Chapitre III. Dégagements
p. 89-115
Texte intégral
1Quel pourrait être le contraire de l’engagement ? Le non-engagement, le non-alignement, l’attentisme, le détachement, voire l’indépendance. Aucun de ces termes ne convient vraiment à des individus dont l’attitude est difficile voire impossible à jauger à l’aune d’un choix politique clair. Les deux premiers ne prouvent rien, l’attentisme est trop lourdement chargé d’un jugement moral postérieur, le détachement est sans doute trop léger, l’indépendance illusoire... Dégagement : le terme enveloppe à la fois ceux qui à la différence des précédents, n’ont pas hypothéqué leur réputation, mais également le type de stratégie de défense développée le plus souvent consistant à dégager leur responsabilité. En stratégie militaire, le dégagement consiste à « tirer de sa position critique une personne, une troupe, une région », ce qui dans le contexte de l’épuration peut assez bien convenir. Il s’agit bien pour la plupart de se tirer d’une position devenue critique. Du point de vue législatif, « une loi de dégagement des cadres indique dans quelles conditions peut intervenir le licenciement d’office ou sur demande du personnel d’active (pour les militaires) ». La notice du Trésor de la langue française précise que « les lois de dégagement des cadres interviennent généralement dans les périodes de crise d’après guerre1 ».
2À la différence des « engagés » qui, nous venons de le voir, ont posé des actes clairs, même si ceux-ci n’ont pas toujours la même portée ni ne sont motivés de la même manière ; les « dégagés » procèdent d’une autre logique. L’engagé quoiqu’il en dise, et même s’il a pu être abusé, a contribué au processus politique de mise en pièce de la république instauré par Vichy, en y devenant acteur, en y prenant des responsabilités ou en adhérant officiellement à un des partis, groupements ou structures spécifiques. Les « dégagés » regroupent tous les autres pour plusieurs raisons. Primo parce que la dimension politique de ce qui leur est reproché n’apparaît qu’assez rarement. Secundo parce que la plupart des accusations relèvent de l’intention présidant aux actes reprochés plus souvent qu’à leur nature même. C’est le caractère jugé nuisible de cette intention qui va lui donner une dimension politique. Tertio parce que les justifications des intéressés procèdent toujours de cette manière de « dégagement », repérable également chez les « engagés », de toute responsabilité et de toute velléité de compromission avec le régime défunt. On ne saurait toujours trouver de cohérence ou de catégories clairement définies dans ce qui va suivre. La singularité des comportements prévaut a fortiori dans un monde universitaire aux effectifs limités, dans lequel la notion d’individu prend toute sa place. Cette petite collaboration de l’élite enseignante rappelle bien souvent ce qui a pu être déjà dit à propos des fonctionnaires de second rang. Hormis les cas de dénonciation, généralement motivées par des conflits ou de tenaces rancunes personnelles, et considérées comme graves compte tenu de leurs conséquences, la plupart de ces affaires demeurent mineures. Elles proposent une sorte de kaléidoscope des travers, des faiblesses et des tentations ordinaires inhérentes à la nature humaine, parfois cocasses, parfois tragiques, souvent dérisoires. Et pour la plupart d’entre elles, les sanctions demeurèrent bénignes.
Collaborations et collaborateurs
3Un premier constat doit être fait lorsque l’on aborde la question de la nature de la collaboration universitaire : c’est que les actes ou les paroles reprochés aux universitaires ne les démarquent pas du reste de la fonction publique. Comme la plupart des fonctionnaires de leur rang inquiétés au titre de l’épuration, les enseignants du supérieur s’inscrivent à peu de choses près dans ce qui a été défini dans de précédentes études sur la collaboration et l’épuration.
4Rappelons-le, les études sur l’épuration des fonctionnaires, soulignent la relativité de l’idée de collaboration politique, facteur causal a priori du processus d’épuration. L’analyse des motifs enregistrés par les commissions d’épuration administrative2, montre combien les causes de sanctions furent multiformes, ambivalentes, singulières, souvent inclassables. On est étonné ainsi en découvrant la place relativement secondaire que tint l’occupant parmi les griefs, tout comme les motifs d’ordre politique en général. Le phénomène surprend avant tout par sa dimension sociale et la pluralité des causes qui amenèrent, dans l’ensemble du pays, les commissions d’épuration à sanctionner des Français. Souvenons-nous que celles-ci peuvent être sommairement réparties selon trois grandes catégories.
5Tout d’abord, les plus nombreux, les délits d’opinion (environ un tiers des griefs, mais qui sont presque toujours associés à un ou plusieurs autres pour qu’une sanction soit prononcée), et d’une manière générale les attitudes dénoncées comme plus ou moins sympathisantes envers le régime de Vichy, la personne du maréchal, les occupants, ou, à l’inverse, des propos hostiles aux alliés ou à la résistance. Ces accusations, qu’elles soient avérées ou le fruit d’interprétations subjectives de voisins ou de collègues, révèlent souvent la complexité de ce vaste phénomène social de désignation réciproque, contestable du strict point de vue judiciaire, parfois franchement injuste, mais dont l’intérêt est de souligner l’importance des souffrances et des espoirs des Français au sortir de l’occupation et l’ampleur du traumatisme. Cette désignation, déterminante quant à l’impact qu’eut l’épuration sur la société civile, laisse penser que le processus d’épuration fut peut-être, moins qu’on le croit, d’abord un problème de justice. C’est sans doute le sens qu’il faut donner aux nombreuses accusations, de « collaborateur » ou « vichyssois », et plus souvent encore l’apocope en forme d’anathème de « collabo » qui parsèment les dossiers, souvent sans autre précision.
6Ensuite, plus graves quoique moins nombreux, des passages à l’acte : des dénonciations, des adhésions, de la propagande, la participation à des meetings ou à des manifestations, le travail volontaire en Allemagne, ou encore l’opportunisme qui permit par exemple à certains fonctionnaires d’accélérer leur promotion, etc., concernent généralement des individus ayant agi en conscience. Moins souvent par idéal politique que par faiblesse morale. La collaboration ordinaire dévoilée par les archives offre moins qu’on aurait pu le penser, cette dimension politique qui nourrit encore la polémique franco-française autour de Vichy. Elle relègue souvent (et paradoxalement) les Allemands au second plan et met surtout en scène de petites infamies et des personnages médiocres.
7Enfin, les délits inclassables, les accusations de cadres par des exécutants qui leur reprochent d’avoir eu une « attitude antisociale », les petits et grands profits du marché noir, la fréquentation de soldats allemands, les histoires de personnes et de voisinage, etc. La caractéristique majeure de l’épuration ordinaire est d’avoir privilégié la visibilité d’actes parfois bénins.
Universitaires en accusation
8Les universitaires s’inscrivent donc bien dans ce cadre général. En dehors du zèle dans l’application de la politique vichyssoise, qui concernaient surtout les postes de direction – selon l’autonomie dont disposaient les fonctionnaires dans la mise en œuvre de cette politique – les motifs d’épuration les concernant furent assez variés : port de la francisque, délits d’opinion et surtout propos antisémites, collaborationnistes ou anti-alliés, plus rarement dénonciations. On relève bien entendu des délits plus spécifiquement liés à l’enseignement ou l’activité intellectuelle en général : propagande sous la forme de conférences données ou de contributions offertes à des revues allemandes, fréquentation de collaborateurs ou de cercles allemands, quand ce ne fut pas l’opportunisme de promotions rapides liées à de bons « contacts » ministériels, ou encore d’associations vichyssoises, voire l’adhésion à des partis dont le plus fréquenté par les intellectuels fut le groupe Collaboration. Mais, et nous le verrons plus loin, en nous intéressant plus en détail aux modalités spécifiques de ces engagements et à la manière dont ils sont expliqués par les intéressés, l’épuration universitaire ne réserve guère de surprise. L’historien se trouve devant une myriade de situations, d’anecdotes, de points de vue, de trajectoires le transformant malgré qu’il en ait en juge pour chaque affaire. Si le propos ne se situe évidemment pas là ; on se trouve malgré tout face à une réalité plurielle qu’on se contentera dans un premier temps ici de restituer, pour en montrer la diversité.
Lâchetés et opportunismes
9Ces deux vocables en forme de jugement moral sont deux qualificatifs qui reviennent fréquemment dans les débats ou les rapports du CSE.
10L’opportunisme trouve sans doute sa pleine expression avec l’exemple de René Georgin qui devint en 1942 directeur du cabinet d’Abel Bonnard, fonction qu’il cumula plus tard avec celle de directeur de l’ENS de Saint-Cloud. Il provoqua une perquisition chez un professeur de Saint-Cloud, qu’il connaissait bien et qu’il accusa de communisme. René Georgin fut nommé directeur de l’ENS et inspecteur général alors qu’il n’avait aucun titre qui put le qualifier pour ce poste. D’autant qu’issu de l’enseignement du second degré, il connaissait mal le monde universitaire. Sa nomination eut pour conséquence de persuader les universitaires que la pratique de la politique du maréchal conduisait aux plus hautes fonctions. Avec l’évolution des événements « M. Georgin parut se rapprocher de ses anciens collègues [...] un témoin eut l’impression qu’il n’était pas tout à fait désintéressé, qu’il cherchait peut-être à se garantir pour l’avenir », écrit le rapporteur « mais M. Georgin n’en continua pas moins à rester fidèle à la politique du Maréchal, et à pratiquer celle de son ministre3 ».
