui s’interrogent sur les raisons de ce miracle27.
18Avec la première génération des Lumières, la découverte livresque se mêle étroitement aux expériences sur le terrain. En France, s’accélère la connaissance de l’Angleterre et commence l’imitation de certains traits distinctifs de l’île voisine. Marivaux se lance dans une carrière journalistique placée sous la bannière tutélaire de Steele et d’Addison. Bientôt viennent les premières modes littéraires : robinsonnades et succédanés de Gulliver. Les contacts personnels, enfin, renforcent la curiosité intellectuelle. Dès le début des années vingt, pointe l’image séduisante d’une Angleterre à l’avant-garde de la vie artistique. Il ne reste plus aux jeunes loups de la République des Lettres qu’à aller vérifier leurs hypothèses sur les bases du miracle britannique.
19Sur bien des points, les Lettres philosophiques (1734) ne sont pas très novatrices : les emprunts de Voltaire aux Lettres sur les Anglais et les Français de Béat-Louis de Muralt (1725) ont depuis longtemps été signalés. La parution et la diffusion des Lettres philosophiques voient néanmoins les débuts de l’édification d’une Angleterre sublimée, d’une Albion reconstruite à des fins essentiellement hexagonales (éloge du pluralisme religieux, de la fluidité sociale, de la monarchie tempérée, et, last but not least, de la place éminente qu’occupe l’homme de lettres dans la société).
20Jusqu’au milieu du siècle, et en dépit du beau succès de librairie des Lettres philosophiques28, l’Angleterre sublimée par les soins de Voltaire n’est certainement pas devenue la doxa. Plus d’un voyageur, à l’image du jeune comte de Gisors, qui, manifestement, n’a lu ni Voltaire, ni Montesquieu, ni l’abbé Le Blanc avant son séjour en Angleterre, continue de traverser le Channel sans idées préconçues29. C’est après 1760 que l’on voit apparaître une mutation sensible. La popularité des ouvrages sur l’Angleterre est telle qu’il devient de plus en plus difficile d’effectuer ses pérégrinations sans être marqué par les lectures qui ont précédé le séjour en terre d’Albion, les Lettres de Voltaire ou celles de Le Blanc, d’essais sur un pays méconnu, se transformant alors en guides de voyage. Le séjour d’Helvétius en Grande-Bretagne (1764) est un exemple parlant de cette visite sous influence. À la lecture des lettres qu’il adresse à sa femme, Helvétius ne paraît avoir vu de l’Angleterre que ce qu’il voulait y trouver. D’abord surpris et déçu par la corruption qu’il découvre au sein du monde politique, vite, il se ravise : l’Angleterre est un havre de liberté où l’âme et les poumons « ont plus d’élasticité » qu’en France ; un pays d’opulence où « tout le monde […] est à son aise », y compris les paysans, qui, tous, insiste Helvétius, mangent de la viande ; un pays, enfin – et la corruption a été entièrement oubliée – supérieur à la France par sa constitution politique30.
21Tandis que le voyage en Albion est un train de se transformer en pèlerinage à Salente, voit le jour une littérature mettant en garde les Français contre le mirage britannique. Mettant en scène les déboires en Albion de deux jeunes gens intoxiqués par les idées des philosophes, le roman de Le Suire, Les Sauvages de l’Europe (1760), est encore plus catégorique que le pamphlet de Fougeret de Montbron dans sa position résolument antianglaise et anti-anglophile.
22Cette littérature a-t-elle eu des effets sensibles ? L’on connaît certes des exemples de voyageurs déçus. C’est le cas du baron d’Holbach sur lequel je reviendrai bientôt. Mais tout indique qu’après 1760, l’anglophilie est en train de se transformer en anglomanie. En 1763, avec la paix de Paris et la reprise des relations normales entre les deux peuples, le flux de voyageurs se densifie : retenons les noms d’Emmanuel de Croÿ et d’Élie de Beaumont, qui effectuent la traversée du Channel dans les mois qui suivent la paix de Paris et qui nous ont laissé leur journal de voyage31. De terra incognita, l’Angleterre est devenue en l’espace de quelques décennies la destination obligée de tout voyageur de marque. Elle est aussi devenue cet espace de liberté situé « à cent lieues de la Bastille » où s’est réfugiée une colonie d’aventuriers des lettres spécialisée dans les libelles scandaleux contre le roi de France et sa cour32.
