Le legs de Molière à la comédie musicale
p. 221-235
Texte intégral
Je veux que vous vous réjouissiez auparavant,
que vous chantiez, que vous dansiez.
L’Amour médecin, III, 4.
1La comédie-ballet, telle que l’inventa Molière, est sans doute la forme scénique où naquit cette poétique d’intégration de la danse et du chant à la diégèse si chère à la comédie musicale. Ce fut pourtant à ce que l’on raconte une invention fortuite, une esthétique née du hasard. Lorsqu’en 1661 Molière créa Les Fâcheux, il avait initialement prévu de donner une suite d’entrées de ballet. À chacune d’elles les danseurs devaient pouvoir changer de costumes. Or Molière ne trouva que peu de danseurs disponibles, si bien qu’il décida de distribuer ses entrées de ballet entre les actes de la comédie. Ce fut un premier pas vers l’invention d’un genre que l’on peut considérer volontiers, avec Charles Mazouer1, comme un hapax dans la création artistique. De fait, il y aura encore un temps, après la mort de Molière (en 1673), des pièces dramatiques « ornées » (Marc-Antoine Charpentier continue à composer pour la Comédie-Française ; en 1675, Thomas Corneille écrit une « comédie mêlée d’ornements et de musique », L’Inconnu ; Regnard et Dancourt poursuivent dans ce sens), mais jamais, semble-t-il, avec cette même recherche d’intégration de la danse et de la musique à la diégèse.
2D’aucuns, détracteurs passionnés, ont rappelé que dès l’Antiquité2, danse, musique, chant et fable étaient mêlés, et que même la Commedia dell’arte italienne (aux xvie et xviie siècles) accueillait des passages dansés quand d’autres étaient chantés : l’originalité des douze comédies-ballets de Molière3 est ainsi quelque peu discutée. On pense à Maurice Pellisson4, à Margaret Mc Gowan5 et à Hugh Gaston Hall6. Pourtant Donneau de Visé7 dans le Mercure galant de 1673 explique que Molière a « le premier inventé la manière de mêler des scènes de musique et des ballets dans ses comédies ». Molière, lui-même, affirmait dans sa préface de la première de ses comédies-ballets, Les Fâcheux, que cette synthèse entre plusieurs arts était nouvelle à la cour comme au Palais Royal : « C’est un mélange qui est nouveau pour nos théâtres. » L’une et l’autre remarques incitent donc à observer de plus près ces comédies-ballets et à analyser leur poétique de l’« ornement » pour mieux comprendre peut-être ce qu’a pu léguer la comédie-ballet à la comédie musicale.
Un travail de couture
3Dès Les Fâcheux les ballets et leurs corollaires (la musique et les chants) furent reliés dramaturgiquement8 à l’action de la comédie : jusqu’au Malade imaginaire, la ligne qui dominait fut celle d’un théâtre qui se voulait à la fois musical et dansé9. Aucune véritable subordination d’un art par rapport à un autre ne prévalait à en juger par la façon dont Robinet, chroniqueur de son état, hésitait pour définir les Amants magnifiques10, oscillant entre l’appelation de « ballet en comédie » et celle de « comédie en ballet11». De fait Molière, en association à Lully ou Charpentier, sembla toujours travailler à un ordonnancement équilibré de l’ensemble.
4Dans l’avertissement au lecteur des Fâcheux, le dramaturge expliquait ainsi que « pour ne point rompre le fil de la pièce par ces manières d’intermèdes », il « s’avisa de les coudre du mieux » qu’il « put », de façon à « ne faire qu’une seule chose du ballet et de la comédie12». Ces coutures se font par différentes ruses d’écriture. Même le prologue des Fâcheux13avec ses Nymphes, Dryades, Faunes et Satyres est relié à la fable centrale par le fait que ses personnages doivent devenir les acteurs de la comédie qui suit114. Les importuns de la fiction sont ensuite relayés par les importuns qui dansent. Enfin, si l’on observe les ballets de chaque fin d’acte, on voit qu’un effort est réalisé pour créer des interactions entre les personnages des ballets et ceux de la comédie :
Ballet du premier acte
Première entrée
Des joueurs de mail, en criant gare, l’obligent (Eraste, personnage de la comédie qui teste sut le plateau à la fin de l’acte) à se retirer.
Deuxième entrée
Des curieux viennent, qui tournent autour de lui (Eraste) pour le connaître, et font qu’il se retire encore pour un moment.
Ballet du deuxième acte
Première entrée
Des joueurs de boule l’arrêtent (Eraste, toujours) pour mesurer un coup dont ils sont en dispute. Il se défait d’eux sans peine, et leur laisse danser un pas composé de toutes les postures qui sont ordinaires à ce jeu.
Deuxième entrée
De petits frondeurs les viennent interrompre, qui sont chassés ensuite
Troisième entrée
par des savetiers et des savetières, leurs pères, et autres, qui sont chassés à leur tour Quatrième entrée
Par un jardinier qui danse seul, et se retire pour faire place au troisième acte.
Ballet du troisième acte
Première entrée
Des suisses avec des hallebardes chassent tous les masques fâcheux, et se retirent ensuite pour laisser danser à leur aise
Deuxième entrée
Quatre bergers et une bergère qui, au sentiment de tous ceux qui l’ont vue, ferment le divertissement d’assez bonne grâce.
