Invitation à une histoire comparée des temps présents
p. 9-24
Texte intégral
1« Tout est cloué dans la mémoire, écharde de la vie et de l’histoire », murmure León Gieco d’une voie légèrement enrouée1. La chanson circule en Argentine depuis 2001. León Gieco y décline les deuils inachevés légués par l’Amérique latine des années 1960-1980, alors que les ondes de choc de la guerre froide ébranlaient la plus grande partie du continent. « La mémoire » convoque, pêle-mêle, les desaparecidos (disparus) des dictatures, les étudiants massacrés à Mexico, les mineurs, les dizaines de milliers de victimes de la guerre civile guatémaltèque, les cohortes de sacrifiés à la raison économique. Elle n’oublie pas les grandes figures morales assassinées par la violence politique : en Argentine, le père Carlos Mugica tombé en 1974 dans une embuscade tendue par un escadron de la mort, l’évêque Angelelli mort en 1976 dans un accident de voiture inexpliqué – comme tant d’autres à cette époque –, le journaliste Rodolfo Walsh « disparu » en 1977 ; au Brésil, le syndicaliste Chico Méndez abattu sur ordre d’un grand propriétaire terrien en 1988. Dans un album de 1999, Maná, un groupe de rock mexicain, dédia lui-aussi une chanson à Chico Méndez « défenseur de l’Amazonie » tué « de sang froid2 ». Dans ce même disque il reprit la chanson du sonero panaméen Rubén Blades « desapariciones » (disparitions), qui a fait le tour de l’Amérique latine depuis sa création, en 19843. « La mémoire marque, jusqu’à tuer les peuples qui la bâillonnent et ne la laissent pas voler, libre comme le vent », chante León Gieco4.
2« La mémoire » de León Gieco l’Argentin embrasse le passé à l’échelle continentale, comme Rubén Blades le Panaméen dénonçait simultanément avec un seul mot – « disparitions » – les drames qui s’étaient déroulés en Argentine et au Chili, et se poursuivaient alors au Salvador ou au Guatemala. Dés lors, il est tout aussi remarquable qu’un groupe de rock mexicain – et d’autres avec lui5 – reprenne vingt après « desapariciones », tel un standard. L’Amérique latine constitue une communauté de sens tissée dans la réception d’événements, noyau constitutif des affrontements politiques des années 1960-1980, mais aussi de la violence économique qui s’est densifiée au cours de la conjoncture démocratique des années 1980-1990. En 1999-2001 l’histoire scientifique ne s’était pas encore emparée de manière significative des problématiques du passé récent ; à la différence des milieux intellectuels, des journalistes, des magistrats et de la mouvance associative qui œuvraient pour la mémoire, et dans les sphères académiques des sociologues, des philosophes, des politologues qui se sentaient mieux outillés pour travailler les dossiers du temps présent.
3À la fin des années 2000 la situation a évolué. Au Brésil, l’histoire du temps présent (história do tempo presente) est en plein développement. Enseignée dans les universités, elle est soutenue par les instances académiques et participe pleinement au renouvellement des problématiques de la discipline. En Argentine, au Chili, l’histoire du passé récent (historia del pasado reciente), celle du présent (historia del presente) ou du passé vivant (historia del pasado vivo), s’affirme également dans le monde universitaire, donnant lieu à des enseignements spécifiques, notamment au niveau des formations de master et des études doctorales6. Le phénomène est relativement récent. Depuis le milieu des années 1990, l’organisation « Historia a Debate » a mis sur la place publique un certain nombre de thèmes liés à l’histoire et à l’historiographie du temps présent, quand ce n’est pas de cette « histoire sur le fait » que constitue l’histoire immédiate de l’Amérique latine. Colloques, manifestes et forums se font l’écho de ces discussions recueillies sur le site espagnol d’origine7. En 2003 l’Institute of Latin American Studies à Londres (ILAS)8 organisa une table ronde réunissant des historiens péruviens, chiliens et argentins pour débattre des démarches, des méthodes et des problématiques associées à une histoire en train de se faire, en interrogeant notamment la violence politique dans la longue durée des histoires nationales, et pour faire le point sur l’émergence en Amérique latine de ce courant historiographique. Elle déboucha sur le programme « Historizar el pasado vivo » dirigé par Anne Pérotin-Dumon, dont le site est en ligne à partir du Chili depuis 20079. Dans la même conjoncture, en 2007, l’Association des historiens latino-américanistes européens (AHILA) consacra un numéro spécial aux études sur le passé récent en Amérique latine. Il constitue une première publication essayant de circonscrire ce nouveau courant historiographique pour l’Amérique latine à partir des études sur la mémoire sociale : mémoires « ouvertes » du Cône Sud et du Guatemala, mémoire des élites brésiliennes10. Comme l’indiquent les intitulés, qu’il s’agisse d’une demande d’« historiciser le passé vivant », ou pour une ouverture sur les « défis méthodologiques », ces différents ateliers ont une dimension programmatique. Dans un même esprit, trente ans après le coup d’État militaire, le 16 mars 2006, Luis Alberto Romero, professeur à l’Université de Buenos Aires (UBA) et directeur du Centre d’histoire politique à l’Université San Martín (UNSAM/Buenos Aires), concluait un article « commémoratif », publié dans le quotidien Clarín, en soulignant la capacité de la discipline historique, désormais, à interroger cette période, et la nécessité pour elle de s’investir sur ce terrain pour travailler à la construction démocratique11. En effet, les recherches empiriques sur le passé récent se sont multipliées ces dernières années. Colloques internationaux ouvrant sur des perspectives comparatistes12, monographies historiques appliquant des démarches de recherche/action13, l’histoire du temps présent en Amérique latine est devenu un domaine dynamique des sciences sociales, favorisé en particulier par le dialogue entre les disciplines qu’il est amené à réaliser.