23Tout comme Albion connaît la fureur du macaronisme, la France voit à partir des années 1770 se développer un engouement pour les us et coutumes insulaires. Le thé, le punch, le whist, le costume et les jardins à l’anglaise, les courses de chevaux, l’enthousiasme pour les pièces de Shakespeare : telles sont les formes les plus ostensibles de la « manie » dénoncée aussi bien par des Français inquiets de voir leur culture nationale dénaturée que par des écrivains anglophiles déçus par la futilité de leurs compatriotes. « Ne nous resterait-il pas à adopter toute autre chose que le Punch, les Jockeis, et les scènes du grand Shakespear ? », s’exclame Louis-Sébastien Mercier33. Comme beaucoup d’anglophiles sincères, l’auteur du Tableau de Paris est navré de constater que dans le flux transmanche, l’essentiel a été laissé de côté. Derrière ce « toute autre chose » se profilent les particularités politiques d’Albion.
La France plus qu’anglaise, ou les avatars du modèle politique britannique34
24C’est après 1689 que commence à se manifester un intérêt grandissant pour la politique d’outre-Manche. Tête pensante du cercle d’aristocrates opposés à la monarchie absolue, Fénelon n’a jamais fait ouvertement l’apologie du système politique anglais. Mais l’œuvre du Cygne de Cambrai, de Télémaque aux multiples projets ou mémoires pour le duc de Bourgogne, laisse constamment apparaître un modèle en puissance35. Le projet aristocratique, tel qu’il apparaît dans les fameuses Tables de Chaulnes destinées au duc de Bourgogne, est fondé sur l’idée maîtresse de restauration de la constitution originelle de la France. Son objectif est d’aboutir à une monarchie bornée par les corps du royaume. La révolution anglaise de 1688, cette révolution au sens astronomique du terme puisqu’elle aboutit à la restauration des franchises et privilèges du Parlement, peut dès lors être regardée avec intérêt. Si l’on suit le chevalier de Ramsay, Fénelon aurait bel et bien poussé l’analyse politique dans cette direction. Ses conseils prodigués au prétendant Stuart en 1709 et publiés pour la première fois en 1727, montrent de manière saisissante la genèse d’un modèle politique, et ce jusqu’à l’énonciation d’une formule qui figurera presque inchangée dans les Lettres philosophiques :
« Il lui tint sur la politique le même langage que Mentor tient à Télémaque. Il lui fit voir les avantages qu’il pouvait tirer de la forme du gouvernement de son pays et des égards qu’il devait avoir pour son sénat. Ce tribunal, dit-il, ne peut rien sans vous. N’êtes-vous pas assez puissant ? Vous ne pouvez rien sans lui. N’êtes-vous pas assez heureux d’être libre pour faire tout le bien que vous voudriez, et d’avoir les mains liées quand vous voulez faire le mal36 ? »
25L’Angleterre offre une réponse tangible et vivante aux interrogations politiques. L’évolution du système politique britannique au terme du dixseptième siècle semble montrer aux nostalgiques du passé ce qu’aurait pu être la France si Richelieu n’avait pas existé ou si Louis XIV avait tenu compte des conseils prodigués par Fénelon en 1693. Dès avant 1715, se mettent en place les bases idéologiques d’une anglophilie politique dont l’enjeu est capital. Il s’agit, ni plus ni moins, de trouver une alternative viable à une forme de gouvernement qui paraît avoir échoué sur l’écueil diplomatique, militaire et politique.
26Avec les Lettres philosophiques puis L’Esprit des lois, le modèle politique britannique prend de la consistance. Les Lettres de Voltaire ne sont pourtant pas très volubiles sur les questions politiques. Le public retiendra surtout une belle formule imagée, puisée, comme on vient de le voir, dans les propos de Fénelon rapportés par Ramsay37. Mais, en restant laconique sur les affaires publiques, Voltaire accroît sensiblement la force persuasive de son propos. Au prix de quelques entorses avec la réalité du pays, ses Lettres donnent l’image immédiatement attractive d’un système politique fondé sur la liberté, la modération et l’harmonie des différentes composantes de gouvernement. Le mythe politique de la perfection britannique est en marche.