5L’Amour médecin commence quant à lui par un court prologue15qui fonctionne comme un manifeste et où interviennent sous forme d’allégories, la Comédie, la Musique et le Ballet pour dire leur désir d’union sur un mode délibératif :
La Comédie :
Quittons, quittons notre vaine querelle,
Ne nous disputons point nos talents tour à tour,
Et d’une gloire plus belle
Piquons-nous en ce jour :
Unissons-nous tous trois d’une ardeur sans seconde,
Pour donner du plaisir au plus grand roi du monde.
Tous trois :
Unissons-nous...
La Comédie :
De ses travaux, plus grands qu’on ne peut croire,
Il se vient quelquefois délasser parmi nous :
Est-il de plus grande gloire,
Est-il bonheur plus doux ?
Unissons-nous tous trois...
Tous trois :
Unissons-nous...
6Dès le début du premier acte, ce contrat d’union semble bien respecté. Les trois premières scènes sont une chorégraphie (accompagnée musicalement) constituée du ballet des conseillers rejetés par Sganarelle (scène 1), d’une danse du père pris d’inquiétude qui se fait autour de sa fille (scène 2) avant une troisième scène dansée avec Lisette. Cette chorégraphie s’intègre tout à fait à l’intrigue de la comédie, de même que tous les ornements de chaque fin d’acte. Le dernier d’entre eux permet même de mettre un terme à l’histoire engagée : Clitandre enlève Lucinde sous le nez de son pète alors que des jeux et des danses s’organisent16. Avec L’Amour médecin les intermèdes tendent à devenir essentiels, peut-être même plus, finalement, que la comédie dont les actes sont parfois extrêmement courts (l’acte trois n’est fait que d’une seule scène) : leur variété (scène de la mythologie, pantomimes, pastorale, statues dansantes et cérémonie des jeux Pythiens) et leur développement en font des morceaux de choix dans la composition d’ensemble.
7George Dandin se présente à la suite du Grand Divertissement royal de Versailles, dans le cadre de grandes festivités organisées après la rapide campagne de Condé en Franche-Comté17. La comédie y est prise dans une pastorale de quatre actes, fonctionnant comme un cadre d’ensemble. Aucun intermède n’est coupé de l’intrigue centrale, mais chacun est grandement développé : le dialogue accompagné de musique à l’acte I dure environ un quart d’heure ; la cérémonie turque de l’acte IV est aussi développée, tout comme le Ballet des Nations – qui dure plus de quarante minutes.
8L’usage d’un ornement comme le chant dans un contexte de dialogue parlé est parfois aussi expliqué par l’intrigue mise en place et la nature de ses protagonistes. C’est le cas dans Monsieur de Pourceaugnac, quand Sbrigani justifie le passage de la parole au chant chez deux avocats auprès du provincial :
« J’ai auparavant à vous avertir de n’être point surpris de leur manière de parler : ils ont contacté du barreau une certaine habitude de déclamation qui fait que l’on dirait qu’ils chantent ; et vous prendrez pour musique ce qu’ils vous diront » (II 10).
9Cette comédie multiplie pat ailleurs les temps dansés insérés à la diégèse : les scènes 5 à 8 de l’acte II correspondent à un grand ballet cauchemardesque donné au provincial juste après l’intervention, joyeusement chorégraphiée, de deux médecins18 et apothicaires venus lui prendre le pouls et le menacer, une seringue à clystère à la main, en chantant « Piglia lo su ! » (« Prends un lavement ! »). La « curation » des médecins (acte I, scènes 10 et 11) comme le temps de consultation des avocats (acte II, scène 11) est elle aussi entièrement reliée aux aventures du provincial.
10Un an après Monsieur de Pourceaugnac, Les Amants magnifiques se présentent comme une « comédie mêlée de musique et d’entrées de Ballet » ; mieux comme une « comédie-prétexte aux divertissements ». De fait, comme le montre l’avant-propos, l’intrigue est toute orientée vers un déploiement de divertissements royaux :
11Le Roi, qui ne veut que des choses extraordinaires dans tout ce qu’il entreprend, s’est proposé de donner à sa cour un divertissement qui fut composé de tous ceux que le théâtre peut fournir ; et, pour embrasser cette vaste idée et enchaîner ensemble tant de choses diverses, Sa majesté a choisi pour sujet deux princes rivaux, qui, dans le champêtre séjour de la vallée de Tempe, où Ton doit célébrer la fête des jeux Pythiens, régalent à l’envi une jeune princesse et sa mère de toutes les galanteries dont ils se peuvent aviser19.
12Six intermèdes placés en introduction d’abord, puis à la fin de chaque acte vont s’enchaîner. Juste avant le troisième, la princesse Aristione, met explicitement en scène cette course aux divertissements qui est ici offerte, avec un effet de mise en abyme pat rapport à la cour conviée aux Amants magnifiques et à leur munificence :
« On enchaîne pour nous ici tant de divertissements les uns aux autres, que toutes nos heures sont retenues, et nous n’avons aucun moment à perdre, si nous voulons les goûter tous. Entrons vite dans le bois, et voyons ce qui nous y attend ; ce lieu est le plus beau du monde, prenons vite nos places20. »
13Toujours sut le même principe de fusion des arts, avec sans doute moins d’artifices et de ruptures, l’ouverture du Bourgeois gentilhomme commence par « un grand assemblage d’instruments » : un élève du Maître de musique soumet une composition dont Monsieur Jourdain lui a fait commande pour une sérénade. Danseurs, musiciens et chanteurs s’activent.
