La veuve, le compère et le perroquet : violences de l’après-guerre au Paraguay
p. 199-212
Texte intégral
1Le 6 juin 1917, Petrona Muñoz, surnommée « la veuve », fut retrouvée pendue dans son estancia – grande propriété terrienne dédiée à l’élevage –, au sud du Paraguay dans la région de Misiones1. Les soupçons se portèrent sur un étrange personnage, Medardo Palacio, dit « Karai2 Medardo », qui était, dit-on, son compère, c’est-à-dire le parrain de ses enfants.
2Ce fait divers a quatre-vingts ans. Pourtant les rumeurs concernant la veuve et son compère courent encore aujourd’hui sur les lèvres des habitants de la région3. Une dizaine de témoins, de la ville comme de la campagne4, hommes et femmes, âgés de quarante à quatre-vingt-dix ans, évoquent la figure de « la veuve » et de « Karai Medardo », sans les avoir connus directement. Mémoires autobiographique et historique s’entremêlent5. Regards et oreilles d’enfants, récits de seconde main : tous les éléments sont là pour que l’imagination, composante inséparable de la mémoire, fasse son œuvre. Platon inclut la mémoire dans la problématique de l’imagination et Aristote incorpore la question de l’image dans celle du souvenir. Paul Ricœur cherche à découpler la mémoire de l’imagination, car l’une est dirigée vers le passé réel et l’autre vers la fiction6. Il cherche de cette manière à redonner ses lettres de noblesse à la mémoire vis-à-vis de l’histoire. En ce qui nous concerne, au contraire, nous prenons acte de l’enchevêtrement des deux. Le travail symbolique au sein de la mémoire est précisément ce qui nous intéresse. Nous sommes en présence de souvenirs de rumeurs, ou de rumeurs mémorielles. Pourquoi continuent-elles à circuler ? Que représentent la veuve Muñoz et Karai Medardo pour qu’ils habitent encore l’imagination et la mémoire des hommes et des femmes d’aujourd’hui, habitants des hameaux et des villes ?
3La violence et la démesure des actes choquent les sensibilités dont le seuil de tolérance à la violence s’est considérablement abaissé. Abaissement qui explique en grande partie le questionnement croissant des sciences sociales à l’égard de la violence et de la guerre7. Cette question émerge également grâce au déploiement de l’histoire des sensibilités, que nous ne pouvons reconstituer qu’à partir du moment où les archives en conservent des traces, lorsqu’il y a conflit, injure, crime et règlements, compensations, peines et sanctions. Comme le souligne souvent Arlette Farge, l’histoire des sensibilités n’est ni mièvre ni confinée aux femmes. Bien au contraire, elle s’étudie dans ses blessures et démesures. Elle permet d’accéder à la sensibilité des couches populaires. Les rumeurs circulent souvent au sein du peuple contre ceux qui exercent le pouvoir8 : lorsque Doña Helena, Doña Angela ou Doña Paulina, trois femmes âgées des hameaux se remémorent les rumeurs sur la riche veuve Muñoz et son compère Karai Medardo, elles prennent plaisir à s’attarder sur les mœurs obscures de ces grands propriétaires terriens.
4Mais l’antagonisme de classe n’explique pas tout. Notre hypothèse est que ces rumeurs ne peuvent se comprendre sans les rattacher à la mémoire collective de la guerre de 1864-18709. En effet, la guerre décima 60 % de la population dont 80 % des hommes en âge de porter les armes. Selon l’opinion populaire, du début comme de la fin du siècle, il ne serait resté qu’un homme pour dix femmes. En réalité, des calculs plus précis donnent le chiffre d’un homme adulte pour trois femmes10. Mais la mémoire collective amplifie le phénomène. Les hommes paraguayens seraient tous morts au combat et seules les mères paraguayennes auraient survécu. Elles surent combattre au front puis déposer les armes pour repeupler leur pays en rentrant dans leurs foyers : la valence différentielle des sexes se reconstruit autour de la fécondité féminine nationale11. La nation paraguayenne vaincue est femme, au singulier, tandis que les vainqueurs sont pluriels, hommes et étrangers. Comme le résume un paysan à l’aide d’une métaphore suggestive, le Paraguay fut comme une vache que des taureaux étrangers vinrent inséminer.
« Après 1870, c’en est fini des hommes paraguayens. Bernardino Caballero a fait venir des hommes d’Argentine, d’Uruguay, d’Espagne pour donner une impulsion au pays parce que les Brésiliens avaient tué tout le monde. […] Mon père est argentin, complètement kurepi (peau de cochon). Le Paraguay est resté vide. On vivait de noix de coco et de mandarines. C’est comme ça que racontait grand-mère. Mais après, notre président nous a élevés comme des animaux parce que les jeunes hommes ne sont plus. Comme des animaux, nos chefs… pour élever du bétail. » (Don Mecho, Taturuguai, 1999.)
5C’est à l’intérieur de cette mémoire plus vaste et en particulier dans la construction des genres après la guerre qu’il faut situer ces rumeurs mémorielles afin d’en saisir la signification. En effet, comme nous allons le voir, la victime et le coupable représentent des figures opposées à celles que les Paraguayens ont aujourd’hui de leurs aïeux.
6Dans un contexte de reconstruction nationale sous la domination des troupes alliées occupantes, la figure de la riche étrangère vient bouleverser le schéma habituel du couple homme vainqueur/femme vaincue. Si dans le schéma universel de la « valence différentielle des sexes », la figure d’une femme en position dominante suscite déjà, malgré elle, commentaires et rumeurs, que ne faut-il pas attendre dans le contexte d’un continent latino-américain dont l’imaginaire est souvent construit sur le couple homme étranger (Espagnol, Portugais ou Gringo) dominant – femme de la terre (indienne, noire ou métisse) dominée12 ?
