Chapitre III. L’art combinatoire du portrait luthérien
p. 85-107
Texte intégral
1Le succès des premiers portraits des princes luthériens produits dans les années 1530 et réclamés par les partisans de la Réformation reposait sur l’association inédite d’un portrait et d’un discours à la première personne des deux défunts (fig. 18). Cependant, sous le troisième portrait, celui de Jean Frédéric, Cranach avait également ajouté un autre élément, une armoirie imposante, qui placée sous l’effige du nouvel Électeur semblait elle aussi tenir lieu de discours. Ce faisant, le peintre de Wittenberg proposait deux nouvelles formules de représentations, reprises sous diverses combinaisons, dans les années 1540 quand plusieurs événements politiques et militaires forcent le camp luthérien à chercher de nouvelles ressources de légitimation1.
2La bataille de Mühlberg (1547), la défaite de l’Électeur Jean Frédéric, sa captivité et surtout la perte de sa dignité électorale au profit de son cousin Maurice de Saxe, obligent l’atelier Cranach à une réévaluation de son iconographie. En effet, après avoir échappé à la condamnation à mort, le chef du camp luthérien est fait prisonnier avec son cousin Philippe de Hesse. Il demeure cinq ans en captivité, perd une grande partie des territoires liés à sa couronne électorale, et ne conserve que les terres de Saxe-Weimar. Les portraits gravés à partir de 1547, commandés par les fils de l’ancien Électeur, et notamment son successeur Jean Ernest, développent alors de nouvelles stratégies visuelles en s’appuyant sur les formules iconographiques mises en place dans les années 1530, associant une image à un texte, mais aussi un portrait à un blason volumineux dont le sens prend autant d’importance qu’un discours.
Le portrait généalogique
3Dans les années qui précèdent la bataille de Mühlberg, quelques portraits tentent une autre formule de représentation, elle aussi en partie inspirée de l’œuvre matricielle qu’est le triptyque de 1533 (fig. 18), le portrait armorié qui répondait aux portraits locuteurs de Frédéric et Jean de Saxe. Dans cette image, un imposant blason placé en miroir de l’effigie de Jean Frédéric venait se substituer à un discours de légitimité. Il rassemblait seulement quatre quartiers de la maison dont le choix n’est pas anodin : au centre les armes électorales (épées croisées), auxquelles s’adjoignaient de la Saxe (couronne sinople), le margraviat de Misnie (or à lion noir), la Thuringe (azur à lion rampant couronné) et le Palatinat-Saxe (sable à aigle or), obtenus après la partition de la Saxe en 1485 et renvoyaient aux premiers et principaux titres de sa titulature (« Prince Électeur de Saxe, Landgrave de Hesse et Margrave de Misnie »). La charge symbolique de l’aigle qui depuis le Moyen Âge est le signe des ressortissants immédiats de l’Empire s’ajoutait, par ailleurs, à ce choix des armoiries2. La composition armoriée, qui, dans le cadre du triptyque faisait écho au discours des prédécesseurs de Jean Frédéric, insistait donc sur les fondements institutionnels de la légitimité électorale. La substitution des armes électorales au discours tenait lieu d’argument, alors que la situation diplomatique entre le prince luthérien et Charles Quint n’est pas encore tranchée en 1533. Le blason expose sous les yeux du spectateur la légitimité de la succession électorale comme une évidence. Ainsi, Cranach et son commanditaire offraient une nouvelle signification au portrait armorié. En effet, si jusqu’alors, les armoiries figuraient au dos du tableau ou sur les panneaux du tableau ou même à l’intérieur du portrait, elles désignaient le commanditaire comme membre d’une lignée. Le blason jouait ici certainement ce rôle, mais il remplaçait surtout la parole du prince lésé en posant le signe tangible de sa légitime possession territoriale. Portrait et blason introduisaient une identité entre l’effigie du prince et son territoire. Si l’autorité de la parole des deux princes défunts représentés dans le triptyque se fondait sur leur statut d’ancêtres et sur leurs hauts faits, celle de Jean Frédéric émanait du dispositif armorié qui faisait de son corps, un corps territorial et dynastique, légitimé par une histoire ancestrale. Dans la tentative de récupération de la dignité territoriale, les armoiries venaient faire preuve. Dans ce dispositif qui lit le textuel et l’image, l’armoirie semble répondre à la définition que Cicéron donne des topiques dans son traité éponyme, « un siège des arguments », permettant de donner foi à une chose douteuse3.
4À la suite de ce premier événement, l’ostentation du titre électoral, finalement arraché en 1535, devient à partir de 1540 un nouveau mode de représentation du prince. Une gravure de Georges Pencz de 1543 (fig. 19), peut-être une œuvre de commande qui connaît une importante diffusion dans l’Empire4, illustre, sans doute pour la première fois, ce nouveau type de portrait héraldique. Elle présente l’Électeur de trois quarts, la tête légèrement relevée vers la droite, une attitude inspirée des médailles romaines et caractéristique des portraits de condottieri et de princes italiens, mais aussi des premières représentations du roi des Romains Frédéric III (1440-1493)5. Jean Frédéric est coiffé d’un chapeau orné de plumes et non d’un simple béret et revêtu d’un manteau richement brodé, couvert d’une épaisse fourrure. Il se tient dans l’encadrement d’une fenêtre en trompe-l’œil et pose ses deux mains, couvertes de bagues, sur le socle de cette fausse fenêtre qui surplombe une inscription latine. Enfin, il est entouré de quatorze blasons placés sur la frontière tracée par le cadre.
5Deux traditions soutiennent ce dispositif de représentation. En reproduisant une stèle portant la titulature du prince, le graveur emprunte un procédé déjà éprouvé par son maître Dürer, pour les portrait de Frédéric III de Saxe, l’oncle de Jean Frédéric, en 1524 (fig. 11), d’Albert de Brandebourg, mais aussi, comme on l’a vu, d’Erasme ou de Melanchthon, entre 1524 et 1530. Ces images qui, dans leurs inscriptions, se vantaient d’être dessinées « sur le vif », et exaltait la puissance mémorielle du portrait, s’inspiraient directement de la tradition humaniste du portrait d’hommes et de femmes illustres. Le portrait gravé de l’Électeur Jean Frédéric offre lui aussi à voir une imposante titulature, comme gravée dans la pierre et enserrée en haut et en bas par une double devise : la sienne « spes mea in Deo est » (Ps. 61,8) et celle de son oncle Frédéric de Saxe (1486-1525) « verbum domini manet in aeternum » (Isaïe, 40) deux sentences extraites des Ecritures dont les princes Luthériens se sont emparées pour les faire leurs, dès la diète de 1522. La combinaison des deux motti du prédécesseur et du prince sert ici de collage signifiant puisqu’il vient souligner une continuité dynastique et confessionnelle, continuité redoublée par la réitération d’un mode de représentation. Le portrait de Pencz, comme celui réalisé par Dürer près de vingt ans auparavant, s’impose donc comme le portrait-monument d’un vir illustrus. Modelé comme une sculpture dont on devine l’ombre portée sur le mur, le portrait s’impose comme celui d’un puissant. L’opulence du vêtement et des bijoux, l’ampleur du manteau qui gonfle le corps jusqu’à lui faire occuper la totalité de l’espace pictural concourent à confirmer la puissance du prince, auréolé d’une récente victoire.
6Le portrait de Pencz s’inscrit, en effet, dans le double contexte de durcissement des confessions luthériennes et catholiques et de conflits militaires ponctuels qui précèdent la bataille de Mühlberg. La longue absence de l’empereur Charles, entre 1532 et 1541, offre l’occasion à la ligue de Smalkalde d’intervenir fréquemment dans l’Empire dans des conflits confessionnels.
7En 1534, elle rétablit le duc luthérien Ulrich de Wurtemberg dans ses états d’où il avait été chassé par les Habsbourg. La même année, le landgrave de Hesse s’associe à l’évêque de Münster pour éradiquer le mouvement anabaptiste installé dans cette ville. Ces actions ponctuelles désignent les princes luthériens comme les garants de la paix intérieure de l’Empire. Forts de ce statut, ils provoquent, en 1541, la guerre de Brunswick6. Le duc Henri le Jeune de Brunswick-Wolfenbüttel (1514-1568), demeuré catholique et violemment opposé aux luthériens, menait depuis quelques années plusieurs attaques sous la forme de libelles venimeux dans lesquels il jetait un doute sur la légitimité de l’Électeur sur certains territoires. Lorsqu’il prétend étendre ses droits de souveraineté religieuse sur des villes acquises à la Réformation, Goslar et Wolfenbüttel, la ligue de Smalkalde vole au secours des deux cités durant l’été 1542, occupe le duché, chasse le prince et instaure la Réformation dans ses terres. Ces conflits autour de la légitimité territoriale permettent d’éclairer la seconde tradition sur laquelle s’appuie le portrait de Pencz, réalisé deux ans après ce conflit : le portrait armorié.