14On voit combien et comment les intermèdes que l’on peut repérer dans les comédies-ballets de Molière s’insèrent directement dans la comédie structurellement, en établissant des liens et des glissements du corps de la comédie à celui des ornements. Ce lien s’établit bien souvent à travers la parole des personnages, mais peut aussi se faire plus discrètement lorsque l’espace de jeu et le décor restent inchangés, c’est-à-dire lorsque l’espace de la fiction est le même que l’espace des intermèdes. Cette communauté spatiale a pour conséquence directe de mettre en place un jeu de dédoublement des plans fictionnels pour du théâtre dans le théâtre.
15Excepté le premier intermède de la Princesse d’Elide, tous les autres se situent dans le même cadre (et décor) que la comédie galante. Avec Le Malade imaginaire seul le premier intermède fait glisser d’un décor représentant l’intérieur de la maison d’Argan à l’extérieur de cette demeure de façon à mettre en scène Polichinelle donnant une sérénade à Toinette. Les divertissements de L’Amour médecin, du Sicilien, de Monsieur de Pourceaugnac comme du Bourgeois gentilhomme sont presque tous situés dans le même lieu et donc le même décor que la comédie dans un souci d’éviter les ruptures dramaturgiques, et les personnages de la comédie sont le plus souvent intégrés dans les intermèdes comme témoins ou spectateurs de ce qui est donné à voir. La Princesse assiste au chœur des bergères avant d’intervenir et de les interrompre (IV, 6) ; le Sénateur propose à Dom Pèdre d’assister à la répétition d’une mascarade qu’il prépare pour le peuple (scènes 19 et 20 du Sicilien) ; dans Les Amants magnifiques deux intermèdes constituent des pantomimes qu’offre en spectacle à Eriphile sa confidente ; à la fin du Bourgeois gentilhomme, une fois consacré « Mamamouchi », Monsieur Jourdain est invité ainsi que les autres personnages de la comédie à prendre place pour assister au Ballet des nations concocté par Dorante ; dans La Comtesse d’Escarbagnas21les personnages de l’intrigue sont conviés à une pastorale accommodée de ballets préparée pat le Vicomte ; dans Le Malade imaginaire, Béralde et Argan assistent quant à eux à un spectacle de Mores. Ce qui se produit d’un point de vue diégé-tique, c’est finalement un enchâssement des fictions narratives pour créer un effet de mise en abyme qui peut être assez étourdissant : le public regarde des acteurs (la troupe de Molière) jouer un premier groupe assistant au spectacle donné par un troisième. Avec Le Malade imaginaire, les espaces de fiction deviennent poreux : les personnages de la comédie semblent d’abord être des spectateurs de l’intermède, puis dans un second temps, ils entrent dans la folie d’Argan ; le spectacle se fond dans l’univers de la fiction et ne se constitue plus en espace clos et indépendant.
16Ce lien établi entre les deux espaces fictifs est souvent explicitement manqué. C’est particulièrement le cas avec Le Bourgeois gentilhomme où le maître à danser du premier intermède annonce ce qu’il va produire : « Voici un petit essai des plus beaux mouvements et des plus belles attitudes dont une danse puisse être variée. » Se succèdent alors des danses aux rythmes et formes contrastés (« gravement », « plus vite », « gravement » ; « mouvement de sarabande », « bourrée », « gaillarde » et « canarie ») – mais dont la tonalité reste la même (en sol mineur).
Combler les désirs
17Ce qui a sans doute rendu contestable, aux yeux de certains, ce genre émergeant où la comédie est cousue d’intermèdes, c’est qu’il est entièrement lié à la notion de plaisir, chacune des productions de Molière venant répondre à une commande qui devait servir les plaisirs du roi : routes les comédies-ballets de Molière ont été composées pour des fêtes royales, commandées pat Louis XIV en personne et destinées à combler les désirs d’une cour qu’il fallait détourner de la vie politique et amputer de toute velléité de révolte. Elles furent donc d’abord créées dans les palais ou les résidences royales, avant de venir au théâtre, à Paris22– si l’on excepte Les Amants magnifiques ou encore Le Malade imaginaire. Leur contexte de représentation était exceptionnel, puisqu’il s’agissait avant tout d’être intégré au cœur d’un ensemble de réjouissances avec ballets, feux d’artifices, mascarades mises en place au moment de la chasse ou avant le temps du Carême23.
18Les Fâcheux eurent ainsi pour cadre une grande fête qui se déploya dans les jardins réalisés par Le Nôtre au Château de Vaux-le-Vicomte de Nicolas Foucquet, juste avant des illuminations et feux d’artifice. La Fontaine, témoin de cette fête, rapporte que « tous les sens furent enchantés24». Louis XIV (voulant surpasser en splendeur son intendant) fit aménager les jardins de Versailles par le même Le Nôtre et en mai 1664, plusieurs jours durant, resplendirent les Plaisirs de l’île enchantée, « le Roi voulant donner aux Reines et à toute sa cour le plaisir de quelques fêtes peu communes25». C’est dans ce contexte que fut créée le 8 mai 1664 La Princesse d’Elide, une « comédie mêlée de danse et de musique26».
19Le thème fédérant l’ensemble de ces premières fêtes est emprunté aux chants VI et VII de l‘Orlando furioso de l’Arioste : Alcine, une magicienne, retient prisonnier dans son palais Roger (dont le rôle est ici tenu par Louis XIV) ainsi que d’autres chevaliers en les soumettant à toutes sortes de délices. Une bague passée au doigt de Roger par Mélice (déguisée en Atlas) vient à bout de l’enchantement. Le contexte aulique des comédies-ballets leur donne un lien fort à un ensemble de festivités comme les promenades, les bals et ballets, les collations et feux d’artifices... Pour La Princesse d’Elide, le programme (ou livret) accompagnant Les Plaisirs de l’île enchantée précise que cette pièce ne vient que parce que, lors de la deuxième journée de cette grande fête, Roger et ses camarades guerriers doivent donner à la magicienne Alcine (qui les tient prisonniers sut son île enchantée) des courses, puis une comédie.