La veuve étrangère et son concubin paraguayen
Une veuve étrangère, riche et sauvage
7La veuve Muñoz était arrivée après la guerre de 1870 en provenance de Corrientes, une province argentine voisine afin de s’établir sur des terres considérées à l’époque comme vides et fertiles à la fois. Corrientes n’est séparé de la province paraguayenne de Misiones que par un fleuve, le Paraná. Les habitants de Corrientes, historiquement guaranophones, ne sont pas considérés comme radicalement étrangers. À la fin du XIXe siècle, les habitants de Corrientes ne revendiquaient pas leur appartenance à la nation argentine, qui était alors en construction et n’apparaissait pas encore comme « communauté imaginaire13 ». Ils ne se disaient pas non plus Paraguayens. Ils constituaient une altérité proche, amis et ennemis potentiels14. Une guerre larvée qui ne se déclarait pas courrait entre Corrientes et le Paraguay15. Bref, la veuve venait de Corrientes, « altérité proche ». Toutefois certains disent qu’elle était originaire de l’Uruguay. Domine donc l’image femme étrangère et riche.
8Dans les souvenirs d’une vieille dame du hameau d’Isla Guazú, la veuve avait la réputation d’être sauvage, salvaje. Selon les souvenirs de Ña Helena, la veuve vivait comme les hommes, seule, avec un chien et des pistolets prêts à être dégainés. L’imaginaire place les veuves – même si elles ne connaissent pas nécessairement la ménopause – sous le triple sceau de la liberté sexuelle, du danger (sa présence peut être nocive pour les nouveaux nés, elle est plus facilement accusée de sorcellerie, etc.) et d’un comportement social masculin.
« La dame était sauvage, elle aussi, la Dame Petrona, elle vivait seule chez elle, c’était la commère de Médard […] Une de ses filles se maria, dit-on, et ensuite son gendre vint la saluer. Quand il arriva à la hauteur du portail, elle sortit son fusil et essaya un tir sur lui. Le gendre sortit son fusil, diton, il essaya aussi un tir sur elle. Elle le saluait pour voir si le gendre valait quelque chose ou pas. […] il n’a pas eu peur de sa belle-mère. » (Ña Helena, III, I. G., 2000, traduit du guarani par l’auteur.)
9Dans le hameau de San Pablo, plus proche de l’estancia de la veuve, la légende noircit davantage le tableau. Non seulement Petrona Muñoz avait le sang chaud, portait bottes et chapeau et montait à cheval, mais encore, elle tuait ses enfants lorsqu’elle se disputait avec son concubin, militaire paraguayen :
« C’est une histoire sombre, ces Muñoz sont uruguayens. Elle était uruguayenne la dame. Au temps des López il y avait ce commandant qui commandait fort (Eduardo Ramirez). L’Uruguayenne avait de l’argent, elle devint sa parente. Lui il était paraguayen. Et lui après il se mit en ménage avec Cornelia Ortiz. Il a aussi eu des enfants avec Muñoz et il y a des Muñoz ici. […] On dit que Muñoz avait le sang chaud, terrible, elle montait à cheval, avec des bottes, un chapeau, et son pistolet à la taille. Elle avait beaucoup d’enfants. Quand elle se disputait avec le commandant, un de ses fils était retrouvé mort au matin. Il y a beaucoup d’endroits qui sont des cimetières ici. Ici on a des Muñozkue disent-ils. Si elle sacrifiait ses enfants, il doit y avoir des jeunes enterrés dans des champs, qui appartiennent à d’autres personnes maintenant. Une de mes tantes la servait […] elle racontait à maman : “Il (l’enfant) n’est pas malade, il meurt comme ça (tué), c’est tout.” » (Mariela, San Pablo, 2001.)
10De l’image de la femme-homme nous en arrivons à celle de la femme qui tue ses enfants. Une femme qui se comporte comme un homme est capable de n’importe quel acte barbare. Elle franchit la ligne et doit être mauvaise mère. Or l’archétype féminin de l’époque était celui de la Paraguayenne, pauvre, vaincue, soumise à l’homme étranger et qui se sacrifie pour ses enfants. Muñoz, étrangère, riche, insoumise, « in-mariable » aussi, en relation avec un Paraguayen, et mère qui sacrifie ses enfants, en constitue l’exact opposé. Seul point commun entre elle et les Paraguayennes : le veuvage.
11La figure de la Paraguayenne en armes, ex-combattante aurait pourtant pu constituer une alternative à celle de la Paraguayenne soumise. Le mythe de la femme qui lors de ses quinze ans était recrutée et envoyée au front, existe et suscite en effet l’indignation chez les uns et l’admiration chez les autres16. En réalité, si le temps des guerres totales, hors-norme, limité et porteur de grande violence, est propice au franchissement des frontières de genre17, l’après-guerre renforce la « valence différentielle des sexes ».
Un concubin paraguayen militaire
12La veuve s’unit avec un Paraguayen, Eduardo Ramirez18 et ensemble, ils achetèrent une estancia19. Mais ils ne se marièrent pas. Au final Eduardo choisit de s’unir à une Paraguayenne enracinée à San Ignacio, Cornelia Ortiz. Pourquoi ? Le mystère reste entier. Toujours est-il que le couple étrangère/Paraguayen devait détonner à l’époque. Aujourd’hui il fait figure de non-sens. Significativement, une femme d’Isla Guazú, Doña Helena, ne sait pas si Eduardo était Paraguayen ou Argentin.
« Eduardo Ramirez […]. Je ne sais pas s’il était Paraguayen ou de Corrientes, parce qu’en Argentine il y eut une révolution et beaucoup de gens de Corrientes ont passé [la frontière]. Eduardo s’est mis avec une femme qui avait beaucoup d’argent. Elle vivait du côté de San Pablo, Petrona Muñoz. » (Ña Helena, III, I. G., 2000, traduit du guarani par l’auteur.)