11Sur la plainte de la mère d’un milicien signalant que son fils n’avait pu se présenter au baccalauréat du fait de sa participation aux opérations contre le maquis de Haute-Savoie, René Georgin attira l’attention du recteur d’académie de Clermont-Ferrand, le 28 avril 1944 sur les jeunes gens « qui n’hésitent pas à courir des risques et qui ont droit à ce que les règlements s’assouplissent pour eux4 ». Inversement, face à un père demandant le rapatriement de son fils après une année de STO en Allemagne, il expliqua qu’il n’y pouvait rien, que beaucoup de jeunes gens n’ayant pas répondu à l’appel « ceux qui ont fait leur devoir pâtissent ainsi du manque de conscience de ceux qui ont refusé de partir ou qui, venus en France, en permission, ont refusé de retourner en Allemagne5 ». Petites ou grandes, les occasions d’opportunisme ne manquent pas. La simple demande d’appui pour l’obtention d’un poste peut être retenue contre l’accusé comme c’est le cas pour cet enseignant, ayant par ailleurs prononcé contre rémunération une conférence sur Radio-Paris. Dans son dossier de candidature il fait figurer une lettre de recommandation signée par Benoist-Méchin à la suite de quoi il est nommé maître de conférences en 1942 alors qu’il n’était « présenté qu’en deuxième ligne par ses collègues6 ». Cependant, si la réputation de germanophile a joué dans sa nomination, il est également reconnu à cet enseignant d’avoir « usé de ses amitiés allemandes pour tenter des démarches en faveur de patriotes arrêtés », ce qui lui valut une sanction bénigne7.
12Mais d’autres donnent sa pleine mesure à la notion d’opportunisme politique. Bonnard de ce point de vue paraît avoir multiplié allégeances et servilités. Certains enseignants germanistes eurent peut-être plus que d’autres des occasions à saisir. C’est le cas de cet assistant germaniste de l’université de Bordeaux, désigné comme « collaborateur, ami de Marquet, intermédiaire avec les Allemands » mais qui fut seulement averti des griefs retenus à son encontre lors de sa comparution, le 17 juillet 1945, devant le Comité académique d’enquête, l’empêchant de préparer sa défense8. Lors de sa comparution, on l’accusa d’avoir été « manifestement collaborateur, d’avoir été en relation avec les personnalités nazies les plus marquantes en France, d’avoir « tenu des propos collaborateurs et fait de la propagande », d’avoir entretenu « des relations très suivies avec Abel Bonnard et son entourage » sur lesquels il avait une grande influence, d’avoir « servi d’intermédiaire entre Marquet et des personnalités allemandes », enfin d’avoir été mêlé à « des affaires graves et suspectes ». Cependant, et c’est le fondement même de la stratégie de l’opportuniste, il fut reconnu qu’il avait malgré tout « rendu des services importants et en particulier sauvé des vies, par ses interventions, à onze patriotes français9 ». Dans ses conclusions, le rapporteur constatait que « tous ses collègues d’allemand le jug(ent) très sévèrement » et discréditait une pétition d’étudiants en sa faveur ayant réuni de nombreuses signatures, mais, « provenant d’étudiants qui pour la plupart, ne suivaient pas ses cours ».
13Les conclusions du rapport d’enquête ne laissent guère de doute sur la compromission du germaniste : « Il apparaît comme certain que Larrose a eu des sentiments collaborateurs, pro-allemands et pro-nazis, qu’il s’est plu à fréquenter les autorités occupantes, qu’il a eu une attitude sans dignité et qu’il a voulu le triomphe du national-socialisme en France. Les services personnels qu’il a rendus s’expliquent non par patriotisme, mais soit par bonhomie naturelle (je suis toujours prêt à rendre service, dit-il), soit par calcul, pour se couvrir au cas où l’Allemagne serait vaincue. » Il est assez remarquable en effet, comme le firent tous ceux qui furent prévoyants, qu’il ait conservé toutes les lettres et tous les papiers relatifs aux services rendus depuis 1942, ce qui n’échappe pas au Comité. « Il a déclaré dans l’interrogatoire qu’il (a conservé les preuves), “pensant bien que cela pourrait lui servir”. De même, on doit remarquer que la plupart des services rendus par Larrose se situent en 1943 et 1944. Néanmoins ces services sont assez importants pour empêcher la révocation sans pension10 ». On sent à travers cet exemple un art consommé de l’opportunisme politique sans doute augmenté par l’incontestable avantage qu’offrait la maîtrise de la langue de l’occupant.
14Ce ne fut pas le cas de tous les universitaires inquiétés dans ce registre, a fortiori lorsque, alsaciens, pesait dans leur choix la volonté de retrouver leur famille. Ainsi cet assistant affecté au CNRS à Paris dès la mobilisation, rejoint-il la faculté de Strasbourg replié à Clermont, mais manifeste à plusieurs reprises son désir de retourner en Alsace et charge sa femme d’intervenir auprès de l’administration allemande en ce sens. « Dès son retour, M. Gangloff se mit spontanément au service de l’occupant ainsi qu’il le mentionne lui-même dans son CV, adhéra à l’Opfering en 1941, au Parti en 1942, et acquit la nationalité allemande en 194311 ». C’est ainsi qu’il se retrouve nommé membre de la mission Kraft chargé de la récupération du matériel universitaire, il fit de 1943 à 1944 sept voyages à l’intérieur de la France, participant aux opérations qui avaient pour but de faire rentrer à Strasbourg le matériel du laboratoire et les ouvrages des diverses bibliothèques. Quoique Ganglof fait exercé selon l’enquêteur, « ses fonctions sans indulgence [...] son rôle fut plutôt secondaire, il s’y montra correct et réservé, et il transmit lettres et paquets lors de ses voyages aux Alsaciens repliés en France, et se chargeait au retour de donner des nouvelles à ceux demeurés en Alsace ». Ne s’étant rendu coupable d’aucune dénonciation, n’ayant entrepris aucune propagande nazie et ayant finalement quitté l’Université pour prendre du service dans un collège privé, il propose un profil assez falot et, selon le rapport d’enquête, « en offrant ses services à l’Université allemande et en acceptant de faire partie de la commission Kraft il semble qu’il ait agi plutôt par opportunisme que par souci de nuire à la France ». L’intéressé s’en tire sans grand mal, et l’avis du CDL du Bas-Rhin, le 13 novembre 1945 qualifie son attitude d’opportunisme ordinaire en en dressant un portrait moral peu amène : « [...] il s’agit en somme d’un homme craintif, sans personnalité, qui a rempli ses fonctions, sans zèle ni enthousiasme et sans conviction12. »
15Si les accusations d’opportunisme ne sont pas rares, elles ne sont pas toujours fondées et peuvent panacher relations opportunes, concurrence entre collègues et conflits personnels. Celui-ci bénéficie d’une nomination par Abel Bonnard, alors que son concurrent à la chaire de médecine légale de Tours avait obtenu l’unanimité moins une voix du Conseil des professeurs. L’affaire paraît simple comme souvent, mais les accusations n’en restent pas moins fausses après enquête. Le candidat malheureux demande en effet une révision de cette nomination en 1944, laissant entendre que la nomination de son rival, Fromenty, avait été politique, en insistant sur le fait que celui-ci était marié à une Allemande, ce qui devait selon lui être perçu comme un signe incontestable de ses sentiments collaborationnistes. « [...] il résulte de la déposition du directeur (qui avait été exclu sous Vichy), comme du témoignage du président du CDL d’Indre-et-Loire que le docteur Fromenty a su, pendant toute la durée de l’occupation, conserver une attitude correcte dans une situation que ses liens de famille rendaient particulièrement difficile. L’attitude de Mme Fromenty elle-même – qui s’est engagée dans la Croix-Rouge française –, n’a donné lieu à aucune observation défavorable et sa nationalité d’origine suffit à expliquer et à justifier les contacts qu’elle et son mari ont pu avoir avec les occupants13 ». On notera au passage, pour une affaire mineure comme celle-ci, le croisement des points de vue, entre administration et CDL ainsi que l’application menée dans la vérification des faits. L’administration veille très sérieusement sur l’attribution des postes et la gestion des carrières telle qu’elle a pu être pratiquée sous Vichy, d’autant que le nombre important de cabinets qui se sont succédé au ministère tendit à multiplier en ce domaine, passe-droits et irrégularités.
« Vous devez probablement avoir la réputation d’un collaborateur... »
« M. le président, je serais très désireux de savoir ce qu’on me reproche. En septembre 1944, la foudre est tombée sur moi trois fois de suite : j’ai été mis à la porte de l’Institut Pasteur, j’ai été relevé de mes fonctions de professeur à la Faculté, j’ai été incarcéré au Fort du Hâ. J’ai demandé à diverses reprises au cours de ces journées pour quelles raisons j’étais ainsi frappé. On ne m’a donné aucune explication14 ». C’est ainsi que s’annonce l’audience d’un professeur de médecine de Bordeaux dont l’affaire illustre bien les difficultés d’évaluer à leur juste mesure les récriminations à l’encontre des accusés. « Comme mon avocat ne pouvait obtenir aucune raison des rigueurs qui m’étaient infligées, je suis allé trouver M. le Maire de Bordeaux et je lui ai dit : “M. le Maire, je voudrais savoir ce que vous avez à me reprocher...” J’ai trouvé un homme fort ennuyé. Il me dit : “C’est l’administration municipale qui a pris cette décision... Je ne vous connais pas. Tout ce que je peux vous dire c’est qu’elle a été prise à l’unanimité de sept membres, je ne me souviens plus pourquoi”. Je lui répondis : “mais M. le Maire, vous avez signé cet arrêté. Vous devez tout de même savoir pourquoi vous m’avez ainsi frappé”. J’ai évidemment beaucoup embarrassé M. Audeguil qui a fini par me dire : Vous devez probablement avoir la réputation d’un collaborateur...15. »
16Pourtant, le professeur n’a eu aucun rapport direct avec les Allemands ni adhéré à aucun groupement maréchaliste ou de collaboration, et quoiqu’ayant adhéré à l’Action française, les témoignages attestent tous de son attitude « violemment anti-allemande », ce qui sera reconnu par le CSE. Pour l’essentiel, sa mise en cause reposait sur la relation de proximité qu’il entretenait à la faculté de médecine de Bordeaux avec Pierre Mauriac, inquiété dans une affaire de dénonciation qui coûta la vie à un médecin résistant de son service16. Derrière les mots et les réputations, il y a souvent des situations complexes, parfois tragiques, des contentieux lourds qui peuvent lancer les rumeurs et ourdir de prétendus complots. Le tout attisé souvent par le Front national universitaire, dont il n’est pas rare qu’il radicalise les accusations à l’endroit d’enseignants au vichysme bon teint mais qui ne sont pas pour autant des délateurs.