20Lorsque la nuit du second jour fut venue, Leurs Majestés se rendirent dans un autre rond, environné de palissades comme le premier, et sur la même ligne, s’avançant toujours vers le lac où Ton feignait que le palais d’Alcine était bâti. Le dessein de cette seconde fête était que Roger et les chevaliers de sa quadrille, après avoir fait des merveilles aux courses, que, par l’ordre de la belle magicienne, ils avaient faites en faveur de la Reine, continuaient en ce même dessein pour le divertissement suivant, et que l’Ile flottante n’ayant point éloigné le rivage de la France, ils donnaient à Sa Majesté le plaisir d’une comédie dont la scène était en Elide. Ces chevaliers lui donnent donc le plaisir de la comédie. Comme ils avoient entrepris les courses sous le nom des jeux pythiens, et armés à la grecque, ils ne sortent point de leur premier dessein lorsque la scène est en Elide27.
21L’Amour médecin s’inscrit de même dans une commande de quatre jours de fêtes à la cour en septembre 1665. Monsieur de Pourceaugnac et Le Bourgeois gentilhomme furent créés dans le Château de Chambord, respectivement en octobre 1669 et octobre 1670 au moment des venaisons « pour le divertissement du roi ». En somme, jusqu’en 1673, Molière aide à l’organisation et à la munificence de fêtes commanditées par Louis XIV en son propre honneur. Le Malade imaginaire, enfin, ne fut pas présenté du vivant de Molière à la cour, mais fut intégré de façon posthume à des divertissements donnés par le roi, pendant l’été 1674, à Versailles devant toute la cour.
22Paradoxalement l’une des hypothèses que l’on peut poser pour expliquer l’importance donnée par Louis XIV à ces fêtes est sans doute que ce toi est un guerrier. Dès vingt ans il triomphait à la bataille des Dunes (en 1658), puis multiplia les guettes (on compte de 1667 à 1668, la « guerre de Dévolution » ; de 1672 à 1678, la « guerre de Hollande » qui se solde par le Traité de Nimègue ; de 1688 à 1697, la « guerre de la ligue de Augsbourg » (également appelé la « guerre de Neuf ans ») et de 1701 à sa mort, la « guerre de succession d’Espagne ». Sans doute les grandes fêtes de Versailles servaient-elles de contrepoint aux horreurs de la guerre, car il n’est que trop clair que ces comédies-ballets s’inscrivent du côté du plaisir. Mais celui-ci a sa déclinaison au xviie siècle : ses corollaires furent en effet la galanterie, l’illusion, le faste et la magie. En effet, ces « comédies-ballets du plaisir » répondent aussi aux exigences de la galanterie (leur représentation a le plus souvent un dédicataire féminin, conçues comme des « régales » faits à la femme aimée). Divertissements, elles sont liées au plaisir du luxe déployé devant le public de la cour, plaisir accompagnant souvent des temps d’accalmie politique, mais également plaisir des sens réunis, ayant pour cadre de grandes fêtes dotées de fastueux banquets. Et bien-sûr le plaisir venait aussi sans doute grandement de l’aspect spectaculaire des propositions, pyrotechnie avant l’heure, où l’esthétique de l’illusion et de la magie dominait et où était somme toute mis en scène le faste de la cour. Aussi cette dernière se projetait-elle aisément dans des intrigues qui étaient proches de ses préoccupations. Plaisir donc pour la cour de se voir, par un jeu de transposition, dans le monde des princes d’une Grèce Antique rêvée comme dans La Princesse d’Elide ou Les Amants magnifiques, où « la scène est en Thessalie, dans la délicieuse vallée de Tempé28» et où les personnages ne pensent qu’à se divertir et aimer. Dans l’intrigue de La Princesse d’Elide, le Prince d’Elide, « d’humeur galante et magnifique », organise des chasses et des jeux (comme les courses de char) pour faire se mesurer entre eux les prétendants de sa fille. La fête se déploie avec faste et splendeur. Dans la deuxième pièce citée, Les Amants magnifiques, le merveilleux et la fête prennent plus d’ampleur encore. Suivant en cela l’argument suggéré par Louis XIV lui-même, les princes ici « régalent29à l’envi une jeune princesse et sa mère de toutes les galanteries dont ils se peuvent aviser ». Aristione (II 5) en vient même à prendre la position du courtisan assistant aux fêtes de Versailles, dans un effet de mise en abyme théâtrale, disant : « On enchaîne pour nous ici tant de divertissements les uns aux autres que toutes nos heures sont retenues, et nous n’avons aucun moment à perdre, si nous voulons les goûter tous. »
23Les comédies-ballets doivent avant tout plaire à la cour, mais aussi plaire à ce deuxième public, qu’est celui de Paris. L’affaire centrale reste l’amour. Les pastorales se développent. Les comédies-ballets déploient souvent des univers idylliques et fantasmagoriques. Tout un personnel artistique y travaille : depuis le dramaturge jusqu’au maître de ballet en passant par les peintres et sculpteurs, les ingénieurs et machinistes, les artificiers et les hydrauliciens. De Beauchamp fut ainsi le chorégraphe de toutes les comédies-ballets de Molière quand Lully ou Charpentier en furent les compositeurs. Carlo Vigarani qui excellait en matière d’architecture et de machinerie fut sollicité pour Les Plaisirs de l’île enchantée comme pour George Dandin ou le Grand Divertissement et déploya avec Torelli une esthétique baroque où l’illusion théâtrale était centrale.
