Entre 1968 et le présent : gauche et féminisme sur les murs du Cône Sud
p. 129-148
Texte intégral
1Entre 1968 et le présent, les murs semblent être un lieu d’expression important et renouvelé pour le féminisme des pays du Cône Sud. Ils renvoient à l’un des souvenirs persistants de 1968, à des mots écrits sur les murs, les façades et les affiches. En mai 1968 en effet, « les murs ont la parole ». Le discours en était osé, empreint d’humour et porteur de défis. Il est aussi devenu une habitude de dire que le féminisme de la « deuxième vague » a été l’héritier de 1968. Qu’après cette date, en Europe, le féminisme a pris les rues abandonnées par les étudiants et les ouvriers dans le reflux des barricades et des grèves qui avaient marqué l’année. Une autre affirmation consiste à dire qu’au Brésil et dans les autres pays d’Amérique du sud, le féminisme n’est pas « sorti du ventre » de 1968. Et que, par conséquent, évoquer cette période ne conduit pas à parler de féminisme et de mouvement des femmes. Le féminisme du Cône Sud serait plutôt un héritage ou une reproduction de ce qui s’est produit en Europe ou aux États-Unis, et ne serait en aucun cas issu des mouvements de jeunesse. Nous souhaiterions évoquer ces questions en nous intéressant aux murs, aux mots d’ordre et au féminisme, ainsi qu’au mouvement des femmes dans certains pays du Cône Sud, sans oublier l’invisibilité historiographique des femmes dans les mouvements liés à mai 1968. L’enjeu est pour nous de montrer que le féminisme dit de la « deuxième vague » a été contemporain des mouvements de 1968 et a participé des révoltes, des mots d’ordre et des graffitis couvrant les murs, des mouvements de guérilla et de résistance à la dictature1. Plus encore : malgré les quarante années qui se sont déjà écoulées, son esprit survit en grande partie, y compris dans de nouveaux messages tracés aujourd’hui même sur les murs.
2Nous voulons ici écrire une histoire du présent. Mais quand commence l’histoire du présent ? Sur ce point, Luisa Passerini propose comme pistes la mémoire collective et la construction subjective d’un commencement pour des processus vécus par les sociétés concernées2. Ces mots écrits sur les murs de 1968, et la manière dont les étudiants brésiliens et des autres pays du Cône Sud ont protesté au cours de ces années, sont l’histoire du présent, dans la mesure où ils perdurent dans le féminisme contemporain et dans la manière dont s’articule aujourd’hui la politique de ces pays. Dans le cas du Cône Sud aujourd’hui, quelques exemples non dépourvus d’intérêt permettent de voir comment 1968 est devenu l’année sans fin3. Dans le panorama politique actuel du Brésil, et plus particulièrement dans les cercles du pouvoir, se côtoient d’anciens guérilleros, comme la chef de cabinet Dilma Roussef, des syndicalistes, comme le président Lula, des partisans du coup d’État de 1964 et des leaders étudiants de cette période – qui ne persistent pas toujours dans leurs convictions mais bénéficient en tout état de cause de la légitimité que leur confère leurs actes du moment. La présidente du Chili, Michèle Bachelet, a participé à des groupes de résistance à la dictature chilienne, et a commencé à militer au sein du mouvement étudiant sous la présidence de Salvador Allende. Le vice-président bolivien Álvaro García Linera a participé dans les années 1980 et 1990 à des mouvements de la gauche révolutionnaire, dont celui connu sous le nom de Tupac Katari. En Uruguay, en Argentine ou au Paraguay, les acteurs politiques se positionnent fréquemment par rapport à ce passé encore très présent. Leurs positions politiques ne se mesurent pas, dans de nombreux cas, à l’aune de leurs propositions pour l’avenir, mais en fonction de leurs actions pendant le passé/présent de la dictature militaire, de la résistance et des pertes liées à ce moment d’obscurantisme.
Le féminisme aux Amériques : des expressions et des symboles choisis
3Lors d’un récent voyage à La Paz (Bolivie)4 afin de recueillir les données nécessaires au projet de recherche que nous coordonnons5, nous avons vu en ville des murs qui parlaient de féminisme. Quelques phrases étaient pleines d’humour, comme celles qui suivent : « Nous prostituées, déclarons que Sánchez de Lozada, ni Sanchez Bergain, ne sont nos enfants », ou encore : « Vous n’êtes pas client, vous êtes “prostituant”. » Personne n’échappe à ces murs : « Le Che et Evo c’est la même chose : des pères irresponsables. » Ils préviennent : « Femme, je n’aime pas quand tu te tais », ou encore : « Désobéissance, par ta faute je vais être heureuse. » Ces phrases ont été écrites sur les murs de la ville en 2007 et 2008 par les militantes du groupe féministe « Mujeres Creando6 ». Au-delà des phrases plaquées sur les murs, ce groupe est coutumier de ce type d’actions dans le centre-ville, attirant l’attention sur des questions liées à la sexualité, à la pauvreté, au machisme, etc. Nombre de ces « performances7 » ne manquent pas d’audace ou se situent sur un mode humoristique. L’impact créé – et recherché – est fonction du scandale qu’elles provoquent.
4Au Brésil, à Florianópolis, Santa Catarina, il est aujourd’hui possible de trouver des graffitis et des affiches du Gafe – Groupe d’action féministe – présentant une esthétique et des mots d’ordre très proches de ce qui se disait en 1968 à Paris ou Berkeley.
5En Uruguay, les murs de Montevideo montraient également, lors de notre passage en mars 2008, des graffitis, des affiches et des banderoles qui rappellent à tous la loi polémique qui se préparait au sénat. Cette loi proposait en effet la dépénalisation de l’avortement. Elle fut approuvée, et cependant victime du veto du président Tabaré Vasquez en novembre de cette même année.
6Cette pratique consistant à écrire sur les murs, à créer l’événement par des actions surprenantes, au moyen de « performances » déconcertantes, remonte très certainement au féminisme et aux mouvements sociaux de la deuxième moitié des années 1960. A l’instar des autres mouvements, le féminisme de la « deuxième vague » a produit une « phraséologie » destinée à suggérer, au moyen des mots, une explication à la subordination des femmes. Des mots comme « patriarcat », « condition féminine », « relations de genre », « relations de sexe » renvoyaient à des divisions, à des positions et des discussions. Ils produisaient des phrases à effet, en un mélange généralement humoristique, souvent tragique, afin d’attirer l’attention et de formuler des revendications accompagnées parfois aussi de dramatisations. En 1968, les femmes nord-américaines ont par exemple mis en scène sur un mode théâtral, dans le cimetière d’Arlington, « l’enterrement de la féminité traditionnelle », couronnant un mouton de « Miss América » et mettant leurs soutien gorge, ceintures et faux cils dans la « poubelle de la liberté8 ».
7De nos jours, l’une des formes d’expression de l’anti-féminisme consiste à accuser ce mouvement de « brûler des soutien gorge ». On se rend compte que nombreuses sont les personnes qui ne connaissent pas le sens de ce type d’action menée par le mouvement féministe de la « deuxième vague » dans le contexte des mouvements de 1968. Pour le sens commun, ce féminisme semble avoir continué, année après année, à faire des feux de joie avec des soutien-gorge. Ce qui demeura dans les mémoires fut un événement complètement décontextualisé, utilisé la plupart du temps pour ridiculiser les femmes9. Comme le souligne Heleieth Saffioti, ce fut en fait un « acte radical », qui a choqué et qui a attiré l’attention. Le soutien-gorge « symbolisait une prison, une camisole de force, une organisation sociale qui encadrait les femmes d’une manière et les hommes d’une autre ». Ce qu’elles faisaient était donc de brûler la « camisole de force de l’organisation sociale10 ». Nous dirions aujourd’hui qu’elles étaient en train de brûler un symbole de relations de genre11 extrêmement inégalitaires et qui définissaient des modèles de beauté pour les femmes. Rappelons qu’à cette époque, le critère de beauté était d’avoir une grande poitrine. Celle-ci était souvent augmentée au moyen de soutien gorge renforcés, qui la faisaient paraître plus imposante.