17C’est précisément ce qui semble s’être produit dans le contexte du Museum d’histoire naturelle dont la commission d’épuration fut particulièrement sévère. Une raison sans doute à cela, la connexion qui existait entre scientifiques avec le Musée de l’Homme. On sait qu’à l’initiative d’Yvonne Oddon, Boris Vildé et Anatole Lewitsky celui qui, sous le nom de « Réseau du Musée de l’Homme », fut une des premières organisations de résistance constituées dès les premières semaines d’Occupation, fut décimée tragiquement à partir de janvier 1941. En février 1942, 10 condamnations à mort et 3 peines de travaux forcés furent prononcées par un tribunal allemand, entraînant la mort au poteau d’exécution ou en déportation des résistants. Mais on sait également qu’en dépit de l’intrépidité de ses membres, l’organisation du réseau n’était pas exempte de failles, du fait notamment de son manque d’expérience de la lutte clandestine face aux méthodes rôdées de l’Abwehr et de la Sipo-SD. C’est dans ce contexte tragique que se trouve mis en cause à la Libération un assistant du Museum, accusé par le FNU le 20 septembre 1944, d’avoir « apporté une aide à la Gestapo pour les arrestations effectuées au Musée de l’Homme le 11 février 194117 ». Champion, c’est son nom, est accusé par le FNU de s’être employé à faire avorter une enquête interne au Musée, enquête demandée par le personnel à la suite des mesures policières qui avaient frappé un certain nombre de ses membres, puis les arrestations qui avaient mis fin à l’activité du réseau. Il était notamment soupçonné d’avoir couvert Federovsky, en fuite et formellement accusé d’avoir dénoncé à la police allemande plusieurs membres du personnel lors de l’affaire du Musée de l’Homme. Avant comme après l’opération du 11 février 1941, date des arrestations, précisait le FNU, les liens entre Champion et Federovsky avaient été constants. Selon le FNU « [...] Durant toute la période d’occupation, M. Champion a (vait) témoigné d’un loyalisme absolu à l’égard du gouvernement de Vichy. Avant la guerre, il avait déjà manifesté des sentiments antisémites. Il convient de noter que, malgré sa xénophobie étroite, il ne s’était jamais montré germanophobe à l’égard d’Allemands émigrés. Son incapacité et son défaut de solidarité professionnelle ont toujours été notoires ». Les accusations sont graves, mais l’assistant est finalement innocenté. Le témoignage en sa faveur du directeur du Musée de l’Homme, Paul Rivet, qui avait réussi à échapper aux arrestations en se réfugiant en zone sud ainsi que la suspicion qui entourait les accusations toujours radicales du FNU y contribuèrent. Il fut finalement admis que « de graves imprudences verbales avaient été commises au Musée de l’Homme par ceux-là même dont l’action de résistance s’y déroulait en sorte que de nombreuses personnes étrangères à cet établissement se trouvaient au courant de ce qui s’y passait18 ». Le drame du Musée de l’Homme ainsi instrumentalisé bénéficia peut-être à l’accusé. Son exemple montre à quel point les ressentiments purent être puissants et comment la gestion de telles situations fut difficile. On peut penser que la radicalité du FNU joua en faveur de l’assistant, puisque la commission proposa le classement de son affaire le 23 décembre 1944, en considérant qu’il était « profondément regrettable que des savants portent, sans raison, les accusations les plus graves contre des collègues avec qui ils ont des dissentiments personnels19 ».
La spécificité universitaire
Insuffisance professionnelle et affaires de droit commun
18à l’université comme dans d’autres domaines de la fonction publique, les instances d’épuration furent amenées parfois à juger des affaires relevant de commissions disciplinaires, voire de simples commissions de spécialistes, notamment dans l’attribution des postes, comme ce fut le cas pour un mathématicien à la nostalgie patriotique teintée d’opportunisme, qui en 1939 avait essayé d’obtenir la nationalité argentine. Le Comité consultatif, chargé des réintégrations devait ainsi se prononcer sur l’opportunité d’un retour à la Sorbonne du chercheur. On relève dans le dossier cette remarque d’un des membres du Comité : « Il est resté 16 ans hors de France. C’est un mauvais exemple pour les jeunes ; il a passé à l’étranger ses années les plus fécondes du point de vue scientifique pour rentrer prendre “ses invalidités” à la Sorbonne. Cela est choquant. D’ailleurs, les mathématiciens victimes de guerre ont émis des protestations20 ». Le délit d’opportunisme prenait sans doute plus de poids ainsi pointé par les victimes de guerre, mais demeure une forme de carriérisme difficilement assimilable à de la collaboration. Certains universitaires qui pouvaient avoir côtoyé des responsables de Vichy sans pour autant collaborer furent également inquiétés. Ce fut par exemple le cas du directeur de l’Institut de géographie auquel le CEA reprocha « d’avoir fréquenté les ministres de l’éducation nationale » et « au cours d’un voyage au Portugal en août 1944, dit que la Collaboration était un mal nécessaire, que le maquis était formé d’étrangers, d’espagnols, communistes en particulier, enfin d’avoir vu le docteur Meyer de l’Institut allemand de Lisbonne21 ». Après s’être expliqué devant la commission, il fut finalement mis hors cause. D’autres entretinrent des relations douteuses tout en sachant demeurer en deçà d’un engagement par trop risqué. Ce fut le cas de ce professeur de droit parisien qui dut à Abel Bonnard quelques avantages, adhéra au groupe les Fidèles du Maréchal mais refusa d’entrer au groupe Collaboration. Il fut introduit à l’Institut allemand mais déclina plusieurs invitations en Allemagne tout en fréquentant à l’occasion l’ambassade d’Allemagne et le petit monde en relation avec Otto Abetz. Mais d’autres saisirent des opportunités de promotion parfois tout à fait disproportionnées qui purent les propulser au sommet de la hiérarchie administrative. L’inspecteur d’académie Ferrère devint ainsi recteur de l’académie de Dijon à rebours de tous les usages. « M. Ferrère, inspecteur d’Académie et docteur ès lettres, écrit l’enquêteur, pouvait être nommé recteur, mais cette nomination était inhabituelle et elle a paru surprenante. M. Ferrère dont les habitudes d’intempérance étaient notoires et qu’aucun mérite particulier ne signalait a été choisi parce qu’il connaissait M. Mourailles, chef de cabinet de Bonnard et d’autre part, parce qu’il sympathisait avec certaines idées de ce dernier. Une lettre interceptée de 1943 par le contrôle postal éclaire bien les conditions de cette nomination22 ». L’opportunisme du recteur paraît dépasser très largement le niveau d’intention auquel on pourrait s’attendre. Pas d’engagement politique conscient, pas de sentiment d’avoir contribué à la politique de Vichy comme l’explique l’enquêteur, « les faits retenus contre lui montrent qu’il n’a eu aucune conscience des événements qui se sont déroulés en 1944. Cette inconscience est véritablement incroyable. Il a sévi et fait sévir en 1944 contre des élèves qui ont brûlé un portrait du Maréchal Pétain et lancé des fléchettes sur la silhouette d’un soldat allemand, contre des lycéens de Chaumont qui s’organisaient pour échapper au STO23 ». Ferrère n’est pas un « engagé », seulement un simple pion du népotisme ministériel. Diverses nominations décrétées notamment par Abel Bonnard se retournèrent ainsi contre les bénéficiaires. La pratique du soupçon aidant, on prêta même faussement à certains d’avoir été favorisés24. Quoiqu’il n’ait ni adhéré à une organisation de collaboration, ni fait de propagande, et en somme, que son action n’ait réellement été préjudiciable à personne, le recteur Ferrère paya cher sa promotion éclair et sa complicité avec Abel Bonnard25.