Étourdir
24La vis comica de ces intermèdes y était également remarquable : la pastorale s’oriente souvent vers la parodie et le burlesque, et globalement tous les « ornements » des comédies-ballets ont pour objectif de susciter bonne humeur et même rire. Un important travail sur les costumes et accessoires va dans ce sens – si l’on se souvient des grandes cérémonies qui oscillent entre grotesques et démesures (je pense aux costumes à la turque – ou aux intermèdes avec médecins qui tirent ces derniers du côté du carnaval). Nous savons par ailleurs que lorsque les danseurs des ballets jouaient des personnages de la Commedia dell’arte, leur gestuelle, postures et mimiques les emmenaient du côté d’un comique affiché. Un traité publié en 1716 par G. Lambranzi et intitulé Nuova e curiosa scuola de balli teatrali présente des planches indiquant les pas, attitudes et mimiques grotesques que se doivent d’avoir ceux qui dansent un Scaramouche ou un Arlequin. Ainsi pour L’Amour médecin lorsque, comme l’indique la didascalie, « plusieurs Trivelins et plusieurs Scaramouches [...] se réjouissent en dansant », nous pouvons imaginer sans ambages une chorégraphie agrémentée de différents traits comiques.
25La musique et son traitement devaient également contribuer à créer des effets comiques par les intermèdes. Pour Le Bourgeois gentilhomme il est dit que « plusieurs instruments à la turquesque » sont utilisés, mais des interventions sur le tempo, la rythmique et la ligne mélodique pouvaient sans doute aussi générer des effets semblables. La transgression des normes de l’époque devait susciter le rire. La scène d’ouverture du Bourgeois gentilhomme est constituée d’une leçon de musique où l’élève se montre tout à fait dépourvu de dispositions pour cet art. Ses fautes sont autant de déclencheurs du rire. Plus tard, quatre tailleurs font irruption pour enlever de force son haut de chausse et lui mettre un habit neuf « le tout en cadence » ; l’intermède des cuisiniers avec ses chansons à boire est de la même veine. Mais surtout l’intermède qui se veut une solennelle intronisation du Bourgeois avec son grand nombre de figurants, le luxe des costumes des Turcs dansant comme du Mufti (joué pat Lulli) et des quatre derviches qui l’escortent tourne vite à la dérision. Si le Mufti « chante gravement », il est également précisé dans le texte de Molière qu’il fait une invocation « avec des contorsions et des grimaces, levant le menton, et remuant les mains contre sa tête, comme si c’était des ailes », avant de faire des bonds au seul nom de Giourdina, ou encore de chanter et danser d’enthousiasme sur « Ha la ba, ba la chou, ba la ba, ba la ba, ba la ba... », un rythme repris en chœur par les autres Turcs. Répétition mécanique et pauvreté rythmique sont des armes ici puissantes pour déclencher le rire, tout comme les voix de fausset des deux musiciens et chanteurs grotesques de Monsieur de Pourceaugnac (I, 10).
26Cette veine comique (et railleuse) est particulièrement exploitée quand sont figurés sur le plateau des médecins. L’Amour médecin commence ainsi pat un ballet de docteurs qui les rend inquiétants et ridicules. Un peu plus loin dans la comédie-ballet, acte II, scène 7, un charlatan fait l’éloge de ses drogues et onguents en chantant avec une voix de basse (couleur vocale communément utilisée pat Lully pour déclencher le rire). Nous retrouverons ces représentants de la médecine dans Monsieur de Pourceaugnac où le personnage éponyme se voit poursuivi par un apothicaire et des médecins en une farandole (cauchemardesque pour le provincial, mais hilarante pour le public), comme dans Le Malade imaginaire où ces figures triomphent dans une « cérémonie burlesque » pour une intronisation tournée en dérision.