Positionnements idéologiques du Cône Sud
8Pendant que quelques Américaines se libéraient, au nom du féminisme, de leurs soutien gorge et de leurs faux cils, les préoccupations de la jeunesse qui se mobilisait alors dans le Cône Sud étaient beaucoup plus liées à celles des mouvements de gauche. Les femmes se libérèrent également du rouge à lèvres, des vêtements jugés trop féminins, des bijoux, des hauts talons, remplacés par des chemises et des jeans, au nom du rejet des valeurs petites-bourgeoises et de la nécessité de la liberté de mouvements afin de faire la Révolution. Le féminisme en semblait alors exclu. Il était perçu comme un facteur de divisions, voire d’affaiblissement des groupes révolutionnaires qui devaient orienter toutes leurs préoccupations, et consacrer toutes leurs forces à la révolution socialiste et à l’effondrement des dictatures. Mais certains savaient ce qui se passait au même moment aux États-Unis et en Europe. Et il est fréquent au Brésil, lorsqu’on évoque les mouvements de 1968, de n’attribuer au mouvement des femmes aucune participation ou de minimiser ses activités12.
9En fait, on ne connaît pas de mouvements de femmes et de féministes dans le Brésil de 1968. Quelques femmes, qui devaient être connues ultérieurement comme les féministes des années 1970, étaient cependant déjà en train d’écrire, de débattre et de lancer des idées. Parmi elles, Carmem da Silva, qui écrit dès 1963 dans la revue Claudia ; Heleieth Saffioti, qui en 1967 dispense son enseignement ouvert à tous, intitulé « La femme dans la société de classes : mythe et réalité », qui a fait l’objet d’une publication en 1969. Même si, à ce moment précis, et comme elle l’affirme dans une entrevue récente, elle ne se considérait pas comme féministe13. En 1966, Rose Marie Muraro lance un ouvrage portant le titre de La femme dans la construction d’un monde futur. Cette auteure raconte, dans ses Mémoires d’une femme impossible, qu’elle écrivit ce livre en 1965, à un moment où elle ne se considérait pas davantage comme féministe, et n’avait pas connaissance de ce mouvement. Rédigé en vingt jours, le livre se vendit en trois mois à dix mille exemplaires14. Bien qu’au début des années 1960, le Brésil n’ait pas connu de mouvement féministe organisé, le pays vivait aussi un « climat » de discussion et de réflexion sur ce que l’on appelait alors la « condition de femme », alors même que commençait, en 1964, la dictature militaire. Les idées, les débats, les livres circulaient déjà. Mais ces idées ne furent reprises par les mouvements évoqués que dans les années 197015.
10La bibliographie portant sur les événements de 1968 dans les pays du Cône Sud ne se réfère généralement que très peu au mouvement des femmes et des féministes. Il est cependant des exceptions, ainsi le texte de Daniel Aarão Reis Filho. Il y est indiqué que, dans la ligne des mouvements surgis aux États-Unis, et des « homosexuels qui dénonçaient la discrimination à leur encontre, [ils] revendiquaient la liberté, montraient du doigt l’hypocrisie de la société et formaient des organisations autonomes16 ». Le même texte évoque les femmes qui « firent renaître le féminisme, d’une manière plus large et incluante que lors des campagnes passées », se référant ainsi aux mouvements de la « première vague ». Mais la plupart du temps, la référence aux mouvements de femmes ou féministes, antérieurs aux mouvements de 1968, ou partie prenante de ces mêmes mouvements, n’apparaît que de manière tangentielle, comme une annexe « presque honteuse », un petit chapitre, comme s’il s’agissait de ne pas dire qu’on n’avait pas parlé d’elles. Ou, encore plus simplement, on n’en parlait pas. Pour trouver des informations sur ces mouvements, il fallait faire une recherche bibliographique spécifique, capable de discuter sur 1968 depuis une perspective féministe.
11Dans ce type de bibliographie, qu’elle provienne de l’histoire ou d’autres disciplines, on observe que la mise en valeur de la créativité, présente dans les phases les plus marquantes des mouvements de 1968, résulte également d’une grande diversité idéologique et des tendances multiples à l’œuvre dans ces événements.
12L’amplitude des mouvements en général est également bien mise en valeur. Henri Weber souligne ainsi qu’il y eut des soulèvements dans quarante pays simultanément. Pour cet auteur, le mouvement de mai 1968 a commencé dans les années 1960, en Californie et au Japon17. Bien que soulignée par cette bibliographie, la grande variété des motifs de soulèvements et une grande partie des discussions se réduisent à la question de savoir à quel point ces révoltes visaient à établir une société socialiste ou communiste. Dans ce contexte, la transgression proposée par les femmes demeura dans la pénombre. Henri Weber, déjà cité, affirme également que furent présents dans ces manifestations des réformistes, des révolutionnaires, léninistes, anarchistes, maoïstes, ainsi que des « défenseurs du désir, révolutionnaires existentiels d’orientation libidineuse qui revendiquaient la libération du désir, le droit au plaisir ». Il indique qu’une aspiration hédoniste était également présente, un « refus de réprimer le désir18 ». Il est intéressant de voir que l’on ne relève pas ici la présence des femmes issues du féminisme radical, lesquelles discutaient, au sein de « groupes de conscience », du droit au plaisir. Finalement, même quand la bibliographie mettait en valeur des questions aussi importantes pour le féminisme de la « deuxième vague », la contribution des femmes était laissée de côté.
Pour une chronologie des féminismes latino-américains : entre « gauche festive » et « morale révolutionnaire »
13Les mouvements qui se sont produits en 1968 dans différents pays furent la résultante de situations mises en œuvre bien avant cette date. De même le mouvement des femmes ou féministe a-t-il, lui aussi, des antécédents. Il convient ainsi de rappeler, non seulement l’existence d’un « féminisme de la première vague », daté du début du XXe siècle et qui revendiquait des droits politiques, économiques et sociaux, mais aussi le fait que, dans certains pays, des groupes de femmes s’étaient organisés dès le début des années 1960. Sans compter le fait qu’en 1949, Simone de Beauvoir avait déjà publié Le deuxième sexe, essentiel pour le mouvement des femmes de la fin des années 196019.
14Dans cadre de la recherche que nous réalisons, plusieurs entretiens avec des femmes s’identifiant au féminisme des années 1970 ou 1980, montrent qu’elles ont lu le livre de Beauvoir. Mais qu’elles n’ont pas toujours compris, ou ne se sont pas toujours identifiées à son contenu. Beaucoup l’avaient trouvé « trop cérébral » et exposant une situation qu’elles n’avaient pas vécue20. Je me souviens cependant que Simone de Beauvoir elle-même, lorsqu’elle a écrit ce livre, ne se considérait pas comme féministe et ne considérait par son travail comme tel. Sa présence en tant que féministe, l’action qu’elle a menée dans ces mouvements, n’ont été effectives qu’à partir de la fin des années 1960.
15Le mouvement des femmes a été formé à partir d’innombrables tendances, très semblables à celles qui participèrent de toutes les agitations de 1968. Tel est le cas des femmes appartenant aux trois principaux groupes à l’origine des luttes générales de cette époque, à savoir : les noirs, les étudiants et les jeunes. Elles participèrent également au Mouvement de libération des femmes. Néanmoins, elles se considéraient plus internationales que tout autre groupe politique, tout en disant que leur oppression se situait dans une aire beaucoup plus restreinte et concrète : le foyer21.