8Les armoiries territoriales qui enserrent le prince, renvoyant aux titres et aux possessions de la Saxe, s’organisent hiérarchiquement. Au centre, et posées exactement au-dessus de la tête de l’Électeur, trônent les deux armoiries principales, les épées croisées, symboles de la dignité électorale et la couronne de Saxe. Signes visibles et légitimes parce qu’issus d’une histoire immémoriale, les armoiries dessinent, en trompe l’œil autour du corps du prince, une ceinture territoriale. Posés dans un espace, les blasons ne constituent jamais un objet en soi, ils forment une frontière autour d’un objet ou d’une personne7. Les armoiries territoriales de la gravure indiquent les lieux et les territoires sur lesquels s’exercent le pouvoir princier et ses droits féodaux. Elles composent autour du corps du prince une topographie territoriale, tracée hiérarchiquement en fonction des liens de suzeraineté du prince sur les terres ainsi figurées : électorale (écusson coupé de sable et d’argent à deux épées de gueules passées en sautoir la pointe en haut) ; la Saxe (la couronne sinople) ; la Thuringe (azur à lion rampant couronné) ; le margraviat de Misnie (or à lion noir) ; le Palatinat-Saxe (sable à un aigle or couronné) ; le comté d’Orlamund (or à lion de sable et roses rouges) ; le Burgraviat de Magdebourg (arme brisée : partie de gueules à aigle naissant d’argent et palé) ; Palatinat-Thuringe (sable à aigle or sur) ; seigneurie de Landsberg (azur palé) ; comté de Pleysen (azur à lion naissant) ; comté d’Aldenburg (argent à rose) ; seigneurie de Brena (trois croissants) et deux territoires de Saxe8. Enfin l’ensemble est surmonté de casques à cimier, signe héraldique réservé à la noblesse9. Elles rappellent que la principauté est un agrégat de territoires, construit patiemment par les ancêtres à travers les liens matrimoniaux, les hasards des héritages et des guerres.
9La disposition des armoiries emprunte à l’ordonnancement généalogique qui se développe à la fin du XVe siècle sur les tombeaux aristocratiques ou ceux des patriciens des grandes villes d’Empire, distribuant de part et d’autre du probande, les branches agnatiques et cognatiques10 tels le tombeau d’Albert de Brandebourg (1523 Aschaffenburg) par Peter Vischer, la tombe de Lorenz de Bibra (Würzburg, 1522) par Tilman Riemenschneider, et surtout les deux tombeaux monumentaux de Frédéric de Saxe (1527) et de son frère (1532-1533) par Peter et Hans Vischer dans l’église de Wittenberg (fig. 17). Ces dispositifs armoriés bénéficient eux-mêmes de la réflexion renouvelée des juristes sur le De Gradibus affinitatis et sur les arborescences généalogiques.
10La gravure de Pencz reprend fidèlement ce modèle de représentation en associant une effigie à une devise luthérienne. Cette image inédite et composite puise ainsi son efficacité dans l’emploi d’outils iconographiques biens connus, permettant au prince de s’inscrire dans une lignée doublement légitime, celle immédiate et confessionnelle de son oncle dont la figure est convoquée à travers la devise et le monument funéraire, et celle plus ancienne de sa dynastie. La parenté que la gravure de Pencz entretient avec ces deux dernières sculptures funéraires traduit bien son ambition de réaliser une « image-monument » dans le double sens que lui confèrent les humanistes, celui d’édifice consacré et celui de témoignage ou de preuve11. Toutefois, associées à l’inscription et à la devise luthérienne, elles ne réaffirment pas seulement la légitimité de la puissance territoriale de l’Électeur, elles tracent aussi une topographie confessionnelle dont le prince constitue la pierre angulaire. L’armoirie confirmée par l’empereur à son vassal lors des investitures, obéit à un « Wappenrecht » (un droit d’armoirie) soumis à des règles d’héritage précises et régi par le droit féodal. Quant à l’héraldique, elle est l’objet d’une première fixation juridique avec le traité fondateur du juriste Bartole de Saxoferrato, au service de l’empereur Charles IV (1346-1378)12. Pour Bartole et ses successeurs, qu’ils soient spécialistes du droit canon ou civil, l’armoirie est autant une emblématique dynastique qu’une construction juridique. Lorsqu’en 1425, le roi des Romains Sigismond accorde au Margrave Frédéric de Misnie la dignité électorale, il énumère ses titres, ses terres et les « bannières, étendards et écus » qui en dépendent, une tradition qui perdure jusqu’au début du XVIIe siècle13. L’usage légitime des armoiries est donc garanti par l’acte d’investiture de l’empereur. La convocation des armoiries autour du portrait vient rappeler la légitimité de ces possessions validées par un acte impérial et inscrites dans la constitution impériale, garantie par la dyade institutionnelle « empereur et Empire » (Kaiser und Reich). Les armoiries insistent, en outre, sur une continuité dynastique immémoriale pour mieux tempérer la rupture inédite de la Réformation et la discordance institutionnelle qu’elle engendre.
11Le recours à une configuration armoriée dans la gravure, une nouveauté en ces années 1540, participe d’une démonstration. L’image devient preuve, lieu explicatif où se déploie un argument à valeur juridique, fondé sur une histoire immémoriale et validé par les lois de l’Empire. Car le blason, à la fois signe d’appartenance dynastique et empreinte de l’antiquité d’une famille offre l’évidence indiscutable de la preuve historique. Cette surenchère armoriée s’impose non seulement comme démonstration d’une victoire de la Saxe sur le duché de Brunswick, mais surtout comme une réponse d’une incontestable autorité aux remises en cause par ce dernier. La formule iconographique de Pencz intervient alors que le prince voit son pouvoir fragilisé de nouveau, après l’épreuve de la difficile obtention de son investiture et qu’il part à la recherche d’outils argumentatifs fondés sur la généalogie.
12Le portrait de Pencz semble, en effet, s’inspirer d’un premier modèle réalisé par un graveur anonyme, mais sans doute proche de Cranach le Jeune, inséré en frontispice d’un écrit polémique de 1540 qui servit probablement, par la suite, de modèle au frontispice de la Bible de 1546 (fig. 25), preuve de la très grande circulation des images d’un support à l’autre. Sur ce frontispice (fig. 20), le prince apparaît en Électeur, revêtu de son manteau et de sa toque et brandissant son épée électorale. Six armes de la Saxe ornent le cadre, accompagnées de part et d’autres de citations évangéliques. Ainsi, en guise d’exorde, lit-on à gauche : Éphésiens, 5 : « Ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les débauchés, ni les voleurs, ni les cupides, ni les voleurs, ni les meurtriers etc. n’hériteront du royaume de Dieu » ; à droite, I. Corinthiens, 6 : « Le corps n’appartient pas aux prostituées mais au Seigneur. Celui qui s’unit à la prostituée, n’est avec elle qu’un seul corps. Mais celui qui s’unit au Seigneur n’est avec lui qu’un seul esprit14 » ; en dessous : « Ainsi celui qui s’unit à la prostituée et qui commet d’autres péchés, comme le duc de Brunswick, ne s’unit pas à Dieu et n’est pas un chrétien. »
13L’ouvrage au titre violemment polémique vient répondre aux doutes perfidement émis par Henri de Brunswick-Wolfenbüttel sur la légitimité du pouvoir de Jean Frédéric. Cet écrit est suivi, en 1541, de l’édition d’un livre généalogique imprimé, un des premiers du genre en Saxe, rédigé par l’humaniste et historiographe de cour, Georges Spalatin, à la demande du prince : la Chronika und Herkomen der Churfürsten und fürsten der Herzogen zu Sachssen/und Hernach der Stam und geschlecht der Herzogen zu Brunschwig und Lunenburg/trewlich zu samen gezogen15. La chronique en elle-même n’est pas un genre nouveau. Jean-Marie Moeglin en a montré l’usage abondant, instrumentalisé par les ducs de Bavière tout au long du Moyen Âge, donnant lieu à toutes les formes de manipulations16. Frédéric de Saxe avait lui-même en 1510-1511 commandé à Spalatin une Chronik der Sachsen und Thüringer. Il s’agissait cependant d’un manuscrit illustré de dessins de Cranach et de son atelier, produit en deux exemplaires17. Le résultat quelque peu hybride rassemblait récits de batailles, tournois, cérémonies d’investiture, projets de construction, récits de miracles et de prodiges et généalogie saxonne. Il se présentait davantage comme la narration de hauts faits et une fiction des origines mythiques. Ces efforts de recherches généalogico-historiques se poursuivent sous les règnes suivants de Jean de Saxe et Jean Frédéric à qui Georges Spalatin dédit son ouvrage Von Dem thewern Deudschen Fürsten Arminio, en 1535. Cette tradition, largement influencée par la conception humaniste de l’histoire ne participe pas d’un simple goût des récits exemplaires et moraux, mais s’inscrit, dès le début du XVIe siècle, dans une stratégie de concurrence féroce entre l’Électeur et l’empereur. Maints ouvrages historiques, commandés aux savants de Wittenberg, visent ainsi, dans la droite tradition de la translatio imperii, à retrouver les racines grecques et romaines de la Saxe, à traquer les séjours de César en terre saxonne, afin de faire surgir une antiquité allemande capable de rivaliser avec une antiquité italienne, mais surtout de prouver l’ancienneté de la famille saxonne. Ces efforts aboutissent à des manuscrits intitulés la Chronique de Saxe et de Thuringe et la Chronique de Coburg, dont la rédaction s’étend sur plus de vingt ans (1513-1535)18.