13La figure d’un Paraguayen survivant à la Grande Guerre de 1870 va à l’encontre du mythe qui veut que les hommes paraguayens aient tous disparu, morts et vaincus. En revanche l’archétype de l’étranger venu s’installer et faire fortune au Paraguay en fuyant les révolutions argentines est très prégnant. Dans un ouvrage de type Who’s Who ?, publié en 1911 à l’occasion du centenaire de l’indépendance paraguayenne20, une seule ligne évoque les vétérans paraguayens de 1870 tandis que les Argentins occupent les premières places. Or, non seulement Eduardo Ramirez combattit et survécut, mais encore il réussit à s’enrichir et à posséder des terres. Sa situation est unique dans la région puisque les autres grands propriétaires sont « étrangers » : un Italien, un Uruguayen et plusieurs Correntinos.
14Finalement l’alliance Muñoz/Ramirez représentait le strict opposé du couple archétypal de l’après-guerre. Défrayant déjà la chronique, cette alliance hors-norme se conclut par l’assassinat de la femme.
L’assassinat et le perroquet
15Selon une version orale de l’assassinat, le chien fut empoisonné et le perroquet – qui appelait sa maîtresse « maman » – vola se cacher sous la toiture.
« Ils ont tué le chien, ils lui ont mis du venin […] C’était un chien méchant. Ils ne pouvaient rien contre lui. Et elle avait un perroquet, en cage, un petit animal vert, et bon ils l’ont pressée de donner l’argent. La nuit vint et le perroquet – l’obscurité lui faisait peur – est monté sur le toit, comme ça, il est monté haut, sous le toit, dit-on. Et on ne savait pas qui avait tué la femme. Le perroquet lui disait “maman” à sa maîtresse. Et elle avait dit “ne me tue pas compère, je te donnerai tout de suite l’argent”. Il devait la tuer parce qu’elle savait qu’il était son compère. S’il ne la tuait pas, elle l’aurait dénoncé…
Et il n’y avait pas de témoins ?
De temps en temps, ses enfants venaient la voir. Mais il n’y avait personne. C’est lui qui a dû la tuer puisque le perroquet dira : “ne me tue pas compère”. C’est pour cela qu’on a pensé que Médard était venu la tuer, c’était son compère. » (Ña Helena, Entrevista III, Isla Guazú, 2000.)
16« Anina che jukati kompadre ame’ëta ndéve la plata », « Ne me tue pas compère, je te donnerai l’argent » est une phrase souvent répétée par les uns et les autres, qui la connaissent par cœur, comme le perroquet. Il est le seul animal que l’on puisse « faire parler », après apprentissage. Son témoignage se révéla capital. Pourquoi cette lancinante répétition ? Probablement parce que les liens de parenté spirituelle créés par le compérage impliquent à la fois une prescription d’entraide mutuelle et des interdits d’inceste. Or ici, le compère viole ces deux versants : au lieu de donner ou rendre, il prend. Au lieu de respecter le corps de l’autre il le tue. Un assassinat passe encore. Mais entre compères, et pour de l’argent, le fait divers dépasse les sommets de la barbarie.
17On ne saura jamais si ce fut grâce à l’inestimable enregistrement du perroquet, mais toujours est-il que, selon les archives judiciaires, le compère Médardo Palacios fut inculpé et que l’affaire remonta jusqu’à la capitale Asunción.
« Asunción, 11 octobre 1917. Monsieur le Juge de Paix de San Ignacio, le Juge de Paix de Première Instance des affaires criminelles, souscrit et se dirige à vous, concernant le dossier de José Medardo Palacios, pour supposé assassinat et saccage de Petrona Muñoz dans ce département. Je vous donne pour commission, dans les formes légales, pour que vous fassiez embargo préventif sur les biens du dit accusé jusqu’à couvrir la somme de 50 000 pesos forts de cours légal, afin de garantir l’effectivité de ses responsabilités civiles lors du jugement criminel qui le suit21. »
18Ce fut l’officier de compagnie22, c’est-à-dire le délégué de police du hameau de San Pablo, Francisco Muñoz (un fils de Petrona Muñoz ?), qui envoya un voisin informer le chef politique intérimaire de l’assassinat. Le document recense les traces de violence et nous permet d’imaginer la scène tout en nous donnant une idée des faits pertinents aux yeux de la police locale :
« 6 juin 1917 […] La commission qui fut envoyée sur place ramena les objets suivants : une selle très usée, une sangle, des rênes et un mord, un étrier noir très usé, un sac bleu usé, un baluchon, des restes de viande de mouton et de manioc, une fermeture de porte avec des tâches de sang, […], une mantille en morceaux et un mètre et demi plus ou moins de ruban, sans un nœud. Ces objets furent recueillis sur les lieux du crime et remis au juge de Paix. Immédiatement et avisé en cela par le chef politique intérimaire, je me rendis sur les lieux du crime et j’ai trouvé le cadavre de Petrona Muñoz […] froide et étendue sur le sol face contre terre. Sur le cou, on voyait des signes laissant voir qu’elle avait été pendue avec un ruban fin et sur la nuque une petite lésion produite, visiblement par un coup.