16À la différence de ce qui se produisit avec le féminisme de la « première vague », qui eut peu de relations avec les autres mouvements de l’époque, celui de la « deuxième vague » s’est articulé avec plusieurs groupes qui luttaient contre diverses formes d’oppression22. Même dans ces circonstances, il convient de rappeler qu’aussi bien lors de la première que de la deuxième vague du féminisme, le mouvement noir fut une grande source d’inspiration pour le mouvement de libération de la femme aux États-Unis. Et qu’il commença alors dans la modération, devenant de plus en plus militant, au fur et à mesure de ses rencontres avec une société hostile. Il en fut de même pour le mouvement des femmes dans ce pays23.
17Outre le mouvement noir, les groupes de jeunes, des « hippies » de toute espèce ou l’American Youth International Party – hippies, opposants au service militaire et à la guerre du Vietnam – contribuèrent très fortement à inspirer le mouvement des femmes. La notion de « politique de l’expérience », la « libération des émotions » qu’ils promouvaient, rencontra des échos chez les femmes. La société occidentale n’avait, après tout, pensé les femmes qu’en tant que « dépôt principal d’émotions24 ».
18Dans les pays du Cône Sud, la période couvrant les décennies 1960 et 1970 fut marquée par des dictatures militaires inspirées des idées et des pratiques de lutte contre le communisme telles que les avaient diffusées « l’École des Amériques », financée par le gouvernement des États-Unis. Le tableau suivant montre l’extension des dictatures à tout le Cône Sud :
Pays | Coup d’État militaire | Retour à la démocratie |
Argentine | 1966 et 1976 | 1973 et 1983, respectivement |
Brésil | 1964 | 1985 |
Chili | 1973 | 1988 ou 1990 (selon la perspective) |
Paraguay | 1954 | 1989 |
Uruguay | 1973 | 1985 |
Bolivie | 1964 | 1982 (avec des interruptions) |
19Pendant qu’aux États-Unis les Hippies proposaient le flower power, le pouvoir de la paix, les jeunes Brésiliens chantaient qu’ils ne croyaient pas aux fleurs contre les canons, et qu’il était nécessaire d’être déterminé et de prendre l’histoire en main. Ils affirmaient par ce biais leur choix de la guérilla et de la lutte armée inspirées de la révolution cubaine25.
20S’inscrivant à l’encontre des partis traditionnels de gauche, dans lesquels la participation des femmes était relativement réduite jusqu’aux années 1960, la dénommée « Nouvelle gauche », constituée des organisations qui défendaient le principe de la guerre révolutionnaire inspirée de la révolution cubaine, des propositions de Mao Zedong et du Vietnam insurgé, présentait un panorama différent26. Dans les pays du Cône Sud, ces organisations ont surgi en liaison principalement avec les mouvements étudiants universitaires ou lycéens, et parfois même, sous l’influence des tendances tiers-mondistes de l’Église catholique. La part des femmes dans l’enseignement secondaire et universitaire était à ce moment déjà supérieure aux époques antérieures, ce qui se reflétait dans leur participation aux mouvements étudiants27. Dans le cadre de notre enquête, nous avons réalisé (jusqu’à présent) 141 entretiens avec des femmes et quelques hommes qui ont été, ou des militants de gauche, ou des militants féministes, ou les deux en même temps, ce qui était le cas de la majorité des interviewés28. Pour la presque totalité des femmes interviewées qui avaient participé à des organisations ou à des initiatives liées à la gauche, le mouvement étudiant avait été la porte d’entrée du militantisme.
21Pendant que les jeunes Américains, Européens, et même, une partie de la jeunesse latino-américaine (au Brésil elle fut même appelée la « gauche festive ») vivaient la Révolution sexuelle, l’« ouverture des portes de l’esprit » au moyen de drogues et de rock n’roll, ceux de la gauche du Cône Sud étaient le plus souvent prisonniers de ce qu’ils appelaient la « morale révolutionnaire ». La militante uruguayenne Martha Aguñin, ex-membre du Front révolutionnaire 68 (FER-68), nous le décrit de la manière suivante :
« On se réclamait et on parlait beaucoup du fameux sujet de la morale révolutionnaire. Nous nous devions d’être des personnes intègres, plutôt austères dans notre manière de vivre. Autrement dit, dans notre milieu, il était mal vu et nous ne pouvions faire les choses que faisaient les gens de notre âge, à savoir danser. Nous ne le faisions pas et le jugions sévèrement. Nous le percevions alors comme quelque chose de frivole et stupide. J’avais seize ans et je n’allais jamais danser. C’est que cela faisait partie de la morale révolutionnaire. Pour aller quelque part, par exemple à un bar, il y avait une manière particulière de s’habiller29. »
22En Argentine, cette « morale révolutionnaire » incluait d’une part, la lutte contre l’individualisme, et essayer d’être un « homme nouveau », celui qui pourrait faire la révolution, mais il y avait aussi des règlements qui punissaient l’adultère entre militants, ainsi que d’autres fautes30. Au Brésil, pourtant perçu par les autres pays comme plus permissif pour ce qui était de la morale sexuelle traditionnelle, les groupes de gauche continuaient d’imposer des tabous et des condamnations, ainsi à l’encontre de l’homosexualité.
23Les femmes ont fait partie des organisations guérilleras, des partis communistes et des autres mouvements de résistance à la dictature dans de nombreux pays, assumant fréquemment le risque qui consistait à prendre les armes et à participer à des actions risquées, comme prendre en otage des ambassadeurs, attaquer des banques ou tout autre type d’attentat. Elles furent souvent faites prisonnières, y ont trouvé la mort ou ont été exilées à la suite de ces actions. Jamais cependant elles ne furent considérées comme des égales au sein de ces organisations31.
Le temps des clivages : le féminisme « séparatiste » mais « conscient » des années 1970-1980
24Cette participation à différents mouvements radicaux fit que les femmes y trouvèrent l’inspiration pour lutter, et, dans le même temps, des raisons de s’en éloigner. Dans tous, elles vécurent différentes formes de discrimination au point que pour les femmes, les amis furent souvent des « ennemis32 ». La réponse d’un leader de mouvement social de l’époque, Stokely Carmichael, à la question de savoir quelle était la position des femmes au sein du SNCC – Comité de coordination étudiante contre la violence, aux États-Unis – est restée célèbre : « La position des femmes est à plat ventre33. » Dans plusieurs pays du Cône Sud, ce type de phrase n’a peut-être pas été prononcée, elle n’en a pas moins certainement été pensée. Dans les entretiens que nous avons menés, les anciennes militantes de gauche se souviennent fréquemment avec amertume de la manière dont elles étaient traitées dans leurs organisations, parce qu’elles étaient des femmes, ou parce qu’elles proposaient parfois de discuter d’options féministes ou concernant les femmes. Ces attitudes discriminatoires à l’égard des jeunes femmes appartenant à ces mouvements ont contribué à forger un féminisme éminemment séparatiste, représenté par les « groupes de conscience ».
25Ce fut bien avant 1968 que les groupes de conscience sont nés aux États-Unis. Il s’agissait alors de groupes restreints. L’unité de base du mouvement de libération des femmes comportait entre six et vingt-quatre femmes. À l’origine, ces groupes permettaient aux femmes de se réunir. Par la suite ils se perçurent eux-mêmes comme des collectivités révolutionnaires et prétendirent « analyser la nature de l’oppression féminine » pour, à partir de cette analyse, développer une stratégie d’action. Ils considéraient que, « de même que les problèmes de la femme ne sont pas exclusivement de nature privée et personnelle, la solution n’a pas à rester dans ces domaines34 ». Dans ce cas, les femmes partaient d’une auto-conscience personnelle afin de créer une conscience de groupe35.