14À l’inverse, la chronique de 1541, un ouvrage imprimé et dépourvu-d’illustrations, excepté en frontispice, a pour ambition d’apporter des preuves authentiques et savantes en réponse aux attaques d’Henri de Brunswick. Cette première édition de 1541 (qui connaît une nouvelle édition en 1553) affiche, elle aussi, en frontispice les armes du prince entourées d’une couronne de fleurs et de fruits. Spalatin qui est à la fois chancelier, secrétaire, administrateur de la bibliothèque universitaire de Wittenberg, inspecteur (Visitator) et historiographe, orchestre l’entreprise généalogique et la rédaction, avec l’aide de Melanchthon, sous le regard attentif du prince19. Le livre se divise en cinq parties ou « titres » selon un mode de classification et un vocabulaire directement emprunté à la dialectique renouvelée de la seconde moitié du XVIe siècle : la première est dédiée aux liens dynastiques entre Brunswick et Saxe ; la seconde expose les transformations de la maison de Saxe jusqu’à la date de publication en insistant sur l’obtention depuis une centaine d’années de la dignité électorale par les Wettiner ; le troisième « titre » se concentre sur les origines de la maison Wettin et dans un sens strictement généalogique, non sans faire entrer une part de mythologie, en dépit des efforts scientifiques de recours aux sources, à travers l’évocation de l’ancêtre légendaire Sighard, roi de Saxe, l’arrière-grand-père de Widukind ; le quatrième « titre » propose une brève histoire des empereurs saxons, avant d’exposer dans un dernier « titre » la généalogie des Guelfe20. Le « titre » réservé aux ancêtres saxons se présente sous la forme d’un arbre généalogique rédigé où se succèdent la litanie des noms, des biographies et des alliances matrimoniales. Dans le troisième chapitre au contraire, les paragraphes consacrés aux derniers Wettiner s’épaississent, louant les vertus et les actions des trois derniers princes réformateurs. Enfin, une bibliographie présentée en tête de l’ouvrage, mais absente de la seconde édition invoque à plusieurs reprises le Liber Francorum des moines de Saint-Denis et déploie les sources de l’argumentation généalogique21.
15Cette disposition rigoureuse des arguments, s’appuyant sur l’autorité de textes anciens (comme le Liber Francorum) semble avoir bénéficié des nouveaux modes de classification des savoirs tels qu’ils se mettent en place, notamment sous l’influence de Melanchthon après que les désordres frappant l’université lors des premières années de la Réformation et la perte d’effectifs ont suffisamment inquiété les professeurs de Wittenberg22. L’auteur des Loci Communes travaille ainsi à réhabiliter l’enseignement d’Aristote et de ses catégories. À partir de 1530, avec l’appui attentif des princes, les universités luthériennes s’efforcent de rénover les connaissances. Abandonnant la scolastique et remettant à l’honneur l’étude de la langue latine et de la rhétorique, les professeurs de Wittenberg proposent des méthodes d’exposition capable d’offrir une « voie brève » vers le savoir. Dès avant le tournant du ramisme qui intervient dans l’Empire dans la seconde moitié du XVIe siècle, des efforts importants sont fournis, notamment dans les universités évangéliques où il est urgent de former des théologiens, capables de répondre aux attaques des adversaires, mais aussi des juristes et techniciens de l’État23.
16Le portrait armorié en frontispice de l’ouvrage24, décliné par la suite par Georges Pencz, figurant le prince et ses signes dynastiques, est le résultat du travail d’une équipe polyvalente rassemblant le prince, ses graveurs, les Réformateurs et les savants de Wittenberg. L’image armoriée, placée en frontispice de l’ouvrage polémique consacré à la défense de la généalogie saxonne désigne à la fois le dédicataire, le commanditaire de l’œuvre et la figure fiduciaire de l’argumentaire exposé. Insérée en ouverture du texte, à une place que peut occuper l’effigie de l’auteur, elle est loin d’être une simple illustration. Elle participe d’un montage auctorial qui participe d’une rhétorique de la preuve dont Quintilien, après Aristote, a résumé les effets dans le terme enargeia ou d’evidentia25. Mettre devant les yeux du juge ou du lecteur souligne l’auteur de L’Institution oratoire fonde l’efficacité du discours :
« Le discours ne produit pas son plein effet et n’exerce pas cet empire absolu auquel il a le droit de prétendre si son pouvoir s’arrête aux oreilles, et si le juge croit entendre simplement le récit des faits sur lesquels il doit se prononcer au lieu qu’ils se détachent en relief aux yeux de son intelligence26. »
17L’assemblage composite de citations bibliques, des blasons et du portrait en vêtements électoraux qui préside au texte généalogique, expose, au seuil du texte, l’évidence des preuves avancées. Combinée au texte, l’image s’apparente à un lieu qui rend visible l’argumentation27. Cette formule iconographique fait florès jusqu’à la bataille de Mühlberg. La prise d’armes en effet est l’occasion de produire maintes gravures présentant Jean Frédéric entouré ou accompagné de ses principales armoiries. Sur la plus célèbre, on le voit revêtu d’une armure et piétinant, tel un saint Michel, les monstres papistes. Ce portrait en pied et coloré est lui aussi encadré de l’ensemble des blasons de l’Électeur et surmonté de sa titulature. Associant combat pour la juste foi et légitimité juridique de son statut au sein de l’Empire, ces images combinées esquissent les contours du héros luthérien de la foi.
Le portrait martyrologique
18Des images profuses, à la fin des années 1540, représentent Jean Frédéric de Saxe de buste ou à mi-corps, revêtu d’un manteau et offrent de multiples variations : tantôt l’image se concentre sur son visage et notamment sur la blessure reçue lors de la bataille de Mühlberg ; tantôt le portrait se voit agrémenté de quelques éléments signifiants : un crucifix vers lequel le prince se tourne et un livre qu’il tient entre les mains. Ces gravures sur bois, réalisées par l’atelier Cranach, comportent toutes elles aussi une longue inscription rimée. Si la série de la fin des années 1540 se consacre à la détention du prince, à son combat juste pour la foi, à sa blessure, et à son attachement au Verbe, replaçant son action dans un modèle de la Passion, d’autres célèbrent les vertus du prince.
19Une gravure de 1551, exécutée par un élève de Cranach l’Ancien, Peter Rodelstett dit Gotland, sans doute destinée aux membres de la ligue de Smalkalde et aux territoires du prince, propose ainsi une double lecture des événements malheureux (fig. 21). Le graveur, peu connu et originaire sans doute de Suède d’où il tient son surnom, réside depuis 1547-1548 à Weimar où il est nommé, à partir de 1553, peintre de cour. Rodelstett est avant tout spécialisé dans l’esquisse de textiles destinés aux vêtements du prince. L’image, scindée en trois cadres, propose, de manière originale, une triple lecture. Au premier plan, Jean Frédéric se présente de face, habillé d’une chemise close par un plastron orné par un Christ en croix et recouvert d’un large manteau de fourrure. Sous le Christ, une médaille portant un visage humain indistinct pend au bout d’une lourde chaîne. Sous sa simarre, le prince porte des vêtements de cour à manches à crevés, mais il tient à la main son béret orné d’une plume. Son visage, qui exceptionnellement fait face au spectateur, présente la balafre reçue à la bataille de Mühlberg. Cette apparition tête nue, dramatisée par le port à la main du béret, introduit une scénographie d’humilité : le retrait du chapeau dans le cérémonial de cour intervient au moment de l’hommage au souverain, en signe de soumission. À l’inverse, le port du chapeau détermine la situation hiérarchique, il est le signe d’une supériorité dans l’échelle sociale. La tête nue peut-être également, comme on l’a vu précédemment, l’affirmation de sa constance « sans honte », selon l’adage d’Erasme « nudo capite ».
20La gestuelle d’humilité est éclairée par un second panneau, placé derrière le prince et qui occupe la seconde moitié de l’image. Un rideau à moitié tiré laisse découvrir cette image dans l’image, celle de Daniel vêtu de la même simarre, à genoux au milieu de ruines qui surplombent une ville, Babylone, dont les contours rappellent les vedute romaines. Au-dessus du prophète, perçant les nuages, Dieu se penche. En haut à droite, minuscule, le blason du duché de Saxe confirme le lieu de fabrication et l’identité du sujet. Dans le registre gauche du tableau, une stèle gravée commente, à la lumière du livre de Daniel, la mauvaise fortune du prince :
« Exilé chez les Mèdes, Daniel avait grandi en vertu et en loyauté.
Puissant par son pouvoir et par son conseil.
Alors les grands du royaume le considérèrent avec une haine et une jalousie furieuse.
Ils ne trouvèrent pas à leur disposition d’autre cause de sa mort prochaine
Que la piété du saint et la religion due au souverain.
Parce qu’il voulut porter atteinte à cette dernière,
Il fut jeté comme nourriture aux lions,
Comme pâture destinée à être mise en pièces par les bêtes féroces.
Mais l’ange du Seigneur ferma leurs gueules voraces
Et sa chair ne souffrit pas de la dent.
Le chantre se tient sain et sauf au milieu des lions en vertu de sa foi,
Et il chante les louanges de Dieu de tout son cœur et de toute sa voix.
Enfin il est enlevé et il retrouve ses anciens honneurs.
Mais le lion plus clairvoyant broie les os des dignitaires.
Sur la croix, tu vaincras tous les maux et toutes les morts grâce à ta foi en Dieu,
Tu précipiteras dans la fosse celui qu’ils ont exposé28. »
21Cette gravure met en miroir plusieurs images : un tableau dans la gravure, dont le sens est révélé par la stèle, un portrait du prince, enfin sur le prince lui-même des images minuscules, mais significatives, une croix et une médaille. Ce montage permet de faire dialoguer deux temporalités, celle de la Loi et celle de la Grâce, la première préfigurant la seconde. Les deux personnages, Daniel et le Christ, tracent une généalogie exemplaire de la mise à l’épreuve dont le prince incarne une ultime reviviscence. Par étapes, l’image organise la lecture de l’analogie : tel Daniel, le prince est éprouvé et résiste. Si le prophète a Dieu devant les yeux, le prince, lui, a le Christ sur sa poitrine et donc en son cœur. L’étonnante frontalité de l’image instaure un dialogue, un pont entre le spectateur et l’image, reprenant un procédé propre aux figures de l’intercession. Ce regard orienté, fixé sur le spectateur s’efforce d’éveiller non pas un affect dévotionnel, mais compassionnel. L’adresse oculaire au spectateur lui permet de pénétrer dans l’image et guide sa lecture en établissant un lien entre Daniel, le Christ, le Nouveau Daniel et lui-même. La rectitude du regard parachève l’argumentation du tableau et explicite le sens de l’épreuve : celle-ci a été subie pour ses sujets et leur salut.