Dans la même pièce et devant une porte, j’ai trouvé un puits de quarante centimètres de profondeur plus ou moins, de vingt par trente de large, et dans la deuxième pièce, oratoire et réserve, j’ai trouvé des marchandises et des vêtements jetés au sol. Dans la deuxième réserve, j’ai trouvé la même chose, et des signes de violence contre la porte et un autre puits récemment creusé. Dans la troisième réserve, j’ai trouvé plusieurs coffres violentés et les habits jetés au sol. Dans le patio, dans la partie nord de la maison, j’ai trouvé un fil de barbelé couché, ramassant le manche d’une petite hache, objet, qui après vérification, s’est révélé avoir été volé dans l’établissement d’élevage de Platerocué de ce département23. »
19Selon toute vraisemblance les individus entrèrent en abaissant les fils barbelés qui entouraient la propriété et, après menaces sur la veuve, creusèrent le sol à plusieurs reprises et ouvrirent tous les meubles, à la recherche, peut-être, d’un trésor caché. Les premiers arrivés sur les lieux du crime rapportèrent au juge de paix ce qui pouvait rester comme objets de valeur ainsi que des pièces à conviction, comme la poignée de porte tâchée de sang. Le document ne mentionne ni chien ni perroquet, mais aucune preuve explicite ne désigne non plus Medardo Palacios comme coupable. En réalité, sa réputation n’était plus à faire dans la province, oscillant entre celles de justicier et de fou sauvage. Les soupçons de la police comme de la population se tournèrent vers lui, perroquet ou pas.
Compère Karai Medardo : sauvage ou Robin des bois ?
20Médardo Palacios24 a une aura pour le moins controversée puisque selon les uns il incarnait la figure d’un « Robin des bois », et pour d’autres celle d’un dangereux bandit. Dans les archives, son nom apparaît fréquemment dans des plaintes déposées par les estancieros argentins et les commerçants uruguayens de la ville contre des pistoleros qui les assaillaient. « La paix dans le moindre de ses rouages fait sourdement la guerre25. » Affleure une hostilité sous-jacente entre Paraguayens et étrangers, plutôt oubliée aujourd’hui. Alors, noble bandit national ou sauvage ? Les avis ne se répartissent pas nécessairement selon l’axe socio-économique mais plutôt suivant les couleurs politiques des uns et des autres.
Caudillo
21Médardo possédait une estancia, un peu plus éloignée de la ville, qui s’appelait, dit-on, Ombú. Il avait la réputation d’être un bon militaire – il fut sergent et homme de confiance du ministre de l’Intérieur le colonel Juan A. Mesa – et il était considéré comme un allié précieux lors des nombreuses guerres civiles et révolutions de l’après-guerre. Ainsi, en 1922, il aida la faction libérale « saco mbyky » (uniforme court, « populaire », nationaliste), à la tête de laquelle se trouvaient les militaires Cano, Chirife et Schaerer, contre la faction du gouvernement dirigée par le président Eusebio Ayala et surnommée « saco puku » (uniforme long, élite orientée par les pensées européennes). Medardo Palacios avait recruté à l’occasion deux-cents hommes et disait être capable d’en rassembler six-cents26.
22Trois vieilles dames d’Isla Guazú racontent le passage de Medardo Palacios dans leur hameau, le recrutement des jeunes hommes et les violences faites aux femmes. Chaque témoignage présente des nuances. L’opinion d’Angela est la plus positive : Gentleman, il protégeait même les femmes contre ses propres hommes :
« Ils exterminaient […], ils faisaient enlever et prenaient toutes les couvertures, ils détruisaient les portes des gens. […] Ils emportaient tous les jeunes hommes. Les deux (bandes) les emportaient. Nous restions seules, les femmes, avec nos mères. On allait dormir dans la forêt, on se dispersait les unes des autres. Il n’y avait plus personne, ils emportaient tout le monde […] Karai Méda abattait les bêtes sur le chemin et nous on y allait pour prendre la viande, pour ramener plein, plein de viande avec maman. Et lui [Meda] il nous disait de nous cacher, s’il y avait une jeune fille, car ses gars, sinon, allaient la prendre, […] il lui [à ma mère] disait : “Cache tes filles parce que je m’en vais et mes gars, les autres, vont jouer avec elles […] ils les violeront […]”, de cela je me souviens bien. »
23Karai Medardo abattait du bétail en chemin et le répartissait. Or, traditionnellement, seules les femmes peuvent transporter la viande crue. Distribuer de la viande représente un moyen pour les hommes de s’assurer du prestige auprès des femmes et de s’attirer leurs faveurs. De même, cuire et offrir de la viande grillée au moment de fêtes importantes est une façon de gagner le respect des hommes et de devenir mburuvicha, c’est-à-dire caudillo, chef. Disposer de bétail, dans cette région de Misiones tournée vers l’élevage, permet d’exister en tant qu’homme pour les femmes. Le comportement de Karai Medardo décrit par Angela apparaît donc exemplaire : il donne de la viande crue et de surcroît ne « prend » pas, et au contraire incite les femmes à se cacher et à se protéger afin de ne pas être violées. Seul témoignage positif recueilli, il émane d’une femme qui ne cache pas son adhésion passionnée au parti colorado. En effet, d’une manière générale la sévérité du jugement est corrélée au degré d’appartenance au parti libéral.
Vols et viols
« Il est rusé, terrible. Ils assaillaient, ils violaient, ses enfants étaient terribles, ils ne respectaient pas la loi, ils volaient. Les gens en avaient peur, ils dominaient les gens. Ils n’étaient pas si riches, pas si pauvres. » (Femme, religieuse, de famille libérale, San Ignacio, 2000.)
24Ici comme dans la plupart des témoignages, l’évocation de la figure de Medardo Palacios s’avère indissociable de celle de ses fils. En effet, Karai Medardo Palacios devait être enfant en 1870, avoir vingt ans vers 1885 lorsqu’il est militaire en Uruguay27 et se marier en 1895 à la trentaine. Il aurait donc cinquante ans environ au moment de l’assassinat de Petrona Muñoz, en 1916, et la soixantaine pendant la révolution de 1922. Le scénario est possible. Mais ceci nous aide aussi à comprendre que dans les récits, la frontière soit floue entre ses actions et celles de ses descendants. L’image qu’il cristallise me semble être celle de l’homme, paraguayen, réputé enlever les femmes, les faire combattre et les tuer. Par exemple, à Isla Guazú, Ña Helena dit tenir ce récit d’une femme aujourd’hui décédée, la mère de Dora.