4Menant une réflexion appliquée au cadre européen, Henry Rousso proposa lui aussi d’établir un parallèle entre l’existence d’un contexte démocratique et le développement institutionnel de l’histoire du temps présent14. Une remarque pleine de justesse qui vaut pour l’Amérique latine, tout autant pour des raisons politiques que disciplinaires. Pour des raisons politiques, dans la mesure où la recherche sur le passé proche nécessite un cadre légal et politique permettant l’accès aux archives et la diffusion du savoir que seul un espace de liberté publique autorise. Disciplinaire, car il fallut attendre que l’histoire académique se reconstruise et se libère de certaines pratiques et représentations issues de la dictature, d’être moins écorchée aussi par le souvenir, pour être en capacité de s’emparer des thématiques, et de mettre en œuvre une démarche scientifique d’enquête sur le passé vivant.
L’histoire du temps présent, rappel des cadres d’émergence et d’affirmation d’un courant disciplinaire
5Avec d’autres enjeux, d’autres temporalités, bien qu’approximativement dans une même conjoncture, l’histoire du temps présent s’est organisée en Europe avant de s’affirmer en Amérique latine. Commençons par rappeler les cadres d’émergence et d’affirmation d’un courant disciplinaire avant de reporter le regard sur l’espace ibérique, qui invite à étendre les problématiques.
6Née dans un régime d’historicité cristallisé sur le présent15, « l’histoire du temps présent » correspond à un découpage historique différent de l’histoire contemporaine traditionnelle. Elle propose également une autre problématisation de la connaissance du passé. En France, ce courant a émergé dans les années 1970 à l’initiative de plusieurs équipes travaillant notamment au sein du CNRS, de Sciences-Po et de l’EHESS. Pour certaines elles s’intéressaient aux conjonctures récentes. D’autres, en particulier à l’initiative de Pierre Nora, interrogeaient la sociohistoire de la mémoire collective. En 1978, le CNRS créa une unité propre de recherche (UPR) en histoire contemporaine incorporant le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Elle prit le nom d’Institut d’histoire du temps présent (IHTP). L’IHTP a compté parmi les acteurs qui ont le plus œuvré à la constitution de l’étude historique des conjonctures récentes en tant que champ disciplinaire. Initialement, l’histoire du temps présent y était pensée à partir du rôle matriciel de la Deuxième Guerre mondiale dans la formation du monde contemporain16. Différent du concept d’histoire immédiate – une histoire écrite au moment même où elle se fait, ou par ceux qui l’ont vécue17 –, bien qu’attachée à l’étude de la séquence historique correspondant à « notre temps » selon l’expression de Paul Ricœur18, l’approche historique du temps présent s’est développée en étendant ses objets à l’échelle des interactions entre l’instant vécu, la résonance du passé et les perceptions du futur, qui forment l’un des principaux éléments structurants de l’imaginaire social. Le « très contemporain », tel qu’il a été défini par Pierre Laborie19, appréhende une séquence historique voisine de celle du « temps présent », mais sa démarche l’a conduit à resserrer davantage la focale sur le passé étudié en présence du témoin, plutôt que sur le présent. Car c’est bien la relation au passé qui caractérise les objets d’histoire du temps présent. Histoire du temps présent, plutôt que du très contemporain, il s’agit d’étudier la prégnance du passé dans le présent, le « passé/présent », tout en travaillant l’historicité des sentiments d’enjeux d’avenir et l’étrangeté du passé. Comme pour l’histoire immédiate, l’historien fait corps avec la séquence historique qu’il étudie. Souvent simple observateur participant, il intervient parfois comme témoin, voire comme acteur, mais aussi comme expert.
7Le contexte culturel de la France des années 1970-1990 a conduit les historiens du temps présent à se concentrer sur l’épisode de Vichy, l’occupation, la déportation, l’épuration, et à consolider ce champ disciplinaire sur l’histoire de la construction sociale de la mémoire20. Mais, comme l’a souligné Gérard Noiriel21, cette dernière thématique a été orientée vers une lecture presque pathologique de la mémoire collective, à partir des études historiques du traumatisme22, du syndrome, d’un passé qui ne passe pas23, autrement dit d’un passé qui s’impose au présent. Cette approche a favorisé, conjointement, une fructueuse réinvention des études événementielles24 – en élargissant notamment les recherches à l’histoire de la décolonisation, l’étude des crises économiques, celle de la séquence protestataire « des années » ou du « moment 196825 » – et en assurant la consolidation de l’histoire orale au sein de la discipline26. De manière empirique, et en raison aussi du régime d’historicité qui était le leur, les historiens du temps présent ont pensé leur recherche comme une histoire à vif pour certains, « sous surveillance » pour d’autres, car élaborée dans la confrontation permanente du chercheur avec le témoin, voire avec la société tout entière. Soit une histoire écrite en présence – voire par – des témoins et/ou des acteurs, et répondant à la demande sociale27, au juge, au politique, aux associations, tout en étant fortement sollicitée par les médias, car les questions traitées constituent un enjeu de société essentiel. Dès lors, l’ensemble de ces réflexions a convergé vers la définition d’une période correspondant à une séquence historique évolutive, dont on ne connaît pas la fin, qui ne cesse de filer vers l’aval, mais dont la limite en amont serait fixée, provisoirement, à celle de la durée de la vie humaine, c’est-à-dire à la présence des témoins28, censés être intrinsèques à l’élaboration du savoir.
8L’effondrement du système international bipolaire marqué par l’ouverture du mur de Berlin en novembre 1989 a engendré une nouvelle relation sociale au temps historique, conduisant les historiens du temps présent à réviser leurs thématiques. Malgré la singularisation toujours plus forte de la Shoah29, le second conflit mondial devenant, in fine, un événement parmi d’autres du « court30 » XXe siècle, l’implosion de l’ex-Union soviétique restitua un rôle matriciel à la Première Guerre mondiale. Mais la rupture de 1989 semblait si profonde, que l’essai d’ajustement du concept de temps présent oscilla entre : un quasi alignement sur l’histoire immédiate pour certains, l’émergence de la notion de très contemporain pour d’autres31, et au retour pour quelques-uns à l’insertion d’un temps présent dans la longue durée en remontant au début du XXe siècle pour « retrouver » le moment matriciel de « notre » temps32. L’éclatement du temps présent engendré par un sentiment d’accélération de l’histoire et une perte ponctuelle des repères liée à la rupture de 1989, témoignait finalement d’un relativisme culturel propre au développement des sociétés dans leur rapport au temps. Ce qui induirait une reconfiguration permanente du temps présent selon les sociétés et les moments historiques.