22Le réemploi de l’histoire sainte comme modèle de lecture de l’histoire présente avait déjà été utilisé dans les monnaies. C’est aussi un procédé bien connu de Cranach et des Réformateurs pour l’ensemble de leur catéchisme depuis 1530. L’inscription rédigée, qui plus est, en latin s’adresse davantage à des lettrés capables de déchiffrer la scène et le texte encadré. Le rideau, inséré dans une scène sainte, joue pleinement un rôle de révélateur analogue à celui du temple, évoqué dans Matthieu 27,51, qui cachait le saint des saints et qui depuis la mort du Christ se serait ouvert et déchiré. Les rideaux pouvaient s’écarter sur la naissance du Christ, tirés par deux prophètes, par exemple dans L’adoration des bergers d’Hugo van der Goes (1472 ; Berlin Gemäldegalerie). Ici, ce n’est pas la Revelatio opérée par la venue du Christ, mais bien celle de la vérité que mettent en scène la gravure et son analogie vétérotestamentaire. À l’inverse, le temps de la Loi et le récit vétérotestamentaire deviennent le révélateur du temps de l’épreuve subie par le prince. Cette image en miroir offre une relecture des événements, identifiant en creux et sans le nommer, l’empereur à un nouveau Nabuchodonosor et Rome à une Babylone des temps présents. Le rideau placé derrière le prince donne à lire ce qu’il découvre comme une révélation, celle d’une vérité qui se présente littéralement comme cachée : le malheur princier est une épreuve voulue par Dieu afin de faire éclater sa constance et sa fidélité dans le Verbe.
23Cette scénographie de l’humilité et de la soumission à l’épreuve se poursuit jusqu’à la mort de l’ancien Électeur, en 1554, faisant écho aux nombreux récits de la captivité du prince, dont l’anonyme le plus fameux intitulé Passio, est publié en 1548 et réédité en 155629. À partir de 1551-1552, Cranach et son fils reprennent les rênes de l’iconographie saxonne qu’ils orientent vers la blessure du prince. Sans doute pour cette raison, les images gravées de 1551 à 1554 ne le présentent plus qu’en buste, centrant la vision sur la balafre qui traverse la joue gauche. En 1551-1552, alors qu’il est encore en captivité, deux portraits gravés de cette teneur sont produits : l’un signé par Cranach le Jeune, de buste, et sans texte, exceptée la titulature du prince ainsi que quelques citations ; le second est à mi-corps avec un chapeau devant un crucifix (fig. 22). Le second portrait porte toute l’attention sur le visage et sur la blessure. Sur un autre portrait, au contraire, le prince porte chapeau et gants. Au-dessus de lui, une titulature définit l’image comme une « effigie », un portrait véritable : « Effigie de l’illustre prince Jean Frédéric Ier Duc de Saxe, etc., copie exécutée sur le vif, à l’âge de 49 ans lors de sa cinquième année climactérique de captivité. An du Christ 155130. » Il s’agit ainsi d’un portrait trait pour trait, sur le vif et donc authentique qui doit témoigner de l’épreuve (« climactérique »). Sous le portrait, une inscription latine rédigée par Paul Eber, professeur à l’université de Wittenberg, explicite le sens de ce portrait du prince, saisi dans son infortune (fig. 23) :
« Tu distingues dans le visage en face maintenant la blessure honorable
Que le duc de Saxe captif et exilé a reçue.
Ce héros pieux et conscient d’avoir agi droitement
Menant des guerres pour la Loi et la patrie.
Toi qui regardes là ces traits peints en image
Que la main docte de Luc te donne ;
Si tu aimes la piété, prie Dieu d’une voix pleine
Pour qu’il adoucisse les épreuves de celui-ci31. »
24La reproduction fidèle des traits meurtris sur lesquels l’auteur des lignes insiste, constitue un enjeu essentiel, puisqu’ils agissent comme autant de preuves de la constance de sa foi et de sa légitimité à retrouver son statut, passablement amoindri. L’inscription d’Eber, qui comme la stèle rimée sur l’image de Daniel s’adresse à un public savant, indique l’usage de ce nouveau genre d’images, au cours de cet épisode inédit. Diffuser le portrait du prince blessé ne revient pas seulement à susciter un affect de compassion, car le visage ne laisse entrevoir aucun pathos. Seule la blessure apparaît comme un signe tangible, la signature et la preuve de l’endurance du prince rejoignant par un jeu analogique les plaies du Christ. L’impassibilité du visage sur ces gravures renforce encore la constance héroïque du prince. Le portrait suscite méditations, imitation, prières et sollicite la cohésion de la communauté territoriale et confessionnelle pour son pastor absent, dans ce contexte de vacance du pouvoir.
Portrait et orthodoxie
25Cette nouvelle conception du portrait est donc le fruit d’une collaboration étroite entre l’Électeur de Saxe, son peintre de cour et les Réformateurs Luther et Melanchthon qui occupent une place prépondérante dans la peinture et la gravure jusque dans les années 1550 en Saxe et dans les principaux territoires luthériens, notamment le Brandebourg. S’il n’existe toutefois pas, à notre connaissance de sources attestant d’un travail commun sur les images du prince, on sait en revanche le vif intérêt de Luther et de Melanchthon pour la préparation des illustrations de la Bible. Les éditions de 1545 et 1546 de la Deutsche Bibel, inaugurent un usage inédit du portrait princier. En effet, si la première traduction du Nouveau Testament en 1522, ne possédait que peu d’illustrations (onze en tout), l’édition de 1545-1546 s’enrichit de nouvelles images, mais elle s’ouvre surtout sur un frontispice représentant le prince Jean de Saxe et le Réformateur au pied du Christ en croix (fig. 24). Cette nouvelle formulation d’une scène très codée et très connue de l’art dévotionnel dispose le prince et Luther, en lieu et place de saint Jean, Madeleine et de la Vierge. Néanmoins, agenouillés au pied de la Croix, leur posture orante est celle des donateurs et dévots et non des acteurs de l’histoire christique. Dans l’édition de 1545, le Christ tourne sa tête vers le prince qui lève les yeux vers lui, sans que leurs regards se croisent : on comprend par là qu’il ne s’agit en rien d’une scène d’intercession. Hormis l’herbe du Golgotha, le paysage est désert. Christensen a analysé avec finesse le paradoxe de cette édition de 1545 qui place en frontispice la figure d’un prince décédé depuis une douzaine d’années, Jean de Saxe. Jean Frédéric n’apparaît que sur une autre édition de la Bible de 1546, mais sans Luther, inséré dans une vignette, revêtu du manteau et de la toque et tenant l’épée électorale (fig. 25). Si l’historien a bien démontré32 que l’alternance entre ces deux princes dans les frontispices relevait d’enjeux éditoriaux et économiques pour le principal éditeur de Wittenberg, Hans Lufft qui espérait l’obtention du privilège princier, il ne rend pas compte de la présence du prince sur le frontispice même, présence loin d’être anodine quand on sait l’ampleur des tirages, ne serait-ce qu’entre 1522 et 1546 (300 éditions en haut-allemand, 430 en bas-allemand et sur le demi-siècle 750 000 exemplaires33). Les Bibles publiées sans privilège affichent l’effigie du prédécesseur, tandis que les Bibles avec privilège du prince, conférant ainsi à Hans Lufft l’exclusivité de l’édition, offrent l’image du prince régnant.
26Le portrait du prince dans le livre se distingue de la dédicace que suggérait l’image en frontispice, à la période précédente, et échappe ainsi en partie à l’économie du don. Le portrait dans la Bible s’apparente, au contraire, au sceau, à la signature officielle. En ce sens, il se rapproche de l’effigie princière estampillée sur les monnaies et partage avec elle cette même valeur fiduciaire. Le portrait du prince placé en frontispice et parfois accompagné du Réformateur n’est pas la simple garantie du privilège éditorial, il énonce aussi clairement l’organisation de la nouvelle Église. Dans le premier frontispice qui met en scène le Christ en croix, le prince et le Réformateur, la scène souligne la centralité du Sauveur, formulant visuellement un des principaux préceptes luthériens : la grâce et la foi comme seuls moyens de la justification et la révocation de l’intercession des saints. La communauté chrétienne, soudée autour de la Parole, n’agit que sous une double autorité : celle des pasteurs qui veillent, par des visites, depuis 1527, à la rigueur de l’encadrement de la communauté évangélique et celle des princes désignés comme les évêques suprêmes du territoire, comme Notbischof selon l’expression de Luther34, puis, sous l’influence de Melanchthon, le summus episcopus. Ces formules apparues après la guerre des Paysans dans les premières Kirchenordnungen (ordonnances ecclésiastiques) font donc du prince le responsable du Salut de ses sujets, ainsi que de la fermeté et de la protection de la foi de son territoire. C’est dans le contexte des premières instructions du prince qui suivent les inspections de 1527, publiées sous le titre d’Unterricht der Visitatoren (1528), et des efforts communs des états de Saxe, de Jean de Saxe et de son successeur pour lutter contre l’effritement ecclésiastique dans le territoire que se met en place une bonne « police » des mœurs dans le territoire, avec l’appui des théologiens évangéliques35. Parallèlement à la sécularisation des biens de l’Église, le transfert des fonctions épiscopales s’opère au profit de la personne princière. Cette situation nouvelle fait de lui, en outre, le défenseur de la Loi mosaïque, qui en retour vient justifier sa position36.