27Montesquieu est son inventeur définitif. Contrairement à Voltaire, l’auteur des Lettres persanes n’est pourtant pas enchanté de son séjour en Angleterre. Invité par Bolingbroke, alors rentré d’exil, l’écrivain regarde la vie politique anglaise avec les yeux d’un opposant du parti patriote. Ses notes de voyage ressemblent à s’y méprendre, tant au ton qu’aux idées qu’elles renferment, aux diatribes cinglantes contenues dans le Craftsman, la feuille politique lancée par Pulteney et Bolingbroke38. Au retour de Montesquieu en France, la réalité de la vie politique britannique s’estompe néanmoins. Prend alors forme l’impressionnante construction théorique de L’Esprit des lois. D’antre de la corruption et des rivalités bassement politiciennes, l’Angleterre se mue en berceau d’un système politique idéal fondé sur la séparation des pouvoirs.
28La démarche de Montesquieu se prête mal à la critique39. Les réfutateurs de L’Esprit des lois ont beau démontrer la fausseté du tableau des institutions britanniques, le public n’en réserve pas moins ses lauriers pour « le plus grand, le plus bel ouvrage du monde40 ». L’idéalisation répond en effet à l’attente qu’exprime une sphère publique de plus en plus autonome de l’autorité royale. Encore timide pendant la première moitié du siècle, l’opposition parlementaire se durcit. L’apologie du système anglais au profit d’une théorie des corps intermédiaires arrive à point nommé. Un demi-siècle après Fénelon, l’opposition au pouvoir absolu retrouve le chemin de l’Angleterre, avec, cette fois, comme ancrage théorique un ouvrage dont la rigueur scientifique semble la garantir contre les attaques du camp adverse.
29Il serait erroné de croire que l’Angleterre ne fascine que les opposants à la monarchie absolue. L’autorité s’intéresse, elle aussi, à la politique insulaire. Dès le milieu du siècle, par recoupement des nombreuses sources en sa disposition, le secrétariat d’État des Affaires étrangères est en mesure de saisir les arcanes de la vie politique britannique. Pendant la guerre de Sept Ans, cette information est mise au service de la propagande. En 1756, profitant de la vague de protestations consécutive à la perte par les Anglais de l’île de Minorque, un jeune interprète du ministère, Edme Jacques Genet, publie les traductions des brochures anglaises les plus vives contre le ministère britannique41. Un an plus tard, il lance l’État politique actuel de l’Angleterre, feuille périodique contenant de larges morceaux choisis de la presse britannique.
30Avec l’entrée en lice de la propagande, prend forme une nouvelle figure exemplaire de la Grande-Bretagne. La mutation de l’espace public en France et en Angleterre permet de comprendre ce nouvel avatar du modèle politique. Dans un mémoire analysant la stratégie déployée par l’opposition parlementaire française, le publiciste gouvernemental Jacob Nicolas Moreau remarque avec justesse que la vie politique en France s’est mise à ressembler à celle de sa voisine d’outre-Manche. Dans l’esprit du publiciste, il ne s’agit nullement d’une simple similitude de façade, mais d’une convergence profonde aux lourds enjeux idéologiques. La lutte des Cours souveraines s’est en effet déplacée sur le terrain de l’opinion. En prétendant être la voix de la nation, les Parlements accélèrent la coupure de l’espace public en deux sphères antagonistes42. Cette convergence transmanche oblige les acteurs de la propagande à reconsidérer la vie politique anglaise. Les rivalités partisanes, les manœuvres politiciennes visant à séduire l’opinion, naguère critiquées pour leur démagogie, sont maintenant source de réflexion. L’espace public « ouvert » qu’incarne la nation rivale semble supplanter, par ses effets bénéfiques, celui de la France absolutiste. Loin de porter préjudice au pays, la diversité de la presse britannique apparaît, au terme de la guerre de Sept Ans, comme un atout maître dans le jeu de l’Angleterre. En 1760, Moreau lance un nouveau périodique, le Moniteur français. Son titre est directement inspiré de la presse d’outre-Manche : le Monitor est l’un des soutiens les plus fermes de la politique de Pitt l’Ancien. Moreau, du reste, brandit ostensiblement l’Angleterre comme modèle de débat public : « En Angleterre, où tout est esprit de parti, jusqu’à l’amour de la Patrie, en Angleterre, où le citoyen qui se croit en droit de gouverner, se croit, à plus forte raison, en droit d’instruire, il paraît toutes les semaines trente écrits pour et contre le gouvernement. […] Le gouvernement anglais a toujours pour lui une multitude de partisans43. »