26Ces groupes se réunissaient dans différents endroits : chez les unes ou chez les autres, dans les cafés, au bureau, à l’église, dans les clubs, etc. Dans des groupes, les hommes n’étaient pas acceptés, seulement les femmes. Ils visaient à favoriser la prise de conscience, ou encore, la « création de conscience ». Chaque membre de l’une de ces sections devait elle-même se transformer en formatrice d’un autre « groupe de conscience36 ». Certains cycles de conversations proposaient une méthodologie à même de focaliser les différentes étapes de la vie : l’enfance, la période des premières menstruations, la jeunesse, le mariage, lorsqu’elles étaient confrontées à des avortements, les accouchements, la relation avec le mari, la ménopause, et ainsi de suite. Ils se sont donc appelés « Lignes de vie ». Aucun aspect de l’existence des femmes n’était laissé sans discussion. Ils partaient du présupposé selon lequel « ce qui est personnel est politique ». En d’autres termes, que « la vie personnelle de chacun est politiquement structurée et liée à des luttes viscérales de pouvoir37 ».
27Juliet Mitchell apporte un témoignage personnel sur les groupes constitués exclusivement de femmes auxquels elle avait appartenu. Elle dit s’être sentie bien de ne parler qu’avec des femmes. La majorité de celles-ci venait d’autres mouvements sociaux où les hommes prédominaient, dans lesquels il n’y avait pas de réunions de femmes : « Le sérieux était représenté par l’homme38. » L’un des arguments avancés était qu’il était possible de voir que la femme faisait preuve de timidité devant des hommes. C’était eux qui prenaient la parole, eux qui adoptaient un rôle dominant. La femme devait apprendre à être active, à avoir confiance. Seulement ensuite « on pourrait éventuellement admettre des hommes39 ». L’argument essentiel n’était que l’une des manifestations principales de l’oppression féminine : « le manque de confiance des femmes en elles-mêmes40 ». D’après cette auteure, ces groupes s’engagèrent à réaliser un travail collectif et à éviter l’apparition de dirigeantes « égolâtres ». « C’est pour cette raison que les gens se plaignaient d’un manque de centre », disait-elle. Elles étaient habituées à avoir un porte-parole. Il y avait ainsi une alternance lorsqu’il s’agissait de parler avec la presse, à la radio et à la télévision, afin qu’aucune d’elles n’en vienne à paraître plus forte et n’inhibe les autres. Enfin, il était établi que personne « ne domine ou ne s’abstienne de participer pendant le temps accordé aux discussions41 ».
28Elle affirme encore que ce concept de « création de conscience » est une interprétation nouvelle d’une pratique révolutionnaire chinoise, appelée « exprimer des amertumes ». Les paysans chinois, contenus par des méthodes violentes, par la contrainte ou la misère, firent un pas en avant en cessant de penser que leur destin était quelque chose de naturel, par le seul fait d’en parler à voix haute. « Le premier symptôme de l’oppression consiste en la répression de la parole ? L’état de souffrance est tel et est perçu comme tellement naturel que l’on ignore son existence. » Il s’agit de rendre consciente l’oppression vécue. En « exprimant des amertumes », la personne se rendait compte des injustices qu’elle vivait, et se souvenait d’autres injustices supportées par le groupe42.
29Juliet Mitchell donne l’exemple de l’une de ces réunions de groupe de conscience auquel elle a participé. L’une des femmes présentes commença à décrire les émotions ressenties à l’occasion d’un avortement qu’elle venait de subir. Les autres suivirent son exemple et racontèrent aussi leur histoire. Même si l’une d’elles n’avait pas vécu une expérience d’avortement, lorsque venait son tour de parler, elle exposait ses peurs, les perspectives morales qui étaient les siennes à ce sujet, l’évaluation sociale qu’elle en faisait. De cette manière, le récit d’une expérience personnelle « qui était condamnée à l’oubli de la vie privée, était examinée en tant que manifestation des conditions d’oppression subies par les femmes. Ce qui était personnel était vu comme un aspect crucial du politique43 ».
30On peut retrouver ces groupes de conscience caractéristiques de la « deuxième vague » du féminisme, dans les récits de personnes qui se sont identifiées avec le féminisme des années 1970 et 1980 en différents endroits et même, ce qui est précisément notre objet de recherche, dans les pays du Cône Sud. Pour le Brésil de 1972, les entretiens évoquent des groupes de conscience à Sao Paulo et à Rio de Janeiro. Le groupe de Sao Paulo s’appelait « groupe de conscientisation féministe » et rassemblait des femmes telles que Maria Odila Leite da Silva Dias, Albertina Costa, Marta Suplicy, Célia Sampaio et Walnice Nogueira Galvão44. Celui de Rio fut organisé par Branca Moreira Alves. Y participèrent, entre autres, Maria Luiza Heilborn, Maria Helena Darcy de Oliveira45. Aussi bien le groupe de São Paulo que celui de Rio de Janeiro ont été constitués de personnes qui avaient vécu à l’extérieur, principalement aux États-Unis et avaient participé, sur place, à des groupes de conscience. Elles concrétisaient donc au Brésil l’un des présupposés de ces groupes, selon lequel ses membres devaient à leur tour former d’autres groupes en des lieux différents.
31Toujours dans cette perspective, Danda Prado46, la fille de Caio Prado Júnior, commença en 1974 à organiser, dans un café de Paris, un groupe de réflexion rassemblant des réfugiées brésiliennes et d’autres pays latinoaméricains, et qui publia un journal appelé Nosotras47. Son exil avait été provoqué par l’emprisonnement de son père, Caio Prado Júnior. Au Brésil, elle était liée aux militants du Parti communiste brésilien.
32En Argentine, des membres de l’UFA – Union féminine argentine – avaient créé depuis 1970 des groupes de conscience dans lesquels on discutait des innombrables textes venus des États-Unis. Elles avaient pour habitude de se réunir au café Tortoni. L’une des interviewées lors de l’enquête raconte :
« Dans les années 1970… les féministes ont commencé à se rassembler, entraînées par une amie nommée Nelly Bugallo, qui se réunissait déjà avec Maria Luiza Bemberg, Gabriela Christeller […] au café Tortoni, l’un des plus traditionnels de Buenos Aires, célèbre par le nombre d’écrivains et de musiciens qui y passaient. Nous nous sommes seulement un peu réunies parce que nous ne savions pas que ce nous allions faire, et comme tout cela inquiétait… » (Leonor Calvera, Buenos Aires, Argentina48.)
33Au Chili, les groupes de conscience commencèrent à fonctionner à Santiago à partir de 1977, avec un groupe auto-dénommé « Asuma ». En 1979, en raison de l’extrême insécurité liée à la dictature, ils se réfugièrent à l’archevêché de Santiago et en vinrent à se réunir dans le patio de l’église. Le « Cercle d’études de la femme » fut créé à cette occasion49.
34À Santa Cruz en Bolivie, plusieurs interviewées ont rapporté la présence de trois religieuses américaines qui, au début des années 1980, avaient monté des groupes de conscience. Meri Camargo, l’une des féministes interviewées, nous a raconté que se trouvaient en Bolivie « des sœurs, Mary Gnoll, Judy et Linn, elles m’ont invitée à les rejoindre dans un bureau, un bureau de féministes […] elles avaient une méthodologie, très belle50 ». Dans le récit de plusieurs d’entre elles, ces groupes semblent avoir eu une grande importance dans leur identification avec le féminisme.