9Depuis les années 1990 d’autres courants historiographiques renouvellent les problématiques en interrogeant les tensions du passé/présent dans la société contemporaine. Il s’agit notamment des études d’histoire coloniale, qu’une nouvelle génération de chercheurs a réorientées pour discuter du parcours politique, social et culturel de la France à l’épreuve de son expérience impériale. Histoire de la justice33 et de l’armée en guerre d’Algérie34, de la prostitution35, du racisme dans le droit colonial élaboré sous la république en temps de paix36, de la violence37, parmi d’autres ces travaux prolongent des enquêtes plus anciennes sur l’immigration, l’impérialisme, ou sur le fait colonial de manière plus générale, en mettant la focale sur les transformations internes à la société française engendrées par sa trajectoire coloniale, et dans sa relation à l’Autre que cette expérience a produite dans la durée. Ces travaux inscrivent la recherche française dans les études postcoloniales, bien que cette terminologie ne soit pas à proprement parlée retenue par les milieux académiques38. De fait, cette nouvelle histoire coloniale, elle-aussi, est confrontée aux phénomènes de mémoire, et comme on peut l’observer aujourd’hui à la crispation du politique et de la société sur des questions d’histoire perçues comme relevant d’un enjeu existentiel pour la collectivité, ou vécues de manière exacerbée par des groupes de mémoire particuliers. À la différence des premiers courants d’études d’histoire du temps présent, qui s’étaient concentrés sur un passé récent marqué par des événements traumatiques, cette nouvelle histoire coloniale tout en s’interrogeant sur un passé proche et une histoire à vif est amenée à poser des problématiques inscrites dans la durée, pouvant remonter parfois à des temps anciens au-delà de la durée de la vie humaine, tout en prenant de la distance avec l’événement pour s’intéresser davantage à la structure39.
L’histoire du temps présent en Amérique latine, une approche pluridisciplinaire et comparatiste
10L’observation du passé/présent en Amérique latine fait ressortir trois éléments caractéristiques. Certes, pris séparément ils n’apparaissent pas comme spécifiques aux régions de l’extrême Occident. Mais, mis en système ils singularisent précisément son histoire du temps présent. Il s’agit : de la densité de la relation symbolique à l’histoire ; de la stratification des temporalités et des échelles de temps ; de l’inertie des figures héroïques actrices de l’histoire.
La densité de la relation symbolique à l’histoire
« L’intérêt des Argentins pour leur passé, source de clivages et de divisions incontournables, de débats interminables sur les origines de la nationalité, est une donnée qui frappe même l’observateur le moins averti. Cette soif de passé, devenue obsession autour de l’identité, contraste avec le peu de dynamisme et d’autonomie de l’histoire professionnelle40. »
11La dernière remarque sur les faiblesses de l’histoire professionnelle n’est pas généralisable à l’ensemble des républiques ; par ailleurs, la situation a beaucoup progressé sur ce point ces dernières décennies. On en reste pas moins frappé par la passion qui nourrit la relation que les populations et les pouvoirs d’Amérique latine nouent avec le passé, alors qu’ils sont le plus souvent peu regardant quant à la préservation des lieux historiques. C’est une constante qui prend racine dans le XIXe siècle des indépendances, des guerres civiles et des affrontements interétatiques ayant embrasé la formation des États jusqu’aux années 1870/1880, à un moment où les élites sont intervenues pour doter les républiques de mythes nationaux, et pour ce faire fondèrent les « académies nationales d’histoire » et les musées d’histoire naturelle41. L’écriture de l’histoire a alors été conçue dans des « citadelles historiographiques ». L’histoire a été, est longtemps restée, voire demeure une affaire d’État. Les plus hauts responsables politiques se sont faits historiens, et ont tranché sur des interprétations du passé. En Argentine, Bartolomé Mitre (1821-1906) a compté parmi les fondateurs de l’histoire académique. Au Paraguay, le général Stroessner (1912-2006) parsemait son discours de références historiques, citait ses sources, s’appuyait sur les « bons auteurs ». À Cuba, Fidel Castro (1926-) a systématiquement fait le lien entre la guerre d’Indépendance et la révolution, élevant José Marti (1853-1895) au rang de père de la nation révolutionnaire. Au Venezuela, son « fils » Hugo Chávez (1954-) ancre son projet bolivarien dans la figure mythique et comme telle, non sujette à caution – le mythe bolivarien « pour » et « par » le peuple tel que l’a défini Germán Carrera Damas – de Simón Bolívar, « libérateur des Amériques ». À la dimension strictement nationale se superpose systématiquement une dimension continentale. À la « première Indépendance » – gagnée aux dépens de l’empire espagnol – succède une deuxième, à arracher à « l’Empire » si ce n’est au « diable » (les États-Unis). L’histoire officielle y est intronisée par le biais d’un Centre national d’histoire. Il est désormais de « bons » et de « mauvais » auteurs. Et le président en personne œuvre à la réécriture de l’histoire si l’on considère la création d’une commission destinée à établir que Bolívar est mort… assassiné. Les leviers de l’imaginaire criollo rejoignent ici celui d’une autre geste continentale, celle de la révolution cubaine et de son líder, confronté en permanence aux tentatives d’assassinat ourdies depuis le Nord du continent (sic). Histoire patriotique et hagiographie des pères de la nation participèrent des débuts d’une « histoire officielle » correspondant à la représentation du passé que les élites au pouvoir ont organisée, et diffusée dans la société. Les gouvernements positivistes – tels Antonio Guzmán Blanco (1829-1899) au Venezuela, Porfirio Díaz (1830-1915) au Mexique – ont joué un rôle majeur dans cette instrumentalisation de l’histoire, dans l’édification de ses symboles et dans la mise en œuvre d’un imaginaire rythmé par des commémorations ad hoc.