31L’époque de la guerre de Sept Ans voit également les débuts d’une mutation du modèle politique anglais mis en exergue par Montesquieu. Rousseau, en franc-tireur, porte un rude coup au mythe politique anglais. L’on connaît les diatribes cinglantes du Contrat social (1762) contre le principe représentatif. « Le Peuple Anglois pense être libre ; il se trompe fort, il ne l’est que durant l’élection des membres du Parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde44. » Mais c’est surtout Des droits et des devoirs du citoyen, ouvrage écrit en 1758 par l’abbé de Mably qui est emblématique du vent du changement. L’abbé s’inscrit toujours dans la ligne restauratrice quand il préconise le rétablissement en France des États généraux munis de pouvoirs accrus et garantis par une périodicité fixe. Mais, simultanément, le modèle anglais, présent physiquement dans le récit par l’interlocuteur fictif, Lord Stanhope, vient apporter une radicalité nouvelle au discours politique. Le modèle politique que brandit Mably n’est plus celui de Montesquieu. La constitution britannique n’a certainement pas atteint un stade de perfection indépassable. Au contraire, les institutions mériteraient d’être perfectionnées, fût-ce au prix d’une crise sérieuse, mais indispensable et salutaire, comme le suggèrent ces phrases où plane l’esprit old whig des républicains d’outre-Manche : « Vous croyez que les Anglois sont toujours à la veille de s’égorger, parce qu’ils veulent réformer leur gouvernement ; et c’est précisément parce qu’ils n’y songent pas, que leur liberté mal affermie aura peut-être encore besoin du secours des armes pour se défendre et se soutenir45. »
32La pensée de Mably est un beau témoin des mutations de la culture politique des deux nations alors en guerre. Tout en gardant toujours des racines dans le terreau de la tradition, certains esprits commencent à envisager une conception plus dynamique du politique, aboutissant à des réformes en rupture radicale avec le passé. La force exemplaire d’Albion, qui, on s’en souvient, reposait largement sur le paradigme restaurateur, ne peut dès lors que décliner. Malgré Montesquieu, malgré Blackstone, les faits donnent désormais raison aux hommes qui pensent que la constitution britannique a besoin de quelques perfectionnements.
33Survenant dans un climat de doute sur le paradigme restaurateur, les événements politiques des années 1760 font figure de séisme idéologique pour l’intelligentsia. La machine institutionnelle de Montesquieu se grippe à l’aune de l’actualité politique. L’affaire Wilkes et l’exil du journaliste au royaume de Louis XV ont une portée incalculable. Le champion de la liberté est accueilli en héros au salon du baron d’Holbach46. Dès lors, court dans le cercle encyclopédiste la nouvelle vulgate de la constitution et de la vie politique d’outre-Manche : institutions perverties par une prérogative royale excessive, corruption parlementaire systématique, servilité d’une classe politique entre les mains des grands magnats et de la Cour. Le modèle anglais construit par le philosophe de la Brède vole en éclats. Les plus optimistes veulent encore y croire, mais, et la nuance est de taille, au prix d’une projection dans l’avenir de leurs espérances les plus chères. C’est le cas de Suard, qui écrit à Wilkes en mars 1770 : « Il faut qu’une grande réforme dans la Chambre des Communes soit l’objet du combat et le fruit de la victoire. Après avoir réussi à augmenter la liberté individuelle, il faut encore que votre nation vous doive la perfection de sa liberté politique ; je le souhaite comme ami des hommes et le vôtre47. »
34D’autres tournent la page. Refroidi par les propos de Wilkes, le baron d’Holbach daigne tout de même faire le voyage d’Angleterre en 1765. Il retourne en France dégoûté à jamais du système politique britannique. Son ami Diderot en subit directement les effets. Dans une lettre à Sophie Volland, le philosophe, qui avait commencé sa carrière littéraire sous l’étendard anglophile, marque son dépit de voir son beau modèle être tombé aussi bas48. De cette époque commence l’itinéraire intellectuel du philosophe qui le conduit, par paliers, aux positions radicales de la fin de sa vie49.