19Les affaires de droit commun dans certaines situations s’entremêlent à des engagements apparemment politiques ou, comme c’est le cas dans ce qui va suivre, à une stratégie de protection de l’accusé. Un professeur de Clermont-Ferrand, franc-maçon, fut ainsi à la fois mis à la retraite d’office (sans communication de son dossier) par arrêté du gouvernement de Vichy, en 1941, au titre de la loi d’exception du 17 juillet 1940 ; et déféré en cour de justice (qui l’acquitta en octobre 1946), mais sans que sa pension de retraite lui soit restituée. À l’origine, une simple affaire de droit commun dans laquelle le fils d’un universitaire, Bert, avait volé des produits à l’École du pétrole où travaillait son père. Ces produits appartenant à celui-ci, l’affaire n’aurait pas été plus loin si elle n’avait connu d’autres développements. Bert, porte plainte et accuse un agent innocent, ce qui entraîne une plainte contre lui, émanant de ses collègues qui lui garderont rancune de cet épisode à la Libération. Le cas de Bert est également compliqué par le fait que, se trouvant exclu de ses fonctions, il a par opportunisme adhéré à la Légion au moment de l’armistice. « Quand il s’est senti menacé, explique le recteur (après la libération), il devint légionnaire actif. Dès qu’on sut qu’il était franc-maçon, il fut chassé. Pendant son adhésion, il portait partout un superbe béret légionnaire et il tenta de se faire défendre par la Légion26 ». Ajoutons pour restituer la complexité de ce genre d’affaire, que le recteur précité (Dubois), avait lui-même été exclu sous Vichy et maintenu en exclusion sur la recommandation de Bert auprès de l’amiral Platon chargé d’étudier le dossier. « L’attitude de M. Bert écrit le rapporteur, qui, par vengeance personnelle dénonce son doyen gaulliste à des personnes très haut placées dans le gouvernement de Vichy, qui tente de nuire à des collègues Alsaciens-Lorrains, mérite peut-être qu’on envisage des poursuites judiciaires pour dénonciation ayant amené des sanctions graves puisque M. Dubois (le doyen) a été non seulement mis en résidence surveillée et inquiété par la Gestapo, son seul tort était de ne point se plier aux exigences de Vichy, ni à celles de l’occupant, et de travailler de son mieux à la Libération et à la Victoire27 ». On remarquera qu’une affaire comme celle-ci procède d’un enchaînement d’événements dont les conséquences sont de plus en plus graves, mais qui évacue toute dimension politique au sens commun du terme, dans la mesure où l’engagement de ce personnage relève avant tout d’un opportunisme ou d’une tactique de préservation. Voulant se protéger, Bert multiplie les contacts (et les maladresses), accuse, dénonce, et partant se trouve accusé d’être, à la Libération, un zélateur du régime déchu alors qu’il en était initialement la victime. On perçoit également, et cela n’est pas le moins important, la complexité d’une affaire et de son évolution, où se mêle l’inquiétude d’un franc-maçon pourchassé par Vichy, la volonté d’un père de couvrir son fils ayant commis un modeste larcin, la réaction d’un environnement professionnel saisissant peut-être là, l’occasion de se débarrasser d’un collègue hostile, la spirale d’une implication de plus en plus active dans la Légion pour faire oublier son passé franc-maçon, etc. On perçoit, même si les affaires de ce type ne sont pas les plus nombreuses, qu’il s’agit là de toute autre chose et que l’écheveau des tensions et des discours entrecroisés au motif de l’épuration est bien difficile à démêler.
Compromission familiale et conflits personnels
20Les liens familiaux peuvent avoir une incidence déterminante dans l’appréciation d’une affaire. Un parent dans la résistance constitue souvent un élément de poids dans la défense des accusés qui, en dernière instance, brandissent souvent la résistance d’un proche pour mieux attester de leur propre intégrité patriotique. L’inverse est également vrai : un directeur de laboratoire grenoblois se voit ainsi accusé d’avoir adhéré à la Légion des Volontaires Français contre le Bolchevisme. « Parti en 1940 avant l’armistice parce que je ne voulais pas me soumettre, explique-t-il, j’emportais avec moi le matériel le plus précieux et j’allais à Toulon où l’amiral Fenard m’incorporait comme collaborateur extérieur. Le lendemain, avec d’autres personnes dans mon cas, nous embarquions. Nous apprîmes l’armistice en mer. Nous débarquions à Oran et nous étions dirigés sur Alger [...] C’était la débandade, il y avait un esprit séparatiste en Algérie. Après Mers-el-Kébir, l’amiral Fenard nous réunit un jour et nous dit : “mes amis, je ne peux pas vous obliger à rester avec moi. Cependant j’estime qu’il y a encore beaucoup à faire et je vous offre de vous garder. Dix collaborateurs (extérieurs) seulement sont restés. J’en étais. On nous a demandé une étude sur l’énergie hydro-électrique. La situation devint grave : la commission italienne d’armistice arrivait d’Alger [...]”28 ». Berthier se rend ensuite plusieurs fois à Vichy pour des raisons professionnelles (il est devenu conseiller scientifique), mais il est attesté qu’en de nombreuses occasions, il a profité de son statut et des privilèges qui y étaient liés, pour protéger des Juifs (notamment en les employant plus ou moins fictivement dans son laboratoire), qu’il a commis plusieurs « actes de résistance » (dont le vol d’une mitrailleuse !), et que l’efficacité de son activité de renseignement est incontestable. Il n’empêche que revenant à Chambéry, Berthier se trouve devoir faire face à une grande hostilité de la population car son fils, dont il n’avait aucune nouvelle est soupçonné d’avoir fait partie de la Milice. Le soupçon porté par la rumeur peut prendre valeur de certitude et orienter ainsi la désignation publique. L’engagement d’un proche – dont ne sait dans le cas présent s’il a été ou non effectif – vaut par association celui d’un père pour un fils ou d’une femme pour un mari. La honte ainsi partagée clarifie le jugement social dans un processus de glissement progressif, par association, qui trouve dans son développement sa propre justification. Cette désignation dont on comprend bien qu’elle vaut avant tout pour elle-même, est l’un des éléments qui fonde le sentiment d’injustice et le malaise qui entoure le souvenir de l’épuration.
21Les petitesses entre collègues ne furent pas non plus absentes des récriminations portées. Un fils présumé milicien, une femme allemande, des relations douteuses, des affaires minuscules qui ne distinguent guère le monde universitaire de ceux déjà étudiés. Il existe malgré tout quelques particularités dans les accusations portées contre les universitaires. On atteint parfois d’étranges zones insoupçonnées où la tactique de défense de réprouvés sous Vichy se retourne contre eux à la Libération. C’est ce qui se produit pour Paul Becquerel. Exclu comme franc-maçon en octobre 1941, inquiété par le régime, il écrit, après s’être vu refusé une première demande de réintégration, une lettre mystificatrice d’allégeance à Bonnard. Il y revendique d’avoir « combattu le Front populaire, écrit dans la revue France active contre les universitaires communistes [...], adhéré à la Ligue d’éducation française dont le maréchal Pétain était président du Comité d’honneur [...], enfin écarté de (sa) faculté des juifs communistes, candidats à des postes de professeurs. Je ne devrais pas être inquiété, concluait-il, parce qu’une loge maçonnique [...] m’a maintenu honoraire contre mon gré et sans me prévenir29 ». Justifiant son geste, l’intéressé revendiqua le fait d’avoir utilisé ce subterfuge pour récupérer son poste et son salaire. « Contre un gouvernement sans honneur qui avait trahi son pays et qui le traquait, il n’y avait plus de ménagement à prendre », conclut l’enquêteur, sensible aux nombreux témoignages, dont ceux de Langevin et Joliot, rédigés en faveur du physicien. Si la stratégie de la mystification pouvait se comprendre, elle n’en coûta pas moins un blâme à son auteur. De la mystification à l’opportunisme, il n’y avait qu’un pas qui avait valu à d’autres, moins connus, des sanctions bien plus sévères quand ce n’était pas l’exclusion pure et simple de l’université.
Une collaboration spécifiquement universitaire ?
22Contrairement à toute attente, c’est rarement pour le contenu de leurs cours que les universitaires furent inquiétés au titre de l’épuration. À croire que l’éthique professionnelle l’ait emporté sur la dimension idéologique. Encore faut-il relativiser la réalité de l’imprégnation idéologique des enseignements. Vichy ne bouleversa ni les pratiques d’enseignement, ni le contenu des cours. Les enseignants se plièrent aux exigences de fonctionnement de l’institution, mais ce qui se passait dans leur cours ne pouvait guère être contrôlé par l’administration. Cette autonomie et cette liberté, prérogative de l’enseignement supérieur, établit une protection pour le corps universitaire. Que des auditeurs extérieurs aient pu assister à des cours dans le but d’en contrôler la neutralité si ce n’est, selon les disciplines, l’orthodoxie, cela ne fait guère de doute, mais excepté pour quelques cas connus comme Labroue ou Montandon, ou d’autres qui le furent moins, acteurs engagés dans la collaboration ou convaincus de leur rôle de propagandistes, les enseignants du supérieur surent préserver leur espace de parole. Et si certains d’entre eux furent inquiétés à ce titre, ce fut souvent sur la foi d’accusations émanant de quelques individus, pour des raisons souvent plurielles. B..., professeur de géographie assesseur du doyen de la faculté d’Aix propose un profil pâle de la collaboration universitaire ordinaire. Certains de ses cours portèrent sur des sujets dont le rapport d’enquête précise « qu’ils pouvaient prêter à équivoque et qui, même en observant une parfaite objectivité, risquaient d’impressionner défavorablement l’auditoire et de lui faire croire à une propagande anti-alliée30 ». En résumé, le choix des sujets « n’était pas opportun en période d’occupation et, au moment où les anglo-américains apportaient leur aide à la France, l’impression produite par les conférences avait été défavorable à la cause alliée ». Ses cours portaient sur l’Inde, sur les États-Unis, et des témoignages d’étudiants attestent de leur impartialité. Mais la parole publique pouvait être décryptée de diverses manières. Il arrive du reste que des étudiants déçus de leur note d’examen portent plainte et mettent ainsi en cause leur professeur.
Compromission professionnelle
23Plus périlleux fut parfois le commentaire de la constitution de Vichy lorsque celui-ci faisait partie d’un cours de Droit. C’est ainsi que dans son « Cours de droit constitutionnel », un juriste de Dijon dût aborder cette épineuse question. Dénoncé sur la foi de quelques plaintes mal identifiées, il se voit interroger par le CAE. Voici la séquence de l’interrogatoire :
« Le CAE : Au point de vue des idées générales, on vous reproche d’avoir pris partie en faveur de Pétain et du régime de Vichy. Certains passages montreraient votre sympathie pour le régime nouveau et constitueraient même son apologie dans certains cas. Et l’ensemble témoignerait d’une antipathie générale à l’égard des régimes démocratiques.