27L’Électeur et le Réformateur au pied de la croix et au seuil du texte saint, apparaissent donc comme les garants de la Parole, dans sa juste formulation et traduction et comme les responsables du Salut du lecteur sujet. Après la mort de Luther en 1546, les frontispices des Bibles, ornés uniquement de l’image électorale renforcent cette position de chef de l’Église territoriale. Cependant, en optant pour une représentation en vêtement électoral, l’éditeur place cette édition de la Bible sur le marché de l’Empire et vient rappeler la position institutionnelle et légitime que Jean Frédéric occupe à l’intérieur de celui-ci. Le portrait en frontispice accorde donc au Livre un double statut : il atteste l’authenticité du privilège, mais aussi la pureté de la traduction et de l’édition. Le visage du prince opère la fusion entre privilège princier, contrôle éditorial et garantie de la provenance du livre. Le portrait devient donc un signe juridique, mais il est aussi un signe confessionnel et politique qui désigne le prince comme le défenseur de la Parole dans son territoire et comme le représentant politique de la Réformation, tout en rappelant, par ses attributs électoraux, son appartenance légitime au corps de l’Empire.
28Ce rôle de garant de la juste foi dans le contexte confessionnel est de nouveau pleinement exploité dès après la défaite de Mühlberg et la mise en place de l’Intérim d’Augsbourg (1548) par le vainqueur, Charles Quint. Cet événement offre l’occasion d’une nouvelle réutilisation du portrait du prince, un portrait non plus isolé et consacré à ses vertus chrétiennes, mais inséré dans une scène évangélique.
29Le 15 mai 1548, la Diète dite « cuirassée » d’Augsbourg réunie par l’empereur proclame, sans accord des états, par seule décision impériale, un règlement provisoire issu de leurs travaux, l’Intérim, applicable dans toutes les Églises allemandes dans l’attente de la convocation d’un concile. Rédigé par les évêques catholiques allemands, puis corrigé par prélats espagnols sur les conseils de l’empereur, le texte se montre souple sur la discipline du clergé (mariage des prêtres) et le rite (communion sous les deux espèces), mais reste fidèle au dogme catholique. Œuvre mixte, l’Intérim souligne le caractère sacrificiel de la messe et la justification par la foi et les œuvres.
30Dans l’Empire, le texte est diversement reçu. Il est accepté formellement par Frédéric II du Palatinat (1482-1556) et Joachim de Brandebourg (1505-1571). Philippe de Hesse tente de l’appliquer, mais renonce devant la forte résistance de ses sujets. Il n’est véritablement appliqué que là où se trouvent l’empereur et ses troupes : dans le Wurtemberg et le Sud, où 9 000 hommes stationnent, et dans une quarantaine de villes méridionales qui l’acceptent par crainte des représailles. D’emblée, les fidèles luthériens ne voient dans l’Intérim qu’un texte catholique et un moyen d’oppression. Ainsi, un nombre considérable de libelles tantôt ironiques, tantôt menaçants, de la main de groupes de résistances, désigne le texte comme un signe avant-coureur de la fin des temps. En Saxe, le conflit autour de ce texte prend une tournure très particulière. Maurice de Saxe qui avait soutenu l’empereur, quoique bon luthérien, est confronté à une forte opposition de ses sujets contre l’Intérim et cherche un compromis. Les théologiens saxons, parmi lesquels Melanchthon, élaborent une troisième voie qui ménagerait les points essentiels de la Réformation. Ils distinguent ainsi entre les articles fondamentaux de la foi essentiala et les adiaphora (non essentiels au Salut) comprenant les rites tels la confirmation, l’extrême-onction, le carême ou encore la fête-Dieu. Cet Intérim saxon impose aux protestants saxons une liturgie et une organisation proche du catholicisme. Melanchthon est ainsi convaincu d’avoir sauvé la doctrine de la justification. Or, dès sa publication en décembre 1548 par Maurice de Saxe, le texte provoque une très vive réaction chez les théologiens saxons. Mathias Flacius, professeur à Wittenberg, qui se veut fidèle à la pure ligne de Luther, voit dans les événements la marque de l’Antéchrist et lance un appel à la résistance formant ainsi le groupe des gnésio-luthériens, ou luthériens intransigeants, centré dans les villes hanséates, à Magdebourg et dans la Saxe ernestine à Iéna. Dans ces régions, l’attitude de Melanchthon est perçue comme une trahison et comme un premier pas vers le retour du catholicisme.
31C’est dans ce contexte de 1547-1548 qu’apparaissent les premiers portraits du prince insérés dans une image de controverse concernant certains points du dogme. La première gravure (fig. 26) attribuée à Cranach le Jeune est divisée en deux parties selon un principe très éprouvé par la gravure polémique opposant le bon et le mauvais comportement. Dans la partie gauche, placé sur une chaire, Luther prêche devant une foule de fidèles laïcs (princes, bourgeois, hommes et femme), la Bible ouverte devant lui. À sa gauche, un couple communie sous les deux espèces, au pied d’un autel surmonté par un Christ en croix. Au fond, un groupe de cinq hommes s’apprête à donner le baptême à un nourrisson. Enfin, dans le ciel, piqueté de têtes d’anges, la Trinité s’aligne sur un arc tracé par une parole qui semble partir de la main du Réformateur. (Actes des Apôtres 4,10, « tous les prophètes attestent de cela : il n’y a pas d’autre nom au ciel par le quel nous devront être sauvés ».) Parmi les fidèles, un homme qui porte une croix tourne sa tête vers nous : il s’agit de Jean Frédéric.
32La partie droite de la feuille présente au contraire un véritable catalogue des pratiques catholiques que Luther avait, dès 1517, violemment attaquées : un moine dodu prêche sans livre mais inspiré par le diable devant un groupe composé exclusivement d’ecclésiastiques ; à sa droite, un émissaire du pape vend des indulgences. Un autre moine célèbre une messe personnelle ; un évêque bénit une cloche ; une procession s’avance vers un lieu de pèlerinage. Cette image réemprunte une longue tradition de gravures polémiques réalisées dès 1521 par Cranach l’Ancien, Heinrich Vogtherr ou encore Georges Pencz qui avait très exactement, en 1529, réalisé une image fondée sur une opposition entre deux espaces et deux pratiques, le bon et le mauvais sermon. Ce retour des grands thèmes anti-catholiques contre l’intercession du culte des saints et contre le clergé catholique peut paraître étonnant et anachronique. Il ne se comprend que dans le cadre de l’Intérim qui est d’emblée saisi comme une tentative de ramener les sujets luthériens dans le giron de l’Église romaine. La présence très visible de Jean Frédéric parmi les fidèles de la Parole de Dieu constitue, à l’inverse, une nouveauté. Elle rentre dans la stratégie de défense de la constance de l’Électeur et du travail progressif du cercle de Cranach d’en faire un portrait martyrologique. Ce regard qui rencontre celui du spectateur vient rappeler sa fermeté et sa constance dans les vrais principes de la foi, par contraste avec son rival qui met en place une forme atténuée de l’Intérim dans son territoire.
33La gravure existe en deux versions l’une sans commentaire, l’autre accompagnée d’un texte de la main de Flacius et donc sans doute commandée par l’entourage gnésio-luthériens des fils de Jean Frédéric, à deux desseins : d’une part raviver l’alerte autour de la menace d’un retour de l’Église romaine en Saxe et d’autre part, rallier autour d’une figure martyrologique « qui porte sa croix » le camp de la pure doctrine. L’image du prince portant sa croix est une allusion transparente aux admonestations du Christ dans les trois Evangiles (Mathieu 16,24 ; Marc 8,34 et Luc 9,23) : « si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à soi-même et qu’il se charge de sa croix », une injonction reprise dans les miroirs de princes comme celui d’Erasme L’institution du prince chrétien et dans de l’Autorité temporelle de Luther en 1523. La description volontairement désuète pour ne pas dire anachronique de l’Église romaine renvoie aux polémiques violentes suscitées par la querelle des adiaphora autour des rituels mais aussi de la hiérarchie ecclésiastique ainsi que de la transsubstantiation, du purgatoire, du sacrifice de la messe et des messes pour les morts. Bref, la gravure dénonce l’adoption de l’Intérim comme une porte ouverte aux abus de la papauté et à la restauration de l’Église romaine dans les territoires. La passion de Jean Frédéric, placée au premier plan, font de lui un martyros c’est-à-dire un témoin de la foi, ce que vient illustrer le regard tourné vers le spectateur. Cette figure du prince prisonnier souffrant pour la constance de sa foi, reprise, dans les mêmes années, dans les portraits individuels gravés et accompagnés d’un texte versifié, permet de tracer une frontière entre la juste et droite doctrine et non pas tant le catholicisme, unanimement rejeté, mais son travestissement philippiste.
34À la suite de cette querelle des adiaphora, une série d’images dédiée à la question des sacrements est produite où la figure du prince réapparaît systématiquement. Après 1548 et au-delà, après la mort de Jean Frédéric de Saxe en 1554, de nombreuses gravures sont publiées mettant en scène des points clés de la doctrine luthérienne : le baptême du Christ et l’Eucharistie, soit deux points jadis brûlants de controverse sur les sacrements.