« Et il y a une autre femme qu’ils ont emportée, celle-là a dû combattre avec eux, et Kai Medardo était avec eux là-bas, […] elle combattait avec eux, […] mais il ne l’a pas tuée, la mère (de Dora), elle a combattu avec eux. » (Ña Helena, III, Isla Guazú, 2000.)
25Cependant, selon Dora elle-même, sa mère ne fut pas enlevée par Medardo Palacios mais par son fils Narciso Palacios, qui « était sauvage, un créole sauvage, qui s’est séparé de sa mère et tuait les femmes ». La réitération de ce rapport violent avec les femmes rappelle que les hommes paraguayens, après la guerre étaient socialement morts. Ils se retrouvaient en effet sans troupeaux, sans autre viande crue à répartir que des vaches mortes en chemin. Comme Eduardo Ramirez, paraguayen et colorado lui aussi, Medardo Palacios trouve difficilement sa place en tant qu’homme, héros vaincu, dans la société d’après-guerre.
« Hérésie »
26Selon Ña Paulina d’Isla Guazú, Medardo avait aussi la réputation de défaire le corps de ses ennemis politiques articulation par articulation, « ñudo por ñudo » :
« Ils sortirent dans le champ, on dit qu’il n’y avait pas encore de fils barbelés, c’était un champ ouvert. Dans la partie la plus dégagée il n’y avait pas de forêt, il y avait de belles plantes […] On dit qu’en sortant, ils virent qu’il courait vers les plantes, qu’il y allait à toute vitesse. Il n’y avait plus rien à faire, lui courrait, la balle le salua, la balle l’atteint, moi je ne sais pas comment ça c’était passé, s’ils l’ont atteint ou s’ils l’ont pris, ils ouvrirent le feu sur Miño, ils l’ont tué. C’était Palacios, Miño était libéral, Palacios le fit tuer. Les fils de Palacios furent les meurtriers. Ils lui ont fait de tout, ils lui ont enlevé articulation après articulation, les yeux, les mains, le cou, les parties génitales, ils lui firent de tout, ils lui coupèrent la langue.
Pourquoi ils lui ont fait tout ça ?
Ses adversaires se sont joués de lui, ils lui ont enlevé les parties génitales, ils lui ont coupé le cou, ils firent de tout avec lui, une véritable hérésie, qu’est ce qu’il aura souffert en mourant !, après tout ça, ils l’ont coupé articulation par articulation, ils lui ont enlevé les parties génitales, coupé le cou, coupé la langue. Pourquoi avoir fait cela à son prochain ? Qu’est-ce qui devrait lui arriver ? » (Paulina, II, Colorado, 2000.)
27Les mêmes images reviennent par trois fois, en particulier le « dépeçage » des parties génitales, du cou, de la langue et des articulations. « Hérésie » dit-elle. La « tuerie » de Miño est aussi racontée par Ña Helena, mais avec moins de détails et en la confondant avec l’assassinat d’un autre homme. Selon Helena, Medardo tua Gregorio Miño et Ramon Quiñonez. Selon Angela, il tua Gregorio Miño et Saturnino Caravalho. Selon Paulina il aurait tué Miño et Saturnino Caravahlo. Les récits ne coïncident pas tous entre eux. Et si on rajoute que l’on trouve un Gregorio Miño tué lors de la guerre du Chaco (1932-1935), le mystère ne fait que s’épaissir…. Demeure l’image de ce corps désarticulé. De plus, d’autres témoignages ajoutent que les cadavres étaient donnés aux cochons.
« Medardo Palacios était un assassin, quand une personne passait, il la tuait, et même il alimentait ses cochons avec ceux qu’il assassinait. C’était un type que tout le monde craignait […] sa base se situait entre Labreles et Yabebyry, toute cette zone. » (A., famille très libérale, San Ignacio, 2000.)
« Medardo était sauvage. J’ai entendu qu’il était sauvage autrefois. Ses fils, lorsqu’ils voulaient une femme, ils ne lui disaient rien, mais ils la prenaient et l’emportaient, ils ne respectaient personne. Ils volaient énormément, ils avaient leurs enclos, un endroit qui était moche, ça je ne sais pas toi, il n’y a personne ici qui ne sache pas, et là-bas ils emportaient femme et animal d’autrui, dans leurs enclos […].
Et après même entre frères, ils vivaient mal ensemble, ils tuaient leur frère et le laissaient là, et ils arrivaient là, et lorsqu’ils partaient, les cochons mangeaient tout. Ils ne laissaient pas découvrir ce qu’ils avaient fait. » (Ña Helena, Isla Guazú, sans passion politique déclarée, III, Isla Guazú, 2000.)