35Notre souhait est d’attirer l’attention sur les modalités de reproduction de ces groupes, à partir des personnes qui les constituaient. Lorsqu’il s’est rendu au Brésil en 1982, Félix Guattari a qualifié ce type de pratique d’organisations en réseau, de rhizome51. Ce qui correspond très certainement à ces formations. Les entretiens que nous avons réalisés permettent de suivre la reproduction de ces groupes et les contacts qu’ils offraient au niveau local, national et international. À Santa Catarina par exemple, dans les années 1980 plus que dans la décennie des années 1960, Janine Petersen a identifié deux groupes féministes : « Amalgame » et « Expériences de vie », le premier fonctionnant comme groupe de conscience. Ce groupe a été créé suivant les idéaux des groupes d’origine américaine. Une professeure qui avait participé à l’un de ces groupes à Campinas apporta l’idée à Florianópolis, et y constitua ce groupe52. Le groupe de Campinas avait lui-même été formé par des femmes qui avaient participé à des groupes de ce type aux États-Unis53. Autrement dit, ces groupes reproduisaient au Brésil ce que certaines femmes avaient vécu dans d’autres pays.
36Toujours lors de notre enquête dans la ville de Rio Branco, dans l’État Acre, nous avons interviewé deux femmes connues comme féministes, qui racontèrent également leur identification avec le féminisme à partir de ce qu’elles qualifiaient de participation dans un « groupe de conscience », suivant les modalités de la « Ligne de vie54 ». Ces femmes attribuent à Teresa Mansur, qui vit aujourd’hui à Vitória (Espírito Santo), l’organisation de ces groupes.
37Il est également possible de suivre le parcours de ces groupes depuis l’Europe et la formation d’organisations liées au Mouvement de libération des femmes. Fin 1967, il y avait déjà en Angleterre plusieurs groupes. Leurs sources d’influence étaient diverses : du féminisme radical américain, des groupes psycho-politico-culturels au mouvement ouvrier. La présence d’Américaines qui travaillaient à Londres contre la guerre du Vietnam et en faveur des déserteurs américains fut très importante. En mars 1970, une conférence fut organisée à leur initiative. Le Comité national de coordination fut créé à cette occasion, à partir de plusieurs groupes existant, ce fut le « NCC » ou National Co-ordinating Committee55. Seules les femmes pouvaient appartenir à la majorité des groupes formés sur place56.
38En Hollande, deux groupes surgirent : l’un était considéré comme plus « sérieux », différent des autres, et il admettait des hommes. Il s’agissait du « MVM » – Hommes et femmes en société. Mais il y en avait un autre, le « Dolle Minas », qui n’admettait que des femmes et dont les actions consistaient à organiser des jeux ou à commettre des infractions, de manière à mettre en évidence les insultes sous-jacentes à la manière d’être « normalement » avec les femmes. Elles sortaient en groupe et « pinçaient le derrière des hommes, sifflaient sur leur passage et mettaient de l’encre rose dans les toilettes des hommes57 ». Ces actes de provocation, pleins d’humour, faisaient partie des pratiques féministes de l’époque58.
39En France, le Mouvement de libération des femmes commença à l’initiative d’un petit groupe de marxistes, à Paris, à la fin de l’année 1968. Certaines étaient Américaines, d’autres étaient des étudiantes qui avaient participé aux révolutions de mai59. Elles organisèrent leur première manifestation à l’Université de Vincennes, où elles furent agressées, insultées par les hommes du mouvement, et traitées de « lesbiennes60 ». Il est important de souligner que ces insultes étaient très courantes. En octobre 1969, à l’université de Caroline du nord, un groupe d’homme urina sur des femmes du Mouvement de libération des femmes pendant une manifestation61.
40En Allemagne, le nouveau mouvement féministe commença justement en 1968, en pleine effervescence. Frigga Haug raconte que, dans les assemblées, il était difficile pour une femme de se mettre à crier dans le micro sans avoir une voix stridente ; on aurait dit qu’il manquait « une élégance dans la rhétorique, l’auto-estime des femmes était très faible ». Dans ces circonstances, elles finissaient par passer leurs nuits à dactylographier des tracts et à faire du café. En 1968, lors du congrès de la Ligue des étudiants socialistes, la responsable Helke Sanders fit un discours évoquant des questions féministes, sous les moqueries et les rires des hommes. Elle y montrait comment la répression se manifestait, elle parla du patriarcat et du fait que le privé était aussi politique. Les femmes « formèrent alors deux grandes organisations féministes, à Francfort et à Berlin : le Conseil des femmes et le Conseil d’action pour la libération de la femme. Dans la brochure de Francfort figurait une illustration représentant plusieurs pénis pendus, chacun au nom d’un camarade de la Ligue des étudiants socialistes. En bas, la légende disait : « Libérez leurs Eminences socialistes de leurs bites bourgeoises62. » Ces actions considérées comme scandaleuses, firent partie des pratiques féministes de la « deuxième vague ». La discrétion et le silence étaient rejetés car c’étaient des « caractéristiques féminines63 ». L’une des affiches des manifestations féministes françaises rappelait ce qui était exigé des femmes : « Sois belle et tais-toi64. »
Activistes contre la discrimination
41Les activistes de « Femmes créant » (Mujeres Creando), désormais en plein XXIe siècle, ont aussi réalisé des « performances » en rejetant la discrimination. Récemment, elles ont réalisé l’une des ces performances dans le centre de La Paz, à l’Obélisque. Elles y ont peint le pénis d’hommes d’âges et de provenance ethniques divers. Elles les ont peints de diverses couleurs. L’interaction avec la population urbaine qui assistait à la scène – de la même manière qu’elle assistait aux représentations habituelles en place publique – et la police, fut une grande première. Pour elles, cet événement eut valeur de discussion sur le tabou de la nudité, et également de la relation « normale » de pouvoir entre hommes et femmes qui, dans cette « performance », apparaît inversée. Car, bien que les femmes aient dû se pencher pour peindre le pénis des hommes, l’acte consistant à les peindre « nie et tourne en dérision leur autorité, leur statut symbolique en tant que phallus, comme si l’on était au carnaval ». Elles cherchaient en fait à créer la confusion compte tenu de ce que cela représentait pour le public et pour les autorités. Elles répétaient que les jeunes, hommes et femmes, de 1968 voulaient « éliminer la séparation entre art et politique, performance et manifestation, scène et place publique65 ». Sheila Rowbotham, féministe reconnue de la « deuxième vague », relate dans son livre La conscientisation de la femme dans le monde de l’homme sa trajectoire dans le cadre des luttes de gauche, ses débuts à l’université – d’après elle, grâce à un marxiste qui aimait de manière très patiente, attendant qu’elle parvienne à l’orgasme et qui « la poussa résolument vers le marxisme66 ». Elle raconte aussi qu’entre 1964 et 1967, elle fut impliquée dans d’innombrables tendances de divers mouvements sociaux de gauche. Sa participation à ces mouvements la conduisit enfin à se rendre compte, au bout de trois phrases et évidemment, au vu de leur manière de s’habiller, à quelle tendance appartenaient les orateurs. D’après elle, le « Socialisme international » – un petit groupe à l’époque – utilisait surtout des vestes marron, alors que les « Militants », « avaient choisi des manteaux de suédine, au col en peau67 ». Ce fut de l’intérieur de ces innombrables groupes que les femmes qui en étaient membres commencèrent à constituer leur propre mouvement. Parfois en s’en éloignant complètement, parfois en conservant un double militantisme.
42Elle raconte qu’elle avait déjà lu Simone de Beauvoir depuis longtemps, même si ce fut seulement dans le milieu des années 1960 que le livre commença pour elle à prendre sens. Finalement, quand éclatèrent les révoltes de 1968, elle avait déjà de solides notions quant aux discussions propres au féminisme. Elle se sentit donc concernée, et se reconnut dans les discussions impliquant les femmes. « J’ai commencé à parler avec d’autres femmes et, brusquement, nous avons découvert que nous ressentions les mêmes choses68. » Elle raconte qu’elle se reconnut dans une phrase écrite sur un mur de Londres : « Rendez-moi mon passé, mon enfance, mon corps, ma vie69. » Dans le témoignage de Sheila Rowbotham, les paroles des murs, les messages écrits sur des affiches, les « performances », les groupes de conscience, eurent une grande importance dans son identification avec le féminisme. Le livre de Simone de Beauvoir n’était pas suffisant. Il fallait vivre et sentir dans sa propre peau la discrimination, et celle-ci devait être le fait des amis eux-mêmes, et des camarades des différents groupes de gauche auxquels elle a participé.