35Une gravure anonyme (v. 1551-1575 ; fig. 27), mais attribuée à l’entourage de Cranach le Jeune, et très largement diffusée si l’on en croit les très nombreux exemplaires qui nous sont restés, présente ainsi dans une improbable mise en scène, des théologiens et des princes morts et vivants réunis dans une communion sous les deux espèces. Au premier plan, on reconnaît grâce à une légende qui guide de manière très pédagogique la lecture, le réformateur Jean Hus – considéré par Luther lui-même comme le précurseur de la Réformation – et Luther offrant le pain et le vin aux princes fondateurs de la Réformation, Jean et Frédéric de Saxe. Derrière eux et agenouillés, Jean Frédéric, sa femme Sibylle et leurs trois enfants. Au fond de l’Église, Jean Frédéric, de nouveau dupliqué, assis sur un siège surmonté des armoiries de la Saxe électorale écoute Luther qui d’un geste de rhéteur semble lui énumérer des arguments. Au centre de l’image, une imposante fontaine s’appuyant sur un pied de vigne et surmontée par un Christ en croix versant son sang explicite le sens du moment eucharistique et de la présence réelle sous les éléments. Parallèlement à une exposition limpide et presque catéchétique des principaux fondements du dogme, l’image introduit la généalogie des princes luthériens, plaçant les fondateurs au premier plan et les successeurs à l’arrière-plan. Cette allusion à une histoire de la juste foi qui s’écrit dans ces années 1550-1560 fait du prince un argument d’autorité décisif dans l’institution du dogme luthérien.
36D’autres images gravées, dont on retrouve également des versions peintes, présentent l’autre volet du dogme luthérien, le baptême du Christ auquel assiste Jean Frédéric et sa famille que Luther enveloppe d’un geste protecteur, devant la ville de Wittenberg, devenue par l’image nouvelle Jérusalem, une comparaison fréquemment reprise par les prédicateurs. L’un d’eux, le pasteur et prédicateur Caspar Aquila ou Adler (1488-1560), Superintendent à Saafeld, qui a dû fuir cette ville pendant l’Intérim, tente de prêter à la défaite de Jean Frédéric un sens historique en lui conférant un statut de martyr et de modèle. Dans sa dédicace, il s’adresse à un certain Gotthard König, citoyen de Sion, combattant de Dieu comme Jacob, derrière lequel on devine sans mal le prince37. Ces gravures et peintures produites parfois après la mort de l’ancien Électeur en guise d’image-épitaphe ont été lues comme une adresse vigoureuse aux anabaptistes dont le mouvement s’étiole à la fin des années 1540 après la sévère répression des princes luthériens. Mais plus encore, ce thème du baptême du Christ est un sujet récurrent de la gravure anti-Intérim, comme en témoignent les nombreuses médailles « Interimstaler » frappées à cette occasion, une manière de rappeler que le Christ est l’autorité et la source de tout enseignement, confirmé par le baptême. Après l’Intérim, la récurrence de ce thème serait-elle une manière de rappeler la victoire de la vraie foi sur la fausse doctrine ? Quoi qu’il en soit, la question de l’insertion très visible des princes saxons dans ces gravures mérite une analyse.
37L’édit de Passau qui met fin à l’Intérim en 1552 n’efface pas les querelles intraluthériennes entre gnésio-luthériens et philippistes et les querelles inter-confessionnelles jusqu’en 1577, notamment autour de la Confession Augustana après 1555 dont la version princeps a été modifiée par Melanchthon, quand sera signé le livre de Concorde de Bergen entre luthériens. La période complexe donc entre 1548 et 1560-1577 environ est celle d’une lutte pour l’orthodoxie où la figure du prince joue un rôle essentiel.
38Si l’on avait vu que dès 1540, les figures des princes défunts jouaient un rôle de garants de la Parole dans les premières luttes confessionnelles, la main-mise des gnésio-luthériens sur l’héritage de Luther et son autorité accorde un rôle important à la figure du prince. Blessé et fidèle au camp évangélique, contrairement à son cousin Maurice, le prince Jean Frédéric dès avant sa mort est érigé en héros de la foi par ces séries de portraits rimés. Dans cette phase d’institutionnalisation difficile de la doctrine luthérienne, la mise au point d’une histoire de la Réformation et de ses figures glorieuses joue un rôle tout aussi essentiel que les controverses religieuses. Dès son règne, Jean Frédéric avait commandé une Vie de son oncle Frédéric de Saxe érigé au rang de fondateur de l’Église luthérienne. L’effort d’écriture et la fixation d’une histoire luthérienne se poursuivent à la mort de Jean Frédéric quand est publiée une Vita du prince en image commandée par ses fils38. Plus encore, la mort de Luther marque le début de la rédaction d’une historiographie à Wittenberg visant, devant les menaces militaires qui assiègent le camp luthérien, à créer un passé collectif et à raffermir l’identité du groupe confessionnel. Cet enjeu se renforce dès le milieu des années 1540 et passe par la rédaction de calendriers et d’histoires universelles et ecclésiastiques dont l’opus de Kaspar Hedio (1494-1552), promis à une grande fortune est particulièrement illustratif de cet effort de continuité entre la fin de l’Antiquité et la Réformation39. Ces travaux insistent sur trois concepts : le lien entre Parole et histoire, le développement d’une histoire ecclésiastique dans un contexte national, et l’existence d’une chaîne de témoins. Ces ouvrages tentent de résoudre l’épineuse question de la légitimité des luthériens qui ne peuvent s’inscrire dans la continuité d’une histoire ecclésiastique traditionnelle et qui donc se voient pressés d’ériger des figures historiques mémorielles, capables d’assurer un continuum doctrinal et ecclésial dans ces temps de conflits interconfessionnels40. Dans ce contexte, l’histoire vient voler au secours du procès en légitimité d’une Église qui doit apporter la preuve d’être la véritable Église et ainsi faire prévaloir ses droits. Car la vérité historique, avant la mise au point de véritables outils scientifiques de la preuve, repose avant tout, pour les historiographes humanistes, sur l’autorité des témoins. L’histoire de la communauté luthérienne qui commence à s’écrire est une histoire providentielle dont les acteurs n’accomplissent non pas des actions héroïques pour leur propre renommée, mais les desseins de Dieu. La volonté divine se révèle progressivement à travers les actes de ses héros qu’ils soient princes ou homme d’obscure extraction. Cette chaîne de héros-témoins qui se cristallisera dans la rédaction de recueils confessionnalisés de vitae d’hommes illustres au service de la juste doctrine41, une décennie plus tard, commence dès la constitution du camp luthérien mais de manière disparate, à travers ces gravures qui rassemblent Luther, le prince et parfois, les « précurseurs » Jean Hus voire Wyclif, considérés eux aussi comme des prophètes, des premiers combattants de l’Antéchrist romain42. L’introduction du couple Jean Frédéric-Luther désigne une lignée légitime de l’histoire et de la doctrine luthérienne, associée à un lieu fondateur, Wittenberg. Si donc la figure du prince surgit à ce moment précis c’est parce qu’elle est un argument d’autorité dans ce contexte de controverses non tranchées.
39Elle implique aussi une dimension politique : tandis que les philippistes ont été au commencement soutenus par Maurice, favorable à une attitude modérée face au vainqueur pour préserver la paix dans l’Église, les gnésio-luthériens restent fidèles à la branche ernestine. Le successeur de Jean Frédéric, Jean Frédéric II (1554-1567), lutte pour continuer à jouer un rôle politique et tracer une nouvelle topographie confessionnelle centrée, non plus autour de Wittenberg, mais de Iéna. Ces efforts de distinction vis-à-vis des Luthériens albertiens représentés par Melanchthon, se traduisent par le transfert de la bibliothèque de Wittenberg à Iéna et par l’édition d’Iéna des œuvres de Luther. Ils aboutissent, en 1559, à la rédaction du livre de réfutation (Konfutationsbuch) par l’entourage de Jean Frédéric II, un ouvrage avant tout de récusations des autres confessions évangéliques (Schwenckfelt, les sacramentaires, Osiander, et les philippistes, tout particulièrement) dans un contexte de formation des frontières doctrinales43.
40Ainsi, la représentation du pouvoir temporel devient un élément indispensable d’autorité dans une querelle théologique, une incarnation de la doctrine droite. La figure de Luther ne suffit pas : dans cette constellation confessionnello-politique, le prince comme acteur historique et témoin de la vraie foi, délimite lui aussi les contours de l’orthodoxie, comme si cette dernière ne pouvait se passer de la validation du pouvoir temporel pour s’ancrer définitivement.
41Les princes défunts et héroïques jouent donc un rôle crucial dans cette période troublée de lutte pour l’institutionnalisation de la foi. Leur portrait est certes commémoratif, mais il joue aussi un rôle d’argument d’autorité. Le mort apporte, par ses actions passées, une preuve indiscutable à la droite doctrine. Le prince dans et par l’image qui le rend présent, une fois disparu, s’insère donc de manière décisive dans le débat autour de l’affermissement et de la fixation du dogme luthérien. La présence du prince dans l’image agit comme une véritable institution visuelle de l’orthodoxie. Le portrait du prince dans la scène baptismale ou eucharistique comporte un double pouvoir ou une double efficacité : instructive et instituante, elle donne à voir la caducité de l’ancien modèle romain au profit de la nouvelle orthodoxie.