28Arrêtons-nous sur la forme prise par cette violence. Elle ressemble à celle des guerres de religion de l’époque moderne en Europe, analysées par Denis Crouzet. Le traitement que les catholiques réservaient au corps des protestants était particulier. Ils avaient l’habitude de traîner le corps dans la boue, puis de le lapider, de le couper et de le dépecer, en se focalisant sur les parties génitales et les tripes. Plus tard la violence se concentra davantage sur la tête. Pour terminer, ils faisaient griller le corps ou alors, parfois, ils donnaient les cadavres à manger aux cochons28. L’image du cochon et de ses attributs, associés à l’impureté et au diable est récurrente chez les catholiques de l’époque pour diaboliser et déshumaniser les infidèles protestants. L’imaginaire l’ancienne Europe se serait-il diffusé en même temps que l’animal parmi la population rurale paraguayenne ? En tous les cas, la violence est comprise comme étant de nature politique par les habitants d’aujourd’hui. Ainsi, Medardo Palacios aurait tué Miño pour son appartenance au parti libéral :
« Medardo Palacios était Colorado. Il a tué Gregorio Miño qui était libéral […]. Ils lui ont fait un tas de choses aussi à lui, […] ils voulaient le convertir au colorado, mais ils ne l’ont pas converti. Ils l’ont tué. C’est qu’il a fait un tas de choses autrefois Medardo Palacios. Il n’est pas prêt d’être sauvé, il doit rôder par ici, tu ne sais pas à quelle terre du diable il est parti, on ne sait pas où on va quand on meurt. » (Ña Helena, III, Isla Guazú, 2000.)
29La narration est orientée en fonction des tendances politiques personnelles. Même si la figure du sauvage domine, les femmes coloradas en donnent une version plus romantique et positive. Toutefois, Paulina, colorada, est celle qui raconte ces « dépeçages » comme hérétiques. La seule version parfaitement positive fut recueillie en ville, de la part d’un intellectuel colorado convaincu. Selon lui, dans les années 1930 (Medardo aurait alors soixante-dix ans, ce qui me semble peu probable), il aurait formé un groupe avec un certain Insaurralde pour voler les grands estancieros qu’ils jugeaient traîtres à la patrie et qu’ils accusaient d’être « légionnaires ». Les légionnaires désignent les Paraguayens, qui exilés au temps des dictatures du XIXe siècle, prirent part à la guerre au côté des Argentins contre le Paraguay. Ils ont, avec des vétérans, fondé les deux grands partis, colorado et libéral. Mais le parti colorado, à partir des années 1920, comme l’a montré François Chartrain, se construit comme le parti nationaliste des patriotes fidèles à la mémoire du maréchal López et du général Bernardino Caballero. Il réussit peu à peu à imposer l’idée que seul le parti libéral était composé de « traîtres légionnaires étrangers et élitistes29 ». Bien que faussées, ces images sont fortement ancrées aujourd’hui dans l’ensemble de la population et expliquent en partie aussi la revalorisation de Paraguayens comme Medardo Palacios.
30Qu’advint-il finalement de Medardo Palacios ? Fut-il jugé pour le meurtre de Petrona Muñoz ? Selon Helena, la justice humaine ne l’aurait jamais condamné. Mais, justice divine oblige, il serait hanté par les fantômes de ses victimes et son corps pourrirait, rongé par les vers, sans que ses enfants ne l’entourent.
« Mais comment irait-il en prison ? Il n’y a pas été. Mais après, il a beaucoup souffert pour mourir. Il a fait un tas de mauvaises choses et il a été envahi par les vers de terre. Sa famille ne s’est pas occupée de lui. […] C’est comme ça dit-on, j’ai entendu un tas de choses parce que je suis âgée déjà, avec Ña Paulina on est âgées, il n’y a personne qui nous rattrape, maintenant. Il n’y a personne d’autre qui puisse te raconter comment c’était autrefois. » (Ña Helena, III, Isla Guazú, 2000.)
31Être assassinée par son compère, un homme avec lequel sont tissés des liens de parenté spirituelle, marqués par l’interdit d’inceste et le devoir d’entraide mutuelle, est le sommet de la barbarie. Une veuve – étrangère – qui vit comme un homme et qui tue ses enfants illégitimes, lorsqu’elle se dispute avec leur géniteur ; une belle-mère qui tire sur son gendre pour éprouver sa bravoure ; un compère dont les fils se tuent entre eux et dont les cochons mangent les cadavres. Aucun lien familial ne semble échapper à la démesure et à la violence. Violence propre aux situations de guerre et d’après-guerre30.
32Le niveau de violence est élevé et les rumeurs du meurtre continuent à hanter les mémoires plus de quatre-vingts ans après les faits. Les sensibilités sont sous le choc : une femme, étrangère, masculine, dominatrice, qui sacrifie ses enfants, contraire à l’image de la femme paraguayenne, féminine, dominée et qui se sacrifie pour ses enfants. Un homme paraguayen, qui parvient à devenir grand propriétaire, violent, qui domine les femmes – par la contrainte, contraire à la figure de l’homme paraguayen d’après-guerre dont la légende veut qu’il ait quasiment disparu.
33Autrement dit, ces rumeurs sont marquées du sceau de la mémoire de la guerre de 1870. Or cette mémoire, en tous les cas à Misiones, est différemment construite par les deux partis en présence. Pour l’un, colorado, qui se présente comme nationaliste, la guerre fut celle de héros, du maréchal López et de Bernardino Caballero et il finit par imposer l’image d’un parti libéral aux mains de traîtres étrangers et élitistes. L’assassinat d’une riche étrangère par un homme paraguayen colorado, pour liés qu’ils soient par une parenté spirituelle, peut alors être interprété dans ce contexte comme un acte légitime par certains.
34Le paradoxe est que les Paraguayens qui participèrent et survécurent à la guerre, ne purent pas appartenir à l’élite nouvellement constituée sans s’allier aux étrangers (Eduardo Ramirez avec la veuve de Corrientes, Maria del Socorro Palacios avec un homme de Corrientes). En réalité, les habitants de Corrientes n’étaient pas considérés comme totalement étrangers : ils parlaient guarani et ne se sentaient pas nécessairement argentins. Toutefois, ils ne se déclarent pas non plus comme Paraguayens.
35La mémoire de la guerre de 1870, chez les paysans métis du Paraguay, tend à fonctionner comme celle de la conquête : les ancêtres masculins vaincus sont oubliés, les ancêtres sont les étrangers, seules les femmes ou plus exactement les mères sont glorifiées. L’origine de soi vient de l’étranger31.