43Dans les pays du Cône Sud concernés par nos recherches, les récits qui évoquent une identification avec le féminisme avant 1968 sont rarissimes. Parmi les interviewées, il en est évidemment qui affirment avoir été féministes depuis leur naissance70. La majorité raconte cependant son identification avec le féminisme pendant les années 1970, ou à la fin des années 1960, en tout état de cause après les événements de 1968. Leonor Calveira, féministe connue en Argentine, nous informe ainsi dans son livre Femmes et féminisme en Argentine, qu’« au sein de l’organisation UFA – Union féministe argentine, créée en 1970 par elle-même, Nelly Bugallo, Maria Luiza Bemberg et Gabriella Ronconi de Christeller, entre autres –, on lisait des textes provenant des féministes américaines, textes publiés à partir de 1967. Outre une bibliographie qui incluait Simone de Beauvoir et Betty Friedan, elles avaient des feuillets isolés, publiés sans copyright, dans les Notes from the First Year. Un peu plus de deux années plus tard allait être publiée l’essentiel de cette production, sous le titre de Notes from the Second Year : Major Writings of the Radical Feminists71 ».
44Une autre interviewée nous a appris que, pendant l’effervescence étudiante qui déboucha sur l’occupation des universités chiliennes en 1968, elle-même appartenait à l’aile gauche de la Démocratie chrétienne. Elle était à l’époque l’« amante guérillera » d’un grand leader de gauche, marié et père de plusieurs enfants. Pour elle, cette contradiction ne devint explicite qu’après 1973, à la suite du coup d’État militaire, quand elle s’exila en France, puis au Brésil, où elle entra en contact avec des groupes féministes72.
45On constate que dans les pays du Cône Sud, la plupart de celles qui devaient devenir ultérieurement des leaders féministes étaient, d’une manière ou d’une autre, impliquées dans des groupes de gauche étudiants, divers et divergents. Leur féminisme se ne vécut alors qu’à partir de ce qui avait été divulgué longtemps auparavant, et plus spécialement depuis la moitié des années 1960, via des livres, des brochures, des périodiques, des discussions. Il fut aussi inspiré par la recherche d’une autre politique d’une « nouvelle gauche ». Elles furent elles-mêmes inspirées par le féminisme sous l’effet la discrimination qu’elles subissaient de la part de leurs propres « camarades » de ces groupes de gauche auxquelles elles appartenaient. Cette constatation a été faite dans la plupart des cas à partir de lectures, de discussions de périodiques, de mots sur les murs, divulgués par le féminisme de la « deuxième vague ».
46Beaucoup de ces femmes également devinrent féministes en exil. Que cet exil les conduise en Europe, aux États-Unis, en Argentine, au Brésil, ou au Pérou, comme nous avons eu l’occasion de le voir au cours de notre enquête. Alors que, dans leurs témoignages, Maria Lygia Quartim de Moraes73, Danda Prado74 et Zuleika Alambert75, Brésiliennes, disent être devenues féministes pendant leur exil en France, Dora Barrancos76 et Mirta Hernault77, Argentines, disent l’être devenues au Brésil. Blanca Ibarlucia, Argentine également, a rencontré le féminisme au Pérou, fait surprenant, si l’on considère que l’historiographie du féminisme identifie habituellement les États-Unis et certains pays européens comme la France, l’Angleterre et l’Italie comme les lieux de contact des exilées avec le féminisme de la « deuxième vague ». Il est par ailleurs indispensable de rappeler que ces exils ont été motivés par la participation des intéressées à divers mouvements de gauche, et dans certains cas à la lutte armée.
47Il est donc indispensable de souligner, malgré le fait que l’historiographie des mouvements de 1968 oublie que toutes ces transgressions avaient deux sexes, que, comme les autres mouvements, celui des femmes et des féministes eut aussi des antécédents qui expliquent 1968, et qu’ils ne firent que commencer à émerger à partir de cette date. Davantage : parmi les revendications des mouvements de l’époque, celles des femmes continuèrent, comme d’autres, d’insister sur des transformations rêvées.
48En ce qui concerne les pays du Cône Sud, on observe une appropriation des discours issus des féminismes de la « deuxième vague ». Dans chaque cas, les idées en sont utilisées à des moments divers, suivant de multiples adaptations. Beaucoup de formes d’humour, des « performances », des scandales, continueront à être utilisées. Et l’on peut dire que les murs de 1968 continueront d’être présents dans ces pays dans de nombreuses manifestations du féminisme. Au Chili, les femmes du « Réseau chilien contre la violence domestique et sexuelle » lancèrent cette même année des mots d’ordre. Mais dans le même temps, elles n’écrivirent pas sur les murs. Elles les inscrivirent sur de grands panneaux qu’elles placèrent dans la ville, et où il était écrit : « Attention, le machisme tue. » Elles fabriquèrent également des adhésifs à coller sur les vêtements des militantes de manière à transformer leur corps en out door. On y lisait : « La violence sexuelle est que ton compagnon t’oblige à avoir des relations. Que des mains se baladent sur toi dans la rue. Qu’on te demande des faveurs sexuelles au boulot ou à l’école. Que la peur ne te paralyse pas. Dénonce-le ! » En Bolivie les « Mujeres creando » continuèrent à réaliser des « performances » et à écrire sur les murs : « Derrière une femme heureuse il y a un machiste abandonné78. » « Même en embrassant deux mille crapauds tu ne trouveras pas le prince charmant79. » « Pour tous les systèmes de machos et de fachos, la femme est une pute : à bas les systèmes, vivent les putes80. » À côté des murs « physiques » des villes latino-américaines, aujourd’hui encore couverts de graffitis, un autre type de graffiti semble régner au présent. Les mots d’ordre et la propagande féministe, comme d’autres manifestations, se sont déplacés vers l’espace virtuel des blogs, des sites et des communautés virtuelles. Mais elles en conservent les paroles, les manifestations esthétiques, les brochures virtuelles qui désormais n’ont plus besoin d’être recopiées. Ce sont de nouveaux murs, avec la même irrévérence…
Notes de bas de page
1 En tant que mouvement social visible, le féminisme peut être pensé comme ayant eu plusieurs « vagues ». Le féminisme de la « première vague » se serait développé à la fin du XIXe siècle, centré sur la revendication des droits politiques – comme celui de voter ou d’être élue –, les droits sociaux et économiques – comme celui du travail rémunéré, d’étudier, de propriété, d’héritage. Le féminisme de la « deuxième vague » surgit après la Deuxième Guerre mondiale et eut comme priorité les luttes pour le droit au corps, au plaisir, et contre le patriarcat. Son mot d’ordre : « le privé est politique ». Il convient de rappeler que les discussions sont nombreuses quant au nombre de périodes qui diviseraient la trajectoire du féminisme. Alors que certaines auteures, dont nous sommes, définissent l’existence de deux grandes « vagues », d’autres, comme Ana de Miguel Álvares, tendent à relier trois grands « blocs » de cette même trajectoire. Voir Alvarez Ana de Miguel, « História do feminismo », disponible sur : www.creatividadfeminista.org. Voir également Delphy Christine, « Patriarcat (Théories du) », Hirata Helena (e.a., org.), Dictionnaire critique du féminisme, Paris, PUF, 2000. Nous insistons sur le fait que les différents pays concernés ne vivent pas ces luttes au même moment. Alors que le droit de vote fut conquis en Angleterre en 1918, autrement dit pendant la « première vague », au Paraguay il ne fut obtenu qu’en 1961, sous le gouvernement d’Alfredo Stroessner.