35La guerre d’Amérique constitue l’aboutissement de cette dégradation du modèle. Le fait peut sembler paradoxal : l’anglomanie, on s’en souvient, bat son plein. Mieux : jamais la culture politique des deux pays n’a été aussi convergente. En France comme en Angleterre, l’idée réformatrice devient une donnée essentielle du débat public. Ici, réformes de Turgot, de Necker, là-bas, réforme « économique » prônée par Burke, réforme parlementaire défendue par les Chathamites et par une vox populi de plus en plus radicale. Les deux pays vivent de manière synchrone le wind of change du dernier quart du siècle50. Et pourtant, à l’épreuve des faits, Albion ne peut reconquérir sa puissance séductrice.
36Cet autre best-seller des Lumières qu’est l’Histoire des deux Indes est révélateur de cet état d’esprit. L’édition de 1780, remaniée et augmentée sous la pression des événements d’Amérique, livre un tableau de la vie politique anglaise très largement sublimé. Ainsi, l’analyse de l’action politique de Pitt l’Ancien pendant la guerre de Sept Ans est-elle le prétexte à l’exposition d’une Angleterre idéale. Tranchant avec la médiocrité générale de la classe politique, le secrétaire d’État anglais est érigé en être exemplaire. Cet exemple, néanmoins, n’a guère de rapports avec les conditions réelles de la vie politique anglaise : « Républicain avec le peuple […], despote avec les grands, avec le monarque », Pitt est « un homme également ennemi des résolutions foibles, de la prérogative royale et de la France ». À des héros de cette trempe, tout est permis : « Tandis que l’imagination des âmes timides prenoit de grandes ombres pour des montagnes, les montagnes s’abaissoient devant lui51. » Au modèle de monarchie mixte prôné par les philosophes vers 1750 a désormais succédé une autre figure exemplaire, une Angleterre telle qu’elle devrait être : républicaine et gouvernée par des héros s’apparentant aux Romains de l’Antiquité.
Conclusion
37Une France « plus qu’anglaise ? » Le titre du pamphlet de Linguet52 n’a certes qu’un rapport ténu avec les transferts culturels que l’on vient d’examiner. Ce que Linguet dénonce en 1788 est la conduite des parlementaires français qui, selon lui, mène la monarchie au bord du précipice. Retenons néanmoins une formule qui, au terme de cette brève étude des flux transmanche, résume à merveille le processus de transmutation subi par la culture britannique pendant son transfert. Loin de circuler de manière linéaire d’Albion à l’Hexagone, la culture britannique subit un tri préalable par les vecteurs du transfert, puis une hiérarchisation au moment de sa réception, ce qui fait dire à Mercier que les Français préfèrent les jockeys à ce que l’Angleterre aurait de plus précieux à leur apporter. N’en déplaise à Mercier, la réalité est quand même plus complexe. On a vu que la constitution britannique n’est nullement négligée par les Français. Reste le fait capital : cette constitution britannique a subi au cours du siècle une métamorphose remarquable. De Fénelon à l’Histoire des deux Indes, ce n’est pas tant la réalité du système politique anglais qui intéresse les Français que sa relecture sublimée par les adversaires de la monarchie absolue. On comprend, in fine, l’insuccès des campagnes d’information gouvernementale. Ce que des publicistes comme Genet ou Moreau donnent à voir est une constitution et une vie politique beaucoup plus proches de la réalité que les reconstitutions parfaites à la Montesquieu ou les fantaisies républicaines de l’Histoire des deux Indes. Mais la vérité ne paie pas : les Français du siècle des Lumières sont à la recherche d’une Angleterre qui réponde à leur besoin de rêve. Une Angleterre, au fond, plus qu’anglaise.
Notes de bas de page
1 Voir J.-P. Genet, F.-J. Ruggiu (dir.), Les idées passent-elles la Manche ? Savoirs, représentations, pratiques : France-Angleterre, Xe-XXe siècles. Actes du colloque franco-britannique de Paris, 18-20 septembre 2003 organisé par le GDR 2136-CNRS France-îles Britanniques, Paris, PUPS, 2007, 402 p.