12La passion dans la relation au passé est tendue par deux ressorts. Le premier est identitaire. Mémoire et histoire avancent d’un même pas. Dès lors, tout discours sur le passé constitue un enjeu identitaire puissant. Le deuxième est politique. Le rapport à l’histoire caractérise des sociétés fondées sur le conflit exacerbé, opposant les vainqueurs aux vaincus. L’histoire officielle est celle des vainqueurs agissant pour imposer leur récit historique, tandis que les vaincus pensent l’histoire en termes de re-écriture, de révision, d’élaboration d’une « contre-histoire ». « Histoire officielle » et « révisionnisme historique », voire « vision des vaincus » opposent ainsi simultanément des courants historiographiques et des courants de mémoire, des vainqueurs à des vaincus : Unitaires/Fédérés, Libéraux/Nationaux-populistes, Indiens/Blancs (même lorsque les derniers sont minoritaires dans la population), etc.
13À la fin des années 1980, l’Espagne démocratique se lança dans l’organisation de la commémoration du demi-millénaire de « la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb », afin de resserrer les liens entre Madrid et l’Amérique latine, tandis que disparaissait la bipolarisation42. Dans des circonstances voisines, le Vatican décida d’engager l’Église dans la célébration des cinq cents ans de « l’évangélisation de l’Amérique ». À ce moment-là, les dirigeants n’avaient pas idée de l’effet que ces propositions allaient produire sur les Indiens et sur certains milieux intellectuels latino-américains. Les organisations indiennes se mobilisèrent et parvinrent à retourner symboliquement les commémorations sur les « cinq cents ans de la résistance indigène », organisant des « marches pour la dignité » en Bolivie, en Équateur, au Mexique…, intégrant avec d’autres les commissions de commémoration pour dénoncer le néo-colonialisme prégnant dans les cérémonies du demi-millénaire. Au Mexique, le 12 octobre 1992, une messe fut célébrée à la basilique de Guadalupe (México DF) implorant le pardon des peuples indiens pour les atrocités commises lors des processus d’évangélisation au nom de la foi catholique, et pour les libertés des Indiens injustement persécutés. Au même moment, le Jury Nobel décerna à Stockholm le prix de la paix à Rigoberta Menchú pour son action en faveur des droits de l’homme, et plus particulièrement pour son soutien en faveur des peuples indigènes.
14Néanmoins, à l’échelle des États, seul le Venezuela chaviste adopta à terme une mesure symbolique forte dans le prolongement de ces contre-commémorations. Il décida en 2003 d’une journée du souvenir célébrant « la résistance indigène » les 12 octobre43, puis fit déboulonner en 2004 la statue de Christophe Colomb à Caracas. Soulignons toutefois que, dans un autre registre, est désormais célébré l’anniversaire de la tentative de coup d’État de février 1992, dont le principal protagoniste était Hugo Chávez.
15Si les États, du moins la plupart d’entre eux, n’ont pas mis à distance leurs origines hispaniques, les organisations indiennes ont entrepris depuis les années 1980 de se réapproprier l’histoire. Elles se sont engagées en particulier dans l’élaboration d’un savoir sur les « résistances indigènes », à l’époque coloniale et à l’époque républicaine, et plus généralement sur l’établissement d’une histoire propre. À titre d’exemple, on peut avoir une première idée de ces travaux en consultant le site de la Confédération des nations indiennes d’Équateur44, celui de l’Assemblée du peuple guaraní en Bolivie45, ou plus encore en prenant connaissance des recherches menées depuis le début des années 1980 par des anthropologues et des historiens aymaras et quechuas au sein de l’atelier d’histoire orale andine (THOA)46, ou mapuches au sein du centre d’études et de documentation mapuche à Temuko (Chili)47. La frontière est d’ailleurs ténue entre la revendication d’une histoire propre et la mise en œuvre d’une nouvelle histoire officielle.
Stratification des temporalités et inertie des figures héroïques actrices de l’histoire
16Les organisations indiennes et les professionnels de l’histoire s’engagent depuis une vingtaine d’années dans une démarche de « récupération de la mémoire historique », notamment en développant des ateliers d’histoire orale et en travaillant à l’identification d’archives laissées de côté ou ignorées par les régimes d’historicité précédents. Bien d’autres catégories historiennes et sociologiques travaillent dans un même sens. C’est finalement autour des problématiques issues des études subalternes et d’une nouvelle histoire politique que se développe aujourd’hui l’histoire du temps présent dans la région, en relation avec la démocratisation de la société et l’expression d’une demande sociale. Histoire des femmes, des enfants, des ouvriers, des paysans, des Indiens, toutes ces populations sont très présentes dans ce recueil, car elles participent des nouveaux questionnements surgissant du présent. Si la société se démocratise, l’histoire se démocratise aussi, dans ses objets, et dans ses processus d’élaboration.
17Dès lors, les temporalités diffèrent selon les groupes dans le rapport au passé. Si les Indépendances remontant au début du XIXe siècle fondent les mythes nationaux et engendrent les héros constitutifs des panthéons de la plupart des républiques, le Paraguay se construit davantage par rapport à sa guerre contre la Triple Alliance (1864-1870), Cuba a pour horizon son affrontement plus tardif contre l’Espagne (1868-1878/1895-1898), tandis que le Mexique puise son imaginaire national plus encore dans sa révolution du début du XXe siècle. Prégnance du XIXe siècle dans les enjeux de mémoire ; prégnance aussi de la colonisation, de la conquête et d’un passé précolombien mythifié dans les mémoires indiennes. Elías Pino Iturrieta a bien montré comment un mythe à la fois national et continental, le mythe bolivarien, peut se transformer en une véritable « religion républicaine » dans le cas du Venezuela, depuis la révolution d’Indépendance, qui fonde le mythe héroïque, à l’instrumentalisation par la « Révolution bolivarienne », en passant – étape fondamentale – par le culte civique et le véritable panthéon national mis en place sous le gouvernement positiviste de Guzmán Blanco (dans les années 1870/1880)48. On observera ici trois points d’évidence mais qui méritent d’être rappelés. Le premier est l’existence d’une quasi étanchéité entre les communautés de mémoire – notamment parmi les sociétés à forte composante indigène – caractéristique de sociétés fondées sur un ordre colonial. Le second est celui de l’emboitement des communautés de sens dans le rapport à l’événement selon l’échelle continentale, celle des États, celle des groupes. Le troisième, est l’absence d’événement traumatique de la dimension des deux guerres mondiales, qui en Europe a non seulement produit une rupture historique dans la relation au passé, mais a également engendré une rupture cognitive dans la représentation des acteurs de l’histoire : de la guerre de tranchées à l’Europe des camps, l’imaginaire collectif ayant évolué au cours du XXe siècle d’une représentation de l’histoire faite par les héros à un passé – et un présent – envahi par les victimes49. En revanche, l’Amérique latine a « privilégié » des affrontements comparativement de « faible intensité », dérivés en grande partie du modèle révolutionnaire cubain : la lutte armée, présente dans de nombreux pays et en diverses séquences du XXe siècle (jusqu’au Chiapas des années 1990 et, avec une composante idéologique certes distincte, aux mouvements de guérilla colombiens actuels). Le cas colombien présente d’ailleurs une spécificité notoire, puisque son histoire comporte précisément une période connue comme la « violence50 ». Ajoutons enfin que l’imaginaire de la lutte armée a, non seulement traversé l’Atlantique et inspiré à des titres divers la génération de mai 1968, mais perdure jusqu’à nos jours dans les nombreux « congrès pour l’indépendance des peuples » et autres réunions altermondialistes, orchestrées depuis la révolution bolivarienne. Le symbole reste le même : le Che, prétexte en ce début d’année 2009, à une nouvelle réécriture de l’histoire, cinématographique cette fois, de sa geste révolutionnaire, quand ce n’est de celle des autres51.