Il y a d’abord le statut des juifs “inspiré par cette constatation de fait qu’étant donné ses caractères ethniques, ses réactions, le juif est inassimilable”.
B... : En effet, j’ai dit cela, ce n’était pas mon sentiment personnel mais simplement l’exposé des motifs de la loi. Je me suis aperçu que cela pouvait prêter à controverse, j’ai rectifié en disant : “partant de l’idée qu’ils sont inassimilables, le régime a mis sur pied un statut des juifs”.
Le CAE : Il y a donc lieu de distinguer dans votre ouvrage, une partie où sont exposés vos idées personnelles et une autre qui n’est qu’un commentaire objectif des ordonnances de Vichy.
B... : C’est extrêmement simple ; à titre personnel, je revendique les pages relatives à l’État et son gouvernement, à la conception du pouvoir dans l’État. Le reste est un simple recueil de textes mis en forme de manière à être facilement assimilable pour les étudiants. Comme travail et pensée personnels j’ai écrit un gros ouvrage, Le pouvoir politique et l’État, paru en 1942. Il est curieux que mes critiques n’aient jamais fait état de cet ouvrage qui est une œuvre de critique scientifique motivée.
Le CAE : Dans l’avant-propos de votre édition de 1944, vous dites : “des hommes sont curieux de situer dans l’évolution de nos institutions le prodigieux effort de redressement que tente le nouveau régime”. Cette phrase exprime bien votre pensée ?
B... : C’est certain. Je me suis placé objectivement dans la pensée du Français de France, après la triste période de la débâcle, j’ai apprécié le régime, quel qu’il soit, qui essaie de remettre de l’ordre dans ce chaos, j’ai salué son prodigieux effort, au sens étymologique du mot.
Le CAE : vous dites aussi : “l’État est un sommet d’où on ne peut que redescendre”. Que voulez-vous dire par là ?
B : C’est une critique du régime hitlérien ; dans la partie de mon livre consacrée au fondement du pouvoir, j’ai montré que celui-ci ne pouvait avoir de fondement démagogique, mais qu’il devait être consenti, accepté par le peuple.
Le CAE : C’est pour cela que vous précisez : “les peuples ont inventé l’État pour ne pas obéir à un homme”.
B... : Cette idée reste vraie, j’ai exposé la doctrine du gouvernement de Vichy impartialement, mais sans sympathie exagérée. J’estime que quand le trouble sera calmé, certaines idées exprimées par le maréchal resteront. C’est ainsi qu’on a fait parfois allusion à mon paragraphe sur la patrie, p. 188 ; on m’incrime (sic ?) du fait que je parle du patriotisme. Vichy s’en est beaucoup servi et a tiré sur cette corde ; cette idée doit être maintenue.
Sur aucun des points je n’ai pu m’engager à montrer de sympathie exagérée à l’égard du régime. M. Guyot, président du CDL m’a traité de fasciste ; c’est un grief auquel je suis doublement sensible ; pour un juriste d’abord, c’est un grief d’imbécillité, car aucun juriste dans les pays totalitaires n’a donné dans le fascisme ; aucun juriste allemand ou italien n’a étayé le fascisme ; il a fallu inventer des juristes neufs pour justifier ce régime. D’autre part, au bout de 20 ans d’enseignement purement objectif, il est pénible de s’entendre accuser de fascisme31. »
24S’il fut rendu justice à ce professeur dont le dossier fut classé, on mesure la portée que pouvait avoir pour un enseignant le moindre écart de parole. Pire encore lorsque de cette parole il pouvait rester trace écrite comme ce pouvait être le cas pour un cours. Les subtilités du vocabulaire juridique ou les arguties de forme permettant de prendre une distance prudente par exemple avec le statut des juifs (« partant de l’idée qu’ils sont inassimilables, le régime a mis sur pied un statut des juifs ») pouvaient échapper aux censeurs. On comprend cependant qu’à l’origine de la mise en cause de B..., existe quelque vague rancœur d’étudiants ou de collègues ajoutée à l’inimitié, dont on ignore la cause, du président du CDL. Si l’affaire s’arrête là, elle n’en laisse pas moins un souvenir qu’on imagine amer de la part de l’intéressé. Mais son affaire est éloquente quant à la manière dont se construit le soupçon. Les juristes ne sont guère des gens de progrès. Leur savoir tente d’encadrer, toujours avec un temps de retard l’évolution de la société civile. Dans le contexte de la Libération, la prise de risque d’un commentaire même neutre ravivé par d’obscures querelles internes prend d’un seul coup du sens.
25Mais c’est en histoire que l’on trouve le profil idéal de l’universitaire à la fois admirateur du régime de Vichy, antisémite, mauvais enseignant et auteur médiocre. Le portrait que dresse un collègue de Villat n’est guère flatteur :
« M. Villat faisait ses cours sans la moindre préparation. Il consultait pendant son exposé des manuels d’enseignement secondaire disposés sur sa table (en général des œuvres de la collection Mallet-Isaac et Guignebert). En raison de cette improvisation, son cours était souvent inexact et incomplet, toujours très superficiel, parfois presque incohérent. L’abjuration d’Henri IV devenait postérieure à l’entrée du roi dans la capitale. Pour les origines de la guerre hispano-américaine, il ignorait au début de la leçon que la cause réelle de l’explosion du croiseur Maine était accidentelle, puis, s’en apercevant par la suite, il n’hésitait pas à se contredire. Par contre les leçons étaient agrémentées de nombreuses expressions d’argot [...] de jeux de mots et de calembours. C’est par ces moyens que M. Villat cherchait à retenir l’attention de ses auditeurs. Il a pu avoir auprès de certains un succès de mauvais aloi, mais les agrégatifs ne tardèrent pas à renoncer à suivre des cours dont ils ne pouvaient tirer aucun profit32. »
26D’autres, rares, purent être inquiétés au titre de ce qui, en d’autres circonstances, aurait pu passer pour une initiative malheureuse. Surtout lorsque la presse s’empare de l’événement et en laisse une trace. Ce fut le cas pour Delebecque, assistant à la faculté de lettres de Montpellier, qui avait invité le 10 mars 1944 un conférencier anglais, Sisley Huddleston, à prononcer une conférence intitulée « Pourquoi je suis devenu français ». Le ton du propos était violemment anti-alliés, ce que Delebecque, dans sa défense, disait ne pas soupçonner. Un livre écrit par le conférencier, Le mythe de la liberté indiquait pourtant selon l’accusation « les tendances pro-fascistes de l’auteur ; ce qu’attestait la presse sans guère d’ambiguïté tout comme le franc succès de la manifestation33 ». C’est ainsi que Le Petit Méridional rendait compte le lendemain de la conférence de Sisley Huddleston et des raisons qui l’avaient déterminé à devenir français :
« (Il) l’a fait avec une chaleur, une éloquence et aussi avec une logique qui lui ont maintes et maintes fois valu les applaudissements enthousiastes du nombreux auditoire qui se pressait, hier dans la salle des concerts [...] il l’a fait enfin parce qu’il est d’avis que la France symbolise la civilisation européenne, qu’il faut défendre contre le capitalisme, le communisme et le bolchevisme. La lutte contre ce dernier ennemi, le plus dangereux, a permis à M. Huddleston de nous en montrer les terribles dangers pour la civilisation européenne. Il a décrit les origines extra-européennes et les méthodes sanguinaires de ce peuple resté barbare et au régime dictatorial. Passant à une large mais compréhensive situation de l’Europe, le conférencier a montré comment son salut réside dans une collaboration sincère de tous les pays qui la constituent. “La collaboration, a-t-il dit, est la loi de la vie ; la non collaboration est la loi de la mort. Toutes les nations d’Europe doivent travailler les unes pour les autres et surtout les unes avec les autres”34. »
27Dans la salle, on notait la présence du préfet régional, de l’intendant régional de police, du sous-préfet, du procureur général, de l’adjoint au maire, etc. Delebecque se défend en affirmant tout ignorer des idées pro-hitlériennes de Sisley Huddleston tout comme la présidence du délégué régional à la propagande lors de sa conférence. Il nie tous les chefs d’accusation contenus dans le rapport d’enquête et fait référence au général Koenig sous les ordres duquel il a servi en Norvège.