2 J.-L. Fougeret de Montbron, Préservatif contre l’anglomanie, A Minorque, 1757.
3 J. Brown, An Estimate of the Manners and the Principles of the Times, Londres, L. Davis, 1757, traduit en français sous le titre Les mœurs angloises ou appréciation des mœurs et des principes qui caractérisent actuellement la nation britannique, La Haye, Pierre Gosse Junior, 1758.
4 M. Duffy, The Englishman and the Foreigner, Cambridge, Chadwyck-Healey, 1986, p. 205. La date approximative de la caricature est 1770-1771.
5 Malgré son âge, l’ouvrage de G. Bonno, La culture et la civilisation britanniques devant l’opinion française de la paix d’Utrecht aux Lettres philosophiques (Philadelphie, The American philosophical society, 1948, 184 p.) reste fondamental. Voir aussi, du même auteur, La Constitution britannique devant l’opinion française de Montesquieu à Bonaparte (Paris, Champion, 1931, 319 p.) et l’étude de J. Grieder, Anglomania in France 1740-1789. Fact, fiction and political discourse, Genève, Droz, 1985, 176 p. La remarquable fresque de Robert et Isabelle Tombs aborde les relations franco-britanniques sur la longue durée (R. et I. Tombs, That Sweet Enemy : The British and the French from the Sun King to the present, Londres, Heinemann, 2006, 624 p.). Pour une appréhension des relations franco-britanniques sous l’angle des transferts culturels, voir A. Thomson, S. Burrows et E. Dziembowski (dir.), Cultural transfers : France and Britain in the long eighteenth century, Oxford, Voltaire Foundation, SVEC, 2010, 04, 326 p.
6 La question a néanmoins produit une monographie de qualité. Voir A.-M. Rousseau, L’Angleterre et Voltaire, Oxford, Voltaire Foundation, Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, p. 145-147, 1976, 3 vol.
7 R. Eagles, Francophilia in English Society 1748-1815, Londres, Macmillan, 2000, 229 p.
8 G. Newman, The Rise of English Nationalism. A Cultural History, 1740-1830, Londres, Weidenfield and Nicolson, 1987, 294 p.; L. Colley, Britons. Forging the Nation, 1707-1834, Londres, Pimlico, 1994, nouvelle éd., 429 p. Voir aussi P. Langford, Englishness Identified. Manners and Character, 1650-1850, Oxford, Oxford University Press, 2000, 389 p.; K. Wilson, The Sense of the People. Politics, Culture and Imperialism in England, 1715-1785, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, 460 p.; E. Dziembowski, Les Pitt. L’Angleterre face à la France, 1708-1806, Paris, Perrin, 2006, 579 p.
9 Eagles, op. cit., p. 3.
10 C.-E. Levillain, « Ruled Britannia? Le problème de l’influence française en Angleterre dans la seconde partie du XVIIe siècle (1660-1700) », in L. Bonnaud (dir.), France-Angleterre : un siècle d’entente cordiale, 1904-2004, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 107-136.
11 Archives du ministère des Affaires étrangères, Mémoires et documents, Angleterre, 1, fol. 34 r°, 9 février 1754.
12 Sur le « food chauvinism », composante essentielle du patriotisme britannique, voir la bonne étude de Ben Rogers, Beef and Liberty. Roast Beef, John Bull and the English Nation, Londres, Chatto & Windus, 2003, 207 p. et, plus précisément, p. 68-71 sur le cuisinier français du duc de Newcastle, Pierre Clouet. Sur Carteret, voir Dziembowski, Les Pitt, p. 45.
13 J. Brown, Les mœurs angloises, p. 34.
14 E. Dziembowski, « Parlementaires français et patriotes britanniques au milieu du dix-huitième siècle : les jeux de miroir de deux oppositions », in A. J. Lemaître (dir.), Le monde parlementaire au XVIIIe siècle. L’invention d’un discours politique, Rennes, PUR, 2010, p. 221-237.
15 C. Maxwell, The English Traveller in France, 1698-1815, Londres, Routledge, 1932, 301 p.; J. Black, The British Abroad. The Grand Tour in the Eighteenth Century, Stroud, Sutton, 1992, 355 p ; E. Dziembowski, Un nouveau patriotisme français, 1750-1770. La France face à la puissance anglaise à l’époque de la guerre de Sept Ans, Oxford, Voltaire Foundation, Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 365, 1998, p. 191 et suiv.
