Annexe I. Essai de 43 pages intitulé « Dans le besoin d’un honnête homme »1 du lieutenant Marc Blancpain en captivité
Secrétaire de l’Alliance française, septembre 1942, prisonnier libéré le 19/12/43 comme Robert Brasillach sur intervention personnelle de l’Ambassade d’Allemagne en Espagne. CERN (centre d’étude de la révolution nationale)
p. 169-172
Texte intégral
1« Les assignats intellectuels de l’élite bourgeoise...
2Pour les philosophes du XVIIIe siècle, la vérité est simple et semble toujours facile à atteindre. Certes, Vauvenargues, Montesquieu, Diderot même et Voltaire souvent, restent des esprits attentifs, scrupuleux, pour qui penser c’est peser ; mais qu’on songe aux bruyants “cacoucs” qui les entourent... qu’on songe aussi aux idéologues qui les suivirent, grands et petits maîtres à penser [...] Penseurs que n’a jamais tendu l’effort intellectuel et qui prétendaient accoucher sans les douleurs de la gésine ! Savants du banal et du général, cerveaux d’avocats et de mathématiciens, raisonneurs à l’infini, constructeurs d’administrations intellectuelles ! Non pas des chercheurs mais des virtuoses. Durant 150 ans ils ont été souvent les maîtres et toujours les éducateurs de notre élite bourgeoise. Notre culte leur doit sa tendance permanente à ne plus être qu’une mécanique intellectuelle, une sorte de délire méthodique, une rhétorique qui se déroule au-dessus des passions, des caractères, de l’être réel, des faits et des techniques au dessus de la vie du monde. Leur France intelligente et celle qu’ils nous ont léguée ? Un immense ronron de machine quasi parfaite, un moulin qui ne grince plus jamais parce qu’il n’écrase plus rien. »
3... qui a perdu le sens créateur...
4[...] Maurice Barrès, dès 1919, prédisait que, si nous ne pouvions, très vite, mettre plus intimement la science au service de la vie et de la force, comme l’avait fait l’Allemagne impériale, notre victoire serait de peu de durée [...]. Trop souvent nous avons pris des travestis pour des naissances, des replâtrages pour des constructions et confondu l’agitation avec le mouvement [...].
5... et le sens vrai de la loi...
6(contrairement à la pensée anglo saxonne qui donne force de loi à des coutumes) Platon.
7... dont la raison n’adhère plus à la réalité...
8... et dont le sens de l’ordre est inverti...
9C’est parce qu’il enseigne une raison mutilée, une réalité strictement indéfinissable et un ordre factice que (citant G. Sorel, Les illusions du Progrès) « l’enseignement universitaire est destiné à conduire les classes bourgeoises à l’utopie ».
10... Cette élite bourgeoise est privée des ressources de la synthèse...
11Il y a un an en captivité, devant un auditoire de jeunes officiers, un homme d’affaire s’essaya de définir le complexe de la vie économique. Il ne fut pas compris. Ce qu’il dit tomba à plat, et d’autant plus que son haut grade dans la réserve, ses titres universitaires, ses parentés flatteuses faisaient qu’on attendait de lui l’exposé clair et bien construit dont se délectent depuis longtemps nos économistes de salon ; ses efforts pour sortir de l’ornière, sa volonté de faire sentir le iultiple, son sens de la réalité des travaux et des échanges, réalité brute et par là confuse, effarèrent et inquiétèrent vaguement par leur désordre. Il m’apparut alors que l’esprit bourgeois, esprit résiduel de quelques siècles de haute civilisation intellectuelle, préfère encore à ses conventions elles-mêmes leur mise en ordre et leur architecture élégamment conventionnelle. Les plus vains, les plus inconscients de leur vanité appellent de telles opérations de catalogage rituel, des synthèses !
12... son énergie malade...
13[...] nos jeunes bourgeois ont peur du nouveau et la brutalité de la défaite leur a présenté la vie moderne comme du nouveau [...] Ils veulent être traditionnels ou classiques et ils ne sont qu’imitateurs [...]
14... l’usage du pouvoir l’a épuisée et isolée...
15[...] Thucydide voyait déjà de semblables oligarques « se poser en spectateurs des paroles et en auditeurs des actions ». Les nôtres admirent leurs propres joutes oratoires [...].
16... et cette élite bourgeoise n’est pas aujourd’hui dans le besoin de l’esprit...
17... la France moderne, pays sans pédagogie...
18... ne possède plus une élite véritable...
19... mais des oligarques...
20... et des sous-officiers...
21... souffrant tous des mêmes maux essentiels
22« Ces deux espèces de l’élites française, les oligarques et les sous-officiers, je les ai retrouvées ici, toutes leurs différences exaspérées par la coha-bitation, tous leurs défauts grossis par plus de deux ans d’inaction [...]. Dans l’armée d’active comme dans l’armée de réserve il n’y avait pas un corps de chefs mais deux fractions que tout séparait et que tout sépare aujourd’hui, hors de leur comune misère et leur commune inaptitude devant les tâches nécessaires, devant la tâche nécessaire d’un nouvel ordre humain. Tous s’alignent pour la course aux emplois ; mais aucun n’envisage les responsabilités qu’il encourra du fait de ces emplois. »
23... L’exil des poètes témoigne actuellement de cette misère d’esprit...
24(notre peuple ne lit plus Ronsard, Corneille, Lamartine, Hugo)
25... cet exil nous fait perdre beaucoup...
26(avec cette perte) « une des voies du salut terrestre nous est fermée ; celle qui, dans l’allégresse du rythme et de l’enivrement de la beauté nous rendait (citant Rilke) “plus accueillant, meilleurs, plus simples, de regard, plus pénétrés de foi en la vie, et, dans la vie même, plus heureux et plus grands”.
27... mais c’est l’élite bourgeoise et non la poésie qui est responsable...
28... pourtant le besoin d’un ordre vrai est ressenti par la pensée fran-çaise...
29... il est visible dans la conscience des générations modernes...
30... et s’exprime dans des entreprises d’adaptation et de renouvellement du passé...
31... qui oublient que la nécessité et le génie sont antérieurs à tout ordre établi...
32... et feignent de croire à des certitudes de l’histoire...
33... et présupposent que le christianisme peut exprimer tout l’Occident...
34... mais le positivisme, lui non plus, n’exprime pas tout l’occident...
35... ce besoin à chercher aussi sa satisfaction dans des constructions limitées à l’ordre politique...
36... ces constructions n’apaisent pas la souffrance du moderne homo-economicus...
37... et elles ne peuvent résoudre le nouveau problème de la culture tel qu’il est posé par les sciences...
38... ce qui porte parfois à chercher la voie du salut uniquement dans les lettres et les arts...
39... les solutions proposées sont insuffisantes...
40... et ne correspondent pas à la nature de notre besoin...
41... nous ne voulons renoncer à rien...
42... mais nous entendons nous limiter...
43... le passé peut nous fournir un exemple et une incitation...
44... pour guérir renonçons au rationalisme étroit...
45... plaçons notre espérance dans le génie...
46[...] « génie de ceux [...] qui sont dans le feu de l’action [...] des incorrects à la pensée coutumière [...] qui refusent les déterminismes écrasants comme les conformismes traditionnels [...] génie de l’héroïsme et de l’équilibre : génie classique »
47... recherchons un classicisme moderne...
48... soyons les honnêtes gens du xxe siècle.
49« Ce n’est pas la voie médiocre, car elle est ouvrière, c’est la voie simple, et qui seule peut mener à un ordre heureux2. »
Notes de bas de page
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