18Les années de guerre froide, qui constituent la troisième composante du passé/présent latino-américain, ne font pas écran avec le passé plus ancien, elles ne donnent pas lieu non plus à une lecture victimaire de la société sur elle-même. La concurrence ne se fait pas entre des victimes52, par définition passives. Les héros, les protagonistes actifs occupent toujours une place privilégiée dans l’écriture de l’histoire, même récente. Il s’agit certainement en partie de l’inertie des régimes d’historicité issus de la fondation républicaine et de la construction des États-nationaux. Mais on observera également que la stratégie de victimisation contribuant à la dépolitisation des conflits s’accorderait mal avec les dynamiques politiques actuelles qui mobilisent les sociétés d’Amérique latine53. Le propre de la conjoncture actuelle est d’avoir trouvé un point d’équilibre entre les premiers vainqueurs et les vaincus du cycle des dictatures, en Amérique latine comme en Espagne. Si les commissions vérités des pays du Cône Sud, et celles pour la reconstruction de la mémoire historique, œuvrent pour établir des preuves sur les violences du passé et éventuellement donner lieu à des réparations, en participant au processus de démocratisation54, elles travaillent davantage à la capacité au vivre ensemble, plutôt qu’à la réconciliation. Dans ces sociétés la notion de « devoir de mémoire » n’a pas de sens. C’est autour du « droit individuel à la mémoire personnelle et familiale », comme le précise le préambule à la loi de la mémoire historique adoptée en Espagne le 26 décembre 200755, que peuvent se retrouver les populations. Mais aussi, dans la capacité à trouver un espace et des mots pour dire le réel, après l’opacité engendrée par les années de dictature et l’affrontement idéologique sans concession possible qui les a suivies56.
19L’écriture de l’histoire diffère du panorama européen sur un autre point : il s’agit de l’identité des acteurs de [sa] son (re-)écriture. En Europe, l’acte échoie généralement au juge, au journaliste, plus généralement au professionnel des médias, et à l’historien convoqué comme « expert ». En Amérique latine, les militaires et, dans une moindre mesure selon les pays, les religieux, comptent aussi parmi les rédacteurs. Non que le « coup d’État permanent » soit une donnée incontournable de l’histoire contemporaine de l’Amérique latine. Certaines républiques ont en effet une histoire institutionnelle relativement solide, ancrée dans le long terme, voire dans des composantes politiques solides (cf. la longévité du Parti révolutionnaire institutionnel [PRI] mexicain). Mais sauf dans les cas extrêmes du Mexique et du Costa Rica, dépourvus de forces armées coûteuses, et par définition tout aussi inutiles en raison de leur contexte géostratégique, en Amérique ibérique le secteur militaire n’est jamais la « grande muette ». Il prend position et le fait savoir au-delà des clivages politiques57. En sous-main, ses avis sont formulés, quand bien même ces mêmes avis passeraient par un consensus des élites, comme cela a été le cas dans le Venezuela d’après-1958 (pacte de Punto Fijo et chute de la dictature).
20Cet ouvrage s’inscrit dans le prolongement d’une journée d’étude intitulée « conflits et sensibilités dans l’histoire des temps présents du monde ibérique » organisée le 20 mars 2008 à la maison de la recherche de l’Université Rennes 2, dans le cadre d’une collaboration entre le groupe histoire des sensibilités de l’EHESS/Mascipo et le programme de recherche ANR « Indiens dans la guerre du Chaco »/Cerhio. D’emblée, il est apparu nécessaire d’associer l’Espagne aux réflexions sur l’Amérique latine, en raison des circulations culturelles et des transferts d’expérience qui se produisent entre la péninsule et le sous continent. L’un des ressorts, qui a conduit la société espagnole à se mobiliser autour de l’ouverture des fosses de la guerre civile depuis 2000, réside dans l’action menée en Argentine au cours des années 1990 par les parents des disparus pour reprendre l’initiative face à l’offensive négationniste qui menaçait58. Une partie des pré-actes de la journée d’étude a été mise en ligne sur le site de la revue électronique américaniste Nuevo Mundo Mundos Nuevos59. Nous publions ici la totalité des communications retravaillées à l’issue de cette journée, avec un texte de Capucine Boidin plus ancien60, complétés sur les plans thématiques et géographiques par de nouveaux articles, après avoir fait appel à d’autres spécialistes, dès lors que la décision d’en faire un livre a été prise.