28C’est le bénéfice du doute qui l’emporte généralement en l’absence d’autres griefs plus consistants. En dépit des enquêtes sérieuses qui sont menées, il n’est pas toujours possible de cerner précisément les intentions des accusés. Mais ces enquêtes permettent à l’occasion de montrer la relativité de témoignages, à charge ou à décharge, dans des affaires il est vrai de seconde importance. Pour le même motif que le précédent, la présentation d’un conférencier, Georges Claude, qui devait le 4 décembre 1943 intervenir sur l’air liquide, un universitaire qu’on est allé chercher du fond de sa retraite est mis en cause. On lui reproche en effet d’avoir cautionné par sa présence non une conférence scientifique, mais « en fait, une propagande passionnée pour Vichy et la collaboration ». « M. Turpain, écrit l’enquêteur, adopte l’attitude d’un homme innocent et naïf. Agé de 78 ans, en retraite dans un hameau, la Toussaye par Iteuil, il vient, nous dit-il, très rarement à Poitiers, n’est pas au courant de la vie politique. Il reçut par téléphone, au dernier moment, l’invitation du Préfet à présider la conférence de Georges Claude. Flatté d’être tiré de sa retraite pour présenter le savant au théâtre de Poitiers, il accepte sur le champ. Il ignorait totalement, nous dit-il, que plusieurs collègues de la faculté des sciences, sollicités auparavant par le Préfet, s’étaient dérobés. Il ignorait même que Georges Claude fut un collaborateur. Il n’a présenté que le savant, non l’homme politique. Ce patelinage fut joué par M. Turpain avec un talent qui ferait plus honneur à un acteur professionnel qu’à un membre de la faculté des sciences de Poitiers35 ». En effet, « deux témoignages formels » viennent ruiner le système de défense de l’accusé : le premier « déclare que quelques phrases prononcées par M. Turpain aux séances du conseil d’université l’avaient édifié sur les opinions de M. Turpain bien avant la conférence de George Claude, si bien qu’il ne fut pas étonné de lire le nom et le titre de Turpain sur les affiches annonçant cette conférence » ; le second rapporte « qu’en mai-juin 1944 en présence de M. Bley, préparateur, qui venait d’être relâché par la Gestapo, M. Turpain avait déclaré : “moi je suis collaborationniste”36 ». Que penser dans ces affaires de mots ? Elles expriment sans doute des opinions mais réveillent autant des rancunes personnelles lorsque, comme c’est le cas ici, le motif est mineur, l’accusé âgé et les témoins peu nombreux.
29Des relations scientifiques nouées avec l’occupant sont évidemment toujours suspectes. C’est ce qui arrive au professeur Loeper, notamment avec le docteur Knapp de l’ambassade d’Allemagne. Il a, en mars 1941, accepté de faire partie d’une commission franco-allemande et, à ce titre, s’est rendu à Stuttgart en septembre 1941. Il a eu par la suite, jusqu’en 1942 d’autres contacts avec les occupants, notamment avec l’Institut allemand. Mais le médecin est lavé de toute intention politique car on reconnaît que cette mission lui a été confiée à la demande du ministère de la santé publique et que ses relations avec les Allemands sont demeurées sur le plan purement scientifique. Ce qui lui est reproché est surtout sa « légèreté en s’imaginant qu’une collaboration de cette nature pouvait s’établir sur un plan d’égalité »37 ; et quoiqu’il ait « ainsi favorisé la propagande de l’ennemi », le CSE reconnaît que « c’est inconsciemment, et sans aucune pensée antinationale ». Il est également reconnu en faveur de Loeper d’avoir « donné un clair témoignage de ses sentiments patriotiques, en camouflant sous une fausse identité (non sans assumer un risque grave), dans son service hospitalier de nombreux Français et en les empêchant d’être déportés en Allemagne38 ». Mais d’autres se voient inquiétés pour des raisons plus ambiguës où les relations scientifiques sont panachées de règlements de compte personnels à la faveur du nouveau régime. Ce maître de recherche du CNRS tout d’abord accusé d’avoir noué des relations avec un collègue allemand préhistorien et de lui avoir procuré toutes les facilités pour photographier les peintures rupestres de la grotte de Lascau, découverte en 1940, pensait sans doute demeurer sur le strict terrain scientifique. Mais se rendait-il compte des conséquences possibles « des relations suivies (qu’il entretenait) avec certains Allemands [...] notamment (ceux) dont le but manifeste était de recenser nos richesses préhistoriques et la mise en tutelle intellectuelle de la science française ? » Pour le CSE, le chercheur avait par ailleurs profité du poste auquel il avait été nommé par le gouvernement de Vichy et de l’absence, par suite de l’oppression ennemie, du docteur Rivet, directeur du Musée de l’Homme, patriote éprouvé et résistant de la première heure, pour renouveler contre lui ses attaques et tenter de faire prendre contre son collaborateur Kelley, sujet d’un pays allié, des mesures spoliatoires39.
Délit de plume
30Le délit de plume fait naturellement partie des griefs propres à la communauté universitaire. Publications dans les revues allemandes, dans les revues françaises, mais là encore leur nombre reste très en deçà de ce que l’on pouvait attendre. Le délit de plume ne frappe pas seulement les enseignants qui passent pour avoir eu des sympathies pour le gouvernement de Vichy. Il peut être retenu contre un auteur ayant remanié, comme c’est le cas ici, un manuel d’histoire censuré par l’occupant. Et ce parfois pour des raisons plus complexes qu’il y paraît. C’est ce qui arrive à ce directeur d’une école nationale professionnelle, pourtant suspendu sous Vichy en février 1942 et réintégré par le Comité de Libération en août 1944. Un collègue, agrégé d’allemand, le dénonce à la commission d’épuration dans une lettre du 19 janvier 1945 dans laquelle il écrit : « Ayant découvert ces textes, que j’ai estimés scandaleux, au début du mois de janvier, j’ai cru bon de n’écouter que ma conscience et de les porter immédiatement à la connaissance de mes collègues afin de mettre cette affaire au clair40. »
« Mais comme plusieurs membres du Comité de Résistance de l’École – pour des motifs d’opportunité ou de politique – semblent se récuser, et comme d’autre part M. Bertrand qui se retranche derrière sa soi-disant “objectivité”, me conteste le droit de m’occuper d’une cause patriotique en raison de ma situation de Français de Traité de Versailles, je me vois contraint de faire directement appel à votre haute autorité en vous transmettant tout le dossier [...]. Bien que mes mobiles ne changent rien à la matérialité des faits, je tiens à affirmer avec force que j’agis sans le moindre esprit de rancune et avec une indépendance absolue, n’ayant en vue que l’intérêt supérieur de la justice de mon pays. »
31On notera au-delà de la situation singulière de l’auteur du livre, évincé par Vichy, que la délation révèle à l’évidence une tension dans les relations entre l’intéressé, le délateur et leurs collègues. Cet Alsacien surnommé « Français du Traité de Versailles » par son supérieur hiérarchique est sans doute poussé à certaines concessions. L’affaire se résume à la publication chez Delagrave en 1939 par l’enseignant accusé d’un Précis d’histoire contemporaine. Ce volume, tout d’abord interdit par les Allemands, reparaît en 1941 avec une coupure d’une vingtaine de pages. Les Allemands n’aimant pas cette preuve visible de leur intervention, Bertrand consentit a refaire les pages incriminées et présenta en ces termes les causes du déclenchement de la guerre :
« Le pacte germano-polonais de non agression (1934) et l’accord de Munich (1938) firent un moment espérer la pacification prochaine de l’Europe. Mais la Pologne, encouragée par la garantie que lui assuraient l’Angleterre et la France, refusa la proposition que le Führer lui fit en avril 1939 pour régler pacifiquement la question de Dantzig et du corridor polonais. Malgré la signature du traité germano-russe de non agression (23-24 août 1939) qui ruinait pour la Pologne l’espoir d’obtenir l’aide de l’URSS, malgré l’ultime tentative faite par Mussolini, le 2 septembre, pour sauver la paix, l’Angleterre et la France se déclarèrent, le 3 septembre, en état de guerre avec l’Allemagne41. »
32Après avoir exposé les buts de guerre de Hitler et sa volonté d’unification des populations germanophones dans le Reich, l’auteur traduit en ces termes l’évolution de la situation internationale :
« Pour mener ce programme à bonne fin, le Führer use d’une politique à la fois prudente et audacieuse. Malgré son désir de reprendre le corridor de Dantzig, il a signé avec la Pologne, le 26 janvier 1934, un pacte de non agression : toutes les questions litigieuses seront réglées par les deux pays, qui se soumettront, en cas de désaccord, à la sentence d’un tribunal d’arbitrage. La question de l’Autriche est déjà réglée : la loi du 13 mars 1938 a proclamé l’Anschluss, c’est-à-dire l’incorporation de l’Autriche à l’Allemagne qui devient ainsi “la Grande Allemagne”. La question des Sudètes a également été réglée en 1938 : l’accord de Munich, signé le 30 septembre 1938, par Hitler, Mussolini, Chamberlain et Daladier, décide le rattachement immédiat à l’Allemagne des districts des Sudètes dont la population est en majorité allemande. Cet accord fit naître un grand espoir de paix stable, tôt déçu. En effet, à peine de retour à Londres, Chamberlain élabora un programme massif d’augmentation des armements. Une psychose de guerre s’étendit sur l’Europe42. »
33Enfin, en conclusion, l’auteur présente une vision angélique de la politique hitlérienne à l’égard de l’Europe. « En politique extérieure, Hitler a fondé la “Grande Allemagne”. Il propose maintenant de constituer une Europe organique, spirituellement unie, cohérente au point de vue économique et définitivement pacifiée. » L’euphémisme peut paraître provocateur, quoique, à bien y regarder, on puisse considérer que l’humour n’était pas absent des intentions de l’auteur : l’unité spirituelle de cette « Europe organique », la « cohérence économique » et la pacification définitive pouvaient-elle être vraiment prises au sérieux par un historien citoyen d’un pays occupé ? Cet opportunisme de plume relève sans doute plus, compte tenu de la position d’exclu de son auteur, d’une forme de compromission maladroite dictée par les circonstances, que d’une réelle conviction dans ses analyses. Il n’en demeure pas moins que son initiative était malheureuse et qu’il fut mis à la retraite d’office puis révoqué.