27Ces moments particulièrement comiques de la comédie-ballet convoquent le plus souvent un temps onirique qui fait contrepoint au réalisme de la comédie. Si les intermèdes commencent parfois comme des cauchemars (je pense à la danse des Fâcheux), ils finissent toujours dans un ravissement sans borne30. Par exemple la cruelle comédie de Monsieur de Pourceaugnac, qui s’achève sur une joyeuse mascarade dont le mot de la fin sera : « Ne songeons qu’à nous réjouir. »
Détours par le music-hall
28Ce désir de plénitude et d’enchantement qui présidait à l’élaboration des comédies-ballets commandées à Molière pour les plaisirs de Versailles ne manqua pas d’interpeller les metteurs en scène des années 1970 qui s’amusèrent à donner à voir ce théâtre du xviie siècle à travers le prisme de la comédie-musicale. Ce fut l’entreprise de Bernard Ballet qui, en 1974, monta Le Bourgeois gentilhomme avec Marcel Maréchal dans le rôle-titre :
« Ayant à cœur de ressusciter la force du désir, Ballet a conçu une mise en scène originale qui tente de frayer un chemin jusqu’à son public par un jeu de correspondances au plan de la forme. C‘est ainsi que la chorégraphie, après quelques "pas de deux" en citation, dans un éclairage de clair-obscur, retrouve la gestuelle saccadée de Broadway ; que la musique, ayant égrené quelques notes surgies d’un passé conventionnel, verse sans prévenir dans le rock ; que les costumes, mettant le XVIIe siècle entre parenthèses (Monsieur Jourdain paraissant quand même en Louis XIV), ne craignent pas la référence hollywoodienne. Vrai que les modèles culturels proposés ici n’ont, dans leur ensemble, tien d’aristocratiques ; mais ils n’en sont pas moins des stéréotypes d’expression pour piéger le désir, pour donner le change au niveau de la jouissance31. »
29Le travail emblématique de Jérôme Savary sur Le Bourgeois gentilhomme qu’il monta à cinq reprises32en est aussi un bel exemple : l’esthétique de la comédie musicale s’y trouvait convoquée tous azimuts, comme en témoigne un critique assistant à une représentation en 1996 :
« Une débauche de costumes rutilants, des décors énormes qui s’ouvrent, explosent, de la pluie sut scène, des animaux [...], des pétards, des fusées, des girls avec de jolis derrières, des gags par dizaines [...], un acrobate pendu à un lustre [...]. Ce n’est pas du théâtre, c’est une revue33. »
30Et plus encore que la version de 1996, les précédentes avaient aussi fait appel à l’esthétique des spectacles de music-hall. Dans la version de 1989, créée au Théâtre national de Chaillot, les représentations commencent par une parade d’acteurs inspirée du théâtre forain des xviie et xviiie siècles devant l’entrée de la demeure de Monsieur Jourdain. Elle est prise en charge par une troupe de baladins qui joue, mais aussi chante et danse, jongle, fait des acrobaties ; dès sa première apparition cependant, certains éléments de cette parade annoncent le music-hall : en particulier à travers le boniment d’un nain qui présente la troupe en italien34, avant de s’exercer à différents numéros d’adresse à l’aide d’un fouet, coupant pat exemple la tige d’une fleur qu’une jeune femme tient entre ses dents. Lors de sa deuxième apparition, avant l’entracte, cette troupe de saltimbanques s’enrichit d’un groupe de danseuses orientales légèrement vêtues qui feront leur réapparition pour la cérémonie d’intronisation du grand Mamamouchi, transformée en fête coruscante.
31A de nombreuses reprises pendant le spectacle, la représentation intègre des numéros de girls en différents costumes, majordomes à veste à brandebourgs, Espagnols défilant comme pour une corrida, danseuses du ventre, cuisiniers... La leçon de danse, comme celle d’escrime, puis les essais de costume avec le maître-tailleur ou la chanson à boire qui accompagne le repas servi à Dorimène, donnent lieu à des intermèdes dansés et chantés qui ne doivent plus tien aux modèles du xviie siècle, mais empruntent plutôt aux Folies-Bergère ou au Casino de Paris.
32La musique est, elle aussi, souvent éclectique, allant des sonneries de la Garde républicaine jusqu’au carnaval brésilien ou au cha-cha-cha, tout en continuant de faire appel aux compositions du Grand Siècle. Pendant la cérémonie turque, un numéro classique de fakir est même réalisé : Monsieur Jourdain est contraint de s’enfermer dans une boîte dans laquelle on enfonce les lames de plusieurs sabres.
33Jérôme Savary choisit en effet le burlesque et l’anachronisme si bien que la comédie de Molière devient une « sorte de Mack Sennett du xviie siècle dont la fantaisie débridée, impromptue, ne recule devant aucune facétie, aussi énorme soit-elle35». Ainsi, après le prologue, un orage se fait entendre pendant que des petits marquis se réfugient dans un appartement tape-à-l’œil, aux murs duquel sont accrochées différentes peintures, dont un portrait en pied de Monsieur Jourdain ; ce portrait, pivotant sur lui-même, en laisse apparaître un second dans lequel le bourgeois gentilhomme est peint nu, tel un héros antique. Monsieur Jourdain, interprété par Jérôme Savary, fait un bain de pieds en public ; le maître de musique – « un pépé pervers qui passe son temps, entre deux coups de baguette, à lutiner un chanteur castrat36» – porte une perruque rose bonbon ; le maître d’armes ressemble au Capitaine Crochet (avec sa jambe de bois et son bras amputé) et se déplace dans un fauteuil roulant poussé par une nonne hommasse qui, lorsqu’elle est tuée, est aussitôt remplacée par une seconde nonne, naine, sortie du coffre arrière du fauteuil roulant. Cléonte et son valet Covielle font des pitreries sur des patins de feutre démesurés que leur a remis Nicole, puis Lucile, en crinoline rose, jaune et verte, répond aux déclarations d’amour de son amant en jouant au volant ; « Nicole montre ses fesses après avoir lâché une poule vivante, dans ce joyeux tumulte, mais elle a disparu, heureusement, quand arrive le teckel affublé d’une fraise du Bourgeois de retour de la chasse37... » ; ce même Monsieur Jourdain apparaît à d’autres moments en robe de chambre et charentaises, ou en pêcheur à la ligne. Il porte une moustache qui lui donne des allures de Chariot ou de Raimu échappé du César de Pagnol, et parfois une perruque aussi longue que celle des hommes-lions du kabuki ; il est affublé pour sa turquerie d’une énorme citrouille en guise de turban.
34L’enjeu du music-hall comme de la comédie musicale reste la danse et sans doute est-ce la raison pour laquelle la comédie-ballet peut aussi aisément s’y frottrer ; le genre de la revue mobilise des troupes de girls qui dansent ou exécutent des numéros acrobatiques, et donnent à l’orchestre l’importance d’un personnage comme il en était du chœur antique. La fantaisie est à l’ordre du jour ainsi que l’érotisme et le foisonnement des couleurs.