2 Passerini Luisa, « A “lacuna” do presente », Ferreira Marieta de Moraes et Amado Janaína, Usos & abusos da história oral, Rio de Janeiro, FGV, 2000. p. 211-214, 3e éd., p. 211-112.
3 En référence à l’ouvrage de Ventura Zuenir, 1968 : o ano que não acabou, Rio de Janeiro, Nova Fronteira, 1988, 2e éd.
4 Nous nous sommes rendues en Bolivie en décembre 2007 et en août 2008, afin de recueillir des données pour cette enquête.
5 Les données utilisées pour cet article consistent dans des entretiens avec des militantes féministes, le dépouillement des périodiques et des ouvrages de la période 1960-1990. Elles proviennent des recherches « Mouvements de femmes et féminismes au temps des dictatures militaires du Cône Sud (1964-1989) », initiée en mars 2007 sous la coordination de Joana Maria Pedro, et « Relations de genre dans la lutte de la gauche armée dans le Cône Sud (1960-1979) », coordonnée par Cristina Scheibe Wolff. À ces recherches ont participé : Roselane Neckel, et, par ordre alphabétique les étudiants : Ana Maria Veiga, Anamaria Marcon Venson, Andrei Martin San Pablo Kotchergenko, Claudete Beise Ulrich, Deusa Maria de Sousa, Gabriela Marques, Gabriel Jacomel, Gisele Maria da Silva, Isabel Cristina Hentz, Joana Vieira Borges, Justina Franchi Gallina, Larissa Viegas de Mello Freitas, Lilian Back, Maria Cristina Athayde, Soraia Carolina de Mello, Priscila Carbonieri de Sena, Sérgio Luis Schlatter Junior, Vivian Moretti. Elle bénéficie du financement du CNPq sous forme de « bourse de productivité », initiation scientifique et aide à la recherche. Elle dispose également de ressources de la FAPESC – Fundação de Apoio à Pesquisa Científica e Tecnológica de l’Etat de Santa Catarina. Ce projet concerne les pays suivants : Brésil, Uruguay, Chili, Bolivie, Paraguay et Argentine.
6 NdlT : « Femmes qui créent. » Ce groupe fut créé dans les années 1990 à La Paz (Bolivie), et était dirigé il n’y a pas très longtemps encore par Julieta Paredes et Maria Galindo. Elles se sont séparées et ont créé deux espaces distincts à La Paz. Elles avaient initialement créé le Centre culturel féministe Café Carcajada (crise de fou rire). Le 28 avril 2005, elles ont ouvert au public l’espace « Vierge de désirs », maison autogérée qui propose, entre autres choses, un marché écologique, des services Internet, d’alphabétisation, une douche publique, un logement bon marché et un restaurant. Voir Monasterios P. Elizabeth (éd.), No pudieron con nosotras : el desafio Del feminismo autónomo de Mujeres Creando, La Paz, Plural Editores, 2006. p. 23.
7 Le mot « performance » a ici le sens d’expression théâtrale.
8 Ergas Yasmine, « O sujeito mulher. O feminismo dos anos 1960-1980 », Duby Georges et Perrot Michelle, História das Mulheres no Ocidente, Porto, Afrontamentos – São Paulo, Ebradi, 1995, p. 593-598.
9 Toscano Moema et Goldenberg Mirian, A revolução das mulheres. Um balanço do feminismo no Brasil, Rio de Janeiro, Editora Revan, 1992, p. 29.
10 Ibidem, p. 29-30.
11 Le genre est ici pensé comme catégorie d’analyse qui exprime l’« organisation sociale de la différence sexuelle ». Voir Scott Joan W., préface à « Gender and politics of history », Cadernos Pagu, vol. 3, 1994, p. 11-27, p. 11. Voir également Pedro Joana Maria, « Historicizando o gênero », Ferreira Antonio Celso, Bezerra Holien Gonçalves et Luca Tânia Regina de (coord.), O historiador e seu tempo, São Paulo, Éd. UNESP, 2008, p. 163-188.
12 Récemment, lors d’une réunion à Rio, un chercheur connu pour ses recherches sur la dictature militaire au Brésil, a donné une conférence sur les mouvements de 1968 et évoqué les manifestations internationales d’étudiants, de noirs, de hippies, contre la guerre du Vietnam etc., et ne mentionna pas le mouvement des femmes et des féministes. Interpellé au cours de la discussion – ce qui entraîna des rires – sur la raison pour laquelle il n’avait pas parlé de ces mouvements, il répondit qu’il ne les considérait pas comme ayant participé aux mouvements de 1968 au Brésil. Il a raison sur ce point. Au Brésil, il n’y avait effectivement pas de mouvements organisés, maisil y avait en revanche des femmes qui déjà écrivaient sur le féminisme, et dans d’autres pays, ces mouvements furent bel et bien présents.
13 Entretien avec Heleieth Saffioti, réalisé à São Paulo, le 2/08/2005, par Joana Maria Pedro, transcrit par Veridiana Oliveira.
14 Muraro Rose Marie, Memórias de uma mulher impossível, Rio de Janeiro, Record-Rosa dos tempos, 1999, p. 118-119.
15 Nous entendons par mouvement féministe les luttes qui reconnaissent les femmes comme spécifiquement et systématiquement opprimées. Et l’affirmation que les relations entre hommes et femmes ne sont pas inscrites dans la nature et sont, par conséquent, susceptibles de transformation. Nous appelons Mouvement des femmes ceux dont les revendications ne portent pas sur les droits spécifiques des femmes. Il s’agit de mouvements sociaux dont les membres sont, en majorité, des femmes. Voir sur ce point Hirata H. (e.a.), op. cit., 2000, p. 125-130.
16 Reis Filho, Reis Daniel Aarão et Moraes Pedro de, 68 a paixão de uma utopia, Rio de Janeiro, Espaço e Tempo, 1988, p. 35.
17 Weber Henri, Um balanço de 1968. In Garcia Marco Aurélio et Vieira Maria Alice (org.), Rebeldes e contestadores : 1968 – Brasil/França/Alemanha, São Paulo, Editora da Fundação Perseu Abramo, 1999, p. 21-26.
18 Ibidem, p. 43.
19 Beauvoir Simone de, O segundo sexo, São Paulo, Difusão Européia do Livro, 1968, 2 vol.
20 Cf. par exemple : entretien avec Maria Ignez Paulilo, réalisé à Florianópolis, le 18/08/2003, par Janine Petersen.
21 Mitchell Juliet, La condición de la mujer, Barcelona, Editorial Anagrama, 1977, p. 19-20.
22 Ibidem, p. 36.
23 Ibidem, p. 53.
24 Mitchell Juliet, op. cit., 1977, p. 38-39.
25 Nous faisons allusion ici à la chanson « Para não dizer que não falei de flores » [pour ne pas dire que je n’ai pas parlé de fleurs], de Geraldo Vandré, véritable hymne de cette génération au Brésil.
26 Hilb Claudia et Lutzky Daniel, La nueva izquierda argentina : 1960-1980 (política y violencia), Buenos Aires, CEAL, 1984. Wolff Cristina Scheibe, « Feminismo e configurações de gênero na guerrilha : perspectivas comparativas no Cone Sul – 1968-1985 », Revista Brasileira de História. vol. 27, no 54, juillet-décembre 2007. p. 19-38.
27 Pour le Brésil, voir Ridenti Marcelo, O fantasma da revolução brasileira, São Paulo, Éd. Unesp, 1993, p. 198. Pour l’Argentine et l’Uruguay, voir : Andujar Andrea, D’Antonio Débora, Dominguez Nora (e.a., coord.), Historia, género y política en los ’70, Buenos Aires, Feminaria, 2005.