21L’ouvrage est construit selon trois problématiques. La première, sur les passés vivants et l’histoire à vif nous plonge dans la mémoire des affrontements des années 1960-1980 en Amérique centrale, à Cuba, au Chili, puis dans celle de l’Espagne franquiste et de la guerre civile. À la lecture des différentes études, la thèse du passé qui ne passe pas ne semble pas opérante pour ces sociétés. On constate davantage comment des stratégies d’oubli ont pu fonctionner dans un premier temps, puis en quoi les nouvelles configurations du présent ont pu conduire certains à interroger le passé, et des acteurs à dire des secrets, ou des témoins à taire le silence. Autrement-dit, malgré la force des traumatismes, on n’observe pas dans les situations présentées des phénomènes d’imposition du passé au présent, mais plutôt des contextes où des acteurs sociaux et politiques vont puiser dans le passé des solutions pour résoudre les problèmes du présent. Marta Casaús Arzú, pour le Guatemala, exprime ici avec une grande force, la responsabilité de l’historien quant aux « questions qu’il doit se poser », comme l’a souligné Luis Alberto Romero pour l’Argentine d’aujourd’hui61. Pour ce faire elle interroge en profondeur l’histoire guatémaltèque afin de comprendre les ressorts des massacres de la guerre civile. Ces articles traitent d’une histoire réalisée avec les témoins : enfants cubains évacués entre 1960 et 1962 lors de l’opération Peter Pan rencontrés par Elizabeth Burgos, ouvrières nicaraguayennes ayant travaillé avec Natacha Borgeaud-Garciandía sur leur expérience de la révolution sandiniste au regard de celle de la politique néolibérale. Ils participent également d’une histoire dont les auteurs eux-mêmes ont partagé l’instant qu’ils analysent, Manuel Gárate dans le Chili du début des années 2000, Marta Casaús Arzú au Guatemala à la fin des années 1970/début des années 1980. Ils traitent aussi d’une histoire qui se fait à l’initiative des porteurs de mémoire, comme le souligne Maud Joly pour la génération des petits-fils de républicains espagnols. On pourra observer l’importance de ce dernier phénomène en d’autres lieux dans les prolongements de l’ouvrage.
22La deuxième partie, concentrée sur le Cône Sud, traite des écritures de l’histoire. Les graffitis, le fait divers, le spectacle vivant, la transmission orale, comment les individus participent-ils à la production d’un récit historique ? En quoi des groupes ou des acteurs développent-ils des stratégies originales pour reprendre la main sur le discours public, et à travers lui sur le passé ? Comment trouvent-ils les mots et les lieux pour le dire ? Joana Maria Pedro et Cristina Scheibe Wolff-interrogent les graffitis, les affiches féministes qui envahissent les murs des métropoles du Cône Sud, Montevideo, Buenos Aires, La Paz… Ils font de la ville une scène où s’exprime un esprit irrévérencieux, qui n’est pas sans rappeler la conjoncture rebelle et contestataire des années 1960, où les murs avaient déjà pris la parole. En Argentine, Marta Mariasole Raimondi, observe l’affirmation d’une autre forme d’expression de la parole publique. Elle analyse le développement d’un théâtre alternatif, à Buenos Aires, où des associations mettent en scène l’expérience de la dictature et de la violence des politiques néolibérales à l’échelle des quartiers, tout en expérimentant des voies nouvelles pour l’art dramatique. De même, des associations indiennes organisent des ateliers de mémoire. Dans le cas présent, Elio Ortiz et Elías Caurey, deux anthropologues guaraní de Bolivie, se sont engagés dans la production de sources, dans la perspective de rédiger eux-mêmes leur propre histoire. Avec Isabelle Combès, ils ont entrepris de livrer ici les premiers résultats d’une enquête menée récemment dans leurs communautés sur la guerre du Chaco (1932-1935). C’est également à partir de la problématique des mémoires indiennes que Nicolas Richard interroge l’émergence convergente de personnalités indiennes et d’événements inédits dans les récits collectés par les anthropologues au cours des années 1980, ce qui le conduit à analyser les conditions qui amènent une société à ne plus taire ses secrets. Tandis que Capucine Boidin, à partir de l’étude de la transmission orale de faits divers remontant aux années 1920, dessine la cartographie des clivages et les tensions qui tissent la société rurale du Paraguay méridional à la fin des années 1990.
23La troisième partie traite des tensions entre histoire officielle et mémoire collective. Les études portent sur des sociétés encadrées par des régimes populistes ou considérés comme tels (Mexique, Venezuela, Bolivie) ou placées autrefois sous la coupe d’une dictature militaire (Paraguay, Guatemala, Chili…). La notion d’histoire officielle pour ces républiques est particulièrement efficace. Les équipes dirigeantes ont une vision de l’histoire, qu’elles développent depuis l’appareil d’État et qu’elles tentent d’installer dans l’espace public par la puissance de la loi. C’est toujours le cas, de manière très pressante, dans le Venezuela chaviste. Pour autant, elles se heurtent à des courants de mémoire dont l’expression est aujourd’hui facilitée par le processus de démocratisation, tel qu’on peut l’observer avec Daniela Albarrán pour les Indiens du Chiapas ou pour ceux de l’altiplano bolivien avec Gérard Borras. Plus généralement, la démocratisation de ces sociétés favorise un changement progressif du régime d’historicité, tel qu’on est en mesure de l’observer aujourd’hui au Paraguay.
24Au moment de la conception de cet ouvrage nous avions prévu d’aborder d’autres questions. Pour ce qui est de l’écriture de l’histoire, on regrette l’absence d’études sur les arts visuels, notamment pour le cinéma. Depuis les années 2000, de nombreux auteurs argentins, chiliens, péruviens, mexicains, empruntent la voie de la fiction pour interroger la dictature, la violence politique, les traumatismes individuels et collectifs des années de plomb dans la société contemporaine, depuis les montagnes du Chiapas aux eaux boueuses de la Plata, en utilisant des procédés narratifs, en faisant des choix esthétiques qui mettent la mémoire à vif. Par contre, dans les années 1990, les réalisateurs avaient préféré le documentaire historique – savamment monté mais à l’esthétique minimaliste – afin de privilégier la parole des témoins62. Le dialogue entre le documentaire et la fiction, qui conduit parfois à la fusion des deux genres, reste à étudier. Aussi, ce recueil de textes invite à une étude comparée et pluridisciplinaire de l’histoire des temps présents, à l’échelle de l’Amérique latine, et au-delà. Il témoigne de l’efficacité de cet observatoire pour interroger au cœur les dynamiques culturelles des sociétés contemporaines, leurs perceptions des enjeux mémoriels, et le processus de globalisation auquel elles s’articulent dans la diversité.