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42L’instauration de cette orthodoxie participe du vaste mouvement de refonte des instruments de la Parole au profit de la consolidation de la nouvelle foi. Proférée par le locuteur divin, c’est elle et non les œuvres pies ou la multiplication des rituels qui forme la puissance salvatrice. L’ensemble de la vie du fidèle, depuis l’administration des sacrements, signes visibles de la Parole, est ainsi lu à travers le prisme de l’apprentissage, de la rumination et de la diffusion de la Parole. Dans cette perspective, sa prédication se place au cœur de l’économie du Salut. Les infrastructures d’apprentissage et de sa diffusion en une langue claire et compréhensible et donc vernaculaire, sont mises en place dès les années 1520, lorsque Luther fait appel à Melanchthon, qui s’est rendu célèbre en 1521 par l’édition de ses Loci communes, une méthode dialectique d’exposition des savoirs et par sa maîtrise rhétorique, dans le droit fil de la rénovation et la revalorisation de la rhétorique par les humanistes allemands44. Celle-ci en effet, n’est pas seulement considérée comme une science du discours, mais également comme une catégorie permettant de penser les modalités de la foi et les mécanismes du faire croire. La fides ainsi est définie comme un processus de persuasio qui emprunte les canaux du docere et du conciliare avant de frapper et de toucher les cœurs45.
43Dans cet échafaudage rhétorique, la figure du prince n’est pas un simple témoignage de sa foi. Sa présence pèse dans les querelles théologiques où l’inscription dans une tradition historique pure, celle de Luther est inlassablement associée par les contradicteurs à la famille saxonne. La figuration de l’autorité politique intervient, en dépit des séparations proclamées entre pouvoir spirituel et temporel, comme argument d’autorité dans le débat théologique en rappelant une histoire luthérienne qui, dans cette phase d’institutionnalisation incertaine de la Réformation, joue un rôle essentiel. En l’absence du Réformateur, la figure du prince qui témoigne par sa constance de sa foi, est aussi un argument décisif46 dans les conflits et les enjeux autour de l’établissement d’une orthodoxie luthérienne. Ce faisant, ces gravures dessinent une hiérarchie structurée de la nouvelle communauté luthérienne qui s’ordonne autour de son Réformateur, du prince et de sa famille. Elles rendent visible la nouvelle organisation sociale de la confession luthérienne autour d’actes symboliques et fondateurs de la foi, et soudée autour du primus episcopus, signe visible donné par Dieu qui fonde le salut du chrétien. Elles permettent de penser la légitime place du pouvoir princier dans la communauté évangélique.
44Contrairement donc aux interprétations hâtives qui voient dans le développement d’un art luthérien un appauvrissement généralisé de l’art et notamment de la production de Cranach, la Réformation ne se contente pas de repenser le statut et la forme de l’image religieuse, mais elle engendre également une nouvelle conception du portrait dont elle redéfinit les stratégies, les formes de présentation et de production. En offrant à la scène publique de l’Empire les portraits des princes saxons, Cranach confère à l’image peinte des pouvoirs de reproductibilité et donc d’ubiquité, brouillant la frontière entre feuille volante et peinture47. La Réformation met ainsi en œuvre une véritable reconception de l’image visuelle, articulant texte rimé et effigie. Il ne s’agit pas ici, à mon sens, d’un simple transfert des catégories rhétoriques vers la peinture, comme l’avance peut-être trop rapidement F. Büttner48, ni d’une illustration supplémentaire du ut pictura poesis. S’il est vrai que les artistes et les humanistes, soucieux de mettre en place une théorie esthétique de l’art, se sont emparé, dès la seconde moitié du XVIe siècle, de la formule d’Horace ou des remarques d’Aristote dans sa Poétique, ce transfert vise avant tout à bâtir le prestige de l’art en l’appuyant sur l’autorité des textes anciens dépourvus eux-mêmes de toute théorie de la peinture49. Ici, ce n’est pas une analogie entre poésie et image qui prévaut, mais bien la combinaison des deux qui constitue un dispositif argumentatif efficace. Cette recomposition iconographique qui touche autant l’image religieuse que l’image profane, celle des défenseurs de la Réformation, s’inscrit dans une stratégie de formation des identités confessionnelles. Elle est indissociable d’une importante redéfinition théorique du pouvoir princier.
Notes de bas de page
1 Sur la question, voir Naïma Ghermani, « Le portrait héraldique et ses stratégies politiques et confessionnelles dans l’Empire 1530-1550 », dans Signes et couleurs des identités politiques du Moyen Âge à nos jours, Acte du colloque de Poitiers 14-16 juin 2007, Rennes, PUR, 2008, p. 345-364.
2 M. A. Le Jonker Beelaerts van Blokland, « Quelques remarques sur le lion et l’aigle comme figures héraldiques », dans Recueil du septième congrès international des sciences généalogiques et héraldiques, La Haye, 1964, p. 95-107 et notamment p. 103. Les ressortissants immédiats de l’empire sont les princes ou les villes placés directement sous la tutelle de l’empereur, et non sous celle d’un autre prince ou d’une autre cité.
3 « Itaque licet definire locum esse argumenti sedem, argumentum autem, rationem quae rei dubiae faciat fidem », Cicéron, Topiques, I-5, (trad. fr. H. Bornecque), Paris, Belles-Lettres, 1960.
4 Jeffrey C. Smith, Nuremberg, a Renaissance city 1500-1800, Austin, University of Texas Press, 1983, p. 212, plaide pour une œuvre de commande. Christiane Andersson, From a Migthy Fortress : Prints, Drawings and Books in the Age of Luther 1483-1546, cat. exp., Detroit, Institute of Arts, 1983, l’interprète plutôt comme une œuvre pour le grand public devançant la demande du prince.
5 Warnke, art. cit., p. 190-205.
6 Horst Rabe, Reich und Glaubenspaltung. Deutschland 1500-1600, Munich, Beck, 1989, p. 385.
7 Sur le lien portrait et armoiries : Hans Belting, « Wappen und Porträt. Zwei Medien des Körpers », dans Büchsel et Schmidt (dir.), op. cit., p. 89-100.
8 Les armoiries de la Saxe électorale sont explicitées, avant la vogue des Genealogiebücher imprimés et notamment le missel généalogique de Johann Siebmacher, dans un manuscrit illustré de Jörg Rugenn (Innsbruck, Universität codex. 545 fos 34 v° et 36 r°). Johann Siebmacher, Wappenbuch, darinnen deß D. Römischen Reichs Teutscher Nation hoher Potentaten, Fürsten, Herren, und Adelspersonen auch anderer Standt und Stätte Wapen. And der Zahl über 3320 beneben ihrer Schilt und Helm Kleinoten, mit besonderm Fleiß erkündiget, und uffKüpffer stück zum Truck verfetigt durch Johann Siebmacher von Nürnberg. Der gleichen vorniemals aüßgegangen. Von mehrerm Inhalt diß ganzen Wercks findet man nothwendigen Bericht uffvolgendem Blatte, Nuremberg, Abraham Wagenmann, 1605.
9 Sur l’organisation et le sens des armoiries : Michel Pastoureau, Traité d’héraldique, Paris, Picard, 2003.
10 Articles « Ahnentafel » et « Ahnenwappen », dans RDK, I, p. 234 et suiv. La distribution entre branche agnatique et cognatique se répartissait selon le principe des nombres pairs et impairs. John H. Pinches, European Nobility and Heraldry, Chippenham, 1994, p. 78.
11 Sur le monument de Vischer à Wittenberg les armoiries sont au nombre de seize. Voir Smith, op. cit., p. 136 et suiv. Sur la portée confessionnelle du tombeau : Ghermani, « Die Grabmäler der sächsischen Kurfürsten… », art. cit., p. 276-290.
12 Sur ce traité fondateur, voir Osvaldo Cavallar, Susanne Degenring et Julius Kirshner, A Grammar of Signs. Bartola da Sassoferrato’s Tract on Insignia and Coats of Arms, Berkeley, Robbins Collection, 1994. Ce traité inspira directement Peter von Andlau et son De imperio RomanoGermanico (1460). Sur le développement du droit armorial dans l’Empire : Felix Hauptmann, Das Wappenrecht. Historische und dogmatische Darstellung der im Wappenwesen geltenden Rechtssätze. Ein Beitrag zum deutschen Privatrecht, Bonn, P. Hauptmann, 1896, p. 24 ainsi que son article « Wappenkunde », dans Georg von Below et Friedrich Meinecke (éd.), Handbuch der mittelalterlichen und neueren Geschichte, Berlin, Munich, Oldenbourg, 1914, 1, p. 6-8.
13 En 1552, dans la lettre de Restitution de Charles Quint à son ancien prisonnier Jean Frédéric de Saxe, l’empereur énumère les titres dont le vaincu dispose désormais et le droit d’utiliser les « écus et armoiries » qui en dépendent. Citée par Gustav Adelbert Seyler, Geschichte der Heraldik, Neustadt an der Aisch, Bauer & Raspe, 1970, p. 421-422.
14 Éphésiens, 5. Weder die hurer/noch die Abgötischen/noch die Ehebrecher/noch die Diebe/noch die geitzitgen/noch die Reuber noch die Mörder etc. Werden das Reich Gottes ererben. » Corinthiens I, 6 : « Der Leib nicht der hisrerey/sondern dem Hern/Wer an der hurn hangt/der ist ein Leib mit ir/Wer aber dem herrn anghangt/der ist ein Geist mit ihm » ; dernière citation : « Hierum ist der nicht ein Geist mit Gott nicht ein Christ/der an der huren hengt/und auch inn den andern bösen lastern/wie der von Braunschweig stecket. »
15 Chronika und Herkomen der Churfürsten und fürsten der Herzogen zu Sachssen/und Hernach der Stam und geschlecht der Herzogen zu Brunschwig und Lunenburg/welcher sich den Jüngern nennet : Daraus ein jeder Leser befinden wird/mit was offentlich ungrund/und unwarheit/derselbe von Braunschweig/sich elders herlommns gerhumbt… zusammen getragen/Durch/Georgium Spalatinum, Wittenberg, Georg Rhau, 1541, rééditée en 1553 à Wittenberg.