Notes de bas de page
1 Archives judiciaires du Juge de Paix de San Ignacio, Livre des Actes (1916-1926), p. 196-197.
2 La population rurale du Paraguay ne se considère pas comme indienne mais comme descendante d’Espagnols, tout en parlant le guarani, une langue amérindienne. Le Paraguay est ainsi le seul pays d’Amérique Latine qui reconnaisse une langue indienne comme officielle sur l’ensemble de son territoire. Karai est employé très tôt à l’époque coloniale pour désigner les conquistadors. Mais le sens antérieur, selon un jésuite grammairien du XVIIe siècle, Antonio Ruiz de Montoya est autre. Il signifie astucieux, habile. « Vocable qu’ils utilisaient pour honorer leurs jeteurs de sorts de manière universelle. Et ainsi ils l’appliquèrent aux Espagnols, et très improprement aux chrétiens et aux choses bénies, et c’est pourquoi nous ne l’utilisons pas en ce sens. » Montoya Antonio Ruiz de, Tesoro de la lengua guarani, publicado nuevamente sin alteración alguna por Platzmann Julio, Leipzig, B.G. Teubner, mdccclxxvi, p. 90. Première édition à Madrid, 1639. Aujourd’hui, n’en déplaise à Montoya, karai est le lexique verbal employé pour signifier : baptême, bénédiction, et sanctification. Che karai : je suis baptisé. Amongarai : je baptise. Ainsi, le mot karai aujourd’hui, contracté en Kai signifie Don (Monsieur).
3 Travail de terrain réalisé en plusieurs séjours répartis sur trois ans (1999-2001).
4 La circulation des commérages renseigne sur l’extension d’un groupe social. Elias Norbert, « Remarques sur le commérage », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, no 60, novembre 1985, p. 23-30.
5 Bloch Marc, « Mémoire autobiographique et mémoire historique du passé éloigné », Enquête, no 2, 1995, p. 59-76.
6 Ricœur Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000.
7 « Violence, brutalité, barbarie », Ethnologie française, no spécial, juillet-septembre, 1991, tome 21, no 3.
8 Aujourd’hui, par exemple, dans les faubourgs de la capitale, on raconte que du temps de sa présidence, Stroessner buvait le sang des petits-enfants « puisqu’on » retrouvait de nombreux petits cadavres dans la décharge municipale. Rumeur qui rappelle étrangement celle que rapporte Denis Crouzet à propos de François ii dont on disait qu’ils prenaient des bains de sang enfantin. Crouzet Denis, Les guerriers de Dieu, la violence au temps des troubles de religion vers 1525-1610, tome 1, Paris, Champ Vallon, 1990.
9 Véritable hécatombe, les pertes démographiques du Paraguay firent l’objet de débats. Les estimations le plus souvent énoncées avancent que trois cinquièmes de la population furent décimés soit environ 500 000 habitants avant 1864 et 200 000 ensuite. Les chiffres dont on dispose réellement sont le recensement de 1846 : 238 862 habitants et de 1886 : 239 000 habitants. Voir Blinn Reber Vera, « The demographics of Paraguay: a reinterpretation of the great war, 1864-1870 », Hispanic American Historical Review, 68 : 2, 1988, p. 289-437, et Whigham Thomas L. et Potthast Barbara, « Some strong reservations: a critique of Vera Blinn Reber’s “The demographics of Paraguay: a reinterpretation of the great war, 1864-1870” », Hispanic American Historical Review, vol. 70, no 4, nov. 1990, p. 667-678.
10 Ganson de Rivas Bárbara, Las consecuencias demográficas y sociales de la Guerra de la Triple Alianza, Asunción, 1985, (Autopublication). L’article qui fait désormais autorité est celui de Whigham Thomas L. et Potthast Barbara, « La piedra “Rosetta” Paraguaya, nuevos conocimientos de causas relacionados con la demografía de la guerra de la triple allianza, 1864-1870 », Revista Paraguaya de Sociología, vol. 35, no 103, 1998, p. 147-159.
11 « Ainsi, ce n’est pas le sexe mais la fécondité qui fait la différence réelle entre le masculin et le féminin, et la domination masculine, qu’il convient maintenant de tenter de comprendre, est fondamentalement le contrôle, l’appropriation de la fécondité de la femme, au moment où celle-ci est féconde. » Héritier Françoise, Masculin/Féminin, la pensée de la différence, Paris, Odile Jacob, 1996, p. 230.
12 Je voudrais ici remercier la professeur Sandra Pesavento pour sa relecture et ses suggestions et renvoyer les lecteurs à ses nombreux travaux, ainsi que María Eugenia Albornoz pour ses commentaires et ses idées. En effet, au Brésil comme au Chili, la figure de la femme – et qui plus est si elle est étrangère – en position dominante donne lieu à la mise en place de véritables mythes la dépeignant comme monstre sanguinaire. Voir Albornoz María Eugenia, « Desvelando una simbólica subterraneana : Catalina cruzada por Mercedes en Maldita yo entre las mujeres », Cyber Humanitatis, no 23, invierno 2002. Voir également le numéro coordonné par Carmen Bernand, Capucine Boidin et Luc Capdevila, Amériques métisses, CLIO, Histoires, femmes et sociétés, 2008, no 27.
13 Anderson Benedict, L’imaginaire national, réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 1996, traduit de l’anglais Imagined communities, Londres, Éd. Verso, 1983.
14 Selon Ferreira Perez Saturnino, Testimonios de un Capitán de la guerra del 1870, Justiniano Rodas Benítez, Parte de la Historia de San Ignacio de las Misiones, Asunción, Publié par l’auteur, 1989, p. 98-102, à la fin de la guerre, le gouvernement provisoire ordonne l’évacuation de la région de Misiones, ne pouvant garantir leur sécurité devant les incursions de « bandits » venus de Corrientes.