Notes de bas de page
1 Gieco León, « La memoria », dans Bandidos rurales, Buenos Aires, EMI ODEON, 2001, 6’05.
2 Maná, « Cuando los ángeles lloran », dans Unplugged, Mexico, Warner Music, 1999, 7’04.
3 Blades Ruben y Seis de Solar, « Desapariciones », dans Buscando América, New York, Elektra/Asylum Records, 1984, 6’20.
4 Gieco León, « La memoria », op. cit.
5 Par exemple, Sargento Garcia, avec pour titre « Los desaparecidos », dans Sin Fronteras, Labels (EUA)/Virgin (France), 2001.
6 Pour le Chili, se reporter à l’expérience de Pérotin-Dumon Anne « Enseñar el pasado latinoamericano cercano, o el presente de la historia en Chile », in Stabili Maria Rosaria (coord.), Entre historias y memorias. Los desafos metodológicos del legado reciente de América Latina, Madrid, Iberoamericana/Estudios AHILA de Historia Latinoamericana no 2, 2007, p. 199-228. Pour l’Argentine, voir en particulier les études menées au sein de l’Université nationale San Martin (UNSAM) : http://humanidades.unsam.edu.ar/.
7 Historia a Debate: http://www.h-debate.com/.
8 http://www.sas.ac.uk/ilas/sem_memory.htm.
9 http://www.historizarelpasadovivo.cl/.
10 Stabili Maria Rosaria (coord.), Entre historias y memorias. Los desafíos metodológicos del legado reciente de América Latina, Madrid, Iberoamericana/Estudios AHILA de Historia Latinoamericana no 2, 2007.
11 « Treinta años después, creo que ya podemos reconocer y asumir nuestra historia. Ese quizá sea el aporte que, a partir de ahora, a través de la conmemoración del Proceso, podríamos hacer a la democracia ». Romero Luis Alberto, « Las preguntas que nos debemos 30 años después », Clarín, 16 mars 2006, http://www.clarin.com/diario/2006/03/16/opinion/o-02901.htm.
12 Cf. en octobre 2004 Museo Roca/Université de Buenos Aires (Argentine) le colloque Historia, Género y Política en los’70 ; ou, plus récemment, organisé par l’Université fédérale de Santa Catarina à Florianópolis (Brésil) en mai 2009, le colloque international Gênero, Feminismos e Ditaduras no Cone Sul.
13 À titre d’exemple, on citera une démarche menée en recherche/action sur une guérilla paraguayenne de la fin des années 1950, consistant dans la constitution d’un atelier de mémoire avec les témoins survivants et leurs descendants : Arellano Diana, Movimiento 14 de Mayo para la liberación del Paraguay. 1959. Memorias de no resignación, Posadas, Éd. Universitaria de Misiones, 2005.
14 Rousso Henry, « Présentation », in Bédarida François, Histoire, critique et responsabilité, Bruxelles, Complexe/IHTP, 2003, p. 11.
15 Ricœur Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000 ; Hartog François, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003.
16 Institut d’Histoire du Temps Présent/CNRS UPR 301 : http://www.ihtp.cnrs.fr.
17 Lacouture Jean, « L’histoire immédiate », dans Le Goff Jacques, Chartier Roger, Revel Jacques (e.a.), La Nouvelle histoire, Paris, Retz, 1978, p. 270-293. Soulet Jean-François, L’histoire immédiate, Paris, Armand Colin, 2009. Langue Frédérique, « Quand la rue s’embrase sous le regard de l’université. L’histoire immédiate au Venezuela, méthodes et questionnements », Cahier d’histoire immédiate, no 25, 2004, p. 123-158.
18 Ricœur Paul, « Remarques d’un philosophe », dans Frank Robert (e.a.), Écrire l’histoire du temps présent, Paris, CNRS, 1993, p. 35-41.
19 Laborie Pierre, Les Français des années troubles, Paris, Desclée de Brouwer, 2001.
20 Redécouvrant en particulier les travaux de Maurice Halbwachs republiés depuis, cf. Halbwachs Maurice, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Albin Michel, 1994, et La mémoire collective, Paris, Albin Michel, 1997.
21 Noiriel Gérard, Les origines républicaines de Vichy, Paris, Hachette/Littératures, 1999.
22 Andrieu Claire, « Le traitement des traumatismes historiques dans la France d’après 1945 », dans Weil Patrick et Dufoix Stéphane (dir.), L’esclavage, la colonisation et après…, France, États-Unis, Grande Bretagne, Paris, PUF, 2005, p. 599-621.
23 Cette dernière approche concerne en particulier les travaux d’Henry Rousso, cf. pour une approche synthétique Vichy, l’événement, la mémoire, l’histoire, Paris, Folio, 2001.
24 Il est à préciser que le renouvellement des études événementielles dans les années 1990 n’a pas été le seul fait de l’histoire, mais a concerné l’ensemble des sciences sociales. Nous renvoyons en particulier à la méditation du philosophe Claude Romano qui propose une phénoménologie de l’événement, comme lieu d’expérience humaine et d’organisation du monde. Romano Claude, L’événement et le monde, Paris, PUF (col. Épiméthée), 1998 ; et L’événement et le temps, Paris, PUF (col. Épiméthée), 1999.
25 L’expression est de Michelle Zancarini-Fournel, cf. Le moment 68. Une histoire contestée, Paris, Seuil, 2008 ; plus généralement en codirection avec Philippe Artières, se reporter à 68 une histoire collective [1962-1981], Paris, La Découverte, 2008.
26 Cf. Voldman Danièle (dir.), « La Bouche de la Vérité ? La recherche historique et les sources orales », Les Cahiers de l’IHTP, no 21, 1992. En ligne : http://www.ihtp.cnrs.fr/spip.php%3Farticle211&lang=fr.html.
27 Dumoulin Olivier, Le rôle social de l’historien. De la chaire au prétoire, Paris, Albin Michel, 2003.
28 Dossier « L’histoire du temps présent, hier et aujourd’hui », dans Bulletin de l’Institut d’histoire du temps présent, juin 2000, CNRS, lire le débat entre Pieter Lagrou et Henry Rousso.