16 Jean-Marie Moeglin, Les ancêtres du prince, Genève, Droz, 1985.
17 Il s’agit de deux manuscrits, conservés à Coburg (Landesbibliothek ; Cas. 9-11) et Weimar (Thüringer Hauptstadt Archiv Reg. 020/21), 3 volumes. Voir Christiane Andersson, « Die Spalatin Chronik und ihre Illustration aus der Cranach Werkstatt », dans Lucas Cranach, ein Maler Unternehmer…, op. cit., p. 208-207.
18 Bierende, op. cit., p. 172-178.
19 Irmgard Höss, Georg Spalatin. Ein Leben in der Zeit des Humanismus und der Reformation, Weimar, H. Böhlaus, 1956, p. 409.
20 Dans les mêmes années 1540, Spalatin propose également ses talents d’historiographe à d’autres princes, notamment la maison de Prusse qui lui demande en 1540 l’établissement de sa généalogie. Celle-ci est, une quinzaine d’années plus tard, exploitée plus complètement dans les nombreux Genealogiebücher des Hohenzollern. Ibid., p. 413.
21 Spalatin puise, dès 1515, dans 189 recueils de sources auxquels s’ajoutent les pères de l’Église, la Bible, Aristote, Eusèbe, Salluste, mais aussi Erasme, Reuchlin, Poggio Fiorentino, etc.
22 Scheible, art. cit., p. 131-147.
23 Walter Rüegg (éd.), A History of the University in Europe, vol. 2, University in Modern Europe (1500-1800), Cambridge, Cambridge University Press, 1996, notamment p. 115-121 et p. 140-142 ; Notker Hammerstein, « Zur Geschichte und Bedeutung der Universitäten im Heiligen Römischen Reich Deutscher Nation », Historische Zeitschrift, 241, 1985, p. 287-328. H. Scheible, art. cit., p. 144-145, rappelle que le programme des études de l’université de Wittenberg exigeait un entraînement à la disputatio, toutes les deux semaines, d’abord dans les sciences naturelles puis à partir de 1533 à la faculté de théologie.
24 Il reste encore beaucoup à faire sur l’usage et le déchiffrement des frontispices notamment sur le rôle du portrait en frontispice au XVIe siècle. On peut toutefois renvoyer aux pages pionnières de Marc Fumaroli : « Sur le seuil des livres. Les frontispices gravés des traités d’éloquence », dans L’école du silence. Le sentiment des images au XVIIe siècle, Paris, Flammarion, 1994, p. 325-342 ; citons aussi Véronique Meyer, L’illustration des thèses dans la seconde moitié du XVIIe siècle, Paris, Paris-Musées, 2002 ; Florine Vital-Durand, Art et langage : les frontispices allégoriques de la science à l’âge classique, Mémoire de Master 2 (dir. Giuliano Ferretti) l’université de Grenoble II, 2007.
25 Valérie Hayaert, Mens emblematica et humanisme juridique. Le cas du Pegma cum narrationibus philosophicis de Pierre Coustau (1555), Genève, Droz, coll. Travaux d’Humanisme et Renaissance, 2008, p. 11.
26 Quintilien, L’institution oratoire, t. III, livre viii, trad. Henri Bornecque, Paris, Belles-Lettres, 1934, p. 110.
27 Ce dispositif est particulièrement patent dans les ouvrages de droit, comme le montre avec brio Valérie Hayaert dans « Mens emblematica et humanisme juridique. L’insertion d’emblemata dans l’édition Senneton du Corpus Juris Civilis (1548-1550) », Journal de la Renaissance, V, 2007, p. 301-322, ici tout particulièrement p. 303.
28 Daniel in lacu Leonum Dan.71
Exul abud medos Daniel virtute fideque
Creverat. Imperio. Consilioque valens
Cum regni proceres odio invidiaque furente?
Innocuo tecta fraude pericla steuunt
Non alia inventa est necis obvia causa futurae
Quam pietas sancti religioque ducis
Hanc quia volvit violare leonibus esca
Obiicitur daeus dilanianda feris
Angelus at domini fauces obstruxit edaces
Nec patitur dero viscera dente teri
In medio saluus fidei stat praeco leonum
Atque dei laudes pectore et ore canit
Ripitur tandem veteresque receptat honores
Clarior at procerum conterit ossa leo
In cruce fide deo vinces mala cuncta seo mortes
Praecipites Laquo quem fosuereruent;
M.D.LI
29 Passio. Wje der Durchleüchtigst Hochgeborn Fürst und Herr Johann Friedrich zu Sachsen des Hayligen Roemischen Reychs Ertzmarschalck und Churfürst etc. von Keyser Karol dem Fünften bekriegt und gefangen ist worden, Augsburg, Gegler, 1548.
30 « effigies illustrissimi principis Iohannis Friderici Ducis Saxoniae primi rc. Ad vivum exemplar expressa, anno aetatis ipsius XLIX. Climacterio, anno captivitatis anno Christi 1551 ».
31 Cernis in adversa facie nunc vulnus honestum,
Quod dux Saxoniae captus et exul habet.
Hoc pius accepit recti sibi conscius heros,
Pro lege et patria fortia bella gerens.
Huius ubi adspicies pictos in imagine vultus,
Quales heic Lucae dat tibi docta manus,
Quicunque es pietatis amans, ut leniat illi
Aerumnas crebra voce precare Deum.
32 Christensen, op. cit., p. 53.
33 Luther und die Reformation, op. cit., p. 275.
34 Sur ces questions voir: Lewis W. Spitz, « Luther’s Ecclesiology and His Concept of the Prince as Notbischof », Church History, 22, 1953, p. 113-141.
35 Siegrid Westphal, « Die Ausgestaltung des Kirchenwesens unter Johann Friedrich. Ein landesherrliches Kirchenregiment ? », dans Leppin, Schmidt et Wefers, op. cit., p. 261-280. Sur les ordonnances ecclésiastiques de Saxe voir : Emil Sehling (éd.), Die evangelischen Kirchenordnungen des XVI. Jahrhunderts, I, Sachsen und Thuringen, Tübingen, Mohr Siebeck, 1902.
36 Christin, Les yeux…, op. cit., p. 59.
37 Caspar Aquila, Eyn sehr hoch notige Ermanung/an das kleine blode verzagte Christlich heufflein/das sie in diesem erschrecklichem und letzten theil der zeit/Gottes ewig Wort frolich bekennen sollen/Wider des Teuffels Finsternus/Lugen und Mord gepredigt, Magdebourg, Michael Lotther, 1548 ; voir Irene Dingel, « Der rechten lehr zu wider. Die Beurteilung des Interims in ausgewählten theologischen Reaktionen », dans Luise Schorn-Schütte (éd.), Das Interim 1548/50. Herrschaftskrise und Glaubenskonflikt, (Schriften des Vereins für Reformationsgeschichte, 203), Gütersloh, Gütersloher Verlag, 2005, p. 292-311, ici particulièrement p. 303-304.
38 Meister H. M., Johann Friedrich der Grossmütige, Szenen aus dem Leben, après 1554.
39 Matthias Pohlig, Zwischen Gelehrsamkeit und konfessioneller Identitätsstiftung. Lutherische Kirchen- und Universalgeschichtsschreibung 1546-1617, Tübingen, Mohr Siebeck, 2007, p. 284 et suiv.
40 Ibid., p. 274.
41 Par exemple : Johannes Agricola aus Spremberg, Warhaffte Bildnis etlicher hochlöblichen Fürsten und Herren, welche zu der Zeit, da die heilige Göttliche Schrifft… Durch Gottes Gnaden wider an Tag komen ist, Regiert und gelebet haben, Wittenberg, Gabriel Schnellboltz, 1562. Sur ces questions : Olivier Christin, « Droit des images et devoir de mémoire : les hommes illustres du protestantisme », dans Olivier Christin, Confesser sa foi. Conflits confessionnels et identité religieuse dans l’Europe moderne, Seyssel, Champ Vallon, 2009, p. 145-161.
42 Gustav Adolf Benrath, « Die sogennanten Vorreformatoren in ihrer Bedeutung für die Reformation », dans Stephen Buckwalter et Bernd Moeller, Die frühe Reformation in Deutschland als Umbruch, Heidelberg, 1998, p. 157-167.
43 Volker Leppin, « Bekenntnisbildung als Katastrophenverarbeitung. Das Konfutationsbuch als ernestinische Ortsbestimmung nach dem Tode Johann Friedrichs I. », dans Leppin, Schmidt et Wefers, op. cit., p. 295-326.
44 Siegfried Bräuer, « Philippe Melanchthon et ses Loci communes de 1521. Une nouvelle méthode théologique pour une nouvelle situation », dans Jean-Marie Valentin (éd.), Luther et la Réforme. Du commentaire de l’Epître aux Romains à la messe allemande, Paris, Desjonquères, 2001, p. 257-273.
45 Olivier Millet, « La Réforme protestante et la rhétorique (circa 1520-1550) », dans Marc Fumaroli (dir.), Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne (1450-1950), Paris, PUF, 1999, p. 259-312.
46 Sur l’argumentation et surtout des Loci Communes dans les œuvres de Cranach, voir Frank Büttner, art. cit., p. 23-44.
47 Koerner, op. cit., p. 246.
48 Büttner, art. cit., voit dans nombre d’images luthériennes une « argumentatio » en images.
49 Lee W. Rensselaer, Ut pictura poesis. Humanisme et théorie de la peinture. XVe-XVIIe (trad. fr.), Paris, Macula, 1991, notamment p. 14-15.
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