35Les strates temporelles se chevauchent allègrement : même le costume de Turc du bourgeois gentilhomme se modernise pour la dernière scène, rappelant ceux de l’époque de Mustapha Kemal ; la bibliothèque cache un service à whisky, un téléphone et un four à micro-onde. « Tout ici pourrait passer pour anachronique, estime un critique, de la danse du ventre au boogie-woogie, du strip-tease de Lucile aux robes du soir new-look de Dorimène38. »
36Jérôme Savary donne en fait ici une libre interprétation de la notion de « divertissement » et transforme la comédie de Molière en une succession de numéros, non sous forme de « tours de chant », mais d’« attractions ». Plus, la comédie-ballet devient, selon Colette Godard, « une comédie musicale dans laquelle Lully ne saurait se reconnaître. Les notes pour la plupart sont là, mais le rythme dérive vers des variations jitterbug39». « Les musiciens dérapent et le menuet de Lully devient be-bop enragé40», précise encore Annie Coppermann. La mise en scène « ne refuse ni les seins nus, ni les plumes aux fesses, ni les effets spectaculaires, ni l’humour Vermot41». Pour Philippe Tesson : « Oh ! certes, on joue la pièce sur la scène. Mais si peu. On joue surtout avec la pièce. Les intermèdes, les ballets, les danses envahissent la comédie bourgeoise42. »
37Ce détour par cette mise en scène du Bourgeois gentilhomme de Jérôme Savary permet de sentir combien les comédies-ballets de Molière portent en elles une idée de comédie musicale qu’il suffit de réveiller. Ancêtre de l’opéra-comique (qui trouva le chemin d’une hybridation entre la musique et le dialogue, parlé ou chanté), la comédie-ballet s’inscrit bien sûr dans l’histoire du théâtre lyrique. Et d’autres genres spectaculaires comme l’opérette en sont aussi les héritiers. Néanmoins, si la comédie musicale de Broadway présente assurément un ancrage historique plus directement anglais que français et s’inscrit dans la filiation de comédies comme L’Opéra des gueux de Gay (1728) ou encore The Duenna (La Duègne) de Sheridan (1775), le passage à l’écran et l’enjeu d’une intégration diégétique des chants et des danses a amené à se ressouvenir des inventions de Molière. En transformant la comédie avec « ornement » en spectacle de la fusion des genres où priment la satisfaction des désirs et une quête de plénitude qui rassasie tous les sens, Molière lançait le divertissement qui se fait surtout étourdissement et c’est cette relation au désir que convoquera la comédie musicale.
Notes de bas de page
1 Charles Mazouer, Molière et ses comédies-ballets. Honoré Champion, Paris, 2006 (1993).
2 Mais Molière le fait lui-même, pensant aux chœurs de la tragédie grecque, dans l’avis au lecteur précédant le prologue des Fâcheux : « C’est un mélange qui est nouveau pour nos théâtres, et dont on pourrait chercher quelques autorités dans l’Antiquité. » (Molière, Œuvres complètes, Gallimard, Pléiade, vol. 1, p. 484.)
3 Les Fâcheux (1661), Le Mariage forcé (1664), La Princesse d’Elide (1664), L’Amour Médecin (1665), La Pastorale Comique (1667), Le Sicilien (1667), George Dandin (1668), Monsieur de Pourceaugnac (1669), Les Amants Magnifiques (1670), Le Bourgeois Gentilhomme (1670), La Comtesse d’Escarbagnas ( 1671 ), Le Malade imaginaire ( 1673).
4 Maurice Pellisson, Les Comédies-ballets de Molière, Hachette, Paris, 1914, chap. iii.
5 Margaret Mc Gowan, L’Art du ballet de cour en France (1581-1643), Éditions du CNRS. Paris, 1963, chap. xii et xiii.
6 Hugh Gaston Hall, Richelieu’s Desmarets and the Century of Louis XIV, Clarendon Press, Oxford, 1990, p. 82.
7 Écrivain et publiciste, fondateur du Mercure galant, Donneau de Visé est d’abord à compter parmi les détracteurs de Molière (lors de la querelle de l’École des femmes notamment), avant de se réconcilier définitivement avec lui. Il confia à sa troupe la création de sa comédie la Mère coquette (1665), puis, après la mort de Molière, de pièces écrites en collaboration avec Thomas Corneille, Circé (1675) et la Devineresse (1679).
8 Certains ballets de cour composés par Lully en sont des embryons puisqu’ils présentent des passages musicaux avec des danses et des passages de « récits ».
9 Ce spectacle est en effet annoncé dans la relation officielle des Plaisirs de l’île enchantée comme une « comédie mêlée de danse et de musique ».
10 Appelé au xviie siècle Divertissement ou Divertissement royal.
11 « Le Divertissement royal./Dont la cour fait son carnaval,/Est un ballet en comédie,/Je ne crains point qu’on m’en dédie, ou bien comédie en ballet. » Robinet, Lettre en vers à Madame, 15 février 1670, cité dans la Notice de la pièce (Molière, Œuvres complètes, Gallimard, Pléiade, vol. 2, p. 642).