16 Au début des années 1770, Fox est un des Macaronis les plus en vue de la capitale. Il change d’allure pendant la guerre d’indépendance américaine. En soutien aux Insurgents, il adopte la veste bleue, la chevelure en bataille et la barbe de trois jours. C’est ce Fox nouvelle manière qui est appelé à être immortalisé dans d’innombrables caricatures.
17 Sur Shelburne, voir l’étude de J. Norris, Shelburne and Reform, Londres, Macmillan, 1963, 326 p., et l’ouvrage collectif dirigé par N. Aston et C. Campbell Orr, An Enlightenment Statesman in Whig Britain : Lord Shelburne (1737-1805) in Context, actuellement sous presse, très riche sur les liens entre Shelburne et l’intelligentsia européenne.
18 Voir les études de Newman, Colley, Tombs et Rogers déjà citées. Sur l’origine de cette gallophobie, voir S. C. A. Pincus, « From butterboxes to wooden shoes: the shift in English popular sentiment from anti-Dutch to anti-French in the 1670s », Historical Journal, 38, 2, 1995, p. 333-361.
19 Conversion qui s’opère tandis qu’une large partie de l’élite francophile, hostile à la France nouvelle, brûle ce qu’elle a adoré.
20 G. Ascoli, La Grande-Bretagne devant l’opinion française au XVIIe siècle, Paris, Gamber, 1930, 2 vol.
21 Cité par Bonno, La culture et la civilisation britanniques, op. cit., p. 5.
22 L. de Boissy, Le Français à Londres (1727), in Œuvres de théâtre de M de Boissy, de l’Académie Françoise, Paris, 1766, Acte 1, scène 1.
23 Sur l’anglophobie, voir F. Acomb, Anglophobia in France, 1763-1789 : an essay in the history of constitutionalism and nationalism, Durham, 1950, 167 p., C. Nordmann, « Anglomanie et anglophobie en France au XVIIIe siècle », Mélanges offerts à L. Trenard, Revue du Nord, LXVI, 261-62, 1984, p. 787-803, Tombs, op. cit., Dziembowski, Un nouveau patriotisme, op. cit.
24 B. Cottret, « La France et l’Angleterre en 1665 : de la divergence des modèles de société au travers des témoignages diplomatiques français », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, 25, 1978, p. 619-624.
25 R. Hammersley, « The “Real Whig”– Huguenot network and the English Republican tradition », Cultural transfers, op. cit., p. 19-32 ; E. Grist, « Pierre Des Maizeaux and the Royal Society », ibid., p. 33-42 ; D. Soulard, « Les journalistes du Refuge et la diffusion de la pensée politique de John Locke auprès du public francophone dès la fin du dix-septième siècle », ibid., p. 147-159 ; A. Thomson, « In defense of toleration : La Roche’s Bibliothèque angloise and Mémoires littéraires de la Grande-Bretagne », ibid., p. 161-175 ; A. Thomson, « Des Maizeaux, Collins and the translators : the case of Collins’Philosophical inquiry concerning human liberty », ibid., p. 219-231.
26 B. Cottret, Bolingbroke. Exil et écriture au siècle des Lumières, Paris, Klincksieck, 1992, 2 vol. ; R. Shackleton, Montesquieu, une biographie critique, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1977, 353 p.
27 F. Crouzet, « Les sources de la richesse de l’Angleterre, vues par les Français du XVIIIe siècle », in De la supériorité de l’Angleterre sur la France, Paris, Fayard, 1985, p. 105-119.
28 Le livre s’est vendu à environ 20 000 exemplaires pour les seules années 1730 (R. Pomeau, Voltaire en son temps, I, Paris, Fayard, 1995, p. 262-263).
29 E. Dziembowski, « L’Angleterre inexportable : le comte de Gisors face à la vie politique britannique du milieu du XVIIIe siècle », in Les idées passent-elles la Manche ?, op. cit., p. 129-142.
30 C.-A. Helvétius, Correspondance générale, J. A. Dainard (éd.) et alii, Toronto, University of Toronto Press, Oxford, Voltaire Foundation, III, 1991, p. 114-138.