28 Le nombre d’entretiens répartis par pays est le suivant : 42 au Brésil, 14 en Argentine, 29 en Bolivie, 19 au Chili, 19 en Uruguay, et 18 au Paraguay. Outre des femmes, quelques hommes ont été également interviewés.
29 Martha Aguñín. Entretien accordé à Cristina Scheibe Wolff (digital). Montevidéo, Uruguay, 27 mars 2008. Archives du LEGH (Laboratório de Estudos de Gênero e História de l’Université Fédérale de Santa Catarina). Transcrite par Lilian Back.
30 Voir sur ce point Oberti Alejandra, « La moral según los revolucionarios », Políticas de la Memoria, no 5, 2004/2005, Buenos Aires, p. 77-84.
31 Des témoignages sur cette forme de militantisme se trouvent dans de nombreux ouvrages, ainsi : Araujo Ana Maria, Tupamaras. Des femmes de l ´ Uruguay, Paris, Éditions des Femmes, 1980. Diana Marta, Mujeres Guerrilleras. La militância de los setenta em el testimonio de sus protagonistas femininas, Buenos Aires, Planeta, 1997, 2e éd. Carvalho Luiz Maklouf, Mulheres que foram à luta armada, São Paulo, Globo, 1998. Vidaurrazaga Aranguiz Tamara, Mujeres em rojo y negro, Santiago, Escaparate, 2006.
32 Ibidem, p. 40.
33 Farrell Amy Erdman, A Ms. Magazine e a promessa do feminismo popular, São Paulo, Editora Barracuda, 2004, p. 36.
34 Mitchell J., op. cit., 1977, p. 63.
35 Ibidem, p. 64.
36 Ergas Y., op. cit., p. 583-611.
37 Farrell A. E., op. cit., p. 37-38.
38 Mitchell J., op. cit., 1977, p. 61.
39 Ibidem, p. 61.
40 Ibidem, p. 62.
41 Ibidem, p. 63.
42 Ibidem, p. 66.
43 Ibidem, p. 65-66.
44 Maria Odila Leite da Silva Dias est née à São Paulo en 1940. Elle est aujourd’hui professeure de la PUC/SP et réside à São Paulo. Entretien réalisé le 24/06/2005, à São Paulo, par Roselane Neckel et transcrit par Veridiana Oliveira.
45 Goldberg Anette, Feminismo e autoritarismo : A metamorfose de uma utopia de liberação em ideologia liberalizante, Mémoire de master en sciences sociales – Instituto de Filosofia e Ciências Sociais, Universidade Federal do Rio de Janeiro, 1987 (217 p.), p. 101-104.
46 Danda Prado – Yolanda Cerquinha da Silva Prado – est née à São Paulo le 24 octobre 1929. Elle est la fille de Caio Prado Júnior, et participa, à la suite de son père, à la lutte contre la dictature militaire. Elle arriva en France en 1970, elle avait alors quarante-et-un ans et était divorcée. Elle y établit des contacts avec le mouvement féminsite français, fonda un groupe de femmes latinoaméricaines revendiquant un féminisme radical, qui devait publié le journal Nosotras. Aujourd’hui elle est présidente de la maison d’édition Editora Brasiliense.
47 Parmi les responsables de ce bulletin, on trouve Danda en personne, Mariza Figueiredo et Clélia Piza. Ce bulletin circula pendant deux ans. Voir Goldberg Anette, op. cit., p. 72. Voir également Pedro Joana Maria, « Nosotras, Nós Mulheres, Nos/Otras, Noidonne – Rede de divulgação feminista dos anos 70 e 80 », Scheibe Wolff Cristina, de Faveri Marlene et Ramos Tânia Regina de Oliveira (coord.), Leituras em rede : gênero e preconceito, Florianópolis, Éd. Mulheres, 2007.
48 Entretien avec Leonor Calvera, Buenos Aires, 01/03/2007, réalisé et transcrit par Ana Maria Veiga.
49 Entretien avec Rosalba Todaro, le 8/10/2008, à Santiago du Chili, par Joana Maria Pedro, Karina Janz Woitowicz et Gabriel Jacomel. Cette information apparaît également dans d’autres entretiens.
50 Entretien avec Meri Camargo, Santa Cruz de la Sierra, Bolivie, 11/12/2007, réalisé par Joana Maria Pedro et Gabriela Miranda Marques, transcrit par Gabriela.
51 Guattari Félix, Rolnik Suely, Micropolítica. Cartografias do desejo, Petrópolis, RJ, Vozes, 1996, 4e éd.
52 Il s’agit de Julia Silvia Guivant – professeure du doctorat interdisciplinaire en sciences humaines et du département de sciences sociales de l’UFSC.
53 Ce groupe fut organisé par Marisa Correa.
54 Les interviewées sont Julia Maria Matias de Oliveira et Mara Vidal. Entretiens réalisés le 5 mai 2006 par Joana Maria Pedro, à Rio Branco, État d’Acre.
55 Mitchell J., op. cit., 1977, p. 45.
56 Ibidem, p. 47.
57 Goldmann Annie, Les combats des femmes, Firenze, Casterman-Giunti, 1996, p. 116. Voir aussi Mitchell J., op. cit., 1977, p. 47.
58 Ibidem, p. 47.
59 Mitchell J., op. cit., p. 51.
60 Ibidem, p. 93.
61 Ibidem, p. 93.
62 Haug Frigga, « O novo movimento feminista », Garcia Marco Aurélio et Vieira Maria Alice (coord.) Rebeldes e contestadores: 1968 – Brasil/França/Alemanha, São Paulo, Editora da Fundação Perseu Abramo, 1999, p. 44.
63 Il convient de rappeler que dans le féminisme de la « première vague », les femmes qui y étaient impliquées réalisèrent également des activités considérées comme scandaleuses pour l’époque. Leur cible n’était pourtant pas la question sexuelle.
64 Goldmann A., op. cit., p. 117.
65 Monasterios P. E. op. cit., 2006, p. 13.
66 Rowbotham Scheila, A conscientização da mulher no mundo do homem, Porto Alegre-Rio de Janeiro, Editora Globo, 1983, p. 47.
67 Ibidem, p. 48.
68 Ibidem, p. 57.
69 Ibidem, p. 56.
70 Voir Pedro Joana Maria, « O Gênero de uma geracão: identificacões com o feminismo no período da ditadura militar », Motta Alda Britto da, Azevedo Eulália Lima et Gomes Márcia Queiroz de Carvalho (coord.), Reparando a festa : Dinâmica de gênero em perspectiva geracional, Salvador, UFBA/Núcleo de Estudos Interdisciplinares sobre a Mulher, 2005, Colecões Bahianas.
71 Calvera Leonor, Mujeres y feminismo en la Argentina, Buenos Aires, Grupo Editor Latinoamericano, 1990, p. 33. L’auteure se réfère au livre publié par Shulamith Firestone et Anne Koedt à New York sur le féminisme radical en 1970.
72 Entretien avec María Elena Hermosilla, Santiago du Chili, le 9 octobre 2008, réalisé par Joana Maria Pedro.
73 Entretien avec Maria Lygia Quartin de Moraes le 28 mars 2007, à Florianópolis.
74 Entretien avec Danda Prado le 5/08/2005, à São Paulo.
75 Entretien avec Zuleika Alambert le 4 août 2006, à Rio de Janeiro.
76 Entretien avec Dora Barrancos le 15 septembre 2006, à Montevideo.
77 Entretien avec Mirta Henault le 23 février 2007, à Buenos Aires.
78 Monasterios P. E., op. cit, p. 155.
79 Ibidem, p. 170.
80 Ibidem, p. 42.
Auteurs
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