29 Pour les États-Unis d’Amérique, sur cette question, cf. Novick Peter, L’Holocauste dans la vie américaine, Paris, Gallimard, 2001 (1999 pour l’édition étasunienne).
30 Hobsbawm Éric J., L’Âge des extrêmes. Histoire du Court XXe siècle, Bruxelles, Complexe, 1999 (1994 pour la première édition).
31 Notamment les historiens qui poursuivirent leurs recherches sur la Seconde Guerre mondiale et la Résistance.
32 C’est ce qui ressortait en partie du colloque organisé à Cachan les 27/30 mai 1999 : Audoin-Rouzeau Stéphane, Becker Annette, Ingrao Christian et Rousso Henry (dir.), La violence de guerre 1914-1945. Approches comparées des deux conflits mondiaux, Bruxelles, Complexe, 2002.
33 Thénault Sylvie, Une drôle de justice, Paris, La Découverte, 2004 (pour l’édition de poche).
34 Branche Raphaëlle, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962, Paris, Gallimard, 2001.
35 Taraud Christelle, La prostitution coloniale : Algérie, Tunisie, Maroc, 1830-1962, Paris, Payot, 2003.
36 Saada Emmanuelle, Les enfants de la colonie. Les métis de l’Empire français entre sujétion et citoyenneté, Paris, La Découverte, 2007.
37 Le Cour Grandmaison Olivier, Coloniser, Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial, Paris, Fayard, 2005.
38 Chivallon Christine, « La quête pathétique des postcolonial studies ou la révolution manquée », Mouvements, 2007/3, no 51, p. 32-39. Cf. également Merle Isabelle, « Les Subaltern Studies. Retour sur les principes fondateurs d’un projet historiographique de l’Inde coloniale », Genèses, no 56, 2004, p. 131-147.
39 Cf. à titre d’exemple, Dorlin Elsa, La matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française, Paris, La Découverte, 2006.
40 Quattrocchi-Woisson Diana, Un nationalisme de déracinés. L’Argentine pays malade de sa mémoire, Paris, éd. du CNRS, 1992.
41 Bertrand Michel et Marin Michel, Écrire l’histoire de l’Amérique latine XIXe-XXe siècles, Paris, CNRS éditions, 2001.
42 Cf. déclaration du roi d’Espagne Juan Carlos en République dominicaine, 1990.
43 Le 12 octobre a été retenu pour commémorer la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. Il donnait lieu depuis le début du XXe siècle en Espagne, puis en Amérique latine, à une journée anniversaire célébrant l’hispanité, dite « jour de la race ».
44 http://www.conaie.org/.
45 http://www.ubnoticias.org/es/article/asamblea-del-pueblo-guarani-pide-respeto-a-los-derechos-delos-pueblos-indigenas.
46 http://www.aymaranet.org/thoa.html, Ticona Alejo Esteban, Lecturas para la descolonización. Taqpachani qhispiyasipxañani, La Paz, Plural, 2005.
47 Voir également le Centro de Documentación mapuche : http://www.mapuche.info/docs/fuen00.html.
48 Pino Iturrieta Elías, El divino Bolívar. Ensayo sobre una religión republicana, Madrid, Éd. de la Catarata, 2003.
49 Eliacheff Caroline, Soulez Larivière Daniel, Le temps des victimes, Paris, Albin Michel, 2007.
50 Pécaut Daniel, Les FARC, une guérilla sans fins, Paris, Éd. Lignes de repères, 2008.
51 Artieres Philippe, Zancarini-Fournel Michelle, 68 une histoire collective, Paris, La Découverte, 2008. Cf. le film de Steven Soderbergh, Che, 1re partie : L’Argentin (« Che Part 1 »), 2008. Auparavant Walter Salles, avait tourné Diario de motocicleta (Carnets de voyage), une coproduction brésilienne, chilienne, péruvienne et argentine réalisée en 2003.
52 Chaumont Jean-Michel, La concurrence des victimes. Génocide, identité, reconnaissance, Paris, La Découverte, 1997.
53 Pecheny Mario, « Investigar sobre sujetos sexuales », dans Pecheny Mario, Figari Carlo, Jones Daniel (éd.), Todo sexo es político. Estudios sobre sexualidades en Argentina, Buenos Aires, Zorzal, 2008.
54 Lefranc Sandrine, Politiques du pardon, Paris, PUF, 2002.
55 http://leymemoria.mjusticia.es/paginas/es/ley_memoria.html; sur l’Espagne contemporaine, cf. Bernecker Walther L./Maihold Günther (éd.), España : del consenso a la polarización. Cambios en la democracia española, Madrid/Frankfurt am Main, Bibliotheca Ibero-Americana/Vervuert, 2007.
56 Pour le Chili, à propos des arts visuels, cf. Richard Nelly, Fracturas de la memoria. Arte y pensamiento crítico, Buenos Aires, Siglo XXI, 2007. Sur la question strictement disciplinaire, lire également Pérotin-Dumon Anne « Enseñar el pasado latinoamericano cercano, o el presente de la historia en Chile », in Stabili Maria Rosaria (coord.), Entre historias y memorias. Los desafos metodológicos del legado reciente de América Latina, Madrid, Iberoamericana/Estudios AHILA de Historia Latinoamericana no 2, 2007, p. 199-228, art. cit.
57 Pour une analyse générale dans la longue durée lire Rouquié Alain, L’État militaire en Amérique latine, Paris, Seuil, 1982.
58 Silva Emilio y Macías Santiago, Las fosas de Franco. Los republicanos que el dictador dejó en las cunetas, Madrid, Éd. Temas de Hoy, 2003.
59 http://nuevomundo.revues.org/.
60 Il avait été présenté lors de la 1re journée d’histoire des sensibilités à l’EHESS en mars 2004 et mis en ligne sur le site de Nuevo Mundo l’année suivante.
61 Romero Luis Alberto, « Las preguntas que nos debemos 30 años después », Clarín, 16 mars 2006, art. cit.
62 Amado Ana, « Las nuevas generaciones y el documental como herramienta de historia », dans Andújar Andrea (e. a.) (comp.), Historia, género y política en los’70, Buenos Aires, Feminaria Editora, 2005, p. 221-240, http://www.feminaria.com.ar/colecciones/temascontemporaneos.
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