34D’autres écrits sont moins le produit de circonstances difficiles pour un individu que celui d’une réelle volonté de nuire à son entourage. Le credo en la Révolution nationale eut parfois cet effet d’aveuglement qui devait également servir des intérêts particuliers. Mariani, assistant au Collège de France, rédigea ainsi un libellé adressé au Maréchal en octobre ou novembre 1940, texte qu’il destinait a être publié et distribué ; dans lequel il dénonçait les responsables des malheurs de la France. Les personnages menacés sont dénommés dans le texte, et énumérés dans une liste comprenant des noms d’universitaires israélites ou « de gauche », que Mariani, précise le rapport d’enquête, « pour des raisons politiques ou personnelles, considérait comme ses adversaires ». L’extrait du texte cité comme pièce d’accusation témoigne de l’engagement :
« On avait annoncé aux jeunes gens une révolution par en haut ; nous l’attendions, pleins de confiance et d’impatience ; et ce que nous avons vu apparaître, ce sont les mêmes juifs, les mêmes administrateurs véreux, les mêmes saboteurs de gauche qui ont mis la France dans l’état où elle est et dont l’impatience est à la mesure de la lâcheté du pouvoir central. Cet état de choses ne peut plus durer ; nous avons décidé de prendre les mesures qui s’imposent contre les ennemis de la patrie et de nous attaquer à la personne physique de ceux qui n’ont pas craint de jeter dans la misère le pays qui les nourrissait. Nous vous enverrons une telle bande d’estropiés que Vichy ne sera bientôt plus qu’une Cour des Miracles ; il nous est impossible de tolérer que des gens qui, en 1920, n’ont rien fait, et en 1940, ont empêché les autres de faire quelque chose, continuent à présider aux destinées intellectuelles du pays, sous le couvert de travaux scientifiques dont nous avons pu apprécier la valeur quand il s’est agi de nous défendre. Le public verra ainsi que l’âme française n’est pas morte et qu’elle sait reconnaître quels sont ceux qui furent ses assassins [...]43. »
35Est-ce par opportunisme dans l’espoir d’une promotion que lui accorderait le nouveau régime ? Par conviction personnelle ? Par aveuglement après le traumatisme de la défaite ? On notera outre l’antisémitisme virulent et la volonté délibéré de délation, la lecture simpliste des événements, des responsabilités et la naïveté de la confusion entre pouvoir intellectuel et défense nationale, bref, le peu d’intelligence des choses et des hommes de la part d’un enseignant relevant d’une des plus prestigieuses institutions du pays. Quoique le texte n’ait pas été publié, mais par la seule volonté de l’éditeur, Mariani fut mis à la retraite d’office en novembre 1946. La comparaison avec le cas précédent permet de montrer l’importance de l’écart entre deux affaires sanctionnées pourtant de la même manière.
Des Clochemerle universitaires
36Enfin, d’autres affaires frisent le cocasse comme dans celle-ci qui se confond avec une querelle de longue date entre deux collègues de la même université. On peut lire dans le rapport d’enquête « qu’au sein des Conseils de la faculté ou de l’Université N... a, pour faire pièce à un Doyen qu’il détestait, exigé l’exécution de mesures prescrites par Vichy ». L’inculpé le reconnaît avec d’autant plus d’aisance que dans les mêmes temps, il était sous la menace d’une révocation pour avoir déclaré publiquement tel arrêté de M. Abel Bonnard entaché d’illégalité. N... voulu ainsi se servir du CSE pour assouvir une vieille et tenace rancœur contre P... Mais P... lui-même, et ce bien qu’aucun fait précis ne puisse permettre au Conseil de le condamner en toute équité, paraît avoir été, toujours selon le rapport d’enquête, « un partisan de Pétain ». Il se serait même rendu coupable « de basses dénonciations », il aurait « signalé en haut lieu l’attitude “résistante” de M. N... ». À l’appui de ces allégations sont cités « des incidents de séances relatés dans des procès verbaux auxquels nul ne se réfère que par nécessité, une histoire funambulesque de cambriolages digne de la Correctionnelle qui prête à sourire [...]44 ». Ce n’est pas la gravité de cette affaire, soldée par un arrêt des poursuites en juin 1945 qui fait son intérêt, mais plutôt sa dimension individuelle et son objet dérisoire. C’est l’investissement opportuniste d’un procès politique par une rivalité de personnes qui prend valeur d’exemple. Non que la chose soit en soi extraordinaire, mais plutôt parce qu’elle nivelle la hiérarchie sociale et intellectuelle en soulignant le peu de différence pouvant exister entre le monde des fonctionnaires de la pensée, chargés de la transmission du savoir au plus haut niveau et celui des citoyens ordinaires déjà étudiés. L’épuration à l’université n’est guère animée comme on aurait pu s’y attendre par des affaires mettant en scène les acteurs d’un débat politique. Comme chez les agents des PTT ou les instituteurs, elle se nourrit aussi d’affaires de personnes, de petitesses entre collègues, de dénonciations hasardeuses, de petites avanies.
37Certaines attitudes brouillent la vision claire que l’on pourrait avoir de la compromission sous Vichy tant elles conjuguent le dérisoire et le tragique. On trouve dans le dossier de ce professeur de lettres, directeur de l’Institut des langues étrangères, une accusation grave de dénonciation portée dans une lettre au Comité académique d’enquête par Albert Soboul, agrégé de l’Université mais professeur à l’époque (en août 1942) au lycée de garçon de Montpellier et révoqué jusqu’en octobre 1944 :
« En 1940-1941, écrit-il, j’étais en relation, à l’intérieur d’un mouvement de Résistance avec M. Haas, Autrichien émigré, inscrit à l’Institut des étudiants étrangers de Montpellier. M. Haas fut arrêté par la police de Vichy en avril 1941. Je m’empressais alors d’enlever de sa chambre un certain nombre de livres m’appartenant et un ouvrage de la bibliothèque de l’Institut des étudiants étrangers. Je négligeais de rendre le livre jusqu’au mois d’août époque à laquelle je le fis remettre par un camarade. Aussi je fus très surpris de recevoir au début du mois de septembre 1942, une lettre tapée à la machine, signée de M. Tesnière, professeur à la faculté de lettres de Monpellier, directeur de l’Institut des étudiants étrangers, lettre dans laquelle M. Tesnière, à propos de ce livre rendu avec retard, menaçait de me dénoncer au Procureur de l’État français, pour menées antinationales et communisme, et relations avec un étranger arrêté pour communisme. En vacances dans l’Ardèche, je rentrais aussitôt à Montpellier et allais voir M. Tesnière. Il me renouvela cette menace, mais voulu bien laisser tomber l’affaire puisque le livre était rendu. Il était prêt, me dit-il à demander à la police d’aller le jour de la rentée arrêter un “jeune prof, brun à lunettes”. M. Tesnière avait réuni sur M. Haas et moi-même un volumineux dossier tapé à la machine. Il avait enquêté auprès de la logeuse de M. Haas, et, avait réussi à avoir son signalement et de nombreux renseignements sur moi, qui pourtant ne l’avait jamais fréquenté ni même vu45. »
38Tesnières dans son mémoire de défense (12 p. très serrées) explique :
« “[...] le point crucial de la plainte de M. Soboul est le reproche qu’il me fait de lui avoir adressé une lettre dans laquelle je le sommais de rendre le livre et le menaçais de le dénoncer au Procureur de l’État Français pour menées antinationales, communisme et relations avec un étranger communiste” [...] ma correspondance avec M. Soboul ayant heureusement été conservée dans les archives de l’Institut [...] il n’y a aucune trace [...] des accusations infâmantes dont M. Soboul ne craint pas d’attaquer la parfaite honorabilité d’une existence toute de labeur et de probité. Tesnière conteste ensuite les termes “sommait”, “menaçait”, “procureur de l’État français”, “menées antinationales”, “communisme”. C’est sa thèse qui sera confortée par le CSE qui ne retint pas la menace de dénonciation tout en considérant que l’accusé « aurait pu agir avec plus de circonspection et se préoccuper des conséquences qu’auraient pu avoir pour les intéressés, ses interventions46. »
39Certains écrits relèvent d’un comportement pathologique que la collaboration exacerbe. Ainsi ce chargé de cours de botanique détaché au CNRS, adressa-t-il à de hauts fonctionnaires allemands deux lettres qualifiées de « scandaleuses » par le CSE, dans lesquelles il reprochait aux autorités leur mollesse envers les patriotes. Il s’indignait notamment « qu’un hitlérien comme lui ait pu perdre un procès devant la Cour de cassation, par arrêt rendu en présence de M. Biederbick, major dans les SS ». Il appelait donc les foudres du Führer sur le président de la Cour de cassation M. Galletier, ancien recteur de Besançon, alors directeur de l’École normale supérieure qui fut déporté en Allemagne. Il reprochait au recteur un rapport défavorable en 1938, motivé par ses opinions hitlériennes. Apprenant que l’accusé était en traitement dans une clinique psychiatrique, le CSE annula la proposition de révocation et d’interdiction d’enseignement qu’il avait initialement rédigée47.
40Si des affaires mineures furent parfois disproportionnées, c’est qu’elles naissaient dans un contexte tendu, et même parfois tragique. Le rôle du Front national universitaire fut souvent déterminant48. Il n’est qu’à comparer les deux versions d’une même affaire, inscrite dans le contexte du Musée de l’Homme évoqué précédemment, et mettant en cause un membre du laboratoire de Marcel Griaule49.
41Voici l’extrait du rapport du FNU :
« Dès sa mobilisation a tenu des propos anglophobes et collaborationnistes.
A accepté avec M. Griaule et Labouret, de collaborer à un manuel d’ethnographie africaine dirigé par l’ethnographe allemand Bernatzik. Aurait remis à ce dernier un article destiné à un périodique ethnologique allemand.
A publié dans la NRF du 1er avril 1942, sous la direction de M. Drieu la Rochelle, une note hostile à l’esprit, à la fois technique et largement didactique, dans lequel le Musée de l’Homme fut organisé dans la période qui s’écoula de 1936 à 1938.