15 Hoyt Williams John, « La guerre non déclarée entre le Paraguay et Corrientes », Estudios Paraguayos, 1/1, 1973, p. 35-45.
16 Voir Potthast-Jutkeit Bárbara, « Paraíso de Mahoma » o « País de las mujeres ? », Asunción, Instituto Cultural Paraguayo-alemán Editor, 1996.
17 Capdevila Luc, Rouquet François, Virgili Fabrice, Voldman Danièle, Hommes et femmes dans la France en guerre, 1914-1945, Paris, Payot et Rivages, 2003.
18 D’après un de ses descendants, il serait le fils illégitime d’un homme de renom dans la région : Tomas Perez Grande. Les frères légitimes, soupçonnés d’être opposés à la politique de leur président furent tous fusillés par le maréchal López. Eduardo fut le seul rescapé. Dans le registre civil des défunts de San Ignacio, Eduardo Ramirez apparaît comme fils naturel de Doña Natalia Ramirez, mort à 76 ans en 1920.
19 « Dans la ville de San Ignacio, le 13 avril 1880, devant moi le juge de paix et les témoins, comparut personnellement Don Anamia M. Orbieta […] en représentation de Don José A. Peregrandez, pour célébrer la vente d’un champ avec titre de propriété dans le lieu-dit “Cerrito”, […] en faveur de Don Eduardo Ramírez, en société avec Doña Petrona Muñoz, pour 100 patacones $ en dinero […] signature de Buenaventura Ortiz, suppléante de Don José Peregrandes, Mauniar M Orbieta, Eduardo Ramírez, à la demande Doña Petrona Muños qui ne sait pas signer, Romero Céspedes […] », Livre des Actes de 1880-1881, p. 1. Archives du Juge de Paix de San Ignacio. Reproduits et traduits avec l’aimable autorisation de ces derniers. Encore aujourd’hui le registre des propriétés de 1993 fait mention de l’estancia cerrito aux deux noms de Petrona et Eduardo. Pourtant il y a longtemps qu’elle fut achetée par la famille Vargas !
20 Monte Domecq Ramon, La República del Paraguay en su primer centenario, 1811-1911, Buenos Aires, Compañia sud américa de billetes de Banco, p. 378-387.
21 Libro de Actas (1916-1926) de San Ignacio, no 64 (p. 43).
22 Le terme « officier de compagnie » est d’origine militaire. Depuis la moitié du XVIIIe siècle, l’armée est organisée en compagnies qui correspondent chacune à un parage rural. Ces derniers prirent alors le nom de compagnie, possédant chacune un officier et un sergent faisant fonctions de juges et de policiers en temps de paix. Velázquez Eladio, « Organización militar de la Gobernación y Capitanía General del Paraguay », Estudios Paraguayos, vol. 5, no 1, 1977, p. 25-69.
23 Telegrama, p. 196-197. « Tranquilario Duarte, Juez de Instrucción en lo criminal, Asunción, dando cumplimiento a lo ordenado, informo como sigue, dia miercoles seis de junio de mil novecientos diez y siete, y en circunstancia de hallarse el conscripto ausente del departamento, cumpliendo una commisión de mensura (¿) en Santa María, el Jefe Político interino Teniente Carlos Torres, recibía aviso por intermedio del vecino Purificación Aguilar, enviado por Francisco Muñoz, y oficial de compañia del paraje San Pablo, que la vecina Petrona Muñoz habia sido asesinada y saqueada. »
24 Dans les registres paroissiaux, nous trouvons un acte de mariage le 7 mai 1895 (tome II, p. 39) : Medardo Palacios, (naturel et de cette paroisse), fils légitime de Pablino Palacios et de Gregoria Suarez, se maria avec Vicenta Ortiz, naturelle et de cette paroisse, fille naturelle reconnue par Ramona Ortiz et Buenaventura Ramirez.
25 Foucault Michel, Il faut défendre la société, Paris, EHESS, 1997, p. 43.
26 Fogel Ramon, La ecorregión de Ñeembucú, infortunio, dignidad y sabiduría de sus antiguos pobladores, Asunción, CERI, 2000, p. 141.
27 Selon les données d’un historien local, le 12 juin 1885, le président de la République Orientale de l’Uruguay décide de rendre au Paraguay le drapeau et les trophées de guerre. À l’occasion, le président uruguayen reçoit la nationalité paraguayenne, et son général reçoit en cadeau des chevaux, qu’apporte, entre autre personnes, Medardo Palacios. Là, ils défendirent ce général contre un soulèvement et le servirent pendant sept années. Saturnino Ferreira Perez, Testimonios de un Capitán de la guerra del 1870, Justiniano Rodas Benítez, Parte de la Historia de San Ignacio de las Misiones, Asunción, publié par l’auteur, 1989, p. 117-118.
28 Crouzet Denis, Les guerriers de Dieu…, op. cit., p. 246-251.
29 Chartrain François, « Causes de la guerre du Chaco. Éléments de jugement », Caravelle, no 14, 1970, p. 97-123. La réhabilitation de la mémoire du maréchal López, déclaré apatride après la guerre, commença avec l’historien Juan O’Leary, ex-libéral qui se fit colorado, ex-anti-López qui se mit à défendre sa mémoire. Le résultat fut l’assimilation des libéraux aux légionnaires alors que le parti colorado en compte vingt-trois à la date de sa fondation.
30 Audoin-Rouzeau Stéphane, L’enfant de l’ennemi, 1914-1918, Paris, Aubier, 1995.
31 Combes Isabelle, Saignes Thierry, Alter ego, naissance de l’identité chiriguano, Paris, EHESS, 1991.
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