31 Publiés dans la Revue britannique (1895, 2, p. 5-53 pour celui de Croÿ ; 1895, 5, p. 133-154, 349-362, 6, p. 75-114 pour celui de Jean-Baptiste Élie de Beaumont).
32 S. Burrows, Blackmail, scandal and revolution. London’s French libellistes, 1758-1792, Manchester, Manchester University Press, 2006, 256 p. ; du même auteur, A King’s Ransom. The Life of Charles Théveneau de Morande, Blackmailer, Scandalmonger & Master-Spy, Londres, Continuum, 2010, 288 p. ; R. Darnton, Le Diable dans un bénitier. L’art de la calomnie en France, 1650-1800, Paris, Gallimard, 2010, 695 p.
33 L.-S. Mercier, Tableau de Paris, Amsterdam, 1783, VIII, p. 41.
34 Pour un exposé plus détaillé, voir E. Dziembowski, « The English political model in eighteenthcentury France », Historical Research. The Bulletin of the Institute of Historical Research, LXXIV, 184, 2001, p. 151-171.
35 Il faut rectifier l’avis de Bonno, qui estimait qu’Albion était totalement absente des considérations politiques de Fénelon (Bonno, La culture et la civilisation britanniques, op. cit., p. 40).
36 Fénelon, Écrits et Lettres politiques, C. Urbain (éd.), Paris, Bossaerd, 1921, p. 90.
37 Lettres philosophiques, huitième lettre : « […] ce gouvernement sage, où le prince, tout puissant pour faire le bien, a les mains liées pour faire le mal ».
38 Shackleton, op. cit., p. 229-230.
39 La meilleure réfutation des pages anglaises de L’Esprit des lois est celle de Véron de Forbonnais, Du gouvernement d’Angleterre, comparé par l’auteur de l’Esprit des Loix au gouvernement de France (1753).
40 Le mot est d’Helvétius. Voir Shackleton, op. cit., p. 279.
41 Pour un aperçu plus détaillé de l’activité de Genet, voir E. Dziembowski, « Le peuple français instruit : E.-J. Genet et la traduction des écrits politiques britanniques pendant la guerre de Sept Ans », in Cultural transfers, op. cit., p. 175-188.
42 K. M. Baker, « Politique et opinion publique sous l’Ancien Régime », Annales ESC, 42, 1987, p. 41-71.
43 G. F. Coyer, J. N. Moreau, Écrits sur le patriotisme, l’esprit public et la propagande au milieu du XVIIIe siècle, E. Dziembowski (éd.), La Rochelle, Rumeur des Âges, 1997, p. 59.
44 J.-J. Rousseau, Œuvres complètes, B. Gagnebin et M. Raymond (éd.), Paris, Gallimard, 1959-1969, III, p. 430.
45 G. Bonnot de Mably, Des droits et des devoirs du citoyen, J. L. Lecercle (éd.), Paris, Didier, 1972, p. 61-62.
46 Voir P. D. G. Thomas, John Wilkes. A Friend to Liberty, Oxford, 1996, p. 58-59.
47 Lettres inédites de Suard à Wilkes, G. Bonno (éd.), Berkeley, University of California Press, 1932, p. 217.
48 Cité par A. Wilson, Diderot. Sa vie et son œuvre, Paris, 1985, p. 413.
49 A. Strugnell, Diderot’s Politics. A Study of Diderot’s political Thought after the Encyclopédie, La Haye, Martnus Nijhoff, 1973, 251 p. Sur le baron d’Holbach et la politique anglaise, voir P. Lurbe, « D’Holbach et le “whig canon” », Dix-Huitième Siècle, 23, 1991, p. 321-330.
50 Voir l’ouvrage très suggestif de D. Jarrrett, The Begetters of Revolution. England’s involvement with France, 1759-1789, Londres, Longman, 1973, 320 p.
51 G. T. Raynal, Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, Genève, Pellet, 1780, V, p. 350-368.
52 S. N. H. Linguet, La France plus qu’angloise ou Comparaison entre la Procédure entamée à Paris le 25 septembre 1788 contre les Ministres du Roi de France et le Procès intenté à Londres en 1640, au comte de Strafford, principal Ministre de Charles premier, Roi d’Angleterre, Bruxelles, 1788, 147 p.
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