Ayant été emprisonné fortuitement par les Allemands en octobre 1941, est sorti de Fresnes en faisant l’éloge de ses geôliers et en se vantant d’avoir serré la main d’un des officiers allemands qui commandaient la prison.
L’ethnologie a toujours été pour lui un prétexte à publicité et la qualité scientifique de ses publications se ressentent fortement de la hâte dans laquelle elles ont été préparées50. »
42Voici maintenant l’extrait du rapport d’enquête :
« [...] Issu d’une famille d’origine australienne, Lebeuf a manifesté dès 1936 une activité anti-allemande. En particulier au Cameroun en 1936 il a réuni, sur les méthodes inhumaines de la colonisation allemande et les violences auxquelles elle avait donné lieu, des renseignements dont il fit part au général Tilho ; il en fit également état au cours des conférences publiques en 1938, au moment des revendications coloniales allemandes contre lesquelles il prit nettement position [...] activité au service de la résistance pendant la guerre (il parle parfaitement l’anglais), qui lui vaut d’être arrêté le 20 octobre 1941 et envoyé à la prison de Fresnes ; il y demeura 25 jours et dut rester ensuite en résidence forcée dans le département de la Seine
À sa sortie de prison, M. Lebeuf, connaissant l’atmosphère malveillante du Musée de l’Homme, dissimula, pour des raisons de sécurité, la véritable cause de son arrestation et se borna à déclarer qu’il n’avait pas été pendant sa captivité, l’objet de sévices particuliers [...]51. »
43L’article de la NRF n’était en somme, que l’expression d’idées personnelles sur la présentation muséologique d’objets ethnographiques qu’il avait lui-même rapportés de ses voyages en Afrique. C’est durant son séjour à Fresnes, que, les mêmes qui l’accusèrent ensuite, avaient modifié l’ordonnancement qu’il avait adopté pour exposer sa collection. La version des faits selon le FNU, vraisemblablement attisée par la fin tragique que connut le réseau du Musée de l’Homme, n’en reste pas moins le produit d’une transfiguration stalinienne, banale à l’époque chez les communistes. On conviendra que ce tour d’horizon des mobiles de l’épuration universitaire n’offre guère de particularité, comparé à d’autres administrations ou d’autres secteurs d’activité. à l’université comme ailleurs, les faiblesses humaines, le manque de courage, les tensions préexistantes ou les contextes locaux semblent avoir modelé le phénomène. L’élite enseignante épurée ne se distingue guère du monde administratif équivalent. Reste à considérer ce que fut sa perception des événements et ses modes de défense.
Notes de bas de page
1 Trésor de la langue française, CNRS, www.TLF.fr
2 Celles des PTT et de l’Éducation nationale durent instruire à elles seules plus de 8 500 dossiers, et constituent un indicateur fiable, dont l’étude a mis en valeur la résonance sociale de l’épuration dans la société civile. Cf. L’épuration dans l’administration française, op. cit.
3 AN F17 16931 René Georgin, directeur de l’ENS de St Cloud.
4 Idem. Extrait du rapport signé Lavèche.
5 Idem. Considérant que René Georgin avait été un directeur actif du cabinet Bonnard et qu’il avait sciemment tiré un bénéfice matériel de cette situation, le CSE proposa à l’unanimité sa rétrogradation comme professeur de lycée et sa révocation avec pension.
6 AN F17 17 887, dossier Albert Schmidt.
7 Idem. Le CSE propose la rétrogradation et reclassement dans le cadre où il figurait en 1939.
8 AN F17 16832, dossier Larrose, assistant germaniste faculté de Bordeaux. Cette anomalie fit casser sa sanction par le Conseil d’État.
9 Idem.
10 Idem. « Services rendus : protection du Lycée Montaigne menacé de fermeture, d’israélites, de la vie intellectuelle de l’université, d’établissements scolaires et universitaires ; 110 laissez-passer individuels, plusieurs milliers de laissez-passer scolaires, une quarantaine de requis dérobés au STO, etc., mais surtout 11 compatriotes sauvés du poteau d’exécution. » à ce titre, il fut mis à la retraite d’office avec interdiction d’enseigner le 1er mars 1946.
11 AN F 17 16797, dossier Gangloff Adolphe, assistant à la faculté des Sciences de Strasbourg, rapport d’enquête.
12 Idem. Il fut rétrogradé de deux classes.
13 AN F17 16795, dossier Léon Fromenty, professeur de médecine à Tours.
14 AN F 17 16732, dossier Aubertin, professeur de médecine expérimentale à Bordeaux, Procès-verbal de l’interrogatoire (pièce 47).
15 Idem.
16 Nous reviendrons sur cette affaire à travers les accusations portées contre son supérieur hiérarchique Pierre Mauriac. Le CEA proposa sa réintégration et un blâme, le 17 juillet 1945, eu égard à ses sentiments anti-allemands attestés ainsi qu’aux « grands services médicaux rendus même après sa suspension ».
17 AN F17 16 764, dossier Champion Pierre Auguste, Assistant muséum d’histoire naturelle.
18 Idem.
19 Idem.
20 AN F17 17589, dossier Chevalley, procès verbal, séance du 3 juin 1954.
21 AN F17 16847. Dossier Maurel.
22 AN F17 16930, dossier Ferrère, recteur de Dijon. Dossier de réintégration en 1949.
23 Idem.
24 Exemple d’Étienne Vassy, dont la nomination comme maître de conférences à l’Institut de physique du globe, parce que signée par Bonnard, fut très critiquée tandis que l’enquête prouva qu’il n’avait effectué aucune démarche auprès du ministre avec qui il n’avait aucun lien.
25 Condamné à 5 ans de prison en cours de justice, 60 000 F d’amende et la dégradation nationale à vie le 29 juin 1945, il fut révoqué sans pension avec interdiction d’enseigner et déchéance des droits au port de toute décoration le 21 février 1946. Sa nomination de recteur fut annulée. Il bénéficia d’une réduction de peine de 6 mois en juillet 1946, puis d’une autre de 6 mois en juillet 1947, il fut mis en liberté conditionnelle le 14 août 1947. Sa peine de dégradation nationale fut limitée à 10 ans et il obtint la remise de la suspension du droit à pension par décret le 10 août 1950.
26 AN. F 17 16744. Dossier Bert, déposition du recteur de Clermont-Ferrand.
27 Ibidem. Rapport d’enquête.
28 AN. F 17 16744. Dossier Berthier, directeur d’un laboratoire de recherche à Grenoble.
29 AN F17 16740, dossier Paul Becquerel, lettre à Abel Bonnard.
30 AN. F 17 16742. Dossier Benevent.
31 AN. F 17 16759. Dossier Burdeau. Mémoire de défense.
32 AN F 17 16902. Dossier Villat. Témoignage de Yves Dossat.
33 Les extraits de l’ouvrage de Sisley Huddleston, Le livre de Saint-Pierre. Vie, mort et renaissance d’un village de France (Édouard Aubanel éditeur, 1941), s’il fleure bon un pétainisme du retour à la terre, ne contient pourtant rien qui puisse faire passer l’auteur pour pro-hitlérien. Les passages retenus à charge (p 306, 313, 321, 348-9, et 351-2) paraissent bien fades, exemple : « De cette terre de France était pétri son être (Pétain). Des liens solides l’attachaient au sol. Pour lui la France n’était pas un phénomène superficiel de salons et de tréteaux électoraux. Pour lui la France était une personne réelle. La France, c’était les champs de France, la paysannerie de France ».
34 AN F17 16776, dossier Delebecque, assistant à la faculté de lettres, Montpellier.
35 AN F17 16899, dossier Turpain Albert, professeur honoraire de physique à Poitiers.
36 Idem.
37 AN F 17 16840 Dossier Loeper, professeur de médecine à Paris.
38 Idem. Le CSE propose le 27-10-1944 une peine symbolique, la censure « pour avoir avec légèreté, entretenu des rapports avec les autorités occupantes ».
39 AN. F17 16900, dossier Vaufray Raymond, maître de recherche au CNRS et directeur du laboratoire de paléoethnologie à l’École des hautes études. Il était par ailleurs accusé « d’avoir attaqué, dans un article d’une revue scientifique Kelley, sujet américain chargé avant guerre, du département de préhistoire du Musée de l’Homme et de préparer un autre mémoire relatif « aux vols commis par M. Kelley dans les gisements français pour le compte de l’Angleterre et de l’Amérique ».
40 AN F17 16744, idem.
41 AN. F 17 16744. Dossier Bertrand. Souligné dans le texte. Tapuscrit du Précis d’histoire contemporaine, p. 279.
42 Idem.
43 AN. F 17 16844. Dossier Mariani.
44 AN F 17 16862. Dossier Perreau.
45 AN F17 16896, dossier Tesnières, professeur de lettres à Montpellier.
46 Idem. Classement le 10 mars 1945.
47 AN F17 16868 Dossier Pottier, chef de travaux de botanique, détaché CNRS. Classement le 12 mars 1946 pour état de démence.
48 Cf. Le développement sur le FNU in Daniel Virieux, Le Front national de lutte pour l’indépendance de la France : un mouvement de résistance. Période clandestine (mai 1941-août 1944), thèse, Paris 8, 1996 ; Nicolas Chevassus-au-Louis, Savants sous l’Occupation, op. cit.
49 Cf. l’affaire Griaule évoquée au chapitre 7, « Victimisation », p. 288. Soulignons que l’expédition en Afrique de Marcel Griaule avait été financé par l’écrivain Raymond Roussel.
50 AN F17 16 834, Dossier Lebeuf, Jean-Paul, chargé de recherches au laboratoire d’anthropologie CNRS. Rapport du FNU, pièce 2.
51 Idem., rapport d’enquête.
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