12 Les Fâcheux, notes au lecteur (Molière, Œuvres complètes, Gallimard, Pléiade, vol. 1, p. 484) : « Il ne sera pas hors propos de dire deux paroles des ornements qu’on a mêlés avec la comédie. Le dessein était de donner un ballet aussi ; et comme il n’y avait qu’un petit nombre choisi de danseurs excellents, on fut contraint de séparer les entrées de ce ballet, et l’avis fut de les jeter dans les entractes de la comédie, afin que ces intervalles donnassent temps aux mêmes baladins de revenir sous d’autres habits. De sorte que, pour ne point rompre aussi le fil de la pièce par ces manières d’intermèdes, on s’avisa de les coudre au sujet du mieux qu’on put, et de ne faire qu’une seule chose du ballet et de la comédie ; mais comme le temps était fort précipité, et que tout cela ne fut pas réglé entièrement par une même tête, on trouvera peut-être quelques endroits du ballet qui n’entrent pas dans la comédie aussi naturellement que d’autres. »
13 Le prologue du Malade imaginaire fonctionne de même avec Flore, Pan, Climène, Daphné, Tircis, Dorilas, deux Zéphirs et une troupe de bergères et de bergers : il s’achève sur cette didascalie : « Faunes, Bergers et Bergères, tous se mêlent, et il se fait entre eux des jeux de danse, après quoi ils se vont préparer pour la Comédie. »
14 Les Fâcheux, Prologue (Molière, Œuvres complètes, Gallimard, Pléiade, vol. 1, p. 485-486) : « Quittez pour quelques temps votre forme ordinaire,/Et paraissons ensemble aux yeux des spectateurs/Pour ce nouveau théâtre, autant de vrais acteurs [...]. » Et la didascalie d’indiquer : « La Naïade emmène avec elle, pour la comédie, une partie des gens qu’elle a fait paraître, pendant que le reste se met à danser au son des hautbois, qui se joignent aux violons. »
15 Prologue de L’Amour médecin (Molière, Œuvres complètes, Gallimard, Pléiade, vol. 2, p. 96).
16 Plus tard, avec Le Bourgeois gentilhomme ou Le Malade imaginaire, les ornements se multiplieront aussi à l’intérieur des actes.
17 Cette conquête eut pour conséquence la paix d’Aix-la-Chapelle signée le 2 mai 1668.
18 L’un d’eux était joué par Lully.
19 Avant-Propos des Amants magnifiques (Molière, Œuvres complètes, Gallimard, Pléiade, vol. 2, p. 645).
20 Les Amants magnifiques, II, 5.
21 Pour La Comtesse d’Escarbagnas, il ne nous reste que la comédie, mais nous savons qu’il existait une pastorale avec prologue et intermèdes l’accompagnant.
22 La Princesse d’Elide est jouée au Palais-Royal du 11 novembre 1664 au 4 janvier 1665, mais celles qui eurent le plus de succès furent L’Amour médecin, Monsieur de Pourceaugnac et Le Bourgeois gentilhomme.
23 Pour Les Plaisirs de l’Ile enchantée, il en est indiqué dans l’édition des œuvres complètes (Molière, Œuvres complètes, Gallimard, Pléiade, vol. 1, p. 749) les différents constituants : « Course de bague, collation ornée de machines, comédie mêlée de danse et de musique, Ballet du Palais d’Alcine, Feu d’artifice et autres fêtes galantes et magnifiques, faites par le Roi à Versailles, le 7 mai 1664 et continuées plusieurs autres jours. »
24 Lettre de La Fontaine à Maucroix du 22 août 1661.
25 Si on en croit la Relation officielle alors publiée.
26 Sous titre de la pièce, voir Molière, Œuvres complètes, Gallimard, Pléiade, vol. 1, p. 771.
27 Molière, Œuvres complètes, Gallimard, Pléiade, vol. 1, p. 766.
28 Didascalie initiale des Amants magnifiques.
29 Régaler signifie, au xviie siècle, « offrir des présents ». C’était une pratique très en vogue à la cour.
30 Après la danse des Fâcheux, Eraste finit par dire : « Mon cœur est surpris d’une telle merveille/Qu’en ce ravissement je doute si je veille », III 1, vers 819-820.
31 Roger Bensky, « La marionnette du désir », Travail théâtral, n° XXIV-XXV, La Cité, Lausanne, été-automne 1976, p. 173.
32 Molière, Le Bourgeois gentilhomme, mises en scène de Jérôme Savary, créations en 1981 à Aulnay-sous-Bois, ; en 1985 au Schauspielhaus de Hambourg ; en novembre 1989 au Théâtre national de Chaillot ; le 10 octobre 1996 au Théâtre national de Chaillot.
33 Nicole Manuello, France-Soir, 31 octobre 1996.
34 Il s’agit peut-être ici d’un écho au « Ballet des nations » qui accompagnait la pièce de Molière à sa représentation de 1670, avec la musique de Lully. Plusieurs de ces intermèdes sont en effet chantés en espagnol ou en italien.
35 Pierre Marcabru, « Bouffon et tonitruant », Le Figaro, 17 novembre 1989.
36 Didier Vallée, « Le grand Molière Circus », VSD, 7 décembre 1989.
37 Annie Coppermann, « Le grand Mamamouchi Circus », Les Échos, 20 novembre 1989.
38 Jean-François Josselin, « Savary chez Molière », Le Nouvel Observateur, 9 novembre 1989.
39 C. G. [Colette Godard], « Le Crazy Horse défile cinq, six, sept fois (plus ?) », Le Monde, 16 novembre1989.
40 Annie Coppermann, « Le grand Mamamouchi Circus », art. cité, 20 novembre 1989.
41 Brigitte Salino, « Savary met le paquet », L’Événement du jeudi, 23-29 novembre 1989.
42 Philippe Tesson, L’Express Paris, 24 novembre 1989.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'acteur de cinéma: approches plurielles
Vincent Amiel, Jacqueline Nacache, Geneviève Sellier et al. (dir.)
2007
Comédie musicale : les jeux du désir
De l'âge d'or aux réminiscences
Sylvie Chalaye et Gilles Mouëllic (dir.)
2008